SUPPLÉMENT AU JOURNAL DU 5 MARS 2016
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DEVENIR PROPRIÉTAIRE
La fin d’un fantasme
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SAMEDI 5 MARS 2016
Les fausses bo
M O D E D ’ E M P LO I
La propriété en débat Thierry DUPIÈREUX
L
a dossier que nous vous proposons, ici, s’érige volontairement en sacrilège face à certaines idées bien bétonnées dans nos convictions. Et si finalement, le fait d’acheter la maison dans laquelle on vit était un mauvais plan ? Et si finalement, devenir propriétaire de son logis répondait à d’anciennes règles qui ne sont plus de mise aujourd’hui ? Après un long travail de recherche enrichis d’entretiens éclairants, nous avons démonté certains poncifs et certitudes qui font partie d’un véritable patrimoine culturel construit autour de cette célèbre brique que le Belge a forcément dans le ventre. Tout au long de cette enquête, vous allez sans doute être étonnés, interloqués, ébranlés voire choqués par les arguments et les raisonnements avancés. C’est un des buts recherchés. Celui de vous faire réagir sur un sujet qui même, ici, à la rédaction, a alimenté des débats fort animés et argumentés. Bonne lecture. ■
LE CAST I N G D E S E X P ERTS Questionner l’accès à la propriété et en interroger les fondements et croyances qui lui sont accolés réclamait une assise forte. En bref, suffisamment d’experts et de disciplines capables de déconstruire l’articulation culturelle de la propriété. Capables d’argumenter contre des convictions qui, pour les Belges, sont très puissantes. Ces experts interviendront durant toute cette semaine. Ils savent qu’une partie de leur discours est difficilement audible parce qu’à contre-courant de l’idéologie de la propriété. De surcroît au moment même où des milliers de visiteurs déambulent avec des yeux pleins de rêves au salon Batibouw… Roland Gillet Professeur d’économie et finances à la Sorbonne ainsi qu’à l’ULB (Solvay). Il est aussi expert au niveau international.
Nicolas Bernard Professeur de droit spécialisé dans le logement à l’université Saint-Louis.
Philippe Defeyt Président du Conseil supérieur du logement.
Didier Noël Conseiller scientifique à l’Observatoire du crédit et de l’endettement.
Sébastien Pradella Directeur du Centre d’études en habitat durable.
Romain Duvivier Économiste à l’Observatoire du crédit et de l’endettement.
Jacques Teller Professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’université de Liège.
Bénédicte Delcourt Présidente du syndicat national des propriétaires.
Nathalie Ombelets Directrice de la Société wallonne du crédit social.
Laurent Nisen Professeur de sociologie et droit de la personne âgée à l’ULg.
DEVENIR PROPRIÉTAIRE :
LES FAUSSES BONNES RAISONS D’ACHETER SA MAISON
la fin d’un fantasme L’AN A LYS E
Et si devenir propriétaire de sa maison n’était plus ce qu’il y a de mieux à faire aujourd’hui ? Et si tout ce qui nous poussait à en caresser le rêve se nourrissait avant tout d’illusions ? Sur le plan financier, le professeur Roland Gillet tire le premier coup de semonce. ●
Dominique VELLANDE
F
aites le test dans votre entourage en posant la question : « As-tu fait une bonne affaire avec l’achat de ta maison ? » Invariablement, la réponse sera affirmative. Ce qui confirme le principe solidement ancré dans notre culture qu’être propriétaire est toujours nettement préférable que d’être locataire. Un investissement
hin255 – Fotolia
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Le premier argument du propriétaire, c’est que son achat est d’abord un investissement. Rentable de surcroît. C’est le professeur Roland Gillet qui s’autorise le premier coup de pioche dans nos croyances. « L’achat d’une maison répond le plus souvent à un instinct de consommation et ne peut donc être considéré comme un investissement au sens strict. » Suit le coup de massue : « C’est donc avant tout une logique de plaisir. Comme celui de s’acheter une belle voiture ou un beau bijou. » Une plus-value Faisons le gros dos. Il y a une belle plus-value tout de même ? Impitoyable, Roland Gillet tacle calmement : « Le particulier pense faire un calcul de rentabilité mais c’est souvent de façon peu rationnelle et erronée. Seuls les investisseurs immobiliers font ce calcul. Le particulier confond souvent sa capacité à rembourser son crédit avec l’idée de rentabilité. »
Le Belge a toujours une brique dans le ventre mais elle lui pèse de plus en plus lourdement sur l’estomac…
ment décontenancé, le professeur tient sa repartie : « La maison prend effectivement de la valeur à moyen et long terme à cause de l’inflation. Mais on se leurre dans beaucoup de cas dans l’obtention d’une véritable plusvalue. » Un symbole Au final ? « Votre maison est juste un signe extérieur de richesse, de réussite. C’est d’ailleurs curieux de constater que les gens parlent de leur maison même quand la banque en est encore propriétaire à 70 % », sourit Roland Gillet. Des phénomènes inquiétants
Mais pourquoi donc saper avec autant de conviction ce rêve du Belge qui a une brique dans le ventre ? « Parce qu’il y a des phénomènes très inquiétants qui montrent que cette logique d’acquisition est de moins en Un marché en hausse moins une stratégie adéquate et de Bien. Et que dites-vous d’un moins en moins rationnelle. Le marché immobilier qui n’ar- premier élément, c’est que les menrête pas de grimper ? Nulle- sualités que les jeunes consacrent
« Il y a des phénomènes très inquiétants qui montrent que cette logique d’acquisition est de moins en moins une stratégie adéquate et de moins en moins rationnelle. »
pour rembourser n’arrêtent pas de grimper à l’intérieur du budget du ménage », explique le professeur. Lequel tient ce discours difficilement audible à longueur de conférences. « Les gens qui m’ont écouté tirent un peu la tête lorsque j’en conclus que si on prend les études de l’OCDE estimant que le marché immobilier belge est largement surévalué en Belgique et que les loyers grimpent beaucoup moins vite, j’en conclus que l’on a très souvent intérêt à louer si on ne voit que la rentabilité financière. » Mouton de Panurge Ainsi donc, devenir propriétaire tiendrait plus de l’histoire du mouton de Panurge. « Non, la seule bonne question, c’est de se demander avant d’acheter si on a réellement les moyens de faire ce type de choix de consommation de logement . Et ce calcul, très peu de personnes le font », rétorque Gillet. Qui cite une étude sur le comportement des gens au gré de l’évolution du marché immobilier. « Quand le prix des maisons est à la hausse, les gens se sentent plus riches et consomment plus. Quand il est à la baisse, les gens font plus attention. Et pourtant, dans les deux cas, leurs revenus sont identiques. » Vu comme ça… ■
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bonnes raisons d’acheter sa maison
S R
CETTE MAISON
QUI DÉVORE TOUJOURS PLUS VOS REVENUS
VIE DE FAMILLE :
LES NOUVEAUX PIÈGES DE LA PROPRIÉTÉ
ACHETER, UN PARCOURS
DE PLUS EN PLUS BROUILLÉ
Prix moyen habitation
Revenu moyen par habitant
1995 71765
13522
Prix moyen habitation
Revenu moyen par habitant
2014 223138
20419
ET SI LES LOCATAIRES
ÉTAIENT MIEUX LOGÉS ?
Années de revenu disponible pour acheter son habitation
5 ANS Années de revenu disponible pour acheter son habitation
10 ANS
L’AVIS DES EXPERTS INTERVIEW
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INTERVIEW
Roland GILLET
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« La banque se soucie peu de la rentabilité de votre achat »
« La propriété n’est pas le signe de la richesse d’un pays »
ment courant mais qui ne c’est le fait de pouvoir léguer un tient pas la route. patrimoine à ses enfants. Qu’en
élevé, ce sont la Roumanie, l’Albanie et au sud, c’est l’Espagne. A contrario, là où il y a le moins de propriétaires, c’est l’Allemagne et la Suisse. Il s’agit donc d’un lieu commun.
pensez-vous ?
Que pensez-vous de ceux qui comparent les mensualités d’un prêt avec le loyer d’un bien comparable ?
Professeur d’économie à l’ULB (Solvay) et à la Sorbonne. On se dit : « Si ma banque me prête l’argent, c’est que je fais une bonne affaire »…
Ni co la s B E R N A R D
L’argument est très fréquent et la conclusion toujours identique : ils disent qu’il n’y a pas photo. Pour eux, c’est plus intéressant d’acheter. Mais ce raisonnement est totalement erroné : ils oublient les frais liés à l’achat ou encore les fonds propres qu’ils ont mis en amont ou lors de travaux d ’ a m é n a g e m e n t . S a n s compter que les gens confondent alors le remboursement du capital avec celui des intérêts.
En réalité, la banque se soucie très peu de la rentabilité financière de votre achat. Elle veut juste préserver ses intérêts et récupérer ce qu’elle a prêté. C’est donc de nouveau un raisonne- Un autre argument répandu,
On constate aujourd’hui que de plus en plus d’achats sont liés à des maisons à rénover. Ce sont donc déjà de vieilles maisons. Est-ce vraiment rationnel de spéculer sur le fait que cette maison prendra toujours de la valeur ? Est-ce vraiment raisonnable alors que les technologies dans les nouvelles constructions évoluent terriblement ? Que vaudront ces vieilles maisons sur le marché dans vingt ans ? Quelle sera leur valeur par rapport à des biens construits avec des matériaux performants, notamment par rapport à l’isolation ? Poser ces questions, c’est déjà un peu y répondre. ■ D.V.
Pourquoi le Belge incarne-t-il cette brique dans le ventre ?
Professeur de droit spécialisé dans le Logement, à Saint-Louis. Nicolas Bernard, la Belgique est fière avec son taux de 70 % de propriétaires…
C’est un pli culturel. On considère souvent que le taux de propriétaires est l’un des marqueurs de l’opulence d’un pays. Or, si on regarde en Europe, les pays où ce taux est le plus
Cela nous vient du début du XXe siècle. Le pouvoir politique a eu l’idée de tenir l’ouvrier dans les rets d’un emprunt hypothécaire. C’était un gage de stabilité. Le message était : « Tu vas filer droit et tu dois bosser car la moitié de ta paie doit rembourser ta maison. » L’accès à la propriété, c’est donc un gros fil à la patte.
cette idée puisse encore persister ?
On est allé trop loin. Remarquez que le taux de propriétaires ne bouge plus depuis vingt ans. On est loin des « trente glorieuses » où ce taux ne cessait de grimper. Avec pour résultat une forme d’appauvrissement pour certains...
C’est vrai. On a connu l’émergence des « travailleurs pauvres ». On voit aujourd’hui arriver des « propriétaires pauvres ». Le système continue de s’alimenter et la presse y contribue. Les articles sur la hausse de l’immobilier sont un message : « Dépêchezvous d’acheter tant qu’il est Mais comment expliquer que encore temps. » ■ D.V.
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Cette maison
AVA N T D E L I R E
Quatre idées pour comprendre ●
Dominique VELLANDE
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C OMMENTAIRE
par D ominique VELLANDE
Comment expliquer que le taux de propriétaires reste stable malgré la difficulté d’y accéder ? La réponse se ramasse dans la célèbre formule anglaise : « Small is beautiful ». Les jeunes ménages ne savent plus s’offrir la villa quatre façades clé sur porte ? Qu’à cela ne tienne, on s’achète une plus petite maison quitte à devoir en étaler sa rénovation pendant plusieurs années. Mais ce qui est fabuleux, c’est que ce qui pourrait apparaître comme une contrainte (la difficulté grandissante d’acheter) devient une « tendance ». Une forme de modernité ou de rationalisation a posteriori. L’évolution du prix des terrains est devenue complètement folle ? Eh bien la rénovation devient une valeur forte. Il suffit de voir les parkings, le samedi matin, des magasins de bricolage pour s’en rendre compte. Et voilà une première réponse qui montre comment un système fondé sur la croyance que devenir
propriétaire est immanquablement une bonne affaire se pérennise : l’ensemble des convictions s’adapte aux contraintes et la valeur reste intacte. Ce qui se cache derrière des façades de plus en plus rafistolées, on préfère ne guère en parler. On pourra même s’étonner du fait que plus de 44 000 Belges sont en contentieux avec leur crédit hypothécaire. Alors que les observateurs les plus éclairés sentent que quelque chose est en train de bouger, comment expliquer que l’on dispose de si peu d’études, de si peu de statistiques sur le confort financier « réel » des jeunes ménages ayant acheté leur maison ? Des ménages ou des personnes seules qui sont certes propriétaires mais qui flirtent avec la précarité tous les jours. Comment le comprendre autrement que par la volonté que personne ne veut le savoir ?
La sobriété, c’est tendance
Les refinancements ont explosé La baisse des taux hypothécaires a conduit de nombreux Belges à renégocier leur crédit. Ce qui, facialement, a donné lieu à une véritable explosion de nouveaux crédits hypothécaires. « Les banques disent que la vague est passée mais je pense qu’il y a encore pas mal de propriétaires qui auraient intérêt à renégocier », explique Romain Duvivier. « Au départ d’une différence d’un pour cent, cela peut devenir intéressant ».
On notera aussi que 2015 s’est caractérisé par un grand nombre de prêts à tempérament souscrits pour financer des travaux de rénovation. L’explication est simple : le taux de TVA réduit à 6 % n’est valable depuis le 1er janvier de cette année que pour les maisons de plus de dix ans et non cinq ans comme cela se pratiquait antérieurement. Il y a donc eu un effet d’aubaine. D.V.
LES FAUSSES BONNES
DEVENIR PROPRIÉTAIRE :
RAISONS D’ACHETER SA MAISON
la fin d’un fantasme L’AN A LYS E
Le taux de crédits hypothécaires défaillants reste stable : 1,54 % des propriétaires sont « fichés » à la Centrale des crédits. Mais attention aux conclusions trop rapides : la dette des personnes en difficulté est croissante et on assiste aussi à un endettement « dérivé ». Explications. ●
Dominique VELLANDE
D
émarrons donc par ce qui pourrait passer pour une bonne nouvelle : ceux qui ne parviennent plus à rembourser leur maison ne sont pas de plus en plus nombreux. En 2015, 44 700 Belges étaient recensés pour un crédit hypothécaire défaillant. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas que ces difficultés aboutissent toutes à la vente forcée du bien : il y a des situations conjoncturelles qui trouvent des solutions. « Mais nous disposons de peu de statistiques sur la trajectoire des personnes en difficulté », explique Romain Duvivier, économiste à l’Observatoire du crédit et de l’endettement. Des informations notamment sur les propriétaires qui ne sont pas fichés à la Centrale du crédit mais qui ont le couteau sur la gorge. « Je suis certain que c’est plus dur pour un tas de ménages mais ils s’accrochent et font d’énormes sacrifices »
Artur Henryk - Fotolia
econd volet de notre enquête consacrée à ce qui nous pousse tellement à vouloir acheter notre maison. Avec une face sombre : l’endettement des ménages de même que les contentieux. Qu’en retenir ? 1. Le taux de dossiers en contentieux n’évolue pas vraiment. Il est d’environ d’1,54 %. Cela représente un peu plus de 44 000 Belges qui sont en retard de paiement. 2. La dette des ménages en difficulté a, elle, considérablement augmenté. Entre 2007 et 2015, le montant de l’encours a augmenté de 35 %. 3. L’endettement connexe au crédit hypothécaire a augmenté en proportions considérables. L’hypothèse la plus plausible : c’est que les gens puisent dans toutes les autres formes de crédit avant de renoncer à rembourser leur crédit hypothécaire. 4. Le nombre de crédits sociaux a chuté depuis 2009. La Société wallonne du crédit social l’explique par le fait que les conditions d’accès à ces crédits sont devenues plus strictes : désormais, seules les personnes qui ont été refusées par les banques peuvent en bénéficier. ■ D.V.
Parce qu’il leur est difficile de s’acheter une maison construite à neuf, beaucoup de jeunes ménages se tournent vers des maisons à rénover.
pas cette image qui est véhiculée dans l’imaginaire collectif. A priori, on considère toujours que le jeune propriétaire est avant tout quelqu’un d’heureux vu qu’il a su acheter sa maison ».
Une dette qui a doublé
Le dernier qu’on ne rembourse pas
« Ce qui est acquis, c’est que l’encours, soit ce qui reste à rembourser comme capital a augmenté beaucoup plus vite que les revenus », explique cet économiste. Entre 2007 et 2015, le montant représentant le contentieux a augmenté de 35 %. En chiffres absolus, le ménage en incapacité de rembourser avait une dette moyenne de 14 850 euros. En 2015, cette dette est passée à 29 948 euros. L’arriéré a donc doublé depuis 2007. Une situation moins confortable mais qui s’explique par la baisse des taux d’intérêt. Et l’augmentation des fonds propres que ces ménages ont libérés lors de l’achat ne neutralise pas cet effet. « Cela crée donc un système en tension croissante : les primo--acquérants mettent leurs économies dans l’achat , sont donc au ras des pâquerettes et la part de leur revenu consacrée au remboursement augmente », poursuit Romain Duvivier. « Évidemment, ce n’est
À l’Observatoire du crédit et de l’endettement, on a aussi diagnostiqué un endettement « dérivé » du crédit hypothécaire. « Vu les moyens dont dispose le créancier hypothécaire, la banque donc, c’est le dernier crédit que l’on ne rembourse pas », analyse Didier Noël, conseiller juridique. « On va d’abord aller jusqu’à épuiser tous les autres crédits disponibles avant d’accuser les premiers retards pour rembourser sa maison. Et alors, c’est le plongeon total car la situation est inextricable ». Ce phénomène se confirme par l’augmentation des emprunteurs défaillants dans les ouvertures de crédit : alors que les prêts hypothécaires ont augmenté de 23 % entre 2007 et 2015, celui des ouvertures de crédit a fait un bond de 67,5 % durant la même période. Mais ce « plongeon » traduit-il de véritables erreurs de gestion de la part des emprunteurs ? « Cela peut arriver mais ce n’est
pas uniquement cette cause. Je pense aussi qu’en amont, le crédit n’est parfois pas octroyé avec suffisamment d’anticipation. Cela se constate en aval du prêt hypothécaire lorsqu’il faut acheter une voiture ou financer des travaux. Ces coûts n’avaient pas été suffisamment pris en compte », explique Didier Noël. « Je n’ai pas envie de choquer les banques mais franchement, en une heure voire deux heures, on peut correctement analyser le budget d’un ménage. Les banques se disent de bon conseil mais il y a certaines choses qu’elles ne détectent pas faute d’avoir pris le temps ».
On épuise tous les autres crédits disponibles avant d’arrêter de rembourser sa maison. Un chiffre résume la situation : de nombreux crédits ne respectent plus la règle du plafond des 30 % des revenus. Aujourd’hui, ce plafond se substitue dans beaucoup de cas à un seuil minimal de revenu hors remboursement : 1 250 euros. Ce n’est pas bien lourd... ■
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on qui dévore vos revenus VIE DE FAMILLE :
CETTE MAISON
QUI DÉVORE TOUJOURS PLUS VOS REVENUS
ACHETER, UN PARCOURS
LES NOUVEAUX PIÈGES DE LA PROPRIÉTÉ
DE PLUS EN PLUS BROUILLÉ
ET SI LES LOCATAIRES
ÉTAIENT MIEUX LOGÉS ?
Crédits hypothécaires : pour faire quoi Achat
Construction
Transformation
Achat + transformation
Autre but immobilier
Refinancements
95.164
27.447
48.906
11.963
12.150
9.867
121.195
29.163
59.748
7.682
13.743
32.964
27,35 %
6,25 %
22,17 %
-35,78 %
13,11 %
234,08 %*
2008 Nombre de contrats
2014 Nombre de contrats
Croissance 2008-2014 Pourcentage de contrats
*Cette évolution est essentiellement liée aux refinancements inspirés par la baisse des taux d’intérêts.
L’AVIS DES EXPERTS
Conseiller juridique à l’Observatoire du crédit et de l’endettement.
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INTERVIEW
Didier NOEL
EdA - Jacques Duchateau
INTERVIEW
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Nat ha l i e OM B E L E T S
« Ce n’est pas qu’une affaire de pauvres »
«Nous aidons ceux qui ont été refusés par les banques »
dramatiques dans toutes les classes sociales. Même si ce phénomène est marginal, j’ai déjà dû traiter d’un dossier avec une personne ayant un salaire de 14 000 euros par mois. Plus que le salaire d’un ministre !
tion. En 2009, il y a eu des effets d’aubaine via des politiques d’aides publiques : des gens ont préféré venir chez nous alors qu’ils auraient pu obtenir un prêt dans une banque. La situation de 2015 est donc préférable : nous offrons une vraie alternative aux personnes qui n’ont pas accès aux prêts bancaires (manque de fonds propres ou faiblesse de leurs revenus).
La part des revenus augmente pour le financement d’une maison. Est-ce inquiétant ?
Pour celui qui sait y arriver, non. La règle des 30 % est de plus en plus souvent dépasDidier Noël, on a parfois sée et dans l’absolu, si la capal’impression que les crédits cité à rembourser est là… défaillants, c’est une histoire de Mais cela signifie que de plus « pauvres ». en plus de ménages n’ont Non dans la mesure où tout plus aucune marge. Ils sont est proportionnel. À la li- vraiment au plancher pour le mite, une personne qui a reste de leurs dépenses. moins de revenus va peutêtre calculer davantage. On Une banque n’a pas nécessairetrouve donc des situations ment intérêt à forcer une
vente…
Non. Si c’est possible, le crédit défaillant va se transformer en nouveau crédit hypothécaire avec le regroupement de l’ensemble des crédits. Mais cette consolidation met les ménages dans une situation qui reste précaire et sur une période toujours plus longue. C’est un peu reporter le problème, non ?
Cela permet d’abord aux gens de conserver leur maison, il faut le rappeler. Mais de fait, ce sont des situations rarement confortables. Mais pour les banques, l’opération peut se révéler intéressante : l’opération est captive puisque celle qui consolide reprend des crédits qui sont dans d’autres organismes bancaires. ■ D.V.
Directrice de la Société wallonne du crédit social. Le nombre de crédits sociaux a chuté en quelques années : est-ce à dire que les taux bas ne vous permettent plus de faire mieux que les banques ?
En 2009, nous avions accordé 5 700 prêts. En 2015, ils sont passés à 2 815. Soit deux fois moins. Les taux bas ne sont pas l’explica-
Si les taux sont bas pour tout le monde, quelle est votre valeur ajoutée ?
Un accompagnement technique : ces personnes achètent souvent des maisons à rénover. Nous leur offrons des conseils pour qu’elles mettent les bonnes priorités. Il y a aussi un accompa-
gnement social et financier. Et quand les gens ne savent plus payer ?
Sur l’ensemble de nos crédits, nous avons 2,4 % de crédits en contentieux. Et cela porte sur 0,5 % de l’encours total. C’est très peu et en plus, nous tentons de trouver des solutions. En orientant ces personnes vers les CPAS, par exemple. Refusez-vous plus de personnes aujourd’hui qu’hier ?
Mon sentiment est qu’il devient de plus en plus difficile pour des ménages d’acheter une maison. Mais nous sommes un organisme de crédit social : nous ne savons donc pas résoudre tous les problèmes de la précarité. ■ D.V.
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Vie de famille
AVA N T D E L I R E
Quatre idées pour comprendre Dominique VELLANDE
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roisième partie de notre dossier consacré à ce qui nous pousse tellement à devenir propriétaire. Avec cette fois deux facteurs sociologiques contemporains : l’allongement de la durée de vie et la trajectoire des ménages. Qu’en retenir ? 1. Tous les cinq ans, nous gagnons un an d’espérance de vie. Cette aubaine peut devenir piégeante pour des personnes âgées : obligation d’adapter leur logement, difficulté d’en trouver un répondant à leurs besoins… 2. Un mariage sur deux se conclut par un divorce. Comment cet appauvrissement réel n’affecte pas l’instinct de devenir propriétaire de sa maison ? Tout simplement parce que les jeunes ne se sentent pas concernés par ces échecs. Ils considèrent avoir fait le bon choix. 3. L’attachement à sa maison résulte du fait qu’on y habite généralement l’essentiel de sa vie. Mais les générations suivantes ne fonctionnent pas sur cette trajectoire linéaire. 4. Pour un jeune ménage, il faut avoir une assise financière et professionnelle solide. À défaut, il devient très compliqué de devenir propriétaire de sa maison. ■
C OMMENTAIRE
par D ominique VELLANDE
Et alors quoi ? Il faut louer toute sa vie ? Parmi les réactions que ce dossier suscite, celle-ci est récurrente. On peut vous parler d’un tas de choses importantes : les migrants, les guerres, l’environnement, la mort… Vous en prenez bonne note. Mais lorsqu’on vous parle de votre maison, l’effet « projection » est très important. : vous vous sentez subitement très concernés. La posture en devient même un peu défensive. Avec là aussi, une affirmation dont les contours tiennent, qu’on me pardonne, de l’autojustification : « J’ai acheté ma maison et je suis certain que j’ai fait une bonne affaire. Point à la ligne. » Voilà qui est dit et qui a d’ailleurs toutes les chances d’être vrai. Partir de cette culture de la propriété, en interroger les fondements voire les incohérences et les fausses croyances n’aboutit pas à la condamner. Et encore moins à
prétendre proposer une alternative aussi radicale que salutaire. « On ne va quand même pas dormir sous une tente », nous expliquait un de nos interlocuteurs, un peu agacé. Résumons donc la critique : « Touche pas à ma maison car j’ai le doigt sur la gâchette. » Pour autant, réfléchir à cette contradiction entre une croyance persistante et un environnement en pleine mutation a tout son sens. Surtout lorsqu’on touche à d’autres fondamentaux tels que la famille, le couple et la vieillesse et en évoquant leur face accidentée. Conjugués à cet instinct persistant de devenir propriétaire de ses murs, on ne peut ignorer que de nouvelles difficultés apparaissent. Et pour le reste ? On peut parler des accidents de la route sans conclure qu’il est hérétique ou irresponsable de rouler en voiture. Mais on peut réfléchir à sa façon de conduire.
Le doigt sur la gâchette
Plus de kilomètres pour aller bosser C’est un paradoxe belge qui n’est pas étranger au taux de propriété élevé : le Belge fait plus de kilomètres pour aller au boulot que le Français. Une récente étude menée par une banque souligne pourtant que le choix d’une maison est dicté par plusieurs facteurs. Selon cette étude, la distance domicile-travail fait partie des priorités. La difficulté, c’est que la mobilité professionnelle est beaucoup
plus élevée aujourd’hui. Les carrières professionnelles qui se font dans la même entreprise deviennent plus rares. La propriété en devient un frein d’autant plus accru (surtout quand le bien n’est pas entièrement remboursé et au regard des droits d’enregistrement). La Flandre a organisé la portabilité de ces frais de mutation : on ne les paye qu’une fois. En Wallonie, ce n’est pas le cas. D.V.
DEVENIR PROPRIÉTAIRE :
LES FAUSSES BONNES RAISONS D’ACHETER SA MAISON
la fin d’un fantasme L’ANALYSE
Le cycle de l’habitat correspond de moins en moins avec les cycles de la famille.
Devenir propriétaire réclame une trajectoire linéaire : la durée du remboursement de sa maison. Avec deux questions : que se passet-il lorsqu’on croise l’allongement de la durée de vie et le profil des ménages aujourd’hui ? Le sociologue Laurent Nisen s’y essaye. ●
Dominique VELLANDE
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orsqu’ils sont interrogés, les ménages qui rêvent de s’acheter une maison se projettent volontiers. A l’âge de la retraite, ils couleront des jours heureux dans cette maison qu’ils ont enfin remboursée. Est-ce que cela se vérifie vraiment ? « Aujourd’hui, on voit que les personnes âgées ont tendance à s’attacher à leur maison. Elles y ont vécu toute leur vie et éprouvent beaucoup de mal à la quitter », commente Laurent Nisen. Un attachement affectif qui va parfois à l’encontre d’un confort de vie. « La tendance est de vouloir adapter sa maison à une mobilité qui se réduit avec des frais nouveaux et parfois non-prévus. D’autant que les habitats intermédiaires et plus adaptés ne sont pas à la portée de toutes les bourses », explique ce sociologue de la Famille (Ulg). Et voilà donc cette maison pourtant remboursée qui demeure une charge. Vingt ans plus tôt, on n’avait pas vraiment vu les choses comme ça.
Maison de repos : on retarde L’allongement de la durée de la vie vient accentuer le phénomène. Tous les cinq ans, l’espérance de vie moyenne gagne un an. Et l’espérance de vie en bonne santé progresse encore plus vite : la période moyenne de vie où on est considéré comme en mauvaise santé raccourcit. « Cela peut donc être piégeant pour les personnes car, globalement, elles sont plus nombreuses à habiter un logement peu adapté et y vivent plus longtemps », ramasse Laurent Nisen. « Ces personnes âgées re-
tardent donc au maximum leur entrée en maison de repos. » Avec la conséquence que ce départ en maison de repos n’est pas préparé et donc se vit douloureusement. Ils ont fait le bon choix Mais revenons à la case départ. Ce moment clé où de jeunes couples décident de s’engager. Et d’acheter une maison. Comment expliquer que l’évolution sociologique n’impacte pas le réflexe d’acquisition. « Oh, c’est très simple. Un ménage sur deux divorce mais personne ne se sent concerné », sourit Laurent Nisen. « Les couples qui se marient sont persuadés qu’ils ont fait le bon choix par rapport à la cohabitation légale ou le couple libre. Ils se sentent en sécurité et pour eux, l’achat d’une maison
Un ménage sur deux divorce mais les couples qui s’engagent ne se sentent pas concernés. va dans ce sens », poursuit le sociologue. En clair, l’écart entre le cycle de l’habitat et celui de la famille et du couple en particulier n’apparaît pas dans les stratégies développées. « On constate pourtant que cela aboutit à des souffrances : la séparation est un facteur d’appauvrissement », explique Laurent Nisen. Ces situations délicates sont rarement évoquées. « Dans certaines grandes villes comme Paris, des cou-
Ingo Bartussek – Fotolia
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ples divorcent mais restent ensemble avec leurs enfants parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers de faire autre chose . On n’en est pas encore là dans nos villes ». Un désir d’autonomie Laurent Nisen pointe aussi un élément déterminant : un puissant désir d’autonomie dans la génération des « baby-boomers » qui sont aujourd’hui des « papy-boomers ». « Cette génération s’est construite dans une double idée : aider ses parents avait du sens mais eux, ils ne veulent pas peser sur leurs propres enfants ». Concrètement, ce souci d’autonomie croisé avec la propriété d’une maison peut aussi devenir un frein. Ainsi, une étude a montré que beaucoup de personnes âgées, à moins d’être motorisées, vivent dans une insularité de services telles qu’une épicerie, une banque ou encore un médecin. « Un quart des Wallons de 70 ans et plus vivent sans un seul service à distance de marche », explique notre interlocuteur. La sécurité de la brique en devient un peu relative… ■
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le : nouveaux pièges de la propriété CETTE MAISON QUI DÉVORE
TOUJOURS PLUS VOS REVENUS
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ACHETER, UN PARCOURS
DE PLUS EN PLUS BROUILLÉ
ET SI LES LOCATAIRES
ÉTAIENT MIEUX LOGÉS ?
L’AVIS DES EXPERTS INTERVIEW
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INTERVIEW
Laurent NISEN
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« Les générations suivantes seront moins attachées à leur logement » Au point de continuer à vivre dans un logement inadapté ?
Professeur de sociologie de la famille à l’Ulg. Laurent Nisen, ce rapport affectif semble très fort pour les personnes âgées…
Quand on a vécu pendant autant de temps dans une maison, on développe un attachement très fort. C’est un phénomène qui explique aussi la sédentarisation.
Chacun fait son calcul et ce dernier est une affaire personnelle. Mais il est probable que des personnes renoncent à un certain confort pour rester dans la maison qu’elles ont toujours habitée. Je pense notamment aux femmes qui n’ont jamais travaillé : leur univers, c’est surtout leur quartier. Ce rapport affectif à la maison ne va-t-il pas évoluer ?
Les choses changent en effet. Ce modèle d’une vie passée dans la même maison ou le même appartement diminue au profit d’une plus grande mobilité, qu’elle soit voulue ou qu’elle résulte d’accidents
Pa s ca l e P I E T T E
« Pour les jeunes, cela devient catastrophique »
de la vie. Et dans ce cadre, je pense que les gens seront moins attachés à leur logement. en tout cas, plus aussi viscéralement que par le passé.
ment en bord de Meuse. Ce qui fait grimper le prix de ces appartements de façon hallucinante. À 2 800 euros hors TVA le mètre carré, c’est incroyablement cher.
Est-ce que cette « flexibilité » est de nature à modifier le rapport des gens à la propriété ?
Cela signifie que ces personnes ont bien fait d’acheter une maison…
C’est très difficile à dire. Aujourd’hui, pour beaucoup de personnes âgées, le fait d’être propriétaires de leur maison leur offre un sentiment de sécurité supplémentaire. Et parfois, vendre leur maison leur permet de financer la maison de repos car en général, la pension ne suffit pas. Dire comment cela va évoluer est très compliqué. ■ D.V.
Directrice de l’agence immobilière Finomat à Namur. Voyez-vous des signes qui peuvent questionner l’importance de devenir propriétaire ?
Pour l’instant, les principales transactions concernent des personnes âgées qui vendent leur villa quatre façades en périphérie namuroise et qui la troquent contre un apparte-
Oui, bien sûr. Mais c’est la génération « Tapis rouge », comme je les appelle. Ils ont une bonne pension, n’ont pas divorcé, ont même des économies. Pour eux, c’est le parcours idéal. Et dans votre clientèle de jeunes ménages ?
Si vous n’êtes pas un couple où les deux personnes ont un contrat de travail à durée indéterminée et des parents qui sont derrière,
c’est plutôt la cata. Alors si vous ajoutez un divorce, des enfants, ça devient compliqué. Mais en dehors des appartements dont je parlais, le prix surélevé de l’immobilier n’est pas la raison. Ces jeunes peuvent-ils se tourner vers la location ?
Le marché locatif namurois est abominable : on a un parc immobilier très ancien et pas renouvelé. Et dans le neuf, le propriétaire qui a mis 400 000 euros pour le financer a besoin d’un loyer élevé. Ce qui signifie que les principales demandes vont vers des studios ou des appartements à une chambre. Le souci, c’est qu’il n’y en a pas assez. ■ D.V.
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Acheter : un
AVA N T D E L I R E
Quatre idées pour comprendre Dominique VELLANDE
Q
uatrième partie de notre dossier sur l’environnement poussant de nombreux Belges à devenir propriétaires. Au chevet de ces derniers se pressent tous les acteurs de l’immobilier. 1. Pour les banques, le crédit hypothécaire est un peu le poison et l’antidote. Les taux d’intérêt très bas ne leur autorisent que des marges très faibles. Et d’autre part, les crédits hypothécaires sont un magnifique produit d’appel pour leur portefeuille de clients. 2. La durée des prêts a cessé d’augmenter comme il y a quelques années. Même si aujourd’hui, la plupart des prêts sont de vingt ans et plus, les banques ont stoppé les prêts à 30 voire 40 ans. Trop de risques pour elles et trop de charges pour les emprunteurs. 3. Les pouvoirs publics encouragent l’accès à la propriété. Via une série d’aides fiscales, essentiellement. En revanche, ces mêmes pouvoirs publics parlent moins des recettes fiscales liées aux transactions immobilières. 4. Les informations disponibles n’ont jamais été aussi abondantes. Et pourtant, le choix s’opère dans un environnement de moins en moins lisible. ■
C OMMENTAIRE
par D ominique VELLANDE
C’est au moment où les acheteurs potentiels ont accès à un nombre incroyable d’informations et de conseils que leur parcours devient plus compliqué. Un peu comme si on flirtait avec le principe connu que trop d’informations tuent l’information. Acheter sa maison est pourtant le choix financier qui pèse le plus sur une vie. Qui est au chevet de ce futur propriétaire ? Prenons les banques. Le champ lexical de leur attitude se recentre dans le conseil. On peut résumer leur message : « Nous savons que c’est plus compliqué pour vous et donc, plus que jamais, nous voulons vous aider à poser un choix éclairé. » Un marketing efficace et qui estompe voire escamote la réalité d’un crédit à rembourser. Mais les banques ne sont pas les seules à vouloir protéger la rente. Les pouvoirs publics, comme l’explique Nicolas Bernard dans cette page, soutiennent toujours l’acquisitif. Et les montants
importants dédicacés au secteur locatif – notamment pour créer du logement public – sont plus volontiers mis en avant que les recettes fiscales tirées des frais de mutation. Que dire des sociétés de la construction sinon que les plus grosses semblent avoir anticipé le mouvement : aujourd’hui, elles achètent ou font construire des senioreries plutôt que des maisons classiques. Les agences immobilières ? On en ouvre tous les jours, nous disait la patronne de l’une d’entre elles. Cela fait autant de sirènes pour chanter auprès des futurs propriétaires et vendeurs. Banques, pouvoirs publics, construction, agences immobilières et même notaires ont un point commun : la propriété fait partie de leur rente. Il est logique qu’aucun ne la questionne ouvertement. Et encore plus évident pour eux de ne pas ramer à contre-courant de cette brique que le Belge a dans le ventre.
À qui profite cette rente ?
Quand le notaire dit : « N’achetez pas » Dans certains milieux de l’immobilier, on l’appelle « Le notaire n’achetez pas ». Me Jean-Paul Mignon rigole et acquiesce. « Je dis depuis plusieurs années que le marché immobilier devient malsain. Et, de fait, je le répète souvent : n’est pas acheteur qui veut », explique ce notaire nivellois. Un notaire que l’expérience a rendu fort sensible aux désastres d’une acquisition trop risquée ou
carrément foireuse. « Si les acquéreurs n’ont pas de quoi payer les frais et une partie de la maison sur fonds propres, on est dans le principe d’une bulle immobilière », explique Jean-Paul Mignon qui préfère croire que tous ses confrères agissent de la sorte. « Quand on vend un bien sur saisie, le notaire est présent. Je pourrais écrire un livre sur tous les drames auxquels j’ai assisté. » D.V.
LES FAUSSES BONNES
DEVENIR PROPRIÉTAIRE :
RAISONS D’ACHETER SA MAISON
la fin d’un fantasme L’ANALYSE En 2015, les banques ont octroyé des crédits pour un montant total de 26 milliards d’euros. Elles sont contentes. Quoique. Mais pour le futur propriétaire, le calcul financier devient plus complexe : plus question de négocier des taux ou encore la durée du prêt. ●
Dominique VELLANDE
T
raditionnellement, l’approche de Batibouw donne lieu à un marketing soutenu des banques. On assiste ainsi à une guerre des taux d’intérêt. Cette année, c’est le silence radio… Seule, une banque a proposé des taux inférieurs à 1 %. Elle a été aussitôt fusillée à l’eau chaude par la Banque nationale qui l’a ouvertement qualifiée d’ « irresponsable ». Ambiance donc… « Pour le moment, les banques sont un peu mal prises. La courbe des taux est plate. Et comme le crédit hypothécaire est un produit de fidélisation, elles prêtent à des taux très bas et ont donc peu de couverture », commente Roland Gillet, professeur d’économie (Solvay et Sorbonne).
« On fait des marges très faibles sur ces crédits mais cela nous permet de préserver notre portefeuille de clients. » « Les banques craignent d’avoir créé une bulle spéculative (NDLR : officiellement, les banques disent le contraire). Même encore après 2008, on a allongé la durée des prêts. On pouvait emprunter sur 40 ans. Il suffisait de renouveler l’hypothèque. Aujourd’hui, on revient à des prêts plus proches de 20 ans », soupire un responsable de banque qui préfère rester anonyme. Tête de gondole Mais pour client, le taux et la durée du prêt constituaient deux leviers importants pour négocier. Même s’ils étaient sans doute plus relatifs qu’ils ne le pensaient. On imagine difficilement un boucher expliquer à
ses clients qu’ils doivent manger moins de viande. De même qu’on a du mal à concevoir que des banques se mettent subitement à émettre des réserves sur les risques de devenir propriétaires. Mais comment font-elles donc alors que, précisément, le crédit hypothécaire représente leur tête de gondole. « En fait, on fait des marges quasiment nulles sur ces crédits mais cela nous permet de préserver notre portefeuille de clients. Et puis nous pouvons leur proposer un tas d’autres produits », admet notre banquier. Et il est vrai que si nos parents avaient pour lien avec la banque le livret d’épargne et le compte ménage, le « bon client » dispose aujourd’hui d’un compte courant, de cartes de crédit, d’assurances, de produits financiers ou encore d’une pension complémentaire. Pour le client, la relation avec sa banque s’en trouve compliquée. On travaille sur une offre globale avec un assortiment de produits différents. « Sans compter qu’à l’occasion de multiples refinancements, les banques, même si elles disent que ce n’est pas vrai, en profitent souvent pour mettre une petite “ rawète ”, raconte Didier Noël, de l’Observatoire du crédit et de l’endettement. On fait une seconde salle de bains, un peu d’isolation ou même une piscine. » Les banques profiteraient-elles d’une partie de ces refinancements pour que le nouveau crédit « prolonge » la dépendance de l’emprunteur. Febelfin, la coupole des banques belges assure qu’elle ne dispose pas de données sur ce sujet. Sur les prêts initiaux, oui. Mais pas sur la longueur totale des prêts contractés. Dans cet environnement, les
Photo News/Fotolia/ÉdA
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« La réflexion avant d’acheter sa maison est de moins en moins lisible : ce n’est pas faute d’informations »
banques parviennent non seulement à maintenir mais à augmenter leurs crédits hypothécaires (+ 3 % hors refinancements). Le client, pour sa part, a intérêt à élargir ses propres connaissances dans le domaine de la finance. ■
Un plancher de 1 250 euros On assiste aujourd’hui à la disparition de ce qui relevait davantage de la sagesse populaire que d’une véritable règle : le principe de ne pas aller au-delà du tiers de ses revenus pour rembourser sa maison est désormais mis hors-jeu. « Tout dépend des revenus : on peut même passer à 50 %. Avec un plancher de 1 250 euros pour le reste des dépenses. Et beaucoup de gens sont à ce plancher » , confie notre banquier qui estime toutefois qu’aujourd’hui, le Belge est « raisonnablement endetté ». Et demain ?
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n calcul financier plus compliqué
A
CETTE MAISON QUI DÉVORE
TOUJOURS PLUS VOS REVENUS
VIE DE FAMILLE : LES
NOUVEAUX PIÈGES DE LA PROPRIÉTÉ
ACHETER, UN CALCUL
FINANCIER DE PLUS EN PLUS COMPLIQUÉ
ET SI LES LOCATAIRES
ÉTAIENT MIEUX LOGÉS ?
L’AVIS DES EXPERTS INTERVIEW
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INTERVIEW
Roland GILLET
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« Être propriétaire et manger des pâtes tous les jours »
« La propriété occulte tous les autres modes d’habiter »
manière forcée, les banques quent. pourraient voir leur contentieux augmenter et se trou- Comment appréhendez-vous le veraient en difficulté. fait que les banques remettent
la moitié des recettes fiscales propres. Dès que les transactions diminuent, ils doivent d’ailleurs faire un ajustement budgétaire. Pour la Wallonie, c’est un peu moins comme rapport.
en question le principe du tiers Les banques ne sont guère des revenus à ne pas dépasser heureuses, dites-vous. Pourquoi ? pour rembourser la maison ?
Professeur de finances à l’ULB (Solvay) et à la Sorbonne. Les crédits hypothécaires restent en progression. C’est que ça ne va pas si mal…
Le danger, c’est que les taux du marché (donc rien à voir avec les banques) sont très bas. S’il devait y avoir des soucis, même étrangers à l’immobilier et que des gens soient obligés de vendre de
Ni co la s B E R N A R D
Elles prêtent aux gens sur une période de vingt ans ? Elles le font pour partie au départ des livrets d’épargne qu’elles rémunèrent quand même à des taux positifs alors que normalement, ils devraient être négatifs si on prend les taux des Banques centrales, européennes et même les obligations d’État (y compris en Belgique). Or, les banques les rémunèrent à des taux positifs non négligeables et elles reprêtent parfois à 1,60 voire 1,80 pour vingt ans. Le matelas n’est donc pas très consé-
On peut tout remettre en question mais il faut admettre que ça fragilise encore la solvabilité de l’acheteur. Or, tout indique qu’il est déjà plus fragilisable que par le passé. Les parcours de vie sont plus chaotiques aujourd’hui. Et quoi qu’il arrive, le prêt reste à payer…
Sur une très longue période. Alors oui, on peut être propriétaire et manger des pâtes tous les jours. Mais ce qui se passe aujourd’hui relativise la valeur financière de cet effort. ■ D.V.
Professeur de droit et spécialiste du logement à Saint-Louis. Quel est l’intérêt des pouvoirs publics d’encourager l’acquisition ?
Il est clair que la propriété occulte tous les autres modes d’habiter. Et la manne que représentent les droits d’enregistrement n’y est pas étrangère. Pour la Région bruxelloise, ils représentent
Cette prévalence de l’acquisition trouve-t-elle d’autres indicateurs ?
Il n’y a jamais eu de déductibilité fiscale pour les locataires. J’ai toujours trouvé ça choquant. La discrimination se creuse encore en Wallonie où il y a une assurance gratuite pour la perte de revenus pour les propriétaires. Un propriétaire qui a un souci de santé ou de boulot peut avoir un coup de pouce pendant huit ans. Pas le locataire.
N’y a-t-il pas une confusion entre droit au logement et droit d’être propriétaire ?
Si. L’article 23 qui consacre le droit au logement n’évoque pas la propriété. C’est un glissement indu que de confondre les deux. Faut-il y voir une stratégie cachée ?
On ne veut pas trop de gens dans le secteur locatif car il faudra davantage mettre de logements à louer. Des logements publics, notamment. On a le secteur locatif le moins régulé d’Europe : s’il devait y avoir plus de locataires, il faudrait plus de régulation. Et donc, je pense que ça arrange bien tout le monde de ne pas remettre en question cette culture de la propriété. ■ D.V.
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Le locataire es
AVA N T D E L I R E
Quatre idées pour comprendre ●
Dominique VELLANDE
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ous voici au terme de ce dossier consacré au logement et plus spécifiquement à cette culture de la propriété. Quatre idées sont développées dans cette double page : 1. Une étude montre que le confort du propriétaire est en moyenne plus élevé que celui du locataire. Mais lorsqu’il s’agit de performance énergétique du logement de l’un ou de l’autre, c’est beaucoup moins flagrant. D’autre part, on ne sait rien du confort de beaucoup de jeunes ménages lorsqu’ils entreprennent des rénovations. 2. Le mode d’habiter est en train d’évoluer. Malheureusement, le politique semble toujours « figé » dans la vieille conviction qu’il faut pousser à l’achat. 3. Depuis peu, le nombre de locataires est en augmentation. De même que la période de location semble également s’allonger. 4. Les experts s’accordent pour dire qu’il faut aider davantage les locataires. À la condition que cette aide leur bénéficie réellement et qu’elle ne soit donc pas captée par les propriétaires de logements mis en location. ■
C OMMENTAIRE
par D ominique VELLANDE
Le lecteur attentif aura compris à la lecture du dossier de cette semaine que la question « Faut-il louer ou acheter ? » ne peut appeler que des réponses individuelles et non collectives. Mais on ne peut faire l’économie d’un constat qui, sobrement ramassé, tient en une phrase : « Ce qui a été vrai il y a quelques années ne l’est plus aujourd’hui ». Notre mode d’habiter va changer. On peut même dire qu’il est déjà en train de muter par petites touches. Faute de pouvoir être contournées, les difficultés liées à l’acquisition donnent lieu à de nouvelles stratégies : cela va des colocations qui explosent à Bruxelles au développement exponentiel de chambres louées via Airbnb. Cela passe aussi par des divisions de logements : le phénomène se concentre dans les centres des grandes villes. Avec un principe assez intéressant : on adapte un
logement devenu trop grand pour en constituer deux, voire trois. Le souci, c’est que cette division est apparue dans sa face déviante avec des marchands de sommeil et une taudisation de certains biens. Les autorités communales se sont donc raidies : plutôt que d’y voir une opportunité, elles y ont vu un danger. Mais depuis la dernière réforme de l’Etat, la politique du logement a été complètement régionalisée C’est donc la Région wallonne qui est à la manœuvre pour mener une politique qui, aujourd’hui, est largement questionnable : l’encouragement obstiné à l’acquisition, la lourdeur des droits d’enregistrement, le manque de logements à louer… Toutefois, c’est volontairement que nous n’avons pas donné la parole aux responsables politiques. Nous avons préféré les laisser travailler. Car il y a vraiment du pain sur la planche.
Un des symptômes de l’accès au logement s’exprime par le nombre d’appartements construits. Sur les 11 000 logements construits en 2 014 en Wallonie, plus de la moitié sont des appartements. « Ce n’est pas pour habiter dans quelque chose de plus petit ou avoir des voisins sur son palier que les gens les achètent. C’est simplement parce qu’ils n’ont pas les
moyens de s’acheter une maison », explique Jacques Teller. « La maison est devenue un bien inabordable, en particulier pour les jeunes ménages », poursuit cet urbaniste. Un exemple ? « À Liège, en 2000, le prix moyen d’une maison coûtait 67 000 euros. En 2010, ce prix moyen est passé à 140 000 euros. Les salaires n’ont évidemment pas doublé pendant cette D.V. période ».
RAISONS D’ACHETER SA MAISON
la fin d’un fantasme L’AN A LYS E
Comparer le confort du locataire ou du propriétaire peut paraître provocant. La question mérite que l’on s’y arrête un instant. Sébastien Pradella, du Centre d’habitat durable, et Jacques Teller, urbaniste à l’Ulg, proposent quelques réponses. La vétusté du parc immobilier en est le fil rouge. ●
Dominique VELLANDE
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ÉdA – 30877656396
Ce qui ne sera plus vrai demain
Pas pour avoir des voisins de palier
LES FAUSSES BONNES
DEVENIR PROPRIÉTAIRE :
central individuel, ce n’est le cas que pour 57 % des locataires. Mais il faut nuancer cela avec le fait que 16,6 % des locataires disposent d’un chauffage central collectif. Pour 1,6 % des locataires, l’hiver doit sembler long puisqu’ils ne disposent d’aucun moyen de chauffage. « Attention, cela peut aussi viser des pannes. Mais si ces dernières peuvent parfois être longues », précise Sébastien Pradella.
arlons vétusté du parc immobilier pour rappeler que celui de la Wallonie présente une moyenne d’âge que l’on pourrait presque qualifier de canonique. Le travail mené par le Centre d’études en habitat durable (CEHD) permet d’observer qu’un propriétaire sur cinq habite un logement construit entre 1946 et 1970. Pour les locataires, un ménage sur trois ha- Des bâtiments énergivores ? bite un logement construit dans cette même période. Dire que le propriétaire est sys« 1946 et 1970 correspondent à tématiquement logé dans un bâtiment mieux isolé serait mentir. Un sur cinq habite une maison de type F ou G. Ces deux lettres visent, dans la classification européenne, les bâtiments les moins bien isolés. Pour les locataires, un sur trois habite un logement F ou G. Globalement, le propriétaire serait donc (un peu) mieux logé. Sauf qu’en fait, on ne sait pas grand-chose de la trajectoire de ces ménages qui ont acheté un bien à rénover. « Faire une telle Sébastien Pradella : « On sait que enquête aurait beaucoup de sens beaucoup de jeunes ménages mais cela coûte cher », commente achètent des taudis » Sébastien Pradella. « Or, on sait que beaucoup de jeunes ménages deux booms démographiques. On a achètent parfois des taudis et n’ont beaucoup construit mais des bâti- a priori pas les moyens de les rénoments de moins bonne qualité. Ce ver correctement. Mais encore une sont souvent de vraies passoires fois, on ne dispose d’aucun indicaénergétiques », explique Sébas- teur. Ce sont juste des perceptions », tien Pradella, le directeur du souligne le patron du CEHD. CEHD. Et si on rasait ? Beaucoup ou peu d’espace ?
Globalement, on peut dire que les ménages propriétaires disposent de plus grandes surfaces. Près de la moitié a une maison de 101 à 150 m2 . Chez les locataires, les deux tiers occupent un logement oscillant entre 41 et 100 m2 . Et 9 % des locataires vivent dans moins de 41 m2 . Ils se chauffent comment ? Là aussi, les propriétaires semblent mieux lotis car si 80 % d’entre eux ont un chauffage
« C’est le grand tabou en Wallonie. Pourtant, je suis certain que pour certains immeubles, il serait préférable de tout raser et de reconstruire à neuf , enchaîne Jacques Teller, urbaniste à l’Ulg. D’autant que beaucoup de ménages sous-esti-
Jacques Teller : « Il faut aider mieux les jeunes ménages qui entreprennent des rénovations »
ment largement les coûts de la rénovation . Il faut éviter l’acharnement thérapeutique ou alors aider beaucoup mieux les ménages qui entreprennent des rénovations ». Jacques Teller est formel : on continue à survaloriser la propriété par rapport à la location en Wallonie. Même s’il admet que ça a plutôt bien réussi pour beaucoup de ménages jusqu’à présent. « Mais on arrive au bout d’un système. Et les pouvoirs publics doivent absolument aider davantage les jeunes ménages dans une trajectoire locative. À condition bien sûr que cette aide ne soit pas captée par les propriétaires. » La remarque ne manque pas de sens : le bonus-logement qui a régné jusqu’au début de cette année était une niche fiscale énorme : une moyenne annuelle de 2 000 euros par ménage. Sur une moyenne de vingt ans. Le seul souci, c’est que tout le monde savait que cet argent profitait au vendeur et non à l’acheteur. En d’autres termes, ce bonuslogement ne faisait que soutenir le marché de l’immobilier. ■
« On sait que beaucoup de jeunes ménages achètent parfois des taudis et n’ont a priori pas les moyens de les rénover correctement. Le souci, c’est qu’on ne dispose pas d’indicateurs sur ce problème. »
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est-il mieux logé que le propriétaire ? TOUJOURS PLUS VOS REVENUS
VIE DE FAMILLE : LES
NOUVEAUX PIÈGES DE LA PROPRIÉTÉ
ACHETER, UN PARCOURS
DE PLUS EN PLUS BROUILLÉ
ET SI LES LOCATAIRES ÉTAIENT MIEUX LOGÉS ?
Le propriétaire est en moyenne un peu mieux logé que le locataire. Mais il y a des nuances au constat.
Frank Boston – Fotolia
L’AVIS DES EXPERTS INTERVIEW
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Président du Conseil supérieur du logement. Économiste Propriétaires/locataires : vous percevez une évolution dans leur distribution ?
INTERVIEW
Philipp e DEFEY T
ÉdA – Jacques Duchateau
A
CETTE MAISON QUI DÉVORE
L’augmentation du nombre de ménages locataires entre 2000 et 2011 est une tendance lourde.
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Bé n é d i c te D E LCO U RT
« L’augmentation des locataires est une tendance lourde »
« Il faut que le locatif soit une vraie alternative »
tion du coût global de l’achat, la difficulté d’accéder à un crédit bancaire (or, 40 % des Wallons de moins de 25 ans sont en situation d’emploi précaire). Le vieillissement sociodémographique n’arrange rien : on hérite « quand il est trop tard », sauf à hériter de ses grands-parents. La mise en couple, l’arrivée d’un enfant se font plus tardivement. Les séparations, même suivies d’une recomposition, fait qu’un certain nombre de propriétaires redeviennent au moins provisoirement, locataires.
avoir des conseils sur un tas de sujets : gestion, syndicats indélicats, mise en conformité, permis d‘urbanisme, nouvelles législations…
Vous y ajoutez les flux migratoires…
Ces nouveaux arrivants, quand ils sont européens ou extra-européens, sont destinés Pour quelles raisons ? à rester locataires (immigraJ’en vois six. Il y a l’augmenta- tion économique provisoire)
et ne pourront de toute manière pas acheter – éventuellement – qu’après une certaine durée de séjour. Globalement, il y aura donc moins de propriétaires ?
Cela ne veut pas dire que moins de personnes seront propriétaires au moins une fois dans leur vie mais les périodes locatives seront plus longues, voire plus nombreuses.
Et pour des raisons financières ?
Nous savons ces difficultés bien réelles mais en général, ils s’adressent plutôt à des organismes de médiation Présidente du de dettes. Il n’y a pas que le Syndical national remboursement du crédit des propriétaires. qui augmente : en quelques années, les charges ont exCe dossier questionne la culture plosé.
Selon quels critères ?
On sait qu’il y a un manque criant de logements et principalement dans le secteur locatif. Il faut que dernier soit une vraie alternative car, à défaut, on croit au miracle que tout le monde a les moyens de devenir propriétaire. C’est une erreur. Vous pensez qu’il faut aussi aider les locataires ?
Il y a des systèmes d’allocations de loyer qui ne voient On va voir se développer plus de l’acquisition. Quel est votre pas le jour parce qu’on de situations « hybrides » : per- regard sur ce phénomène ? Des indicateurs attestent d’une dit : « C’est de l’argent qui ira sonnes qui colouent, personne Il répond à des choix politi- difficulté pour de plus en plus dans les poches des propriéavec un(e) cohabitant(e) pro- ques où la propriété est clai- de personnes à devenir ou taires privés. » Sans se dire priétaire lui payant ou pas une rement encouragée. rester propriétaire. Votre avis ? qu’heureusement que ces « contribution », personnes de Nous sommes à un croise- propriétaires mettent des tous âges qui retournent vivre Que vous demandent les ment où il faut repenser la biens à louer. chez leurs parents après un propriétaires ? façon dont on aide les gens On est toujours dans la cari« échec »… ■ D.V. On vient nous trouver pour à se loger. cature. ■ D.V. Et demain ?
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