Aéroport

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NOTRE ENQUÊTE

Supplément au journal du 23 avril 2015

Le succès fragile des aéroports wallons

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éritables icônes du développement industriel de la Wallonie, nos deux aéroports se trouvent à un moment-charnière. La Wallonie a investi un sacré paquet d’argent dans cette aventure. Grosso modo, la facture s’élève aujourd’hui à un milliard d’euros. Un investissement public énorme et qui est justifié par la nature de l’investissement : les aéroports ont dès le départ été désignés comme des « outils stratégiques » du redressement économique de la Wallonie. Et donc s’accompagner de la création d’emplois directement liés au développement aéroportuaire. De plus, à terme, ces deux

aéroports devaient s’émanciper de la logique de subvention avec laquelle ils avaient été créés. Quinze ans plus tard, l’heure du bilan a sonné et la question est délicate. Des milliers d’emplois ont effectivement été créés. À un rythme différent mais constant, les aéroports ont connu une belle croissance. Pourtant, les deux sociétés éprouvent des difficultés à faire une croix sur l’argent public. Elles peinent à concevoir une équation économique pourtant réclamée par l’Europe, traquant sans relâche les aides d’Etat au nom d’une concurrence qui ne soit pas faussée.

À défaut d’être en capacité de poser leur nouveau modèle économique, les deux aéroports wallons naviguent sous un ciel plombé. L’autonomie financière est pourtant inéluctable. Mais qui doit en payer le prix et comment ? Avec, corollaire naturel de cette question : les Wallons ont-ils le juste retour de ce milliard investi ?


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La question

JEUDI 23 AVRIL 2015

Des règles qui ont changé en cours de partie Dominique VELLANDE

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ela fait des années que la Commission européenne surveille l’aéroport de Charleroi. Le ressort de ces enquêtes – et des décisions qui leur font suite – pose le dogme d’une concurrence qui ne soit pas entravée. Rien à voir, donc, avec une utilisation parcimonieuse des deniers publics : ici, c’est le marché unique qui est en ligne de mire. Seulement voilà, les règles ont été modifiées en cours de route, l’Europe se montrant de plus en plus intransigeante à l’égard de ce qu’elle considère comme relevant des aides d’État. Ce qui signifie que tout en voulant traquer ce qui amènerait une distorsion de la concurrence, l’Europe a un peu faussé le jeu. Certains investissements publics qui auraient pu être douteux ont fait l’objet d’une prescription car jugés trop anciens. Une autre conséquence de ces enquêtes, c’est que les pouvoirs publics ont rivalisé d’ingéniosité pour continuer à mettre au pot mais le plus discrètement possible. Ce jeu du chat et de la souris a quelque chose de compréhensible. Il est pourtant singulièrement malsain dès lors que l’argent public prend des chemins de traverse mal éclairés avant d’être investi dans l’économie. À cet égard, il ne faut pas chercher bien loin pour admettre que les aéroports wallons ne sont pas des exceptions. ■

En novembre 2014, c’est une véritable douche froide qui tombait sur l’aéroport de Charleroi. Certes, ce dernier se savait au cœur d’une enquête de la Commission européenne à propos de l’argent public dont il bénéficiait. Mais manifestement pas au point de s’attendre à un loyer exigible par la Région passant de 3 à 15 millions. Personne ne le dit trop fort mais si la décision de l’Europe se confirme, l’aéroport de Charleroi a du plomb dans l’aile.

Charleroi plomb L’analyse

D

On marche sur des œufs La décision de la Commission européenne met les différents acteurs des aéroports dans une situation inconfortable et à la limite un tantinet antagoniste. Résumons : l’Europe estime donc que l’aéroport de Charleroi doit payer un loyer beaucoup plus élevé au regard de la taille de ses infrastructures. Ce loyer, elle doit le payer à la Sowaer, coupole des aéroports et bras armé de la Région pour sa politique aéroportuaire. En perte d’exploitation depuis sa création (mais c’est fort lié aux amortissements de ce qu’elle a investi), la Sowaer aurait bien besoin de ces millions supplémentaires. Mais en même temps, il n’est pas dans l’intérêt de la Sowaer qu’un de ses aéroports se casse la figure. Ceci est d’autant plus vrai que la Sowaer est susceptible de préfinancer l’extension du futur terminal de Charleroi, faute pour ce dernier d’être en capacité de le réaliser sur ses fonds propres. Or, c’est une donnée de base, la rentabilité de Charleroi tient à son développement et donc à la construction de son nouveau terminal. Même entre acteurs wallons, on marche donc sur des œufs…

ÉdA – Jacques Duchateau

La sanction

La Commission européenne cherche-t-elle des poux à la Wallonie ?

D.V.

ans la salle de réunion, dont les vitres donnent sur la piste de Charleroi, Jean-Jacques Cloquet ne cache pas sa lassitude. « Je ne comprends pas l’attitude de la Commission européenne. Elle nous demande de créer de l’emploi et ces emplois ont été créés. Et en plus, il s’agit d’une population jeune et moyennement diplômée. Nous sommes donc dans la cible. Et là, j’ai l’impression qu’on veut la mort des aéroports régionaux. » Le patron de l’aéroport de Charleroi n’a qu’à moitié raison car ce qu’il évoque correspond aux conséquences de la décision mais pas aux raisons de cette dernière. C’est en effet au nom d’un système faussant la concurrence entre les aéroports que Charleroi vient d’être sanctionné. En gros, la Commission juge que le loyer payé par l’aéroport à la Région wallonne pour les infrastructures qu’elle a financées est ridiculement bas. La note est salée : de trois millions, le loyer passerait à 15 millions par an. La sanction met l’équilibre économique de l’aéroport carolo en péril. Un comble lorsque depuis plusieurs années, les bénéfices se chiffraient en millions d’euros. L’amertume de Jean-Jacques Cloquet est compréhensible lorsqu’on sait qu’en toile de fond, c’est au départ de plaintes émanant de l’aéroport de Zaventem que la Commission européenne a enquêté puis sanctionné. Au dé-

part, ces plaintes étaient anonymes mais leur auteur a rapidement été démasqué lors d’une précédente enquête de la Commission. « Au lieu de voir la complémentarité que nous pouvions avoir avec l’aéroport national, ils nous bloquent complètement. Mais est-ce notre faute s’ils n’ont pas saisi l’opportunité du low cost pour leur propre développement ? » Concurrence déloyale À vrai dire, cela fait des années que l’aéroport de Charleroi est dans le collimateur des instances de la concurrence européenne. Une première décision avait sanctionné le véritable tapis rouge que l’aéroport carolo avait déployé pour convaincre Ryanair de se baser chez eux. Ce n’était pas gagné : d’autres aéroports régionaux, en France notamment, faisaient les doux yeux à Michael O’Leary, le patron irlandais de Ryanair. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre : les conditions dans lesquelles Ryanair a accepté de faire de Charleroi sa base aérienne sont (et restent) incroyablement favorables pour la compagnie. C’est d’ailleurs un secret de polichinelle. « Que ferait n’importe quel commerçant sinon faire un prix meilleur à son plus gros client. C’est ahurissant que l’Europe considère que tout le monde doit payer le même montant », com-


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JEUDI 23 AVRIL 2015

Le chiffre

LOY E R

15,5 millions à payer par BSCA

« On est d’accord de payer plus mais lorsqu’on examine la base des calculs de la Commission européenne, on s’aperçoit qu’elle a même intégré des investissements qui n’ont pas encore été réalisés. »

Comment l’Europe traque les aides d’État Les aides des États (ou des Régions) sont notifiées à la Commission La Commission valide ou bien corrige

J e a n - J a c q u e s C L O Q U E T, C E O d e B S C A

Les aides sont octroyées aux entreprises L’Europe peut ouvrir une enquête : - sur base d’une plainte - d’initiative La Commission juge qu’il y a entrave à la concurrence

La Commission ne voit pas de distorsion de concurrence

Les aides doivent être remboursées

Les aides sont validées

Recours possible devant le tribunal de l’Europe (Luxembourg) La décision est réformée L’aéroport de Charleroi a connu un succès fulgurant. Au point qu’aujourd’hui, le terminal est trop petit.

mbé par l’Europe mente Serge Kubla qui, à l’époque où il était ministre, amarra en 1997 Ryanair à l’aéroport de Charleroi. Qu’à cela ne tienne, la première décision européenne concernant les aides perçues par Ryanair sera finalement réformée à la suite d’un recours de la compagnie. Rien n’a dû être remboursé, les aides ayant été considérées comme liées à un développement économique réel pour la région. Aujourd’hui, c’est l’aéroport lui-même qui est frappé. Le recours qu’il a introduit devant la justice européenne ne sera pas traité avant plusieurs années. De surcroît, ce recours n’est pas suspensif : Charleroi doit donc casquer : des arriérés pour 2014 (8,7 millions) qui ont

déjà fait fondre les bénéfices escomptés pour l’année écoulée. L’aéroport carolo devra également augmenter de 12 millions sa redevance annuelle payée à la Région pour 2015, ce qui, potentiellement, le conduira à puiser dans ses réserves. À terme, c’est intenable. Surtout dans un contexte où la situation financière de la Région wallonne l’empêchera de compenser. Au contraire, tout en professant qu’elle ne veut pas laisser tomber « ses aéroports », la Région indique la direction à prendre : à brève échéance, Charleroi et Bierset devront voler de leurs propres ailes. C’est-à-dire sans soutien public. ■ D.V.

Un loyer multiplié par cinq ou par deux ? En 2014, l’aéroport de Charleroi devait en principe payer un loyer de 3,045 millions à la Sowaer (Société wallonne des Aéroports). Il n’était pas prévu de modifier ces conditions pour l’année 2015. Avec la décision de la Commission, ce loyer devrait pourtant passer à 15,578 millions. Un loyer quasiment multiplié par cinq. À Charleroi, passé l’effet de surprise, cette décision a été contestée. Certes, les gestionnaires de BSCA admettent que le loyer était un peu trop « avantageux ». « On est d’accord de payer davantage mais lorsqu’on examine la base des calculs de

la Commission européenne, on s’aperçoit qu’elle a même intégré des investissements qui n’ont pas encore été réalisés », explique Jean-Jacques Cloquet, patron de l’aéroport. Lequel a également pris sa calculette et, avec son équipe, a évalué un loyer qui, à ses yeux, serait équitable. BSCA estime que la redevance correcte ne devrait pas dépasser 7,5 millions. Soit tout de même le double de la redevance initiale. C’est payable, estime-t-on chez BSCA. Et surtout cela ne met pas en péril la pérennité de l’activité voire ses futurs investissements. La balle est désormais dans le camp de l’Europe. D.V.

La décision est confirmée

Recours possible devant la Cour de cassation Vice de procédure = décision cassée et dossier renvoyé devant la Commission

Pas de vice de procédure : décision maintenue

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Charleroi mais pas Liège

Pourquoi Bierset est-il épargné par l’Europe ?

L’

aéroport de Liège n’a jamais été inquiété par la Commission européenne. Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, c’est le fret (les marchandises) qui fait l’activité principale des Liégeois et non les passagers. Or, la concurrence y est différente de celle de l’activité passagers. Et ce, même si les Liégeois entendent être acteurs sur ce marché. On en parlera dans ce dossier. Mais la vraie raison, c’est que Liège n’a jamais vraiment fait de l’ombre à Zaventem : certes, l’aéroport bruxellois développe aussi une activité de cargo mais sans commune mesure avec celle que Bierset a construite et qui fait de lui le premier aéroport de fret en Belgique et le dixième en Europe. En clair, Zaventem n’a pas la capacité de rivaliser ni même de bloquer l’essor de l’aéroport liégeois. D’où l’absence de plainte dirigée contre l’aéroport et donc l’absence d’une enquête de la Commission. Cela dit, Liege Airport sera soumis aux mêmes règles en matière d’aides d’État. Et le principe d’un « self-supporting » donc une gestion de moins en moins subventionnée lui pend au nez. Certes, les Liégeois avaient d’ores et déjà anticipé en finançant eux-mêmes leur terminal passagers. La redevance qu’ils payent pour toutes les infrastructures financées par la Région n’a pas été querellée. Mais la Région lui a appliqué une réduction de 15 % dans ses subventions pour le service incendie. Une mission pourtant qualifiée de service public mais rognée à la faveur d’une réduction linéaire de la plupart des dépenses publiques, conformément à ce que la trajectoire budgétaire requiert. Pour Liège, c’est un million d’euros qui ne viendra pas dans les caisses et qu’il faudra financer sur fonds propres. ■ D . V.


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Le financement

En campagne électorale permanente ●

La question

JEUDI 23 AVRIL 2015

Quel est le retour économique de tout cet argent public ?

Dominique VELLANDE

P

our les aéroports wallons, la campagne électorale est permanente. Et même les gestionnaires de ces deux sociétés y participent activement. Avec pour résultat de transformer ces deux sociétés en symboles de la réussite wallonne. Et il est vrai que communiquer sur le nombre de passagers qui prennent l’avion, les tonnes de marchandises transportées ou les emplois créés, c’est tout de même plus aisé que de parler des pôles de compétitivité. Mais pour autant, la question d’une bonne évaluation d’un tel investissement public tient de la gageure. La plupart des parlementaires qui ont voulu le faire se sont cassé les dents tant le dossier est complexe. Complexe et même un peu sacré : qui aurait osé s’interroger sur l’envers d’un décor aussi dégoulinant de réussite sinon un grincheux ? Moralité, le contrôle parlementaire de ces deux outils stratégiques s’est souvent limité à des préoccupations sous-localistes sur les futurs investissements. Rarement. Beaucoup trop rarement sur le rapport coûts/bénéfices de la politique aéroportuaire wallonne. Entre le côté visionnaire dont la Région wallonne a fait preuve en se lançant dans cette aventure, le curseur a parfois flirté avec des stratégies purement électorales. Une forme de fonds de commerce où les partis au pouvoir, à l’unisson, ont toujours fermé la porte à la moindre contradiction. Au point, souvent, de se caparaçonner dans une singulière opacité. ■

La guerre des parkings Les parkings sont une rentrée financière importante pour l’aéroport de Charleroi : une dizaine de millions par an. Un fameux paquet et pourtant, l’aéroport est confronté à une concurrence qu’il estime complètement déloyale. « On est face à l’exploitation de parkings sauvages. Cela nous expose à un manque à gagner d’environ 10 % de nos recettes parking », soupire Jean-Jacques Cloquet, patron de Charleroi. Des procédures sont diligentées. « On a des dossiers à tous les étages du palais de justice », résume Cloquet. Mais la situation n’est pas simple. La preuve, c’est que voici quelques semaines, le tribunal a débouté l’aéroport dans un litige l’opposant à un exploitant de ces parkings dits sauvages. La Justice estimait dans ce cas que l’activité de l’exploitant n’était pas incompatible avec le principe de parquer des voitures sur son terrain. Mais le litige se corse aussi quand on sait que les personnes agissant de la sorte ne sont pas que des fermiers du coin qui saisissent l’opportunité de valoriser l’une ou l’autre de leurs prairies. On parle aussi d’un homme d’affaires très influent sur Charleroi et propriétaire de terrains aux abords de l’aéroport. D.V.

Un milliard d’euros pour 8 500 emplois créés L’analyse Lorsque de l’argent public est investi dans l’économie, il ne devient légitime qu’au moment où il s’accompagne de développement et de création d’emplois. Quel est le retour du milliard investi dans les deux aéroports ? La Banque nationale a étudié cela : 8 500 emplois ont été créés. Mais l’histoire n’est pas terminée.

C’

est normal : lorsqu’on qualifie les aéroports wallons de véritables poumons économiques, il faut des chiffres. Des chiffres qui témoignent que les activités aéroportuaires ont généré des emplois. Si on regarde les emplois de ces deux sociétés, on peut dire que Charleroi (BSCA) emploie 450 personnes tandis que 600 personnes bossent à Liege Airport. La différence s’explique : le transport de marchandises réclame plus de main-d’œuvre que celui de passagers. On pourrait dire qu’au regard du milliard investi, c’est plutôt cher payé. En réalité, le bilan se calcule également au prorata des emplois créés en périphérie de l’activité et directement liés à celle-ci. Pour Charleroi (chiffres 2012), la Banque nationale de Belgique les estime à 1 549 emplois directs (en ce compris les salariés de BSCA). On peut y ajouter les emplois indirects estimés à 1 474 unités. Soit 3 023 emplois au total. Pour Liège, la BNB recense 2 889 emplois directs et 2 644 indirects, soit un total de 5 533 emplois créés par l’activité aéroportuaire sur Liège. On peut donc dire que les deux aéroports wallons ont généré un total de 8 466 emplois. Tant du côté politique que des gestionnaires de l’aéroport, on revendique des chiffres plus élevés, notamment en calculant le nombre de badges d’accès délivrés. Ainsi, à Liège, le nom-

bre d’emplois recensés est plus élevé. La BNB estime qu’un badge ne signifie pas nécessairement un équivalent temps-plein. Il n’y a d’ailleurs pas lieu à polémiquer là-dessus : personne ne conteste que la promesse d’emplois créés a été tenue. La bataille des zones économiques L’enjeu des années à venir se trouve aux abords des aéroports. Charleroi a pris une longueur d’avance sur Liège et a déjà accueilli de nombreuses entreprises autour de son aéroport. Le site de l’aéropole en est d’ailleurs un fleuron. Au plan de secteur, il reste environ 33 hectares disponibles. À Liège, la réserve foncière est énorme : 470 hectares de terrains entourent l’aéroport. 386 d’entre eux peuvent être aménagés en zones d’activité économique. Le souci, c’est que plusieurs opérateurs publics se penchaient sur le berceau de ce développement économique. Avec des intentions pas toujours convergentes. Au risque d’une bataille rangée mais qui reste malheureusement larvée, le gouvernement wallon a tranché en faveur non pas des opérateurs locaux (Igretec à Charleroi et la Spi à Liège) mais de la Sowaer (Société wallonne des Aéroports). Cette société publique a reçu non seulement la propriété de ces terrains mais en plus la mission de les valoriser : cela signifie donc qu’elle doit en gérer les équipements, leur commercialisation (ou leur location) mais aussi en déterminer les futurs occupants. Officiellement, personne n’y trouve à redire. Officieusement, ça râle de part et d’autre. Surtout à Liège où, par tous les moyens, les gestionnaires de l’aéroport entendent avoir leur mot à dire. Et c’est un euphémisme. « Qui mieux que nous connaît la dynamique entre les entreprises potentiellement intéressantes pour le dynamisme de notre aéroport. Il est donc normal que Liege Airport soit à la manœuvre, même dans la commercialisation », explique Christian Delcourt, directeur de la communication à Bierset. Du côté de la Sowaer, on hausse les épaules : « Toutes ces opérations seront concertées en bonne intelligence. On ne va quand même pas leur mettre un magasin de chaussures ». Les prétentions de la Sowaer sont déjà annoncées : pour Liège : ces zones économiques sont susceptibles de créer 11 500 emplois directs. C’est énorme et ce n’est pas pour demain. ■ D.V.


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Le chiffre

DÉPENSES

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euros par passager dans les boutiques

« Qui mieux que nous connaît la dynamique entre les entreprises intéressantes pour le développement de notre aéroport. Liege Airport doit être à la manœuvre, même dans la commercialisation. » C h r i s t i a n D E L C O U RT ( L i e g e A i r p o r t )

L’emploi direct

dans les aéroports belges 1,7 %

Courtrai

0,6 %

Les aéroports ont attiré des entreprises sur les terrains voisins : une polarisation qui a aussi créé pas mal d’emplois.

Ostende

2,2 %

Anvers

12,6 % Liège

6,8 % Charleroi

76,1 % Zaventem

Ce graphique indique la proportion d’emplois directs générés par les aéroports en Belgique. Il montre la prédominance de Zaventem mais aussi le rôle moins important des aéroports flamands d’Ostende et d’Anvers. Les emplois directs sont ceux générés directement par l’activité aéroportuaire. Le nombre total d’emplois comprend également les emplois dits « indirects », soit des postes de travail liés généralement à de la sous-traitance Source : rapport de la Banque nationale de Belgique 2014

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Commerces

La boutique pour oublier que l’on a peur de l’avion

Photo News

À

Ne pas surestimer la création d’emplois Consultant chez DTZ (études internationales sur les développements immobiliers), Tamas Poslter insiste : les aéroports ont parfois tendance à surévaluer le potentiel de création d’emplois sur les terrains les entourant. Première raison, il faut distinguer des entreprises qui se créent vraiment de celles qui migrent. « Sinon, ce n’est pas de la création d’emplois mais un simple déplacement. » À entendre ce consultant, les aéroports représentent naturellement un levier propre à une telle migration. « Les entreprises voient que les aéroports concentrent des

investissements publics, notamment en matière d’infrastructures ou d’accessibilité. S’installer dans un tel périmètre offre une forme de sécurité. Mais cela n’a rien à voir avec l’activité aéroportuaire », explique Tamas Polster. Contrairement à Charleroi, il existe à Liège une importante réserve foncière autour de l’aéroport. « On peut y développer de la logistique, c’est même nécessaire. Mais dans des proportions mesurées. Liège ne sera jamais un gros hub européen », estime ce consultant. D . V.

voir la mine impassible des voyageurs dans un terminal, on a du mal à le croire : des études montrent pourtant que le succès commercial des boutiques d’un aéroport tient à l’anxiété. La peur de prendre l’avion serait donc étroitement liée à l’achat compulsif. L’emplette de dernière minute. Les aéroports l’ont très bien compris d’autant que dans l’imaginaire collectif, les boutiques sont associées à des taxes moins élevées. En réalité, la donne reste valable uniquement pour les vols intercontinentaux : les produits que l’on achète dans un terminal sont en fait généralement plus chers que dans les commerces habituels. Et puis, même à l’heure de l’euro (n’oublions pas qu’on est essentiellement dans des vols intra-européens), il y a ce réflexe archaïque de dépenser ce qui reste dans le portefeuille. Les aires de station d’autoroute l’ont également très bien compris. Les montants dépensés par passager dépendent très fort des aéroports et de leur clientèle. À ce jeu, les aéroports nationaux surfent plus facilement avec le luxe. À Charleroi, la clientèle moyenne est plus modeste et on ne fait pas la file avec une bouteille de Château Petrus à 1 000 euros le flacon. A Charleroi, on estime qu’un passager dépense entre 24 et 30 euros lorsqu’il est à l’aéroport. Ce n’est pas énorme mais via les concessions des commerces, l’aéroport peut compter sur des recettes de 8 euros par passager. Les gestionnaires estiment qu’il y a encore moyen de faire mieux et spéculent beaucoup sur l’extension du terminal pour accroître leurs recettes dites « non aviation ». ■ D . V.


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Dominique VELLANDE

L

es compagnies low cost mènent la vie dure aux compagnies classiques. Avec une équation économique dont les secondes ne sauraient s’accommoder. Le low cost fait table rase et chaque jour, absorbe des parts de marché du transport aérien à l’intérieur de l’Europe. Mais s’il est difficile de prévoir l’issue de cette bataille féroce, un autre danger menace l’Europe. En Asie et également en Afrique, l’explosion d’une nouvelle classe moyenne crée un immense marché. Les prévisions sont incroyables sur le nombre de personnes qui, demain, souhaiteront prendre l’avion. Les opérateurs européens assistent avec effroi à l’édification d’immenses aéroports à côté desquels nos grandes plateformes habituelles ont l’air de PME. Ces grands hubs, comme on les appelle, seront les plaques tournantes du futur transport aérien mondial. Ils deviendront de véritables check point des déplacements intercontinentaux. Face à ce déplacement quasiment inéluctable et cette polarisation aiguë du trafic aérien, quel sera l’avenir des aéroports, régionaux ou nationaux européens ? Le sujet est évoqué avec prudence. Et on peut le comprendre pour la Wallonie. Comment ne pas appréhender un scénario qui rappelle furieusement la vampirisation de notre sidérurgie ? Foncer tête baissée dans notre développement aéroportuaire a sans doute eu du sens il y a quinze ans. Le considérer avec un regard plus transversal pour ne pas dire plus global n’aurait rien de superflu. ■

Poule aux œufs d’or Il ne s’en cache même pas : Charleroi est une source de profits énormes pour Ryanair. Une véritable poule aux œufs d’or. À l’appui de ce succès financier, un régime de taxes aéroportuaires qui tient quasiment du symbolique. Un euro par passager transporté. À Liège, cette taxe est de 8 euros. Tandis qu’à Zaventem, on passe allègrement la barre des 20 euros. Ce sont les aéroports qui fixent le montant de cette taxe. Cette dernière se complète d’autres services payants, toujours à charge des compagnies. À Charleroi, on évalue à 8 euros (un euro plus les autres services comme le traitement des bagages) ce que rapporte un passager partant. A noter que cette taxe d’un euro est d’application pour l’ensemble des compagnies qui utilisent l’aéroport de Charleroi. Mais impossible de connaître les conditions préférentielles octroyées à Ryanair : tout se trouve dans des conventions commerciales strictement confidentielles. Outre ces 8 euros financés par les compagnies, les recettes se complètent de 8 euros via les concessions commerciales (boutiques, cafés…). Au total, cela fait plus ou moins 16 euros de recettes. Jusqu’à présent, cela suffisait pour générer pas mal de bénéfices. Mais on sait désormais que cet équilibre est rompu. D.V.

Les relations entre l’aéroport de Charleroi et Ryanair ont souvent été tantôt sereines tantôt houleuses. La compagnie irlandaise a assuré le succès de BSCA. Mais le patron de Ryanair, Michael O’Leary, n’a pas l’habitude de faire de cadeau. En choisissant les Carolos pour baser une partie de sa flotte, l’Irlandais a simplement choisi le plus offrant. Et il n’hésite jamais à rappeler ouvertement que ce confort doit être durable.

EDA - Jacques DUCHATEAU

Les enjeux

La question

Pays émergents : une menace comme pour la sidérurgie

Est-ce que Ryanair fait vraiment la loi à Charleroi ?

Une histoire d’am L’analyse

D

ublin. Printemps 2015. Dans le hall d’accueil des nouveaux bureaux de Ryanair, deux coursives mènent à l’étage. Au milieu, un grand toboggan. Le visiteur sait au moins qu’il pourrait repartir plus vite qu’il n’est arrivé. La symbolique ne s’arrête pas là : au premier se dresse un immense échiquier. Celui qui veut se mesurer à Michaël O’Leary doit se le tenir pour dit : sous des dehors fantasques, le patron de la compagnie aérienne est avant tout un stratège prêt à tout pour gagner. Gagner la bataille du ciel européen, d’abord. Et il est en passe de réussir. Il avait annoncé son intention de « faire exploser » les compagnies traditionnelles. Ces dernières avaient rigolé en le voyant débarquer avec son modèle low cost, tout droit venu des USA. Plus personne ne rit aujourd’hui : Ryanair est devenue la plus grande compagnie aérienne en Europe avec 90 millions de passagers transportés l’an dernier. C’est loin d’être fini : la compagnie irlandaise a commandé et va recevoir près de 300 nouveaux avions. Plus modernes, moins bruyants et surtout moins consommateurs de kérosène : ce dernier poste représente un tiers du coût. Le modèle Ryanair est basé sur une équation très simple : de gros budgets et des coûts réduits. Au risque d’écorner l’image un peu glamour de l’avion et transformer ce dernier

en bétaillère à hublots avec un personnel complètement exploité. Qu’à cela ne tienne, le passager s’en moque, fasciné à l’idée de prendre l’air pour quelques euros. Dézinguer les compagnies classiques, Ryanair y parvient, malgré – ou grâce à – l’arrivée de nouveaux joueurs dans l’univers du low cost. Plusieurs de ces nouveaux acteurs sont d’ailleurs des filiales de compagnies traditionnelles. Au risque de se casser la figure, elles imitent celui qu’elles avaient méprisé. L’Europe devient donc ce grand échiquier où les cases sont incarnées par ses 240 aéroports régionaux. Tous savent que leur développement est subordonné aux lignes que ces compagnies ouvrent ou ferment. Moins de 100 euros Flash-back. Charleroi.1er mai 1997. Ryanair a fini par dire oui aux Carolos. Les premières lignes rejoignent Dublin. Un tarif inédit, une compagnie quasiment inconnue et surtout un mode de fonctionnement aux antipodes des pratiques habituelles. À l’époque, un billet pour Dublin coûtait 3 990 francs belges. Moins de 100 euros. Mais ce n’était qu’un début. Lorsque Michaël O’Leary annonce son intention de baser quelques avions dans un aéroport régional, Charleroi se sent pousser des ailes. D’autres se pressent au portillon de la compagnie irlandaise qui s’amuse de tous ces soupi-


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Le chiffre

PREMIER BILLET

100

euros, c’était le prix à payer pour se rendre à Dublin

« Avoir des prétentions intercontinentales pour un aéroport régional me semble audacieux . Je ne connais d’ailleurs pas de compagnies low cost qui en font.»

Fret Liège Airport

Évolution du tonnage 482 121 406 525 326 877

Frédérik DUBROSKEZ (ULB)

7 879 1996

Ryanair est le plus gros client de l’aéroport de Charleroi. La compagnie estime donc qu’elle doit être chouchoutée.

561 000

2002

2006

2009

2013

Liège Airport :

Évolution du trafic passagers

299 043

315 293

235 609 165 940 108 126 1996

2002

2006

2009

2013

Aéroport de Charleroi :

Évolution du trafic passagers

3 937 187

6 786 163

2 166 915 1 271 596

210 727

amour et de haine rants, qu’ils soient français ou allemands. En janvier 2001, alors que l’espoir avait quasiment disparu, l’Irlandais sourit aux dirigeants de BSCA : c’est à Charleroi qu’il installera plusieurs de ses avions. Une aubaine qui n’a rien de symbolique : des avions basés, c’est la promesse de rentrées financières. Du moins en théorie car dans les faits, il est acquis que ce n’est pas pour les beaux yeux de Charleroi qu’O’Leary a dit oui. Des taxes réduites au strict minimum, des promotions assurées par l’aéroport pour les voyages de la compagnie : le panier des verroteries est bien garni. Pourtant (lire par ailleurs dans ce dos-

sier), la Commission européenne sera bien obligée d’admettre la légalité de l’effort de Charleroi et partant des finances de la Région wallonne. Quoiqu’étroite, la liaison entre l’aéroport de Charleroi et Ryanair tiendra toujours du rapport haine-amour. Et les quelques lignes que l’Irlandais a ouvertes il y a quelques mois à Zaventem ont glacé les gestionnaires carolos. Coup de canif dans le contrat ? Possible délocalisation ? On se rassure comme on peut : à Charleroi, on a fini par accepter qu’une infidélité ne conduit pas toujours au divorce. ■ D.V.

« Charleroi n’est pas un aéroport régional » Robin Keily est formel : « Il n’est pas question pour Ryanair de quitter l’aéroport de Charleroi. D’ailleurs, notre trafic y sera plus important en 2015 qu’en 2013, bien que Ryanair soit entre-temps devenue la deuxième compagnie en importance à l’aéroport de Bruxelles-National. » Le discours du directeur de la communication de la compagnie à coûts bas ne varie pas. Même quand on l’interroge sur l’évolution, à plus long terme, du marché « low cost ». Des analystes prédisent son glissement vers l’est européen : en pareil cas, un aéroport régional belge pourrait-il résister à la

concurrence de grands aéroports ? « Charleroi n’est pas un aéroport régional : c’est le deuxième aéroport de Bruxelles, avec plus de 6 millions de passagers annuels, et les 77 destinations qu’y offre Ryanair. » Dernier essai : et si les redevances d’atterrissage augmentent à Charleroi, comme le réclame la Commission ? Un des responsables de Ryanair rappelait il y a peu qu’au plus les redevances sont élevées, au moins un aéroport est attractif… : « Nous ne nous engageons pas dans la spéculation », conclut Robin Kiely. Phi. Le.

1998

2002

2006

2009

2013

L’avis d’un expert

Il est audacieux de penser à l’intercontinental

S

pécialiste du transport aérien, Frederic Dobruskez (ULB) estime que le low cost est un modèle qui ne fonctionne que sur les courts ou les moyens courriers. Cela signifie qu’à peu de chose près, l’Europe est l’unique pré carré de ces compagnies. « Des compagnies low cost qui font du long courrier, je n’en connais pas. » Ce professeur a failli être démenti lorsque, voici peu, Ryanair annonçait un vol pour New York au prix promotionnel de quelques euros. La compagnie a piteusement fait marche arrière. Erreur de communication ou effet d’annonce ? Ryanair aime faire parler d’elle. Cela dit, les courts courriers font 90 % du trafic aérien en Europe. Ce sont donc des vols essentiellement intra-européens. Mais une partie de ces vols sont en fait du « feeding », soit des navettes : c’est le cas de Liège, par exemple, qui amène des passagers à Munich d’où ils repartent pour des vols intercontinentaux. « Avoir des prétentions intercontinentales pour un aéroport régional me semble audacieux , explique Frédéric Dobruskez. L’émergence de grandes plates-formes en dehors de l’Europe risque de vampiriser des vols intercontinentaux. Pour les longs courriers, les avions sont plus gros. On va de 250 à 400 places. C’est difficile à remplir au départ d’un petit aéroport. Et donc l’idée est d’alimenter de grands hubs . Mais pour le low cost, c’est très compliqué à organiser car le système ne peut évidemment pas souffrir d’un quelconque retard. » Allonger la piste de Charleroi afin d’y accueillir des vols long courrier apparaît donc « audacieux » pour cet expert. Pour ce dernier, il s’agit d’un mauvais scénario. « D’autant que les nouveaux avions ont des moteurs plus puissants : la longueur des pistes devient donc un facteur moins essentiel », explique Dobruskez. ■ D.V.


8

Les actionnaires

Il y a vraiment trop d’actionnaires publics ●

La question

JEUDI 23 AVRIL 2015

Les pouvoirs publics ont-ils réussi l’intégration du privé ?

Dominique VELLANDE

U

ne réflexion sur l’actionnariat public des aéroports est en cours au gouvernement wallon. C’est du moins ce qui se murmure. Et c’est vrai qu’un toilettage, en période d’incertitudes, serait sans doute utile. C’est surtout le cas pour l’aéroport de Charleroi où on retrouve par exemple la Sogepa. Que vient-elle faire dans une société qui, jusqu’il y a peu, était en pleine croissance alors que la Sogepa a précisément pour objet social de s’investir dans les entreprises en difficultés ? Une raison historique, apparemment… On nous assure que ses parts seront bientôt revendues à la Sowaer. Même question pour Sambrinvest ? Ou même Igretec dont la participation est plutôt symbolique. Ne serait-il pas plus clair si tout l’actionnariat public était rassemblé sous une même bannière ? Ne serait-ce pas plus intelligent dès lors qu’un actionnariat toujours ouvert au privé reste le scénario le plus attendu ? Et ce même si des changements pourraient intervenir à leur niveau. Les aéroports sont à un momentcharnière. Une sorte de palier qu’ils doivent franchir pour assurer un développement qui ne soit plus ou quasiment plus subventionné. On n’en est pas là mais c’est la direction à prendre : les règles européennes et les économies que la Région wallonne doit faire vont dans le même sens. N’est-ce pas le moment opportun pour passer vers un modèle d’actionnariat plus clair et fatalement plus convergent ? ■

Pour qui les dividendes ? C’est dans les comptes annuels et les rapports de gestion que l’on peut trouver le montant des dividendes octroyés aux actionnaires. Pour 2013, Charleroi a généré 8,8 millions de bénéfices. Sur cette somme, 5,7 millions ont été distribués sous forme de dividendes. Belgian Airports (Save + ancien Holding communal) a ainsi reçu 1,7 million, la Sowaer 1,3 million, le solde se partageant entre la Sogepa et Sambrinvest. À noter que les réserves de Charleroi s’élèvent à 25,6 millions. Autre information, les 27 % de Belgian Airport représentent une mise de capital d’environ 11 millions d’euros. Pour Liège en 2013, le bénéfice atteint 786 358 € (soit 11 fois moins que Charleroi). Sur cette somme, 417 000 € ont été distribués en dividendes. La Sowaer en a perçu 100 000, le solde étant réparti entre Ecetia et les Aéroports de Paris (ADP) au prorata de leur participation au capital. Avec ses 25 %, les ADP ont une participation correspondant à un peu plus de 5 millions d’euros. D.V

Au budget de la Ré

L’actionnariat des aéroports wallons

84

est essentiellement public. Le gouvernement wallon y est

représenté par la Sowaer ainsi que

Charleroi (BSCA)

par d’autres opérateurs publics.

27,969 millions

Des actionnaires privés ont fait leur entrée tant à Charleroi avec Save qu’à Liège avec les Aéroports de Paris. Aujourd’hui, le rôle de ces

privés est controversé. A un point tel qu’il n’est pas certain qu’ils ont

Dividendes

Loyer BSCA

14,478 millions

1,299 millions

envie de poursuivre l’aventure. 150423TE

Une privatisation L’analyse

C

e que veulent vraiment les actionnaires privés des aéroports ? On n’en sait trop rien. Mais tout d’abord, posons la question : pourquoi privatiser, même partiellement les aéroports ? « Des opérateurs privés spécialisés dans le secteur aéroportuaire, c’était un gage d’une expertise que nous n’avions pas », répond André Antoine. C’est ce dernier qui a mis en piste le groupe Save, gestionnaire de deux aéroports en Italie. Mais Save n’est pas arrivé seul : sa prise de participation s’est effectuée via un consortium formé par les Italiens et le Holding communal. Personne ne s’est jamais vraiment appesanti sur la singularité de ce consortium même lorsque le Holding communal vola en faillite, entraîné dans la débâcle de Dexia. Les mandataires du Holding qui figuraient au conseil d’administration de l’aéroport carolo ont dû céder leur place au liquidateur. Mais là n’est pas le plus embêtant : le groupe Save lui-même fait depuis longtemps l’objet de critiques plus ou moins ouvertes. D’une part sur son apport réel et d’autre part sur les conditions financières de sa participation (voir par ailleurs). Il était convenu que le consortium SaveHolding communal (baptisé Belgian Airports) augmente sa participation en cours

de route : de 27 %, il pouvait grimper à 47 %. Mais cette montée en puissance a capoté lorsqu’il a fallu déterminer la valeur des parts. Belgian Aiports souhaitait racheter le solde à la valeur statutaire (soit la valeur de départ), la Région wallonne s’y opposait, en estimant que la croissance de l’aéroport avait été telle que ces parts devaient être réévaluées à la hausse. Les débats ont été soumis à la Commission d’arbitrage puis brutalement suspendus : le couperet de la Commission européenne était entre-temps tombé. Du coup, la « mariée » s’en trouvait moins jolie et les Italiens de Save convoitaient avec nettement moins de gourmandise une entreprise dont la rentabilité risquait de partir en vrille. Aujourd’hui, le patron de Save temporise (cf. ci-contre). Il faut d’abord, plaidet-il, obtenir une révision de la décision de la Commission Européenne. Une fois ce dossier définitivement tranché, le moment sera venu de reparler de la montée en puissance de l’administrateur privé du BSCA. Et entre-temps, il convient de faire le gros dos. Jean-Jacques Cloquet, le patron du Brussels South Charleroi Airport, le reconnaît volontiers : « Notre actionnariat est très hybride. Tout le monde ne défend pas les mêmes intérêts. Il faut vivre avec … »


9

JEUDI 23 AVRIL 2015

BÉNÉFICES

« Notre actionnariat est très hybride. Tout le monde ne défend pas les mêmes intérêts. Il faut vivre avec … »

Le chiffre

11

fois plus à Charleroi qu’à Liège

Aéroport de Charleroi 27,65 % SOGEPA

27,65 %

Belgian Airports

J e a n - J a c q u e s C L O Q U E T, CEO de Liege Airpor t

0,67 % SABCA

Actionnariat de

IGRETEC

84 millions

ons

BSCA

2,32 %

a Ré gion wallonne pour 2014

A

ACTIONNARIAT

Belgocontrol

Liège Airport

6,8 millions

26,374 millions

22,56 % SOWAER

19,16 %

Sambrinvest

Aéroport de Liège 50,36 %

24,10 %

Loyer Liège Airport

12,715 millions Dividendes 0,1 million

Actionnariat de

Sowaer

Liège Airport

21,231 milllions (isolations et rachats de maisons) 0,4 million (augmentation de capital)

n pas très réussie Liège : que veut ADP ? L’actionnariat du Liege Airport paraît moins compliqué. La Sowaer y représente également la Région wallonne tandis que là, il y a un actionnaire majoritaire : l’intercommunale Ecetia, filiale du groupe Nethys (ex-Tecteo) dispose de 50,36 %. De leur côté, les Aéroports de Paris (ADP) ont 25 % des parts de l’aéroport de Liège. À entendre les gestionnaires de ce dernier, la situation est plus saine qu’à Charleroi : ADP a réellement apporté un « plus » au Liege Airport et à plusieurs niveaux. Et ce, tout en ne disposant pas des mêmes privilèges financiers que les Italiens. Reste que les Aéroports de Paris semblent réfléchir à la pérennité de ce partenariat. Le nouveau profil de « développeurs » d’aéroports affiché par ADP ne cadre plus vraiment avec les enjeux liégeois. « ADP et Liege Aiport ressemblent à un couple qui va se séparer et qui examine ce que l’un et l’autre prendront dans la maison », nous dit-on. Nous aurions aimé en savoir plus mais ADP a refusé de répondre à nos questions. De même qu’il aurait été intéressant de connaître les intentions de l’actionnaire principal Ecetia. Stéphane Moreau, patron de Nethys, s’est dérobé au motif qu’il devait avoir une série de réunions stratégiques avec le management. Un management qui, par parenthèse, est lui aussi avec des questions sans réponses… ■ D . V.

ECETIA

SOWAER

25,54 %

Aéroports de Paris Management

150423TE

La réaction

Enrico Marchi : « Définir les investissements prioritaires » option avant de savoir ce que sera le cadre futur de l’aéroport. Enrico Marchi, vous présidez le groupe SAVE, actionnaire D’ailleurs, c’est l’intérêt même minoritaire du BSCA. Vous continuez à contester de la Région wallonne de conla décision de la Commission européenne, naître la valeur exacte de sa pardéfavorable à l’aéroport de Charleroi ? ticipation dans le capital de BSCA avant de décider de la Tout à fait. Je suis convaincu que la Commission, tôt ou céder, en tout ou en partie. tard, devra revenir sur cette décision. Parce que, à mon avis, elle l’a rendue sur base de chiffres qui n’étaient pas La SAVE n’envisage-t-elle pas plutôt de se retirer, corrects. Sans quoi elle n’aurait pas décidé de porter la re- à terme ? devance de 3 à 15 millions d’euros. Nous préparons no- Ce n’est absolument pas notre intention ! Nous croyons tre réplique, qui sera basée sur des chiffres beaucoup bien au contraire au potentiel du BSCA, qui est situé à un plus réalistes. Et je suis convaincu qu’elle modifiera sa endroit important, stratégique, en Belgique et en Europe. position. Mais cela n’interviendra pas avant un, deux, ou Alors que Bruxelles-National est un aéroport très cher, trois ans. l’aéroport de Charleroi a une zone de chalandise qui couvre tout le sud de Bruxelles, les Pays-Bas, et le LuxemEt entre-temps, que faire au BSCA. Ne plus y investir, bourg : ses perspectives de croissance restent grandes. par exemple dans un nouvel aérogare ? Notre administrateur-délégué, M. Signori, est souvent à Dans l’attente, il faut définir des priorités parmi les in- Charleroi et nous avons énormément d’échanges avec le vestissements programmés. En ce qui me concerne, je management de l’aéroport, qui fait du bon boulot. pense qu’il faut avant tout s’attaquer la décongestion de l’aéroport. Donc veiller à accélérer le temps d’enregistre- Et cette faiblesse structurelle, qui le fait dépendre ment des bagages, ainsi que leur récupération. Il serait d’un utilisateur essentiel ? sans doute également opportun de développer de nou- La situation n’est pas exceptionnelle : Ryanair est égaleveaux espaces de vente au sein de l’aéroport. ment l’opérateur principal de l’aéroport de Trévise, que nous détenons. Ryanair est une compagnie très profesLa SAVE ne paraît plus fort pressée d’augmenter sionnelle, dont les négociateurs sont très habiles. Ce sa participation dans le capital de BSCA… qu’il faut faire à Charleroi, c’est lui ajouter d’autres utiliLà aussi, il faut patienter, parce qu’on ne peut prendre sateurs… ■ ●

Inter view : Philippe LERUTH


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JEUDI 23 AVRIL 2015

Le public finance le privé Qui est privé et qui est public dans les aéroports ? La question est complexe. Les deux aéroports sont constitués en sociétés commerciales. Des entreprises privées, donc. Mais qui exploitent des infrastructures financées par les deniers publics. La Région wallonne, en l’occurrence. Cette « mixité » n’est pas propre aux aéroports wallons. Pour le rail, par exemple, on fonctionne de la même façon. La Sowaer (Société wallonne des aéroports) qui est une société publique, est responsable du financement des infrastructures, leur entretien et surtout leur développement. C’est elle qui a reçu la charge de viabiliser les terrains entourant les aéroports. C’est elle qui reçoit donc les moyens financiers de la Région wallonne et qui perçoit les loyers que lui payent les aéroports. La Sowaer était aussi responsable des aérodromes de Saint-Hubert, de Spa et de Cerfontaine. Ce dernier a été privatisé. Celui de Saint-Hubert est en voie de l’être. Pour Spa, c’est un peu plus compliqué en raison d’un litige avec la société qui exploite l’eau du même nom. Pour tout dire, personne n’a jamais imaginé que ces infrastructures pouvaient véritablement assurer un développement économique pour leur région. On peut même plutôt dire qu’elles représentent plus une charge encombrante dont la Sowaer serait ravie de se débarrasser. D.V.

Comprendre l’histoire des aéroports wallons, c’est d’abord se souvenir que l’on est parti de rien. Ou de presque rien. Face à l’effondrement de la sidérurgie dans les bassins carolos et liégeois, le monde politique a levé les yeux au ciel. En y trouvant la solution : si la Wallonie devait retrouver de l’air, c’est par le biais de deux beaux aéroports régionaux. Quitte à en payer le prix fort.

Reporters/ÉdA Jacques Duchateau

L’histoire

P

ersonne n’en doute : c’est le PS qui domine largement la politique aéroportuaire wallonne. La première particularité, c’est que si c’est le gouvernement wallon qui est officiellement chargé de cette politique, les grandes décisions sont beaucoup plus locales. En clair, les grandes décisions de BSCA se prennent dans le sérail carolo tandis que ce sont les Liégeois qui donnent le ton pour Liege Airport. Si on y ajoute la rivalité avérée entre les deux bassins, on peut imaginer que c’est par défaut que d’autres partis ont reçu le portefeuille ministériel de cette matière. Seule exception, l’ancien ministre André Baudson (PS) eut cette compétence mais à l’époque, les aéroports wallons n’étaient pas encore nés. Ils ont décollé sous le règne de Michel Lebrun (CdH) puis de Serge Kubla (MR). Ils ont pris leur vitesse de croisière pendant les deux législatures suivantes avec André Antoine (CdH). Pour l’anecdote, on retiendra que pour la seconde, Écolo faillit hériter des aéroports puisqu’ayant obtenu le secteur de la Mobilité. Cela ne dura que quelques heures et André Antoine reprit rapidement les aéroports sous son aile. On peut d’ailleurs observer que durant toute cette période, ce fut chaque fois un ministre géographiquement « neutre », c’est-àdire ni liégeois ni carolo qui obtint ce portefeuille. Le casting de la dernière législature fait exception : certes, le PS n’a toujours pas les aéroports mais le CdH Carlos Di Antonio est hennuyer. Un signe de changement dans les rapports de force ? ■

La question

Le PS a la main mais jamais le ministre

Mais pourquoi donc avoir investi dans des aéroports ?

Le politique a lev L’analyse

N

ous sommes au début des années 90. La Wallonie observe avec effroi l’effondrement de son économie et surtout de sa sidérurgie. Celle qui a porté notre région si haut et si loin est aujourd’hui moribonde. C’est dans ce contexte que naît la volonté de se lancer dans une politique aéroportuaire aussi audacieuse que volontariste. Certes, à cette époque, d’autres régions, notamment en France, adoptent le même engouement pour le transport aérien. Le monde politique n’a plus que ça à la bouche : le transport aérien sera le tremplin d’un redéploiement économique. Ces aéroports deviendront des pôles autour desquels viendront s’implanter de nouvelles entreprises. C’est donc une nouvelle dynamique qui démarre mais au départ de quoi ? Pas grand-chose. Gosselies a un champ d’aviation et un petit terminal. Ce dernier servira de berceau. À Bierset, c’est un aérodrome militaire, créé lors de la Première Guerre mondiale, qui sera convoité. La Défense nationale veut s’en débarrasser, ce qui tombe plutôt bien. Même si aucun accord n’en scelle le principe, le gouvernement wallon détermine la vocation des uns et des autres : Charleroi développera l’activité passagers tandis que Bierset se spécialisera dans le trans-

port aérien des marchandises. Le démarrage est lent pendant quelques années. Mais en 1996, nos deux aéroports vont décoller d’une façon fulgurante. Charleroi parvient à convaincre Michaël O’Leary d’ouvrir une ligne qui, deux fois par jour, reliera Charleroi à Dublin. À l’époque, le modèle low cost était tout à fait inconnu mais son modèle ne trompe personne : à moins de 100 euros le billet pour Dublin, les voyageurs se précipitent. La suite est connue. Ryanair se sent pousser des ailes. Sous des dehors fantasques, O’Leary est avant tout un redoutable négociateur. Pour le faire accepter de baser ses premiers avions à Charleroi, les politiques devront pratiquer un profil bas : l’Irlandais ne fait aucune concession sinon la possibilité, lorsque les contrats sont signés, de ne pas faire de l’ombre aux mandataires qui souhaitent se gargariser à propos de ce qui a été négocié. D’autres compagnies telles que Wizzair, Jet4You ou encore Jetairfly viendront compléter l’offre de Charleroi. Mais Ryanair garde le sourire : 8 passagers sont dix passent par ses avions. Liège : plus diversifié L’aéroport de Liège conjugue également son essor avec un premier et puissant client : TNT. Pendant plusieurs années,


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JEUDI 23 AVRIL 2015

Le chiffre

PAS SAG E R S

8

sur dix partent avec Ryanair à Charleroi

« Même si on a craint sa délocalisation, TNT reconnaît aujourd’hui que ses résultats à Liège ont dépassé ses espérances. » C h r i s t i a n D E L C O U RT, d i r e c t e u r de la communication à Liege Airpor t

Le prix d’un billet d’avion vu par Ryanair

Lait

L’ancien terminal de Gosselies sera le berceau avant d’être remplacé en 2006 par de nouvelles infrastructures.

v é les yeux au ciel cet opérateur de fret sera quasiment le seul à opérer sur la plateforme liégeoise. À la fin des années 90, pas moins de 90 % de la marchandise transportée se faisait sous le label TNT. Le rapport de force s’est équilibré avec l’arrivée d’autres compagnies (CAL, EL AL, Ethipian, Qatar Airways,…) et a abouti au fait que sur les 590 000 tonnes de marchandises qui sont passées par Liège en 2014, la moitié seulement est passée dans les mains de TNT. Le rachat possible de cette société (et sa possible délocalisation) donna des sueurs froides aux dirigeants liégeois. L’opération capota et

aujourd’hui, Liege Airport en parle avec le sourire. « TNT reconnaît que ses résultats ont été au-delà de ses espérances », observe Christian Delcourt, directeur de la communication de Liege Airport. On le lira ci-dessous, la diversification est aussi le maître-mot des Liégeois : l’activité passagers n’est plus un tabou et, régulièrement, des compagnies ouvrent de nouvelles lignes au départ de Liège. Sans compter les activités immobilières. Premier aéroport de fret en Belgique et huitième au classement européen, Liege Airport a un gros appétit. ■ D . V.

Le rachat de TNT par FedEx met-il Liège en péril ? Refusé à UPS par l’Europe, en 2012, le rachat de TNT Express pourrait être accepté pour FedEx. Le deuxième acteur du secteur opère à Paris-Charles de Gaulle et à Cologne, où il a investi 140 millions en 2010 dans de nouvelles installations : de quoi craindre pour l’avenir du « hub » liégeois de fret ?

« En conseil d’entreprise, nous n’avons pas obtenu réponse à nos questions, détaille Hassan Lyazghi, délégué FGTB chez TNT. Par rapport à Charles de Gaulle, Liege Airport permet de gagner 24 heures sur les long-courriers. Mais pour Cologne… ? ».

« Les 70 millions d’investissements pour le développement du “ hub ” liégeois ont été confirmés », rassure Yannick Docquier, secrétaire national de la CSC-Transcom. En rappelant que l’opérateur n’y subit aucune concurrence, et que les vols y sont autorisés « 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7 », pas à Cologne. Reste la question de la compagnie aérienne : TNT Airways, exclue du périmètre de reprise mais titulaire des droits d’atterrissage, pourrait être acquise par la Compagnie Maritime Belge, qui devrait alors traiter avec FedEx ? Phi.Le.

1985

2015

£

%

%

0,23

1,06

461

360

0,33

1,50

455

354

7585,00 19 995,00 264

163

208,00

90

19,98

Rapport Variation

10

Pour fêter ses 30 ans d’existence, début de cette année, Ryanair proposait un tableau comparatif destiné à montrer à quel point le billet d’avion a diminué avec l’arrivée du low cost. 150423TE

La dynamique

Libéralisation et low cost : les tremplins des aéroports régionaux

D

eux éléments permettent de comprendre le succès commercial, qu’il soit relatif ou pas, des aéroports régionaux. Le premier est lié à la libéralisation du ciel européen. Jusqu’alors, les compagnies nationales avaient le monopole complet du transport aérien. Le but était conforme au principe du « marché commun » rebaptisé plus tard « marché intérieur ». L’argument est resté inchangé depuis le départ : une concurrence est profitable tant aux citoyens qu’au développement économique. L’exemple de l’énergie a démontré que le dogme de la libre concurrence a quelques limites… Cette libéralisation a ouvert la porte à des opérateurs de type low cost, tels que Ryanair. Depuis 2005, ces compagnies se sont développées à un rythme accéléré et, en 2012, elles ont carrément détrôné les compagnies classiques en prenant davantage de parts de marché que ces dernières. Encore fallait-il que les opérateurs low cost puissent trouver où se baser. Ce n’est évidemment pas les aéroports nationaux qui allaient ouvrir grand leurs portes (et leurs pistes) pour les accueillir. Les opérateurs low cost ont donc plongé sur les aéroports régionaux. Les avantages étaient nombreux : ils étaient loin d’être saturés, leur activité réduite permettait de nombreuses rotations et, last but not least, les taxes aéroportuaires y étaient particulièrement basses. La segmentation « compagnies classiques/aéroports nationaux » et « compagnies low cost/aéroports régionaux » est en train de se briser. Car si au départ le low cost a certainement créé un marché, ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est surtout vrai dès lors que le low cost développe des places business. Son évolution tiendra donc davantage dans les croupières qu’il entend tailler dans le marché des compagnies classiques. ■D.V.


12

Conclusion

La citation

JEUDI 23 AVRIL 2015

« Le levier fiscal doit être utilisé avec précaution, étant donné la forte élasticité de Ia demande à ce critère compte tenu des possibilités de délocalisation d’activités vers des aéroports étrangers. » Extrait de l’étude stratégique de PWC, en 2012

Dominique VELLANDE

L

es syndicats sont les seuls à déplorer la rivalité entre les deux aéroports. Et ceux qui parlent de complémentarité en raison de vocations historiquement différentes (les passagers à Charleroi et le fret à Liège) sont les seuls à faire semblant d’y croire. L’hybridation de Liege Airport est en route depuis longtemps et seul, l’insuccès de son activité passagers permet de sauver les formes. Depuis le début, le gouvernement wallon est obligé d’équilibrer ses investissements sous peine de déclencher une guerre des bassins. C’est à qui aura la plus longue piste ou encore les plus beaux bâtiments. D’où l’importance d’un saupoudrage soupesé à l’aide d’une balance de pharmacien. À vrai dire, personne ne semble vraiment s’en préoccuper. Un peu comme si, définitivement, la principauté de Liège et le comté de Hainaut ne pouvaient accorder leurs violons. Comme si cette rivalité relevait d’une tradition wallonne contre laquelle on e sait rien faire. Un peu comme si l’absence d’une stratégie globale pour deux aéroports qu’à peine 70 kilomètres séparent a des racines trop puissantes pour être éradiquées. L’utilisation des deniers publics ne réclame-t-elle pas davantage qu’un constat aussi navrant ? ■

Sont-ils capables de grandir ensemble ? L’analyse La fuite en avant et séparément ? Ou bien grandir ensemble et de façon plus concertée ? En 2012, le gouvernement wallon avait acté ce que supposait la seconde option. Sans résultat.

P

as besoin d’un dessin pour le comprendre : nos deux aéroports ont grandi séparément. Persuadés qu’ils étaient que leur destin devait prendre des chemins différents. Les voilà aujourd’hui réunis face à un défi comparable : trouver un modèle économique qui les rende autonomes, en dehors de subventions dédicacées clairement et légalement à des missions de service public. Du côté de Charleroi, le mot d’ordre est donné : il faut doubler la surface du terminal. BSCA a d’ailleurs son

Taxes : quelles marges ? L’équilibre financier pourrait passer par le levier fiscal. Soit les redevances aéroportuaires payées par les compagnies. Le raisonnement est de bon sens : ces compagnies peuvent utiliser les infrastructures de Charleroi tout en payant des taxes dont on connaît le taux : il est ridiculement bas. Augmenter ces dernières de quelques euros par passager serait donc la solution. Mais, minute papillon, ces compagnies low cost, obsédées par la réduction des coûts à tous les étages, ont une allergie récurrente à ce type de scénario. Avec à la clé, l’habituel chantage à la délocalisation. À Charleroi, on considère que Ryanair aurait quand même quelques difficultés à « déplacer » une clientèle de 5 millions de passagers. Mais en sachant aussi que d’autres aéroports, notamment en France, sont aujourd’hui quasiment déserts pour avoir surestimé leur rapport de force avec les compagnies low cost. D . V.

ÉdA – Jacques Duchateau

Une rivalité qui nous coûte cher

La Région wallonne est-elle capable d’imposer une vision plus concertée entre les deux aéroports ?

permis en poche. Quant au financement (90 millions d’euros), on verra. Que l’actionnaire minoritaire (Save/Holding communal) freine des quatre fers n’y changera rien. À Liège, la méthode suivie ne réclame pas autant d’investissements. L’aéroport liégeois tente avec une énergie décuplée de forcer la porte de niches possibles pour rentabiliser son terminal. Mais il lui faudra des années avant de l’occuper à la hauteur de ses capacités.

mun » des capacités. Ce qui reviendrait à dire aujourd’hui qu’une part des passagers qui partent aujourd’hui d’un aéroport carolo saturé devraient plutôt déposer leurs bagages dans le terminal liégeois. Pour y parvenir, PWC proposait même une fusion tout en admettant que la structure de l’actionnariat rendait l’opération compliquée. Participations croisées ? Conventionnement entre les deux sociétés ? Plusieurs pistes étaient soulevées.

Mise en commun

Le silence du gouvernement

Attendre et voir ? En 2011, le gouvernement wallon avait chargé le consultant PWC de réaliser une étude stratégique. Les conclusions étaient sans appel : la Région wallonne doit absolument obliger les deux aéroports à travailler de concert. PWC estimait par exemple qu’il était vain que Charleroi tente de développer le fret. BSCA a quand même entrouvert la porte d’une telle diversification mais sans grandes prétentions. La question des passagers, c’est plus complexe puisque les deux aéroports ont un terminal. Le consultant suggérait toutefois une « mise en com-

Globalement, on peut dire que cette étude n’a pas fait bouger les lignes. Ou si peu. Elle a même été conspuée par les deux aéroports et par une partie du monde politique. Avec pour résultat qu’on peut franchement parler d’un stand-by dans la stratégie. Jusqu’à cette décision de la Commission européenne (le loyer de BSCA qui passe à 15 millions) qui doit ou en tout cas devrait rebattre les cartes. Tous les acteurs s’observent avec défiance. A priori, l’initiative devrait revenir au gouvernement wallon. Son silence sur la question en dit long sur sa capacité ou sa volonté d’agir. ■D.V.


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