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LA NALOXONE, PARLONS-EN

ENTREVUE AVEC NAJI-TOM SAMAHA, PHARMACIEN EN MILIEU COMMUNAUTAIRE

Ceci est un extrait d’une entrevue réalisée dans le cadre du cours « Service à la communauté ». Le projet porte sur la stigmatisation des individus à risque de surdose dans une période où nous faisons face à la crise des opioïdes, maintenant rebaptisée la crise des surdoses. Par le biais de ce projet, il y a eu la création d’une formation sur l’administration de la naloxone, la distribution de dispositifs d’enseignement de Narcan ainsi que la création du balado « La naloxone, parlons-en… » maintenant disponible sur Youtube et Spotify.

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PAR L’ÉQUIPE 19 DU PHA1416

Pouvez-vous nous décrire ce qui vous a amené à vous intéresser à la relation entre le/la pharmacien.ne et le/la patient.e consommant des opioïdes?

J’ai entamé une maîtrise en sciences pharmaceutiques ici à la faculté en 2018. On s’est concentrés sur le traitement de la douleur en pharmacie pendant une période où l’on porte une attention accrue aux opioïdes et aux méfaits causés par les opioïdes, communément appelée la crise des opioïdes. J’ai fait beaucoup de revues de la littérature, beaucoup de lectures et beaucoup de recherches de mon côté. Même si les pharmacien.ne.s ont souvent décrit leur volonté d’optimiser les soins, aller à la rencontre de leurs patient.e.s, travailler de concert avec les médecins... il manquait quelques connaissances, quelques aptitudes et quelques aspects réglementaires et organisationnels au travail pour le faire. En tant que pharmacien.ne, on voit juste l’envers de la médaille. On a l’aspect distribution, aussi l’aspect des soins pharmaceutiques, mais nous ne sommes pas avec le patient ou la patiente 24h/24. C’est la personne qui a son vécu, qui vit avec cette douleur ou qui vit avec cette toxicomanie. Le moins qu’on puisse faire c’est

d’aller à sa rencontre pour essayer de combler un besoin si on est capable.

Si on commence avec la naloxone de façon générale, pouvez-vous nous expliquer qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert?

C’est un antagoniste du récepteur des opioïdes. Il peut aider à renverser les effets d’une surdose. Donc, il faut vraiment spécifier ici que ça ne diminue pas la surdose, mais ça diminue l’effet de la surdose sur la personne. Foncièrement, la naloxone va enlever les opioïdes des récepteurs pour qu’ils arrêtent de faire leur effet. On l’utilise quand la personne est inconsciente, donc à risque d’arrêter de respirer.

Lors de la distribution d’une trousse de naloxone, de manière générale, quels sujets abordez-vous?

En premier lieu, si ce n’est pas écrit sur l’ordonnance, ce qui est souvent le cas pour l’instant, on explique la naloxone à la personne en même temps qu’on va distribuer l’opioïde pour lequel elle est à risque de surdose. Je vais présenter la trousse de naloxone, expliquer à quoi ça sert, pourquoi la personne en aurait besoin chez elle, les risques d’avoir des opioïdes à la maison pour elle ainsi que pour les autres gens présents chez elle, etc. De plus, il faut garder en tête que si la personne a besoin de la naloxone, ce n’est pas elle qui va l’utiliser, c’est quelqu’un qui va l’utiliser sur elle. Il

se peut aussi que ce soit une autre personne vivant avec elle qui doive recevoir la naloxone si cette personne a pris trop d’opioïdes. De prime abord, c’est important d’avoir cette mentalité que personne ne pense être à risque. Beaucoup de gens vont minimiser les risques quant à leur ordonnance d’opioïdes, quant à la consommation d’opioïdes. Malheureusement, on voit quand même plusieurs personnes qui sont décédées, même si elles ont utilisé leurs opioïdes tel que prescrits. C’est un problème qui concerne souvent d’autres personnes qu’elles. Il faut présenter la naloxone comme un avantage. Premièrement, il n’y a pas de frais. Deuxièmement, c’est une police d’assurance. Une police d’assurance sans frais, ce n’est pas souvent qu’on voit ça. Il faut démystifier la naloxone.

Pensez-vous qu’il serait important d’augmenter l’accès aux trousses de naloxone, que ce soit pour certains groupes d’individus ou certaines régions éloignées? Je pense notamment aux populations autochtones qui sont touchées par la crise des opioïdes en plus de résider dans des régions éloignées.

En effet, absolument. On le voit, quelqu’un peut « s’endormir » n’importe où si je peux dire après une consommation d’opioïdes : dans l’autobus, en attendant l’autobus, en faisant des emplettes, etc. Je suis complètement d’accord qu’il faudrait augmenter

non seulement l’accessibilité, mais les connaissances des gens, que c’est quelque

chose qui existe. Non seulement le produit existe, mais le problème est réel. On le voit, on parle beaucoup de pandémie récemment, mais il y a encore beaucoup de gens qui décèdent à cause d’une intoxication d’opioïdes, que ce soit des opioïdes prescrits ou illicites.

En tenant compte de la gratuité des trousses et aussi l’effort du gouvernement pour répondre à la problématique de la crise aux opioïdes, pourquoi pensezvous qu’une grande majorité de personnes ne possède toujours pas de trousse de naloxone?

Il y a plusieurs raisons. La première, c’est le manque de connaissances de ce médicament. Est-ce que les gens qui ont des ordonnances d’opioïdes savent que ça existe la naloxone? C’est notre responsabilité en tant que pharmacien.ne.s de la leur faire connaître. Ce n’est pas parce qu’une personne utilise une ordonnance d’opioïdes de façon sécuritaire, prescrite, depuis 5, 10, 15 ans que ça ne vaut pas la peine de lui donner la naloxone. Ensuite, c’est aussi le réflexe des pharmacien.ne.s de la suggérer de façon plus ou moins régulière. Je ne pense pas que c’est quelque chose qui va nécessiter une grande réorganisation du milieu de la pharmacie communautaire. Ce n’est pas

comme si on donnait des opioïdes à la pelletée comme des inhibiteurs de la pompe à protons, mais il faut quand même être prêt.e à avoir ce réflexe. Si une personne prend une dose d’opioïde, il faudrait peut-être vérifier si oui ou non je devrais lui parler de la naloxone.

Sachant que le/la pharmacien.ne joue un grand rôle dans la distribution de la naloxone et son enseignement aux patients, pensez-vous qu’il serait important d’inclure une formation sur la naloxone chez les futurs professionnel.le.s de la santé, peut-être de pair avec la formation RCR?

C’est primordial. Les gens qui souffrent, les gens qui prennent des opioïdes, ça rallonge simplement un petit peu leur conseil. De plus, ce sont des gens qui ont une réalité qui est difficile à comprendre. À moins de nous-mêmes souffrir de douleurs chroniques, et même là c’est très différent d’une personne à l’autre. Les professionnel.le.s n’ont souvent pas le même statut socio-économique. S’adresser à un.e patient.e qui souffre, à qui on veut donner la naloxone, ce n’est pas la même chose que de s’adresser à un.e patient.e à qui on va expliquer un glucomètre. Donc, ce sont des situations beaucoup plus délicates, et il faut être habitué.e à ce type de situation pour avoir un plus haut niveau de confort. Plus on est exposé à ça tôt et souvent, plus on va être confortable.

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