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LUNDI 9 MAI 2016
● LE CHIFFRE
de la facile tentation de faire des économies sur le dos d’un secteur exsangue, compressé financièrement, sacrifié sur l’autel du réalisme économique. Aujourd’hui, en faisant appel au cadre budgétaire, Koen Geen (mais non, Geens !) fait la sourde oreille, comme le fait d’ailleurs tout son gouvernement, subitement muet devant une situation qui fait que l’État belge a déjà été condamné par certains de ses tribunaux. Mais le ministre n’a pas encore été condamné à une peine de prison. Heureusement d’ailleurs : on l’imagine dans une cellule de Lantin, de Namur, de Forest ou de Huy, expliquer aux détenus et à leurs gardiens que le cadre budgétaire ne permet plus aucune amélioration des conditions de détention ou de celles du travail des gardiens. Koen Geen, tiendriez-vous une heure dans les conditions que vous et votre gouvernement avez initiées ?
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Trois jours de pluie sont nécessaires pour permettre de lever le drapeau rouge qui flotte sur la réserve naturelle des Hautes Fagnes. En raison des risques d’incendie, l’accès aux promeneurs a été interdit dans certaines zones depuis samedi.
● ARRÊT SUR IMAGE
ÉLECTIONS SOCIALES
AUJOURD’HUI
LE VOTE DES TRAVAILLEURS, UN TEST SYNDICAL
ANA LYS E Dès ce lundi et jusqu’au 22 mai, près de deux millions de travailleurs vont élire leurs représentants dans les conseils d’entreprises et les comités de protection et de prévention au travail. Pratiquées tous les quatre ans, ces élections sont aussi un grand test pour les syndicats. ●
A
ux urnes, travailleurs ! Dans près de 7 000 entreprises belges, employés et ouvriers vont être amenés à voter pour leurs représentants. Un instant de démocratie qui traduit un des trois échelons de la concertation sociale : l’entreprise. Quoique discrète pour les non-initiés, la procédure est en route depuis plus de cent jours. Mais à ce stade, tout est prêt : les listes de candidats sont connues, les bulletins de vote sont prêts. Ne reste plus qu’à voter… En 2012, ils étaient exactement 1 690 000 à être invités à voter. Soit moins de la moitié des quatre millions de travailleurs que compte la Belgique. La raison est double : d’une part, la Fonction publique n’est pas soumise à ce genre d’élection. D’autre part, les entreprises de plus petites tailles sont exemptées : pas de conseil d’entreprise pour les entreprises de moins de 100 travailleurs et pas de comité de protection et de prévention au travail en dessous de 50 salariés. Mine de rien, ça fait quand même un sacré paquet de candidats (voir par ailleurs).
AFP
La CSC en tête
En mai, la capitale espagnole présente son visage le plus festif et le plus accueillant. Les Madrilènes fêtent leur patron, Saint Isidore le Laboureur. C’est à cette occasion que la feria est organisée. Elle a lieu entre mai et juin et est devenue avec le temps la feria la plus prestigieuse du monde.
La vérité des chiffres impose un double constat : tant dans les comités de protection et de prévention au travail que dans les conseils d’entreprise, pour le pays, c’est la CSC qui détient le plus grand nombre de mandats. Ainsi, pour les comités, elle dispose de la majorité absolue (59 % des sièges) depuis 1991. La FGTB est seconde avec 33,6 % des sièges et, en fin de peloton, le syndicat libéral (CGSLB) détient 7,3 % des strapontins dans les entreprises. On notera tout de même que la CSC a bénéficié d’un électorat qui lui était plus favorable quand, en 1975, le secteur non-marchand a été intégré dans le régime des élections sociales. C’est surtout vrai en Flandre où, dans certains arrondissements, les entreprises nonmarchandes offrent au syndicat chrétien des scores quasiment staliniens… ■
Dominique VELLANDE
ÉdA – 30740184797
Koen Geen… Plus rien, pas un kopeck, pas un centime, pas un cent, pas un penny, pas un euro. Niente, niente… Ce n’est pas moi qui le dis, mais un certain Koen Geen, euh, pardon, Koen Geens. L’homme est inflexible, comme du béton armé, comme une forteresse imprenable, comme une prison muette. « Le cadre budgétaire », dit-il, s’agissant de ne pas pouvoir régler le problème des prisons… bruxelloises et wallonnes. Car le problème est aussi là : les Wallons, réputés comme grévistes dans l’âme, paresseux et revendicateurs devant l’éternel, n’acceptent pas un protocole d’accord qu’ont signé leurs collègues flamands. Passons-nous pourtant de la tentation de communautariser un dossier qui prend des allures dramatiques pour l’état de nos prisons. Encore une fois, un ministre ne prend pas ses responsabilités dans un dossier aux relents putrides de l’austérité, du laisser-aller,
Des élections
par D i d ier M A L E M PRÉ
Comme on pourra le lire dans nos éditions de demain, les patrons « subissent » un peu ce grand barnum. En revanche, pour les trois syndicats (CSC, FGTB et CGSLB et leurs pendants flamands), ces élections ont valeur d’un grand test dont les conséquences dépassent de loin le cadre des entreprises proprement dites. Les résultats seront additionnés et permettront à chaque syndicat de truster des mandats aux deux échelons supérieurs : les commissions paritaires pour les secteurs d’activité et l’interprofessionnel, soit le niveau le plus élevé de la concertation sociale. Le niveau fédéral, donc. À la clôture des élections, on
Le vote des travailleurs est nonobligatoire mais le taux de participation est important.
assistera comme d’habitude à quelques postures comparables au soir d’élections politiques : chaque syndicat trouvera de quoi expliquer pourquoi il a gagné. Ceci dit, les résultats sont généralement très stables.
Le bien-être et l’info
I
l ne faut pas avoir vingt ans d’expérience de permanent syndical pour comprendre à quoi servent ces élections et les organes qu’elles installent. Mais ce n’est pas toujours clair dans l’esprit des travailleurs. Voici donc de quoi comprendre un peu mieux. 1. Les élections sociales permettent d’élire des représentants des travailleurs dans deux organes : le comité de protection et de prévention au travail de même que le conseil d’entreprise. Ces deux organes sont paritaires, ce qui signifie que face aux représentants des travailleurs se tiennent ceux de la direction. On notera qu’il n’y pas d’élection pour ces derniers. 2. Rebaptisé en 96, le Comité de prévention et de protection au travail (CPPT), anciennement comité pour la sécurité, l’hygiène et
reporters
● CECI DIT
La sécurité au travail, une des missions du CPPT.
l’embellissement au travail, s’occupe du bien-être au travail. Ce comité rend des avis, contrôle l’activité du service de prévention ou encore veille à ce que la législation soit respectée. 3. Le conseil d’entreprise (CE)
LUNDI 9 MAI 2016
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ns qui sont aussi un test syndical
RS,
MARDI
MERCREDI
AUJOURD’HUI, LES
PATRONS S’ÉMANCIPENT
JEUDI
LES SYNDICATS SACRALISENT LE GROUPE DES DIX SERALE RAPPORT DE FORCE T-IL UN JOUR WALLON ?
Les résultats en 2012 pour les CPPT
VITE DIT Plus de candidats
59
Plus de 132 750 travailleurs sont candidats aux élections sociales. Le syndicat chrétien (CSC/ACV) en propose 61 000, la FGTB/ABVV 520 000 candidats tandis que le syndicat libéral (CGSLB/ACLVB) en aligne 19 400.
52,5
36,4
33,6
11,2
Plus d’entreprises
7,3
Pourcentage des votes valables
Wallonie : la FGTB première en dehors du non-marchand
Pourcentage des sièges Sources: CRiSP
fo rmation reçoit toute une série d’informations économiques, financières ou sociales de l’entreprise. Tout comme le CPPT, le CE est essentiellement consultatif. À l’exception du règlement de travail, on n’y négocie pas plus qu’au sein des CPPT. La négociation appartient aux délégations syndicales et se pratique donc ailleurs. 4. Ce sont les délégations syndicales qui pilotent la confection de leur liste. Si les candidats doivent être affiliés à un syndicat, les travailleurs, eux peuvent voter même s’ils ne sont pas affiliés. De même qu’un représentant des travailleurs n’est pas nécessairement délégué syndical. Cela dit, les délégués syndicaux sont souvent sur les listes des élections sociales et siègent donc aussi dans les CE et les CPPT. ■ D.V.
INTERVIEW
●
Jean FANIEL
« Le but était de mieux répartir les fruits de la croissance » loppée. Comment comprendre que ce mouvement a pu être entendu par les patrons ?
Cela offrait une forme de garantie de paix sociale et une égalité de traitement des travailleurs permettait aux patrons d’éviter une concurrence déloyale entre entreprises.
Jean Faniel est le directeur général du CRISP. Jean Faniel, quelle histoire fonde les élections sociales ?
Elles datent des années 1950 et s’inscrivent dans le cadre de la concertation sociale. Au début de l’industrialisation, les travailleurs n’avaient aucun pouvoir et, après des conflits importants dans le bassin verviétois en 1906, l’idée de conventions collectives s’est déve-
Depuis les élections de 2000, le nombre d’entreprises où il y a des élections sociales n’a pas cessé d’augmenter pour les comités de protection et de prévention au travail. Quoiqu’en progression plus relative, les conseils d’entreprise supplémentaires sont surtout liés au secteur non-marchand.
sance. Et au niveau des entreprises, une certaine démocratie doit s’appliquer : les élections sociales étaient nées. Quel était le rôle du gouvernement dans cette concertation ?
Jusque dans les années 70, le gouvernement agit un peu comme un notaire. Il valide les accords interprofessionnels. À partir de 86, la tendance s’inverse. On passe quaLa concertation sociale est aussi une siment à une négociation triparforme de contrat entre patrons et tite. À ce moment, le leitmotiv syndicats… sera la compétitivité de l’éconoIl s’agit d’une reconnaissance mu- mie belge. tuelle à la fin de la 2e guerre. Les patrons acceptent les syndicats Ce qui affecte la concertation ? comme interlocuteurs valables. Et Elle se complique et est plus encaces derniers admettent le système drée. Il n’y a plus de grands accapitaliste où le patron a donc le cords depuis 2008. On ne s’acpouvoir. corde plus que sur « des petits bouts » Avec à chaque fois, en Quel était le principe ? 2015, la N-VA qui oblige le gouverIl fallait répartir de façon plus nement à retoucher. Généraleéquitable les fruits de la crois- ment en faveur des patrons… ■
Dans les entreprises industrielles et commerciales, pour le scrutin de 2012, la FGTB a une courte majorité absolue (51,2 % des sièges). Mais dans le secteur non-marchand, c’est la CSC qui l’emporte 58,9 %). En additionnant les deux secteurs, c’est le syndicat chrétien qui est le premier en Wallonie.
Entre Flandre, Bruxelles et Wallonie Toujours sur base des résultats de 2012, on constate que sur 100 électeurs du syndicat chrétien, 60 se trouvent en Flandre, 21 en Wallonie et 19 à Bruxelles. Pour la FGTB, 49 voix sont flamandes, 28 wallonnes et 22 bruxelloises. C’est le syndical libéral qui enregistre le plus de voix avec 28 électeurs sur 100. > Source : Les élections sociales de 2004, 2 008 et 2 012. Courrier hebdomadaire du CRISP.
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ÉLECTIONS SOCIALES
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élections sociales ont déjà été organisées à Parai Daïza. Mais elles ne se pratiqueront que pour Anne-Françoise VANGANSBERGT (CSC) les ouvriers.
« C’est dans le secteur de l’enseignement où la concertation est la plus calamiteuse. »
Autant de candidats que de mandats ? On ne vote pas
BELGA
LUNDI 9 MAI 2016
À Parai Daïza, les employés ne votent pas Lorsqu’il y a autant de candidats que d’élus
Pour les élections sociales, à Parai Daïza, ni les pandas ni les employés ne votent.
possibles, on arrête les élections. Comme cela se pratique pour les employés de Parai Daïza. Dominique VELLANDE
M
ême si cela ne concerne qu’un nombre assez restreint d’entreprises, il arrive qu’aux élections sociales, tous les candidats sont élus d’office. Soit avant même le vote. En principe, cela signifie généralement deux choses : il n’y a qu’un syndicat qui a déposé une liste et le nombre de candidats est équivalent au nombre de mandats disponibles. C’est le cas pour les employés du parc animalier Parai Daïza où seule la CSC a déposé une liste de deux candidats. Et comme il n’y a que deux mandats à pourvoir, ces deux personnes ne devront pas passer par le vote de leurs collègues : elles sont élues d’office. Poursuivre la procédure électorale n’aurait pas de sens.
jours en témoignent, l’entreprise s’est développée et a donc engagé du personnel. Arrivant ainsi au seuil où un conseil d’entreprise et un comité de protection et de prévention au travail doivent être installés. Activité saisonnière Le paradis des animaux est-il aussi celui des travailleurs qui y bossent. « C’est surtout la question du CPPT qui est importante. S’agissant d’une activité saisonnière, le personnel est évidemment fort sollicité à certains moments. Nous sommes évidemment heureux que le parc connaisse un beau succès et que des gens soient engagés mais il faut quand même bien veiller à ce que les conditions de travail restent correctes. Et franchement, ça se passe plutôt bien », explique Sayah Aïcha, permanente nationale pour le secteur Alimentation et Services de la CSC. Et à entendre cette syndicaliste, le sourire emblématique d’Éric Domb, le patron du parc, n’est pas que de façade. « C’est un gestionnaire plutôt participatif mais il s’est bien accommodé de
Les ouvriers voteront En revanche, pour les ouvriers de Parai Daïza, il y aura bien une élection puisque la FGTB a elle aussi déposé une liste. En fait, c’est la troisième fois que des élections se produisent dans le parc animalier. Et les embouteillages des derniers
Photo News
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l’existence de ces organes de con- manquait des soigneurs. « On a rai Daïza, une convention certation officielle », constate séparé les animaux par secteur et collective a réglé la question Sayah Aïcha. on a pu identifier là où les besoins depuis pas mal de temps. « Le de plus de personnel étaient les bien-être des animaux est une Flexibilité : c’est réglé plus cruciaux. » chose, celui de ceux qui s’en occuUne concertation qui, par Alors que la flexibilité au tra- pent est d’abord notre préoccupaexemple, a pu permettre vail suscite toujours la contro- tion », résume cette syndicad’identifier à un moment qu’il verse au niveau national, à Pa- liste. ■
L’école serait-elle mauvaise élève ? Étonnant : le secteur d’activité où la concertation sociale semble la plus compliquée serait l’enseignement… ●
n’ont pas du tout une culture de la concertation. Alors, on nous envoie des sous-directeurs qui n’ont finalement aucun pouvoir. C’est insupportable » explique cette permanente syndicale. Jamais sortis de l’école
Dominique VELLANDE
L’
BELGA
école, berceau d’éducation, ne serait donc pas la plus exemplative en matière de concertation sociale. C’est le point de vue, partagé dans le monde syndical, d’Anne Françoise Vangansbergt, permanente CSC pour l’enseignement. Précisons tout de suite que les élections sociales ne s’organisent que dans l’enseignement libre, l’officiel étant soumis à un autre régime où ce sont les syndicats qui assument seuls la re-
Curieusement, les syndicats considèrent les écoles où des élections sociales sont organisées comme les potaches de la concertation.
présentatitivté des travailleurs. « C’est en effet le secteur où la concertation est la plus calamiteuse. Et je pèse mes mots », assure Anne-Françoise Vangansbergt. La plus grosse difficulté ? Avoir le vrai patron à la table. Ce sont es-
sentiellement des comités de protection et de prévention au Travail qui sont installés. Plus rarement des conseils d’entreprise. « J’assiste à une véritable déliquescence des pouvoirs organisateurs. Ce souvent des gens âgés et qui
« Même si ce ne sont que des organes d’avis, je ne comprends pas pourquoi les écoles les snobent de cette façon. Il faut chaque fois se fâcher pour obtenir un minimum de dialogue ou d’écoute », tempête Anne-Françoise Vangansbergt. Laquelle pose une hypothèse qui risque d’en hérisser plus d’un. « Le drame, c’est qu’on trouve dans les écoles des gens qui ne sont jamais sortis de… l’école. On reste toujours dans une gestion éclairée et paternaliste. Pouvoirs organisateurs et directions estiment qu’ils savent ce qui est bon pour leur établissement et considèrent donc qu’ils n’ont pas de leçon à recevoir de représentants des travailleurs ».
Mieux dans le technique et le professionnel La permanente syndicale en veut pour preuve que la concertation sociale est généralement beaucoup mieux construite dans les écoles techniques et professionnelles. « Ce sont des gens qui sont beaucoup plus en prise avec la société civile et le monde des entreprises. La concertation sociale, ils savent ce que c’est ». En revanche, pour les deux extrêmes que sont l’enseignement fondamental et les universités, cela coince beaucoup plus souvent. « Il y a toujours cette représentation mentale du « maître » qui est présente. Et les enseignants eux-mêmes n’osent pas toujours se risquer à affronter celui ou celle avec qui ils mangent leurs tartines tous les jours à midi. Ce qui est regrettable, c’est que les problèmes de burn-out et de bienêtre au travail explosent dans ce secteur ». ■
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MARDI 10 MAI 2016
● CECI DIT
par G ér y E Y KE RM AN
Fête des mères… C’est une maman presque comme une autre. Elle aussi, elle a reçu des colliers de nouilles, des cœurs piqués dans des boîtes de camembert. Elle les a encore d’ailleurs. C’était le temps du bonheur. Il y a longtemps. Une maman comme une autre… Enfin, pas tout à fait. Elle sait bien qu’elle n’a pas toujours été à la hauteur. Son ex-mari, encore moins à vrai dire. Alcoolo, violent à ses heures et toutes ces choses. Elle s’est abîmée auprès de compagnons tout aussi perdus. Faut croire qu’il n’y avait pas vraiment le choix sur le marché du célibat. Pas l’idéal pour les enfants… qu’on a fini par lui retirer. Des années sans les voir. Sauf de loin en loin. Ils ont commencé à faire des petites bêtises, puis des plus grosses, et puis ça ne s’appelait plus des bêtises. Elle, l’âge venant, elle a pourtant émergé de toute cette crasse de vie. Elle ne sait pas trop comment, mais
elle en est sortie. Avec l’aide d’associations diverses, de bénévoles, et par elle-même, elle l’oublie un peu. Elle a récupéré la garde des plus jeunes. Ils grandissent plutôt pas mal. En tout cas, ils sont scolarisés avec un peu de retard, mais ça va. Mieux que ça, ils ont des rêves. Des rêves de vie, de métier, de famille. Ça les anime et ça l’anime aussi, elle. En ce jour de fête des mères, elle aurait voulu raconter ça aux aînés, ceux qui sont derrière les murs. En ce jour de fête des mères, elle aurait voulu leur dire qu’elle les aime, que même si on a perdu du temps, beaucoup de temps, il en reste toujours devant soi, et que c’est comme dans la chanson, si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie… Ceci dit… ceci dit, quoi ? Euh rien. Non, non, rien. Elle le sait bien qu’elle n’est qu’une mère de taulards. Fête des mères…
● LE CHIFFRE
55 000
C’est le nombre de membres inscrits sur la plate-forme belge Menu Next Door, un an après son lancement. Le concept : des particuliers qui cuisinent pour d’autres particuliers. Ainsi, 600 cuisiniers occasionnels ou réguliers, professionnels ou amateurs proposent de livrer un plat pour une moyenne de 6 à 9 euros.
● ARRÊT SUR IMAGE
ÉLECTIONS SOCIALES
UN TEST SYNDICAL
ANA LYS E Attendu mais nettement plus vigoureux aujourd’hui, le discours de la FEB questionne largement les élections sociales. Avec, en ligne de mire, une organisation jugée trop coûteuse, un nombre excessif de travailleurs protégés et des protections trop élevées. ●
Dominique VELLANDE
O
n ne s’attendait évidemment pas à un discours patronal louant sans réserve les mérites des élections sociales. Mais cette fois, la FEB propose de revoir fondamentalement la copie. Selon l’interprétation, on y verra soit la volonté de lever des tabous soit une posture singulièrement émancipée par rapport à la concertation dans les entrepriAnnick Helllebuyck (FEB) : ses belges. C’est long Les patrons soupirent. Cela fait 140 jours qu’ils suivent à la lettre (ou tentent de le faire) l’organisation de ces élections. « C’est un monstre juridique, constate Annick Hellebuyck, la spécialiste des élections sociales de la FEB. Et à chaque faux pas, l’employeur peut être sanctionné. » La FEB lorgne avec jalousie des nations comme les Pays-Bas où la représentation des travailleurs est organisée par les travailleurs eux-mêmes. « Les employeurs ne doivent pas s’en mêler ». Au passage, l’organisation patronale observe que les élections politiques ne réclament que 40 jours de préparation et qu’elles ne s’organisent que sur un jour.
Reporters/Abaca
La FEB dit avoir pris sa calculette. Les élections sociales, organisées tous les quatre ans, représentent un coût de 160 à 200 millions d’euros. « Certains estiment que cela coûte environ 1 000 euros par travailleur et par an », observe Annick Hellebuyck.
La grosse boule orange, c’est le soleil. Et le tout petit point noir dans le troisième quart, c’est Mercure. Hier après-midi, Mercure est passée entre la Terre et le Soleil. Résultat : les amateurs d’astronomie ont pu suivre le trajet de la planète aux quatre coins de la Belgique.
AUJOURD’HUI
LE VOTE DES TRAVAILLEURS,
C’est cher
Mercure avait rendez-vous avec les terriens
Les patrons
« Les élections sociales sont devenues un monstre juridique. »
pour permettre aux représentants des travailleurs de s’exprimer librement, et donc sans risquer des retours de manivelle. Mais là, les patrons estiment que cette loi transforme certains travailleurs protégés en « intouchables ». Même si elle ne le dit qu’à demi-mot, la FEB juge que ce système peut attirer de « mauvaises personnes plus intéressées par la protection que par la représentation ». « On constate des abus et des dérapages », relèvent les représentants des patrons. Indemnités exorbitantes Licencier un travailleur protégé coûte très cher. « Cela peut aller jusqu’à des indemnités de huit années en cas de licenciement. Ce n’est plus une protection mais de véritables parachutes dorés. On l’a vu à la SNCB avec des délégués qui partaient avec des primes astronomiques », soutient Annick Hellebuyck. Non élus mais protégés
ceux qui ne sont pas élus bénéficient-ils d’une protection équivalente, s’interroge l’organisation patronale. « Et un travailleur non-élu pour la seconde fois bénéficie encore d’une protection pour la moitié du mandat. Cela veut dire qu’un candidat qui n’a qu’une voix – la sienne – peut être protégé pendant six années. C’est tout à fait abusif », analyse Annick Hellebuyck. Protégé, pas privilégié En rappelant malicieusement que les représentants des travailleurs ne sont pas nécessairement des délégués syndicaux (beaucoup ont néanmoins la double casquette), l’organisation patronale rappelle que les conventions de l’Organisation Internationale du Travail précisent qu’il ne faut pas confondre protection et privilège. « Les représentants des travailleurs doivent avoir une fonction d’exemple. Ils doivent être avant tout de bons travailleurs », explique sans rire la FEB. Au risque, enchaîne-t-elle, de susciter des discriminations au sein de l’entreprise. « Comment un représentant peut-il asseoir sa légitimité et son leadership si luimême ne fait pas son boulot de travailleur correctement ? », s’interroge Annick Hellebuyck. Qualité, pas quantité On l’aura compris, ce n’est ni plus ni moins qu’à une vaste révision de la concertation sociale dans les entreprises qu’appelle avec insistance l’organisation patronale. En la ramassant par une formule lapidaire : « Privilégions la qualité plutôt que la quantité ». E tout en niant vouloir remettre en cause les grands principes de la concertation (voir ci-contre). Juste en en modifiant les règles du jeu. C’est plutôt frontal mais ça a le mérite d’être clair. ■
Le principe reste en travers de la gorge de la FEB. Passe encore Trop de travailleurs protégés qu’un travailleur élu (et donc C’est une des critiques les plus qui exerce effectivement un lourdes de la FEB. Cette protec- mandat) fasse l’objet d’une protion des représentants est orga- tection. Mais pourquoi donc nisée par une loi de 1991. Les patrons estiment qu’à l’occasion « Comment un représentant peut-il asseoir des 25 ans de cette loi, il est sa légitimité si lui-même ne fait pas son boulot grand temps d’en réduire la voilure. Certes, le sujet est délicat de travailleur correctement ? » car cette protection a été prévue
MARDI 10 MAI 2016
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s fustigent les « intouchables » MARDI
AUJOURD’HUI, LES
RS,
PATRONS S’ÉMANCIPENT
MERCREDI
JEUDI
LES SYNDICATS SACRALISENT
LE GROUPE DES DIX SERA-T-IL UN JOUR WALLON ?
LE RAPPORT DE FORCE
kasto – Fotolia
Pour les patrons, communiquer directement avec les travailleurs est la meilleure des solutions.
REGARDS CROISÉS INTERVIEW
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INTERVIEW
Bar t BUYSSE
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« Dans les PME, le dialogue social se fait spontanément »
« Le monopole syndical devrait pouvoir être questionné » Lesquelles ?
Bart Buysse, directeur de la Fédération des entreprises de Belgique. Le regard que la FEB porte sur les élections sociales est tout de même assez cinglant…
Nous soulevons des problèmes mais cela ne nous empêche pas de croire que la concertation sociale présente beaucoup d’opportunités pour les patrons aussi.
D’abord, il est important qu’un patron puisse avoir des interlocuteurs de qualité. C’est-à-dire des représentants qui connaissent bien leur entreprise et qui réfléchissent de manière responsable. Il est de l’intérêt de tous, patrons et travailleurs, de favoriser des entreprises fortes qui créent de l’emploi et de la prospérité. Quelle plus-value accordez-vous aux conseils d’entreprise et aux comités de protection et de prévention au travail ?
Cette concertation formelle est importante même si le monopole syndical devrait pouvoir être questionné. Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir des listes « maison », comme cela se pratique dans d’autres pays ? Les patrons
rapports de force là où ils ne sont non seulement pas nécessaires mais seraient contre-productifs.
doivent pouvoir « sentir » l’entreprise et s’investir dans la communication informelle. C’est une façon intelligente de régler beaucoup de problèmes en amont des organes formels. On gagne en temps, en énergie et en efficacité. L’abaissement des seuils pour organiser les élections sociales reste une revendication syndicale. Votre réponse ?
La concertation n’est pas un but mais un moyen pour que l’entreprise fonctionne mieux à tous les niveaux. Abaisser les seuils ne serait pas raisonnable. Déjà à ce stade, dans une entreprise de 100 personnes, on peut arriver à un pourcentage de 72 % de travailleurs protégés. C’est ingérable et inadapté. ■ D.V.
Th i e rr y E V E N S
Vous assumez le fait que les PME tentent d’éviter une délégation syndicale ?
de coresponsabilité spontanée entre la direction et les travailleurs. Le patron qui ne fait pas cela se tire une balle dans le pied.
Vous ne soutenez quand même pas qu’il n’y a jamais Oui, pour les mêmes rai- de souci dans les PME…
Thierry Evens est le porte-parole de l’Union des Classes moyennes. Thierry Evens, comment jugez-vous la revendication syndicale d’abaisser les seuils légaux pour installer des CE et des CPPT ?
Nous y sommes opposés. Ces organes sont peut-être nécessaires dans de grosses entreprises. Dans une PME, ce serait installer des
sons : les syndicats ont un rôle important à jouer au niveau interprofessionnel ou sectoriel mais pas dans les PME.
Il peut bien sûr y avoir des conflits. Mais cela fait partie de la vie d’une entreprise et on cherche ensemble des solutions. Sans avoir besoin d’intermédiaiComment se régule le dialogue res. social dans les PME, dès lors ?
D’abord parce que le patron sait que son personnel est sa première ressource. Installer un bon climat de travail, c’est sa priorité. Et dans une PME, tout le monde se connaît. Cela signifie qu’il y a une forme
Et quand ça ne va vraiment pas ?
Il y a les tribunaux du travail. Mais je n’ai pas le sentiment que ces juridictions sont encombrées par des dossiers relatifs à des conflits dans les PME. ■ D.V.
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MERCREDI 11 MAI 2016
● CECI DIT
Nos sentinelles
Cela demande de la volonté, de l’endurance, de la discipline, de la solidarité. Cela demande aussi de la disponibilité et de la discrétion. C’est d’ailleurs principalement pour ces deux dernières raisons qu’ils ont été réquisitionnés ces derniers temps dans les prisons, dans les écoles, devant les grandes surfaces ou bâtiments publics. Personnellement, le bruit des bottes ne m’a jamais fait frétiller. Et je serais même tenté d’écrire que lorsqu’on choisit l’armée, c’est pour le meilleur et pour le pire. Mais bon, quand même, je pense que le pire a assez duré. Sous l’uniforme, il y a aussi des hommes et des femmes qui ont suivi des années d’entraînements « d’aguerrissement » pour développer des résistances physiques et mentales inouïes et maîtriser leurs émotions. Mais leur patience a des limites et servir la tambouille à des détenus est sans doute l’humiliation de trop pour nos sentinelles.
● LE CHIFFRE
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Le nombre de demandes d’indemnisation pour des retards adressées à la SNCB en 2015, soit 19 % de moins qu’en 2014 (82 256). C’est l’amélioration de la ponctualité qui entraîne cette baisse de demandes de compensation. Le montant versé a également diminué, passant de 1 010 000 d’euros à 698 703 euros.
AFP
● ARRÊT SUR IMAGE
Un «Éternel Printemps » à 20 millions de dollars La sculpture en marbre du Français Auguste Rodin, a été vendue lundi soir pour plus de 20,41 millions de dollars aux enchères d’art impressionniste et moderne chez Sotheby’s à New York, un record pour l’artiste.
ÉLECTIONS SOCIALES
AUJOURD’HUI
LE VOTE DES TRAVAILLEURS, UN TEST SYNDICAL
ANA LYS E La disgrâce syndicale dans l’opinion publique ne se vérifie pas dans l’entreprise. Deux études en attestent. Les syndicats s’en réjouissent, rappelant qu’un dialogue et même un rapport de force sont indispensables entre patrons et travailleurs. ●
Dominique VELLANDE
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oyons de bon compte, les grèves ont été désastreuses pour l’image des syndicats. Avec de surcroît l’impression partagée que les résultats ne sont jamais au rendez-vous. « Il ne faut pas exagérer : les grèves ne sont que la partie émergée de la concertation sociale. Dans la plupart des cas, nous parvenons à des solutions négociées », rétorque Marc Goblet, le patron de la FGTB. Dans les entreprises, la situation semble inversée. « Et cela montre bien que quand un bon dialogue existe entre patron et travailleurs, ça fonctionne toujours mieux. Je pense même que la majorité des employeurs en sont conscients », souligne Marc Goblet. La FGTB en veut pour preuve que deux études récentes effectuées auprès des travailleurs en entreprises (Randstadt et la KUL) ont observé un taux de satisfaction accru quant aux organes de concertation que sont délégations syndicales, comité de protection et de prévention au travail et conseils d’entreprise. Kurt Vandaele (KUL) a ainsi observé que les travailleurs ont une volonté plus forte d’avoir des représentants. Tandis que l’enquête de Randstadt souligne un véritable « bond en avant » dans la confiance envers les organisations syndicales. « On n’en demandait pas tant », glisse la FGTB. Il faut se battre sur tout
ÉdA Philippe Labeye
Ils sont les sentinelles de la nation. Des héros qui contribuent au maintien de l’ordre et de la paix, ici et ailleurs. Que ce soit dans les airs (interception d’avions de combat, bombardements aériens,…), dans les mers (tirs de missiles, combats sous-marins,…) ou sur terre (manœuvres d’artillerie, offensives terrestres, déminage,…) être militaire, c’est très grisant. Depuis toujours, cela excite les imaginaires des petits enfants qui jouent avec leurs figurines en plastique ou en plomb et qui s’imaginent aide-mécanicien en Afrique, radiotélégraphiste dans une zone de conflit au MoyenOrient, conducteur de superpoids lourds en Amérique latine ou même cuisinier en Extrême-Orient. On a tous dans un coin de la tête ces images de soldats dans les bars de Saïgon ou ces militaires style « Robocop » dans le désert irakien. Découvrir le monde et d’autres cultures en groupe, sous le même uniforme, c’est excitant et fascinant.
Les syndicats
par Nat ha naël JACQMIN
Il n’empêche, les syndicats continuent à regretter que beaucoup d’entreprises persistent à fermer la porte à toute forme de représentativité. « Cela reste décevant car il y a encore beaucoup d’endroits où personne n’est là pour vérifier le respect des droits collectifs », constate Herman Fonck, chef du service Entreprises de la CSC. « Une délégation syndicale, c’est déjà une bonne chose mais sans CPPT ou CE, il faut se battre sur tout. Et la dépendance à l’égard de
Marc Goblet : « Les grèves ne sont que la partie émergée. La plupart du temps, on négocie. »
l’employeur est très forte. Le but de ces élections sociales, c’est donc de donner une arme au travailleur , explique ce responsable du syndicat chrétien. On s’en rend compte dans les PME où des élections sociales sont organisées pour la première fois. Systématiquement, les travailleurs se rendent compte que la législation sociale y est mieux respectée . Et c’est aussi un bénéfice pour l’entreprise. » Travailleurs mieux payés Sur base de chiffres tirés notamment de la Banque nationale, la CSC avance trois arguments en faveur des organes de concertation qui seront installés via ces élections sociales. « Là où il n’y a pas d’élections, le taux de rotation est beaucoup élevé au sein du personnel. Or, la stabilité est un élément important, surtout pour les petites entreprises », observe Herman Fonck. Le second argument ne plaira sans doute pas aux employeurs : la CSC dit avoir objectivé le fait que les salaires sont plus élevés dans les entreprises où la concertation sociale est organisée. « Ce qui explique d’ailleurs que la mobilité professionnelle est plutôt unilatérale : les gens quittent souvent les PME pour rejoindre des en-
treprises de taille plus élevée. L’inverse est beaucoup plus rare. Les PME perdent donc un savoirfaire. » Enfin, la sécurité au travail serait mieux assurée quand elle est officiellement concertée. « Le Fonds des accidents du travail établit le Top 200 des entreprises où il y a des accidents. Des amendes sont même infligées. Dans ce classement, il n’y a que deux sociétés où il y a plus de 50 travailleurs. Tout le reste concerne des PME », explique Herman Fonck. Tapis rouge pour le patron Que les derniers gouvernements, singulièrement celui qui est en place aujourd’hui, s’immiscent de plus en plus dans la concertation sociale n’a évidemment pas échappé aux syndicats. « Un gouvernement de droite qui légitime et accentue les inégalités sociales . Un gouvernement qui tente même de mettre hors-jeu les partenaires sociaux », gronde Marc Goblet. Et on ne peut pas dire que le discours soit différent à la CGSLB : le syndicat libéral ne dit rien d’autre que la FGTB et la CSC. « On assiste à un détricotage complet des acquis sociaux. Même si le gouvernement Di Rupo avait déjà amorcé le mouvement, celui de Charles Michel déroule un véritable tapis rouge aux patrons, dénonce Olivier Valentin, le patron de la CGSLB. Les emplois que ce gouvernement allait créer ne sont jamais arrivés. » Le syndicat libéral réfute aussi le principe d’une « démocratie naturelle » au sein de l’entreprise. « Elle doit s’organiser et les élections sociales sont donc une bonne réponse. Et lorsque la FEB dénonce la protection des représentants, elle n’est pas honnête : tout le monde sait que sans cette protection, on ne pourra éviter l’arbitraire. » ■
« Dans les PME où des élections sociales sont organisées, les travailleurs se rendent compte que la législation sociale y est mieux respectée. »
MERCREDI 11 MAI 2016
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ts sacralisent le rapport de force MARDI
AUJOURD’HUI, LES PATRONS
RS,
S’ÉMANCIPENT
MERCREDI
JEUDI
LES SYNDICATS SACRALISENT
LE GROUPE DES DIX SERA-T-IL UN JOUR WALLON ?
LE RAPPORT DE FORCE
ÉdA – Florent Marot
Les grèves ont déplu à l’opinion publique mais les travailleurs sont attachés aux syndicats.
REGARDS CROISÉS INTERVIEW
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INTERVIEW
Pierre REMAN
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« Aujourd’hui, les syndicats sont plutôt sur la défensive »
« Certains conseils d’entreprise tournent à la guérilla »
niers deviennent rares.
les ou économiques. À condition bien sûr que l’entreprise se soit investie dans une culture du dialogue.
base des intérêts contradictoires crée les conditions de bonnes solutions.
Pourtant, la Belgique a été longtemps considérée comme un modèle de concertation sociale… Comment patrons et syndicats On peut même dire, compa- s’adaptent ?
Pierre Reman est directeur de la Fopes, à l’UCL. Pierre Reman, vous observez une forme d’appauvrissement de la concertation sociale ?
En quelque sorte. Je peux l’expliquer par cette image : « Il y a de moins en moins de grain à moudre. » Il devient difficile de partager les fruits de la croissance quand ces der-
Ba u d u i n AU Q U I E R
rativement aux autres pays, que la Belgique résiste en matière d’inégalités sociales. Le système de protection sociale, même si son financement est questionné aujourd’hui, continue à fournir de bons résultats. Dans le domaine de la santé, par exemple. Quelle conséquence peut-on redouter quand une concertation sociale patine ?
La non-concertation a un coût sociétal car les choses ne se disent pas et les positions antagoniques ne se rapprochent pas. Un échange sur
J’ai l’impression que les rôles s’inversent. Ce sont les patrons qui viennent avec des revendications (et le gouvernement aussi, d’ailleurs) tandis que les syndicats sont plutôt sur la défensive.
Les syndicats doivent-ils évoluer ?
Sans doute mais ils ne sont pas les seuls à échapper au principe qu’on « a toujours fait comme ça ». Les enjeux sont tels qu’il faut des réponses innovantes. À défaut, la démocratie s’en trouve fragilisée, en ce compris dans les entreprises. ■ D.V.
Bauduin Auqiuer (Agilemaker) a été directeur chez Delhaize. Vous étiez directeur RH chez Delhaize, quel regard portezvous sur les organes de concertation dans l’entreprise
J’ai un regard très positif en particulier pour le conseil d’entreprise car il est un lieu où on peut parler de beaucoup de thématiques, qu’elles soient socia-
dicateurs peuvent traduire cela : un bon ordre du jour, des procès-verbaux rédigés de façon équilibrée, Je suis persuadé que lorsque c’est le cas, il y a un vrai apport Ce n’est pas toujours le cas… mutuel entre travailleurs Il ne faut pas se voiler la et employeurs face : certains conseils d’entreprise tournent à la gué- Beaucoup de patrons renârilla permanente. Le con- clent sur la procédure seil d’entreprise devient d’élections… alors instrumentalisé par Ils n’ont pas tort. Mais cette les syndicats ou parfois réalité est aussi le reflet de aussi par la direction. Les notre système de concertaréunions deviennent alors tion qui est beaucoup plus interminables et on se cha- dogmatique qu’ailleurs. maille sans arrêt. Que ce soit dans le chef des syndicats que dans celui Le conseil d’entreprise est-il le du patronat. Dans d’autres thermomètre du climat social pays, il y a plus une attidans une entreprise ? tude de partenariat. En BelIl n’est pas le seul mais je le gique, c’est plutôt la conconsidère comme un bon frontation qui prévaut thermomètre. Certains in- encore. ■ D.V.
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JEUDI 12 MAI 2016
« Un rapport de force est nécessaire pour qu’un dialogue social puisse s’établir. »
Caroline COLLARD (SAW-B)
Vaïa D emetzis (CRISP)
Dernier volet de notre dossier sur les élections sociales
EdA - 30739816832
ÉLECTIONS SOCIALES
« Une démocratie plus aboutie au sein de l’entreprise pourrait donner l’exemple. » Marie-
Ce que ne feront pas les Dix wallons Le pantalon de la concertation sociale craque à l’échelon fédéral. En transférer la responsabilité aux Régions ne séduit personne. Un « groupe des Dix wallons » existe pourtant.
1.
Encore très fédérale Même si la dernière réforme de l’État a amené le transfert de beaucoup de matières dans les Régions, celles directement liées à la concertation sociale sont demeurées de compétence fédérale. Au risque parfois d’incohérences. Ainsi, la politique de l’Emploi est régionale mais le droit du travail, lui, reste fédéral. À ce stade, on constate juste que la machine nationale est
grippée. Sans nécessairement remettre en cause son utilité ou en envisager sa transformation.
2.
Les syndicats n’en veulent pas La structure nationale des syndicats a conservé une assise très forte, au contraire des partis politiques qui ont fini par se scinder en ailes distinctes. Et pourquoi déplacer le curseur alors que des structures syndicales régionales existent déjà ? Au risque de bouleverser la pyramide syndicale et d’accélérer des forces centrifuges déjà existantes. Le danger n’est donc pas qu’à l’extérieur : il est aussi interne à l’appareil syndical. Le caractère fédéral des syndicats masque aussi les dissonances régionales. C’est surtout le cas en Flandre où le syndicat chrétien doit accepter qu’une partie de ses affiliés ont délaissé son corollaire naturel qu’était le CD&V au profit de la
Photo News
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e Groupe des Dix rassemble les interlocuteurs sociaux à l’échelon fédéral. Le souci, c’est que la concertation sociale que doit produire ce groupe rassemblant syndicats et patrons patine depuis de nombreuses années. Serait-ce venu le temps de « passer le ballon » à l’échelon régional ? D’autant qu’un groupe des Dix wallons existe depuis 2013 : le GPS-W. Apparemment, non. Et pour trois raisons.
Au sein des acteurs de la concertation sociale, tout converge pour que cette dernière reste fédérale. Même si elle ne fonctionne plus…
NVA. Un peu comme si les piliers traditionnels liant syndicats et partis devenaient chancelants. Les syndicats sont loin d’avoir fait le deuil de ces relais même s’ils ne fonctionnent plus aujourd’hui.
3.
Les patrons n’en veulent pas Piloter la concertation sociale au départ de la Wallonie ne fait pas
rêver les patrons non plus. Vincent Reuter (Union wallonne des Entreprises), qui a présidé ce GPS-W à son départ (il est aujourd’hui présidé par Marc Becker, patron de la CSC wallonne) est clair : « Il est n’est pas question de nous substituer à l’échelon fédéral. Nous discutons de matières régionales, comme la formation. Mais il n’y a aucun risque de confusion : les balises sont
claires. » Le GPS-W rencontre de temps à autre le gouvernement wallon. Mais, glisse un observateur attentif, les ministres wallons n’ont ni les moyens ni la volonté d’une concertation qui serait officiellement régulée. « Ce sont des réunions, comme il y en a quantité d’autres », analyse notre interlocuteur. ■ D.V.
REGARDS CROISÉS ●
Marie-Caroline Collard est directrice de la SAW-B (Économie sociale) Au départ d’expériences dans l’économie sociale, vous prônez un modèle plus participatif dans l’entreprise ?
La concertation sociale est souhaitable et nécessaire. mais le système doit évoluer. Nous sommes à des points de rupture. Tant dans la démocratie politique ou la démocratie économique, on sent que ça ne va plus de soi. En quoi plus de participation peut améliorer les choses ?
Marie-Caroline COLLARD
INTERVIEW
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Va ïa D E M E RT Z I S
« Et si l’entreprise montrait l’exemple démocratique ? »
« Le conflit est normal dans une concertation sociale »
Associer davantage les travailleurs aux grandes décisions de l’entreprise, à ses orientations stratégiques, c’est un moyen d’éviter la dérive d’un capitalisme strictement dicté par les dividendes des actionnaires. Aujourd’hui, le déséquilibre porte préjudice à l’économie et à la société. En osant l’idée de plus de participation, on a l’occasion d’éviter que les choses n’empirent.
Elle est à prendre de façon beaucoup plus large. Des conflits s’expriment aussi dans l’entreprise par différents biais sans que le public en soit informé.
Les syndicats ne semblent guère soucieux d’une telle option…
C’est logique, les remises en cause du modèle de concertation supposent de le défendre et ne représentent pas un moment
idéal pour faire preuve de créativité. Peut-on imaginer sans sourire une économie qui se montrerait plus démocratique que le politique ?
Et pourquoi pas ? Il serait grand temps de rappeler que l’économie est au service de la société et non l’inverse. De grands économistes le disent avec force. Plus de démocratie dans l’entreprise, ce serait permettre à l’économie de se ré-encastrer dans la société. Nous passons quand même beaucoup de temps au travail. Une démocratie plus aboutie au sein de l’entreprise pourrait donner l’exemple aux autres pans de la société. ■ D.V.
Vaïa Demertzis (CRISP) étudie la conflictualité.
VD
INTERVIEW
tenir leur présence dans l’entreprise. Certains estiment que la concertation sociale doit être plus proche d’un partenariat…
Je ne suis pas de cet avis. Un partenariat suggère une forme d’égaLa conflictualité est-elle lité. Le contrat de travail inhérente à la concertation Les enjeux du dialogue so- instaure une relation inésociale ? cial dans l’entreprise sont galitaire entre l’emD’entrée de jeu, les inté- différents de ceux de l’in- ployeur et le travailleur. rêts sont contradictoires. terprofessionnel. Quand La conflictualité est donc les employeurs annon- Les syndicats sont-ils affaiblis normale et peut s’expri- cent un dialogue serein dans leur capacité de mer avec plus ou moins dans les entreprises, c’est mobiliser ? de véhémence. De même aussi une façon d’encou- Pas sûr. Il suffit par exemqu’un rapport de force est rager à décentraliser la ple de voir ce qui se passe nécessaire pour qu’un dia- concertation. De la rendre aujourd’hui dans les prilogue puisse s’établir. moins collective et d’affai- sons. La force et la capablir le rapport de force. cité d’un syndicat ne se réVous dites qu’il ne faut pas Quant aux syndicats, cela sument pas à mobiliser résumer la conflictualité aux participe de leur volonté un grand nombre de permouvements de grèves ? d’augmenter ou de main- sonnes. ■ Pourtant, on parle d’un dialogue social plus abouti dans les entreprises…