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MARDI 13 OCTOBRE 2015

par D om in i q u e V E L L AN D E

Une mécanique effroyable

Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP en anglais), également connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) est un énorme danger pour la démocratie, expliquait Susan George dans nos éditions de lundi. À l’analyse, la présidente honoraire d’Attac France a absolument raison. À ce stade, les États membres n’en touchent pas une quant à ce qui est négocié entre l’Europe et les ÉtatsUnis. Ce ne sont pas des politiques mais des fonctionnaires chevronnés de la direction générale du Commerce qui mènent la danse. Leur mission ? Aboutir à un accord qui permet de mieux commercer de part et d’autre de l’Atlantique. Et la solution est d’une limpidité absolue : il n’y a pas de meilleur commerce que dans un espace libéré de contraintes. Le précepte est plus idéologique qu’économique. Il est entouré d’un nuage sémantique dont la croissance accrue est la joyeuse chef de file. Mais quelles contraintes, en fait ? À ce stade, la réponse tient plus du murmure. Car c’est le rôle régulateur des États qui est dans la ligne de

mire. Avec d’énormes amalgames où la relocalisation de l’économie prend la figure d’un protectionnisme outrancier. Où les normes destinées à protéger les citoyens deviennent des freins à leur propre prospérité. La réalité, toute caricaturale qu’elle paraisse, est là. Sous nos yeux. Et demain, elle dictera notre vie quotidienne. Car si ce marché libre nous fait miroiter un choix de consommation élargi et des prix plus bas, il met aussi tout le monde en compétition. Avec un enjeu biaisé puisque le travailleur le plus compétitif ne sera pas le plus compétent mais celui qui est le moins cher. Ce modèle de société est-il vraiment ce que nous souhaitons ? La réponse est non pour trois millions d’Européens. Et il y a fort à parier pour que d’autres soient du même avis. C’est pour cette raison que cette semaine, le Parlement européen sera symboliquement encerclé par des manifestants. Le but, c’est de rappeler aux politiques qu’en laissant faire cette mécanique effroyable, ils ne représentent plus le peuple qui les ont élus.

« La Commission prend les gens pour des cons »

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a mobilisation citoyenne contre ce Traité échappe à la volatilité habituelle : cela fait plus de trois ans que des gens mènent campagne. « Même si au début, il n’y avait aucune information. À part quel­ ques fuites », analyse Thomas Angler (JOC). Et de fait, à ce moment, les seules certitudes se résument en un point : la Commission demande un mandat aux États membres pour négocier un accord com­ mercial avec les USA. En Belgique, la plateforme D19­20 est créée et un tas d’as­ sociations la rejoignent. À ce moment, l’opinion publique ne s’en émeut guère. C’est d’autant plus vrai que le dis­ cours est singulièrement her­ métique et très peu concret. Et même la perspective de man­ ger du poulet nettoyé au chlore n’ébranle que quelques

convaincus. Pourtant, loin de s’essouf­ fler, le mouvement fait tache d’huile en Belgique mais aussi en Europe. Plus récemment, en France et en Allemagne, le monde politique a été con­ traint d’adopter des postures un peu défiantes à l’égard de ce Traité. Sous la pression de manifestations. Dimanche, les rues de Berlin ont été enva­ hies par 250 000 manifes­ tants. De son côté, la Commis­ sion européenne commence à publier une série de choses. « Ils publient en fait des infor­ mations qui avaient déjà fuité. Rien de plus. La Commis­ sion prend vraiment les gens pour des cons », dénonce Tho­ mas Angler. « En fait, la Com­ mission travaille en toute opacité et s’autorise à dénigrer ceux qui réclament plus de transpa­ rence ». ■ D.V.

Ce traité que t « Neuf réunions sur dix se déroulent avec le lobby des grandes entreprises. » Mar ti n PIGEON (CEO)

Et vous ? Vous avez signé la pétition contre le TTIP ? Sans doute que non. Vous savez à peine ce que c’est. Alors, on vous explique… ●

Dominique VELLANDE

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ans l’histoire de l’Europe, c’est du jamais vu : trois millions d’Européens qui signent une pétition contre un accord visant à harmoniser les relations commerciales entre les États­Unis et l’Europe. Le Traité transatlantique (TTIP) est sans doute l’accord le plus im­ portant depuis celui consacrant le marché unique européen. Jusque­là, à moindre d’être le patron d’une entreprise et à sup­ poser que ce dernier soit habité par le souci d’exporter davan­ tage aux États­Unis il n’y a pas de quoi s’affoler. Et pourtant, les objectifs de ce traité réclament une attention particulière. Avec, pour ses dé­ tracteurs, une lecture en creux ou carrément des soupçons d’une incroyable escroquerie in­ tellectuelle.

Le reste a pour nom dumping social et fusions acquisitions avec comme chantilly de cruelles restructurations. Là où la Commission annonce plus de croissance et la création d’emplois, les anti­TTIP brandis­ sent d’autres accords commer­ ciaux. Dont celui dit ALENA, l’équivalent du TTIP pour le Ca­ nada, les États­Unis et le Mexi­ que. Le bilan est carrément ca­ tastrophique, surtout pour le Mexique. Des emplois ont été supprimés, des pans entiers de son économie ont été balayés par la concurrence féroce des entreprises américaines. Les dé­ tracteurs du TTIP pointent aussi

l’Europe dont le marché unique n’est une réussite que pour ceux qui ont su en profiter. Le reste a pour nom dumping social et fu­ sions acquisitions avec comme chantilly de cruelles restructu­ rations. Gagnant-gagnant : vraiment ? Excès de pessimisme ? Lisez la suite : l’enjeu majeur, c’est l’har­ monisation des normes. Avec une lecture radicalement oppo­ sée selon les uns et les autres. Ceux qui promeuvent le TTIP estiment qu’il y a du bon à pren­ dre des deux côtés. En gros, ce traité prendra ce qu’il y a de meilleur des deux côtés de l’At­ lantique. Un gagnant­gagnant. Les anti TTIP avancent que la plupart des normes américaines (protection sociale, santé, envi­ ronnement…) sont moins res­ trictives et qu’elles feront office de dénominateur commun pour cet accord commercial. À ce stade, c’est l’avis des trois mil­ lions d’Européens qui ont signé la pétition pour que l’Europe jette aux oubliettes l’idée de ce fameux grand marché. ■

L ES SECTE U R S O Ù L E S

PME : pas une opportunité

Agriculture : des Enseignement sueurs froides à deux vitesses

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Union des Classes moyennes (UCM) estime que, contraire­ ment aux assertions de la Commission, ce Traité n’est pas une oppor­ tunité pour les PME. Pour la simple rai­ son que leur développe­ ment ne dé­ pend pas nécessaire­ ment et à tout prix de l’exportation. En Bel­ gique, les PME (moins de 50 per­ sonnes) représentent 97 % du to­ tal des entreprises mais moins de un pour cent exporte vers les USA. L’Union des Classes moyennes estime donc que ce Traité (TTIP) ne va pas améliorer cela. Au con­ traire, ces PME vont subir une concurrence plus rude sur leurs marchés via une présence renfor­ cée des grosses sociétés transna­ tionales. L’UCM rappelle pourtant que 85 % des nouveaux emplois créés en Europe le sont dans les PME. ■ D.V.

agriculture est un des gros enjeux de ce traité com­ mercial. Et le visage indus­ triel de l’agriculture améri­ c a i n e donne des sueurs froides aux fermiers européens. Ces der­ niers ont déjà pris de plein fouet les politi­ ques intra­européennes. Ici, la disparité est encore plus grande et le rapport de force encore plus inéquitable. Les productions américaines répondent à des normes beau­ coup moins strictes qu’en Eu­ rope. Pour faire court, élever un cochon ou un bœuf aux USA coûte vachement moins cher qu’en Europe. Un marché complètement dé­ régulé serait donc fatal pour ceux dont les coûts de produc­ tion sont plus élevés. Soit les agriculteurs européens. ■ D.V.

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e pire scénario concernant la question de l’enseigne­ ment s’échafaude tout sim­ plement en observant la façon dont les USA trai­ tent ce do­ maine. Si en Eu­ r o p e , l’école pu­ blique est la norme et l’école pri­ vée l’excep­ tion, les Américains vivent dans un système plus dualisé. C’est spécialement le cas pour les universités. Les institutions les plus célèbres (Harvard, Be­ rkley…) sont de véritables en­ treprises privées. Ce sont elles qui forment l’élite américaine. Les détracteurs du Traité tran­ satlantique craignent que cette dualité dans l’enseignement ne débarque en Europe. Et, qu’au nom d’une saine concurrence, elles ne querellent un enseigne­ ment qui serait jugé discrimi­ nant parce que… subsidié. ■D.V. Photo News

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OMMENTAIRE

simple : pourquoi trois millions d’Européens refusent ce traité ? Mercredi : cet accord est­il un poison ou un antidote ? Jeudi : que disent les politi­ ques quand ils parlent et que pensent ceux qui se taisent ? Vendredi : pourquoi ce ver­ tueux marché libre pourrait de­ venir vicieux ? ■ D.V.

IMAGEGLOBE

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eudi, une série de manifesta­ tions contre le Traité transat­ lantique (TTIP) se déroule­ ront à Bruxelles. Le Parlement européen sera même « encerclé » par les manifes­ tants. D’ici là, nous allons décorti­ quer les enjeux de cet accord avec aujourd’hui la question

DOSSIER DE LA SEMAINE

ÉdA – 30436404003

C OM PR ENDR E LE T T I P


MARDI 13 OCTOBRE 2015

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t rois millions d’Européens refusent VITE DIT

Jeudi, de nouvelles manifestations auront lieu à Bruxelles contre ce traité commercial entre Europe et USA.

Les Américains déjà là La présence américaine est déjà conséquente sur le territoire européen. On estime que 47 000 entreprises américaines y sont déjà installées.

Reporters/DPA

Karel de Gucht puis Cecilia Malmström

TTIP

MONDE

EMPLOIS

820 30 %

millions de personnes concernées

de l’économie se font entre USA et Europe

millions d’emplois européens pour l’export

Politiques Et le principe Protéger de santé : danger de précaution ? le service public

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e n’est pas l’aspect le moins inquiétant : les pouvoirs lo­ caux ont de vives inquiétudes quant à l’impact que ce Traité p o u r r a i t avoir sur les s e r v i c e s qu’elles ren­ dent. La ques­ tion ne se pose pas pour l’entiè­ reté des ser­ vices dits publics mais pour ceux où le sec­ teur privé est déjà actif, en Belgi­ que ou ailleurs en Europe. L’Union des Villes et Communes de Wallo­ nie souhaiterait d’ailleurs que ces services publics soient retirés du Traité de manière à ce que les pou­ voirs locaux puissent continuer à agir en toute autonomie. Une des craintes, c’est que l’har­ monisation des règles sur les mar­ chés publics mette carrément en péril cette autonomie. Jusqu’à pré­ sent, la Commission n’a encore entendu aucun représentant des pouvoirs locaux. ■ D.V. BELGAIMAGE

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ne des clés de voûte des as­ sociations de protection de l’environnement, c’est la différence radicale dans la concep­ tion du ris­ que entre USA et Eu­ rope. Aux USA, ce sont les États qui doivent prouver qu’un pro­ duit est dangereux. En Europe, le principe de précaution oblige les entreprises à faire la preuve qu’il n’y a pas de ris­ ques. Ce qui explique pourquoi certains produits interdits en Europe sont commercialisés en toute légalité aux USA. C’est le cas pour plusieurs pesticides. Harmoniser des normes en les alignant sur les niveaux de pro­ tection les plus hauts ? Les as­ sociations environnementalis­ tes sont plutôt sceptiques. Et craignent plutôt un nivelle­ ment par le bas. ■ D.V. Tyler Olson – Fotolia

C

e Traité aurait des consé­ quences très importantes sur la santé et les politiques y afférentes. Comment harmoniser des systè­ mes aussi différents quand on sait, par e x e m p l e que la pu­ blicité pour les médica­ ments ou la vente en ligne de ces derniers est banalisée aux USA alors qu’elle est plus contrôlée en Europe ? Sinon, comme le craignent de nombreux acteurs de la santé, en nivelant vers le bas (c’est­à­dire en diminuant la protection des personnes) les normes européennes en vigueur. Ces mêmes acteurs, dont les mutualités belges, craignent aussi que ce système entraîne une consommation encore plus élevée de médicaments. Or, le Belge dépense déjà en moyenne 550 euros par an. ■

LE DOCUMENT

30 1 600

CR A IN TE S SON T BI EN L À

Reporters/DPA

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97

% des entreprises en Belgique sont des PME. Ce traité promet de leur faciliter l’exportation.

pages consignent les négociations

C’est un Belge, Karel de Gucht, qui a démarré les négociations avec les États-Unis sur le TTIP. Ce libéral flamand était le commissaire européen chargé du Commerce. Depuis les dernières élections européennes, ce poste est occupé par Cécile Malmström, une libérale suédoise. Cette dame était auparavant commissaire européen aux affaires intérieures.

Les entreprises consultées mais pas les citoyens

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es négociateurs du TTIP ne font pas que sucer leurs crayons pour baliser cet ac­ cord. Non, ils consultent. On peut même dire qu’ils ne chô­ ment pas puisqu’entre janvier 2012 et février 2014, ils ont pro­ cédé à des auditions au cours de 597 réunions. Des réunions avec qui ? En an­ glais, on les appelle des « stakehol­ ders », soit des « parties prenan­ tes ». Installée à Bruxelles, CEO (Corporate Europe Observar­ tory) analyse depuis longtemps l’activité des lobbyistes. Elle a analysé ces fameuses réunions et surtout qui étaient ces « parties prenantes » qui y étaient consul­ tées. « 88 % des réunions se sont faites avec des représentants des intérêts commerciaux. 9 % des groupes d’in­ térêts publics. Le reste des invités étaient des chercheurs d’université », explique Martin Pigeon (CEO). Ne pas diaboliser Comment expliquer un tel dé­ séquilibre entre les intérêts des uns et des autres ? « Il ne faut pas diaboliser cette situation. Les fonc­ tionnaires de la Commission ont be­

soin d’informations sur le marché et n’ont pas d’autres moyens que d’al­ ler les chercher à la source, c’est­à­ dire en frappant à la porte des entre­ prises elles­mêmes. Expliquer que de méchants lobbyistes forcent la porte de la Commission, c’est une fausse réalité : on vient plutôt les cher­ cher… ». Mais partant, les négociations peuvent prendre un tour surréa­ liste : « Comme ce sont souvent des grandes entreprises transnationales qui sont consultées, il n’est pas rare de voir que ce sont les mêmes qui renseignent aussi bien les USA que l’Europe… » Citoyen ? Moins utile Oui mais pourquoi ne pas aussi frapper à la porte d’associations qui représentent les consomma­ teurs ? « Les experts de la Commis­ sion jugent la démarche moins utile. La question, c’est comment améliorer le commerce, pas la con­ sommation. Le cadre de ce traité, c’est la liberté des échanges, pas leur régulation », répond Martin Pi­ geon. « Et puis ces associations sont souvent dans une posture plus dé­ fensive. On les invite donc moins vo­ lontiers. » ■ D.V.


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MERCREDI 14 OCTOBRE 2015

● CECI DIT

par Ma r t ial D UMO N T

Autoflagellation Y a des fois, je me demande tout de même si le Belge, et singulièrement le Wallon, ne serait pas un brin adepte du SM, bondage et tutti quanti. Vous avez noté cette propension quasiment pathologique à l’autoflagellation ? À croire qu’on aime ça, s’enfoncer des clous rouillés en dessous des ongles et les tourner délicatement comme des brochettes d’agneau sur la grille bouillante du barbec. Prenez les Djaaaps : ils vont terminer premiers de leur groupe de qualification pour l’Euro alors qu’on ne s’est plus qualifié sur le terrain pour cette compétition depuis plus de 30 ans. Ils vont devenir 1re équipe mondiale au classement FIFA. Et nous qu’est-ce qu’on fait ? La fine bouche : « Oui mais bon, on n’a pas joué terrible pour se qualifier. Oui, on est premiers mais bon, le classement FIFA ne reflète pas la valeur des équipes ». Et gnignigni et gnagnagna…

Dites les gars, je me permets tout de même de signaler que les autres équipes qui nous ont précédés à la place de premiers mondiaux s’appellent Allemagne, Espagne, Argentine, Pays-Bas, France, Brésil et Italie. Excusez du peu. Alors, se torturer les méninges pour savoir si on mérite bien d’être là et relativiser la performance, c’est un peu s’enfermer dans un donjon en criant « Oh oui, maîtresse Godiva, plante-moi des agrafes dans les paupières… » C’est comme la déclaration du Premier ministre ultra-social à la Chambre : il y aura des jobs, des jobs, des jobs, de l’argent à gogo pour tous les ménages, moins de chômeurs (puisqu’ils seront au CPAS), des entreprises florissantes , etc. Et on viendra encore se plaindre ? Mais que demande le peuple ? Bon, j’arrête sinon, le porte-parole de Charles Michel va menacer de contacter mon rédac chef…

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● LE CHIFFRE

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Plus de 710 000 migrants sont entrés dans l’Union européenne entre le 1er janvier et le 30 septembre de cette année, contre un total de 282 000 pour toute l’année dernière. Cependant, le nombre d’entrées a légèrement baissé en septembre par rapport à août, à 170 000 contre 190 000 un mois plus tôt.

● ARRÊT SUR IMAGE

TTIP : « Vous ne

DOSSIER DE LA SEMAINE

« Coca-Cola ou Mars ne rêvent pas de venir en Europe : ils y sont déjà. » Florence RONCON

La Commissaire européenne Malmström vient aujourd’hui parler du TTIP devant le Parlement bruxellois. Va-t-elle parler du poulet chloré ? ●

Dominique VELLANDE

« Et arrêtez de parler de poulets lavés au chlore : ils ne seront jamais importés en Europe. »

À

47 ans, Cecilia Malmström est dans une posture déli­ cate. D’un abord plutôt sympathique, cette Suédoise est donc celle qui tient les rênes européennes pour la négocia­ tion du Traité transatlantique. La pression est énorme mais la Commissaire assure avec prag­ matisme : « Je ne fais que mon job », explique­t­elle. Résumons ses ar­ guments : Les oppositions ? Cecile Malmström persiste à penser que les opinions publiques sont plutôt favorables à ce que les né­

commissaire renvoie la patate aux États membres qu’elle ac­ cuse d’avoir insuffisamment préparé (et donc informé) la po­ pulation. C’est d’autant plus vrai, selon elle, que ce sont préci­ sément ces États qui ont donné mandat à la Commission pour négocier. En gros, dit­elle, que les pays européens assurent le ser­ vice après­vente. Les craintes ? Cécilia Mals­ mtröm rétorque que la crise éco­ nomique a non seulement gé­ néré un sentiment antiaméricaniste mais surtout anti­capitaliste. Au passage, elle signale avec un brin d’ironie que la vache folle, les lasagnes au cheval ou les VW trafiquées n’inspirent pas beaucoup de confiance aux États­Unis…

gociations se poursuivent. On peut se demander si elle osera encore le répéter ce jeudi, lors­ qu’une nouvelle manifestation viendra encercler le Parlement européen. Des normes en péril ? Pas d’information ? La Première mise au point de la Commissaire : arrêtons d’imagi­ Au passage, Cecilia Malström signale avec ner qu’on peut faire n’importe quoi aux États­Unis et que l’Eu­ un brin d’ironie que la vache folle, les rope a l’exclusivité des normes lasagnes au cheval ou les VW trafiquées de protection. Ce qui est négocié, dit­elle, ce n’inspirent pas beaucoup de confiance aux sont les normes compatibles États-Unis… même si différentes. Un exem­ ple ? Pour tester l’état sanitaire des huîtres ou des moules, l’Eu­ Pour tester l’état sanitaire des huîtres ou rope teste la chair tandis qu’aux États­Unis, le test porte sur l’eau des moules, l’Europe teste la chair tandis dans laquelle les coquillages qu’aux États-Unis, le test porte sur l’eau sont pêchés. Par conséquent, ces denrées dans laquelle les coquillages sont pêchés : doivent à l’export subir les deux les deux approches se valent. tests alors qu’ils sont tous les deux aussi valables l’un que

I LS S ON T FAVO R AB LE S AU TR AI TÉ LOBBIES EUROPÉENS

Ne pas rater une opportunité

Coca-Cola ne rêve pas d

Fédération des Entre­ Lque a prise belges est catégori­ : cet accord commercial

n n’entend guère les lob­ O bies des entreprises européennes dans ce débat.

est une vraie opportunité et il convient de ne pas le rater. Timmermans plaide pour ce grand marché libre en ex­ pliquant que ce qui sera bon pour les entreprises belges le sera aussi pour les ci­ toyens. Le paradigme est connu : une croissance éco­ nomique, ce sont aussi des emplois. À l’Union wallonne des En­ treprises, on soutient certes le principe d’un accord. Mais, dit l’UWE, pas à n’importe quel prix. « Nous souhaitons la

« Parce qu’on ne nous donne pas souvent la parole », riposte Florence Roncon, porte­pa­ role de FoodDrinkEurope (le lobby de l’agro­alimen­ taire). Premier point : ce Traité n’est pas destiné à fa­ voriser les multinationales mais bien les entreprises de taille moyenne. « Coca­Cola ou Mars ne rêvent pas d’aller en Europe, ils y sont déjà… », précise Florence Roncon. Le nivellement par le bas des normes ? « La première valeur des produits européens, c’est

AFP

BELGA

FÉDÉRATIONS

Survivre avec les fourmis Un homme de 62 ans a survécu pendant six jours sans eau dans la fournaise du désert australien en mangeant des fourmis. Il était parti rejoindre un camp de chasse lorsqu’il s’est égaré. Il a passé les deux derniers jours sous un arbre avant d’être retrouvé extrêmement déshydraté et un peu délirant.

poursuite des négociations mais nous voulons aussi refléter l’in­ quiétude de certaines de nos en­ treprises qui craignent une con­ currence féroce et dérégulée », explique Didier Paquot, éco­ nomiste à l’UWE. ■ D.V.


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ne mangerez pas de poulet chloré » COMP REN D RE LE TT IP

2018

c’est la date prévue pour que le Traité soit finalisé et qu’il puisse être présenté devant les différents parlements des États membres.

l’autre. Le TTIP serait donc ça : un seul test. Cecilia Malström cite régulièrement des domaines tels que l’automobile, la chimie, la pharmacie ou encore le textile comme ceux pouvant faire l’ob­

jet de normes convergentes. Quant aux normes qui seraient radicalement différentes, elles resteraient en l’état, soutient­ elle.

Le principe de précau­ tion ? De nouveau, la Commis­

saire Malström lève les yeux au ciel : « Ce qui est interdit en Europe le restera. Et arrêtez de parler de poulets lavés au chlore : ils ne seront

D

jamais importés en Europe » Qui va gagner ? On l’aura compris, Cecilia Malström ré­ fute l’idée d’États­Unis qui auraient tout à gagner et d’une Europe qui aurait tout à per­ dre. À la limite, elle plaide même plutôt l’inverse en expliquant que les États­Unis sont déjà très présents en Eu­ rope. Le contraire ne serait pas vrai à cause de lois américaines très protectionnistes. Le Traité serait donc l’antidote à ce désé­ quilibre. Il reste le poison pour ceux qui réfutent de tels argu­ ments. ■

Avec dans cette édition, la parole donnée à ceux qui dé­ fendent l’accord : les fédéra­ tions d’entreprises ou en­ core les lobbies de celles­ci en Europe. Jeudi : focus sur ce que di­ sent ou ne disent pas les po­ litiques. Avec la question : disent­ils la même chose quand ils sont en Belgique ou au Parlement européen ? Vendredi : parole à des éco­ nomistes qui décodent les enjeux du Traité. Avec la question : le marché libre est­il un bienfait ou un pré­ cepte idéologique ? ■ D.V.

La boîte noire mise à prix par Wikileaks

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BELGAIMAGE

Contre vents et marées, la Commissaire européenne défend le Traité transatlantique.

emain, Bruxelles sera le théâtre d’une nou­ velle manifestation contre le Traité transatlanti­ que. Cette fois, les oppo­ sants à cet accord entre les États­Unis et l’Europe encer­ cleront le Parlement euro­ péen. Mais aujourd’hui, la Com­ missaire européenne en charge du Commerce, Céci­ lia Malmström, sera l’invi­ tée du Parlement bruxellois. Pour notre part, nous conti­ nuons notre dossier vous permettant de comprendre les enjeux de cet accord.

n dépit des explications de la Commissaire européenne chargée du Commerce, les né­ gociateurs ne laissent absolument rien filtrer. Et ce, depuis le début. Une vraie boîte noire dans la­ quelle, selon certaines sources, se­ raient déjà rédigées pas moins de 1 600 pages. Cette opacité est manifestement une faiblesse démocratique et donne un peu l’impression que les pays européens ont, par leur mandat, octroyé un chèque en blanc à la Commission. Le secret qui entoure les discus­ sions est aussi une brèche énorme pour tous ceux qui veulent stop­ per les négociations ou même ceux qui, tout simplement, en craignent les effets. C’est sans doute dans le méca­ nisme de l’arbitrage entre États et

entreprises (voir en page 4) que le voile a été un peu levé. Mais ce n’est qu’un aspect de cet énorme dossier. La Commission estime que la confidentialité est nécessaire pour aboutir. En outre, elle es­ time qu’il est déjà possible d’avoir accès à pas mal d’informations. Voire… Le lanceur d’alerte Julian Assan­ ges (Wikileaks) a même lancé un appel de fonds pour offrir une prime de 100 000 euros à tout qui glisserait dans sa boîte aux lettres le dossier au stade où il est. L’an­ cien ministre grec Yanis Varoufa­ kis avait même promis de contri­ buer à cette prime. Laquelle, jusqu’à présent, n’a pas dû être al­ louée : l’offre de Wikileaks n’a ap­ paremment pas trouvé ama­ teur. ■ D.V.

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as d e l’Europe : il y est déjà PARTIR DE

Reporters/DPA

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qu’ils sont de qualité. On ne va quand même pas se tirer une balle dans le pied en la bra­ dant ! De même qu’il n’est dans l’intérêt de personne d’importer des produits de moindre qua­ lité ! ». ■ D.V.

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DOSSIER DE LA SEMAINE

« Cette juridiction sera le cheval de Troie qui anéantira toutes les protections. »

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juges devraient composer ce tribunal d’arbitrage. La Commission propose maintenant Mo uve me nt a nti -T TI P des juges « publics ».

Un tribunal pour les litiges entre États et entreprises

Reporters/DPA

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Quand les sociétés attaquent les États La liberté de commerce doit pouvoir être arbitrée. Le traité prévoit donc une juridiction spéciale et… unilatérale. ●

Chou vert et vert chou En juillet dernier, la Commission a un peu revu sa copie. Exit les jugés « privés » pour autant que les États-Unis acceptent ce retrait. À la place, la Commission européenne propose un tribunal « public » composé de six juges professionnels. Ainsi, deux juges seraient désignés par les États-Unis, deux par l’Europe et enfin deux magistrats seraient issus de pays tiers.

D om i nique VEL LANDE

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De façon unilatérale Précision de taille : ce genre de juridiction ne fonctionne que de manière unilatérale. En clair, ce sont les entreprises et elles seules qui peuvent atta­ quer un État. À charge des ju­ ges de déterminer si l’État transgresse le traité et de le

Facialement, la balance semble se rééquilibrer. Mais c’est une opération strictement cosmétique, disent ceux qui ne veulent pas de cette juridiction. Chou vert et vert chou, donc.

L’Uruguay a obligé la vente de paquets « neutres » : Philip Morris a reçu des indemnités…

AFP/Reporters

a Justice fait partie de la souveraineté des États. Mais que se passe­t­il si ces mê­ mes États contrarient la liberté de commerce telle que le sup­ pose cet accord ? Hé bien c’est très simple : on va créer des ju­ ridictions supranationales sus­ ceptibles de régler d’éventuels litiges entre États et entrepri­ ses. Et voici donc ce fameux ISDS (Investor State Dispute Settle­ ment) qui, au départ devait être composé de juges privés (voir ci­contre). Leur tâche est donc de voir si les investissements réalisés par les entreprises ne sont pas affectés par la décision de l’un ou l’autre gouverne­ ment ?

condamner, le cas échéant, à lorsque Philip Morris attaque payer des indemnités à l’entre­ l’Uruguay et obtient des mil­ prise demanderesse. lions de dollars d’indemnité. Le crime de l’Uruguay : avoir légi­ Cheval de Troie féré sur le paquet de cigarettes « C’est le cheval de Troie qui va pour le rendre commerciale­ anéantir toutes les protections », ment moins attractif. Le Qué­ ont immédiatement dénoncé bec, autre exemple, a refusé les anti­TTIP. À l’appui de cette l’exploitation du gaz de schiste : thèse, l’expérience de sembla­ une industrie américaine spé­ bles juridictions ayant con­ cialisée dans ce domaine a pu damné des États dans le cadre arguer d’un préjudice et obte­ d’autres accords commerciaux. nir elle aussi des millions d’in­ Et il est vrai que l’idée de justice demnités. peut paraître un peu surréaliste Bref, les États, avec cette me­

nace, auraient­ils encore la pos­ sibilité de réguler aussi libre­ ment que les entreprises peuvent commercer ? Un État qui déciderait de légiférer pour des raisons de santé publique en taxant les aliments (trop su­ crés ou trop salés, par exemple) ne risque­t­il pas de se prendre un procès dans les gencives émanant d’une multinationale agroalimentaire ? Les détrac­ teurs de l’ISDS en sont con­ vaincus : poser la question, c’est y répondre. ■

Pour l’anecdote, on signalera que ces juridictions privées datent des années 1950-60 et furent créées pour protéger les entreprises face à des expropriations publiques un peu sauvages, soit sans indemnités. On peut admettre qu’à l’époque, de tels abus ne pouvaient être réglés par la justice des États qui auraient été à la fois juges et parties. Aujourd’hui, ce n’est pas tant la neutralité des États qui est en cause mais simplement leur capacité à encore agir dans la sphère publique. En toute autonomie. D.V.

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Format : 215 x 285 mm - Couverture rigide - 176 pages Auteurs : Louise Monaux et Bruno Deblander Editeur : Racine

Frais de port : 4,95€

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JEUDI 15 OCTOBRE 2015

D’EMPLOI

Des centaines de manifestants contre le TTIP vont débarquer aujourd’hui à Bruxelles. Ils encercleront le Parlement européen pour obliger la Commission à quitter la table des négociations du Traité transatlantique. Ont-ils raison ou tort ? Réponse de deux économistes : Bruno Bauraind, économiste au Gresea et Frederik Ponjaert, chercheur en économie et politique publiques à l’ULB. Le premier est plutôt contre le TTIP tandis que le second préfère attendre et voir. Dominique VELLANDE

« Ce traité ne relève que de la politique commerciale. La croissance dépend aussi d’autres politiques » Fre d erik PON JAERT

Photo News

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

Bruno Bauraind : « C’est clair que ce Traité veut être une réponse à la Chine. Mais c’est surtout le souci des USA. Pour la croissance, d’autres accords ont mon­ tré qu’il y avait une destruction nette et la croissance n’a pas chaque fois été automatique. » Frederik Ponjaert : « Cette croissance et ces em­ plois ne seront là que dans le meilleur des scénarios. Il ne s’agit ici que d’une politique commerciale. La crois­ sance dépend d’un tas d’autres politiques : fiscales, en­ vironnementales, sociales… La politique commerciale ne peut se substituer à ces autres politiques. » Bruno Bauraind : « J’ai bien peur qu’on se fixe sur le plus petit dénominateur commun. Et donc, oui, le risque est pour l’Europe devoir ses standards aller vers le bas. » Frederik Ponjaert : « Ce n’est pas exact. Les normes actuelles sont un acquis sur lequel on ne reviendra pas. Le but du TTIP, c’est de s’accorder pour que les futu­ res normes soient plus compatibles ou plus convergentes à l’échelle du marché transatlantique. Ceci dit, l’Union européenne perdra une partie de sa puissance régula­ trice dans le futur : c’est le propre d’un accord commer­ cial. » Bruno Bauraind : « Les multinationales qui sou­ tiennent ce TTIP ne le voient pas comme ça. Leur but, c’est d’abaisser les normes de protection. Et l’Europe est plus contraignante. » Frederik Ponjaert : « Les Américains n’ont abso­ lument pas l’impression d’être laxistes et regardent l’Europe avec certaines craintes. Quand ils parlent de l’Europe, ils parlent de VW ou encore de la vache folle. Les Européens devraient avoir une vision plus équilibrée de ce qui est de l’autre côté de l’Atlanti­ que. »

CE TRAITÉ, COMME D’AUTRES ACCORDS COMMERCIAUX, VA DÉTRUIRE DES EMPLOIS ET N’APPORTERA PAS LA CROISSANCE.

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Il nous faut donner un coup de fouet à notre économie, nous adapter à la montée en puissance d’autres économies. Ce traité va apporter de la croissance et des emplois. » LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

CE TRAITÉ VA ENTRAÎNER UN NIVELLEMENT PAR LE BAS DES NORMES

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Les normes de l’Union ne sont tout simplement pas négociables. Le TTIP les maintiendra toutes. » LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

L’EUROPE A TOUT À PERDRE DANS CE TRAITÉ : SES NORMES SONT BEAUCOUP PLUS STRICTES QU’AUX ÉTATS-UNIS.

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Cet argument ne tient pas la route. Il existe aux États-Unis des normes très strictes dans certains domaines. Le but, c’est que chaque fois, ce soit la meilleure norme qui l’emporte. » LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

Bruno Bauraind : « La question des normes sani­ taires est difficile. On le saura seulement au moment où on connaîtra la façon dont sera adapté le principe de précaution. Les USA fonctionnent à l’inverse de l’Europe. »

DES COCHONS DOPÉS AUX HORMONES, DES OGM OU ENCORE

LA CRITIQUE

Reporters/DPA

« Ce qui est interdit en Europe aujourd’hui le restera demain. Il n’y aura donc pas de poulet au chloré. »

Frederik Ponjaert : « Il me semble que la question du poulet chloré a trouvé une réponse à la Commis­ sion, c’est non. Mais je pense que sur la question des OGM, elle a envie d’ouvrir la porte. Et là, il faut re­ connaître que l’opinion publique y est résolument op­ posée et la Commission n’a pas le choix : elle n’a pas la capacité de passer outre. »

Photo News

DU POULET CHLORÉ : TOUT CELA VA DÉBARQUER DANS NOS ASSIETTES.

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION

Bruno Bauraind : « Ces droits sont très faibles. En réalité, c’est la bataille des droits non tarifaires. Donc la bataille des normes qui est en jeu. » Frederik Ponjaert : « En moyenne, ces droits sont faibles : environ 4 % Mais quand on ouvre la boîte, il y a des secteurs où ces droits peuvent atteindre 30 %. Par exemple, les pièces automobiles et même les marchés pu­ blics. L’Europe est très compétitive pour ces derniers. Qui nourrit l’armée américaine ? C’est Sodexho. Mais ils ont dû créer une filiale aux USA. C’est coûteux. En cela, le TTIP intéresse très fort les compagnies européennes . »

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

LES DROITS DE DOUANE SONT UN CACHE-SEXE POUR D’AUTRES AMBITIONS. EN RÉALITÉ, CES DROITS TARIFAIRES NE SONT QUE L’ALIBI DU TTIP LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Certaines industries de l’Union pâtissent toujours de l’application de droits de douane élevés. Compte tenu de l’ampleur globale des échanges entre l’Union et les États-Unis, ils pèsent dans la balance ».

Le TTIP sou

AFP

LA CRITIQUE

LE DOSSIER DE LA SEMAINE

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MODE


JEUDI 15 OCTOBRE 2015

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ou s le scalpel de deux économistes Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur

lavenir.net/ttip LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

DES SECTEURS COMME L’ENSEIGNEMENT OU LA CULTURE SONT MENACÉS

Drivepix – Fotolia

PAR LA PRIVATISATION.

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION Le TTIP respectera les industries culturelles caractéristiques et variées de l’Europe.

LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

Bruno Bauraind : « D’autres accords commerciaux ont montré que ce type de juridiction est une réelle me­ nace sur la capacité de régulation par les États. »

LES JURIDICTIONS PRIVÉES QUE LES ENTREPRISES PEUVENT SAISIR POUR FAIRE CONDAMNER LES ÉTATS SONT UNE MENACE POUR LA DÉMOCRATIE

Photonews

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Ces tribunaux d’arbitrage (ISDS) doivent être remplacés par un système de règlements des litiges entre investisseurs et États où les affaires seront traitées par des juges professionnels ». LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

DÉMOCRATIQUE

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION

LA CRITIQUE

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LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

Belga

Frederik Ponjaert : « Tout le monde ne va pas y gagner. Il y aura aussi des perdants. C’est le propre de tous les accords commerciaux. La concurrence va profiter à des entreprises, pas à d’autres. Mais ce constat s’applique tant pour les USA que pour l’Eu­ rope. »

Reporters/DPA

ENTREPRISES À METTRE LA CLÉ SOUS LE PAILLASSON

Bruno Bauraind : « Si je laisse parler mon côté militant, j’ai envie de dire que cette mobilisation arri­ vera à ses fins. Mais peut­être que la clé se jouera de l’autre côté de l’Atlantique : je ne suis pas sûr que le Congrès soit si mobilisé que ça. » Frederik Ponjaert : « En tant que citoyen, j’avoue que je suis indécis. Je ne sais pas si ce TTIP sera une bonne chose. En revanche, il est acquis que l’opinion publique règle l’agenda de la Commission. Et depuis le départ. Karel de Gucht voulait intégrer la culture mais les Européens ont dit non. La Commission a dû s’incliner. »

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION

LA CRITIQUE

LA RÉPONSE DE NOS ÉCONOMISTES

LA MOBILISATION DES CITOYENS VA ALLER EN S’ACCROISSANT ET METTRA UN TERME AUX NÉGOCIATIONS

LA RÉALITÉ SELON LA COMMISSION « Il n’y a aucune raison de stopper ces négociations. Les États membres ont confirmé en juillet le mandat de la Commission et ont même demandé une accélération de ces négociations. »

j Ponjaert : « Comparez le TTIP avec d’autres ac­ cords. Prenez le traité transpacifique : il est signé et il est prévu qu’il restera encore secret pendant quatre ans ! D’autre part, c’est beaucoup demander à la Commission de ne pas avoir anticipé la mobilisation contre le TTIP. Ceci dit, elle communique aujourd’hui dans un style quasiment marketing ». Bruno Bauraind : « Le travailleur n’a pas besoin du TTIP. L’expérience du marché unique européen a montré quoi : des prix qui ne baissaient pas et une concurrence qui amenait des rachats et des fusions. Donc, cette concurrence produit les effets inverses des objectifs qu’on lui prête »

LA CONCURRENCE QUE VA ENTRAÎNER LE TTIP VA AMENER DES

« Cette concurrence va stimuler le marché. Pour les entreprises, c’est une opportunité ; pour le consommateur aussi »

Frederik Ponjaert : « Si cette question fâche en Eu­ rope, c’est pour des raisons intra­européennes. Des pays comme l’Allemagne ou la France ont déjà signé une qua­ rantaine d’ISDS, dont certains avec des pays membres de l’Union. Le Traité de Lisbonne et ici le TTIP veulent harmoniser les principes et ces deux pays ont donc plus à y perdre qu’à gagner . En cela, les Etats­Unis n’ont rien à voir avec cette querelle». Bruno Bauraind : « Ce culte du secret renforce la mobilisation. Et en même temps il est difficile pour la Commission d’expliquer ce qui se passe alors qu’elle est complètement instrumentalisée par les lobbies des grandes entreprises ».

CE TRAITÉ SE NÉGOCIE DANS LE PLUS GRAND SECRET : CE N’EST PAS

« La commission a publié un tas de documents sur le TTIP et l’état des négociations. Un site web permet de se documenter »

Bruno Bauraind : « La privatisation de toute une série de secteurs est en route. Le TTIP la renforcera. Veut­on arriver à la situation où la Belgique devra payer des indemnités à des écoles privées parce qu’elle subsidie son enseignement public ? » Frederik Ponjaert : « Il y a déjà une vingtaine d’universités étrangères installées à Bruxelles et elles ne reçoivent pas de subsides. A ce stade, il est prématuré de dire que la TTIP entraînera la privatisation de l’ensei­ gnement. Même si de fait, des pays comme l’Angleterre y tendent déjà aujourd’hui . »


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DOSSIER DE LA SEMAINE

TTIP : le grand écart des pa

Suite de notre dossier de la semaine sur le TTIP. Nous avons sondé les cinq principaux partis francophones pour connaître leur position par rapport à ce projet de traité commercial entre l’Union européenne et les États-Unis. Nous avons également rassemblé le point de vue du groupe parlementaire européen dont chacun fait partie. Certains sont carrément contre, d’autres largement favorables, d’autres encore sont dans l’expectative.

PS

Le PS se montre très vigilant sur le toilettage de l’ISDS ●

Emmanuel HUET

Le PS a défini une série de balises à propos du TTIP. Il refuse le tri­ bunal d’exception (ISDS) « car les systèmes juridi­ ques européen et américain sont parfaitement équipés pour assu­ rer la protection des investisse­ ments. Les tribunaux publics na­

MR

tifs sur la croissance et donc sur l’emploi des deux côtés de l’Atlanti­ que. J’y crois sincèrement. » Mais le député estime, qu’à ce stade, il est prématuré de se pro­ noncer définitivement sur le su­ jet. « Je garde ma liberté totale de vote. » Pour lui, impossible de vo­ ter en faveur du traité si celui­ci ne correspond pas à ses attentes en matières de santé, d’environ­

nomiques et sur la relance des in­ vestissements, plutôt que sur l’élar­ gissement de l’espace de marché ». Mais il y a des blocages sur cer­ tains dossiers : « Les exclusions et le respect des normes de santé, des normes sociales, sanitaires, envi­ ronnementales, que nous voulons contraignantes et en faveur des­ quelles la société civile s’est expri­ mée à maintes reprises ne semblent

pas prises en considération de l’autre côté de l’Atlantique. » Pour le cdH, il est primordial de soutenir le développement éco­ nomique par « la relance de crois­ sance endogène qui est plus efficace et plus rapide que la relance exo­ gène par les exportations ». Le cdH doute également des re­ tombées de cet accord. Il en ap­ pelle à la mise en place d’une

PTB : « Ce cheval de Troie antidémocratique qui nous N’attendez pas du PTB qu’il formule un quelconque intérêt envers le TTIP. « Ce traité, ce cheval de Troie antidé­ mocratique – qui me­ nace nos normes sociales, en­ vironnementales ou alimentaires – doit être rejeté », avait déclaré Raoul Hedebouw, porte­parole du PTB. Le PTB partage les inquiétudes

ECOLO

d’un certain nombre d’intérêts so­ ciaux et culturels importants, ainsi que la sécurité alimentaire ». Gérard Deprez, eurodéputé, a d’ailleurs voté la résolution fa­ vorisant la poursuite des négo­ ciations du TTIP. « Parce que j’es­ time que l’idée de stimuler et de faciliter les échanges commerciaux entre l’UE et les USA est une bonne idée qui pourra avoir des effets posi­

Le cdH propose que le Bureau du Plan estime les imp Claude Rolin, eurodéputé, est partagé face au TTIP. « Sans être opposé au principe d’une négo­ ciation avec les États­ Unis, ni à l’économie de marché, pourvu qu’elle soit so­ cialement régulée, ni au libre­ échange, pourvu qu’il soit équitable, je suis convaincu de la nécessité pre­ mière de concentrer nos efforts sur la résolution des difficultés socio­éco­

PTB

détails du texte pour vérifier que les aspects toxiques de la version abandonnée ne se retrouvent pas dans la nouvelle version. » Marie Arena, eurodéputée socialiste, propose que « la Commission réfléchisse en paral­ lèle à la mise en place d’un ins­ trument qui oblige les investis­ seurs et les multinationales à respecter les droits humains et les

Le MR est favorable car il peut stimuler l’économie Du côté des libéraux, le TTIP, c’est plutôt « oui mais… ». Un oui qu’il conditionne. Rien de neuf sous le soleil du gouvernement fédé­ ral car le soutien au TTIP était prévu dans l’accord de gou­ vernement. « La Belgique conti­ nuera à soutenir le TTIP avec les USA tout en veillant à la transpa­ rence ainsi qu’à la préservation

CDH

tionaux doivent être les seuls garants de la protection des in­ vestissements. » Le parti socialiste a vu d’un bon œil l’évolution du projet d’ISDS. Mais le PS reste pru­ dent car la Commission « vient de proposer un nouveau système de protection des investisseurs. » Et il met en garde : « Nous al­ lons soigneusement analyser les

des organisations qui se mobili­ sent contre le TTIP. Notamment par rapport aux réglementa­ tions dans l’agroalimentaire. « Il est incroyable qu’on puisse même envisager, au nom du “com­ merce”, de nous faire avaler de force des poulets au chlore, d’exploi­ ter le gaz de schiste, dont nous sa­ vons qu’ils sont nocifs pour l’homme et l’environnement. » Car

le PTB n’en démord pas, ce TTIP est cousu pour profiter aux multinationales. « L’ADN de ce genre d’accord est en effet très clair : dérégulation des normes sociales, environnementales et de la santé. » Que le TTIP puisse stimuler l’économie et l’emploi, le PTB et Raoul Hedebouw n’en croient pas un mot : « Pure propagande. Même dans le “scénario ambi­

Écolo appelle à la mobilisation dans tous les Parleme Les écologistes appellent à la mobilisation des différents Parlements. En Belgique, chaque assemblée devra se prononcer, à terme, sur le TTIP. Écolo se félicite que des auditions au Parlement wallon « à la de­ mande d’Écolo ont abouti à ce qu’il se prononce officiellement pour la suspension des négocia­

tions et la révision du mandat. » Et de commenter : « Nous aurions préféré la fin pure et sim­ ple des négociations, car les États­ Unis ne sont pas prêts à s’aligner sur nos normes, plus strictes, et ces négociations ne peuvent qu’abou­ tir à un nivellement par le bas, mais il s’agissait déjà d’un signal positif ». Benoît Hellings, député fédé­

ral, rappelle que « Écolo de­ mande l’arrêt des négociations au niveau communal (+ de 70 mo­ tions proposées dans les Conseils communaux), au niveau régional, au niveau fédéral et européen. En effet, ce traité est négocié par la Commission européenne mais à la demande des 28 États membres, dont la Belgique, qui lui a donné mandat en juin 2013. Le TTIP est


VENDREDI 16 OCTOBRE 2015

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a rtis entre le marteau et l’enclume 0,5

% de croissance en 10 ans : c’est ce que pourrait rapporter le TTIP. Le PTB, lui,, n’y croit pas et parle de « propagande »

SDS

Europe : les groupes parlementaires S&D a position du groupe socialiste européen est assez particu­ Ltraité, qu’avait été confié le rôle de rapporteur sur la résolu­ lière. C’est au S&D, a priori pas forcément favorable au

ÉdA – 30445927806

normes sociales et environne­ mentales. » Le PS redoute aussi que le TTIP mette à mal « le principe de précaution, de la protection des données ou de la diversité cul­ turelle. Il s’agit pour nous de principes fondamentaux : donc s’il n’y a pas accord sur tout, il n’y aura accord sur rien ». ■

e

tion qui devait réorienter le mandat du parlement européen dans les négociations en cours. Et donc, lorsqu’il a fallu voter cette résolution, les eurodéputés S&D ont dû faire le grand écart : ils ne pouvaient ne pas soutenir le texte rédigé par « leur » rapporteur alors qu’ils n’y adhéraient pas forcément… Cette position a véritablement fait éclater le groupe. ■

ALDE our l’ALDE (Alliance of Liberals and Democrats for Europe), Pconditions. l’issue des négociations sur le TTIP doit tenir compte de quatre D’abord, le TTIP doit enlever les barrières bureaucrati­

BELGA

nement ou de protection so­ ciale. Impossible aussi que la coopération réglementaire « em­ piète sur la souveraineté des assem­ blées européennes à édicter leurs propres normes. » Et pour l’ISDS, le député estime inconcevable que ce tribunal puisse permettre à ce que des investisseurs étran­ gers bénéficient de droits supé­ rieurs aux nationaux. ■ E . H.

imp acts du TTIP

PPE e PPE considère les relations transatlantiques comme « un Lcommerciales ». Le pilier de la politique extérieure de l’Europe et de ses relations groupe considère les États­Unis comme

BELGA

étude pour estimer les impacts environnementaux, sociaux et économiques. « Dans le cadre belge, le cdH propose de demander au Bureau fédéral du Plan de chif­ frer l’augmentation du PIB prévue en Belgique en conséquence de la conclusion de l’accord transatlanti­ que en projet, en portant une atten­ tion particulière sur l’impact pour les PME. » ■ E. H.

ous menace »

un partenaire fiable. Le parti populaire européen soutient les négociations en cours « qui devraient aboutir à un résultat équilibré de win­win. » Que peut gagner l’Europe ? La facilita­ tion d’accès au marché US, la réduction des barrières com­ merciales et l’objectif d’atteindre des normes globales et communes « sans la réduction de nos standards sociaux. » ■

GUE/NGL u Parlement européen, le PTB ne compte aucun repré­ A sentant. Et il n’est donc logiquement pas membre d’un groupe parlementaire européen. Mais c’est avec la

BELGA

tieux” que la Commission euro­ péenne propose, il s’agirait d’un projet de croissance d’à peine 0,5 % sur une période de 10 ans. Des étu­ des indépendantes, tels le rapport Capaldo ou le rapport de la Fonda­ tion autrichienne de recherche et de développement (ÖFSE), parlent même de pertes économiques et so­ ciales considérables accompagnées d’une chute des salaires. » ■ E. H.

ques pour les entreprises européennes. Ensuite, le traité doit être favorable aux petites et moyennes entreprises. Au niveau des nor­ mes environnementales et sociales, ce sont les standards euro­ péens qui doivent servir de référence globale. Enfin, le TTIP doit in­ troduire un système modernisé de protection d’investissement. Si le TTIP se construit de manière intelligente, l’ALDE l’appuiera. ■

eme nts

GUE qu’il entretient le plus de contacts. Du côté de ce groupe, on ne tergiverse pas : le TTIP, c’est non sur toute la ligne ! La GUE/NGL s’oppose au projet de traité sur trois axes : il va dérégler les sociétés européenne et améri­ caine ; la privatisation menace les services publics ; l’ISDS est considéré comme un affront à la démocratie. ■

VERTS-ALE l n’y a pas vraiment d’ambiguïté dans le discours Icapacité de décider, de construire la société et l’Europe des Verts. « Accepter le traité, c’est renoncer à notre

BELGA

pour les écologistes la négation de leur projet politique de relocalisa­ tion de l’économie (consommer lo­ cal), de diminution des émissions des gaz à effet de serre (augmenta­ tion du trafic transatlantique) et de sortie des énergies fossiles. » Son parti appelle tous les Par­ lements à se mobiliser « car chaque assemblée a le pouvoir de s’opposer au traité. » ■ E. H.

que nous voulons. Nous refusons ce marchandage en­ tre la démocratie et les intérêts de quelques multinatio­ nales. » Pour le groupe écologiste, le TTIP est une menace pour nos législations, nos services pu­ blics, pour la régulation de la finance, l’alimenta­ tion, la santé, l’industrie chimique et pharmaceu­ tique. ■


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« Si ce traité est mixte, Parlements belges nous serons concernés à convaincre pour et ce sera encore que le TTIP passe. La l’occasion de se commissaire fera sa rencontrer » Charles PICQUÉ tournée…

TTIP : les Parlements régionaux auront le dernier mot

Marcel Vanhulst

LE DOSSIER DE LA SEMAINE

VENDREDI 16 OCTOBRE 2015

La commissaire en opération séduction La commissaire Malmström, a défendu « son » TTIP devant le Parlement bruxellois. Une première opération séduction qui la mènera aussi au Parlement wallon. ●

« Nous avons des normes supérieures » Perdre les standards et les nor­ mes européens réputés comme plus exigeants que les améri­ cains, Malmström rassure. « Nous avons des normes supérieu­ res dans beaucoup de domai­ nes. Elles sont différentes à cause de nos valeurs, de notre histoire, de notre culture. Là, nous ne négo­ cions pas ! Le bœuf aux hormones, les OGM : ce n’est pas à l’ordre du jour. Il n’y aura pas de privatisa­ tion forcée de services publics à cause du TTIP. Sur la protection des données, nous ne négocions pas. Le TTIP sera dans l’intérêt de l’ensemble des citoyens euro­ péens. » L’ISDS, même sous sa forme al­ légée, était aussi au cœur des in­ terrogations des députés bruxellois. « Nous avons besoin d’une cour multilatérale qui cou­ vre tous les accords. Rien qu’en Bel­ gique, vous avez 86 accords bilaté­ raux de commerce. Nous essayons de voir comment il est possible de moderniser le système. Dans cer­ tains cas, on est encore sur des ac­ cords qui datent des années 50. »

Emmanuel HUET

Marcel Vanhulst

«C

e n’est pas tous les jours qu’un commissaire vient nous voir », glisse la dé­ putée écolo Isabelle Durand. Ef­ fectivement, hier sur le coup de 14 h 45, Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce, s’est rendue au Parle­ ment bruxellois pour y défendre « son » TTIP. Charles Picqué (PS), le président du Parlement bruxellois a apprécié car c’est le Parlement qui avait sollicité cette rencontre. « Elle avait ac­ cepté assez vite. C’est un test pour la Commission de montrer qu’elle est à l’écoute de la société civile. » La Suédoise a reconnu que c’était bien la première fois qu’elle visitait un Parlement ré­ gional. Mais la visite n’était pas de simple courtoisie. Politique­ ment, elle avait beaucoup de sens. Car si ce traité est mixte (sa compétence est partagée entre l’Union et les États membres), il devra alors être ratifié par les dif­ férents Parlements nationaux. Et en Belgique, la ratification du TTIP passera aussi devant les Parlements régionaux qui ont une réelle possibilité de blocage.

Cecilia Malmström, la commissaire européenne a répondu assez rapidement à l’invitation de Charles Picqué, président du Parlement bruxellois. Ce n’est pas innocent…

Parmi les 28 états de l’Union, la Belgique fait donc figure d’ex­ ception. Et Cecilia Malström l’a compris – « je sais que c’est parti­ culier en Belgique ». Elle a déjà ren­ contré une délégation du Parle­ ment germanophone et se rendra prochainement au Parle­ ment de Wallonie. La longue série de griefs émis à l’égard du TTIP, la commissaire les connaît. En anglais lors de son intervention et dans un par­

fait français lorsqu’elle a ré­ pondu aux députés francopho­ nes, la commissaire a séduit par sa franchise. Tout le monde ne sortira pas ga­ gnant de ce TTIP, dont elle vante les qualités pour permettre la re­ lance économique de l’Europe : elle en a conscience et l’a répété devant les parlementaires. Mais elle défend le projet de traité, tout en rassurant sur les aspects largement critiqués.

« L’Europe a besoin d’un coup de boost économique. Et plus d’échan­ ges peuvent contribuer à plus d’em­ plois. Nous voulons gagner du temps et beaucoup d’argent, surtout pour les PME. Et se débarrasser de la bureaucratie. » Les PME, la commissaire ne les a pas oubliées. D’ailleurs, à aucun mo­ ment, elle n’a évoqué les multi­ nationales, accusées par les op­ posants au TTIP de guider les négociations.

Comparée à Zlatan Ibrahimovic ! A­t­elle convaincu ? Elle a eu le mérite de répondre à toutes les questions posées par les par­ lementaires. Une manière de faire taire la formule du jour, prononcée par le député Close (PS). « Comme Zlatan Ibrahimo­ vic (NDLR : l’attaquant suédois du PSG), vous êtes à la pointe de l’attaque de votre dossier : une vir­ tuose du terrain mais un peu obsti­ née… » ■

Consciente « d’un grand scepticisme »

Le TTIP pourra être bloqué

L’intervention de la commissaire a été applaudie par les parlementaires. Des applaudissements polis, car le TTIP ne les rassure pas tous.

PARLEMENTS RÉGIONAUX ◆

«C

e fut une très bonne expérience, commentait la commissaire après avoir passé 1 h 30 dans la salle 201 du parlement bruxellois. J’ai vu que les parlementaires avaient beaucoup de connaissances sur le sujet. » Le parlementaire qui avait ouvert le bal des questions, c’était l’ancienne eurodé­ puté, Isabelle Durant. Pour elle, cela n’a

pas de sens d’entamer des négociations avec les États­Unis alors que le marché unique européen n’est pas encore achevé. « Entre l’Europe que nous voulons et le TTIP, il faudrait choisir ! Vous essayez de nous rassurer en disant qu’on ne descendra jamais en dessous des standards européens : excusez­moi mais je n’y crois pas. » Benoît Cerexhe (cdH) doute qu’une augmentation annoncée de 0,5 % du PIB de l’Europe puisse « régler le problème du chômage. Il est illusoire de compter sur les exportations pour régler le retour à la crois­ sance. » Ce que craint Jef Van Damme (SP.A), c’est « qu’il y a des régions où des catégories de gens vont perdre dans ce dossier. Les béné­ fices d’un éventuel accord sont très réduits. » Un député NV­A a lui inversé la ques­

tion. Il s’interroge : « si nous ne signons pas, combien cela nous coûtera­t­il et dans quelle situation on se retrouvera en 2027 ? » Cecilia Malmström n’a pas été poussée dans les cordes mais elle sait que l’opi­ nion publique et politique ne lui est glo­ balement pas favorable en Belgique. « Je suis consciente qu’il y a un grand scepti­ cisme, qu’il y a des manifestations dans beaucoup de pays. » Et que, selon un son­ dage, rapporte la commissaire, la majo­ rité des citoyens européens est en faveur du TTIP « sauf en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et en Autriche. » « Si ce traité est mixte, a conclu Charles Picqué, nous serons concernés et ce sera en­ core l’occasion de se rencontrer. » Réponse de la Commissaire : « il y a de grandes chances que le TTIP soit un traité mixte… » ■ E. H.

L’entrée en vigueur d’un traité, s’il est de compétence mixte entre l’Union et les États, nécessite une ratification par les différentes instances parlementaires. Le texte, quand il sera rédigé, passera alors entre les mains des députés. Or, en Belgique, il n’y a pas qu’un parlement mais bien six ! Et ce n’est qu’après la ratification par chacun des 28 États de l’Union européenne que le traité entrera en vigueur. Que se passerait-il si un de nos parlements ne ratifiait pas le texte ? Et bien, cette décision ferait capoter le TTIP. Mais on ne l’apprendra pas à Cecilia Malmström qui ne le sait que trop bien… E. H.


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