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«QUEL EST TON FILM D’HORREUR PRÉFÉRÉ?»

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Marie-Ève Dicaire

Marie-Ève Dicaire

Ce printemps, Ghostface revient terroriser ses victimes avec des appels téléphoniques insidieux. Dans ce sixième film de la franchise Frissons, le (ou les?) meurtriers délaissent la petite communauté de Woodsboro sur la côte ouest américaine pour la grande région de New York. Lorsque le premier film est sorti en 1996, personne ne se serait douté que Ghostface deviendrait un personnage iconique et que, près de 30 ans plus tard, il serait toujours présent sur le grand écran. À cette époque, le genre horreur slasher film était au point mort alors que les grandes figures des années 1980, Michael Myers, Jason Voorhees et Freddy Krueger, étaient sous respirateur. Mais, Kevin Williamson, un aspirant scénariste et grand admirateur du film Halloween, veut relancer le genre.

Dans la vingtaine, Kevin Williamson tente d’abord sa chance comme acteur sauf que les contrats se font rares. En parallèle, il suit un cours de scénarisation à l’Université de Californie à Los Angeles. Ses économies diminuant, Williamson s’inspire alors d’un fait divers dont il apprend l’existence en regardant la télévision : les meurtres de Danny Rolling. Ce tueur en série avait fait plusieurs victimes parmi les femmes qui fréquentaient un collège à Gainesville en Floride. Quelques mois plus tard, Williamson est prêt à vendre son scénario, alors intitulé Scary Movie (le titre sera changé pour Scream quelques semaines avant la sortie du film en salle). Celui-ci contient plusieurs scènes graphiques qui font croire à son agent qu’il ne trouvera probablement pas preneur, d’autant plus qu’il ne semble pas y avoir vraiment d’intérêt pour ce type de film dans le marché. Pourtant, c’est tout le contraire qui se produit alors qu’une guerre se dessine entre plusieurs studios. Séduit par l’originalité du scénario et par les personnages qui maîtrisent les codes des films d’horreur, c’est finalement la société Miramax (Pulp Fiction) qui obtient les droits pour la somme de 400 000 $. Les frères Weinstein trouvent que le projet cadre bien avec leur jeune bannière Dimension, consacrée aux films d’horreur.

Rapidement, Wes Craven (A Nightmare on Elm Street), qui était intéressé à acheter le scénario, est sollicité pour réaliser le film. Mais, il hésite à cause de l’énorme violence graphique (qui sera réduite). Il voulait également prendre ses distances du genre qui l’a rendu célèbre. Le studio aurait eu des pourparlers avec plusieurs cinéastes de renom comme Robert Rodriguez, Quentin Tarantino, Sam Raimi et Danny Boyle. Selon Williamson, ils ne saisissaient pas le ton voulu. Certes, le scénario contenait de l’humour, mais ce n’était pas une comédie.

La production doit beaucoup à la comédienne Drew Barrymore qui, grâce à sa participation, convaincra Wes Craven de s’impliquer dans le projet. L’actrice, qui a eu la chance de lire le scénario, approche ellemême les producteurs dans l’espoir d’incarner Sidney Prescott. Le réalisateur est donc étonné qu’une comédienne établie veuille jouer dans un film d’horreur, un créneau jusqu’à maintenant ignoré par les comédiennes connues. Comble de malheur, cette dernière devra cependant renoncer au rôle puisque les dates de tournage entrent en conflit avec un autre de ses projets. Par contre, comme elle tient absolument à jouer dans le film, elle accepte le plus petit rôle de Casey Becker. Ce revirement est finalement une très bonne chose pour la production! À la manière du célèbre Psychose d’Alfred Hitchcock, une tête d’affiche est tuée tôt dans l’intrigue. En plus de déstabiliser les spectateurs, cette situation laisse entendre que tout peut arriver dans le film. Un pari risqué qui rapportera gros! Cependant, Craven doit désormais trouver une nouvelle Sidney.

Le réalisateur avait déjà remarqué Neve Campbell dans la série Party of Five qui connaissait un certain succès à la télévision. Il est convaincu qu’elle possède tout ce qu’il faut pour le rôle. Quant à Campbell, elle se laisse quelque peu désirer. Elle est moins encline à rejouer dans un film d’horreur après The Craft qu’elle vient de tourner. Mais, l’attrait d’un premier rôle, avec un personnage intéressant, la fait accepter.

Au-delà du casting, l’une des raisons principales du succès des films Frissons est leur mystérieux meurtrier Ghostface (qui change d’identité à chaque film). Pour la partie vocale, Craven arrête son choix sur Roger L. Jackson, un comédien vivant à Santa Rosa où a lieu principalement le tournage. À l’origine, il ne devait que donner la réplique aux comédiens sur le plateau. Mais, séduit par sa voix singulière, le réalisateur a finalement décidé de le garder dans la version finale du film.

Afin de tenir les comédiens sur le qui-vive lors des prises, Jackson leur parlait réellement au téléphone. Il était cependant caché et les acteurs ne l’ont rencontré en personne qu’à la première du film! Il restait à trouver le masque de Ghosftace.

Le scénario de Williamson ne comportait aucune description du personnage à part le fait qu’il portait un masque évoquant un fantôme. C’est à la partenaire de production de Craven, Marianne Maddalena, que l’on doit le célèbre masque. Enfin, en partie, car il existait déjà! Alors que la production explore des maisons qui pourront servir de décor dans le film, elle trouve le masque dans une pièce de l’une d’elles. Les producteurs auraient évidemment préféré un masque dont ils auraient possédé les droits plutôt que celui commercialisé par la compagnie New World. L’équipe des effets visuels tente alors d’en produire des versions modifiées, afin d’éviter des litiges juridiques. Mais Craven revient toujours au masque original qu’il préfère. La production obtient donc finalement l’autorisation du fabricant de l’utiliser dans le film. Un choix judicieux pour la compagnie, car le masque connaîtra un succès de vente retentissant lors des Halloween subséquentes.

Ghostface fait désormais partie du panthéon des personnages cultes des films d’horreur, terrorisant maintenant une nouvelle génération de spectateurs qui n’étaient même pas encore nés lors de la sortie du premier film. Parions qu’il provoquera de nombreux cris et sursauts dans les salles de cinéma pendant encore plusieurs années!

Frissons 6 prendra l’affiche le 10 mars.

Publié en 2016, Le Plongeur, roman de Stéphane Larue, a connu un vif succès tant commercial que critique. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs producteurs et cinéastes aient été intéressés d’en obtenir les droits afin de le porter à l’écran. C’est finalement Francis Leclerc qui a eu cette chance et, en plus d’en réaliser la version cinématographique, il s’est également chargé de l’adaptation du roman avec Éric K. Boulianne. MonCiné a eu l’occasion de s’entretenir avec le réalisateur et son coscénariste.

Francis, comment t’es-tu retrouvé impliqué dans ce projet?

FRANCIS LECLERC : J’ai adoré le roman que j’ai lu en deux jours à la suite de la suggestion de ma copine qui me disait qu’il y avait vraiment un film à tirer du livre. Je désirais vivement obtenir les droits. Lorsque j’ai parlé à Stéphane Larue, il m’a dit qu’il aimait beaucoup mon film Un été sans point ni coup sûr. Il n’en revenait pas que je veuille adapter son roman. Et, dès le départ, c’était clair que je désirais travailler avec un coscénariste. J’ai donc impliqué Éric très tôt dans le processus.

ÉRIC K. BOULIANNE : En fait, j’ai dû passer par une audition de scénariste (rire). Pas une audition de type scénaristes enfermés dans une pièce avec deux heures pour écrire quatre ou cinq pages (rire), mais plutôt une rencontre amicale. On a discuté du ton du film, de l’histoire, de ce que je pensais qu’il serait important de tirer du roman… J’ai dû bien répondre à ses questions, car j’ai eu le job (rire).

FRANCIS : Je me suis entretenu avec plusieurs scénaristes, mais Éric, tout comme moi, croyait en une énergie de jeunesse qui devait être au cœur du film. En discutant ensemble, on a évoqué des œuvres comme Goodfellas et Trainspotting qui ont beaucoup servi comme inspiration.

ÉRIC : Le roman est raconté à la première personne. On a voulu conserver cet effet en décidant d’y inclure une narration hors-champ.

Comment s’est déroulée votre collaboration?

FRANCIS : On a travaillé près de trois ans ensemble. On faisait plusieurs rencontres de travail où l’on mangeait des chaussons aux pommes (rire).

ÉRIC : Nous avons structuré l’histoire à deux ainsi que la partie de scène à scène, mais après, Francis me laissait écrire le scénario avec les dialogues. Je le retravaillais à la suite de ses commentaires.

FRANCIS : C’était quand même un bon défi de convertir un roman de 600 pages en scénario de 150 pages.

ÉRIC : Oui, c’était un peu stressant. C’est la première fois que j’écrivais un scénario qui n’était pas une histoire originale. D’une part, tu veux respecter l’auteur. Tu veux qu’il soit content. Sur ce plan, Stéphane a été hyper respectueux en nous laissant une grande latitude. Il tenait vraiment à ce qu’on fasse notre film. Ensuite, tu veux aussi plaire aux lecteurs.

ENTREVUE FRANCIS LECLERC ET ÉRIC K. BOULIANNE

Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette histoire?

FRANCIS : J’ai fait beaucoup de films avec des jeunes. J’aime leur énergie. C’était donc une suite logique d’explorer une histoire avec des jeunes au début de la vingtaine. Le roman contient plusieurs personnages complètement différents qui sont obligés de travailler ensemble, de former une équipe. La présence des ethnies me plaisait aussi beaucoup. C’était important pour moi de conserver cet aspect dans le film.

ÉRIC : Le drame que vit le personnage avec sa dépendance au jeu est aussi très intéressant.

Est-ce que le processus a été long avant de trouver l’acteur principal?

FRANCIS : Très tôt, j’ai passé en audition beaucoup d’acteurs qui étaient âgés de seize ou dix-sept ans à ce moment, sachant qu’ils auraient l’âge du personnage quand viendrait le temps de tourner le film. Je voulais vraiment avoir un comédien qui avait l’âge du personnage, qui possédait sa fougue et son énergie, même si les comédiens de cet âge peuvent être parfois un peu maladroits dans leurs performances. Henri Picard était venu en audition. Il avait dix-sept ans et ça ne s’était pas très bien passé (rire). Trois ans plus tard, j’ai continué ma démarche et j’ai eu la chance de le revoir et là, il a été complètement surprenant. Il avait mûri. Surtout, il nous a offert une proposition qui correspondait exactement au personnage. Il agissait comme un petit crisse de menteur qui fourre tout le monde (rire). Il a été parfait!

Comment as-tu approché les séquences du restaurant?

FRANCIS : Sur 30 jours de tournage, 11 se déroulaient dans le restaurant ou à la plonge. Afin de faciliter la production, on a construit un décor. On tournait dans un environnement contrôlé. On pouvait donc mettre le plafond plus haut (rire). Je désirais placer la caméra où je voulais. Généralement, les plongeurs font face à un mur. Cette option nous permettait de les déplacer afin de mettre la caméra sur Henri.

Dans le roman, la musique métal occupe une place importante. Était-ce un défi de faire de même pour le film?

ÉRIC : À l’écriture du scénario, je me suis gâté. J’incluais déjà des pièces spécifiques dans certaines des scènes pour les forcer à aller chercher les droits (rire).

FRANCIS : On savait qu’à la manière de C.R.A.Z.Y., la musique occuperait une grande place dans le film. Dès le départ, un budget a été alloué pour les droits musicaux. Au-delà de la musique, on voulait aussi les droits d’utilisation pour du matériel visuel comme des pochettes d’albums et des affiches. Étonnamment, cette partie s’est plutôt bien déroulée. Les bands réagissaient positivement à nos demandes et ils étaient contents qu’elles arrivent d’un film indépendant au lieu d’une production du type Marvel (rire). Avant même de tourner, nous avions réussi à obtenir environ 90 % des pièces sollicitées. On n’y retrouve pas juste du métal. On voulait vraiment recréer l’époque musicale de cette période de la fin des années 1990. Les lecteurs du livre ne seront pas déçus. |

PATRICK MARLEAU

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