Paysage en commun - entre liberté et réglementation

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LE PLATEAU

ENTRE LIBERTÉ ET RÉGLEMENTATION : UN PAYSAGE EN COMMUN

Mémoire d’initiation à la recherche LÉA COLOMBAIN Ecole Nationale Supérieur d’Architecture et du Paysage de Lille 2017 - 2018


Couverture : photographie de Daniel Denise.


LE PLATEAU ENTRE LIBERTÉ ET RÉGLEMENTATION : UN PAYSAGE EN COMMUN

LA FABRIQUE DU PAYSAGE séminaire initiation à la recherche Responsables : Denis Delbaere et Sabine Ehrmann LÉA COLOMBAIN ENSAPL 2017 - 2018


Figure 1 : L’arbre Source : Léa Colombain.


REMERCIEMENTS Je suis reconnaissante de tout ce que j’ai appris durant ce séminaire d’initiation à la recherche. Je vous ai fait confiance, je me suis laissé guider. Des méthodes, de la curiosité, beaucoup de curiosité, de la rigueur… mais aussi des intuitions. L’enseignement de ce séminaire va me suivre, j’en suis sûre. Papa… Merci. Tous ces mots qui me poussent à grandir, ces phrases qui raisonnent mais qui font avancer parce qu’elles remettent en question. Ces discussions à propos du plateau, de la société, à chaque fois passionnantes. J’aime nos débats et ces « Biijour! » accompagnés d’une photo de ton périple matinal sur le plateau. Une pensée à cet arbre. Sauvé des flammes en 2015 depuis, il trônait sur le plateau, les branches au vent. Il avait sa place de survivant dans cet espace qui a souffert. Le 9 janvier 2018, il a été abattu. Daniel Denise m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle. J’ai été très touchée par cet appel. Le plateau et ses habitants me sont devenus proches. Daniel, sacré personnage… Merci de m’avoir montré à quel point on pouvait aimer un lieu. Il faut croire en ses convictions et les faire valoir. Je remercie aussi, toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre à mes interrogations qui ont ainsi pu m’aider à avancer dans cette recherche, Nathalie Warin, Bertrand Kling, Charles Ancé, Antoine Arlot, Jérôme Joubert, Xavier Rochel, Claire Alliod.



SOMMAIRE INTRODUCTION I. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE NON INSTITUTIONNALISÉ

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I.1 Le dépaysement

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I.2 L’appropriation

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II. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE INSTITUTIONNALISÉ

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II.1. Un site occupé

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II.2. Natura 2000

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III. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE EN COMMUN

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III.1. La notion de paysage

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III. 2. Le paysage comme bien commun

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CONCLUSION 103 BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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INTRODUCTION

Le plateau de Malzéville, ou plus sobrement «le» plateau

comme le nomment affectueusement ses nombreux usagers et les habitants de l’agglomération, est situé dans l’Est de la France, au Nord Est de la Métropole du Grand Nancy. Il s’étend sur 439 hectares et culmine à 384 mètres d’altitude. Il fait partie de l’espace lorrain dont les paysages sont marqués par un relief de côtes orientées nord-sud et par une alternance de plateaux et de plaines. Le plateau de Malzéville surplombe la cuvette de Nancy qui s’est formée lorsque la Meurthe a creusé les calcaires durs du bajocien créant une large vallée, également délimitée à l’ouest par les horizons foncés des côtes des plateaux de Haye et de Brabois, et au nord par les buttes-témoins du Grand Couronné. Même si l’urbanisation en a quelque peu grignoté les coteaux, la barrière boisée surplombée de l’antenne d’un émetteur construit en 1965, véritable point de repère pour les habitants de la Métropole, marque la vision depuis une grande partie de l’agglomération. Le choix de ce terrain d’étude s’est fait dès la première séance de séminaire, lorsque nous devions proposer un lieu. Cet endroit, je le connais depuis mon enfance, j’y suis attachée sans l’être vraiment, j’y allais quelque fois en promenade.


Le paysage du haut du plateau est une des caractéristiques fortes de l’endroit. Entouré d’une couronne boisée, protégé par des flancs escarpés, à pied, en vélo... son accès se mérite. Seuls les moins courageux, qui garent leur véhicule sur les parkings prévus à cet effet, n’auront que quelques dizaines de mètres à parcourir pour accéder à une ligne d’horizon parfaitement droite: un simple trait qui sépare le ciel et la terre. Mais il s’agit bien là d’un ensemble, la vision finale à couper le souffle a d’autant plus d’intérêt que reliée au cheminement qui la précède; le plateau est un tout. L’idée d’une préservation mais aussi d’une valorisation active de ce patrimoine est née il y a plus d’une dizaine d’années, et le choix a été fait de l’inscrire au dispositif Natura 2000 en 2006. Passée la période de coordination entre les communes, des diagnostics, de la constitution de la gouvernance, de l’établissement du document d’objectifs (DOCOB)... La première opération d’envergure a eu lieu en 2015, les espaces ont été «ré-ouverts» par un abattage massifs d’arbres suivie d’un nettoyage complet avec suppression des arbustes et des buissons sur une grande partie de la surface avec pour objectif de réouvrir la pelouse calcaire, retrouver le paysage originel et ainsi préserver plusieurs espèces de plantes remarquables. Cette opération a suscité beaucoup d’émotion parmi la population, ce qui peut paraître paradoxal puisqu’elle était menée dans le cadre d’un dispositif de préservation des espaces naturels. A la lecture des articles de presse relatant les réactions à cette opération de déboisement et après avoir rencontré bon nombre d’usagers et passionnés du plateau, j’ai été amenée à me poser les questions suivantes: - est-il possible de préserver le sentiment de liberté qu’éprouvent bon nombre de promeneurs en arpentant le plateau, tout en appliquant la réglementation lié à Natura 2000 ? - la préservation d’un paysage, celui que les promeneurs arpentent actuellement, a-t-elle moins de valeur que l’idée de revenir à un paysage «originel» que personne n’a connu? Et si oui de quel paysage «originel» parle-t-on : celui des premières interventions de l’homme sur l’environnement ou de celui qui l’a précédé? - comment dans le cadre d’un dispositif contraignant, en l’occurrence Naturel 2000, générant un

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fonctionnement institutionnel et administratif lourd, réussir à transformer une somme d’intérêts particuliers en un intérêt général? Aux prémices de cette recherche, j’ai souhaité redécouvrir le plateau. L’errance a été ma première méthode d’arpentage. Je me suis laissée porter par le lieu pour m’imprégner de ce qu’il avait à révéler, sans être influencée par ce que j’en connaissais déjà, ni par mes aprioris sur son histoire récente. Cette première étape a été longue, je me suis rendu compte de la difficulté de faire abstraction de ses présupposés et de son rapport ancien avec un lieu. A chaque fois attirée par cette ligne d’horizon qui fait basculer le simple paysage bucolique vers une immensité poétique, j’ai pu me rendre compte de la relativité des échelles entre l’immense et le fini. Je me suis ensuite concentrée sur les traces des usages, plus ou moins discrètes, partout présentes, laissant entrevoir une grande diversité d’appropriation du lieu. Ce qui naturellement m’a amenée à partir à la rencontre des promeneurs et utilisateurs, ceux qui, en le rendant vivant, renvoient le plateau à une réalité du moment présent. Ma deuxième phase d’investigation du lieu a donc été constituée de rencontres, au hasard, au fil de mes promenades, et ciblées: rendez-vous avec les gestionnaires du lieu, les responsables des associations utilisatrices... Je me suis ensuite intéressée à la notion de paysage afin de comprendre les différentes visions exposées, entre subjectivité et objectivité. La réflexion programmatique des gestionnaires ne semblant pas prendre en compte le paysage ressenti, la gouvernance appliquant des règles basées sur des directives de gestion déconnectée du paysage actuel, visible, ressenti, je me suis interrogée sur le risque de patrimonialisation d’un lieu jusque-là vivant et sur le sentiment de désappropriation que pourraient ressentir certains usagers. En lisant des articles et notamment celui d’Anne Sgard « Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun » , il m’est alors apparu que la notion du «commun» pourrait être au centre de ces réflexions.1 Cette notion permettait pour moi de mettre en commun les deux visions du plateau, faire de l’assemblage d’intérêts particuliers, d’appropriations propres, un bien commun. 1 SGARD Anne, Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun, Développement durable et territoires, 2010, 18p.

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Pour constituer mon état de l’art, je me suis d’abord intéressée au texte d’Anne Sgard « Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun ». Elle aborde la question de la patrimonialisation des lieux résultant souvent de questions environnementales et qui ne prend pas forcément en compte la question du paysage et remet en cause le fait que le paysage soit figé par les politiques publiques parfois incompatible avec la volonté d’évoluer.

« Cette introduction du bien commun dans le champs du paysage suit une percolation du terme

dans l’ensemble des discours sur l’environnement, sur les enjeux du développement durable ; percolation volontiers synonyme de dilution et de confusion dans la mesure où le bien commun se rapproche tantôt de la notion de ressource commune, tantôt de bien public, ailleurs de l’intérêt général, et que l’on trouve représentée, aux côtés des approches environnementales, la quasi-totalité des sciences sociales. »2

Le commun permet de confronter tous les aspects qui constituent un territoire et qui font le paysage d’un lieu. Je me suis ensuite tournée vers Pierre Donadieu et les « Paysages en commun» :

« Le bien commun paysager est un concept nouveau qui permet de décrire les relations entre

l’espace matériel et les hommes qui le perçoivent, le produisent, y vivent et en vivent. Il désigne tout espace matériel perceptible qui est jugé (et parfois revendiqué) avec des valeurs morales autant qu’esthétique (beau / laid) ou esthétiques (plurisensorielles) dans une perspective collective et non seulement individuelle.»3

Dans ce texte Pierre Donadieu réfléchit à la mise en place d’un bien commun paysager. Le bien commun est l’accord entre les décideurs et les usagers et met en avant la fragilité de la définition du bien commun paysager. La perception du paysage est en lui-même une ambivalence entre objectivité et subjectivité. Le bien commun, lui met en commun l’objectivité des décideurs ainsi que leur pragmatisme mais aussi la subjectivité des usagers de ces lieux. Pour comprendre l’ambivalence et les enjeux qui constituent le paysage du plateau de Malzéville, je décris dans une première partie le caractère poétique et subjectif du plateau, ce qui fait qu’une part de plateau est un paysage non-institutionnalisé, qui relève d’une contemplation à l’écoute des sens. La deuxième partie permet de comprendre la gestion ainsi que les paradoxes de réglementation régie par la protection écologique. Elle parle du paysage institutionnalisé du 2 SGARD Anne, Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun, Développement durable et territoires, 2010, 18p. 3 DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p. 25.

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plateau. Une dernière partie entame une rÊflexion sur le consensus possible entre ces deux paysages : le paysage en commun.

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14 Figure 2 : Le bassin nancéien. Source : Photo aérienne Géoportail.

2 km


Le plateau de MalzĂŠville

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Figure 3 : Le plateau de MalzĂŠville, vue depuis le plateau de Brabois. Source : LĂŠa Colombain.

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Figure 4 : Sur le plateau de Malzéville, l’antenne. Source : Léa Colombain.



I. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE UN PAYSAGE NON INSTITUTIONNALISÉ



I. Le plateau de Malzéville : un paysage non institutionnalisé

Le plateau de Malzéville fait partie de ces paysages, de ces lieux dont la découverte

procure un sentiment d’étonnement et aussi une certaine fierté. La surprise est grande de se retrouver subitement face à un espace aussi vaste, dénudé. Le sentiment d’étonnement vient également du fait qu’il est si proche de la ville et donne cependant l’impression d’être ailleurs. Le plateau culmine à 384 m au dessus de l’urbain. De l’extérieur la vision de l’étendue herbeuse est subtilisée par une couronne boisée. On y accède par la forêt, espace tampon entre l’agitation de la ville et la sérénité du plateau. Le cheminement se fait de l’ombre à la lumière. Une fois arrivé, il ne reste de l’urbain que le bourdonnement lointain de la circulation automobile, accentuant paradoxalement encore cette impression d’un «ailleurs».

« Il y a d’abord cette part invisible de l’espace, qui borde et déborde constamment le visible, et

rappelle combien le paysage, tout à la fois, délimite un monde et laisse deviner sur ses marges la présence d’une vie tumultueuse. Puis, il y a l’horizon, les lointains, comme un signe et l’annonce d’une promesse, un appel. Mais aussi, au plus près, les traits du monde s’enveloppent sous le regard, comme une invitation à explorer tous les détails, tous les plis du visible, en une sorte d’interminable voyage. Tous les points de l’espace, les marges, les centres, les lointains et les proches marquent cette insistance de l’infini dans le fini qui travaille au cœur du paysage et, exactement, le dé-finit. »4

C’est une sensation, un ressenti, cette large étendue herbeuse qui s’offre aux visiteurs semble infinie. Et pourtant elle est délimitée, contenue, mais c’est tout un monde qu’elle renferme nous procurant une impression de grande liberté. Son étendue, ses grandes proportions, nous laissent entrevoir de vastes possibles. Chacun s’y fabrique son propre paysage intérieur, cette étendue semble ouvrir le champ de l’imaginaire. Entre les parenthèses de la forêt, ce lieu propose un moment de trêve, une respiration. La notion du temps est nécessaire pour découvrir ce lieu. On prend du temps pour y accéder et

4 BESSE Jean-Marc, Voir la Terre, Six essais sur le paysage et la géographie, Actes Sud/ENSP, 2000, p.12.

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il nous demande du temps pour le vivre, pour y marcher, y courir, y voler. Plus on s’y aventure, plus le plateau semble prendre de l’ampleur, s’agrandir, offrir d’autres promesses de surprises, de découvertes. On y éprouve un sentiment d’une grande évasion. Une sensation de liberté physique, sans limite, dans la mobilité, dans les mouvements, dans les directions. Ce paysage, je le qualifie de non-institutionnalisé. Le fait est qu’il peut donner l’impression qu’il n’y a pas de règle, qu’il est en marge d’une institution, cela peut-être dû à un sentiment d’isolement de la ville, de protection de la végétation. Dans cette première partie je développe les différents éléments du paysage qui, de mon point de vue, font qu’une part de cet espace donne la sensation d’une entière liberté.

I.1 Le dépaysement

Ce paysage d’une simple complexité donne l’impression d’un ailleurs. Ce paysage

non institutionnalisé, sans barrière, sans frontière permet le dépaysement. Le plateau de Malzéville dépayse. Il dépayse car on s’y sent libre mais aussi on s’y sent libre car il dépayse. Chaque utilisateur du plateau éprouve son propre dépaysement. Cette sensation est due à la nudité du lieu, quelques éléments ponctuels d’une extrême simplicité, jalonnent l’espace. C’est l’assemblage de ces éléments qui procure ce sentiment de liberté. L’horizon, l’immensité et la végétation composent le paysage du plateau qui devient un décor pour chaque imaginaire. Du réel, naît l’irréel.

« C’est l’espace, la planéité et le sentiment d’être ailleurs qui me plaisent. C’est calme, je sens

comme une protection des arbres qui font le pourtour du plateau. Caché du monde urbain ou le monde urbain caché. Il me donne la sensation d’être un lieu à part. »5

Retour du premier arpentage. Le plateau m’était apparu comme un lieu à part. Je redécouvrais ce lieu pour la première fois seule. A chacune de mes visites dans le cadre de ce travail, j’y ai fait de nouvelles découvertes. Les sensations changent d’une fois à l’autre en fonction du vent, de la lumière, des personnes rencontrées. Ce lieu emmène ailleurs, fait sortir du quotidien. J’y ai parfois eu peur, en me retrouvant seule, dans un si vaste espace avec l’inquiétude de me perdre 5

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Récit d’arpentage 30.10.2017. (Annexe 3)


ou de faire une mauvaise rencontre. Mais des éléments fixes, rassurent, apaisent et emmènent ailleurs.

a. L’horizon

« […] L’horizon exprime […] beaucoup plus que l’existence de mondes lointains. Ce terme a une

portée ontologique tout autant qu’épistémologique. Il renvoie à la part d’invisible qui réside dans tout visible, à ce pli incessant du monde qui fait du réel, définitivement, un espace inachevable, un milieu ouvert et qui ne peut être totalement thématisé. L’horizon est le nom donné à cette puissance de débordement de l’être qui se présente dans le paysage.»6

L’horizon, cette ligne si mince qui sépare la pelouse et le ciel. Cette ligne n’indique rien, comme s’il n’y avait rien ou au contraire tout. Il est possible d’imaginer ce que l’on veut, se faire tout un monde de ce qui se trouve derrière cette ligne qui n’en finit pas. D’une simplicité complexe, l’horizon happe celui qui le fixe. On se sent marcher sur un fil tendu, attiré par cette ligne hypnotisante.

« L’observation intensive des franges recompose une géographie nouvelle où la terre et le ciel

n’ont d’autres qualités que celles acquises par leur mitoyenneté; comme si toutes les qualités sensibles ne pouvaient apparaître que dans cette unique épaisseur du monde, celle où les milieux et les choses se touchent dans un impressionnant tumulte. »7

La particularité de l’horizon du plateau de Malzéville, c’est le fait, que l’on se sente au-dessus. Souvent, l’horizon se trouve à la cime des arbres ou surligne des bâtiments. Ici, la ligne d’horizon glisse sous nos pieds. Comme si tout au bout, le sol s’arrêtait, formant un ravin. Cette ligne étonne par sa rareté. En ville, l’horizon est rarement autant marqué.

« Je m’interroge sur le paysage du plateau. Il est différent, c’est un paysage à part et étonnant,

occultant les vues, ne me donnant pas la possibilité de voir ce qu’il y a autour, donnant l’impression que l’on n’est nulle part. L’horizon, donne l’impression que l’on pourrait être n’importe où ailleurs, enlevant tous repères, on peut facilement se sentir perdu. C’est ça qui fait sa particularité et sa singularité, en même temps cet endroit m’en rappelle d’autres. Comme sur un nuage, on ne voit pas ce qu’il se passe en

6 BESSE Jean-Marc, Le goût du monde, exercices de paysage, Actes Sud, 2009, p.53. 7 CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud Nature Paysage, ENSP, 2017, 270 p.

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dessous.»8 « C’est une sensation très étrange, de voir cet horizon, cette ligne droite imperturbable. Comme si j’étais sur une planète désertique. »9

Daniel Denise, artiste photographe et plasticien, a mené un travail de longue haleine sur le plateau, interrogeant le continuum du ciel et de la terre. Il a immortalisé l’horizon depuis différents endroits, jouant avec cette ligne. Malgré différents points de prises de vue, il est possible de penser que le photographe ne bouge pas, tant l’horizon est imperturbé, presque hypnotique. Il s’est attaché à placer cette ligne au centre des images, ligne de démarcation entre le haut et le bas, le concret et l’imaginaire, le solide et l’insaisissable. Certaines de ses photographies donnent l’impression d’être des peintures. Le réel devient irréel. A tel point que certains visiteurs de ses expositions soupçonnent une utilisation d’un logiciel de traitement d’image pour «redresser» l’horizon... « Le paysage n’est jamais naturel, mais toujours « surnaturel » ».10 Par tous les temps, en toute saison, l’horizon change, arborant un nouveau paysage, proposant un nouvel imaginaire. Cette monotonie changeante, forme un décor. Le paysage du plateau est contemplatif. Il laisse la possibilité d’une contemplation du rien. Cette nudité calme, apaise. Un sentiment de liberté naît dans cette place laissée au rien qui emmène ailleurs ou nulle part.

« L’Aubrac est un de ces lieux qui berce notre imagination. On ne saurait le situer avec précision

: ni de quoi sa magie est faite. Cette contrée onirique établie aux frontières de l’irréel… Avouons-le, on ne jurerait pas que l’Aubrac existe tout à fait, mais on a envie de le croire… »11

Différent du plateau de Malzéville, l’Aubrac est un non-lieu par un processus de délocalisation, de paysage lointain (Perrot M. et Magos I.)12, tandis que le plateau lui est proche de la ville.

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Récit d’arpentage du 18.11.2017. (Annexe 3)

9 Récit d’arpentage 18.11.2017. (Annexe 3) 10 ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, p.14. 11 Paysage au pluriel, Pour une approche ethnologique des paysages, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1995, p.46. 12 Paysage au pluriel, Pour une approche ethnologique des paysages, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1995, p.46.

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La similarité se trouve dans la nudité et l’impression de simplicité. Ces paysages de solitude, d’absences de repères, d’immensité permettent de s’évader. Cet horizon, ramène à une certaine universalité. Chacun peut s’identifier, se référer à une image déjà vue, à une histoire, à un sentiment. Dans cette idée, je trouve une certaine analogie entre l’horizon du plateau et la photographie très connue de Charles O’Rear utilisée pour les fonds d’écran des ordinateurs sous Windows XP. C’est un paysage qui laisse tant de possibilités à l’imaginaire, comme une sorte de subconscient collectif où chacun se fait son propre récit, sa propre histoire. La simplicité de ligne, de courbe du plateau permet aussi de se recentrer sur soi, de se retrouver, de prendre conscience de notre «infiniment petit» en rapport au paysage qui nous entoure. Cette ligne sans limite, à l’échelle beaucoup trop grande pour l’humain, invite à se recentrer sur soi-même et c’est aussi cela que l’on vient chercher en arpentant le plateau.

« Terre et ciel ne cessent de se quereller dans l’épaisseur du sol arable et de ces querelles naissent

les qualités premières de tout paysage. Une fois cette impression acquise on peut quitter l’horizon et étendre ce regard nouveau sur le paysage d’ensemble. Dans un paysage, I’unité des parties, leur forme, vaut moins que leur débordement; il n’y a pas de contours francs, chaque surface tremble et s’organise de telle manière qu’elle ouvre essentiellement sur le dehors.»13

Cette citation de Michel Corajoux exprime cet ensemble qui constitue le paysage du plateau de Malzéville, l’horizon semble scinder la terre du ciel mais c’est un tout. Le paysage glisse sous nos pieds jusqu’à l’horizon et continue bien au-delà de cette ligne.

13 CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud Nature Paysage, ENSP, 2017, 270 p.

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Le plateau sous la neige. Source :Daniel Denise.

Figure 5 : Depuis le terrain d’aviation, l’horizon. Source : Léa Colombain.

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b. L’immensité

La montée au plateau se fait forcément par la forêt. Au sortir de ces bois, le promeneur

se retrouve face à un large espace ouvert. Il peut se laisser guider par les chemins qui bordent la pelouse où alors se laisser prendre à l’envie de s’aventurer dans cette grande étendue herbeuse. Le premier élément marquant de cette immensité est l’air. Dès que l’on sort de la protection boisée des coteaux, selon les jours, brise ténue ou vent fort, l’air est présent et accentue encore cette impression de «respirer». Du fait de son altitude plus élevée, le plateau est soumis à des vents plus marqués que dans la « cuvette » nancéienne et en hiver l’enneigement y est plus important : il arrive que le plateau soit entièrement recouvert de neige alors que la plaine en est dépourvue. Cet immense espace enneigé donne l’impression d’un ailleurs. Les événements météorologiques renforcent le caractère singulier et énigmatique du lieu. Le plateau s’étend sur 439 hectares, la pelouse recouvre une majorité de sa surface, formant un large espace dénudé. Le matin, lorsque le brouillard n’est pas encore levé, les pas sont feutrés. L’immensité semble tout à coup confinée. La respiration est plus forte, plus intense. Le souffle casse le silence. La sensation de solitude aussi est plus forte, même les bruits de circulation automobile ont disparu. Il n’y a plus rien à quoi se raccrocher. Sans vision lointaine, il est très facile de perdre son orientation. Sur plusieurs kilomètres, le sol est inlassablement le même. C’est une forme de lâcher prise, une perte complète de repères. C’est un labyrinthe du vide, même ceux qui connaissent le plateau avouent se retrouver parfois désorientés. Dans le quotidien, nous sommes généralement guidés, les villes sont organisées en rues, en chemins, en voies. Des indications nous sont données pour ne pas nous perdre. Il y a une vraie différence d’échelle entre la ville d’où l’on vient et cet espace totalement ouvert. Des chemins guident le promeneur sur les pourtours mais il peut facilement s’aventurer, dans cette grande étendue herbeuse qu’offre le plateau. Il se retrouve au milieu de plusieurs hectares de pelouse, sans aucune limite. La perte de repère peut d’une manière être angoissante mais aussi donner une multitude de possibilités dans les découvertes et les parcours. Durant un de mes arpentages, j’ai observé un père et ses deux enfants. Les enfants âgés d’environ trois et cinq ans, marchaient tranquillement sur un chemin au côté de l’adulte. Jusqu’au moment

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où le plus petit, pris d’une envie de gambader, s’est mis à courir dans la grande pelouse herbeuse avec des petits pas maladroits mais déterminés. Il prenait du large. Le plus grand des deux lui ordonnant de revenir, comme si il était inquiet alors qu’il était impossible de perdre son frère de vue. Le plus petit, prenant plaisir à courir dans cet espace sans aucune limite, ne voulait pas s’arrêter. Le plus grand s’est alors décidé à aller le chercher en lui courant après. Cette situation, me semble-t-il, donne à voir deux réactions complètement opposées mais qui représente de manière caractéristique l’attirance vers cet espace nu et la crainte que peut susciter un espace aussi vaste. Lilyane Beauquel (romancière, auteure d’un texte pour le livre de photographies de Daniel Denise «Horizon») compare cette étendue à un désert.

« Ainsi, ce désert lui donne l’hallucination que redoutent les nomades. Comment, ne pas imaginer

en contrebas, l’eau bouleversée des grands fleuves, l’océan de solitude ou les villes aux minarets ? Comment résister au leurre des oasis, aux rêves des sédentaires, à l’errance des insomnies ? Les tableaux et les films des grands espaces affluent en miroitement stroboscopique. Le buveur de vent subit le théâtre des spectres. Les mythologies sont là, entre Désert des Tartares, expédition en fuite. Dans les pas, la peur est tangible, les empêchements intimes submergent l’homme encore debout. Le désert entre en lui. Vertige. »14

Elle parle ici de cette angoisse du rien. Le vide attise l’imaginaire, ce qu’il pourrait y avoir, ce qu’il n’y a pas, ce qui pourrait surgir. Sur le plateau, nous sommes à découvert, comme du gibier dans une plaine, l’esprit tranquille, apaisé ou au contraire aux aguets. L’immensité, les grands espaces font voir le paysage d’une autre manière. « C’est tellement grand que mon champs de vision ne voit pas le contexte. »15 L’échelle du lieu, ne permet pas toujours une visibilité sur ce qui entoure. D’une séquence à l’autre il y a de la distance, le déplacement amène une vision progressive d’une autre mise en scène. 14 2017. 15

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DENISE Daniel, Horizon, Le chemin le plus court entre le ciel et la terre, photographie, ARP2, Récit d’arpentage du 04.11.2017. (Annexe 3).


« Le paysage signifie d’abord la restriction du monde visible au champ visuel qui s’ouvre depuis

ce découpage primordial. Le sentiment d’appartenir à la généreuse présence de ce qui est, fait place désormais à une contemplation à distance du monde. »16

Cette citation de Jean-Marc Besse fait écho au paysage du plateau. Le sentiment d’appartenance à ce lieu si vaste fait prendre conscience de notre existence dans cet espace mais surtout accentue la présence de ce qui se présente à nous. Le paysage qui se présente là, devant nos yeux, dans cet infime distance que peut voir notre champs visuel prend d’autant plus d’importance. Cette vision accentue le fait de se sentir en marge du reste.

« Le plateau permet d’avancer, de s’ouvrir, de ne pas rester enfermé dans son problème. Les

problèmes restent souvent enfermés dans le problème. Le psychothérapeute laisse parler les gens et de temps en temps acquiesce, pose une question « Ok, mais après ça, il y a quoi ? ». Et tout d’un coup, le lieu permet d’être surpris, de sortir de son problème, un chevreuil passe furtivement, un oiseau vole bas. Après un événement, on revient au problème et on se rend compte qu’il a moins d’importance. La nature permet l’ouverture. Ce serait dans un parc public, ou dans un cabinet ce ne serait pas pareil. »17

Cédric Bégin, psychothérapeute invite ses patients qui le souhaitent, à le retrouver sur le plateau pour conduire leur séance de psychothérapie. Selon lui, lorsque le corps est en mouvement, la pensée est beaucoup plus mobile. L’échelle du plateau permet de créer un rapport de force à l’échelle de nos vies et de problèmes que l’on trouve considérables et insurmontables. Les séances dans l’immensité du plateau, permettent de mettre en concurrence les soucis intériorisés qui semblent insurmontables et le vaste terrain qui lui, met de la distance. Le rapport d’échelle est ainsi questionné, l’être humain, le soi fait partie de l’infiniment petit comparé au vaste monde qui l’entoure. Les séances de psychothérapie en extérieur et particulièrement sur le plateau, permettent de marcher, de créer un parcours. Le point de départ est le même que le point d’arrivée, entre les deux, le patient a fait du chemin. Ce parcours où il a pu s’extérioriser, et ce retour au même point lui font prendre conscience de l’avancement de son état psychologique. 16 BESSE Jean-Marc, Voir la Terre. Six essais sur le paysage et la géographie, Actes Sud/ENSP, 2000. P.10 17 Interview de Cédric Bégin psychothérapeute, 3 décembre 2017. (Annexe 4)

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La temporalité, la longueur des parcours font partie de l’immensité du plateau. « Je décide de continuer. Je vois à l’autre bout du plateau un homme qui manipule un avion téléguidé. Les distances étant longues, je ne suis pas arrivée à temps, l’homme et l’avion étaient déjà partis.»18 Dans ce contexte, les distances peuvent surprendre. Lilyane Beauquel parle de «mirage», l’espace entre deux choses étant désertique, elles semblent rapprochées. La longueur du trajet entre deux points est souvent plus longue que prévue, ramenant le plateau à une autre temporalité. Ainsi, le paysage du plateau dans son immensité créé de nouveaux rapports entre le soi, l’usager et l’espace. Cette immensité dénudée renforce le sentiment de liberté que l’on ressent sur le plateau.

1 km

18

30

Récit d’arpentage du 2 décembre 2017.


Figure 6 : Coupe longitudinale, 1/10 000. RĂŠalisation : LĂŠa Colombain.

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c. La végétation

La végétation est l’un des protagonistes de ce paysage non institutionnalisé.

« La prairie est intriquée à nous, très profondément, très intimement, comme le jardin. Comme

lui, elle est un espace mis à part pour être travaillé, dégagé au centre, délimité soigneusement par la haie et la clôture. »19

Parlons de cette clôture, la couronne boisée qui crée cet écrin autour de la pelouse calcaire comme si elle protégeait un trésor. Les grands arbres sont les premiers visibles depuis le bas, depuis la vallée et la ville. Au loin la vue sur les coteaux surmontés d’une ligne droite constituée de ces grands arbres et le signe qu’il se passe quelque chose là, au-dessus. Ils gardent un secret, le secret de cet espace ouvert, mais en même temps ils signifient sa présence. Ils sont en quelque sorte les gardiens de cet espace ouvert. Ils sont un lien, comme un sas, un passage entre le tumulte urbain et le calme de la nature, le bas et le haut.

Figure 7 : La forêt du plateau de Malzéville. Source: Léa Colombain.

19 MOTTET Jean (sous la direction), L’herbe dans tous ses états, Pays/Paysages Champ Vallon, 2011. Extrait de « Ciel ma prairie ! », p. 75.

32


Cette forêt est constituée d’un mélange de pins, de chênes, d’hêtres et de bouleaux, qui eux aussi constituent un biotope remarquable. De nombreux animaux trouvent refuge dans ces lieux cachés, protégés. Il n’est pas rare, au petit matin d’être surpris par des départs de différents animaux, ou lorsque la chasse est ouverte, de croiser au sortir d’un bois deux ou trois biches traversant la pelouse, pour se réfugier dans une autre poche arborée. Ces espaces abritent les jours de beau temps, quelques flâneurs qui à l’ombre des pins, improvisent un barbecue pour griller quelques côtelettes. Les dimanches après-midi de beaux temps, la forêt proche des parkings est occupée par plusieurs groupes d’amis et par des familles. Ils viennent ici, chercher un moment hors de chez eux, dans un lieu agréable qui leur donne la possibilité de profiter d’un joyeux moment ensoleillé. Paradoxalement, la forêt est aussi un lieu de crainte. Elle inquiète, on peut s’y perdre facilement.

« Je suis arrivée dans une forêt sans fin, je ne voyais que des arbres, à perte de vue. J’étais

complètement perdue, je n’arrivais pas à me situer par rapport au plateau. J’ai accéléré le pas, cherchant à retrouver mon chemin. »20

Au début de cette recherche, le terrain du plateau ne m’était pas très connu, je n’en connaissais pas tous les accès. Plusieurs fois, je me suis laissée perdre dans cette forêt. Je me rappelle de cette interminable succession de troncs. J’avais l’impression de me trouver dans un labyrinthe, ne voyant jamais le bout de cette sorte de palais des glaces verticales. L’inquiétude est ensuite balayée par l’apparition de repères, telle que la vision de l’antenne à travers les feuillages des grands arbres ou encore les premiers pins qui indiquent l’apparition imminente de la pelouse calcaire.

« Ensuite le chemin se rétrécit, je suis vraiment dans le sous-bois, au sol, il n’y a plus de pierres

calcaires, le sol est perturbé, fait de bosses créées par les racines des arbres et l’affleurement rocheux. Le bruit de l’autoroute est de plus en plus fort. Ce bois se termine, j’ai l’impression de sortir d’un tunnel. La pelouse grande ouverte s’offre à moi avec une vue dégagée sur les forêts qui se trouvent en face, Lay-SaintChristophe et Eulmont. »21

20 21

Récit d’arpentage du 30 octobre 2017. (Annexe 3) Récit d’arpentage du 5 février 2018. (Annexe 3)

33


« Les millénaires passent, la source, l’arbre et la prairie en pente occupent toujours notre

esprit comme la figure du moment heureux, mélange d’ombre agréable, de glissement d’eau, d’intimité réinterprète cet équilibre entre plaisir sensuel et intellectuel. Le dialogue entre les deux hommes (Socrate et Phèdre), tel que nous le raconte Platon, va porter sur l’amour, le désir, l’inspiration, la prairie imaginaire qui est la « plaine de l’âme » : il faut de l’espace à l’esprit pour s’élancer, quoi de mieux qu’une prairie fleurie où le parcours sera toujours vagabond. Plaisir de la séduction, du savoir, de l’échange entre humains, entre humain et divin. A la fin, Socrate élève une prière aux muses, aux divinités du lieu. Savoir, saveur, c’est le même mot. Les premières académies, les premiers lycées, dans la Grèce antique, se tenait en plein air. Etudier assis dans l’herbe en suivant aussi la trajectoire d’une fourmi et celle d’un merle remet en jeu des directions obliques, et surtout les corps si abusivement gommés dans les salles de classe et autres amphis où l’on s’efforce en vain de les contenir depuis des siècles. » 22

Figure 8 : L’herbe haute. Source: Léa Colombain. 22 MOTTET Jean (sous la direction), L’herbe dans tous ses états, Pays/Paysages Champ Vallon, 2011. Extrait de « Ciel ma prairie ! » P.83

34


D’après Platon, la prairie, nous est intimement liée, c’est un appel à la détente. Je pense ici, au déjeuner sur l’herbe de Manet. La pelouse fait référence à de nombreuses activités, la lecture, les jeux de ballons, les courses poursuites … Une pelouse, peut faire apparaître de vrais enjeux sociaux et environnementaux, ce qui pose la question de l’espace public. Est-ce que cette pelouse peut être considéré comme un espace public ? A la tombée du jour, ce sont d’autres usages qui s’installent et jouissent de cette pelouse. Des feux de camp apparaissent, des sons de guitares résonnent. Pieds nus, la pelouse permet cette sensation de détente et de moments entre parenthèse, hors du temps. La pelouse est en même temps mouvante et immobile. D’une année à l’autre, d’une saison à l’autre elle change. Lorsque les herbes sont hautes, le vent vient les faire danser. Ce subtil mouvement raconte la poésie du lieu, prônant son indépendance. La végétation du plateau à en effet, une certaine vanité à montrer son émancipation. Un fois coupée, arrachée, elle repousse, faisant un pied de nez à ceux qui veulent exercer un pouvoir sur elle. Cette pelouse en mouvance permet à chaque visiteur, de se faire son propre monde, sa propre histoire.

« Ce qui m’a toujours plu, c’est le côté très sauvage du lieu. A toutes les saisons il est intéressant,

mais moi, il y a des endroits qui m’ont vraiment, complètement transportés, notamment quand l’herbe est haute. Moi qui aime l’Afrique, j’ai l’impression d’être dans la savane.»23

Bertrand Kling, maire de Malzéville évoque ici son rapport au paysage créé par la pelouse. La végétation assure une spontanéité qui rend intéressant un lieu comme le plateau de Malzéville car elle offre des paysages différents en fonction des moments. La végétation n’a pas de règles, mais réagit par une lente évolution des écosystèmes en fonction du temps et de ce qui l’entoure. Elle étonne et c’est ce naturel qui peut sembler nonchalant qui transporte et qui rend ce lieu encore plus vivant.

23

Entretien avec Bertrand Kling, 3 décembre 2017. (Annexe 3)

35


Figure 9 : Le paysage du plateau fait voyager. Source: Daniel Denise.

36


I.2 L’appropriation

Ce paysage du plateau de Malzéville, ce paysage non institutionnalisé, chacun se

l’approprie. Ce n’est pas seulement un paysage qui est contemplé mais c’est un paysage vivant. Chaque visiteur le voit de sa propre manière et en use à sa façon. Les envies et les attentes sont différentes d’une personne à l’autre. La simplicité du paysage, son isolement par rapport à la ville donnent la possibilité de se sentir libre et de s’approprier ce lieu en fonction de l’activité souhaitée. Le plateau vit au rythme de ses appropriations. De manière plus théorique, s’approprier un bien, c’est exercer un droit de propriété tel qu’il est défini par le code civil. S’approprier un paysage, suppose de la même façon non seulement, le droit d’user du sol, mais aussi de la nature et même des êtres vivants, selon des règles fixées par le droit et la coutume. Cette définition est reprise de Michel Conan, par Pierre Donadieu et Michel Périgord dans Clés pour le Paysage. 24 L’anthropologue Maurice Godelier désigne « le territoire, comme une portion de la nature, donc de l’espace sur lequel une société déterminée revendique et garantit à tout ou partie de ses membres des droits stables d’accès, de contrôle et d’usage, portant sur tout ou partie des ressources qui s’y trouvent et qu’elle est désireuse et capable d’exploiter. »25

Le plateau de Malzéville permet à un grand nombre de personnes de s’approprier, de jouir d’un morceau du territoire. Les usages cohabitent, ils ont en commun, la volonté de la pratique libre. La marche, par exemple, «repose sur le postulat d’accès libre au monde, pour en éprouver directement les ressources sensibles : vues, sons, odeurs en particulier, sans intermédiaires, ni artifices.»26 Nos sens, nous permettent ces émotions et ces savoirs qui font le paysage du plateau. Il existe une multitude d’appropriations du plateau. Certaines sont respectueuses du lieu et d’autres non. La limite entre les deux est ténue pourtant certains usages du plateau peuvent avoir un impact négatif sur son environnement ou sur les autres usagers. Ces nuisances font partie de 24 25 26

DONADIEU Pierre, PERIGORD Michel, Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, p. 261. DONADIEU Pierre, PERIGORD Michel, Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, p.266. DONADIEU Pierre, PERIGORD Michel, Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, p.262.

37


l’appropriation libre que ce lieu permet et sont le reflet de ce paysage non institutionnalisé.

a. La diversité des usages rencontrés

La liste des usagers du plateau peut faire penser à un inventaire à la Prévert, tant ils sont

nombreux, de tous âges et de toutes conditions. Sur le plateau, selon les saisons et les heures de la journée, il est possible de rencontrer: des promeneurs, des élèves en sortie pédagogique, des cavaliers, des bergers et leurs moutons, des joggeurs, des vététistes, des botanistes, des ornithologues, des adeptes de course d’orientation, des chasseurs, des cueilleurs de champignons, des affouagistes, des participants à un raid sportif, des pilotes de planeur ou d’U.L.M., des familles en pique-nique, des pratiquants de snowkite, des adeptes du frisbee, de cerf volants, d’avions radio commandés, des fêtards pour lesquels la nuit se terminera en bivouac et aussi des indélicats qui y déposent leurs ordures... Bien entendu les usages sont répartis géographiquement mais de nombreux espaces d’intersection existent et les usages se superposent parfois sans toutefois que cela semble poser de problèmes majeurs. Ainsi Nathalie Warin, chargée de mission à la métropole du Grand Nancy, évoquant la question de la chasse, que certains souhaiteraient voir interdite, se demande au nom de quoi cet usage ancien devrait disparaître.

« Comme le pêcheur, le chasseur s’intègre à « une mythique société égalitaire au sein de laquelle

chacun peut librement faire usage des productions de la « nature ».27 Celui qui déambule à travers les champs- plus que celui qui attend la sauvagine dans sa hutte - tisse des liens tenaces avec son territoire de chasse. Ces paysages ne doivent rien à la peinture ou à la littérature ; ils sont faits de traces, de souvenirs, de coins ou de recoins, d’émotions muettes ou partagées, de gibecières garnies ou désespérément vides, mais aussi de lieux d’affrontements avec les protecteurs de la nature. »28

27 1995. 28

38

CORBIN A., Les balbutiements d’un temps pour soi, L’avénement du temps des loisirs, Aubier, DONADIEU P., PERIGORD M., Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, p.264.


Certains usages du plateau peuvent étonner. A plusieurs reprises, j’ai été surprise d’observer des parties de chasse, un samedi matin où les promeneurs sont légions. Les activités ULM et planeurs « privatisent » une partie de la pelouse et les pistes sont régulièrement tondues à ras. Sur leur site internet les responsables du nouveau club ULM constatent «la présence d’arbres qui s’obstinent à pousser dans les cônes d’envol et d’atterrissage…»... La question ici n’est-elle pas celle du déséquilibre? De l’importance donnée à certains usages qui excluent ceux qui ne pratiquent pas ces activités, remettant ainsi en cause la douce anarchie de la cohabitation de l’ensemble? La temporalité des usages a aussi son importance dans le fragile équilibre de ces cohabitations. Les usagers de la nuit ne sont pas les mêmes que ceux de la journée. Chacun de ces usages a plus ou moins d’impacts sur les usages des autres. Au petit matin, les coureurs aperçoivent au loin la fumée d’un feu de camps encore chaud et découvrent les détritus laissés par les fêtards. « Tous ces adeptes de la pérégrination ont en commun le désir de l’épreuve librement conjuguée à une insatiable curiosité. »29 C’est un rapport libre à l’espace du plateau et à la nature et comme diraient Pierre Donadieu et Michel Périgord, c’est une des conditions de l’épanouissement de l’homme. Le plateau est donc fait de rites et d’hommes. Une bancale harmonie propose à ce lieu une cohabitation entre usagers et habitants du lieu (animaux, végétaux). Un équilibre tend à s’installer par une routine changeante de saison en saison. Le cycle est régi par le fonctionnement interne et biologique du plateau.

29

DONADIEU P., PERIGORD M., Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, p.265.

39


b. Les traces

Les traces, ont leur importance, elles font l’identité du lieu, elles rendent visibles les

usages en dehors de leurs horaires de pratiques. Elles sont des indices sur des activités parfois inavouées.

A côté des balisages officiels, coureurs, chasseurs, marquent les arbres. D’une certaine manière, ils marquent leur territoire le temps d’une course ou d’une battue. Ces marquent ne sont pas toujours éphémères et restent le témoignage d’un moment passé. Chacun y ajoute son signe, un langage échangé qui n’a ensuite Figure 10 Source: Léa Colombain.

40

plus aucune signification. Le paysage est ainsi marqué, indiqué, coloré.


D’autres décorent les bois morts. Ils donnent l’impression d’une attention particulière.

Une

observation,

une réflexion, avant de laisser ces traces. On imagine un petit groupe, des enfants, devant ce tas de bois, Figure 11 Source: Léa Colombain.

réfléchissant ensemble à son devenir. Ce marquage est plus généreux, dans sa poésie, il s’adresse à tous.

Ce qui de la nuit est visible le jour. La pelouse est parsemée de ces tâches noires, restes d’un feu nocturne.

Figure 12 Source: Léa Colombain.

Un pin noir d’Autriche devient un arbre de Noël.

Figure 13 Source: Léa Colombain.

41


Restes récent d’un moment agité. La carcasse d’une voiture, se retrouve plantée, brûlée au pied d’un pin. Les marques de pneus sur la pelouse indiquent un rodéo et l’incendie du véhicule a permis d’effacer Figure 14

d’éventuels indices menant aux

Source: Léa Colombain.

coupables.

D’autres marques de pneus, celles-ci assumées, résultent des travaux de la gestion dirigée par Natura 2000. Les chenilles de la pelleteuse chargée de dessoucher le reste des Pins abattus en 2015 crée des ornières dans la Figure 15 Source: Léa Colombain.

42

pelouse calcicole.


Constitué de différents biotopes, le plateau est un lieu vivant, mais c’est aussi un lieu qui vit. «A l’ouverture dans l’espace, répond une ouverture dans le temps : aptitude du paysage à lier des éléments, des composantes, des êtres, des états successifs de soi-même positionnés à des moments différents de la durée. »30 Le plateau vit la nuit comme le jour. Ce paysage approprié est en perpétuelle mutation, chacun y laissant la trace infime ou exorbitante de son passage. Le paysage non-institutionnalisé est le paysage de la liberté. C’est le paysage que l’on va s’approprier et qui est une source de plaisir, de satisfaction, de bonheur. « Le paysage comme identité par les lieux, réaffirmation de soi, miroir de l’humeur et du bonheur (ou atténuation des moments difficiles), permanence rassurante, enracinement de l’être dans le temps, connivence avec le lieu, avec l’instant avec ceux qui participent à la même communion spatiale et temporelle. »31 Dans la première partie de ce document, je me suis attachée à rendre compte de mes impressions à la (re)découverte du plateau de Malzéville, à la fois portée par la beauté et la poésie du lieu, interpellée par sa force, mais aussi confrontée à ses différents usages. Cette douce anarchie, ce statu quo entre les différents utilisateurs qui ne se connaissent pas je l’ai qualifié de paysage «non institutionnalisé» au sens où aucune institution ne semble avoir de prise sur lui, aucun groupe ne se l’accapare totalement, un paysage et un espace naturel comme suspendus dans le temps, à la fois énormément fréquentés, mais sans destination affirmée. Un espace dans lequel il est possible de ressentir l’impression coupable de pouvoir y faire ce que l’on veut. « C’est une illusion vraie, le paradis retrouvé qui sait ? Que peut-on espérer ici plus qu’ailleurs?»32 Le paysage non-institutionnalisé, n’est-il pas d’une certaine manière qu’une illusion? Un sentiment auquel il est possible d’aspirer, il est propre à chacun, mais il est vécu par tous.

30 SAUTTER Gilles, Paysagismes, Études rurales, n°121-124, 1991. De l’agricole au paysage, sous la direction de Jacques Cloarec et Pierre Lamaison, 1991, pp. 15-20. 31 SAUTTER Gilles, Paysagismes, Études rurales, n°121-124, 1991. De l’agricole au paysage, sous la direction de Jacques Cloarec et Pierre Lamaison, 1991, p.18. 32 SIMON Claire, Le bois dont les rêves sont faits, 2015.

43


Figure 16 : EntraĂŽnement du club de foot de Jarville. Source: Daniel Denise.




II. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE UN PAYSAGE INSTITUTIONNALISÉ



II. Le plateau de Malzéville : un paysage institutionnalisé

Cette deuxième partie, rend compte d’une hiérarchie bien différente qui progressivement

s’est instaurée sur le plateau.

« Le passé forcément présent. Nous avons toujours besoin du passé pour comprendre les

paysages actuels. Nous percevons sélectivement ce que nous avons l’habitude de voir ; nous donnons un sens à l’aspect et à la forme des paysages parce que nous partageons leur histoire. Chaque objet, chaque groupement, chaque vue est intelligible en partie parce qu’ils nous sont déjà familiers par notre propre passé, au travers des contes entendues, des livres lus, des images vues. Nous voyons les choses en même temps comme elles sont et comme nous les avons vues auparavant ; l’expérience antérieure emplit toute la perception. »33

II.1. Un site occupé

a. Du boisement au déboisement

Occupés dès l’âge de pierre dans leur versant sud, les coteaux du plateau ont également

révélés différents vestiges de constructions mégalithiques et les restes d’un mur cyclopéen, vraisemblablement les plus anciennes constructions de Nancy, qui pourraient être les vestiges d’un lieu de culte solaire de l’époque celtique. L’occupation humaine de ce relief est donc très ancienne.34 Un plateau pâturé mais aussi cultivé (XVIIIe – XIXe siècles) Le premier document qui permet d’envisager le paysage actuel du plateau de Malzéville comme héritier de l’histoire est la carte de Cassini qui date du XVIIIe siècle. Le plateau y apparaît comme un espace en réserve à vocation pastorale. Le cadastre « napoléonien » permet d’observer son évolution et donne une idée plus précise de l’occupation du sol du plateau au milieu du XIXème siècle. Il confirme la progression des cultures. Les pâturages communaux se développent sur les coteaux qui sont les parties les plus difficiles à 33 LOWENTHAL David, Passage du temps sur le paysage, 2008, p. 159. 34 MAUBEUGE P.L.,Géologie et archéologie : les énigmes du mur cyclopéen de la trinité a Malzéville, Bulletin Académie et Société Lorraines des Sciences, tome XIV, n°1, 1975

49


cultiver. A cette époque on y trouvait également des vignes sur les pans exposés à l’ouest.

Figure 17: Carte de Cassini Source : géoportail.

Figure 18 : Carte d’État-major, extraits de la feuille de Commercy (partie Sud-Est) et de Nancy (partie Nord-Est) (1831) Source : géoportail.

Deux siècles de reboisement (XIXe – XXe siècles) Dans une dynamique nationale, le plateau considéré comme « terre inculte » est partiellement reboisé. C’est probablement à cette époque que les pins noirs d’Autriche ont été plantés. Utilisés pour leur résistance mécanique pour soutenir les mines de fer. Une école forestière y est ouverte en 1824 afin de former les futurs officiers forestiers. Les coteaux du plateau de Malzéville deviennent des terrains d’exercices pratiques pour les futurs officiers forestiers formés au reboisement. La commune de Malzéville envisage d’étendre les reboisements sur le sommet du plateau, mais en 1887 le Ministère de la guerre en prend possession pour y établir un champ de manœuvres.35

35 VERDIER Alexandre, doctorant en Géographie à l’université de Lorraine et Xavier Rochel maître de Conférences en Géographie. Stabilité, instabilité d’un saltus périurbain : les pelouses calcaires du plateau de Malzéville, E.A, 7304 LOTERR, Université de Lorraine.

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b. Un paysage militarisé

Après la défaite de 1870 (guerre franco-allemande), dans les villes lorraines demeurées

libres, les garnisons militaires prennent de l’importance. C’est ainsi que le plateau de Malzéville devient le « Champs de Mars » des armées présentes à Nancy.36 Il permet l’entraînement et l’organisation de manœuvres, mais aussi de parades. Les défilés sont généralement ouverts au public. Ces manifestations peuvent attirer des dizaines de milliers de personnes. C’est une époque où fleurissent de nombreuses guinguettes sur les chemins qui mènent au plateau.

« Les militaires, ils paradaient à cette époque-là, il y avait des moments où ils faisaient des

manœuvres et où c’était interdit au public, mais sinon c’était l’attraction de monter au plateau de Malzéville pour voir les manœuvres militaires. L’armée, ce n’était pas rien, c’est l’affaire Dreyfus, on ne pouvait pas critiquer l’armée. C’était un devoir d’aller regarder parader les militaires sur le plateau. »37

A cette époque le plateau est donc à la fois un lieu de démonstration de la puissance militaire de la France. Les gens venaient sur le plateau pour admirer les militaires et pouvoir apercevoir des personnalités telles que des ministres, des ducs et des duchesses. L’ascension du plateau, était pénible, les visiteurs étaient occasionnels, seulement les jours de grands événements. C’était donc, le temps d’une journée, un espace public. Ces jours-là, les populations avaient l’autorisation de profiter du lieu dans un certain cadre, régi par les parades. Le paysage du plateau était donc lié à une fonction précise. C’était d’une certaine manière par contrainte, par obligation patriotique qu’ils arpentaient le plateau.

« Le sol était pauvre. Une étendue chauve de terre grisâtre et rocailleuse à peine recouverte d’une

herbe avare, de grosses pierres blanches ou moussues trouaient la mélancolie d’une lande qui ignorait la fleur. Un miracle humain, avait cependant transformé un coin de désert aride. Une charmante allée de cerisier tranchait sur le noir assombri des pins et la sécheresse du terroir pour conduire à des bâtiments militaires d’allure champêtre, empêtrés de petits jardins timides et de potagers maladroits, œuvre gauche et touchante de soldats paysans. (…) Les bombardiers vinrent s’installer dans ce voisinage et plus d’un se souvient encore de l’allée des cerisiers. »38 36 COLOTTE A., FRANOUX J-P., HUGOT B., MARCHAL D., Malzéville, le Plateau un siècle d’histoire, 2015, 117p. 37 Entretien avec Charles Ancé, historien de l’histoire nancéienne. (Annexe 4) 38 Témoignage de René Martel, ancien GB 1 (groupe de bombardement 1). COLOTTE A.,

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Les militaires étaient eux d’une certaine manière la contrainte de l’accès au lieu, mais en même temps eux-mêmes contraints au lieu. Ils logeaient sur le plateau dans des baraquements ou encore dans une ancienne ferme reconvertie, dans l’attente longue et fastidieuse que connaissent les soldats. Ce paysage dénudé avait un côté rébarbatif, c’était leur paysage quotidien. C’était aussi, pour- eux, le paysage de la guerre.39 Le plateau a longtemps était associé à l’armée, des panneaux interdisant l’accès pour cause de danger lié aux exercices et manœuvres sont encore visibles dans la couronne boisée. En 1912 le plateau accueille son premier avion militaire, début de sa vocation aéronautique. Durant toute la première guerre mondiale le plateau sert de base, pour l’observation, le renseignement et le guidage de l’artillerie et assez rapidement pour les premières escadres de bombardement.40

FRANOUX J-P., HUGOT B., MARCHAL D., Malzéville, le Plateau un siècle d’histoire 2015, 117p. 39 COLOTTE A., FRANOUX J-P., HUGOT B., MARCHAL D., Malzéville, le Plateau un siècle d’histoire 2015, 117p. 40 COLOTTE Alain, FRANOUX Jean-Pierre, HUGOT Bertrand, MARCHAL Denis, Malzéville, le Plateau un siècle d’histoire 2015, 117 p.

52


Figure 19 : Photographie d’un défilé de masse,1906. Cette illustration montre le caractère impressionnant de ces défilés ainsi que la perception complétement différente que l’on pouvait avoir du lieu. Source : Association « BELLE EPOQUE ».

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c. L’aviation

« C’était le premier aéroport de Nancy mais c’était des avions assez légers qui partaient

de là pour aller bombarder les allemands. Les avions devenaient de plus en plus gros, donc il fallait des pistes de plus en plus grandes, donc on a fait un autre terrain d’aviation à Essey.»41 Un nouveau terrain d’aviation est créé non-loin mais le plateau de Malzéville, restera en partie une piste d’envol. En 1929, l’activité aéronautique militaire est définitivement abandonnée au profit de l’aéro-club de l’Est qui devient locataire des 325 hectares du terrain militaire du plateau de Malzéville. Après la seconde guerre mondiale, le plateau devient progressivement un lieu où cohabitent de nombreuses activités: manœuvres militaires, aviation de loisirs, planeurs, activités récréatives diverses et plus ou moins autorisées au bénéfice des habitants des communes environnantes (promenades, sport, pique-nique, bivouac autour de feux de camps...). Petit à petit le ministère des armées cède les parcelles dont il est propriétaires aux communes sur lesquelles elles sont situées. En ce qui concerne les activités aéronautiques, c’est aujourd’hui, un espace de 87 hectares qui leur est réservé.

« Le terrain est mis à disposition par un système d’accord à l’aéroclub. C’est l’aviation civile qui

est en charge de la sécurité. Il est interdit de marcher sur cette partie du plateau. Les gens le font quand même mais c’est dangereux.»42

C’est l’une des contraintes du plateau, l’horizon est encerclé par un fossé et à certains endroits par une barrière. L’immensité est ainsi visuelle mais le territoire du plateau est scindé. Il faut franchir un obstacle pour s’en autoriser l’accès. La vision de cette pelouse immense face à l’horizon, et le côté pratique du raccourci qui évite un long contournement des pistes pour traverser le plateau du sud au nord, ne peuvent qu’attirer les promeneurs. Et ce ne sont pas les panneaux « Aérodrome, accès interdit sous peine de P.V. Arrêté préfectoral du 19.03.1987. » qui les en dissuadent... Pour les utilisateurs de l’aérodrome le paysage du plateau est avant tout 41 42

54

Entretien avec Charles Ancé, 04 janvier 2018. (Annexe 3) Entretien avec Nathalie Warin, 02 février 2018. (Annexe 3)


utilitaire. Le terrain d’aviation est comme un terrain de jeu d’où ils partent. Les treuils lancent les planneurs comme on lance un caillou au lance pierre. La vitesse les emportent et le calme revient une fois en haut. 0 « Je me sens assez dépourvu car je me rends compte que je n’ai pas vraiment de rapport autre … si affectif ou écologique que ça finalement … C’est plus général, ce n’est pas lié à ce plateau. J’ai l’impression que je le consomme. »43 Antoine Arlot, musicien, mais aussi pilote de planeur, m’a fait part de ses sensations là-haut et de sa passion pour le vol à voile. Le plateau est un lieu qui lui permet de pratiquer son loisir. Une autre dimension s’offre à lui, la poésie, l’impression de liberté... il les retrouve durant ses vols. Le plateau lui permet de décoller et d’atterrir. En hauteur les échelles sont différentes, le plateau fait parti d’un tout, de plus en plus petite, lointain. Et puis au moment de rentrer il se recentre sur cette surface plate, herbeuse, qui lui permet d’atterrir. Les plots blancs qui dénotent dans la pelouse verte guident le pilote. La piste d’envol fait partie du paysage du plateau. Le reproche fait, à cet aérodrome, porte sur la stricte réglementation sur l’accessibilité qui réduit l’appropriation de cet espace à quelques usagers. Cela ne remet pas en question l’implantation de l’aéro-club mais la législation de ce paysage, de ce lieu. L’aérodrome est aujourd’hui une plateforme réservé à qui de droit, ce qui peut peser sur le sentiment de liberté que procure le paysage du plateau. Une cohabitation existe aujourd’hui, je me demande si des concessions sont possibles ? Y a t-il une légitimité à l’usage du paysage ?

43

Entretien avec Antoine Arlot (vélivole, pratique du planeur), 06 janvier 2017. ( Annexe 4 )

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Figure 20 : Le plateau vue à vol de planeur. On distngue les marques qui indiquent au pilote les pistes d’envol et d’arrivée. Le conducteur lit le plateau. Source : Antoine Arlot.



II.2. Natura 2000

Sous l’impulsion de la Communauté Urbaine, devenue depuis Métropole du Grand

Nancy, les communes qui entourent le plateau se mettent d’accord pour entamer une démarche de reconnaissance dans le cadre du réseau Natura 2000, obtenue en 2006 au titre de la directive «habitats». Il s’agit de préserver les habitats naturels que constituent les pelouses sèches semi naturelles et les faciès d’embuissonnement sur calcaires, sites d’orchidées remarquables, mais aussi les hêtraies calcicoles médio-européennes et les chênaies pédonculées ou chênaiescharmaies subatlantiques et médio européennes.44 L’inscription du plateau au réseau Natura 2000 est un moment clef dans l’histoire récente du plateau. Les collectivités ont ensemble reconnue l’intérêt écologique du site et la nécessité d’en protéger ses éléments remarquables. A noter, et il s’agissait là d’un objectif de la collectivité, que cette inscription dans le réseau Natura 2000 permet de mettre ce site naturel durablement à l’abri d’une éventuelle urbanisation.

« «Le paysage, ça sert à quoi ? » A faire la guerre, bien entendu, mais plus généralement à

informer. Qui et sur quoi ? Les géographes, mais aussi et de plus en plus, tous ceux qui, sans le dire, font un travail de géographe. Autrement dit, n’opèrent plus sur le sectoriel mais sur le territorial, sur des espaces physiques (et non définis abstraitement en aval des rapports sociaux ou économiques.) »45

Natura 2000 vise à préserver des espèces protégées et à conserver des milieux tout en tenant compte des activités humaines et des pratiques qui ont permis de les sauvegarder jusqu’à ce jour. Pour atteindre cet objectif, les États membres peuvent librement utiliser des mesures réglementaires, administratives ou contractuelles selon le principe général de subsidiarité.46 L’inscription du plateau au réseau Natura 2000, transforme cet espace en un espace protégé. Il fait partie des espaces de nature qui font l’identité de Nancy, la métropole peut ainsi ajouter une reconnaissance environnementale à la liste de ses « espace verts. »

44 Natura 2000, qu’est-ce que c’est ? https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/reseau-europeen-natura-2000-1 45 SAUTTER Gilles, Paysagismes, Études rurales, n°121-124, 1991. De l’agricole au paysage, sous la direction de Jacques Cloarec et Pierre Lamaison, 1991, pp. 15-20. 46 Site internet INPN : https://inpn.mnhn.fr/programme/natura2000/presentation/objectifs, consulté le 09.04.2018.

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Figure 21: Carte de zonage de la partie gérée par l’aviation civile, réservée à l’aéroclub. Source : géoportail, réalisation illustrator.

Figure 22 : Carte du zonage de l’inscription Natura 2000 du plateau de Malzéville. La couronne boisée au même titre que la pelouse calcaire. Source : géoportail.


a. Fonctionnement du réseau

Le réseau Natura 2000, s’est mis en place en application de la directive « oiseaux » de

1979 et de la directive « habitats » datant de 1992.

« Il vise à favoriser la préservation de la diversité biologique et du patrimoine naturel, cela passe

par le maintien ou le rétablissement du bon état de conservation des habitats et des espèces qui s’appuie sur le développement de leur connaissance, ainsi que sur la mise en place de mesures de gestion au sein d’aires géographiques spécialement identifiées, les sites Natura 2000. Le maillage de sites s’étend sur tout le territoire de l’Union européenne. Tout en tenant compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales : les projets d’aménagements ou les activités humaines ne sont pas exclus dans les sites Natura 2000, sous réserve qu’ils soient compatibles avec les objectifs de conservation des habitats et des espèces qui ont justifié la désignation des sites. »47

Ce réseau finance la gestion et la préservation de la pelouse calcaire du plateau de Malzéville. Il est régi par un comité de pilotage présidé par la Métropole du Grand Nancy dont font également partie les six communes propriétaires du plateau. Sur le plateau, deux milieux d’intérêt européen ont été remarqué : -

Une chênaie pédonculée neutrophile à Primevère élevée ;

-

Une hêtraie calcicole médio-européenne.

Ces deux habitats font partie de la couronne boisée qui entourent la pelouse calcaire. Dans laquelle on trouve des espèces inventoriées et protégées en Lorraine. Le Grand Nancy communique particulièrement sur le fait, qu’il s’agit là de « la plus grande pelouse calcaire d’un seul tenant de Lorraine, en situation périurbaine. » Cette inscription au réseau Natura 2000, implique la rédaction d’un document d’objectifs permettant de répondre aux enjeux soulignés par les écologues, dans les règles établis par la protection européenne. Le document d’objectifs (DOCOB), est rédigé, de manière à orienter la gestion du site. Il fixe des objectifs et définit des mesures qui contribuent à la préservation du 47 Natura 2000, qu’est-ce que c’est ? https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/reseau-europeen-natura-2000-1

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site, plus particulièrement des espèces et des habitats ayant justifié son inscription. Pour ce faire, la Métropole du Grand Nancy s’est adjoint les services du bureau d’étude Biotope, agence d’ingénierie écologique française d’envergure européenne. La rédaction de ce document est encadrée par le COPIL, « Comité de Pilotage », présidé par le Président de la Métropole et composé des représentants des collectivités territoriales, de la DREAL, et d’associations environnementalistes et sportives choisies par la collectivité. L’un des premiers travaux réalisés par le bureau d’étude Biotope est la cartographie des habitats du plateau, les espèces y étant représentées par zonages sur un plan. L’agence s’est ensuite chargée de la rédaction du DOCOB, document d’objectifs, le document de référence: la «bible» du dispositif. Ces documents d’objectifs et de gestion sont essentiellement représentés en plan, parfois une photographie du milieu les accompagne, mais n’y figure pas la dimension spatiale du lieu. Les documents sont rédigés sous formes de listes et de tableaux. Le paysage du plateau, n’est pas représenté, ni même évoqué, tout comme les personnes qui vivent le lieu au quotidien. Ces documents restent très pragmatiques. Est-ce que ce pourquoi on vient sur le plateau, au- delà de l’usage, le sensible pourrait faire l’objet d’un chapitre dans ces documents ? Cela permettrait de donner une autre dimension à la légitimité de protéger le plateau : le paysage. Ce document d’objectifs, très scientifique dans son approche, donne l’impression d’être à distance du lieu. Ne serait-ce pas une limite d’un dispositif de protection écologique d’un lieu, que de n’offrir que très peu de place au sensible? Et pour le cas du plateau, au paysage? Le patrimoine, la protection écologique peuvent être établie comme une légitimité à reconnaître ce lieu, mais la survalorisation des objectifs de protection n’occulterait elle pas la notion de paysage? L’hypothèse que j’émets et que l’écologie plus qu’une autre science doit faire la preuve de son fondement scientifique et que ce faisant elle peut être amenée à oublier l’approche sensible et humaine qui de mon point de vue doit fonctionner de pair avec la volonté de protection. Autre remarque, le dispositif Natura 2000 intègre les usages existants et les activités installées. « Léa : - J’ai une question, comment dans un espace réglementé, peut-on garder ce sentiment de liberté ?

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Nathalie Warin : - Alors, quand on dit qu’il est règlementé… La seule réglementation qui s’impose, c’est comme il y a partout, l’interdiction des véhicules à moteur, des quads… Ça c’est la réglementation générale.»48

La réglementation générale de Natura 2000, interdit les véhicules à moteurs, la réglementation ne s’applique donc pas à tout le monde de la même manière. En effet, les ULM (planeurs ultra légers motorisés) ainsi que des voitures circulent sur l’espace « réservé » aux aéronautes. Ces contradictions peuvent ne pas être bien comprises par les promeneurs et usagers ordinaires.

« Léa : - Ce qui est difficile à comprendre, c’est que c’est un espace protégé, classé Natura 2000

mais il y a tout de même des possibilités pour l’aéroclub… Nathalie Warin : - Mais c’est le principe de Natura 2000, qui favorise le développement durable, ce n’est pas une mise sous cloche. Il faut qu’il y ait un maintien des activités tout en conciliant la protection du site. La présence de l’aéroclub ne gêne pas la protection du site. »49

Cet exemple ne remet pas en cause les pratiques de l’aéroclub mais le partage d’un espace public. Il montre que la question environnementale est ici déviée par un accord entre le pouvoir décisionnel et une activité assez importante pour bénéficier d’une dérogation à la réglementation générale. Ainsi les activités aéronautiques sont soumises à la réglementation de l’aviation civile. Cela implique un entretien régulier des pistes de l’aérodrome par la tonte et pour une partie le pâturage ovin, mais aussi des coupes d’arbres dans les cônes d’atterrissage et décollage.

« Le groupes sociaux qui s’expriment à propos du paysage sont très divers. Ils le font de façon

générale pour défendre un territoire contre une transformation. Ils se regroupent selon les rapports de propriété qu’ils entretiennent avec ce territoire. On entend ici par rapport de propriété les rites d’interaction auxquels donne lieu l’usage d’un droit ou d’une coutume. Le droit de passage ou de chasse, l’habitude de prendre des photos et l’exploitation économique par un fermier d’une terre sont autant d’exemple de rapport de propriété qui peuvent s’appliquer à un même territoire même s’ils diffèrent tous du droit civil de propriété de la terre. L’appropriation du territoire désigne l’ensemble des conduites par lesquelles des personnes mettent en œuvre ces rapports de propriété. » 50

48 Entretien avec Nathalie Warin, 02 février 2018. (Annexe 4) 49 Entretien avec Nathalie Warin, 02 février 2018. (Annexe 4) 50 BERQUE Augustin, CONAN Michel, DONADIEU Pierre, LASSUS Bernard, ROGER Alain, Cinq propositions pour une théorie du paysage, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994. Extrait de l’invention des identités perdues de Michel Conan P.35.

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Sur cette partie du plateau la protection des espèces et mise de côté, le paysage est technique, utilitaire, artificiel car modelé par une activité. Il évolue au rythme des contraintes réglementaires liées à cette pratique. Ainsi par exemple, 4.5 ha de la pelouse calcaire ont été cédés à l’Aéroclub au moment de l’inscription du plateau au réseau Natura 2000, impliquant des travaux de nivellement et de compactage mais aussi obligeant à dévier des chemins. Les habitudes des marcheurs ont ainsi été bouleversées sans concertation. Un épisode marquant de la mise en œuvre du DOCOB: l’abattage massif de pins noirs menés en 2015 qui a bouleversé le paysage et suscité des critiques sur le bienfondé du dispositif Natura 2000 et de sa gouvernance. « Agir pour conserver les milieux. » 51

« Ce plateau constitue la plus grande pelouse calcicole de Lorraine (d’un seul tenant). Cet habitat

d’intérêt communautaire constitue également un habitat d’espèce pour la faune et la flore. Des espèces remarquables (papillons de jour) y trouvent des territoires de nourrissage et de reproduction. En outre, une espèce végétale atypique en plaine (Callune vulgaire) se retrouve également dans ce milieu. La disparition du milieu de pelouse, notamment par l’évolution spontanée et la colonisation par le pin entraînera une chute de la biodiversité et la disparition de certaines espèces patrimoniales (faunistiques et floristiques) actuelles inféodées au milieu calcicole. Certaines activités humaines ont contribué à la présence et au maintien de cet habitat. Seul le maintien d’une activité agricole (fauche et/ou pâturage extensif) sur les zones les plus ouvertes ainsi que la restauration des zones les plus dégradées permettront d’assurer leur conservation. Ainsi, sur le site, le maintien de l’élevage apparaît comme un enjeu majeur, il faut veiller à ce que les éleveurs ne se détournent pas de cette activité. De même, des opérations de débroussaillage ou d’abattage s’avèrent nécessaires pour restaurer les zones les plus dégradées et les plus fermées. »52

Les actions proposées au titre de cet objectif sont : -

Restauration des pelouses en cours de fermeture par débroussaillage ;

-

Entretien des pelouses par fauche et pâturage.

51 Titre d’un document d’information aux travaux édité en 2017 par la métropole du Grand Nancy. 52 Document d’objectifs Natura 2000, zone spéciale de conservation, fr4100157 « Plateau de Malzéville », TOME III : DOSSIER ADMINISTRATIF, rédacteur du DOCOB : Jean-Sébastien PHILIPPEDOCOB, 2009. P. 258.

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-

Reconversion des pinèdes et des fruticées en pelouse.

La végétation sur le plateau s’est en effet développée durant ces dernières décennies, notamment différentes colonies de pins noirs. L’objectif principal du DOCOB étant la préservation du milieu calcicole et de la flore, il était donc nécessaire d’intervenir pour «réouvrir» la pelouse. Ce qui a surpris c’est la rapidité et ce que l’on peut appeler la violence de l’intervention: en quelques semaines 40 hectares de pins noirs ont été abattus à l’aide d’un engin forestier très impressionnant.

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Figure 23 : Stockage des pins abattus, 2015. Source : Daniel Denise



« On fait souvent du vélo ici. Avant c’était joli, on bénéficiait d’un paysage méditerranéen avec les pins. Maintenant, c’est laid, plat, on ne reconnaît plus rien. Quand on se balade, on se repère à l’antenne émetteur rouge et blanche. »53 Le témoignage recueilli par un journaliste de l’Est républicain un an après l’abattage des arbres montre que cet événement a soulevé l’étonnement et la stupéfaction des usagers quotidiens du plateau, coureurs, promeneurs, vététiste. Les arbres sont tombés un à un, regroupés en tas immenses, formant un paysage de guerre, un paysage d’après tempête. Cet événement s’est déroulé très rapidement, soulevant l’inquiétude des passants. Dans le cadre d’une protection écologique telle que Natura 2000, qu’est-ce qui justifiait une telle précipitation et une telle brutalité de mise en œuvre ? Cela pose ici la question de l’esthétique du paysage et de sa relation avec la protection écologique. L’impact paysager de ces travaux d’abattages n’a pas été questionné avant la réalisation du chantier. Cette action a tenu compte des objectifs généraux consignés dans le DOCOB sans prendre en compte le paysage.

« La beauté n’est plus en vogue, ni le détachement contemplatif censé susciter son appréciation.

On tourne en dérision les panoramas de charme, qui seraient superficiels, frivoles, sans âme : s’attarder sur eux, c’est lésiner sur des valeurs du paysage moralement supérieures comme l’aspect écologique, l’adaptation à l’habitat, la santé publique ou l’authenticité historique. Oser parler de l’aspect visuel d’un paysage, c’est ne pas prêter attention à la manière dont il fonctionne. Les gardiens et les conservateurs du paysage évitent soigneusement toute allusion au plaisir que l’on peut en retirer. »54

Cette citation de David Lowenthal est un peu forte dans le cas du plateau, je dirais que le paysage du plateau n’a pas été questionné. Les forêts de pins apportaient une autre dimension au paysage du plateau. La pelouse ouverte avait selon mon point de vue encore plus de force en confrontation aux ambiances fermées qu’offraient les pins. Le paysage s’est brutalement transformé, changeant les habitudes des usagers du plateau. Il n’est pas exagéré de parle de «choc émotionnel» pour certain promeneurs. Une réflexion des arbres à conserver, une sélection des ambiances produites auraient pu être 53 BARET Corinne, Malzéville : no man’s land sur le plateau, Est Républicain, mai 2016. 54 LOWENTHAL David, Passage du temps sur le paysage, in folio collection Archigraphy témoignages, 2008, 334 p.

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établie afin de garder quelques sujets, imbriquant l’écologie et l’esthétique, le pratique et le beau, le paysage institutionnalisé et le paysage non institutionnalisé.

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b. Conséquences

La protection du plateau a induit une forme de ségrégation des usages. Certains usages

apparaissent comme ayant plus d’importance que d’autres. Cela se traduit sur le terrain par des zones de délimitation notamment pour l’aéroclub mais aussi par le fait que dans le comité de pilotage, les usagers promeneurs, ne sont pas représentés. La deuxième conséquence de ce classement, c’est la non intégration de la notion de paysage, elle n’est pas intégrée à Natura 2000. La coupe des pins noirs en 2015 a mis en évidence ces deux éléments.

« Les paysages vus d’en haut, et notamment sous la forme d’images aériennes ou spatiales,

incitent au zonage cartographique de l’espace. Le risque est de prendre les unités et configuration qui apparaissent ainsi pour la réalité même des rapports entre la société et l’espace. Or, tout zonage est plus ou moins arbitraire. »55

Cela montre les limites de la protection Natura 2000 dans le cas du plateau de Malzéville, impliquant des difficultés de compréhension entre la réalité terrain et les décisions prises hors terrain. Les sessions d’arpentages m’ont permis de comprendre l’importance de pratiquer physiquement un lieu, en effet, cela m’a permis de prendre conscience de la spatialité ainsi que de la temporalité. Le plateau n’est pas perçu de la même manière en fonction des lieux que l’on pratique et en fonction du moment où l’on s’y trouve. Les documents du DOCOB (documents d’objectifs, ne parle que très peu du paysage. Le paysage est pourtant quelque chose qu’y est en nous, c’est en partie pour cela que l’on pratique tel ou tel lieu. « Comment mesurer une atteinte au paysage (alors qu’une atteinte à l’environnement est au contraire quantifiable). »56 Dans le cas du plateau de Malzéville, la fragilité du paysage pourrait être sa subjectivité. Chacun en a sa vision. Natura 2000, dans sa dimension de développement durable, prend en compte les usages présents, bien installés mais ne va pas jusqu’à l’individu. Ainsi, le regard, l’attention posée sur cette étendue n’est pas exploitée. « A vrai dire, cette dimension contemplative du paysage, reste la plupart du temps implicite, dans les 55 SAUTTER Gilles, Paysagismes, Études rurales, n°121-124, 1991. De l’agricole au paysage, sous la direction de Jacques Cloarec et Pierre Lamaison, 1991, p.15-20. 56 ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, p. 141.

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textes juridiques censés conserver et entretenir les paysages dignes d’intérêt. La Convention Européenne du Paysage (2000), très synthétique et bien articulée, en est un parfait exemple. Le paysage y est associé aux identités nationales, locales, et bien sûr européennes. Sa dimension durable y est intégrée, mais le texte ne s’étend pas sur le regard culturel et personnel, fondement mêmes de la notion de paysage. »57

La démarche de protection Natura 2000, souhaite aller plus loin encore dans ces directives objectives. En effet, un plan d’aménagement et d’organisation du site Natura 2000 du plateau de Malzéville a été rédigé par l’ONF, en février 2014. Ce plan devrait permettre « d’organiser les différents types d’activités et de fréquentation par le public en fonction des exigences écologique du site et des autres usages».58 Le scénario retenu pour ce plan d’aménagement, s’intitule « un équilibre entre liberté et contrainte ». Ce document propose des aménagements tel que : des chemins balisés, une grand boucle faisant le tour du plateau ainsi qu’une demi-boucle, des panneaux d’informations positionnés à différents endroits du site ainsi que de nouveaux parkings. Dans ce document, nous pouvons lire les lignes suivantes : « L’objectif est avant tout de maintenir un niveau d’accueil correspondant à un public venu découvrir la zone Natura 2000 ou venue se détendre sur un site qui soit le moins artificialisé possible. Cette « canalisation » naturelle, permettra une approche intéressante de la pelouse calcaire par le public. « Toucher sans les pieds (ou avec les yeux ou même les mains) sera une possibilité offerte au public grâce aux panneaux d’informations imaginés sur cette partie de la Grande Boucle. »59 Ces propositions mettent en exergues les difficultés de la gestion d’un espace public, partagé entre une diversité d’usages n’ayant pas les mêmes finalités. La gouvernance n’est pas évidente, le plateau étant la propriété de plusieurs communes : il n’est à personne et en même temps à tout le monde.

57 LEVY Bertrand, Alpes et préhistoire, Le Globe, Revue genevoise de géographie, tome 149,2009. 58 Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’aménagement. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, février 2014. 59 Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’aménagement. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, février 2014.

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« Nathalie Warin : - On a tous envie de préserver le plateau, donc on cherche des solutions. Nous

on a bien compris, on est très sensibles sur la question mais les gens qui sont toujours montés en moto ne comprennent pas pourquoi on n’a pas le droit de monter en moto, parce que pour eux, c’est un espace de liberté. Et d’ailleurs, c’est assez intéressant, mais les gens pensent que c’est une zone qui n’appartient à personne. Un espace public sans propriétaire. Alors que non, il y a des propriétaires, il y a surtout des règles parce qu’il y a un classement. »60

« Léa : - Et du coup, si vous deviez le décrire en un mot ?

Nathalie Warin : - En un mot c’est difficile, c’est … Votre sujet le résume bien, c’est quand même un problème de conflits d’usages quoi ou conflits de visions. C’est quand même… Que ce soit au niveau politique, au niveau usagers, au niveau écologique, on sent qu’à chaque fois, il y a un conflit. On veut fermer les barrières ; on nous les casse. On coupe les arbres, on nous le reproche … Il fait l’unanimité en termes d’intérêt écologique mais … Le plateau est un catalyseur de tensions. »61 « En outre, la protection se traduit régulièrement par des prescriptions floues, découlant de l’incertitude qui règne sur ce qui fait un paysage et qu’il convient de préserver - voir par exemple l’usage qui est fait des notions « d’harmonie » ou « d’intégration » dans de nombreux règlements locaux, par exemple.»62

Dans le cas du plateau de Malzéville, ces règles sont plus ou moins floues. Elles sont établies au nom de la protection paysagère, suscitant des résistances ainsi qu’un déséquilibre certain entre paysage libre et paysage institutionnalisé. Les usagers du plateau sont attachés à d’autres valeurs que celles des « protecteurs ».63

60 Entretien Bertrand Kling, maire de Malzéville. (Annexe 4) 61 Entretien avec Nathalie Warin, 02 février 2018. (Annexe 4) 62 DEWARRAT Jean-Pierre, QUINCEROT Richard, WEIL Marcos, WOEFFRAY Bernard, Paysages ordinaires, De la protection au projet, Architecture + Recherches Mardaga, 2003, p.31. 63 DEWARRAT Jean-Pierre, QUINCEROT Richard, WEIL Marcos, WOEFFRAY Bernard, Paysages ordinaires, De la protection au projet, Architecture + Recherches Mardaga, 2003, P31.

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Ainsi, sur le plateau pour les usagers il y a un avant et un après Natura 2000, pour l’avant je parlerais d’une douce anarchie, sans réelle réglementation les usages cohabitent, on sait que certains sont transgressifs et portent atteinte au milieu naturel, mais le lieu vit, l’espace est partagé. Arrive Natura 2000 et un objectif sur lequel tout le monde ne peut qu’être d’accord de protection durable de ce milieu remarquable. Paradoxalement il révèle au grand jour des inégalités d’usage, voire des conflits, engendre un sentiment de désappropriation pour les usagers qui ne sont pas associés au dispositif, nie la notion de paysage «actuel» au profit d’un «avant» que personne n’a connu, et peut être génère la crainte que de nouveaux usagers attirés par la publicité faite sur le côté remarquable de l’espace ne viennent «voler» ce qui était une sorte de «jardin secret».

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Figure 24 : L’herbe haute, un chemin vers le bois. Source : LÊa Colombain.




III. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE UN PAYSAGE EN COMMUN


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III. Le plateau de Malzéville : un paysage en commun ?

Est-il possible de concilier ces deux paysages «non institutionnalisé» et «institutionnalisé»?

Dans cette troisième partie je vais revenir sur la notion de paysage, m’intéresser à la notion de bien commun et tenter de l’appliquer à la situation du plateau de Malzéville.

III.1. La notion de paysage

Selon le dictionnaire Larousse, le paysage est : « Une étendue spatiale, naturelle ou

transformée par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle : paysage forestier, urbain, industriel. » Lorsque j’ai commencé mes études, un paramètre essentiel était d’emblée mis en avant: le paysage n’existe pas sans la personne qui le regarde. Il y a là un paradoxe: le paysage est présent mais n’existe que si quelqu’un l’appréhende. Il n’y a donc pas un paysage mais des paysages qui existent grâce aux perceptions et représentations que l’on pose sur lui. Néanmoins on peut considérer que le paysage existe de manière objective, physique. Il est matériel, constitué de composantes géographiques situées dans un espace précis.

a. Le paysage comme réalité subjective

Il y a une multitude de paysages subjectifs, construits autour d’un point de vue, un lieu

donné, à un moment précis. C’est une approche proposée par Anne Sgard, le paysage symbolique prend en compte « le contexte perceptif de chaque individu, ses souvenirs, ses valeurs et les codes collectifs de lecture d’évaluation. »64 Ce paysage peut donc s’apparenter à une personne, il est traduit par sa perception. Comme l’écrit Gérard Lenclud dans le premier chapitre de « Paysage au pluriel », «Sous aucune forme. Tout support pour la perception est déjà perçu ; aucune réalité n’est là qui ne soit déjà interprétée. Le schème conceptuel qui paysage « le plateau » n’est qu’un parmi cent autres possibles. »65

« Le pays, c’est, en quelque sorte, le degré zéro du paysage, ce qui précède son artialisation,

64 SGARD Anne, Le partage du paysage, HAL archives ouvertes.fr, Université de Grenoble, 2011. 65 Paysage au pluriel, Pour une approche ethnologique des paysages, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1995, 239 p.

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qu’elle soit directe (in situ) ou indirecte (in visu). Voilà ce que nous enseigne l’histoire, mais nos paysages nous sont devenus si familiers, si « naturels », que nous avons accoutumé de croire que leur beauté allait de soi ; et c’est aux artistes qu’il appartient de nous rappeler cette vérité première, mais oubliée : qu’un pays n’est pas, d’emblée, un paysage, et qu’il y a, de l’un à l’autre, toute l’élaboration de l’art. »66

Ainsi, selon Alain Roger, la notion de paysage découle du regard qui lui est porté. En effet, notre vision esthétique et culturelle de la nature construit le paysage. Il y a autant d’hommes que de paysages. Le paysage du plateau n’a pas une seule représentation possible mais une multitude de représentations. Il existe en chaque personne ayant vécu une interaction avec ce paysage. Cette interaction peut-être plus ou moins lointaine. Le paysage du plateau se trouve autant dans sa manière de trôner au-dessus de la vallée, que dans le micro brin d’herbe de la pelouse. Le paysage du plateau, par sa topographie est déjà un repère dans le paysage du bassin nancéien. Il est une barrière face à la ville, une sorte de mur. Depuis l’extérieur, il est constitué d’une masse boisée, qui vient fermer la ville par un côté. Il change de couleurs au gré des saisons créant ainsi une animation annuelle pour les gens qui le regardent. Le paysage du plateau existe dans un premier temps dans cette dimension lointaine. Dans un deuxième temps, il existe en chaque utilisateur du plateau, ceux qui foulent son sol. En fonction des usages, le paysage est différent. Je pense aux aviateurs, et tout particulièrement à Antoine Arlot qui dans son témoignage m’a confié ne pas vraiment connaître le paysage du plateau. Il ne vient pas pour le paysage, il l’utilise. Le plateau est un point de départ et d’arrivée. Le paysage qu’il recherche en venant sur ce lieu est ailleurs. Une anecdote rapportée par Daniel Denise, lorsque son livre « L’horizon, le chemin le plus court entre le ciel et la terre » est sorti, des adhérents de l’aéroclub ont remis en question la réalité de ses photographies. «Le paysage présenté dans ce livre n’existe pas. Ces photos sont truquées, retouchées. Un horizon aussi plat n’existe pas sur le plateau.» Cette anecdote montre bien la subjectivité des différentes perceptions d’un paysage. Il est également possible d’imaginer un peu de provocation de la part d’adhérents de l’aéroclub qui, remettent en cause le travail sensible et poétique mené par le photographe. Cette subjectivité, cette diversité d’appréciations du plateau en fait aussi sa richesse. Ces visions 66

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ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, p.13.


peuvent diviser, provoquer des oppositions, mais elles sont aussi le reflet de l’appropriation des lieux par un grand nombre de personnes et d’usages.

b. Le paysage comme réalité objective

Alain Roger dans l’avant-propos d’un de ses ouvrages insiste sur le fait qu’il ne faut pas

réduire le paysage à sa seule réalité physique.67 En notant qu’il ne faut pas faire cette « réduction », il admet tout de même qu’il existe une réalité, constitué des géosystèmes des géographes, des écosystèmes des écologues… Prenons l’exemple du paysage des géographes, Jean Marque Besse, le décrit comme une seconde « lecture » du paysage qui met provisoirement entre parenthèse le spectateur, celui qui contemple et sans qui le paysage ne peut exister. Ici, il interroge la réalité effective de ce qui est donné à la vue, la densité propre de ce qui s’offre à la perception. Il prend l’exemple de la géographie car même si le paysage est une dimension du visible, c’est avant tout le résultat d’une production. Le paysage est un tout, constitué, produit. Il est le produit des interactions, des combinaisons et des contraintes naturelles (géologiques, morphologiques, botaniques, etc.) et un ensemble de réalités humaines, économiques, sociales et culturelles. Ce sont ces interactions qui permettent le visible, et qui permettent aussi de voir les mutations de ces paysages. Le paysage est en perpétuelle évolution car il est induit par des phénomènes eux-mêmes en constante évolution. 68 A travers les actions de protection des biotopes remarquables du plateau, La Métropole du Grand Nancy, cherche à retrouver « le paysage originel », celui d’une pelouse ouverte. Mais il ne s’agit là «que» d’un paysage créé par l’homme, puisque c’est le déboisement à la fin du XVIIIème siècle qui a permis l’apparition de la pelouse calcaire. Le plateau de Malzéville, s’est formé lors de la période Jurassique (entre 150 et 200 millions d’années). Il a ensuite évolué au fil du temps mais dans l’histoire récente c’est bien l’homme qui a eu un grand impact sur le paysage que l’on connaît aujourd’hui. L’histoire du lieu a une forte influence sur la réalité objective actuelle du plateau. Cette pelouse 67 ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997. 68 BESSE Jean-Marc, Voir la Terre. Six essais sur le paysage et la géographie, Actes Sud/ENSP, 2000. 161 p.

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calcaire restée « intacte », au-delà de la géomorphologie du lieu, est aussi le témoignage social et culturel de cet espace. On peut en effet, se demander si le plateau serait aujourd’hui ce qu’il est sans l’occupation militaire. De nombreux indices nous permettent de deviner leur présence passée mais le plateau reste aujourd’hui cette grande étendue herbeuse. L’occupation militaire a probablement empêché l’urbanisation des années 70-80. Le promeneur, le contemplateur subjectif du paysage fait lui aussi partie du paysage objectif du plateau. Tout ce qui est en interaction direct ou indirect fait partie de l’objectivité du lieu. Ces deux sous-parties, le paysage comme réalité subjective et le paysage comme réalité objective auraient pu être interverties, le paysage existe grâce à la superposition de ces deux réalités. Le paysage a une valeur symbolique, prenant en compte la perception de chaque individu, son passé, ses souvenirs, ses valeurs… Et d’un autre côté, le paysage est matériel, composé et construit d’éléments qui prennent place dans l’espace.

« Autrement dit, le paysage ne réside ni seulement dans l’objet ni seulement dans le sujet mais

dans l’interaction complexe de ces deux termes. Ce rapport, qui met en jeu diverses échelles de temps et d’espace, n’implique pas moins l’institution mentale de la réalité que la constitution matérielle des choses. Et c’est à la complexité même de ce croisement que s’attache l’étude paysagère. »69

Il me paraissait important de revenir sur ces deux dimensions du paysage pour interroger le bien commun. Ce sont ces deux notions qui partagent le paysage du plateau, un paysage non institutionnalisé qui permet une certaine appropriation de l’espace par chacun. Promeneurs, vététistes, glaneurs, aviateurs ont leur propre vision de ce plateau en fonction de ce qu’ils viennent y chercher, y faire. Ce paysage permet une certaine sensation de liberté. Ce sentiment est autant induit par le paysage subjectif du plateau que par le paysage objectif du plateau. L’effet de liberté est renforcé par la grandeur et le côté épuré du lieu. Ce qui ressort de sa construction ainsi que de sa production. Le paysage institutionnalisé se base sur le paysage objectif. Les règles sont écrites à partir de la construction physique du plateau. Elles s’intéressent à sa géomorphologie, à ses 69 BERQUE Augustin, CONAN Michel, DONADIEU Pierre, LASSUS Bernard, ROGER Alain, Cinq propositions pour une théorie du paysage, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994, introduction d’Augustin Berque, p.5.

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habitants tels que les orchidées sauvages. Elles font essentiellement référence à la géographie ainsi qu’à l’écologie du lieu. Le bien commun permettrait-il d’envisager, une cohabitation, une égalité, un équilibre entre le paysage non institutionnalisé, libre et le paysage institutionnalisé, réglementé? « Pour comprendre ce que ces nouvelles demandes relatives au paysage mettent en jeu dans la société, l’on ne partira pas d’une définition a priori du paysage mais très prosaïquement d’une analyse de ce qui est commun à toutes les situations où sont invoqués les paysage dans une société donnée. Cela conduit à s’intéresser aux rites sociaux contemporains. Certains rites sociaux, créent des significations partagées, des visées communes, des identifications ou des morales collectives, mais aussi des conflits entre groupes porteurs de représentations et de visées différentes. Quelqu’un d’entre eux ont trait au paysage. Il faut les connaître et les analyser pour comprendre les conditions d’invention collective de nouveaux paysages à présent. »70

70 BERQUE Augustin, CONAN Michel, DONADIEU Pierre, LASSUS Bernard, ROGER Alain, Cinq propositions pour une théorie du paysage, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994.

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Figure 25 : Une réalité subjective ou objective ? Source : Daniel Denise.


III. 2. Le paysage comme bien commun

La théorie à laquelle je me réfère est celle du commun. J’envisage le commun comme

une manière d’articuler les paysages non institutionnalisé et le paysage institutionnalisé. Comme expliqué plus haut J’émets l’hypothèse que la notion de commun peut permettre d’articuler le paysage que j’ai appelé «non institutionnalisé» et le paysage «institutionnalisé». Le paysage en lui-même, est déjà une réalité complexe car divisé entre le subjectif et l’objectif même si ces deux notions opposées, sont complémentaires. Le commun est la notion qui me semble intéressante à explorer afin de trouver le point nodal, entre ces paysages, subjectifs, objectifs, non institutionnalisés, institutionnalisés. Cette notion de commun qui apparait de plus en plus dans les documents d’urbanismes, les projets d’aménagements... Les articles de presse et même dans le langage courant, présente une apparente simplicité qui demande explication. Je vais dans un premier temps m’intéresser à l’étymologie de ce mot. Munus appartient dans les langues indoeuropéennes au registre du don, tout en renvoyant, à un phénomène social spécifique, un type particulier de prestation et de non prestation, désignant ainsi ce que nous devons accomplir activement et ce que l’on obtient sous forme de présents et de récompenses. Ainsi, munus implique un fait social fondamental, l’échange. La littérature ethnologique et sociologique en a étudié les multiples formes dans les sociétés humaines. Un dérivé de munus, « mutuum » désigne la réciprocité. Le munus tient sa particularité dans le caractère ré-munéré. Ce sont donc des prestations et des contre-prestations qui concernent une communauté entière. Ce que l’on retrouve dans le mot latin municipium qui exprime la municipalité d’une ville, constituée des citoyens. Ce qui permet de comprendre que les termes « communis », « commune », « communia » ou « communio », basés sur la même étymologie, désignent ce qui est « mis en commun » mais aussi ceux qui ont des « charges en commun ». Ce qui implique d’après Pierre Dardot et Christian Laval, que le terme de commun peut tout à fait désigner tous ceux qui sont engagés dans une même activité. Le fait donc, que des gens s’impliquent en commun, agissent en commun produisant

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ainsi des normes morales et juridiques qui règlent leurs actions. Ce principe exclut ceux qui ne participent pas à l’activité. Ce qui rejoint la pensée d’Aristote qui défendait une institution du commun, la « mise en commun ». Selon sa conception, ce sont les citoyens qui délibèrent en commun pour déterminer ce qui convient pour la cité et ce qu’il est juste de faire. Il pense que c’est la mise en commun des paroles et des pensées qui permet le « vivre ensemble ».71 Pierre Donadieu, insiste sur ce point, la notion de commun contient un sens important : ce qui relève d’un groupe ou d’une multitude, et non d’une seule personne. Le commun est en opposition à l’individuel.72 Le commun est un principe. Il était dans les années 80, une réponse au développement du capitalisme et aux inégalités qu’il produit, l’idée étant de diminuer l’opposition privé et public. Le commun interroge l’appropriation et remet en cause la logique de propriété qui a donné son cadre au capitalisme.73 Ainsi, la définition de ce mot montre que le commun est envisageable par délibération et à l’aide d’une législation afin de produire des idées semblables et des règles de vie s’appliquant à ceux qui poursuivent une même fin. Sur le plateau de Malzéville, serait-il possible de dire que c’est la volonté de préservation du plateau qui pourrait être le commun du paysage non-institutionnalisé et du paysage institutionnalisé ? Est-ce que ce serait pas seulement une préservation écologique, mais une préservation plus général du lieu, des appropriations, des usages, du paysage, des sensations? Cela pourrait être le point de jonction de cette dualité. Est-ce que le commun, pourrait être envisagé afin de renforcer la possibilité d’appropriation de tous, en évitant de favoriser un groupe d’usagers plutôt qu’un autre ? Du commun au bien commun. Le bien commun est concret, il désigne en philosophie politique ce que « l’on doit chercher et déterminer ensemble ». Il recherche l’avantage commun, et ce commun est toujours à déterminer en commun. Le commun est donc un principe qui permet de rechercher ce qu’est le bien commun.74

71 72 73 74

DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun, La découverte, mars 2014, p. 22-23. DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p.72. DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun, La découverte, mars 2014, p. 98-99. DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun, La découverte, mars 2014, p. 580.

87


Interrogeons maintenant, la place du paysage dans le commun. Il est intĂŠressant de comprendre le lien entre le commun et le paysage.

88


a. Le bien commun et le paysage

La mondialisation ainsi que le développement du tourisme ont permis une vision plus

large des paysages. Ainsi, les paysages locaux, le terroir sont valorisés, patrimonialisés afin d’attirer les visiteurs. Les politiques jouent sur ces aspects de leur territoire afin de les faire connaître. D’un autre côté ces paysages du terroir, sont aussi pour les habitants du quotidien, le paysage de tous les jours. Il y a là, un paradoxe, la demande de paysage s’articule autour de deux pôles qui pourraient sembler contradictoires : la volonté de patrimonialiser, de figer les paysages afin de développer le tourisme et en même temps, c’est le paysage du quotidien dans lequel on vit. Le paysage est donc à un croisement car il relève du symbolique et de l’esthétique, de ce fait, il échappe aux outils de mesure et de manière partielle aux lois du marché. C’est pourquoi, selon Anne Sgard, le paysage est un objet politique.75 La patrimonialisation est l’un des premiers outils utilisés par les politiques lorsque l’on évoque la préservation du paysage. Comme si, le paysage était conçu comme un patrimoine à conserver. C’est ce que l’on peut constater sur le plateau de Malzéville avec le souhait des communes de retrouver le paysage originel de la pelouse calcaire. Ainsi, il est possible d’inscrire des règles dans une grille, dans un tableau qui indiquent des étapes de gestion, de réglementation à mettre en application, à l’image des outils de la protection des monuments historiques. Dans ce cas, la patrimonialisation implique la délimitation du paysage, un périmètre qui permet de baliser ce paysage objet de la conservation. Les politiques le nommeront espace protégé, le paysage faisant partie du patrimoine « naturel » de la collectivité. J’appuierai ici, sur la nation de patrimoine « naturel », qui relève du paysage objectiviste du plateau de Malzéville. J’évoque ici le fait que les politiques s’appuient sur des éléments géographiques, géologiques, géomorphologique du lieu. Ils parlent de la conservation de la pelouse calcaire et de ce milieu ouvert. La réglementation donne ainsi l’impression de s’intéresser davantage à la protection, à la patrimonialisation du plateau qu’à la gestion.

75 SGARD Anne, Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun, Développement durable et territoires, 2010, 18p. p.3

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Comme l’indique Anne Sgard, « la logique patrimoniale reste donc de mise dans la majorité des politiques paysagères locales. Le patrimoine fournit un argument consensuel et fédérateur, fondé sur la référence au passé, sur la mémoire locale pour cimenter un groupe autour d’un projet : le projet se légitime plus facilement dans un passé retravaillé que dans un futur incertain.»76 Le risque de cette mise sous cloche est de figer le paysage du plateau de Malzéville et tout ce qui le compose, notamment les usages et le fait de laisser croire qu’on peut garder des éléments intacts, d’ignorer les possibles, le changement que ce soit dans les usages ou dans le regard que l’on peut porter sur lui. Par distinction, le bien commun, serait d’une certaine manière la jonction entre le passé et le futur.

« Le bien commun paysager est un concept nouveau qui permet de décrire les relations

entre l’espace matériel et les hommes qui perçoivent, le produisent, y vivent et en vivent. Il désigne tout espace matériel perceptible qui est jugé (et parfois revendiqué) avec des valeurs morales autant qu’esthétique (beau/laid) ou esthétiques (plurisensorielles) dans une perspective collective et non seulement individuelle. Le bien commun paysager suppose d’une part un périmètre géographique territorial, par exemple national, supra national, territorial ou local, d’autre part un groupe humain pour lequel les lieux ont un sens collectif. »77 Le bien commun, semble être une approche qui pourrait fédérer les usages qui cohabitent tant bien que mal et une volonté de préservation des habitats naturels qui pourrait tendre à patrimonialiser le lieu le ramenant à une période passé que personne n’a connue. Ce qui amène à poser la question de la limite de légitimité entre une volonté de conservation patrimoniale et le paysage libre qui émane de l’ensemble des usages. Aux nom de quelles valeurs peut-on construire un bien commun sur le plateau de Malzéville ? Un cadre réglementaire peut-il permettre la construction collective d’un intérêt commun ? N’y a-t-il pas dans le dispositif Natura 2000 une sorte de négation de la manière dont «l’autre» voit le paysage? 76 SGARD Anne, Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun, Développement durable et territoires, 2010, 18p. 77 DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p. 25

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Ces questions font référence à la notion d’intérêt général. Le bien commun au sens d’intérêt général, renvoie aux formes nouvelles ou à renouveler, de la démocratie. « Les ponts, les entrecroisements, échos sont nombreux entre ces divers usages du bien commun, car tous se positionnent aujourd’hui dans le cadre global du développement durables et des questionnements éthiques qui lui sont intimement liés. »78 Le bien commun doit permettre une mise en valeur dans un certain respect du lieu mais aussi de ses usagers. Il facilite en effet, l’usage par chacun du lieu mais un équilibre doit être trouvé. L’approche par le bien commun met en lumière ce qui fait commun, ce qu’il nous est possible de mettre en commun. Afin d’envisager un lieu comme commun, il est important de mettre en lumière ce qui fait le commun ainsi que la manière dont on va en user. Le commun, c’est aussi bien ce qui met d’accord que ce qui met en conflit. Les conflits peuvent et doivent permettre de «faire bien commun». Dans le bien commun, l’usager a une place centrale, il a une vraie responsabilité par rapport au commun, aux autres usagers. Il est question ici du partage et du respect des autres usagers. La cohabitation doit être consciente. L’usage des uns ne doit pas empiéter sur l’usage des autres de manière négative. Il y a aussi évidemment l’importance du lieu et les usages qui l’ont façonné. La mémoire du lieu fait partie du bien commun. Il n’est pas question de «mettre sous cloche» mais d’avoir conscience des usages passés qui ont pu avoir une influence sur le paysage d’aujourd’hui. Il est aussi important de prendre en compte le paysage futur et tous les usages qu’il est possible ou non d’imaginer apparaître un jour sur ce plateau. L’intérêt général soulève aussi la question de la réglementation. Pour trouver un accord, le bien commun doit se construire autour de quelque chose. Quelle sont les règles d’accès et d’usage qu’autorise ce bien commun ?

78 p.6.

SGARD Anne, Le partage du paysage, HAL archives ouvertes.fr, Université de Grenoble, 2011,

91


Figure 26: Au premier plan, le fossé qui empêche le passage sur la pelouse de l’aéroclub. Source : Léa Colombain.


b. La réglementation d’un bien commun

Les institutions ont tendance à utiliser le « bien commun » comme la production de

« biens communs » qui constitueraient « le patrimoine commun de l’humanité ». Il serait le fondement des « besoins vitaux essentiels à l’humanité » et permettrait aussi une « coexistence sociale naturelle des hommes. » Le bien commun, par une certaine réglementation, permettrait de faire se rejoindre les pôles de la notion de paysage : entre le paysage subjectif (le paysage non institutionnalisé) et le paysage objectif (le paysage institutionnalisé). Le bien commun paysager permet aussi bien de répondre à des questions morales qu’esthétique. Il est vrai que les collectivités ont tendance à valoriser certains espaces car ils sont attractifs de manière esthétique. Dans le bien commun, la question de la morale, doit découler de la réflexion de la justice et de l’équité. En effet, tous les usagers doivent être égaux par rapport à l’utilisation d’un lieu, impliquant réflexion et participation de tous les acteurs de ce lieu. Le sous-titre du livre de Pierre Donadieu, qui résume en quelques lignes, la finalité des paysages en commun, « pour une éthique des mondes vécus, inspiré du pragmatisme, cet essai soutient qu’au-delà des biens publics et privés, il est possible de partager les biens communs paysagers. »79, me semble parfaitement illustrer cette problématique. Une forme d’équilibre pourrait se mettre en place, « la recherche d’un consensus démocratique en organisant le débat social ou bien le processus anticipateur du projet de paysage accompagnant le devenir désiré des territoires » sont des points de départ dans la mise en place d’un bien commun paysager, comme l’explique Pierre Donadieu, à travers cinq points : - est-ce qu’une collectivité ne pourrait pas valoriser sa commande de paysage à quelque chose de plus large qu’un besoin « d’espaces verts » ? Selon Donadieur, l’objectif pourrait être de produire « un milieu singulier, habitable, appropriable, transmissible et sain, un milieu mobile, évolutif dont l’organisation et la cohérence spatiale perceptible à plusieurs échelles résultent d’une logique symbolique et fonctionnelle. »80

79

DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, première de couverture. 80 DONADIEU Pierre, Cinq propositions pour une théorie du paysage, chapitre Pour une conservation inventive des paysages, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994, p.76.

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- l’enjeu n’est-il pas social ? « L’appropriation symbolique du paysage est l’une des conditions de la fondation d’une subjectivité collective locale. Il pourrait être intéressant de s’intéresser à la Loi Paysage de 1993, qui insiste sur l’importance de la consultation locale et de la commande collective. » - il pourrait être intéressant d’ouvrir le débat sur le devenir des paysages, en rappelant « les règles du jeu de l’instauration paysagère : ni protection figée et inconséquente, ni alibi décoratif et cosmétique, ni simulacre de débat démocratique. Créer « des conseils locaux de paysages », réunissant élus, mandataires institutionnels et associations. »81. - il faudrait considérer les conditions économiques et écologiques. Les paysages symboliques, emblématiques, participent à la vitalité sociale des territoires. C’est pourquoi, ils peuvent être une opportunité pour construire des projets à multiples facettes. - il pourrait être intéressant de débattre des sens possibles des territoires et de leur cohérence. Le désir de cohérence paysagère est celui d’une adhésion collective à un projet de milieu assimilable à un projet de nature. - la dernière piste serait de développer la communication, instaurer des échanges mutuels entre les usagers et les gestionnaires. L’explication et la médiatisation sont essentielles à la construction ainsi qu’à la gestion d’un bien commun. Pierre Donnadieu, pose ces cinq points, comme permettant de poser le cadre du paysage dans le bien commun. La mise en commun d’un paysage serait donc avant tout un accord social. Le paysage est partagé entre différents, usages, différentes collectivités, différentes pensées. Ces quelques lignes permettent d’établir une première liste qui aurait pour vocation la prise en compte d’un paysage par une diversité de personnes qui n’ont pas forcément la même image ou les mêmes intérêts pour ce paysage. Pierre Donadieu rejoint la théorie d’Elinor Ostrom sur sa vision du gouvernement des communs. En effet, cette économiste et politologue américaine a principalement travaillé sur l’action collective ainsi que les biens communs. Le premier point de 81 DONADIEU Pierre, Cinq propositions pour une théorie du paysage, chapitre Pour une conservation inventive des paysages, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994, p.77.

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son discours, décrit dans l’ouvrage « Commun »82 de Pierre Dardot et Christian Laval, indique que la gestion de ressources communes, doit à chaque fois concerner un groupe capable d’instaurer des règles collectives dans l’usage qui est fait de cette propriété commune. Elinor Ostrom parle, quant à elle, de propriété, ce qui peut sembler paradoxal par rapport au commun. Sa théorie souligne le fait que le commun doit avoir des limites nettement définis. Les règles doivent être adaptées aux besoins et conditions locales. Les personnes concernées par ce lieu doivent participer à l’élaboration de ces règles et objectifs. Chaque modification du règlement nécessite une concertation de tous les usagers.

« Mon expérience, aussi bien théorique que pratique- au sein du comité d’experts « Environnement

et paysage », mis en place par la direction des routes au ministère de l’Equipement-, m’a convaincu que la plupart des problèmes liés à l’environnement, avec leur cortège de malentendus et de dialogues de sourds, pourraient être plus aisément résolus si l’on ne mélangeaient pas tout et si l’on s’attachait à distinguer avec soin les valeurs paysagères. Si ardue que soit parfois cette tâche- car s’y mêlent aussi des intérêts économiques-, elle est indispensable et toujours bénéfique. » 83

Alain Roger souligne, un aspect important de la gouvernance du paysage. Il est important de remettre les valeurs paysagères au centre des débats de la construction du bien commun. Sur le plateau de Malzéville, la non prise en compte de l’attachement des usagers au paysage qu’ils parcourent a été un élément déclencheur de conflits. En 2015, l’abattage soudain d’une grande surface plantée de pins a été un choc pour les promeneurs du plateau. Les arguments suivants recueillis par l’Est Républicain en 2016 témoignent de l’intérêt, de l’attention portée par les usagers au paysage qu’ils arpentaient :

« On fait souvent du vélo ici. Avant c’était joli, on bénéficiait d’un paysage méditerranéen avec les

pins. Maintenant, c’est laid, plat, on ne reconnaît plus rien. Quand on se balade, on se repère à l’antenne émetteur rouge et blanche. »84 « Un an après, c’est un no man’s land. Affligeant. Effrayant. De mon vivant, je ne verrai plus jamais un plateau flamboyant. » Le promeneur attaché au lieu depuis tout petit renchérit : «Le pire, c’est le non82 83 84

DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun, La découverte, 2014, 592 p. ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, p.149. BARET Corinne, Malzéville : no man’s land sur le plateau, Est Républicain, mai 2016.

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respect de l’environnement, du paysage. Et l’incompétence de ceux qui ont massacré le plateau, sans cœur. Depuis le carnage, j’évite certains endroits. On peut juste être triste. C’est trop tard, on ne peut pas demander réparation. »85

La construction sociale du paysage a été oublié au nom de la gestion écologique. Le bien commun doit prendre en considération toutes les dimensions qui font sa particularité. Il doit aussi bien prendre en compte des valeurs universelles que les valeurs collectives partagées par le petit groupe qui pratique le lieu au quotidien. Il est donc primordial de connaître le lieu et d’avoir une représentation physique des usages. Des cartes, des grilles ne peuvent être représentatives du bien commun. Le bien commun paysager être construit par les personnes qui vivent et font le lieu. La réglementation est souvent vécue par les usagers comme étant une contrainte, une entrave à la liberté d’usage. Elle est pourtant indispensable dans la mise en place d’un bien commun paysager. C’est la manière dont elle est engagée qui est primordiale. La gouvernance pourrait être organisée de façon horizontale. Les indispensables éléments réglementaires ne pourrait-il pas être issus d’un consensus collectivement construit ? Il pourrait être considéré de se mettre d’accord sur les éléments réglementaires dans le respect du lieu et de chaque usager.

85

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BARET Corinne, Malzéville : no man’s land sur le plateau, Est Républicain, mai 2016.


c. Le plateau de Malzéville, un bien commun

Le plateau de Malzéville est l’histoire de deux mondes, entre un paysage libre, non

institutionnalisé et un paysage contraint, institutionnalisé. Il est partagé entre la volonté de le réglementer, de le réserver, de le prioriser à une certaine catégorie d’usages et l’existence d’une diversité d’appropriations et une volonté de préserver ce paysage dans l’objectif de conserver le sentiment de liberté qu’il procure. Comment le plateau de Malzéville, peut-il devenir un bien commun ? Pierre Donadieu, dans son ouvrage, affirme qu’au moins trois conditions paraissent nécessaires pour qu’un espace devienne un bien commun paysager :86 -

Définir le lieu, le paysage en commun. Il faut identifier un périmètre.

-

Le bien commun doit être perceptible, identifiable et accessible.

-

Déterminer l’autorité (publique ou privée), qui garantit que le lieu est une des conditions

esthétique, morale ou spirituelle de l’existence du groupe. Le plateau de Malzéville, est un lieu reconnu et pratiqué, il est même connu pour avoir été l’objet d’un conflit entre les gestionnaires et les usagers à propos de sa gestion et de son paysage. Ainsi, « l’espace matériel est commun au moins à ceux qui le produisent et à ceux qui le perçoivent.» 87 Les motifs de reconnaissances du plateau sont divers, pour les uns, c’est son caractère écologique, sa particularité géographique, pour d’autre son esthétique, le sentiment de liberté qu’il procure, le terrain de jeu qu’il constitue. Le commun part de là, de la reconnaissance d’un lieu par des acteurs, des usagers. Il est ensuite intéressant d’interroger les limites du lieu. De quelle manière les usagers envisagent le périmètre paysager du plateau. Est-ce que le plateau est cette grande étendue herbeuse ou est-ce que cela va plus loin ? Les traces des usages identifiés dans la couronne boisée, montrent que ce territoire est autant utilisé. Les usagers connaissent le lieu en fonction de leur pratique, ils ont donc une certaine légitimité à décider de ce périmètre de bien commun. Ici, ce ne sont 86 87

DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p.30. DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p.31.

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pas seulement les critères écologiques imposés par Natura 2000 qui définissent le plateau mais tous les usages que le lieu permet. Ainsi la non prise en compte de cette réalité risque à nouveau de générer des conflits si le Plan d’aménagement et d’organisation, du plateau de Malzéville rédigé en février 2014 est mis en application tel que prévu. Dans ce document, on peut lire : « « Cette « canalisation » naturelle permettra une approche intéressante de la pelouse calcaire par le public. « Toucher sans les pieds (ou avec les yeux ou même les mains) sera une possibilité offerte au public grâce aux panneaux d’informations imaginés sur cette partie de la Grande Boucle. »88 Il pourrait donc être envisagé d’interdire totalement l’accès à la pelouse en vue de sa conservation. N’y a t-il pas à imaginer une alternative qui consisterait à la mise en place d’une gestion différenciée des espaces. Les zones reconnues à fort développement d’espèces rares, pourraient être protégées, isolées mais d’autres partie de la pelouse laissées accessibles? Là encore ceci étant possible et admissible par l’ensemble des usagers que si la gouvernance les intègre. Pierre Donadieu fait de la visibilité un des piliers de la constitution d’un bien commun. Le plateau de Malzéville est certes visible de loin, mais la couronne boisée retient l’intérieur comme un écrin. Une des forces du lieu et qui fait que l’on s’y sent libre, loin de tout, est justement ce secret gardé par la forêt. Pour les usagers du plateau ce qui en fait un bien commun est l’absence d’une visibilité donnée. Le paysage du plateau n’est pas visible ; il se mérite, et c’est cette discrétion qui renforce le bien commun. Sur la question de l’accessibilité qui fait également partie des éléments constitutifs d’un bien commun, nous avons vu qu’une grande partie du plateau, la plus impressionnante en terme de « coup d’œil », celle grâce à laquelle on a accès à cette fameuse ligne d’horizon, est en quelque sorte « privatisée » au bénéfice des disciplines aéronautiques. Les habitudes font que les promeneurs ne tiennent pas compte des interdictions. Il n’y a jamais eu de verbalisation, ni heureusement d’accident. Mais n’y aurait-il pas avantage à réfléchir à la question du partage de cet espace ? Ne serait-il pas intéressant de trouver le moyen de le rendre accessible en toute sécurité pendant 88 Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’aménagement. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, février 2014.

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les nombreuses périodes durant lesquelles le terrain d’aviation n’est pas utilisé ? Et dans cette hypothèse pourquoi ne pas utiliser l’antenne de télétransmission, un des symboles du plateau, comme un sémaphore avertissant de la disponibilité de l’espace ? Si l’on s’intéresse maintenant à l’accessibilité « physique » au plateau : les efforts à faire pour y arriver, si toutefois on décide d’y monter à pied, il convient de noter que paradoxalement cette relative « inaccessibilité » renforce le sentiment d’un bien commun : le bien commun de ceux qui passés par l’épreuve de la montée de sentiers plutôt raides, ont découverts différente ambiance forestières. Le troisième pilier de la constitution d’un bien commun est tenu par l’autorité qu’elle soit publique ou non, garantissant les conditions communes autour d’un lieu. Dans le cas du plateau de Malzéville, les uns souhaitent la préservation du site pour des raisons écologiques, les autres pour continuer à pratiquer l’aviation et d’autres encore souhaitent préserver le lieu, le paysage, leurs usages, leurs habitudes, leurs promenades. L’autorité doit permettre de définir les conditions qui doivent justifier l’existence du groupe et de ce paysage en commun. Lorsque j’ai rencontré Nathalie Warin, chargée de mission au Grand Nancy, nous avons évoqué l’hypothèse de création d’un syndicat mixte. Le syndicat mixte est une des hypothèses qui permettraient d’enlever ce côté difficile de gestion administrative (par un comité de pilotage dirigé par la collectivité) c’est justement quelque chose qui sort de tout ça et qui a une autonomie de gestion ou de décision. Est-ce-que le plateau de Malzéville le justifie, est-ce-que la quantité de travaille justifie la création d’un syndicat mixte ? Egalement évoqué par Bertrand Kling, maire de Malzéville, le syndicat mixte pourrait être envisagé comme les prémices de la mise en place d’une gouvernance d’un bien commun. Mais est ce que l’organisation d’un syndicat mixte permet réellement de donner la possibilité à ceux qui vivent le lieu par plaisir, la possibilité d’agir sur ses modes de gestion ainsi que sur son devenir? Est-ce véritablement un dispositif permettant aux usagers du quotidien, d’agir sur l’avenir de ce lieu en donnant leur avis quant aux décisions à prendre ?

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« Je défendrai l’idée pragmatiste que les habitants d’un lieu sont les mieux placés pour choisir les biens communs paysagers locaux à créer et à transmettre qui leur conviennent. Ceci dans le cadre d’une autorité territoriale régulatrice qui les associe à la décision collective. »89 Dans cet esprit je suggère l’idée de la création « d’ambassadeurs du plateau » qui seraient des usagers, des vététistes, des chasseurs… intéressés pour faire le lien entre le quotidien et la vision plus distanciée des autorités. Mais également être des personnes ressources acceptant de renseigner les promeneurs, d’avoir une posture pédagogique, faire partager leur passion pour le site, intervenir dans les écoles. Mais au final sur le plateau de Malzéville n’y aurait-il pas une alternative à la mise en place d’une autorité de gestion ? L’autorité est un « pouvoir légalement conféré à une personne, à un groupe humain de régir l’ensemble ou une partie du corps social, de régler les affaires publiques.»90 Il y a donc ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas. Est-ce là la meilleure organisation pour gérer un espace comme le plateau de Malzéville ? N’y aurait-il pas intérêt à trouver un mode de gouvernance

« La problématique du commun, correspond à la recherche de formes nouvelles pour

l’autogouvernement des collectifs humains engagés dans l’action. Ce qu’on appelle le commun n’est pas compris comme une «chose», il est avant tout comme un «faire commun», c’est un «agir commun» qui passe par la formulation collective de règles et de modes de gouvernement : délibération, participation, association, coproduction.» 91

Le règlement Natura 2000 est par lui-même une forme d’autorité mais sa gestion, son application ne pourrait-elle pas donner lieu à la mise en place d’une forme de gouvernance horizontale ? Ce qui permettrait de prendre en compte la dualité du paysage institutionnalisé et non institutionnalisé, d’associer aux scientifiques, aux personnes mettant en œuvre la réglementation et les simples usagers dans une forme participative dynamique et évolutive. 89 90

DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p. 10. Définition CNRTL.

91

Paysages en commun,éditorial de Jean-Marc Besse, Les carnets du paysage n°33, ACTES SUD,

école nationale supérieure de paysage, mai 2018, 237 p.

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« La notion de paysage ne se confond pas avec le cadre de vie (un décor), le patrimoine (un

héritage à transmettre), le territoire (un espace contrôlé ou approprié), la nature ou l’environnement (les risques). Elle les contient et les réunit avec l’idée directrice de concourir au bien-être humain local, de construire des biens communs localisés car chacun vit le monde ambiant avec les paysages qu’il perçoit et qui sont aussi ceux des autres. »92

La question du public, se pose ici. En effet, l’engagement de la collectivité dans la préservation de ce site a également pour vocation de le promouvoir et l’ouvrir au plus grand nombre. Il y aura donc augmentation d’une fréquentation par de nouveaux usagers. La question de leur intégration se pose, comment anticiper sur les incidences de cette nouvelle fréquentation et sur les éventuels conflits d’usage qui risquent d’en découler?

« La communauté se complexifie en tant qu’elle rassemble des groupes et des individus, et fait

apparaitre des accords et des conflits dans l’espace commun de vie. S’il est possible de construire des biens communs paysagers, il faut donc, pour comprendre cette construction sociopolitique, à chaque fois identifier la société qui en fait le projet. »93

La notion de paysage englobe trop souvent la question de l’environnement et de l’écologie et la patrimonialisation est la solution choisie pour préserver et figer les paysages. Alain Roger souligne l’importance fondamentale de distinguer paysage et environnement et de ne pas donner plus d’importance aux données scientifiques. « À strictement parler, le paysage ne fait pas « partie » de l’environnement. Ce dernier est un concept récent, d’origine écologique, et justiciable, à ce titre, d’un traitement scientifique. Le paysage, quant à lui, est une notion plus ancienne, d’origine artistique (voir plus haut), et relevant, comme telle, d’une analyse essentiellement esthétique. »94

Le paysage en commun, est un équilibre à trouver entre l’intérêt général (du plus grand

nombre) et l’intérêt particulier de ceux qui en ont l’usage quotidien dans une dynamique qui permet d’intégrer les évolutions, les nouveaux usagers et ainsi accepter l’idée d’un « paysage en mouvement »… « Ainsi, le bien commun paysager ne relève plus d’une catégorie des sciences économiques ou morales, mais d’un méta-concept qui intègre des notions objectives et subjectives. »95 92 93 94 95

DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p.35. DONADIEU Pierre, Paysage en commun, Contrées et concepts, 2014, p. 72. ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, p.126. DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, p.27.

101



CONCLUSION

Paysage de mon enfance, terrain de jeux et de

promenades, je dois au final constater que le plateau de Malzéville, je le connaissais sans le connaître. Un espace entre terre et ciel qui offre la possibilité d'éprouver cette sensation si surprenante de parcourir un sol qui semble infini, mais aussi d’être aux confins d’une terre plate de laquelle il serait possible de tomber… Une perception démesurée de l’échelle, des distances qui semblent s'allonger pour aller d’un point à un autre, comme si on se trouvait dans un autre espace-temps. Un paysage dénudé qui semble sans contrainte, entouré par une couronne forestière qui le cache de la ville pourtant toute proche. Mais dans ce paysage apparemment « libre » j’ai découvert de nombreux usages, de nombreuses pratiques de loisirs, sportives, artistiques, scientifiques, voire même thérapeutiques... Son importance et ses richesses naturelles ont été reconnues par les collectivités propriétaires qui ont souhaité l’inscrire dans le cadre du programme Natura 2000 choisissant ainsi l’option de la préservation des milieux tout en permettant le maintien de certaines activités. Le programme Natura 2000 a également amené la création d’une gouvernance de gestion du lieu rassemblant des acteur identifiés et choisis par les collectivités. Pour appréhender cet espace j’ai dans un premier temps


choisi la méthode de l’errance. Retourner sans a priori sur un terrain connu, questionner ce paysage fictif, me réapproprier les lieux, les espaces, les différentes ambiances, à différents moments de la journée, de la semaine… à différentes saisons. Passer par une phase de confrontation à l’irréalité du lieu pour ensuite mieux me confronter au réel. C’est ce que j’ai fait dans un deuxième temps. Ceux qui rendent ce paysage vivant sont les usagers. Je suis donc allée à leur rencontre de certains d’entre eux pour recueillir leurs témoignages, les écouter parler de « leur » paysage, évoquer leurs pratiques et usages du plateau. Le premier constat a été que ces échanges ont conforté cette idée d’une irréalité du paysage, d’un sentiment de dépaysement provoqué, mais aussi rendu concret l’utilisation du lieu pour un ensemble de pratiques très diversifiées. Puis ma rencontre avec des responsables de l’aéroclub, et ma vision du plateau à travers les vitres de leur locaux, mes rendez-vous à la Métropole du Grand Nancy, à la mairie de Malzéville, m’ont permis d’appréhender une réalité pragmatique du plateau de Malzéville : celle d’un espace à « gérer ». Ces différentes rencontres ont mis en évidence une différence notable de perception du lieu entre ceux qui fréquentent le terrain et ceux qui en sont éloignés. Ceux qui construisent leur point de vue à partir de documents, études… et ceux qui physiquement le pratique. Je me suis également rendu compte que l’usager du quotidien, celui qui n’est pas inscrit via un organisme ou une association dans le dispositif de gouvernance n’apparaît pas comme une ressource permettant la gestion du site. Et pourtant il vit le lieu, et le fait vivre. Il contribue à la création de son identité, à la construction du paysage. Et pourtant est ce que les deux piliers de construction d’un bien commun ne seraient-ils pas le site et l’usager ? L’analyse du conflit né de la première opération d’envergure de préservation des milieux naturels m’a amenée à m’intéresser à la notion de « bien commun », comme opportunité de création d’un espace de co-construction dynamique et durable d’un mode de gestion d’un espace naturel. Pour ce faire je me suis appuyée sur le travail de Pierre Donadieu sur le bien commun paysager.

104


« Je définis le bien commun paysager comme la ressource perceptible (surtout visuelle) qui est digne de l’intérêt général (de tous ou du plus grand nombre) et de l’intérêt particulier de celui ou de ceux qui en ont l’usage. »96 1 C’est ainsi que Pierre Donadieu définit le bien commun paysager. En référence à sa théorie, mon hypothèse est que le bien commun permettrait une gouvernance autant matérielle qu’immatérielle des paysages, pour répondre à ces dualités qu’impliquent le lieu, subjectivité et objectivité. Le bien commun paysager permettrait de rassembler des entités qui semblent d’un premier abord avoir des intentions et actions contradictoires. Je me suis donc intéressée aux trois conditions nécessaires à la construction du bien commun d’après Pierre Donadieu. -

Le lieu ou le paysage doivent être d’abord reconnus, revendiqués par un groupe de

personnes. Le plateau de Malzéville, est aujourd’hui reconnu autant dans son paysage non-institutionnalisé que dans son paysage institutionnalisé. Les tenants du premier défendent l’esthétique, le plaisir du lieu, sa sensibilité, les seconds le reconnaissent pour sa particularité géographique, son caractère écologique. Le constat évident est que ce lieu est utilisé, approprié d’une certaine manière les traces de ces usages sont le témoigne de la reconnaissance du lieu. Le constat ici est que sur le plateau de Malzéville il n’y a pas un groupe mais une grande diversité de groupes. Le plateau est facteur de rassemblement mais aussi d’oppositions. La construction d’un bien commun n’est pas forcément conduite par un seul groupe, elle peut être défendue par plusieurs groupes mais cela nécessite un travail de compréhension des autres points de vues, il faut travailler le consensus, trouver le terrain d’entente. Quels outils pourraient être mis en place pour favoriser les discussions, les échanges ? -

Le bien commun paysager doit être perceptible, c’est-à-dire visible, localisable et

accessible physiquement. La géographie du plateau de Malzéville, les coteaux boisés sont visibles de loin, depuis la ville, ils

96

DONADIEU Pierre, Paysages en communs, Contrées et concepts, 2014, 238 p.

105


dessinent l’horizon. Le plateau est accessible de plusieurs manières, à pied, en vélo en voiture. En appliquant la théorie de Pierre Donadieu, je me réfère à la convention européenne de Florence qui insiste sur la question de l’accessibilité par tous. Le plateau de Malzéville est accessible sur la plupart de ses côtés. Une amélioration pourrait être apportée quant à l’intégration des parkings. Il y aurait peut être également à améliorer l’accessibilité en transports en commun. Cependant le cœur du site n’est a priori pas accessible car réservé aux activités aéronautiques qui elle-même ne l’utilise qu’une partie de l’année. N’y aurait-il pas moyen de partager cet espace grâce à un système de communication ? Au-delà de cet exemple concret, de manière presque paradoxale, il y a une forme d’inaccessibilité qui est une des caractéristiques du plateau qu’il convient de mon point de vue de préserver. En effet, l’inattendu, participe à la force du lieu, son invisibilité derrière son manteau arboré accentue le paysage que l’on vient rechercher sur le plateau, le dépaysement, l’impression d’un ailleurs, la discrétion. Dans le cas du plateau de Malzéville, son invisibilité est une caractéristique qui en fait un bien commun paysager. -

Une autorité, quelle qu’elle soit, publique ou non, doit donner confiance, garantir que le

lieu, est une des conditions esthétique, morale ou spirituelle de l’existence du groupe. Aujourd’hui, c’est un comité de pilotage qui assure la gestion du plateau de Malzéville. Il est présidé par le président de la Métropole du Grand Nancy et regroupe les maires des communes propriétaires et des associations utilisatrices du lieu ou de protection de l’environnement. Si l’on se réfère à nouveau à la convention de Florence : « La mise en œuvre de la politique ou des mesures prises en vue de la protection, de la gestion et/ou de l’aménagement des paysages concernés devront impliquer une étroite participation du public, des autorités locales et régionales et des autres acteurs concernés, et devraient refléter clairement les objectifs de qualité paysagère. Le public devrait pouvoir participer simultanément de deux manières : – au moyen de dialogues et d’échanges entre les membres de la société (réunions publiques, débats, procédures de participation et de consultation sur le terrain, par exemple) ; – au moyen de procédures de participation et d’intervention du public dans les politiques du paysage mises en œuvre par les autorités nationales, régionales ou locales. » 972

97

Convention européenne du paysage et documents de référence. Conseil de l’Europe Division du patrimoine culturel, du paysage et de l’aménagement du territoire Direction de la culture et du patrimoine culturel et naturel, à Florence, 2000. https://www.fire.upmc.fr/sites/default/files/Convention-Txt-Ref_ fr.190115.pdf


N’y aurait-il pas intérêt à trouver une place à l’usager dans l’instance de gestion qui pourrait alors devenir un véritable espace dynamique de construction d’un bien commun paysager ?

107



TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS

5

INTRODUCTION

9

I. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE NON INSTITUTIONNALISÉ

21

I.1 Le dépaysement

22

a. L’horizon

23

b. L’immensité

27

c. La végétation

32

I.2 L’appropriation

37

a. La diversité des usages rencontrés

38

b. Les traces

40

49

II. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE INSTITUTIONNALISÉ II.1. Un site occupé

49

a. Du boisement au déboisement

49

b. Un paysage militarisé

51

109


c. L’aviation

54

II.2. Natura 2000

59

a. Fonctionnement du réseau

61

b. Conséquences

70

III. LE PLATEAU DE MALZÉVILLE : UN PAYSAGE EN COMMUN

79

III.1. La notion de paysage

79

a. Le paysage comme réalité subjective

79

b. Le paysage comme réalité objective

81

III. 2. Le paysage comme bien commun

86

a. Le bien commun et le paysage

89

b. La réglementation d’un bien commun

93

c. Le plateau de Malzéville un bien commun

97

CONCLUSION 103 BIBLIOGRAPHIE 115 ANNEXES

110

123




BIBLIOGRAPHIE



OUVRAGE

BIBLIOGRAPHIE

- ADUAN, L’Atlas du Grand Nancy à l’espace européen, du Sud Meurthe-et-Moselle au Sillon Lorrain, 2015. - BESSE Jean-Marc, Le goût du monde, exercices de paysage, Actes Sud, 2009, 232 p. - BESSE Jean-Marc, Voir la Terre. Six essais sur le paysage et la géographie, Actes Sud/ENSP, 2000, 161 p. - CORAJOUD Michel, Le paysage, c'est l'endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud Nature Paysage, ENSP, 2017, 270 p. - DENISE Daniel, Horizon, le chemin le plus court entre le ciel et la terre, photographie, ARP2, 2017. - DONADIEU Pierre, Paysages en commun, Contrées et concepts, 2014, 238 p. - LOWENTHAL David, Passage du temps sur le paysage, in folio collection Archigraphy témoignages, 2008, 334 p. - ROGER Alain, Court traité du paysage, Essais folio, 1997, 249 p.

OUVRAGE COLLECTIF - LES MEMBRES DE L’ATELIER MEMOIRE DE MAXEVILLE, La carrière Solvay de Maxéville et de son transporteur aérien, 1920-1984, 2008, 252 p. - BERQUE Augustin, CONAN Michel, DONADIEU Pierre, LASSUS Bernard, ROGER Alain, Cinq propositions pour une théorie du paysage, Pays/Paysages Champ Vallon, 1994, 128 p. - COLOTTE A., FRANOUX J-P., HUGOT B., MARCHAL D., Malzéville, le Plateau un siècle d’histoire, 2015, 117p. - DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun, La découverte, 2014, 592 p. - DONADIEU Pierre, PERIGORD Michel, Clés pour le paysage, Géophrys, 2005, 368 p.

115


- GRAND NANCY, Le végétal dans le Grand Nancy, principes de conception et de gestion, 2013, 96 p. - MOTTET Jean (sous la direction), L’herbe dans tous ses états, Pays/Paysages Champ Vallon, 2011, 208 p. - Paysage au pluriel, Pour une approche ethnologique des paysages, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1995, 239 p. - Paysages en commun, Les carnets du paysage n°33, ACTES SUD, école nationale supérieure de paysage, mai 2018, 237 p. THÈSE, MÉMOIRE - VERDIER Alexandre, doctorant en Géographie à l’université de Lorraine et Xavier Rochel maître de Conférences en Géographie. Stabilité, instabilité d’un saltus périurbain : les pelouses calcaires du plateau de Malzéville, E.A. 7304 LOTERR, Université de Lorraine.

ARTICLE - DI MÉO Guy, SAUVAITRE Claire, SOUFFLET Fabrice, Les paysages de l’identité (le cas du Piémont béarnais, à l’est de Pau ), Géocarrefour vol. 79 2, 2004, 131-141 p. - MAUBEUGE P.L., Géologie et archéologie : les énigmes du mur cyclopéen de la trinité a Malzéville, Bulletin Académie et Société Lorraines des Sciences, tome XIV, n°1, 1975 - SAUTTER Gilles, Paysagismes, Études rurales, n°121-124, 1991. De l'agricole au paysage, sous la direction de Jacques Cloarec et Pierre Lamaison, 1991, pp. 15-20. - SGARD Anne, Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun, Développement durable et territoires, 2010, 18p.

116


DOCUMENT ADMINISTRATIF - Convention européenne du paysage et documents de référence. Conseil de l’Europe Division du patrimoine culturel, du paysage et de l’aménagement du territoire Direction de la culture et du patrimoine culturel et naturel, à Florence, 2000. https://www.fire.upmc.fr/sites/default/ files/Convention-Txt-Ref_fr.190115.pdf - Document d’objectifs Natura 2000, zone spéciale de conservation, fr4100157 « Plateau de Malzéville », TOME I : ETAT INITIAL DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE, rédacteur du DOCOB : Jean-Sébastien PHILIPPEDOCOB, 2009. - Document d’objectifs Natura 2000, zone spéciale de conservation, fr4100157 « Plateau de Malzéville », TOME II : OBJECTIFS ET ACTIONS, rédacteur du DOCOB : Jean-Sébastien PHILIPPEDOCOB, 2009. - Document d’objectifs Natura 2000, zone spéciale de conservation, fr4100157 « Plateau de Malzéville », TOME III : DOSSIER ADMINISTRATIF, rédacteur du DOCOB : Jean-Sébastien PHILIPPEDOCOB, 2009. - Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’aménagement. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, février 2014. - Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’aménagement. Annexes et fiches actions. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, février 2014. - Plan d’aménagement et d’organisation, site Natura 2000 du plateau de Malzéville, cahier 2 : plan d’interprétation. Bureau d’étude ONF- Direction Territoriale Lorraine, septembre 2013.

JOURNAUX - BARET Corinne, Malzéville : no man’s land sur le plateau, Est Républicain, mai 2016. -SAUCOURT Patrice, Malzéville : débardage forestier au plateau en images, Est

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Républicain,décembre 2017. Consultation internet - Course d'orientation : http://www.ffcorientation.fr/licencie/cartographie/cartotheque/4148/, consulté le 05.01.2017. - VTT : http://www.vttfunclub.fr/spip.php?article1635, consulté le 05.01.2017. - Réaction d'un passionné de trail : https://www.wanarun.net/blog/mon-terrain-de-traildefigure-43737.html, consulté le 05.01.2017. - Site internet INPN : https://inpn.mnhn.fr/programme/natura2000/presentation/objectifs, consulté le 09.04.2018. - Site internet du ministère de la république française : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/ syndicats-mixtes-guide-2006. Consulté le 12.04.2018.

FILM - SIMON Claire, Le bois dont les rêves sont faits, 2015, 2h25.

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ANNEXES



Annexe 1 : FICHES DE LECTURE FICHE 1 : TITRE : PAYSAGE EN COMMUN, POUR UNE ETHIQUE DES MONDES VECUS AUTEUR : Pierre Donadieu EDITEUR / EDITION : Contrées et concepts DATE : Septembre 2014 AUTEUR : Pierre Donadieu est professeur émérite de sciences du paysage à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille. Ses recherches s’articulent autour de plusieurs thèmes : les théories et les démarches du projet de paysage, les politiques publiques de paysage, la géomédiation paysagère ou encore la diversification des métiers du paysage. Il est l’auteur de nombreux ouvrages tels que Campagnes urbaines (Paris : Actes Sud, 1998), Le paysage entre nature et culture écrit en collaboration avec Michel Périgord ou encore, toujours avec Michel Périgord mais aussi avec Régis Barraud, Le Paysage, entre natures et cultures (Paris : Armand Colin, 2012). GENRE : Essai RESUME : Ce livre est écrit de manière assez simple et fluide. Il s’adresse non pas au monde scientifique mais aux acteurs du paysage. On pourrait très bien imaginer qu’il soit lu par des élus ou des adjoints d’une commune. Il met ainsi en confrontation les politiques, la gouvernance, les citoyens, mettant en avant les désaccords. Il est beaucoup illustré par des exemples, rendant les faits très concrets et remettant en question chaque situation. Les différents avis sont légitimés montrant qu’en matière de paysage, il est difficile de décider des questions publiques. Pierre Donadieu, apporte ici une vraie réflexion sur les droits du paysage et la valeur que le paysage peut prendre de manière juridique. « Le bien commun réunit le matériel et l’immatériel

123


(les biens et les ressources) qui apportent des bienfaits (bien-être, bonheur, plaisir, liberté, solidarité, fierté, dignité, richesse, etc.) aux hommes. » Le bien commun doit prendre en compte les deux, la ressource et la valeur (la perception). Le but étant que le paysage devient dans les débats, un indicateur de qualité de vie. Le bien commun paysager suppose donc un terrain, une étendue territoriale mais aussi des gens qui partagent un intérêt, un sens collectif pour le lieu. On trouve une certaine pédagogie dans cet essai, Pierre Donadieu donne des conseils aux élus mais aussi aux habitants concernant leur rôle dans les paysages de leur commune. Le plateau de Malzéville est patrimonialisé par un acte juridique, son inscription au réseau Natura 2000 alors que la mise en bien commun est la prise de conscience des gens qui en ont un usage, une perception. Pierre Donadieu affirme que les deux processus peuvent s’appuyer l’un sur l’autre. Il interroge donc ici l’équilibre entre les décisions politiques et les usages quotidiens. Les conseils qu’ils donnent aux élus est en premier lieu de s’intéresser à leur commune et tout particulièrement aux paysages de leur commune mais aussi aux acteurs publics et privés à l’origine de ces paysages. Le bien commun est l’accord entre les décideurs et la collectivité. Cette lecture permet de comprendre la fragilité de la définition du bien commun paysager. La perception du paysage est en lui-même une ambivalence entre objectivité et subjectivité. Le bien commun, lui met en commun l’objectivité des décideurs ainsi que leur pragmatisme mais aussi la subjectivité des usagers de ces lieux.

EXTRAITS : P. 25 « Le bien commun paysager est un concept nouveau qui permet de décrire les relations entre l’espace matériel et les hommes qui le perçoivent, le produisent, y vivent et en vivent. Il désigne tout espace matériel perceptible qui est jugé (et parfois revendiqué) avec des valeurs morales autant qu’esthétique (beau / laid) ou esthétiques (plurisensorielles) dans une perspective collective et non seulement individuelle. Le bien commun paysager suppose d’une part un périmètre géographique territorial, par

124


exemple national, supra national, territorial ou local, d’autre part un groupe humain pour lequel les lieux ont un sens collectif. » P. 27 « Je définis le bien commun paysager comme la ressource perceptible (surtout visuelle) qui est digne de l’intérêt général (de tous et du plus grand nombre) et de l’intérêt particulier de celui ou de ceux qui en ont la propriété et/ou l’usage. La notion de paysage qui est requise est à la fois objective (ce qui est perçu) et subjective (les valeurs éthiques et esthétiques suscitées et associées par chacun). » P. 30 « Le bien commun paysager doit être perceptible c’est-à-dire visible, localisable et accessible physiquement. C’est alors un paysage - une portion de territoire telle qu’elle est perçue - au sens juridique de la Convention européenne du paysage de Florence. » P. 31 « Le bien commun paysager s’inscrit nécessairement dans l’espace matériel et dans le temps social, de manière continue périodique ou intermittente. D’aucuns pensent qu’il est insaisissable et fugace. D’autres ont recours à des « arrêts sur image ». C’est une vraie difficulté qui relativise et fragilise les approches objectives des paysages. » P. 211 « L’idée de paysage dans l’acceptation juridique de la Convention européenne du paysage de Florence apporte le point de vue du citoyen dans le débat public démocratique local territorialisé. Au-delà des logiques de la propriété privée et publique, le bien commun paysager se concrétise au carrefour de la légalité (le droit afférent aux ressources), de la légitimité (l’expression publique des opinions) et de l’éthique (les valeurs morales en jeu). Il n’entre pas vraiment dans une catégorie disciplinaire, même s’il est issu de l’économie et de la morale. »

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FICHE 2 : TITRE : Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun AUTEUR : Anne Sgard EDITEUR / EDITION : Développement durable et territoire, Vol. 1, n°2 DATE : Septembre 2010 AUTEUR : Anne Sgard est professeure associée à l’Université de Genève depuis 2010, elle exerce conjointement au Département de Géographie et à l’Institut Universitaire de Formation des Enseignants. Spécialiste du paysage et des politiques paysagères, ses travaux portent sur les liens entre paysage et territorialités ; ses travaux récents s’intéressent à la mobilisation du paysage dans les discours habitants, dans les politiques locales et dans les controverses environnementales. Elle a également travaillé sur l’histoire et l’épistémologie de la géographie notamment à propos de la montagne. Agrégée des Universités en France, elle a obtenu un doctorat en 1994 sur «Le paysage, de la représentation à l’identité. Les discours sur la montagne et le développement territorial. L’exemple du Vercors» à l’Institut de Géographie alpine de Grenoble (France) et a soutenu en 2011 une «Habilitation à diriger des recherches»: «Le Partage du paysage». Elle a été Maitre de Conférences à l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble et membre du laboratoire PacteTerritoires jusqu’en 2010. Elle a été directrice des publications de la Revue de Géographie Alpine de 2002 à 2010, et reste membre du Comité de rédaction et du Conseil d’administration. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Projets de paysage. (Source : Portail de la didactique du paysage, Université de Genève). GENRE : Article. RESUME : Dans ce texte, Anne Sgard, interroge les politiques publiques françaises vis-à-vis de la patrimonialisation et du bien commun du paysage. Elle remet au centre une question fondamentale, « à quoi sert le paysage ? », à qui sert le paysage ? Le terme patrimonialisation

126


est beaucoup utilisé par les politiques publiques pour justifier de leurs actions par rapport à des logiques de protections. Le bien commun est ici questionné ainsi que la légitimité par rapport à la place du paysage. L’intérêt de ce texte pour ce mémoire d’initiation à la recherche, sont les questions soulevées, partant du constat que deux termes sont souvent associés au paysage, le patrimoine et « plus récemment », le bien commun. Ce qui m’a particulièrement intéressé c’est la question de la patrimonialisation. En effet, elle remet en cause le fait que le paysage soit figé par les politiques publiques parfois incompatible avec la volonté d’évoluer, de se projeter. La notion de bien commun est ambiguë, est-ce que l’on parle de ressource commune (les biens communs), de bien public ou de l’intérêt général (le bien commun) ? Questionnant ainsi les valeurs sur lesquelles est fondé ce commun. Quelle est la légitimé de l’inscription du plateau au réseau Natura 2000 ? Pourquoi, pour qui mettre au cœur des débats la protection écologique ? Le problème fondamentale du bien commun est de réussir à concilier fréquentation, accès à tous mais en limitant l’impact de chacun. Les politiques se focalisent sur l’entretien, la protection, la mise en place de normes, créant des tensions, la question de l’accessibilité par tous est peu mise en avant. EXTRAITS : p.2 « C’est ce que défend aussi le courant de l’esthétique environnementale, qui plaide pour une prise en compte, au sein des politiques de développement durable, de la qualité sensible de notre environnement quotidien: « Lorsque l’environnement est disjoint de l’esthétique, il devient inintelligible. (…) La saisie esthétique contribue à l’habitabilité du monde » écrivent Jacques Lolive et Nathalie Blanc (2007, n.p.). » p.3 « Si cette demande de qualité paysagère au quotidien est difficile à saisir à l’échelle de l’individu, elle se manifeste de manière plus explicite et plus observable dans le cas de controverses où le paysage est explicitement posé au centre du débat, mis en mots par les divers acteurs en présence. » P.4 « Le paysage se trouve rapidement coincé dans cet étroit carcan du patrimoine, valorisé

127


dans une approche qui le fige comme décor immuable des traditions, des racines ou de la nature préservée. Dès lors, ce paysage patrimonialisé intègre difficilement les formes actuelles, évolutives et ordinaires du paysage, plus seulement rurales ou naturelles mais dorénavant urbaines, périurbaines, industrielles… qui demandent d’autres logiques de gestion, adaptées à de nouveaux modes de vie. Considérer le paysage comme un patrimoine et en faire l’objet même d’une politique de patrimonialisation suppose en effet de figer les composantes dans l’état actuel, voire tenter de reconstituer un état considéré comme « idéal ». » P.6 « L’enjeu est moins un conflit d’appropriation foncière et de gestion, qu’un conflit symbolique entre idéaux et valeurs. » P.6 « Quelles sont les valeurs qui fondent la gestion commune ? » P.10 « Cela nous conduit à poser la question de l’intérêt général : au nom de quel intérêt va-t-on gérer ce paysage, c’est-à-dire ériger des normes, imposer des règles d’accès et d’usage des lieux, voire envisager des sanctions ? » P. 10 « Mobiliser le paysage dans un projet politique en le qualifiant de bien commun, c’est en soi une revendication : revendication d’un paysage négocié, résultat de l’accord sur un devenir acceptable et accepté. La notion de bien commun trouve donc sa place dans des démarches, en particulier les démarches participatives, mettant l’accent sur la projection dans l’avenir, à travers des scenarii, des représentations collectivement construites du paysage de demain. » P.12 « En outre, le bien commun insiste sur la problématique de la responsabilité des « usagers » vis à vis du collectif : collectif des prédécesseurs, qui ont façonné le paysage tel qu’il est perçu aujourd’hui et auxquels nous sommes redevables, collectif des contemporains qui aspirent à partager ce bien « public », et collectif des autres absents : les générations futures. »

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Annexe 2 : EXPERIENCES DU TERRAIN TERRAIN 7 : 2 décembre 2017. Départ : 13h36 Retour : 16h47 Météo : grand ciel bleu, neige sur le sol. Froid et vent en haut du plateau. Marche et discussions libres.

TERRAIN 8 : 3 décembre 2017. Départ : 14h26 Retour : 16h51 Météo : ciel gris, froid et neige sur le sol. Marche et discussions libres.

TERRAIN 10 : 30 décembre 2017. Départ : 09h06 Retour : 12h07 Météo : vent pluie fine. Marche et discussion libre sur le plateau de Malzéville avec Daniel Denise.

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TERRAIN 1 : 30 octobre 2017. 30.10.2017 Départ : 13h57 Retour : 17h40 Météo : Ciel bleu, il fait bon. Marche, déambulation libre, redécouverte du plateau. Prise de note de tout ce qu’il se trouve sur le parcours.

TERRAIN 2 : 31 octobre 2017. Départ : 10h38 Retour : 12h24 Météo : Grand soleil, moins de vent que la veille. Les pointillés sur la carte : trajet en voiture. Marche, la route de contournement. Prise de note de tout ce qu’il se trouve sur le parcours.

TERRAIN 3 : 4 novembre 2017. Départ 10h47 Retour 12h13 Météo : Ciel nuageux, temps mitigé, quelques gouttes de pluie. Prises de vues.

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TERRAIN 4 : 4 novembre 2017. Départ 14h24 Retour 18h44 Météo : Il fait bon, le ciel est bleu. Marche avec un connaisseur du terrain. A la recherche de la source et découverte de lieux inconnus.

TERRAIN 5 : 5 novembre 2017. Départ : 7h23 Retour : 9h47 Météo : Il pleut. Marche et relevé des usages.

TERRAIN 6 : 18 novembre 2017. Départ : 10h32 Retour : 12h17 Ciel nuageux et gris, au loin ciel bleu. Prises de vues.

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TERRAIN 9 : 29 décembre 2017. Départ : 14h03 Retour : 18h45 Météo : ciel gris puis tempête de neige. Arpentage à une plus grande échelle. « Tournée » des plateaux de la métropole accompagnée de Daniel Denise. Arrêts à cinq endroits différents.

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Annexe 3 : RETRANSCRIPTION NARRATIVE DES VISITES DE TERRAIN Terrain 1 : 30.10.2017 Départ : 13h57 Retour : 17h40 Météo : Ciel bleu, il fait bon. Description : Je décide de prendre le sentier le plus proche de chez moi, qui me mènera le plus rapidement au plateau. Je pars de la rue de l’Eglise. C’est une rue à sens unique en descente. Le trafic y est régulier. Le trottoir d’un seul côté est étroit. Je l’emprunte pour accéder au sentier. Le chemin y est enherbé et mesure environ 1.20 m entre le mur d’une maison et la clôture de la parcelle de l’autre côté. Les jardins sont entretenus. J’entends : -

Les oiseaux ;

-

Une circulation lointaine ;

-

Mes pas sur le sol.

J’aperçois l’antenne. Je tourne à droite, les venelles continues. Les jardins sont toujours entretenus. Il y a des portillons fermés à l’entrée des parcelles des jardins. Des haies ou des grillages entourent les jardins. Je tourne à gauche. Les feuilles mortes ont remplacé le gazon et le gravier. Un panneau avec une pomme dessiné m’indique ce chemin. Les jardins continuent, c’est une succession d’arbres fruitiers (pommiers, poiriers, pruniers, noisetiers), et houx. Il y a un terrain avec des moutons et des poules. Les parcelles attenantes

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ont des potagers. J’entends : -

Le cri d’un coq.

Je tourne à gauche. Un grand jardin avec un potager et un verger. « Bonjour ». Un monsieur, la cinquantaine. La clôture s’écroulant rétrécit le chemin. Le soleil est dans mon dos (Sud-Est). Il y a des noyers. Je tourne à droite. Au milieu du chemin, plus loin, une stèle. J’entends : -

L’autoroute.

-

Des enfants qui crient.

-

Les oiseaux.

-

Le bruit d’un moteur. Je me demande si c’est un avion.

De chaque côté de la stèle 2 parcelles, une clôturée et l’autre ouverte. Il y a de plus en plus d’arbres, est-ce le début de la forêt ? Je tourne à gauche entre deux parcelles. Une impasse. Au bout, des barbelés me barrent la route. Je reviens sur mes pas. Je continue tout droit, allant dans la continuité du chemin par lequel je suis arrivée. La parcelle est dégagée sur ma droite, laissant place à une vue sur la vallée de Nancy et les coteaux du Haut-du-Lièvre. J’entends :

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-

Porte de cabanes de jardin qui s’ouvre ;

-

Une débroussailleuse ;

-

Des sons d’oiseaux, des buses ;

-

Le klaxon d’une voiture.

Je tourne à gauche. Panneau indicateur du grand Nancy. Les parcelles ne sont pas entretenues. Les arbres commencent à perdre leurs feuilles. J’entends : -

Le vrombissement continu de l’autoroute.

-

Un chien qui aboie.

Au détour d’un sentier, un chemin goudronné. Je continue sur le chemin qui me semble le plus direct pour monter au plateau. Je vois : Au loin, sur les coteaux, j’aperçois les anciennes structures qui servaient de montes charges. Les parcelles semblent peu occupées, il y a des clôtures mais semble n’y avoir aucun entretien. Le chemin s’est rétrécit, environ 30 cm. Je suis de nouveau proche des maisons. Les parcelles de jardin autour sont à nouveau entretenues. Des potagers sont plantés. Des cris d’enfants qui jouent se rapprochent. Début de la forêt. Des bouteilles plastiques, des poubelles jonchent le sol. « Je suis un porc je laisse ma merde partout. » J’entends des tirs de balles, 14 coups d’affilé. Le chemin s’élargit, j’arrive sur un grand champ. Je vois :

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-

Un avion dans le ciel ;

Je vois : -

A l’horizon, (un dégagement sur) la forêt du plateau ;

-

Des lampadaires ;

-

Une glissière.

Je croise deux hommes âgés qui marchent côte à côte, l’un à l’aide d’une canne et l’autre avec son parapluie. Je fais une pause sur la route de contournement au croisement avec la rue Chanoine Boulanger. Je suis face à la vallée. Je vois : -

Le plateau de Haye ;

-

L’autoroute de Metz ;

-

Vandoeuvre ?

-

La tour Thiers.

Je continue sur la rue Chanoine Boulanger. Derrière moi, une vue dégagée. Devant moi, une montée. C’est une rue bordée de maisons de part et d’autre. Ça monte ! J’arrive au club de tir. J’entends : -

Presque le silence.

-

Encore un peu d’autoroute.

-

Les oiseaux.

Arrivée sur la forêt communale de Malzéville. « La forêt est fragile, gardez là propre et accueillante.

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» Office Nationale des Forêts. Entrée dans la forêt à gauche de l’entrée du club de tir. La montée est très rude. Le sol est orangé par les feuilles. Il y a beaucoup de buttes. La forêt est vallonnée. J’entends : Les cris des enfants d’une famille qui se promène. Ils jouent et courent dans les buttes. Moi aussi je joue. Je cours à toute vitesse pour grimper plus facilement sur la butte en face. Je glisse. Je me retrouve dans une forêt. Je suis perdue. Je décide d’aller tout droit entre les troncs. Je découvre un chemin. Il y a des traces de roues de VTT. Je tombe ensuite sur un croisement. Je vois : -

Un vieil homme et un petit enfant ou son petit-fils ?

-

Un jeune couple qui se tient la main.

J’arrive au pied de l’antenne. C’est un parking. Je continue et arrive sur l’aérodrome. L’avion que j’entendais est au sol. Plusieurs voitures sont garées, ainsi qu’une caravane avec des gens à l’intérieur assis autour d’une table.

Dans le ciel : -

Un petit avion télécommandé.

-

Un planeur.

Il y a un fossé qui contourne entièrement le terrain d’aviation. Il fait environ 1.80 m de hauteur pour 1.20 m de largeur. A certains endroits, il est déformé, facilitant ainsi, l’accès d’un bord à l’autre. Sur le terrain d’aviation, je vois :

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-

Un homme sur le terrain d’aviation en train de faire ses besoins. ?

-

Un promeneur seul qui traverse le fossé.

-

Une femme et sa fille jouant avec 3 gros chiens.

Je peux apercevoir deux paysages sur le plateau, l’horizon dans la continuité de la pelouse (paysage sans fin, donne l’impression qu’on pourrait marcher sans s’arrêter et arriver nulle part) ou une couronne d’arbres, des pins noirs ou une forêt d’arbres, chênes, charmes, hêtres … ( ? ) A la lisière de la forêt, du côté de Malzéville, un enclos avec des dizaines de moutons et un âne. Ils s’éloignent lorsque des marcheurs s’approchent. Je croise : -

Un couple avec un bébé.

-

Un homme avec trois chiens.

-

Un couple.

Le soleil est caché par un nuage, ce qui donne un éclairage particulier et une ambiance étonnante. La partie où les pins noirs ont été arrachés, contraste avec la forêt de pins encore debout. Ceux-ci sont très foncés, presque noirs alors que la terre brûlée est aujourd’hui claire, la broussaille s’y installe, notamment de l’aubépine. Je croise : -

Deux femmes.

-

Un homme et son chien

Les éléments sont contrastés et disparates, par taches. Retour dans la forêt, je suis encore une fois perdue. Je découvre des vieux restes de murs cassés. Je passe sur l’ancienne voie de contournement, espace ouvert qui contraste avec la forêt.

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De grandes pâtures avec des chevaux s’ouvrent sur la vallée, laissant des vues sur le plateau de Haye qui se trouve en face. Un talus haut entre la forêt et la route. A un endroit un pont, qui permet de passer en dessous afin d’accéder à la forêt du plateau. Il y a une ribambelle de fils électriques. Je décide de rentrer. J’emprunte une rue qui est directement urbanisée.

Condensé : Cette première visite de terrain a été pour moi une redécouverte. C’était la première fois que j’allais m’y promener seule. J’y suis allée en début d’après-midi par les sentiers dont je connaissais l’entrée mais dans lesquelles j’avais peur de me perdre. C’est l’instinct qui m’a guidé, sans me poser trop de questions. J’ai donc commencé cette promenade dans les jardins des coteaux. Ils sont distribués par des petits sentiers. Certains jardins sont très bien entretenus, d’ailleurs, j’ai rencontré des personnes qui jardinaient. Plus on monte et s’éloigne de la ville, plus les jardins sont abandonnés, sans entretien, en friche. Ces sentiers m’ont conduit à la route de contournement. Un « No man’s land» qui créé une séparation sur les coteaux du plateau entre jardin et forêt. J’ai traversé cette route et suis arrivée dans la rue Chanoine Boulanger qui m’a mené au stand de tir. J’ai décidé ensuite de monter de manière la plus directe sur le plateau en empruntant un tout petit chemin le long du stand de tir. Chemin très pentu, il m’a semblé plus emprunté par les VTTiste en descente. Je suis arrivée dans une forêt très vallonnée, des enfants jouaient dans ses pentes. J’ai continué à monter tout droit. J’ai glissé, la pente étant trop forte. Je suis arrivée dans une forêt sans fin, je ne voyais que des arbres, à perte de vue. J’étais complètement perdue, je n’arrivais pas à me situer par rapport au plateau. J’ai accéléré le pas, cherchant à retrouver un chemin. Je suis arrivée sur une allée, au moins trois mètres de large. Il me fait penser à une forêt domaniale parcellisée. Par ce chemin je retrouve des repères, j’aperçois le pied de l’antenne. Je continue, pour arriver au niveau des bâtiments de l’aéroclub. Il y du monde, des voitures garées, un avion dans le ciel. En ce lundi en plein après-midi, je trouve qu’il y a une certaine

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effervescence. Sur le parking de l’aéroclub, des gens, à l’intérieur d’une vieille caravane, jouent aux cartes et boivent de la bière. Je trouve que cette situation ne va pas avec le lieu. Dans mes souvenirs, c’était vraiment très calme et il n’y avait jamais personne. Je continue la promenade. Je brave les interdits et passe le fossé qui mène sur la piste d’envol. Au même endroit une personne en sort. Je longe la piste car aujourd’hui, des ULM sont de sortie. Je croise à cet endroit d’autres personnes qui comme moi, se baladent sur cet espace défendu. Je me rends compte que je n’arrive pas à avoir de sentiments sur cet espace. C’est beau, c’est moche, je l’aime, je ne l’aime pas, je ne sais pas. C’est l’espace, la platitude et le sentiment d’être ailleurs qui me plaisent. C’est calme, je sens comme une protection des arbres qui font le pourtour du plateau. Caché du monde urbain ou le monde urbain caché. Il me donne la sensation d’être un lieu à part.

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Terrain 2 : 31.10.2017 10h31 Départ : 10h38 Retour : 12h24 Météo : Grand soleil, moins de vent que la veille. Description : Je me gare sur le parking devant la déchèterie qui est fermée. Départ à pied au début de la voie de contournement, fermée par des plots en béton et une glissière. J’entends : -

Un avion qui vol au-dessus du plateau.

-

L’autoroute de Metz.

Le linéaire s’organise de la manière suivante : La route, une-deux voies - Un talus enherbé - Une piste cyclable. Je vois : -

Un VTTiste dans la forêt, sur un petit chemin, en dessous de la déchèterie.

J’entends : -

Des corbeaux.

Je vois : -

Une vue sur la vallée de Nancy, le plateau de Vandoeuvre, le plateau de Haye.

Dans ce sens, des pâtures et des jardins se trouvent sur ma droite, côté vallée tandis que la forêt du plateau se trouve sur ma gauche. La route s’arrête, laissant place à des grillages et un trou qui est un bassin de rétention. Au croisement avec la rue Chanoine Boulanger, je vois deux hommes. J’observe un aménagement en brique rouge, avec de l’herbe dedans. Il y a aussi un conteneur à verre et un à papier. Je continue la promenade sur l’asphalte de la route abandonnée, la mousse

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l’envahie peu à peu. C’est très étrange et à la fois très agréable de marcher sur cette route abandonnée. Je vois : -

Un homme et un enfant apprenant à faire du vélo.

-

Un homme qui promène son chien.

-

Un couple.

-

Sur le talus, des marques, passage pour accéder à la forêt du plateau.

-

Un coureur.

-

Un deuxième bassin de rétention.

Le chemin change, l’asphalte est de moins bonne qualité, il est caillouteux. J’entends : -

Une tronçonneuse.

-

Un avion haut dans le ciel.

-

Des oiseaux.

Je passe à côté du dernier bassin de rétention (c’est le quatrième). J’arrive sur un petit îlot de maisons à gauche de la route. C’est la fin de la route de contournement. Elle s’arrête au niveau du parc de la Biétinée. Je vais dans ce parc. C’est agréable. Il y a de très grands arbres et un chemin sinueux qui passe dans la pelouse bien verte. J’entends : -

Des voitures proches ;

-

Des oiseaux ;

-

La tronçonneuse ;

-

Des avions, haut dans le ciel.

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Au bout, arrivée sur le nid, un petit lotissement de maison. Retour : Je fais demi-tour pour retourner à la voiture. Cette fois, le soleil est dans mon dos. Je me rends compte que dans un sens ou dans l’autre, j’ai tendance à regarder toujours vers la droite. La butte Sainte-Geneviève : J’ai ensuite repris la voiture pour aller sur la butte Sainte-Geneviève. La butte Sainte-Geneviève est une butte indépendante dans la continuité du plateau. Je suis passée par le pôle d’activité de la Porte Verte. Il y a beaucoup de voiture et d’enseignes. Tumultueux. On tourne autour de ronds-points. Je fais attention. Je tourne pour aller jusqu’à la butte Sainte-Geneviève. Il n’y a personne. J’empreinte une route de campagne, entourée de champs. J’arrive sur un chemin boisé. Je me gare près de la ferme Sainte-Geneviève aujourd’hui un restaurant. Je me dirige vers la butte, une barrière empêche les voitures d’y accéder. Je suis sur un chemin caillouteux qui se transforme petit à petit en une grande étendue d’herbe. Je me retrouve sur un petit plateau. Une étendue d’herbe entourée d’une couronne boisée. Au centre il y a quelques arbres, je reconnais l’aubépine et le frêne. C’est très calme. Cette grande étendue d’herbe donne envie de courir. J’entends : -

L’autoroute toujours.

-

Un avion haut dans le ciel.

-

Un oiseau, une buse.

Je vois dans la continuité boisée, l’antenne. J’empreinte ensuite le chemin qui se trouve en face derrière la ferme sainte Geneviève, qui est

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une partie du plateau de Malzéville. J’ai une vue sur la Porte Verte et sur plusieurs buttes qui se trouvent autour du plateau. Notamment la butte d’Amance.

Condensé : La route de contournement, le «No man’s land» des coteaux du plateau. C’est un terrain abandonné qui est utilisé par les promeneurs et les cyclistes. C’est un lieu insolite, car il est équipé pour accueillir des voitures pourtant il n’y en a aucune. L’asphalte noir est petit à petit recouvert de mousse. Cet espace, donne une sensation de liberté. Il donne la possibilité de déambuler là où normalement c’est interdit, car réservé aux véhicules à moteur. Ce lieu offre des vues sur la vallée et le plateau qui se trouve en face et donne une impression de terrasse, de lieu d’observation. Il me permet de voir la ville que j’ai l’habitude d’arpenter, d’une autre manière et apporte une autre compréhension de l’organisation urbaine. J’ai ensuite reprit la voiture et la D 322 qui m’a permis d’aller jusqu’à la butte Sainte-Geneviève. Cette voie serait la continuité du contournement en attente. J’ai pu ainsi, l’imaginer. L’ambiance a complètement changée entre ces deux routes, celle que j’ai parcourue à pied était très calme. Ici, il y a beaucoup de voitures, elles accélèrent et c’est la foire d’empoigne pour entrer sur les ronds-points. Le tumulte des voitures contraste avec la tranquille route empruntée à pied. La butte Sainte Geneviève est un plateau de Malzéville en taille réduite. Elle est entourée d’une couronne boisée. C’est un espace paisible. Je me suis sentie comme dans une miniature du plateau. J’ai ensuite emprunté le chemin stratégique. Ce chemin, en contrebas de la forêt du plateau de Malzéville, donne à voir les buttes avoisinantes. C’est très calme et paisible. Après la route de contournement très animée, cet espace contraste complètement. Je me sentais comme dans sur un petit chemin de campagne.

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Terrain 3 : 04.11.17 Départ 10h47 Retour 12h13 Ciel nuageux, temps mitigé, quelques gouttes de pluie. Je monte la rue Pasteur en voiture. Il y a vraiment de jolies maisons début du siècle. Je m’arrête devant la guinguette de la Biétinée. C’est un bon en arrière, comme si rien n’ avait changé avec le poids des années. Je continue la route, je passe dans un quartier résidentiel plutôt chic. J’empreinte ensuite une route boisée, le chemin stratégique. Je me gare sur le parking de l’aéroclub. Je décide de traverser le terrain d’aviation, d’aller au-delà de l’horizon. Je suis seule au milieu du terrain d’aviation sur cette grande étendue d’herbe. J’entends : une moto ou un quad. C’est une sensation très étrange de voir cet horizon, cette ligne droite imperturbable. Comme sur une planète désertique. C’est tellement grand que mon champ de vision ne voit pas le contexte. Je vois seulement cette ligne infinie. J’arrive au point où l’horizon de la pelouse disparaît. C’est un jeu, trouver le moment où l’horizon n’est plus visible des deux côtés. On la perd d’un côté mais on la retrouve de l’autre. Dualité de l’horizon. Je suis seule au milieu du terrain. Je m’allonge, c’est très agréable. Je me sens en sécurité, comme si rien ne pouvait m’arriver. Observation de la pelouse calcaire : de l’herbe à perte de vue, des champignons qui créaient des formes, des crottes de chiens, des corbeaux, des plots blancs.

Condensé : C’est irréel, on se sent comme sur une autre planète. On entend les bruits extérieurs mais cet espace si grand, dépourvu de tout, donne l’impression d’être déconnecté. Le contraste avec la ville est saisissant.

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Ce jour-là, je n’ai croisé personne alors que nous sommes samedi. Il y avait une légère pluie. Il n’y avait aucune voiture sur le parking de l’aéroclub.

Terrain 4 départ : 04.11.2017 Départ 14h24 Retour 18h44 Il fait bon, le ciel est bleu. Cette fois, je ne suis plus seule. Je pars affronter le plateau avec mon père. C’est en voiture que nous partons. Nous nous sommes arrêtés sur les bords de l’A32, afin de chercher la « source du plateau ». C’est donc directement dans la forêt que nous sommes entrés par le nord-ouest du plateau. Il y a en effet un petit ruisseau ainsi que sa source. Nous avons continué, arrivant sur un large champ, bordé de l’autre côté par une autre forêt. Nous l’avons traversé, un ULM volait au-dessus de nous, faisant beaucoup de bruits. Je suis montée sur un observatoire de comptage qui se trouvait sur un arbre à la lisière du champ. De l’autre côté, la forêt est effrayante, des ambiances de marécage et de films d’horreur. Des arbres sont recouverts de mousses vertes. J’étais comme dans un décor de film. On entendait des bruits de tambour, sûrement le stade Marcel Picot où un match se joue. Nous sommes ensuite arrivés sur le plateau, par le côté où le feu a endommagé une partie des pins. C’est aujourd’hui de la broussaille. Il reste quelques arbres, qui ont survécu mais qui montrent des traces de l’incendie, troncs et branches noircies. A ce moment-là de la promenade, nous avons fait une rencontre, Daniel Denise, photographe et auteur du livre «Horizon, le chemin le plus court entre le ciel et la terre». Il se définit comme amoureux du plateau et monomaniaque. Il a pris une photo à un endroit où les pins ont été arrachés. Nous continuons de marcher en silence. Je suis ces « deux amoureux du plateau ». Ils me montrent leurs endroits secrets, la petite forêt où il y a des anciennes installations militaires,

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là, où ils pouvaient jouer à la « guéguerre ». Petit à petit la nuit tombe. La ville est visible par endroit car illuminée. Daniel Denise, veut nous montrer le dernier abatage. Il fait nuit, nous marchons à la frontale. Je m’éloigne et éteins la lumière. Seule, je suis complètement désorientée. Nous avons rencontré des gens promenant leurs chiens dans le noir.

Terrain 5 : 05.11.2017 Départ : 7h23 Retour : 9h47 Météo : il pleut. Le départ se fait tôt, je voulais voir le plateau à un autre moment de la journée. Je passe par le chemin du Goulot. On y trouve des vignes, un rappel du passé des coteaux. Je traverse ensuite la route de contournement pour arriver sur un petit chemin qui me mène dans la forêt. Dans cette forêt je remarque de nombreux arbres marqués, par les chasseurs ou des coureurs. J’observe un endroit étonnant, des branches sont rangées les unes à côté des autres, de la plus grande à la plus petite. Il y a de la peinture sur des branches d’arbre. J’imagine les gens qui viennent ici avec leurs pots de peinture. Arrivée sur le plateau. La pluie tombe. Personne à l’horizon. Première fois que le plateau est aussi désert. C’est un sentiment agréable de se trouver dans cet espace si vaste.

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Terrain 6 : 18.11.2017 Départ : 10h32 Retour : 12h17 Météo : Ciel nuageux et gris, au loin ciel bleu. Le parking de l’aéro-club est presque vide. Seul un 4*4 noir Dacia y est garé. Je m’engage sur le terrain d’aviation. Je suis seule, je vois au loin un coureur qui longe le terrain réservé à l’aéro-club. Le vent est glacial, il vient du nord. J’entends les voitures de l’autoroute de Metz. C’est un bruit de fond incessant. Le paysage et le vent me laissent penser que je suis ailleurs, sur le Hohneck dans les Vosges. L’horizon, la topographie, la couronne d’arbres ne laissent pas la possibilité d’entrevoir le contexte. Laissant l’imaginaire n’importe où d’autre. Au loin j’entends des cris. Un enfant et son père se promènent, jouent à se courir après. Un coureur passe. Je fais mon premier relevé, sur les vues. Je choisi le point qui me semble le plus haut. Je traverse ensuite le fossé du terrain d’aviation. Je me retrouve sur un chemin, sur lequel il y a de larges traces de pneus. Je me poste sur ce chemin et fait mon deuxième relevé. J’entends des discussions et des éclats de rires. Un groupe de marcheurs arrivent, ils sont âgés et joyeux. Bien que les bruits soient confinés (comme en montagne), je les entends, ils parlent du plateau : « - C’est bien ici pour faire du cerf-volant ! - Ou de la montgolfière ! » « La dernière fois mon neveu m’a emmené faire du planeur, il n’arrêtait pas de me parler pour ne pas que je me vomisse dessus… » Ils sont six, les hommes marchent devant à l’aide d’une canne, les femmes sont derrière à se tenir bras dessus, bras dessous tout en discutant et rigolant. Ils sont suivis par un autre groupe de marcheurs, plus jeunes, équipés de bâtons, marchant à un rythme soutenu. On dirait un club de marche. Je fais mon deuxième relevé des vues. Je continue mon chemin en descendant à l’endroit où les pins ont été arrachés. L’herbe contraste avec celle du terrain d’aviation. Ici elle est haute, je suis des petits sentiers faits par les promeneurs dans ces broussailles. Il y a de jeunes plants d’aubépines qui m’arrachent les mollets avec leurs grandes aiguilles. Dans mon dos, le soleil me réchauffe. Je vise un endroit ensoleillé pour mon prochain relevé, sur le versant Nord. Ce troisième point me laisse une vue sur la zone commerciale de Frouard.

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Réflexions : Je m’interroge sur le paysage du plateau. Il est différent, c’est un paysage à part et étonnant, occultant les vues et ne donnant pas la possibilité de voir ce qu’il y a autour, donnant l’impression qu’on est nulle part. Les vues : la vallée, les villes et une succession de forêts. L’horizon, on pourrait être n’importe où ailleurs, enlevant tous les repères, on peut facilement se sentir perdu. C’est ça qui fait sa particularité et sa singularité mais en même temps, il n’est pas si singulier car il me rappelle d’autres lieux. Comme si nous étions sur un nuage, on ne voit pas ce qu’il y a en dessous. Il faut étudier le fait que ce paysage pourrait être situé n’importe où. Réfléchir à ce paysage-là. Il est la conséquence des usages. Si je ne me suis pas interrogée avant sur le paysage du plateau c’est sûrement parce que je le connaissais avant. J’y allais dans la même approche, parce que l’on parle beaucoup des usages et de ce qu’il s’y passe. Regarder à nouveau le plateau dans sa constitution physique, comme si je ne le connaissais pas. Exploration neuve, se détacher de ce que je sais. Regarder le paysage de manière physique, comment on y marche, comment est le sol. Pourquoi ? Problématique, conclusion du jour ? Pourquoi ce paysage-là fait qu’il y a ces usages. Il y a des conflits parce que l’on veut garder ce paysage tel quel ou on préfère qu’il évolue. Le contournement et les pins sont deux problématiques différentes.

Terrain 7 : 2 décembre 2017 Départ : 13h36 Retour : 16h47 Il fait bon, il y a un peu de soleil et un léger vent. Je décide d’emprunter le même chemin que la première fois. Je trouve que ce chemin reflète l’ascension du plateau. Ce sont les étapes qu’il faut franchir pour arriver sur le plat et le calme

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du plateau. Ce chemin reflète une partie de son histoire. La première étape, ce sont les sentiers et les parcelles privées qui se trouvent de part et d’autre. Le chemin est étroit, la végétation proche des grillages me frôle. Au départ de la promenade, nombreuses sont les parcelles où il y a des habitations en plus des jardins. Plus je monte, plus les parcelles ne sont que de simples jardins potagers, vergers. Certaines parcelles ont l’air abandonné. A un moment donné le chemin s’élargit et donne sur une grande étendue d’herbe ouverte sur la forêt du plateau. Entre les deux, il y a un petit hameau de maisons. Avant de traverser la route de contournement, je croise une dame promenant son chien et fredonnant, des écouteurs sur les oreilles, et deux cyclistes équipés, se disant qu’ils « allaient passer par la déchét’, le chemin qui était prévu». Le stand de tir, me fait sursauter. De manière discontinue, des tirs raisonnent. Ce sont des sons violents, forts, brefs. Les oiseaux s’envolent et crient. Cela donne une ambiance particulière au lieu et ne donne pas envie de rester. Je décide de continuer ma promenade comme prévue initialement, dans la forêt à gauche du stand de tir. Les tirs continuent, je m’arrête à plusieurs reprises. La montée dans la forêt est rude, le dénivelé est très fort. Je me retrouve juste au-dessus de la parcelle extérieure du stand de tir. Ils tirent à l’extérieur. Je les entends parler. Je me cache est marche de manière à faire le moins de bruit possible, je n’ai pas envie qu’ils me voient et pensent que je les observe. Les tirs me donnent de drôle de sensations, je ne me sens pas à l’aise dans cette forêt. A chaque coup, des frissons me traversent le dos. Pourtant, je trouve les couleurs et les reliefs magnifiques. La forêt est fortement vallonnée, comme un ancien terrain militaire. Les feuilles recouvrent le sol d’un tapis orange flamboyant. Je continue, je passe le stand de tir. Avant de franchir le plus haut relief qui me permet d’accéder à la forêt domaniale qui longe la pelouse calcaire, j’entends encore des voix qui viennent de ma gauche cette fois. J’aperçois à travers le feuillage, des jeunes gens qui ont l’air de chercher quelque chose, ils parlent fort. Je les observe de loin, ils font rouler une pierre. Ils se donnent des indications, « cherche pas là », « reviens », « c’est bon j’ai trouvé ». Je m’avance petit à petit. Là, je vois une batterie en plein milieu de la forêt. Je vais vers eux et leur pose quelques questions. C’est un groupe de musiciens qui se prépare pour tourner un clip.

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Je reprends la promenade. Je suis dans cette forêt vallonnée, je monte sur la plus grande butte. J’arrive dans la forêt où je m’étais sentie perdue la première fois où j’étais venue. Sensation étrange, on perd son orientation, il n’y a que des troncs et aucun repère. Pour beaucoup, se sont des chênes et des charmes. J’arrive ensuite sur les chemins des forêts domaniales. Les chemins sont larges, environ 3 mètres, ils séparent les forêts entre elles. Ca fait très forêt de château. Je m’arrête au croisement de plusieurs chemins. Je me dis que c’est un lieu stratégique pour arrêter des passants en leur demandant mon chemin et en profiter pour leur poser des questions. J’ai attendu plusieurs minutes, personne n’est passé. J’ai donc décidé de continuer. J’entends un avion téléguidé. Le chemin jusqu’à l’antenne est très scénique, comme un décor de film. La neige sur les arbres est ces percées dans la forêt. J’entends encore les tirs à balle. Arrivée à l’antenne, je décide de suivre une dame qui sort son chien de la voiture pour le promener. J’ai envie d’engager la conversation mais je ne me sens pas prête. Le vent est fort. Le plateau sous cette neige me fait penser à une parcelle agricole de terre battue sous la neige. Je suis toujours cette dame, je sens qu’elle se retourne souvent, elle doit se demander pourquoi je la suis. Je décide donc de changer de trajectoire. Je trouve ça difficile d’engager la conversation sur ce plateau. C’est tellement vaste, les gens me voient arriver. Ils ont le temps de me voir longtemps avant que je puisse les aborder. Je ne me sens pas à l’aise. Je décide d’emprunter le chemin principale, je vois de nombreuses personnes marcher, en famille, avec des chiens, sans chien, seul … Je laisse passer plusieurs personnes avant de me lancer. J’interroge une petite famille de trois personnes. Une femme, un homme et une jeune fille de 12 ans environ. et? J’ai aperçu au loin, 6 personnes se promenant ensemble et promenant 6 chiens.

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Un couple de vieux avec des bâtons. Trois jeunes. Je décide de continuer. Je vois à l’autre bout du plateau, l’homme qui fait de l’avion téléguidé. Les distances étant longues, je ne suis pas arrivée à temps, l’homme et l’avion étaient déjà partis. Il me semble qu’il vient souvent sur le plateau avec son avion, je pourrais donc l’interroger une prochaine fois. J’aperçois au loin, en plein centre de la piste de décollage deux personnes avec des paniers à la main qui ont l’air de chercher quelque chose au sol. Je m’approche, je sens qu’ils m’ont repérés, ils se retournent souvent. Une fois à leur niveau, je leur demande s’ils ont deux minutes. Je leur explique que je suis étudiante et que je fais un mémoire sur le plateau. Après ce dernier entretien, je suis rentrée par le même chemin qu’à l’allée.

TERRAIN 8 : 3 décembre 2017. Départ : 14h26 Retour : 16h51 Il y a encore un peu de neige. Il fait très froid. Je me suis garée, sur le parking de l’aéro-club, je suis venue en voiture aujourd’hui, avec Tom. Il avait besoin de s’aérer l’esprit, il m’a donc demandé s’il pouvait m’accompagner. Je souhaitais revenir sur le plateau pour voir s’il y avait des personnes de l’aéro-club. J’ai commencé par faire le tour des bâtiments. Je pensais qu’il y aurait peut-être de nouveau la personne qui faisait de l’aéromodélisme. Je suis retournée sur le parking pour aller chercher dans la voiture, une couverture car Tom n’avait pas prévu une température aussi fraîche sur le plateau. Sur le parking, j’ai vu une femme et un homme qui revenait d’une promenade. L’homme portait un gros sac de randonnée, avec accrochés dessus des bâtons en bois. Je décide de l’interroger. Ma dernière rencontre du week-end : Cédric Shikando, sur le parking de l’aéroclub.

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TERRAIN 9 : 29 décembre 2017. Départ : 14h03 Retour : 18h45 Météo : ciel gris puis tempête de neige. Rencontre avec Daniel Denise qui m’a proposé de faire une « tournée » des plateaux. C’est en voiture que nous nous sommes déplacés à ces différents endroits. Dans la voiture je lui ai posé quelques questions et notamment comment lui était venu son amour pour le plateau de Malzéville : « Un jour ça a été une révélation. Le plateau de Malzéville était devenue un ailleurs. C’est seulement à 3km5 de la Place Stanislas et pourtant, en cadrant le champ de vision tu es n’importe où. » Direction numéro 1 : Eulemont. Le plateau de Malzéville est classé Natura 2000. C’est un site répertorié et choisi. Nous le contournons par l’arrière. Nous arrivons sur le plateau d’Eulmont, c’est la même forêt. Les arbres sont les mêmes. Nous nous arrêtons devant un tas de cailloux calcaires. Les terres sont exploitées. Sur ces terres, le calcaire affleure. Les champs sont parsemés de cailloux. Direction numéro 2 : La Haute Lay Lay-Saint-Christophe, ici on parle aussi de pelouse calcaire. Il y a de l’activité humaine, l’agriculture empêche la forêt de pousser. La tempête de 99 a fait beaucoup de dégâts, il y a peu de très grands arbres, c’est principalement de la broussaille. Quand Daniel Denise était petit, il venait sur le plateau de Malzéville faire des pique-niques. L’après-midi son père faisait la sieste. Il a fait aussi beaucoup de cross, parfois il y avait même une quarantaine de personnes. Son premier travail sur le plateau, était de la photo qu’il qualifie de baroque. Il prenait en photo surtout le végétal. Cela étouffait l’image. Un jour de neige où le ciel était gris : « C’était vachement beau , l’horizon du plateau était saisissant. » Aujourd’hui, son travail n’a plus rien à voir Il est passé d’un extrême à l’autre.

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« Le problème de flore 54, c’est qu’il parle d’un problème qui n’existe plus ou pas. Il s’arrête sur l’orchidée. Mais partout il y a des évolutions. Maxéville, Malzéville, Haut du Lièvre, c’est pareil. Les plateaux sont les mêmes. » Daniel Denise. Direction numéro 3 : Le plateau de Maxéville. C’est un non endroit. Cette partie de ce plateau est une zone de stockage pour l’activité d’Eurovia. Ça fait peur, ce n’est pas un endroit. Des tas de bitumes noirs contrastent avec la pierre calcaire du plateau. Il y a des tas de gravats, de bitume arraché. Ca ressemble à un volcan. C’est noir. « J’ai honte de te montrer ça parce que c’est pas beau. Je connais cet endroit depuis 3 semaines. C’est triste car c’est un non endroit. » Daniel Denise. Nous sommes passés devant la salle des fêtes de Maxéville. La salle des fêtes des carrières. Il y a de gros blocs de trappes qui bloquent les accès le long des routes. « A un moment, on veut organiser des modèles puis ça devient de la merde. A Velaine, une forêt a été plantée à l’époque de Napoléon. » Daniel Denise. Ici les arbres sont des rescapés de la tempête de 1999. « Ici, tout a morflé, il en reste très peu. » La forêt a été détruite à 95 %. On remarque très peu de grands arbres. Direction numéro 4 : La pelouse calcaire de Chavigny. Nous sommes proches des falaises de Maron. 170 mètres de dénivelé. L’arrivée sur le plateau se fait de la même manière que sur le plateau de Malzéville, on monte. La configuration est la même que sur le plateau de Malzéville, on trouve des pins noirs et des taillis. Ici, la pelouse calcicole, n’est pas entretenue, elle disparait petit à petit laissant place à la forêt. Les taillis avancent et prennent le dessus. Cet espace est géré par le département. C’est un Espace Naturel Protégé. Ici c’est un entre deux, la pelouse est encore un peu là et les strates plus hautes se développent. « Est-ce qu’il faut regretter ? Pourquoi ce n’est pas ici qu’il faudrait revenir aux origines et garder la pelouse calcaire ? » Daniel Denise.

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Je remarque que la végétation est la même. Il y a des chênes et de l’aubépine. La pierre calcaire affleure. Cela confirme et me fait me rendre compte que le plateau de Malzéville fait partie d’un ensemble. Direction numéro 5 : Plateau Pont Saint Vincent. Pour accéder à ce plateau, même combat, ça monte. Ici, il y a aussi un aéroclub. Je remarque sous la neige, une terre cultivée. Il y a un haut talus qui empêche de voir une partie du plateau. Dans ce talus j’entrevoie une ouverture. Je m’avance et vois la roche qui affleure. Ici, le calcaire est encore exploité par les carrières de l’Est. Tout une partie du plateau n’est pas accessible à cause de cette activité. Il y a d’autres activités, notamment l’espace de stockage des artificiers de Nancy et l’espace de loisirs Fort Aventure. C’est un paysage lunaire, comme sur le plateau de Malzéville, sûrement accentué par la tempête de neige qui nous est tombée dessus. On retrouve aussi, le fossé qui délimite la piste d’envol. Le retour à Malzéville s’est fait dans la nuit et sous une tempête de neige. La descente pour retourner dans la cuvette nancéienne était vertigineuse et délicate.

« Flore 54, défend le fait de retrouver un paysage originel. Il faut donc s’en occuper. Tout est politique. Le paysage est soumis aux décisions politiques. Quel est l’intérêt de faire une pelouse calcicole à 3 km 400 de la place Stanislas ? Les personnes de l’aérodrome faisaient brûler du plastique dans un brasero. Sur un site Natura 2000,...! ils ne font pas attention à l’environnement. La piste d’envol de l’aérodrome profite à peu de monde, 400 personnes environ. 40 personnes vraiment assidus. La piste ne sert vraiment qu’à une centaine de personnes. Ramené à la proportion du nombre de gens qui marchent, qui font du vélo, qui promènent leur chien, c’est peu.

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Mon livre, c’est un travail sur le hors-champs. La piste du plateau est mise à distance du hors champs. Mon travail fait référence à quelque chose qui n’existe pas. Les moutons sont les seuls à être tolérés car ils participent à l’endroit.

On peut le dire, cet endroit est somptueux mais il y a toujours le bruit de l’autoroute. C’est aussi déceptif, (d’avoir enlevé les arbres et tous les conflits qu’il peut y avoir sur le plateau de Malzéville, on voit encore plus les lumières de la ville, quel est l’intérêt ? » Daniel Denise.

Durant mes premiers arpentages, j’ai été étonnée de la diversité d’utilisation possible du plateau. J’ai voulu capter à l’aide de la photographie, ce que l’on y faisait. Ce travail m’a permis dans un premier temps de me rendre compte que ce n’était pas seulement un lieu de balade et à quel point il était utilisé. Certaines photos montrent des installations proposées par la collectivité, indiquant ce qu’il est conventionel de faire, d’autres montrent l’appropriation. Cet échantillonage, n’est pas complet, il reste encore à capturer de nombreux autres pratiques et usages. Il serait aussi intéressant de hiérarchiser les usages, ceux attendus sur un lieu comme celui-ci et les autres. Chacun, de son point de vue peut avoir envie d’utiliser ce lieu de diverses manières. J’ai donc essayé ici, de capter ce qu’il s’y passe ou ce qu’il peut s’y passer.

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ANNEXE 4 : DISCUSSIONS Discussion avec un groupe de jeunes qui s’apprêtaient à tourner un clip : « -Je peux vous embêter 2 minutes ? -

Oui.

-

Vous allez faire de la musique ici ?

-

Non. On va juste tourner un clip.

-

Ah ok, c’est trop cool ! Et pourquoi vous le tournez dans cette forêt ?

-

Ouais c’est l’esprit de la chanson.

-

Sorry bark, écorce désolée en français.

-

Vous êtes un groupe de Nancy ?

-

En fait on est au lycée, on s’appelle Franck Flower, si t’as internet on a un facebook. Les

gars pas par là, pas par là !!! -

Je vais vous laisser …

-

Oui, désolé … »

Discussion avec une famille : Je leur explique que je suis en école de paysage et que j’écris un mémoire sur le plateau de Malzéville. Je leur demande deux minutes pour qu’il m’explique ce que signifie pour eux le plateau de Malzéville. Ils m’ont répondu que c’était « la nature en ville ». Je pense que cette réponse a été influencée par le fait que je suis une étudiante en paysage. Je leur ai demandé si c’était parce que c’était spécifiquement le plateau de Malzéville qui les faisait venir. Ils m’ont répondu que ce n’était pas forcément ça, que c’était juste le fait de venir dans un endroit au vert, prendre un bon bol d’air frais car en plus ils sont fumeurs. Ils m’expliquent qu’ils viennent souvent se promener en famille. La femme fait des randonnées l’été. L’homme adore prendre des clichés, la meilleure heure est entre 16h30 et 17h. « Là où le soleil est le mieux pour les

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photos ». Il veut d’ailleurs prendre en photo les traces, des faisceaux que l’on voit dans le ciel. Ils viennent de St Max et trouve ça magique de faire 200 mètres et d’être dans un espace aussi vaste, loin de toute l’agitation. Ils préfèrent venir ici au calme, plutôt que de subir cette période de cadeaux de Noël. Ils parlent de calme, d’espace, d’horizon. Il lui restait encore 399 photos à faire sur son appareil, la femme a dit en rigolant « Ohlala, bon on y va ».

Discussion avec un couple de retraités : C’est un couple de retraités, ils ramassent des champignons, des pieds bleus très exactement. Aujourd’hui c’est dur de les trouver car le sol est enneigé, ils sont cachés sous la neige. Ils me disent qu’il faudrait que j’aille à la mairie d’Essey-lès-Nancy pour consulter des livres sur le plateau. Notamment le livre de Bernard Schmel. Le grand-père du monsieur, était militaire sur le plateau pendant la première guerre mondiale. Ils ont toujours habités Essey-lès-Nancy. Lorsqu’ils étaient petits, le plateau était un lieu d’expédition, ils faisaient partis des cœurs vaillants et venaient avec le prêtre et le vicaire. Avant, il y avait même le tremplin, sur la route d’Agincourt, ils allaient y faire de la luge. Je leur demande si le paysage a changé, ils me disent non. Ils ont toujours connu l’aérodrome. Avant il y avait un terrain de moto cross, plus bas derrière les bâtiments de l’aéro-club. Il y avait des compétitions et un club, la moto sport nancéienne, interdit en 1991. Ils ont surtout vu, depuis la table d’orientation, le paysage changer et la ville qui s’agrandir avec les nouvelles constructions qui sont venues grignoter sur le plateau. Ils m’ont parlé aussi des pins, que cela avait un petit peu changé mais si ça devait être fait, c’est bien qu’ils l’aient fait. « Bon allez, on va pas moisir ici ! Ce n’est pas banal de se faire interviewer ici ! » Discussion avec Cédric Béguin, psychothérapeute : « Vous êtes dans mon cabinet. » Cédric est psychothérapeute. Depuis quelques années, il propose à ses patients de réaliser les séances de psychothérapie à l’extérieur. Les séances durent entre 1h30 et 3h. Sa deuxième pratique, c’est le Shikando. Il propose aussi des cours. Les cours se font aussi

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en extérieur, seul ou en groupe. C’est une pratique d’épanouissement psychocorporel. C’est un exercice de présence au corps. Il fait appel à plusieurs disciplines, c’est un dénominateur commun. C’est une discipline mixte et riche qui parcourt la danse et les arts martiaux tout autant que la relaxation et un peu de gym. Les séances durent entre 1h30 et 3h se réalisent sous la forme de stages et d’ateliers ou de pratiques hebdomadaires. « Pourquoi «déambulatoire»? - Pour le dire brièvement, la pensée est beaucoup plus mobile lorsque le corps l’est. - Les séances profitent aussi généralement de l’avantage de se réaliser en contact avec la nature. Ce point pourrait être développé en de nombreux avantages sous-jacents. - Pour un thérapie, qui propose souvent de changer le cadre, les habitudes néfastes, le point de vue, etc., afin d’être pleinement dans le présent, créatif, s’enfermer entre quatre murs peut être vu comme un non-sens. - De nombreux grands penseurs (philosophes, écrivains, scientifiques, artistes...) attestent du bienfait de la marche dans leur activité mentale. Les neurologues le confirment. - Marcher un peu chaque jour est bon pour la santé ; c’est une activité naturelle qui nous permet de renouer avec notre corps. - C’est agréable... » Extrait du site internet de Cédric, « Shikando, Thérapie par le mouvement », http://shikandobc.wixsite.com/site/psychologue--domicile. Consulté le 11.12.2017. Cette pratique permet de prendre conscience de son corps. Etat de pleine conscience mais en même temps, état méditatif. J’ai posé la question du plateau de Malzéville, pourquoi ici ? En premier lieu, c’est la proximité avec son cabinet qui se trouve à St Max. Ce qui est intéressant pour lui, c’est aussi -

Les variations d’ambiances, la forêt, la pelouse.

-

Les différences d’espaces qui permettent de choisir d’être soit au milieu des gens ou à

l’écart.

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-

La possibilité de faire une boucle. La boucle, c’est revenir au point initial alors qu’on a

avancé (psychologiquement). -

La marche active la pensée.

Avec ses patients, il part du parking qui se trouve devant l’aéroclub. Toujours au même endroit. Le plateau permet d’avancer, de s’ouvrir, de ne pas rester enfermé dans son problème. Les problèmes restent souvent enfermés dans le problème. Le psychothérapeute laisse parler les gens et de temps en temps acquiesce, pose une question « Ok, mais après ça, il y a quoi ? ». Et tout d’un coup, le lieu permet d’être surpris, de sortir de son problème, un chevreuil passe furtivement, un oiseau vole bas. Après un événement, on revient au problème et on se rend compte qu’il a moins d’importance. La nature permet l’ouverture. Ce serait dans un parc public, ou dans un cabinet ce ne serait pas pareil. Il n’a pas voulu que je l’écrive, pensant que c’était trop « perché » mais il a qualifié le plateau de Malzéville de» cosmos». Encore une fois, il m’a dit de ne pas écrire : un jour, il a rencontré une dame de l’ONF, qui lui a expliqué les travaux d’abatages effectués sur les pins. De voir l’empilement des pins morts, c’était pour lui un carnage, ça ressemblait à un ossuaire. Il n’était pas préparé, cela avait manqué de communication. Il aurait fallu agir de manière plus douce et réfléchi. Sélectionner certains arbres et avoir une vraie réflexion d’abatage. Ne pas seulement abattre pour abattre. Pour conclure, il m’a parlé de l’importance de la verticalité. Ici il y la verticalité de l’antenne (qui émet des ondes mais ça, il ne faut pas en parler.) Il y a surtout les arbres qui nous renvoient à notre propre verticalité. Inconsciemment, devant quelque chose de verticale, on se relève, le dos droit. J’ai beaucoup apprécié discuter avec ces gens. Je me rends compte que chaque personne qui monte sur le plateau a sa propre histoire par rapport à ce lieu. Ils sont bien plus, que de simples promeneurs, si ils sont là, ce n’est pas par hasard. Il m’a fallu du temps avant d’aborder les gens.

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Le lieu et l’échelle font que c’est encore plus intimidant. Les personnes me voient arriver de très loin, il faut parfois 500 mètres avant d’arriver à leur niveau. Pendant tout ce lapse de temps en face à face faut-il commencer à établir un premier contact visuel ou tourner le regard jusqu’au dernier moment ? Les quatre personnes interrogées ici, m’ont prouvé qu’elles avaient chacune leur manière de voir le plateau et de le pratiquer.

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Annexe 5 : ENTRETIENS J’ai réalisé des entretiens avec quatre personnes qui ont des positions différentes par rapport au plateau. -

Bertrand Kling, maire de Malzéville.

-

Charles Ancé, historien.

-

Antoine Arlot, membre de l’aéro-club.

-

Nathalie Warin, chargée de mission sur le plateau de Malzéville.

L’entretien avec Bertrand Kling a eu lieu le 3 janvier 2018. Bertrand Kling est maire de Malzéville depuis 2014 et Vice-président délégué à l’assainissement, aux eaux pluviales, à la prévention des inondations, et au suivi du Projet Urbain Partenarial Rives de Meurthe, de la métropole du Grand Nancy. Pour cette entrevue, j’avais imaginé un entretien semi-directif. J’ai préparé quelques questions mais je souhaitais que la discussion reste ouverte. Je voulais aborder l’échange selon trois grands points. Dans un premier temps, je souhaitais lui poser des questions par rapport à son appréciation personnelle du plateau. -

Quelle est votre relation au plateau ?

-

Est-ce que vous le fréquentez ?

-

Un souvenir ?

-

Votre endroit préféré sur le plateau ?

Dans un deuxième temps, ses missions en tant que maire de Malzéville. -

Quelle est la fonction d’un maire face à un espace comme celui-ci ?

Pour finir avec des questionnements sur le classement Natura 2000, la volonté de protéger l’environnement et les nombreux usages que l’on peut rencontrer sur le plateau.

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-

Y a-t-il une cohabitation possible ?

-

Qui est le plus légitime ?

-

Que peut-on espérer ici plus qu’ailleurs ?

« Bertrand Kling : - Mes parents étaient Malzévillois donc je connais le plateau depuis toujours. Pour moi c’est un espace de promenade, de balade, peut-être un peu moins ces derniers mois ou ces dernières années mais je l’ai arpenté de façon … A vélo, à pied. (…) Si tu veux, moi, ce qui m’a toujours plu, c’est le côté très sauvage du lieu. A toute les saisons il est intéressant, mais moi y a des endroits qui m’ont vraiment, complètement transporté, notamment quand l’herbe est haute. Moi qui aime l’Afrique, j’ai l’impression d’être dans la savane. Il y a un prêtre Malzévillois qui est un petit peu connu qui s’appelle Jean Ploussard, (…) ce monsieur était prêtre missionnaire dans les années 50. Il a écrit un bouquin qui s’appelle Carnet de route. Lui il a eu envie d’être missionnaire en Afrique en allant au plateau de Malzéville. Il fantasmait, il pensait croiser des animaux sauvages. Cette envie d’ailleurs, elle lui a été donnée grâce au plateau de Malzéville. C’est marrant parce que moi, j’ai toujours trouvé que c’était un lieu qui transportait et quand nos enfants étaient plus petits, combien de fois le dimanche après-midi on allait làhaut à arpenter dans tous les sens, aller chercher parfois des fossiles. C’est une espèce de mine incroyable, de paysages divers, de lumière aussi. Quand on est là-haut, on a l’impression d’être au-dessus de tout. Et le fait qu’on distingue à certains endroits, la tour panoramique de Maxéville, on ne voit que le haut de la tour. Ça c’est intéressant. La vue a été redégagée du côté de LaySaint-Christophe et par moments, on devine la ville mais on ne la voit pas. On est à vol d’oiseau à quelques minutes de la place Stanislas et en même temps on est complètement ailleurs. Moi j’étais attiré par ce côté-là. Après, pour nous, c’est ce qui fait partie du patrimoine de la ville, je vais le dire mais ça peut surprendre, au même titre que la Douëra. Pour nous c’est un patrimoine paysager. Le fait qu’on le partage avec d’autres communes, c’est surprenant, parce que dans la gestion, c’est pas toujours simple, (…) il faut toujours mettre tout le monde d’accord pour engager un certain nombre de travaux, c’est jamais facile mais ça n’a jamais empêché en tout cas, tout le monde partage la même vision. Tout le monde a une vision protectrice, en sachant que ce n’est pas simple non plus, parce que… entre le moment où l’armée, dans les années 70,

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l’armée est de moins en moins présente. Après t’as eu toute une période, les moto-cross etc. Les gens montaient au plateau en voiture, les gens faisaient du rodéo là-dedans. Il y avait des moto-cross sauvage, on entendait les moteurs qui ronronnaient là-dedans tout le week-end et on voit aujourd’hui que ce n’est pas forcément expliqué aux gens que c’est classé Natura 2000, ce qui permet de préserver la pelouse calcaire qui est très fragile et il ne fait pas venir avec des engins motorisés etc. Il faudrait que ce soit vite compris par les usagers or, on se rend compte que c’est un travail de… c’est un peu désespérant… (…) Nous avons deux fois par an, une réunion tous ensemble concernant la sécurité, avec le préfet. Je l’ai interpellé car je voulais qu’on ait une réunion spécifique sur le plateau parce que le problème c’est que, Dommartemont, Saint-Max et Malzéville, c’est la métropole. La métropole, les zones urbaines, c’est des zones police. LaySaint-Christophe, Agincourt, Eulmont c’est des zones gendarmerie. On l’a vu quand il y a eu le feu incendie, l’incendie s’est déroulé sur le site de Lay-Saint-Christophe donc c’est la gendarmerie qui est intervenue. Mais si demain par exemple, il y a des opérations de police conjointe au lycée gendarmerie, pour faire de la surveillance, (..) et donc le préfet m’a donné son accord, il y aura des opérations coup de poing. (…) Alors le problème c’est que, ils ne peuvent pas monter en voiture parce que c’est interdit, ce qui veut dire que c’est un déploiement un peu compliqué…. (…) On a tous envie de préserver le plateau, donc on cherche des solutions, nous on a bien compris, on est très sensible sur la question mais que les gens qui sont toujours monté en moto, ne comprennent pas pourquoi on a pas le droit de monter en moto, parce que pour eux, c’est un espace de liberté et d’ailleurs c’est assez intéressant, mais les gens pensent même que c’est une zone qui n’appartient à personne. Un espace public sans propriétaire. (…) Alors que non, il y a des propriétaires, il y a surtout des règles parce qu’il y a un classement. Il y a eu déjà des opérations de l’ONCFS (police de l’environnement et de la chasse), les gens ne comprennent pas et je pense qu’ils sont plutôt de bonne foi. Ils disaient avoir arrêté des gens qui ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas monter sur le plateau. Donc voilà, il y a tout ça mais en tout cas, il y a une vraie volonté des maires, on est usager de manière différente, par exemple, le maire d’Agincourt lui, je crois qu’il est chasseur sur sa partie d’Agincourt mais en même temps, il est dans un esprit plutôt de préservation, de protection. Ensuite eux, ils voudraient exploiter la forêt, sur le versant, on est plus sur le plateau. On est tous à des degrés divers. (…) Il n’y en a pas

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un d’entre nous qui dirait, vous êtes sûr qu’il faut engager de l’argent pour faire de la pédagogie, expliquer ce que c’est… Léa Colombain : - Quel est le devenir d’un lieu comme ça ? Comment on fait ? Bertrand Kling : - Nous on pense... enfin moi je pense, qu’il faut un comité de pilotage présidé par le Grand Nancy, les copropriétaires du plateau. Je pense qu’il faudrait créer un syndicat mixte, qui soit un organe décisionnel, chacun rentre et participe. C’est pour ça aussi qu’en 2015, l’abattage des arbres il s’est fait un peu rapidement, on risquait de perdre le label Natura 2000. Une fois que tu mets tout le monde autour de la table et qu’ils ont commencé à discuter parce qu’il faut payer. Alors, on demande mais vous êtes sûr qu’il faut faire comme ça… Alors t’as une réunion au mois de janvier puis t’en a une autre au mois de février puis après t’en a une autre en avril. T’as les arbres qui continuent à pousser et là t’as Natura 2000 qui te dit que c’est une urgence. Je pense qu’il faut un organe décisionnel pour pouvoir faire de l’entretien. A Malzéville il y a encore une partie à couper, on va faire du sur mesure, on ne va pas couper tous les arbres, parce qu’il y en a qui méritent d’être conservés. Donc ça c’est des travaux qu’il faut faire. Ensuite, il faut surveiller… J’ai demandé au péfet d’organiser quelque chose. Après il faut faire de la pédagogie. Expliquer ce qu’est une pelouse calcaire, pourquoi on préserve. Il y a des panneaux d’information en préparation, ils sont à mettre à différents endroits. Parce que demain ça restera dans tous les cas un espace protégé, il y aura du loisir mais du loisir doux. Léa Colombain :- Qu’est-ce que c’est du loisir doux ? Qu’est-ce que c’est ? C’est de la promenade pédagogique. Il y a pleins de petites idées qui ont germées. Ils y en a qui ont proposé de l’accrobranche. En théorie pourquoi pas. Est-ce que c’est pertinent qu’un projet privé vienne là-haut ? Ça veut dire faire monter des voitures. On voit bien, les espaces réservés aux voitures ce n’est pas toujours simple. Moi je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Pour moi, le principale c’est la préservation mais il faudrait que les gens quand ils s’y promènent, ils sachent par exemple, pourquoi la pelouse devant eux est … Qu’est-ce qu’on y trouve, les fameuses orchidées, à quoi elles ressemblent ? Il y a toute une faune aussi, vraiment de petits reptiles. Je pense qu’il y a de l’information à faire. Je vois plutôt une préservation et une information vraiment pédagogique. (…) Ce qui serait vraiment souhaité c’est qu’il soit mieux

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connu, et les raisons pour lesquelles c’est un espace de liberté, c’est super de venir faire du cerfvolant, moi aussi je l’ai fait mais voilà. Pourquoi il est comme ça ? Pourquoi on coupe ? Pourquoi on préserve aussi l’aérodrome, je pense que l’aérodrome, historiquement, il est là depuis 1909, je n’imagine pas qu’on supprime quoi que ce soit. Léa Colombain :- Pourquoi on ne pourrait pas imaginer ça ? Bertrand Kling : - Fermer l’aérodrome ? Léa Colombain :- Je ne sais pas si c’est fermer mais quand on parle de préservation, j’imagine que les avions qui roulent sur la pelouse l’abîment aussi. C’est quand même un certain poids et c’est plus lourd qu’un pas. Bertrand Kling : - Oui bien sûr. Alors c’est assez étonnant parce que les pistes, tout ça c’est assez surveillé et finalement, ça … C’est d’ailleurs ce que nous reprochent certains qui souhaitent rouler en voiture ou venir en moto sur le plateau, c’est parce que les avions ils n’abîment pas forcément énormément le… Comment dire ? La pelouse. Alors, c’est l’histoire j’ai envie de dire. C’est aussi l’histoire du plateau. La présence militaire a empêché l’urbanisation. Je pense que la présence de l’aéro-club y a contribué aussi. Puisque ‘une fois l’armée partie, c’est devenue une aviation civile, de loisirs, je pense que ça y a contribué, ça c’est sûr. Léa Colombain :- L’histoire peut évoluer aussi. C’est quand même fermer un espace à toute une population, un espace qui est réservé à une centaine de personnes. Bertrand Kling : - Oui parce qu’en plus c’est interdit d’y marcher, il y a les panneaux d’interdiction, c’est interdit d’y circuler. C’est juste. (…) Après je ne suis pas pour qu’on arrête l’aérodrome, ce n’est pas ça que je veux dire. Je pense que l’aérodrome y a sa place. C’est aussi un témoin de l’histoire. Les pistes ce sont des pistes historiques. (…) ». 32’

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Charles Ancé, historien : L’entretien avec Charles Ancé, a eu lieu le 4 janvier 2018, il a durée 40 minutes. Charles Ancé, raconteurs de légendes de la lorraine et animateur pour une radio locale. « (En me montrant une photo). Au bout du plateau de Malzéville c’est Guillaume II qui observe les manœuvres. T’as cet aspect-là, c’est l’aspect militaire. Tu as aussi le terrain d’aviation. Il y a un autre truc qui me tient à cœur, ça je te l’offre, c’est un roman sur les légendes urbaines, c’est le transporteur aérien. C’est un truc … Tu vois c’était des bennes qui étaient destiné pour faire les transformations chimiques dans les usines Solvay. Parce que pour faire la soude, qui a fait la fortune de Solvay, il faut du calcaire. Tu vois tu l’as ici, sur le plateau de Maxéville là et du sel, le sel tu l’as à Dombasle. Elles ont fait les trajets pendant 60 ans. Il fallait qu’elles passent audessus du plateau. (…) Ca n’arrêtait pas, c’était nuit et jour. Ce qui a fait que ça s’est arrêté c’est que ça passait au-dessus de zones habités. Quand ça a été fait dans les années 1920, il n’y avait pas d’habitation. Là c’est l’autre descente du plateau de Malzéville, ça s’appelle la Vallée de la Roanne. Tu vois toute les bennes qui montaient sur le plateau pour redescendre de l’autre côté. (…) Si tu veux, c’est un lieu de légendes. (…) Dans les légendes urbaines, on racontait qu’il y avait un soldat allemand qui était coincé dans une benne pour une histoire de femme. Alors c’est pour ça que je raconte l’histoire, comment un mec peut se retrouver coincer dans une benne à cause d’une femme. Le mur cyclopéen, j’y suis allée une fois mais je sais plus où il est. Léa :- Avant les militaires, il y avait d’autres occupations sur le plateau ? Non, si tu veux, le problème c’est qu’en haut du plateau, il n’y a pas de source. Il faut creuser très profond pour trouver de l’eau. Pour habiter là, il faut trouver des puits. Donc les habitations étaient plutôt sur les pentes. Il faut bien comprendre que Nancy est dans une cuvette, le côté Maxéville était plus privilégié dû à l’orientation. Lieu d’histoire, de légende, d’industrie. (…) Mon histoire à moi, par rapport au plateau de Malzéville ? Oui j’en ai une, j’étais éducateur à Saint-Max, c’était un de mes premiers travaux, donc on montait les mercredis quand on devait s’occuper des gosses, on les montait au plateau de Malzéville, alors bon, en suivant divers chemin, pas forcément par la route. Ca a toujours été un lieu de promenade des nancéiens. Quel

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souvenir je peux avoir ? Bah, il y a aussi les auberges. Si tu veux, aujourd’hui ça n’a rien à voir avec avant, il y avait des auberges sur toute la montée du plateau, il y avait des bistrots. Il reste deux auberges, alors il y en a une qui est devenue un genre de dancing et puis t’en a une qui s’appelait, la ferme Sainte Geneviève. C’est des vestiges de cette époque-là. (…) Les militaires ils paradaient à cette époque-là, alors il y avait des moments où ils faisaient des manœuvre et où c’était interdit au public, mais sinon c’était l’attraction de monter au plateau de Malzéville pour voir les manœuvres militaires. L’armée, ce n’était pas rien, c’est l’affaire Dreyfus, on ne pouvait pas critiquer l’armée. C’était un devoir d’aller regarder les militaires parader sur le plateau. La frontière avec l’Allemagne était à 15 km de Nancy, séparé par le plateau. (…) C’était le premier aéroport de Nancy mais c’était des avions assez léger qui partaient de là pour aller bombarder les allemands. Les avions devenaient de plus en plus gros, donc il fallait de plus grande pistes donc on a fait un autre terrain d’aviation à Essey. (…) Sur le plateau de Malzéville, c’est des activités ponctuelles. Il n’y a jamais eu d’habitation, peut-être au temps du mur cyclopéen mais il n’y a jamais eu d’habitation pérenne. Aujourd’hui j’y vais à vélo, pour les cycliste, c’est une montée sévère. C’est étudier pour les balades. Depuis la Meurthe t’as une piste cyclable, tu peux bifurquer sur Lay-Saint-Christophe et puis aller sur les hauteurs du plateau. Il y a aussi un truc important, c’est la transhumance, c’est une fois par an, c’est plus folklorique, t’as plus d’amateurs que de moutons. Ca rappelle le temps où tu avais des moutons, ça servait de pâture. (…) Sur le plateau, le paysage n’a pas changé parce qu’il n’y a rien. Ce qui a changé, c’est le paysage urbain. (…) Un souvenir que j’ai, c’est dans les années 70-80, il y avait un mouvement antimilitariste soutenu parce que il y avait des militaires qui voulaient occuper le plateau du Larzac donc il y a beaucoup de jeunes antimilitariste, comme moi qui se sont souvenu que le plateau était toujours une propriété militaire donc on avait fait chier les militaires et tout et la réaction des militaires avaient été assez adroite, ils avaient fait une campagne « J’aime le plateau, je le nettoie.» Les gens allaient pique-niquer sur le plateau et laissaient des tas de saloperies. Les militaires ont mis la main sur ce truc-là, c’est notre propriété, rendez la propre. On pique-niquait avec les enfants. T’as une vue agréable. Là où on allait c’était la sapinière et là où on avait une vue sur la vallée de la Roanne. En plus autour du plateau, il y a de jolis villages. Ce plateau est pas isolé, il fait partie d’une ceinture,

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le grand couronné. Aujourd’hui le plateau ce n’est plus un lieu stratégique, ni un lieu industriel donc c’est … ça sert surtout de relais de télévision. Personnellement moi je suis pour qu’on n’y touche pas. Ce n’est pas la peine de faire des aménagements pour détruire quelque chose. C’est bien qu’on y aille par des chemins. On pourrait faire des panneaux qui expliquent mais est-ce que les gens prendraient la peine de faire le parcours que l’on faisant. C’est d’autre mentalité quoi. ». 22’ Cet entretien m’a permis de me transporter dans les différentes époques qu’a connues le plateau. De l’occupation militaire, à l’aviation civile, en passant par les défilés, l’industrie, les motos cross… Le plateau semble ne jamais avoir changé pourtant, les ambiances devaient être différentes en fonction des occupations. Dans les années 70, le plateau c’était un espace de liberté, il y avait des grandes courses de moto cross, les jeunes venaient faire des fêtes, c’était un espace loin de la ville où l’on venait s’amuser.

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Antoine Arlot, membre de l’aéro-club et vélivole (pratique du planeur) : L’entretien avec Antoine Arlot, a eu lieu le 6 janvier 2018, il a durée 30 minutes. Antoine Arlot est musicien dans la vraie vie et a débuté le planeur dans cet aéroclub en 2013. « Antoine Arlot : - (…) Le terrain est tondu par les moutons. J’en parle et en même temps je ne suis pas très impliqué dans les relations qu’on a avec l’environnement. Finalement, je me rends compte qu’en fait je le consomme et pourtant je l’aime bien. Une personne entre : (…) Antoine Arlot : - Toi tu le connais le gars des moutons ? (En s’adressant à la personne qui vient de rentrer.) T’as déjà discuté avec lui toi ? Je m’approche à cinq mètres de lui, après il y a les chiens qui mordent… (Rire.) Alors on a aussi un tracteur, c’est-à-dire que les piste il faut qu’elles soient quand même assez rases… Il ne faut pas qu’il y ait d’herbe trop haute. (…) L’autre personne part. Antoine Arlot :- On en était où ? Léa :- Sur ta consommation du plateau … Antoine Arlot :- Oui bah voilà ! Je me rends compte que je suis un consommateur en fait … Mais, alors est-ce que je l’aime ce plateau ? Quand j’ai vu les images de Daniel Denis par exemple, j’ai retrouvé les atmosphères tu vois… Mais de façon biologique, nan, j’ai peu de rapport. Léa :- Mais quand on vient faire du planeur ici, qu’est-ce qu’on recherche ? * Antoine Arlot :- En fait tu veux faire du planeur…. Tu découvres où tu peux en faire, tu découvres le terrain, c’est un lieu magnifique parce qu’il est absolument adapté au planeur. T’as un énorme dégagement puis en fait, t’as trois pistes mais tu peux te poser n’importe où. T’as l’impression d’être un enfant gâté tout de même parce que tout ce terrain est un terrain de jeu. Après, il y a une histoire donc, tu t’inscrits pas non plus comme un sauvage dans un truc, tu sais que les gens sont là depuis longtemps, il y a des gens qui connaissent très bien le plateau, il y a des amoureux du plateau. (…) Après moi, de façon totalement marginale et peut-être … pas indifférente mais peut-être … bon un petit peu quand même je crois qu’il est quand même en train de naître un sentiment de protection par rapport à ça. C’est toujours chiant de voir les motos faire du moto

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cross dedans … C’est quand même un endroit qui appelle d’une certaine façon au calme quoi, et tu vois à apprécier ce qui est naturel. J’allais dire, c’est quand même un endroit qu’on provoque au respect de l’endroit. Tous les endroits sont pas comme ça, je pense que…. je ne sais pas… Je me sens assez dépourvu car je me rends compte que j’ai pas vraiment de rapport autre enfin …si affectif ou écologique que ça finalement … C’est plus général, ce n’est pas lié à ce plateau. Après, ce plateau, c’est un endroit où ces choses-là sont préservées et qu’ elles deviennent importante et qu’elles sont détruites. Regarde c’est aussi un plateau accueillant, tu vois toutes les tables qui ont été installées là-bas, tu sens que c’est un compromis quand même qui est fait entre la préservation de la nature, et aussi le plaisir de pouvoir accueillir du monde. Tu le connais en été ? T’as toujours plein de monde. On sent que les gens viennent s’isoler un peu et du coup, on se sent bien, oui. (…) Quand tu décolles, tu réduis tout à l’état de nature. Ici, ils te diront on vole comme des oiseaux. Ce qu’il se passe c’est que tout d’un coup, tu agrandis ton regard quoi. Chacun ici vient voler différemment. Moi j’ai une façon de voler qui est purement poétique, je vais passer des heures dans les nuages, juste au-dessus, pour le bonheur d’avoir ce sentiment de voler dans un milieu qui est privilégié, qui est unique et qui t’enveloppe. Là t’as de compétiteurs, qui sont plutôt: «la nature c’est un outil», tu vois, ils cherchent les ascendances pour aller le plus loin possible. T’en as d’autres ce sont des promeneurs ils vont visiter les Vosges, ici c’est un point de départ on va dire. T’en as d’autres qui font de la voltige et voilà, c’est le sport quoi. Moi, je suis un peu particulier dans cette histoire-là, c’est juste être en l’air, c’est un moment tellement merveilleux que … Tout ça, ça n’a rien à voir avec le plateau, disons que ça colore quand même, ça lui donne une certaine senteur. J’arrive ici, c’est le plaisir de retrouver ça. C’est un endroit que tu connais de mieux en mieux, forcément t’as une complicité et forcément tu penses que cette complicité là et cette connaissance-là qui t’est particulière, elle va te faire naître un sentiment de vouloir protéger tout cet endroit-là. Quand tu voles, le plateau c’est ton lieu de départ et ton lieu d’arrivée, donc, le plateau, tu l’as toujours en tête. Même si tu ne veux pas penser au plateau, t’es obligé de penser au plateau. En planeur, de revenir à l’endroit d’où tu es parti, c’est essentiel. (…) Pour moi, c’est un cordon, c’est une attache, comme si t’étais relié à un cordon ombilical, sur le plateau. Alors c’est une vision très personnelle… » 12’’

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Cet entretien m’a permis de m’immiscer dans les locaux de l’aéro-club. L’ambiance était un petit peu électrique le jour-là car il y avait une réunion concernant un problème avec l’association. Antoine avait l’air pressé mais il a pris le temps de discuter avec moi, j’ai ensuite parlé avec un autre membre du club, Gérard, un ancien qui avait l’air plutôt agacé. J’ai pu constater, dans un premier temps, que c’était un monde d’hommes. Antoine Arlot m’a fait part de ses sensations là-haut et de son intérêt pour le planeur. Le plateau n’a que peu d’importance pour lui, c’est simplement son lieu de départ et d’arrivée. Le plateau est idéal pour lui car il y a la place nécessaire pour décoller et atterrir. Mise à part ça, il ne le connait pas. Quand il est là-haut il observe les nuages, il profite du fait qu’il soit en l’air. A 400 m du sol, les échelles sont autres, le plateau est encore moins important. La discussion avec Gérard n’a pas vraiment été constructive, il m’a parlé de l’histoire. J’ai essayé de l’orienter sur ses pratiques personnelles du plateau, ce qu’il ressentait mais rien. Je lui ai posé la question de l’abattage des pins, si ça l’avait touché, il m’a dit que ça n’avait pas impacté l’aéro-club et qu’il ne portait aucun intérêt aux « écolos ». Cet entretien m’a permis de constater qu’on peut venir sur le plateau sans le contempler, par pure « consommation ».

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Entretien avec Nathalie Warin L’entretien avec Bertrand Kling a eu lieu le 2 février 2018. « Dans la liste, je ne sais pas si je peux vous suggérer d’autres contacts pour avoir vraiment un panel de… Je vais tous vous les lister et je vous les enverrai par mail. Je cherche un petit peu ce qui pourrait nous poser problème, enfin des problèmes… Selon l’usage, on peut créer des conflits ou des … choses comme ça. Les chasseurs… L’ONF vous les avez rencontré ou pas ? Après ça sera des gens, comme vous avez fait, par hasard, vous voyez, le sport, les chasseurs, l’aéroclub, le lycée agricole. Et du coup vous vous chargez du dossier Natura 2000. Oui, Natura 2000 ENS sur le site donc euh… En charge de l’animation … Vous vous rappelez de la procédure ou pas ? C’est-à-dire quand il y a un classement Natura 2000, c’est une procédure européenne qui est ensuite au niveau du préfet et le préfet une fois le classement réalisé, confie la gestion du site à une collectivité qui le souhaite. Donc le Grand Nancy était intéressé, a répondu favorablement et les collectivités présentes, confient les six collectivités. Les six maires confient l’animation du site à une collectivité dont la métropole du Grand Nancy avec un président qui est monsieur Rossinot. Alors c’est une démarche, c’est volontaire, ce n’est pas encadré juridiquement, c’est-à-dire qu’elle est structure porteuse mais il n’y a pas de syndicat mixte, il n’y a pas d’organisation administrative spécifique derrière. Aujourd’hui c’est la métropole du Grand Nancy, ça peut être euh… la mairie de Malzéville, la mairie d’Eulmont, le bassin de Pompay voilà… C’est quelque chose de… donc on s’appuie sur un document, le fameux DOCOB qui a été élaboré, vous l’avez ou pas ? Donc vous avez vu, il y a un certain nombre d’actions qui découlent c’est valable à peu près pour 6 ans, trois fois deux ans ou deux fois trois ans ou à un moment donné où il y a eu suffisamment de temps pour mettre les animations en œuvre. Parfois ça peut prendre du retard parce qu’on est en attente de financement ou de décision donc c’est estimatif, la durée, ce n’est pas quelque chose de très cadré quoi … Et donc à partir de ce document on nous émet un certain nombre d’actions en place, les plus connus à ce jour, les plus visible, sont effectivement les travaux de coupe d’arbre ou de débroussaillage. Et dans le même temps, l’ONF avait proposé un plan d’aménagement, vous l’avez eu ou pas ? Je regarde s’il m’en reste parce

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que c’est vraiment quelque chose qui va vous intéresser. 9’ Dans le DOCOB il était proposé de mettre en place certain nombre d’aménagement en vue de valoriser le site, de mieux informer donc l’ONF a fait une proposition à l’époque que l’on est en train progressivement de mettre en place. Et dans ce rapport vous aurez effectivement un bilan des usages. Ce sont des propositions, tout ne sera pas mis en place, on en a déjà mis un certain nombre, comme les barrières et des choses arriveront dans les mois à venir, d’améliorer l’information du site donc de rappeler la réglementation. Si éventuellement vous connaissez des gens qui font du quad… Parce que ça c’est un gros souci. Donc les panneaux sur les barrières aux différents accès, qui sont régulièrement ouvertes car régulièrement les cadenas sont cassés. C’est un problème récurrent. Donc dessus va être ajouté un panneau d’information rappelant, «vous entrez dans un site naturel aidez-nous à le protéger»... enfin quelque chose comme ça. Après il y aura d’autres panneaux d’entrée de site avec des informations, un plan, quelques éléments sur le plateau et la dernière étape sera un plan de balisage. Pour donner une petite boucle, une grande boucle pour orienter les gens qui connaissent mal le plateau. Ça restera discret parce que le but, comme il a un côté sauvage le plateau, on a bien compris qu’il y avait une volonté de le laisser sauvage. Ça ne va pas être un parc urbain. Par petites touches pour ceux qui ne connaissent pas. Quelqu’un qui ne connait pas, ne peut pas se promener sur le plateau. Il n’y a pas de repère, à part l’antenne d’EDF, on peut vite se perdre. Ce document a été fait par l’ONF en 2013, ils rappellent un plan d’aménagement, ils ont même proposé un plan d’interprétation donc ils racontent, l’histoire d’un ancien soldat qui se promène sur le plateau et qui donne des anecdotes sur le plateau, sur la faune, la flore. Donc ça on ne sait pas si ça se fera. On a peur que ça se perde ce plan. Ça se fera peut-être sous forme d’exposition amovible. Léa : J’ai une question, comment dans un espace réglementé, on peut garder ce sentiment de liberté ? -

Alors, quand on dit qu’il est règlementé… La seule réglementation qui s’impose, c’est

comme il y a partout, l’interdiction des véhicules à moteur, des quads… Ca c’est la réglementation générale. On le retrouve dans le rapport de tous les ENS. Et d’établir quand il y a une manifestation

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ou autre une évaluation des incidences. C’est-à-dire mesurer l’impact de la manifestation sur le site pour voir si elle est autorisée ou pas. Par exemple quand il y a des grandes courses d’orientation quand il y a des courses de VTT. Il fait une manifestation de bonne importance déjà après le reste, on a aucune autre exigence. On ne gère rien d’autre. On a pas la main sur les promeneurs avec leurs chiens voilà, on ne peut rien faire d’autre. Le site n’est pas une mise sous cloche. Léa : Mise à part toute la partie qui est réservée à l’aéroclub. -

Ouh...! là c’est une gestion à part, bien spécifique. Le propriétaire du terrain, c’est la

métropole du Grand Nancy mais par voix de convention, c’est l’aéroclub qui gère et qui doit appliquer les règles de l’aviation civile. Là, c’est très cadré réglementairement parlant. C’est une mise à disposition par voix de convention. Là c’est une réglementation stricte géré par l’aviation civile. Ce qui explique les coupes d’arbres du côté de Dommartemont, nécessaire aux trajectoires d’envol. Il y en aura d’autres . Léa : Ce qui est difficile à comprendre, c’est que c’est un espace protégé, classé Natura 2000 mais il y a tout de même des possibilités pour l’aéroclub… -

Mais c’est le principe de Natura 2000, qui favorise le développement durable, c’est

n’est pas une mise sous cloche. Il fait qu’il y ait un maintien des activités tout en conciliant la protection du site. La présence de l’aéroclub, ne gêne pas la protection du site. Léa : Mais alors, on parle de la protection des orchidées et elles sont fauchées par l’aéroclub. -

Oui mais sauf que ce n’est pas là qu’elles sont. Les zones les plus sensibles en termes

d’environnement sont à l’extérieur de l’aérodrome. Elles sont plus du côté Malzéville, Lay-SaintChristophe. Disons que le plateau a été classé dans son ensemble mais ce n’est pas pour la pelouse de l’aéroclub. Léa : Mais alors pourquoi c’est ce plateau-là qui a été classé ? -

Pour le classement Natura 2000, on s’appuie sur une liste. Il y a la directive habitat et

la directive oiseau mais là qui ne nous concerne pas, cela concerne plus la faune et la flore. Le

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plateau de Malzéville, il y avait la pelouse calcicole d’une surface quand même la plus importante de Lorraine. Donc c’est, et cette pelouse et sa surface, qui a fait son classement. L’aéroclub permet de maintenir la pelouse ouverte, on remarque qu’il n’y a pas la présence des pins invasifs sur cette partie du plateau. Après, elle est géré de manière durable, par fauche tardive mais aussi par la présence du pâturage. Il y a un mode gestion qui est intéressant. Léa : Ce que je trouve assez paradoxal, c’est cette envie de pouvoir aller partout et en même temps c’est très cadré. -

Mais pas tant que ça finalement parce que… Quand on se promène sur le site, il n’y a pas

de contrainte de déplacement. Et il n’y en aura guère plus après. Léa : J’ai remarqué que la gestion qui a été faite sur les pins a ouvert le site à tout ce qui est nuisances lumineuses de la ville. J’ai été étonné de voir que dans un milieu ouvert on ne prenne pas en compte cette problématique. -

C’est le propre d’un milieu ouvert, c’est-à-dire qu’il fallait… Dans le DOCOB, c’était le

premier élément, c’était écrit en rouge, il fallait absolument ouvrir le milieu. Une pelouse doit être une pelouse. La présence du pin n’avait aucun intérêt et risquait de fermer totalement le milieu. Et l’intérêt c’est effectivement d’avoir un maximum de milieu ouvert déjà d’une manière général, pour favoriser la biodiversité et plus particulièrement sur le plateau. Alors certes, il y a eu le moment traumatisant des pins qui ont été enlevé en un coup donc impressionnant mais quand on regarde au sol, il y a beaucoup de broussaille qui ferme le milieu et qui n’ont aucun intérêt écologique. C’est pour ça qu’il y avait besoin de cette coupe d’arbre et des travaux de débroussaillage. Alors effectivement la contrepartie quand on ouvre le milieu, la vue n’est pas forcément celle qu’on souhaitait. Ce n’est pas moi qui vais vous l’apprendre mais l’interprétation du paysage c’est personnel. Certains préfèrerons les pins parce que ça fait pinède et que ça rappelle euh… voilà. Et d’autres préfèret les espaces vastes et dégagés. Tel que doit être un plateau, un plateau c’est… C’est le propre du plateau, c’est d’être un milieu ouvert. Léa : Mais est-ce qu’on s’intéresse seulement au paysage de la pelouse ou on voit dans l’ensemble. Je trouve intéressant l’appropriation de ces paysages.

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TABLE DES FIGURES Figure 1 : L’arbre Source : Léa Colombain. P. 4 Figure 2 : Le bassin nancéien. Source : Photo aérienne Géoportail. P. 14 Figure 3 : Le plateau de Malzéville, vue depuis le plateau de Brabois. Source : Léa Colombain. P. 16 Figure 4 : Sur le plateau de Malzéville, l’antenne. Source : Léa Colombain. P. 17 Figure 5 : Depuis le terrain d’aviation, l’horizon. Source : Léa Colombain. P. 26 Figure 6 : Coupe longitudinale, 1/10 000. Réalisation : Léa Colombain. P.30 Figure 7 : La forêt du plateau de Malzéville. Source: Léa Colombain. P. 32 Figure 8 : L’herbe haute. Source: Léa Colombain. P. 34 Figure 9 : Le paysage du plateau fait voyager. Source: Daniel Denise. P. 36 Figure 10 : Source: Léa Colombain. P. 40 Figure 11 : Source: Léa Colombain. P. 41 Figure 12 : Source: Léa Colombain. P. 41 Figure 13 : Source: Léa Colombain. P. 41 Figure 14 : Source: Léa Colombain. P. 42 Figure 15 : Source: Léa Colombain. P.42 Figure 16 : Entraînement du club de foot de Jarville. Source: Daniel Denise. P.44 Figure 17: Carte de Cassini Source : géoportail. P. 50 Figure 18 : Carte d’État-major, extraits de la feuille de Commercy (partie Sud-Est) et de Nancy (partie Nord-Est) (1831) Source : géoportail. P.50 Figure 19 : Photographie d’un défilé de masse,1906. Cette illustration montre le caractère impressionnant de ces défilés ainsi que la perception complétement différente que l’on pouvait avoir du lieu. Source : Association « BELLE EPOQUE ». P. 53 Figure 20 : Le plateau vue à vol de planeur. On distngue les marques qui indiquent au pilote les pistes d’envol et d’arrivée. Le conducteur lit le plateau. Source : Antoine Arlot. P.56 Figure 21: Carte de zonage de la partie gérée par l’aviation civile, réservée à l’aéroclub. Source : géoportail, réalisation illustrator. P.56 Figure 22 : Carte du zonage de l’inscription Natura 2000 du plateau de Malzéville. La couronne boisée au même titre que la pelouse calcaire. Source : géoportail. P.60 Figure 23 : Figure 23 : Stockage des pins abattus, 2015. Source : Daniel Denise. P. 66 Figure 24 : L’herbe haute, un chemin vers le bois. Source : Léa Colombain. P.75 Figure 25 : Une réalité subjective ou objective ? Source : Daniel Denise. P. 84 Figure 26: Au premier plan, le fossé qui empêche le passage sur la pelouse de l’aéroclub. Source : Léa Colombain. P. 92

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SUMMARY Thesaurus: Malzéville plateau, landscape, uses, Natura 2000, commons. Summary: The Malzéville plateau is located in Eastern France, North-East of the greater Nancy metropolis. It covers 439 hectares and culminates at an altitude of 384 m. It belongs to the Lorraine area, which landscapes are characterized by North-South oriented hills as well as by an alternation of plateaus and plains. It has one of the largest limestone grass areas in Lorraine. The Malzéville plateau is disconnected from the rest of the city despite being close to it, which reinforces the feeling of freedom that can be felt there. As for the feeling of immensity of the open space, it is reinforced by a perfectly straight horizon line. This natural space is registered with the Natura 2000 network. One of the first major operations in relation to this status occurred in 2015. Its aim was the «reopening» of open spaces by clearing several hectares of trees and shrubs which had been colonizing the limestone grass. This event caused a lot of emotion among the local population, which might seem paradoxical since it took place as part of a program to preserve natural spaces. Two distinct landscapes are present in the Malzéville plateau: one that I would qualify as “non-instituted” and which includes all the uses coexisting there, and another “instituted” one, constrained by the Natura 2000 guidance documents. The plateau exists in this complex duality which seems to accentuate the difficulties of cohabitation. The purpose of this memoir is to address the question of balance between freedom of uses and regulation, and to investigate the feasibility of a collective construction of a common.


RÉSUMÉ Thesaurus : Plateau de Malzéville, paysage, usages, Natura 2000, bien commun. Résumé : Le plateau de Malzéville, est situé dans l’Est de la France, au Nord Est de la Métropole du Grand Nancy. Il s’étend sur 439 hectares et culmine à 384m d’altitude. Il fait partie de l’espace lorrain dont les paysages sont marqués par un relief de côtes orientées nordsud ainsi qu’une alternance de plateaux et de plaines. On y trouve une des plus grandes pelouses calcaires de Lorraine. Le plateau de Malzéville est déconnecté du reste de la ville, dont il est pourtant proche ce qui renforce la sensation de liberté que l’on peut y ressentir. L’impression d’immensité de l’espace est quant à elle renforcée par une ligne d’horizon parfaitement droite. Cet espace naturel est inscrit au réseau Natura 2000. L’une des premières opérations d’envergure menée dans le cadre de ce dispositif a eu lieu en 2015. Elle avait pour objectif la «réouverture» des espaces par l’abattage de plusieurs hectares d’arbres et d’arbustes venus coloniser la pelouse calcaire. Cette opération a suscité beaucoup d’émotion parmi la population, ce qui peut paraitre paradoxal puisqu’elle était menée dans le cadre d’un dispositif de préservation des espaces naturels. Il existe deux paysages sur ce plateau de Malzéville: un paysage que je qualifie de «noninstitutionnalisé», constitué de l’ensemble des usages qui y coexistent, et un paysage institutionnalisé, contraint par les documents d’orientation du dispositif Natura 2000. Le plateau existe dans cette dualité complexe qui me semble accentuer les difficultés de cohabitation. L’objet de ce mémoire est de traiter de la question de l’équilibre à trouver entre liberté des usages et réglementation, et de poser l’hypothèse de la faisabilité d’une construction collective d’un bien commun.



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