Oiseaux

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Supplément au journal du jeudi 28 janvier 2016

Mésange Huppé / Fotolia

C’est à vous de jouer ! Ce week-end, Natagora fait appel à vous pour observer les oiseaux dans votre jardin. C’est le fameux recensement annuel d’hiver, qui permet aux ornithologues de réaliser des statistiques sur l’évolution des oiseaux communs. Ce dossier vous donne quelques explications pour vous aider à les reconnaître.

Un week­end pour compter les oiseaux Ces 30 et 31 janvier, Natagora vous invite à participer à la 13e opération « Devine qui vient manger au jardin ». Et comme chaque année, les spéculations vont bon train ! Que nous réserve la nature cet hiver dans les jardins ? Les oiseaux viendront-ils en nombre aux mangeoires ? Quelles seront les espèces les plus observées ?

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ur base des impressions d’observateurs qui suivent quotidiennement notre avifaune et via les diverses sources d’information disponibles, les ornithologues de Natagora se sont penchés sur la question de savoir quels types d’oiseaux sont présents dans nos jardins cet hiver et en quelle quantité.

Les afflux de l’automne se répercutent au jardin Pour certaines espèces, une importante migration automnale observée au-dessus de nos contrées se traduit généralement par une forte présence hivernale dans les jardins. Cette année, par exemple, la mésange noire a migré en nombre sur notre pays en septembre-octobre. Une partie de cet effectif devrait être détectée dans nos jardins. Les autres espèces de mésanges plus communes seront en principe aussi de la partie, aidées par un afflux du nord de l’Europe. En Flandre, où le grand week-end de comptage a déjà eu lieu, la mésange à longue queue a été deux fois plus fréquente qu’habituellement, à la suite d’une rare arrivée depuis l’est du continent de cet oiseau peu migrateur. Chaque espèce d’oiseaux a développé une stratégie pour passer l’hiver, comme vous le découvrirez plus loin dans ces pages. Certains granivores dépendent des graines produites par les arbres. Mais la fructification

peut-être massive certaines années et complètement nulle d’autres fois. Pour faire face à l’irrégularité de la disponibilité de leur ressource, ils adoptent un comportement nomade dans leur zone d’hivernage. C’est le cas du tarin des aulnes. Ce début d’automne, un afflux historique de tarins a été enregistré en Grande-Bretagne et dans le nord des Pays-Bas, mais il ne semble pas être parvenu jusqu’à nos régions… Aux observateurs de « Devine Qui » d’établir le constat ! Un drôle d’hiver pour nos oiseaux Après un mois de décembre particulièrement doux, la récente vague de froid a déclenché certains mouvements de replis chez les oiseaux qui, jusque-là, passaient un hiver tranquille. Des grives litorne, superbe espèce venue du froid, apparaissaient un peu partout à la mi-janvier. Et les passereaux qui se nourrissaient encore d’insectes toujours en vie à Noël se sont retrouvés d’un coup sans nourriture. Ils sont donc venus nombreux aux mangeoires des particuliers. « Devine qui vient manger au jardin » va permettre de dégager les grandes tendances du jardin de l’hiver 2016. Ce week-end des 30 et 31 janvier, ce sont vos observations qui fourniront le contenu de la plus grande opération de sciences participatives du pays ! > Retrouvez ce dossier sur notre site internet :

ww.lavenir.net/oiseaux2016


À chacun sa stratégie pour passer l’hiver L’évolution animale a conduit les espèces à se diversifier pour exploiter toutes les ressources disponibles. C’est ce qui pousse les oiseaux à migrer, à la recherche d’une meilleure nourriture lorsque les conditions climatiques deviennent défavorables pour les ressources. Voici les cinq grandes catégories d’oiseaux migrateurs que l’on peut apercevoir dans nos contrées, l’été ou l’hiver. ●

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Migrateurs à courte distance Le rouge-queue noir, la fauvette à tête noire, le pouillot véloce en font partie. Ces espèces peuvent rejoindre le nord de l’Afrique, mais elles restent souvent en Europe, dans le sud de la France et en Espagne. « Ces zones comportent des risques de gel susceptibles de tuer les insectes, admet JeanYves Paquet, mais ces oiseaux ont un régime mixte et peuvent manger des baies pour compenser. C’est leur façon de s’adapter. » La migration, ce n’est pas qu’une fuite devant l’hiver, c’est surtout un bon moyen pour que les oiseaux puissent tirer profit de l’abondance de ressources chez nous à la bonne saison, souligne encore le spécialiste.

arbres au printemps pour traquer les larves. Sittelles, pics, verdiers, troglodytes restent aussi au pays durant les mois les plus froids.

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tions dans les populations selon la rudesse de l’hiver. « En 1997, l’hiver a été froid au point que la Meuse a gelé. On a perdu 50 % de tous les troglodytes. Mais ils se sont adaptés et se sont reproduits davantage les années suivantes. » Au final, les populations s’équilibrent en fonction des ressources.

Migrateurs partiels Certains partent, d’autres restent. Et d’autres encore arrivent du nord. En résumé, au sein d’une même espèce, certains individus Migrateurs passent l’hiver chez nous à caractère tandis que d’autres pren invasif nent le large vers le sud de Les espèces des quatre l’Europe comme les migracatégories précédentes miteurs à courte distance. grent chaque année de la Pendant ce temps, on en même manière. Chez les observe dans nos jardins migrateurs à caractère invaSédentaires qui viennent du nord. sif, rien n’est immuable. Ces Le tarin des aulnes est un migrateur à Les espèces sédentaires ont la capacité L’exemple type est celui du caractère invasif. Il mange des fruits d’arbre. oiseaux nichent pour la plud’adapter leur alimentation à ce qu’elles trouvent sur rouge-gorge. « L’avanpart en Scandinavie. Certaileur lieu de vie. Les granivores sédentaires, par tage, c’est que si les condines années, lorsque la reexemple, mangent facilement au printemps des intions hivernales sont mauvaises chez nous, les indiviproduction a été bonne, ils descendent par chez nous, sectes, plus nourrissants pour la période de reproducdus qui ont pris la peine de migrer peuvent repeupler si les ressources ne sont plus suffisantes sur leur lieu tion. C’est le cas des mésanges, que l’on trouve sur l’espace une fois de retour », estime Jean-Yves Pade vie. Ce sont des espèces qui dépendent des fruits les mangeoires à graines en hiver et au creux des quet. C’est ainsi qu’on observe de grosses fluctuad’arbres et s’adaptent donc aux fluctuations de ces ressources. Le bec-croisé des sapins et le tarin des aulnes (espèce de passereaux) en font partie. « Ce caractère “ irruptif ” et ces changements de zone d’hivernage restent quand même un peu mystérieux, admet le patron des études Natagora. Comment ces oiseaux savent-ils où il y a des ressources pour s’y rendre et s’y arrêter ? » Un exemple cette année : vous avez peut-être aperçu des sortes de hérons blancs dans les prairies. Ce sont en réalité de grandes aigrettes qui viennent gora. Ils profitent apparemment sur de l’est de l’Europe et se sont arrêtées chez nous. Le place des nombreux élevages de comotif ? Une bonne reproduction des campagnols qui chons et des restes de nourriture qu’on pullulent dans nos champs et font ainsi le régal des y trouve. aigrettes qui s’en nourrissent.

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Des balises sur le dos Les milans royaux d’Europe sont des rapaces migrateurs à courte distance. Du moins ceux de chez nous, qui prolifèrent « royalement » dans les cantons de l’Est. Mais il en va autrement pour les individus vivant en France et en Espagne. Ils sont sédentaires et ne se portent pas bien. Pourquoi ? C’est ce que Natagora tente de comprendre. L’enjeu est de déterminer comment les milans tirent profit des ressources disponibles. Natagora a donc muni plusieurs individus de balises GPS, accrochées sur leur dos. On peut ainsi suivre précisément leur route migratoire et déterminer dans quel environnement ils s’arrêtent. On sait maintenant que les milans « tracés » ont migré en Castille (Espagne) depuis le mois de novembre. « Exactement au même endroit que l’an dernier », précise Jean-Yves Paquet, directeur des études chez Nata-

Autre objectif du projet « balises », plus local : préserver les milans des chocs avec les éoliennes. « Ils volent exactement à la hauteur des pales ! » L’implantation d’éoliennes s’accompagne donc maintenant d’une étude d’impact sur les milans qui nicheraient à proximité. « Ces rapaces sont très attirés par les champs qui viennent d’être fauchés, car les rongeurs n’ont plus d’abris. C’est le moment le plus dangereux pour eux si des éoliennes sont installées tout près. » Une première recommandation est donc sortie de ce projet : arrêter les éoliennes pendant 2 ou 3 jours lorsqu’on fauche le champ où elles sont implantées. © Stef van Rijn

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Migrateurs à longue distance Ces oiseaux sont des insectivores stricts, ils ont un impérieux besoin des insectes pour vivre. Ils quittent donc l’Europe en été une fois la reproduction terminée, traversent le Sahara et s’installent en Afrique où ils peuvent passer jusqu’à huit mois par an. C’est le cas du martinet noir, du coucou, de la tourterelle des bois. « Même si l’hiver est doux, comme c’était le cas les premières semaines, les migrateurs à longue distance s’en vont, fait remarquer Jean-Yves Paquet, directeur du département études de Natagora. Car ils partent avant l’hiver pour être sûrs de trouver de la nourriture. » Certaines espèces ne s’arrêtent pas pour manger, d’autres font des haltes mi-

gratoires, notamment dans les oasis.

© Robert Hendrick

O

n peut facilement l’imaginer, le réchauffement climatique influence aussi la migration des oiseaux, dont certaines espèces commencent à s’adapter. Mais les migrateurs sont pour la plupart génétiquement programmés pour quitter leur lieu de reproduction, quel que soit le climat. C’est l’une des stratégies déployées par les volatiles pour passer l’hiver, mais il y en a d’autres. Passage en revue.

Cor i n ne MAR LI È R E

C.Mar

En chiffres Grâce aux balises de géolocalisation, on apprend que : • les coucous britanniques mettent 4 mois pour se rendre au Congo en automne ; • un martinet noir a mis seulement 5 jours pour parcourir les 5 000 km qui séparent le Liberia de l’Angleterre.


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JEUDI 28 JANVIER 2016

Les ornithologues observent des alouettes dans les bandes de blés laissées intactes.

© Aurélien Audevart

© Pol Lemestre

© Aurélien Audevard

©Robert_Hendrick

Grâce à une balise GPS miniature, on peut géolocaliser les coucous en temps réel et transposer leur parcours sur une carte. On prend ainsi conscience qu’ils font des haltes lors de leur migration et qu’il est très important de protéger ces lieux d’arrêt, quelle que soit l’espèce.

Le principe est de garder une bande de blé sur pied alors que le reste est fauché.

Le Bruant proyer a retrouvé une source de nourriture dans les blés sur pied.

Offrir le petit­déjeuner aux oiseaux

L’

intensification agricole est en train de provoquer la perte de certaines espèces d’oiseaux. Ainsi, en 30 ans, le nombre de bruants proyers a diminué de 90 %, il a aujourd’hui quasiment disparu de nos régions. Un constat alarmant qui a poussé Natagora à lancer, en 2014, un projet ambitieux au succès inespéré : la farine mélodieuse. Les agriculteurs participant à l’action acceptent de laisser 10 % de leur récolte de blé sur pied durant l’hiver : épis et herbes folles deviennent ainsi un immense garde-manger pour tous les oiseaux en manque de graines. La récolte (90 % du champ) est achetée par Natagora pour en faire de la farine bio, moulue par un artisan meunier à Balâtre. Le blé resté sur les champs est aussi payé au paysan. « Les trois agriculteurs qui ont accepté cette initiative travaillent en Hesbaye, région de grande culture, où la situation des oiseaux est particulièrement critique. Ils sont conscients de la situation et agir en faveur des oiseaux leur tient à cœur », commente Sylviane Gilmont, coordinatrice du projet. Pourtant, le projet n’est pas sans contraintes : pas d’herbicides ni d’insecticides, pas de semis immédiat après la récolte, avec le risque de voir proliférer les « mauvaises » herbes. Et le résultat ? Tous les coûts sont répercutés sur le prix de la farine, mais les frais sont extrêmement dilués. Du coup, on peut affirmer que « le consommateur offre le petit-déjeuner aux oiseaux » sans trop le ressentir financière-

ment. Côté biodiversité, les ornithologues qui surveillent les bandes de blé observent depuis deux ans des groupes entiers d’oiseaux en plein festin : bruants jaunes, verdiers d’Europe, linottes mélodieuses (d’où le nom de la farine)… Autre élément de satisfaction : la farine devient pain mélodieux dans six boulangeries artisanales. « Et pourtant, ce n’est pas simple de faire du pain avec de la farine bio, sans additifs, souligne Sylviane Gilmont. Au final, cette initiative combine le circuit court, la consommation locale et l’impact sur la biodiversité. » Un projet complet donc, comme le pain… C.Mar. > Pour trouver les points de vente de la farine et du pain : www.natagora.be/fa rine


Les espèces les plus observées dans nos jardins Ce n’est pas parce qu’ils sont dits « communs » que les oiseaux de nos jardins sont pour autant reconnaissables au premier coup d’œil. Du moins si l’on n’a pas l’habitude de les observer dans le détail. Pour le recensement de ce week-end, voici la photo et les caractéristiques des dix espèces les plus courantes. N’oubliez pas de bien garnir la mangeoire ou d’accrocher une boule à graines près de votre fenêtre : vous risquez d’avoir de jolies surprises…

LES 10 ESPÈCES LES PLUS FRÉQUENTES 1. Merle noir : 92,96 % 2. Mésange charbonnière : 88,89 % 3. Rouge-gorge familier : 81,65 % 4. Mésange bleue : 78,96 % 5. Pie bavarde : 69,45 % 6. Moineau domestique : 63,50 % 7. Pinson des arbres : 63,34 % 8. Pigeon ramier : 59,20 % 9. Corneille noire : 53,55 % 10. Tourterelle turque : 52,52 %

Merle noir Mésange charbonnière

© Rene Dumoulin

Taille : 25 cm Alimentation : insectes, vers, fruits Environnement : forêt et villes Fréquence* : 93 % LE SAVIEZ­VOUS ?

Taille : 14 cm Alimentation : insectes, graines Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 89 %

© Cathy Dahy

Certains merles ont parfois quelques plumes blanches. Il s’agit d’une anomalie génétique appelée « leucisme » (du grec Leukos qui signifie blanc).

© A. Audevard

LE SAVIEZ­VOUS ?

Mésanges charbonnières mâle et femelle ne sont pas tout à fait pareilles. On reconnaît le mâle à sa grosse cravate noire, tandis que celle de la femelle est plus fine.

Mésange bleue

LE SAVIEZ­VOUS ?

Les mésanges bleues sont souvent plus nombreuses qu’on ne croit. On pense qu’on n’en voit que 4 ou 5 à la mangeoire, mais en réalité il y en a 3 à 10 fois plus qui passent dans un jardin sur la journée.

Pie bavarde Taille : 46 cm Alimentation : insectes, vers, graines, fruits Environnement : villes et campagne Fréquence* : 69 % LE SAVIEZ­VOUS ?

La pie bavarde s’empare parfois d’oisillons d’autres nichées pour nourrir ses propres jeunes. Mais elle n’attaque en général pas les oiseaux en hiver.

© JeanMarie Poncelet

© Rene Dumoulin

Taille : 11,5 cm Alimentation : insectes, graines Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 79 %


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Tourterelle turque

Taille : 15 cm Alimentation : insectes, fruits Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 63 %

© Olivier Colinet

© Christian Cabron

Pinson des arbres

Taille : 33 cm Alimentation : graines Environnement : villes et campagne Fréquence* : 53 % LE SAVIEZ­VOUS ?

La tourterelle turque n’est présente en Belgique que depuis les années 1950. Originaire non pas de Turquie mais d’Inde, elle est en forte expansion vers l’ouest depuis le début du XIXe siècle. Elle dépasse aujourd’hui largement nos effectifs de tourterelles des bois, notre seule tourterelle sauvage avant 1952.

LE SAVIEZ­VOUS ?

Les pinsons des arbres se rassemblent souvent en groupes unisexes. Leur nom latin, Fringilla cœlebs, fait référence à ce comportement (cœlebs signifie célibataire en latin).

Corneille noire Rouge­gorge familier Taille : 13 cm Alimentation : insectes, vers Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 82 %

© Aurelien Audevard

Taille : 48 cm Alimentation : insectes, vers, graines, fruits Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 54 % LE SAVIEZ­VOUS ? © Rachel Delmelle

Les corneilles sont des oiseaux très malins. L’intelligence des corvidés (corbeaux, corneilles, pies) leur permet de s’adapter rapidement aux changements de milieux induits par l’homme. De nombreuses vidéos montrent des corneilles qui, pour trouver de la nourriture, résolvent des problèmes mis en place par des scientifiques.

LE SAVIEZ­VOUS ?

Le rouge-gorge ne supporte pas le rouge. Il agresse d’ailleurs à coups de bec tout ce qui est rouge et de sa taille ! Et s’il tombe par hasard sur son propre reflet, il s’y attaque et s’acharne contre la vitre !

© Robert Hendrick

Moineau domestique Taille : 14,5 cm Alimentation : insectes, graines Environnement : villes et campagne Fréquence* : 64 %

Pigeon ramier Taille : 41 cm Alimentation : graines Environnement : forêt, villes et campagne Fréquence* : 59 % LE SAVIEZ­VOUS ?

Le pigeon ramier, à l’origine, préférait les bois et les champs pour chercher sa pitance. Il est venu dans les jardins urbains de plus en plus souvent et est maintenant en forte extension dans les villes.

* Fréquence = pourcentage de jardins où l’espèce était présente en 2015

© Jules Fouarge

© Robin Gailly

LE SAVIEZ­VOUS ?

Le moineau domestique adore les buissons touffus et les lierres sur bâtiments. Une belle haie sauvage dans votre jardin lui offre un repère de choix !


Ses photos d’oiseaux sont comme des tableaux Quand Michel d’Oultremont attend immobile l’instant où il poussera sur le déclencheur, il s’imagine parfois être le tronc d’un arbre. Comme lui, il attend ce qui va advenir. « Car dans la nature, quelque chose ne manque jamais d’arriver. » Il se demande seulement quand cela va se produire. Il guette, jusqu’à ce que se présente l’événement espéré. Ce photographe (un peu poète et un brin philosophe) passe son temps à attendre d’avoir fini d’attendre. « Mon métier, c’est traquer ce qui peut naître et non constater ce qui n’est déjà plus. » ●

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ans le milieu animalier on le surnomme « Le p’tit Michel. » C’est vrai qu’il n’est pas bien grand. Mais quel talent. Michel d’Oultremont, 23 ans à peine, accumule les prix internationaux. Il est à ce jour le seul à avoir cumulé le Rising Star Award et le Fritz Polking Award Jr, deux distinctions prestigieuses dans le milieu de la photographie nature, la même année, en 2014. C’est dire la marge de progression de ce jeune photographe du Bravant wallon. Reconnu comme un des meilleurs de sa génération, Michel d’Oultremont a réalisé sa première photo d’oiseau en 2007, à Genappe. C’était une mésange huppée qui s’était posée dans le sapin de son jardin. Ce fut un vrai déclic. Depuis lors, il vadrouille, en Belgique ou dans des contrées bien plus lointaines. « Au début, je partais avec un ami à vélo avec mon sac à dos. Je n’allais donc pas bien loin… Je me souviens avoir construit avec lui une cabane dans les arbres rien que pour pouvoir observer des lapins… » À Genappe, il a été un des premiers à avoir pu observer et photographié un butor étoilé

N a th a n aë l JACQMI N

(un échassier). Il devait avoir 14-15 ans… « Je travaille encore beaucoup en Belgique. Dans le Brabant wallon, c’est plus monotone. C’est un peu toujours les mêmes espèces. Par contre, dans les Ardennes, on peut avoir de bonnes surprises. »

duire en photo ses émotions. Plus il avance, plus il se rend compte aussi qu’il est davantage artiste que photographe, poète plutôt que reporter. « Je ne cherche pas la rareté. J’ai vécu des moments géniaux avec de simples mésanges. À force de les côtoyer, j’étais Bavard devenu leur perchoir. Je et buvard n’étais plus un danAprès des études en ger. » photographie à l’Inraci Son objectif n’est pas (Bruxelles), Michel de photographier coûte d’Oultremont décide de que coûte mais de parfaire de sa passion son tager des moments métier. avec les animaux. Comme il est un ba« Je peux m’amuser vard, il sollicite alors un à photographier le tas de photographes, même rouge-gorge ornithologues, spécia- Michel d’Oultremont, jeune photographe pendant deux ou trois listes des animaux. Il brabançon épris de nature sauvage. mois. » participe activement à À l’inverse des « codes conférences, des forums, des festicheurs », ces photographes qui cherchent à vals. Et comme Michel est aussi un buvard, photographier toutes les espèces (certaines il intègre ces données techniques et pratipersonnes arrivent à 5 000 oiseaux par an), ques dans son travail sur le terrain. Tout Michel d’Oultremont vise la qualité de sa redoucement, très naturellement, il arrive à tralation avec l’animal.

« Certains de mes collègues ne restent devant un oiseau que 20 secondes. Puis passent au suivant de leur liste. Pour moi, l’animal est secondaire. L’important, c’est le moment. Ce que j’aime, c’est surprendre un morceau de vie de l’animal puis repartir sans être vu. » L’adrénaline, Michel d’Oultremont va la trouver dans les conditions de prise de vie. « Plus c’est pénible, plus j’aime. Je suis souvent frappé par la sérénité de l’animal dans la tempête, dans les grands froids. Il n’a aucune protection et a une résistance incroyable. On se sent vraiment tout petit avec notre bonnet, nos gants et nos écharpes. » Photographe animalier professionnel, Michel d’Oultremont vit aujourd’hui de son art. Et peut se permettre d’élargir son champ d’action. En Roumanie pour traquer le loup. En Norvège, pour jouer à cache-cache avec les rennes. Des photos qui font le bonheur des galeries ou des magazines spécialisés. Mais ce sont surtout les particuliers qui lui achètent ses photos. Un peu comme on achète un tableau. > Plus d’infos et de photos sur www.micheldoultremont.com

Michel D’Oultremont utilise exclusivement de grandes focales. Un boîtier (Canon EOS 5D Mark III) et deux ou trois objectifs (Canon 400 mm F2.8). « Cela me permet de rester loin des oiseaux et des mammifères que je photographie. Cela diminue aussi le dérangement que je peux occasionner sur le terrain. » Il ne sort jamais sans ses jumelles, tout aussi indispensables que son appareil photo. « Elles permettent d’observer de loin, sans déranger. J’ai commencé avec une longue-vue et un compact. Puis des jumelles bon marché de chez Décathlon. Mais à l’usage, mieux vaut investir dans du matériel solide et 100 % fiable. Les Swarovski Optik, c’est la Rolls des jumelles. Il en existe 22 modèles ! C’est un peu cher (entre 700 et 2 700 €…), mais elles peuvent absorber des chocs, tomber dans l’eau ou être utilisées dans des conditions extrêmes. » Dans son sac, du camouflage (filet, cagoule, gants… ) pour se fondre dans le paysage. « J’ai toujours aussi un sécateur avec moi pour fabriquer rapidement un affût avec des branchages morts. » Dernier outil très utile, « un briquet, pour voir d’où vient le vent ».

© Michel d’Oultremont

Jumelles et briquet

Une photo tableau d’un oiseau pourtant commun : une simple pie bavarde dans un paysage d’automne.


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© Michel Doultremont

© Michel d’Oultremont

Hibou des marais photographié en janvier 2015 en France. © Michel d’Oultremont

Panure à moustache photographié en janvier 2013 aux Pays­Bas. © Michel d’Oultremont

Gorge bleue à miroir photographié en avril 2014 en Belgique.

Michel d’Oultremont a déjà publié un premier ouvrage, « À l’affût », dont sont tirées ces quelques photos. Paul Hermant, poète jardinier connu pour ses chroniques radiophoniques sur La Première, signe les textes. Un livre rare, simple et puissant tant par la qualité de ses mots que celle de ses photos. > Weyrich, 144 pages, 29 € www.micheldoultremont.com

Beaucoup de patience, un peu de chance

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rendre un bon cliché prend du temps. Beaucoup de temps. Il arrive parfois que Michel d’Oultremont prenne plusieurs jours pour une seule photo. Et il arrive aussi qu’il s’en retourne bredouille après des heures à attendre. « Parfois on est à l’avance sur l’avenir : il ne s’est pas encore produit. Il n’y a plus qu’à attendre. Parfois on est en retard, l’instant est déjà passé et on ne l’a pas vu. » Mais être là au bon moment, ça s’apprend. Le travail préparatoire est essentiel pour un photographe nature. « Avant de prendre une photo, il faut tout d’abord une bonne connaissance de l’animal qu’on a à photographier. Pour connaître ses habitudes. Mais aussi pour être certain de ne pas le déranger et ne pas le perturber dans ses habitudes. Se rapprocher d’un nid d’oiseaux pour le surprendre est par exemple déconseillé, trop risqué. Je préfère éviter plutôt que de le voir abandonner sa nichée. » Michel d’Oultremont aime aussi se lever tôt. Ou même ne pas se coucher du tout pour ne pas louper son rendez-vous. « J’aime être à l’endroit repéré deux heures avant le lever du so-

leil. D’où l’importance bien connaître le milieu et d’avoir préalablement installé ses affûts et son matériel. Afin de surprendre l’animal à son réveil. Il n’est pas encore sur ses gardes. C’est aussi à ce moment-là que la lumière est la plus belle. » Mais bien avant la prise de vue, Michel d’Oultremont aura pris soin de s’habituer à l’animal, de l’apprivoiser. « Derrière chacune de mes photos, il y a tout d’abord tout un travail d’observation. Finalement, je passe bien plus de temps derrière mes jumelles que derrière mon appareil photo. La prise de vue n’est pas l’aspect le plus palpitant du métier. Moi, j’aime le moment où j’attends. » N . J.


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JEUDI 28 JANVIER 2016

Votre jardin a des tas de choses à nous apprendre écart se creuse entre les 10 espèces promet de nouvelles découvertes à les plus fréquentes et les autres chaque édition. qui régressent. Sur cette Impatient de participer ? base, l’association peut Aidez­vous des pages de développer des actions ce supplément et du site en faveur des espèces www.natagora.be/oiseaux les plus sensibles. pour vous entraîner à Pour les participants, reconnaître les l’opération est une oc­ oiseaux. casion unique d’ap­ Le week­end des 30 et prendre à reconnaître 31 janvier, rentrez vo­ les oiseaux du jardin tre chat, installez­vous et de s’émerveiller en à la fenêtre donnant famille de la diversité sur votre jardin et sui­ Vous pourrez peut­être proche de chez soi. En vez les instructions ci­ apercevoir un pinson du nord plus, comme chaque dessous. ce week­end au jardin. hiver est différent, le Et surtout, émer­ comptage des oiseaux veillez­vous ! © Rachel Delmelle

En 2015, 400 000 oiseaux ont été recensés dans près de 8 000 jar­ dins de Wallonie et Bruxel­ les. En tête de fréquenta­ tion des jardins, on retrouvait le merle noir, présent dans 93 % des jardins. Il était suivi de près par la mésange char­ bonnière, qui l’avait détrôné l’année précé­ dente. Grâce à ces observations, comparées d’année en année, Natagora en apprend plus sur le mode de vie des oiseaux communs. On constate par exemple qu’un

RELEVÉ

OBSERV

Les espèces forestières sont­elles au jardin cet hiver ?

DE VOS

ATIONS

DES 30 & 31 JANVIER (*)

Dates :

NOMBRE MAXIMUM OBSERVÉ

Bouvreuil pivoine Chardonneret élégant Choucas des tours Étourneau sansonnet

Le week-end des 30 et 31 janvier, restez bien au chaud à l’intérieur et regardez les visiteurs de vos mangeoires. Un petit tour à l’extérieur pour vous revigorer vous permettra de rencontrer l’une ou l’autre espèce en plus. Votre séance d’observation doit durer au moins une heure.

Merle noir

Astuce : si vous observez à différents moments de la journée, vous verrez plus d’espèces :)

Mésange bleue

• IDENTIFIER Aidez-vous des photos et descriptions de ce suplément mais aussi de notre site web www.natagora.be/oiseau pour reconnaître vos visiteurs. • DÉNOMBRER Très simple : notez le nombre maximum d’oiseaux de la même espèce observés en même temps. Il ne faut donc pas additionner les observations.

Geai des chênes Grive litorne Grive musicienne Gros-bec casse-noyau oyau oy x Mésange à longue queue

Mésange huppée Mésange noire Mésange nonnette Moineau domestique Moineau friquet Perruche à collier Pic épeiche Pic vert Pie bavarde Pigeon ramier

• RENSEIGNER Rendez-vous sur www.natagora.be/oiseaux pour reporter les chiffres de votre formulaire. Merci d’avance pour votre participation et bon amusement !

Sittelle torchepot

Mésange charbonnière

Pinson des arbres Pinson du Nord

© Robert Hendrick

• OBSERVER

Corneille noire

© Robert Hendrick

Comment participer ?

Les oiseaux forestiers ne se montrent pas chaque hiver aux mangeoires. Pics épeiches, sittelles et grimpereaux viendront-ils au jardin cette année ? Votre participation au comptage ce week-end permettra à Natagora de s’en faire une idée plus précise.

Accenteur mouchet

© Robert Hendrick

© Shutterstock

C

haque année depuis 2004, des mil­ liers de per­ sonnes comp­ tent les oiseaux qui visitent leur jardin le temps d’un week­ end. Ils découvrent ainsi les nombreuses surprises que peut re­ céler leur petit coin de nature. Ils transmettent alors leurs informations à Natagora et permettent à l’as­ sociation de protection de la nature de mieux connaître nos oiseaux pour mieux les protéger.

Rougegorge familier Sittelle torchepot Tarin des aulnes Tourterelle turque

(*) ou une date proche si vous ne pouvez pas participer le week-end des 30 & 31 janvier

natagora.be/oiseaux

Troglodyte mignon Verdier d’Europe

Grimpereau des jardins

Pic vert


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