Etats généraux de la reconquête - Promouvoir la famille

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE

JANVIER 2013



FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE

ÉDITORIAL

La gauche au pouvoir se méfie de la famille : elle multiplie les attaques à son endroit critique de la liberté éducative des parents, remise en cause du quotient familial et des emplois familiaux, hausse des droits de succession… Son seul projet en la matière est de bouleverser les règles de la filiation avec la loi sur le mariage et l’adoption pour les personnes de même sexe. Pourtant, aucun des grands défis de la France ne peut être relevé sans les familles : crise de la confiance et de l’autorité, crise de l’éducation et de la transmission, crise du modèle social et défi démographique, crise du logement et grande pauvreté… La France de demain se construira sur le socle des familles, premier lieu de transmission de nos valeurs, premier lieu de solidarité, pour permettre l’épanouissement des hommes, des femmes et des enfants qui la composent. On ne peut donc bouleverser profondément la famille, comme s’apprête à le faire la gauche, sans prendre au moins le temps du questionnement et du débat. • Qu’implique l’ouverture du mariage et donc de la filiation aux couples de même sexe ? Peut-on renforcer le statut juridique des couples homosexuels sans toucher à la filiation ? • Au-delà d’une politique familiale classique fondée sur des transferts financiers, comment les responsables politiques, notamment les élus locaux, peuvent-ils mieux accompagner les familles et responsabiliser les parents ? Dans l’intérêt de l’enfant et de la société, la « famille durable » peut-elle devenir un objectif politique ? Comment ? Pourquoi ? Dans le cadre des États généraux de l’UMP, ce document de travail ouvre des pistes de réflexion et de débat qui seront approfondies dans les mois à venir.

Jean-François Copé

Valérie Debord

Bruno Retailleau

Déléguée générale adjointe au Projet

Délégué général adjoint au Projet

Président de l’UMP

Hervé Mariton

Délégué général au Projet

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE

SOMMAIRE ÉDITORIAL.......................................................................................................... 3 1. OUVERTURE DU MARIAGE ET DE L’ADOPTION AUX COUPLES DE MÊME SEXE : PROGRÈS OU ILLUSION ?................................................................................ 7 A. Égalité, reconnaissance de l’amour, sens de l’histoire et régularisation des situations existantes : les fondements d’une revendication......................... 7 1. « Le mariage pour tous » au nom de l’égalité et de la reconnaissance de l’amour ?...........7 2. « Le mariage pour tous » au nom du sens de l’histoire et de la régularisation des situations existantes.....................................................................................................................8 B. Les conséquences de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe : les droits de l’enfant supplantés par le droit à l’enfant ?........ 11 1. La négation de l’altérité sexuelle et l’avenir incertain de la présomption de paternité..........11 2. Une modification de l’adoption pour tous les adoptés et tous les adoptants........................12 3. Les limites éthiques d’une revendication..........................................................................14

2. PROMOUVOIR LA FAMILLE DURABLE............................................................... 17 A. La France est forte de sa démographie ...................................................... 17 B. La famille est un bien précieux .................................................................. 17 C. Le modèle familial traditionnel est-il dépassé ?........................................... 19 D. Quel avenir pour notre politique familiale ?............................................... 21

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1. OUVERTURE DU MARIAGE ET DE L’ADOPTION AUX COUPLES DE MÊME SEXE : PROGRÈS OU ILLUSION ? A. Égalité, reconnaissance de l’amour, sens de l’histoire et régularisation des situations existantes : les fondements d’une revendication Pour les partisans de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, cette revendication sonnerait comme une évidence, une évolution historique et inévitable, un progrès. S’interroger sur la pertinence de ces arguments et se demander si l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe est un progrès ou une illusion, comme le fait l’UMP, cela n’a rien d’« homophobe ». À l’UMP, nous combattons toutes les formes de discrimination. C’est d’ailleurs le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, en décembre 2004, a fait adopter une loi contre les propos homophobes et sexistes.

1. « Le mariage pour tous » au nom de l’égalité et de la reconnaissance de l’amour ? - L’argument du gouvernement : « Il faut mettre fin à une discrimination : au nom de l’égalité les personnes homosexuelles doivent avoir le droit de se marier comme les personnes hétérosexuelles. » Les articles 75 et 144 du code civil précisent que le mariage unit deux personnes de sexe différent. Il n’y a là rien de discriminatoire car la loi peut tout à fait traiter de façon différente des situations différentes et un couple constitué d’un homme et d’une femme est une situation objectivement différente de celle d’un couple constitué de personnes du même sexe. Il n’y a pas d’inégalité car la même loi s’impose à tous, chacun peut se marier avec une personne du sexe opposé, mais personne ne peut épouser une personne du même sexe. C’est d’ailleurs la jurisprudence du Conseil constitutionnel, confirmée dans sa décision du 28 janvier 2011 : « La différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille » (décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011). C’est aussi ce que rappelle l’avis du 21 janvier 2013 de l’Académie des sciences morales et politiques sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe : « En l’état actuel du droit français, le mariage, pour reprendre les termes retenus par la Cour de cassation, ‘‘ne peut être légalement contracté qu’entre deux personnes appartenant l’une au sexe masculin, l’autre au sexe féminin’’. Selon la jurisprudence tant internationale que constitutionnelle, cette solution ne porte pas atteinte au principe d’égalité et ne saurait par suite être regardée comme discriminatoire. »

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE - L’argument du gouvernement : « Pourquoi la société refuserait-elle de reconnaître par le mariage l’amour entre deux personnes du même sexe ? » Les sentiments de chacun sont éminemment respectables, mais le mariage n’est pas la reconnaissance des liens d’amour entre deux personnes. On n’a pas besoin du mariage pour s’aimer ! Le mariage n’est pas qu’un contrat entre personnes qui s’aiment : il n’appartient pas à l’État de juger des sentiments entre les personnes. Le mariage renvoie bien sûr à la vie privée de deux personnes, mais c’est aussi une affaire publique. C’est une institution, fondée sur la complémentarité homme/femme, qui organise la filiation. Voilà pourquoi le mariage précise les obligations envers les enfants. Voilà pourquoi un livret de famille est remis aux mariés à l’issue de la cérémonie. Le mariage est le prolongement du couple dans la parenté, ainsi que la garantie pour l’enfant d’une double filiation par le biais de la présomption de paternité. Comment justifier la limitation du mariage à deux personnes si l’on ne fait plus référence à l’altérité sexuelle et à la filiation et si l’on ne considère que la reconnaissance de l’amour ? Dans le magazine Têtu du 22 janvier 2012 se trouve une enquête « Ils s’aiment à trois » dont la conclusion ouvre le débat « Comment se protéger juridiquement ? ».

2. « Le mariage pour tous » au nom du sens de l’histoire et de la régularisation des situations existantes - L’argument du gouvernement : « La France doit être à la tête du progrès, le sens de l’histoire, c’est l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, qui est déjà en marche dans la plupart des pays développés. » Sauf à être déterministe, ce à quoi se refuse la République, il n’y a pas de sens de l’histoire. Sinon à quoi servirait de s’engager en politique ? Le mythe positiviste de la marche infaillible de l’humanité vers le « progrès » a d’ailleurs été battu en brèche par un XXe siècle profondément tragique. Par ailleurs, il est faux de dire qu’une majorité de pays dans le monde a déjà reconnu le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe : environ 6 % des États sont dans ce cas (à peine plus de 10 États sur plus de 190). En Europe, 8 pays autorisent le mariage homosexuel, et 9 reconnaissent une forme d’adoption. La France n’est donc ni isolée sur la scène mondiale, ni en « retard » par rapport à son siècle.

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE Ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe dans l’Union européenne

France Grèce Hongrie Irlande Italie Lettonie Lituanie Luxembourg Malte

Union civile Mariage oui (2001) Le partenariat civil est réservé aux personnes non de même sexe oui (2010) non oui (2003) non non non non oui (1989) oui (2012) oui (2005) non mais projet en cours non non mais étude en cours par le Comité des affaires légales du Parlement suite à un oui (2002) amendement parlementaire oui (1999) non mais PJL en cours non oui (1997) non oui (2010) non non non non non non non oui (2010) non non non

Pays-Bas

oui (1997)

oui (2001)

oui (mais filiation non automatique)

Pologne Portugal République tchèque Roumanie Royaume-Uni Slovaquie

non oui (2001) oui (2006) non oui (2005) non oui (2010) Les partenaires de même sexe n'ont pas les mêmes droits que les couples mariés oui (1990)

non oui (2010) non non consultation lancée en 2012 en cours non

non non non non oui non

non

oui (adoption de l'enfant du partenaire autorisée)

oui (2009)

oui

Allemagne Autriche Belgique Bulgarie Chypre Danemark Espagne Estonie Finlande

Slovénie Suède

Adoption oui (adoption de l'enfant du partenaire autorisée) non oui (2006) non non oui (2012) oui (2005) non oui (adoption de l'enfant du partenaire autorisée) non non non non non non non non

- L’argument du gouvernement : « Il y a des centaines de milliers de couples homosexuels et de familles homoparentales qui existent, on ne peut pas nier cette réalité et les laisser dans l’insécurité juridique. » Toutes les familles doivent être accompagnées. Tous les enfants doivent être protégés. Mais accompagner et protéger chacun ne signifie pas institutionnaliser tous les états de vie. Notre conviction première est que l’intérêt de l’enfant, c’est d’être élevé, dans la mesure du possible, par son père et sa mère. Bien sûr, il y a de nombreux cas, familles monoparentales, recomposées ou homoparentales, où cela n’est pas possible. Certaines associations militantes évoquent de 200 000 à 300 000 enfants vivant dans des familles homoparentales. Selon l’Institut national des études démographiques (Ined), leur nombre serait plutôt situé entre 24 000 et 40 000, soit environ 0,25 % des enfants en France. Notre droit actuel permet déjà d’accompagner ces familles, comme toutes les autres familles. Les enfants élevés au sein d’unions homosexuelles avec un parent biologique grandissent dans le cadre de familles recomposées pour lesquelles le droit ouvre déjà des possibilités d’adoption et d’exercice de la parentalité pour le nouveau conjoint, quelle que

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE soit la situation matrimoniale, le sexe ou l’orientation sexuelle des deux membres du couple. Dans le cas d’une union homosexuelle, le compagnon du père ou la compagne de la mère peut faire valoir des droits sur l’enfant. Il n’est pas vrai de dire qu’un enfant dont le parent biologique meurt serait voué à l’abandon. Le parent non biologique peut obtenir une délégation-partage de l’autorité parentale. En cas de décès du parent biologique, la compagne ou le compagnon peut être désigné comme tuteur par le juge des tutelles ou être déclaré parent adoptif. De même pour les enfants, adoptés ou conçus à l’étranger dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA) ou gestation pour autrui (GPA). En revanche, il est possible de travailler à l’élaboration d’une alliance civile qui n’ouvrirait pas droit à l’adoption, mais offrirait un contrat juridiquement plus protecteur que le Pacs aux couples homosexuels.

Vers une alliance civile pour les couples de même sexe ? Un couple de personnes du même sexe, qui a fait preuve d’une communauté de vie, doit pouvoir bénéficier d’un statut juridique protecteur en cas de séparation, de décès… C’est pourquoi le groupe UMP a déposé, mardi 8 janvier 2013, un amendement visant à créer une alliance civile. Cette alliance serait réservée aux personnes de même sexe, elle se traduirait par une célébration solennelle d’union devant le maire qui entraînerait des conséquences proches du mariage, exceptée la filiation : l’application d’un statut protecteur d’ordre extrapatrimonial comportant notamment une obligation de fidélité, de secours et d’assistance entre alliés. L’alliance civile entraînerait aussi des conséquences patrimoniales qui pourraient être complétées ou précisées par acte notarié si les alliés le souhaitent. Elle offrirait une sécurité juridique aux alliés lors de la dissolution de l’union plus forte que pour le Pacs, avec la possibilité pour le juge d’attribuer une prestation compensatoire. - L’argument du gouvernement : « Rien ne sert de débattre alors que le 6 mai 2012, les Français ont tranché. En élisant François Hollande, ils ont validé ses 60 engagements, dont le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. » Si le vote du 6 mai valait validation de l’ensemble des mesures du programme de François Hollande, quel besoin aurions-nous de conserver le Parlement ? Est-ce que cela signifie que toute mesure non contenue dans le programme présidentiel de François Hollande (comme l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de même sexe) n’a aucune légitimité démocratique ? François Hollande a déjà reculé sur le droit de vote des étrangers ou sur le blocage des prix de l’essence… Pourquoi la promesse sur le « mariage pour tous », qui n’était pas au cœur des débats de campagne, aurait une valeur intangible que d’autres engagements présidentiels ont perdue ?

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE Un référendum est possible Selon une étude de l’Ifop du 3 janvier 2013, 69 % des Français se disent favorables à l’organisation d’un référendum sur « le mariage et l’adoption pour tous ». Le gouvernement oppose pourtant une fin de non-recevoir à une demande de référendum au motif que ce serait inconstitutionnel. Cela est faux, rien n’empêche le président de la République de proposer à la Nation un référendum sur une question relative à la famille. Comme le soutient Anne-Marie Le Pourhiet, vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel, un projet de loi relatif à la politique sociale peut être soumis au référendum (article 11 de la Constitution). Or les questions de société relèvent des questions sociales au sens large. Les questions de société ne sont donc pas exclues des sujets pouvant être soumis aux Français par référendum. Le refus d’organiser un référendum est un choix politique, que l’exécutif doit assumer comme tel, et non une impossibilité juridique, d’autant plus que le Conseil constitutionnel n’a pas le droit de censurer un référendum.

B. Les conséquences de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe : les droits de l’enfant supplantés par le droit à l’enfant ? 1. La négation de l’altérité sexuelle et l’avenir incertain de la présomption de paternité - Reconnaître le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe revient à désexualiser le code civil, l’état civil et la parenté. Un enfant pourrait avoir deux pères ou deux mères. L’orientation sexuelle en viendrait donc à primer sur les genres masculin et féminin. L’altérité sexuelle, donnée fondamentale de notre société, serait ainsi niée. Il ne s’agit donc là pas d’une réforme anecdotique, mais bien d’un projet qui concerne tous les Français et qui induirait une rupture fondamentale avec les règles qui ont régi le droit de la famille depuis des siècles dans notre pays. C’est, pour reprendre les mots de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, « une réforme de civilisation » (Ouest-France, 7 novembre 2012). Il y a d’ailleurs quelque chose de paradoxal à vouloir faire, à raison, de la promotion de la parité - c’est-à-dire de la complémentarité homme/femme - une priorité pour la société, mais de considérer qu’elle n’aurait plus d’importance dans une famille et dans la construction psychique des enfants. À ce jour, il existe peu de données fiables sur les enfants élevés par un couple de personnes du même sexe, sans référent féminin ou masculin. Sans même parler de l’éducation, l’impact d’une absence de filiation crédible n’a jamais été sérieusement évalué. À titre d’exemple, il existe une étude scientifique rendue publique en juin 2012 qui a suscité une polémique aux États-Unis, celle de Mark Regnerus, professeur de sociologie à l’université d’Austin au Texas. Cette enquête a été conduite sur un panel de familles représentatif, à la fois hétérosexuelles et homosexuelles. Si elle ne suffit pas à tirer des conclusions définitives, et présente des difficultés méthodologiques rele10


FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE vées par l’auteur lui-même, cette enquête tend plutôt à déceler chez les enfants élevés par des couples de même sexe une plus grande propension à se replier sur soi et à l’instabilité. Par exemple, Mark Regnerus note dans le panel qu’il a étudié que « 28 % des adultes ayant été élevés par deux femmes sont au chômage, contre 8 % pour ceux élevés dans des familles avec un père et une mère mariés […] 19 % des premiers déclaraient suivre actuellement une thérapie pour des problèmes liés à l’anxiété, la dépression ou des soucis relationnels, contre 8 % des seconds ». Nous refusons le déterminisme et croyons dans la capacité de chaque personne à s’adapter à toutes les situations. Mais, au nom du principe de précaution, ces éléments, aussi discutables soient-ils, méritent d’être pris en compte dans le débat public. - La présomption de paternité, régie par l’article 312 du code civil, organise la reconnaissance « automatique » de chaque enfant qui naît dans le cadre d’un mariage. C’est ainsi qu’aujourd’hui la loi assure à un enfant d’un couple marié d’être ancré dès sa naissance dans une double filiation, paternelle et maternelle. À cet égard, pour les couples en concubinage ou pacsés, la reconnaissance de l’enfant par le père oblige à une démarche volontaire alors que la présomption de paternité existe pour les couples mariés. Le projet de loi en l’état a décidé de ne pas modifier le code civil en matière de présomption de paternité, ce qui ne va pas sans poser de questions : alors que l’on ouvre l’accès au même statut marital à tous les couples, le maintien exclusif de la présomption de paternité pour les couples hétérosexuels ne va-t-il pas être dénoncé comme une discrimination par les couples de même sexe ? Quels choix se poseront alors au législateur ? L’apparition d’une présomption de parentalité ? La disparition de la présomption de paternité pour tous et donc de ce qui est au cœur du mariage ? Auquel cas, on ouvrirait la porte à une recrudescence des contestations en paternité : un père pouvant plus aisément refuser de reconnaître un enfant, ou à l’inverse une mère pouvant refuser une reconnaissance d’enfant à un homme estimant pourtant être le père. L’enfant risquerait ainsi de se retrouver dès sa naissance au cœur de conflits lourds sur l’origine de sa filiation.

2. Une modification de l’adoption pour tous les adoptés et tous les adoptants - En ouvrant le droit à l’adoption pour les couples de même sexe, ce projet de loi permet de priver un enfant du droit d’avoir un père et une mère. Cela pose une question d’égalité devant la loi. N’y aurait-il pas une discrimination majeure si la loi permettait qu’un enfant n’ait pas le droit dès sa naissance d’avoir un père et une mère, comme la majorité des autres enfants ? Cette question est d’autant plus brûlante pour des enfants adoptés, déjà marqués par le traumatisme de l’abandon. En faisant croire à l’enfant qu’il aurait deux pères et deux mères, on risque de falsifier la filiation et d’engendrer la confusion entre parentalité et paternité/maternité. C’est ce que craint le pédopsychiatre Christian Flavigny, responsable du département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris (le Point, 23 octobre 2012) : « Le mécanisme de pensée d’un enfant abandonné est de croire qu’il l’a été parce qu’il était un mauvais enfant. Il est spontanément en mésestime de lui-même. L’adoption par des couples d’hétérosexuels

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE absorbe cette problématique au travers du message : nous t’attendions comme notre enfant. » « Dans la mesure où l’enfant sait qu’il est né d’un père et d’une mère, cette complétude entre les sexes va le restaurer dans sa blessure narcissique et donner un socle à sa construction psychologique. Or, s’il est adopté par exemple par deux femmes, il se demandera inévitablement : pourquoi n’ai-je pas mérité d’avoir mon père ?, et le fait qu’il n’a pas mérité la ‘‘voie royale’’ va remonter à la surface. Or, le projet de loi actuel masque, voire banalise, cet enjeu de fond pour l’enfant. Il fait oublier cette privation essentielle de l’enfant qu’il est issu d’un père et d’une mère. » La création des situations où un enfant serait privé d’un père ou d’une mère n’a d’ailleurs rien à voir avec les situations de naissance posthume ou de familles recomposées où, malgré l’absence ou l’éloignement d’un parent, les enfants n’ont pas de doute sur leur double filiation. - Ce texte donnerait l’autorisation aux couples de même sexe de déposer un agrément pour une demande d’adoption. Il se trouve qu’on compte en France, selon les chiffres officiels pour 2010, environ 25 000 candidats agréés dans l’attente de l’adoption d’un enfant pour moins de 2 500 enfants qui ont le statut de pupille de l’État. Pour deux tiers de ces enfants, aucun projet d’adoption n’est envisagé. En clair, il y a moins de 800 enfants « adoptables » en France pour 25 000 demandes. Les couples qui ont obtenu un agrément ont donc tendance à vouloir adopter à l’international, qui représente aujourd’hui 80 % de l’adoption en France (soit 3 500 enfants adoptés à l’étranger). Le problème est que l’ouverture d’un tel droit pour les couples de même sexe risque de tarir les possibilités d’adoption pour tous les couples car de nombreux pays étrangers refusent officiellement ou officieusement de confier leurs enfants à des couples de même sexe (c’est le cas par exemple de la Chine ou du Vietnam). Ainsi en Belgique, aucun couple du même sexe n’a accueilli d’enfants nés à l’étranger, malgré l’autorisation en 2006 de l’adoption par des couples homosexuels. Le risque est que, par extension, les États étrangers bloquent purement et simplement toutes les demandes d’adoption émanant de candidats français quelles que soient leur situation matrimoniale ou leur orientation sexuelle. Ce risque de tarissement de l’adoption pour tous les candidats français a été soulevé par l’Agence française de l’adoption (AFA), le 6 décembre 2012, lors d’une audition devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale. L’avis du 21 janvier 2013 de l’Académie des sciences morales et politiques a aussi mis en garde contre le risque qui pèse sur l’adoption internationale pour les Français : « Le projet de loi soulève en outre des questions difficiles du fait que le mariage et l’adoption ne sont ouverts aux personnes de même sexe que dans moins de dix pays appartenant tous à l’Europe occidentale ou à l’Amérique du Nord. Or les enfants adoptés en France proviennent à l’heure actuelle d’autres régions du monde et certains des États concernés pourraient se refuser dans l’avenir à placer leurs enfants sous l’empire du droit français. »

3. Les limites éthiques d’une revendication

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE - Au vu des difficultés très probables de l’adoption par des couples de même sexe en France comme à l’étranger, il apparaît que ces couples qui voudraient avoir un enfant devront se tourner vers la procréation médicalement assistée (PMA) pour satisfaire leur désir d’enfant. Aujourd’hui, la PMA n’est pas ouverte aux couples de même sexe, mais c’est l’une des revendications fortes des associations militantes et un projet défendu par un nombre important de parlementaires socialistes (126 députés du PS se sont d’ores et déjà officiellement prononcés en faveur de la PMA « pour tous »). Devant l’opposition nette de l’opinion (63 % des Français ne sont pas favorables à ce que les couples homosexuels aient le droit en France de recourir à la PMA, d’après un sondage OpinionWay du 10 janvier 2013), François Hollande a choisi de temporiser en reportant l’introduction de cette mesure dans une loi sur la famille qui serait débattue en mars 2014. Cet artifice de calendrier ne masque pas le fait que l’ouverture de la PMA « pour tous » est d’actualité et doit faire partie intégrante du débat actuel sur la famille.

Qu’est-ce que la procréation médicalement assistée (PMA) ? La loi de bioéthique n° 2004-800 du 6 août 2004 modifiée en 2011 permet à un couple (un homme et une femme mariés ou faisant preuve d’une vie commune de deux ans) de bénéficier de la PMA. C’est une technique médicale qui répond à des problèmes médicaux, ceux de l’infertilité de certains couples ou en cas de maladie grave qui risquerait d’être transmise à l’enfant ou à l’un des parents. - Ouvrir la PMA à des couples homosexuels poserait plusieurs problèmes éthiques. Dans le cas d’un couple de femmes, nous passerions d’une situation où la science apporte une réponse à un problème médical - l’infertilité - à une situation où la science est sommée de répondre à un désir d’enfant, soit une forme de droit opposable à l’enfant (puisque l’impossibilité d’avoir un enfant n’est plus liée à l’infertilité mais au fait que deux femmes ne peuvent procréer ensemble). Il s’agit donc ici de faire passer le droit à l’enfant devant les droits de l’enfant. Au-delà de la problématique du droit à l’enfant, l’ouverture de la PMA à un couple de femmes poserait d’autres questions sur le fonctionnement actuel de la procréation médicalement assistée. o La levée éventuelle de l’anonymat des donneurs de sperme. Aujourd’hui, le don de sperme est anonyme et gratuit. Mais une revendication pourrait voir le jour pour qu’un enfant élevé par deux femmes puisse connaître le nom de son géniteur afin d’inscrire ainsi une figure masculine dans sa filiation. Si on autorise cette levée de l’anonymat pour des couples de même sexe, elle concernera forcément aussi les parents hétérosexuels. Or une large majorité d’enfants nés par don de sperme ne souhaitent pas connaître l’identité du donneur. Les enfants redoutent que la levée de l’anonymat pousse les parents à leur cacher la façon dont ils ont été conçus, et donc d’être ainsi privés de leur histoire. Selon le Pr Jean-Philippe Wolf, qui dirige le Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) de l’hôpital Cochin à Paris, « dans les pays où l’on peut connaître l’identité du donneur, rares sont les personnes qui usent de ce droit. En Grande-Bretagne, 10% des gens

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE demandent et seulement 1 % vont au bout des démarches » (le Figaro, 16 janvier 2013). o La pénurie des dons de sperme. La fin éventuelle de l’anonymat des donneurs pourrait entraîner une pénurie des dons et donc affecter tous les couples en attente de PMA qui doivent aujourd’hui patienter de six à dix-huit mois selon les régions. o Aujourd’hui, la PMA est prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale, dans la limite de quatre fécondations in vitro et six inséminations intra-utérines. L’impact financier éventuel de l’extension de ce dispositif « pour tous » a-t-il été évalué ? - Dans le cas d’un couple d’hommes, la PMA est impossible puisque personne ne peut porter d’enfant. Nous serions donc dans une situation paradoxale où, au nom de l’égalité (la PMA « pour tous »), on créerait une discrimination entre couples de femmes et d’hommes. Cette discrimination ne pourrait être dépassée qu’en légalisant les mères porteuses (ou gestation pour autrui, GPA) qui sont interdites aujourd’hui en France au nom de l’indisponibilité du corps humain, de sa non-marchandisation (une femme ne peut pas utiliser son corps à des fins lucratives…). La GPA poserait aussi des questions éthiques insolubles pour les personnes concernées, comme le souligne le Pr Jean-Philippe Wolf : « Que se passe-t-il si la mère porteuse meurt en couches ? Qu’arrive-t-il si l’enfant est trisomique et que personne n’en veut ? Quelles répercussions pour les enfants de la mère porteuse qui la verront enceinte ? Sans compter que, lorsque l’on paie les gens, on ouvre la porte à toutes les dérives, comme ce bébé qu’une mère porteuse avait voulu vendre au plus offrant sur Internet ! » (le Figaro, 16 janvier 2013). La question de la GPA n’est pas un fantasme agité par la droite afin de mobiliser l’opinion contre le gouvernement. Aujourd’hui le gouvernement s’y dit hostile, mais de nombreux élus de gauche y sont favorables et l’ont dit publiquement. Par exemple, dans une tribune du 13 décembre 2010 dans le Monde intitulée « Gestation pour autrui : un cadre contre les dérives ». Pas moins de trois ministres du gouvernement actuel, Najat Vallaud-Belkacem, Aurélie Filippetti et Alain Vidalies, avaient notamment cosigné cette tribune avec d’autres figures du PS, comme François Rebsamen, président du groupe des sénateurs socialistes, ou André Vallini, sénateur et président du conseil général de l’Isère. Si la PMA est accordée aux couples de même sexe, la question de la GPA sera inévitablement abordée.

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE L’expérience demande d’ailleurs la plus grande vigilance, la gauche a l’habitude de nier ses futures transgressions éthiques pour mieux faire passer ses projets actuels. Par exemple, le 3 novembre 1998, Élisabeth Guigou, alors ministre de la Justice, déclarait devant l’Assemblée nationale à l’occasion du débat sur le Pacs que jamais la gauche n’irait sur le terrain du droit à l’enfant : « Un enfant a droit à un père et une mère. » « Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l’occasion de tracer les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué, et je partage ce point de vue, que les procréations médicalement assistées (PMA) ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant. » Aujourd’hui, Élisabeth Guigou assume soutenir à « 100 % le projet de mariage pour tous » et explique d’ailleurs son cynisme de 1998 : « à l’époque notre objectif était, pour faire accepter le Pacs, de le dissocier de la filiation ». (le Nouvel Observateur, 10 janvier 2013).

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2. PROMOUVOIR LA FAMILLE DURABLE A. La France est forte de sa démographie Il n’y a pas de puissance et de prospérité durables sans dynamisme démographique. La France a joué un rôle de premier plan dans l’histoire quand sa démographie était forte. À l’inverse, les phases de faible natalité ont souvent coïncidé avec des phases de déclin. Cette vitalité a été à l’origine de notre rayonnement, et de la transmission, de génération en génération, d’une culture universellement reconnue. Car c’est au cœur de la famille que se transmettent les valeurs et cette mémoire collective qui fondent notre identité. Aujourd’hui, la France est le pays où la natalité est la plus forte d’Europe, après l’Irlande. En 2011, selon l’Insee, le taux de natalité était de 2,01 enfants par femme, loin devant l’Italie (1,41), l’Allemagne (1,39) ou l’Espagne (1,37). C’est ainsi que, si cette dynamique de natalité ne fléchit pas, la France redeviendra le pays le plus peuplé d’Europe d’ici à environ trente ans. Cette croissance démographique est due à plus de 80 % aux naissances et non pas à un afflux d’immigration. Cette croissance de la population est un atout essentiel pour notre pays, car il n’y a pas de croissance économique sans croissance démographique. Avoir des enfants, c’est la manifestation d’une vraie confiance dans l’avenir. C’est le signe d’un peuple animé par le courage et l’espérance.

B. La famille est un bien précieux Avoir des enfants permet non seulement de renouveler les générations et d’assurer la continuité de notre modèle social, mais nous considérons également que c’est un bien en soi, qui permet à l’homme de se réaliser dans sa plénitude. La famille joue un rôle économique et social très important : elle est une protection et une assurance contre les difficultés de l’existence. Elle est le cadre le plus adapté au soutien matériel, à l’éducation des enfants et à l’apprentissage du civisme et de la confiance. Lorsqu’elle n’assure pas son rôle, le coût social est supporté par l’État. Les séparations, qui entraînent bien souvent la constitution de familles monoparentales, fragilisent les individus, notamment les enfants et les femmes. Ainsi, le niveau de vie d’une famille monoparentale avec un enfant est de 40 % inférieur à celui d’un couple sans enfant. Pour les familles monoparentales avec deux enfants ou plus, le niveau de vie est même de 50 % inférieur. Ces instabilités familiales représentent un coût important pour la société : si 53 % des divorces sont actés par consentement mutuel, le nombre des saisines du juge familial est en augmentation pour ce qui concerne l’exercice de l’autorité parentale. Un divorce, une séparation, une révision de jugement ou encore un placement en famille d’accueil coûtent cher et représentent un tiers du budget de la justice1. De plus, l’instabilité des couples pose également des problèmes de logement et a un impact défavorable sur les enfants, comme 1

« La famille, une affaire publique », rapport Godet-Sullerot.

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE le relèvent plusieurs études.

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Extraits du rapport de Michel Godet et Évelyne Sullerot, « La famille, une affaire publique », Conseil d’analyse économique, 2005 Conflits familiaux : les parents se séparent, les enfants trinquent ! Pour Paul Archambault, « la dissociation intentionnelle du couple parental avant 18 ans est systématiquement associée à une réduction des chances scolaires et de la durée des études ». Au travers de ses analyses on retiendra que : • l’écart de réussite scolaire entre enfants issus de familles « intactes » et enfants issus de familles désunies est assez important (à niveau social et héritage culturel donnés) ; • cet écart subsiste en milieu favorisé, mais il est reporté plus tard dans la scolarité au-delà du bac ; • l’âge moyen de fin d’études est réduit de six mois à deux ans, toujours à héritage culturel donné, en environnement dissocié ; • les déterminants de la réussite scolaire ne sont pas uniformes sur la durée du parcours. L’impact de l’origine sociale est particulièrement élevé pour l’obtention d’un premier niveau de diplôme, mais il s’estompe au fur et à mesure que le jeune gravit les échelons scolaires ; • en famille monoparentale ou recomposée, le départ des enfants est plus précoce qu’en famille intacte, l’incertitude scolaire n’en est que plus forte ; • après le bac, l’écart se creuse dans le sens d’une meilleure réussite scolaire chez les familles monoparentales par rapport aux familles recomposées, où les enfants quittent plus tôt le foyer. Dans la même étude, Thomas Piketty considère, lui, que le lien de causalité n’est établi et considère plutôt que « c’est le conflit parental qui compte, pas la séparation en tant que telle ». Il considère donc que « l’effet de la « préséparation » est aussi fort que si les parents étaient déjà séparés.» Il relève aussi que « les enfants des couples non mariés réussissent moins bien (8 points d’écart environ) que ceux de parents mariés : 33,1 % à l’âge normal pour les premiers versus 41,8 % dans le second cas ». « Finalement, il y a bien une causalité forte entre la mésentente des parents qui conduit à la séparation et les moindres résultats scolaires des enfants. Ce ne serait pas la séparation du couple qui serait la cause, mais la mésentente familiale qui précède la séparation ou seulement la fait craindre qui perturbe l’enfant. Ses parents se déchirent et il vit mal sa relation avec ses deux parents, il culpabilise souvent, ses parents relâchent leur attention et leur autorité. Ses comportements de laisser-aller scolaire ou personnel sont autant d’appels au secours qui ne sont pas perçus. Une fois la séparation instaurée et stabilisée, il pourrait retrouver le chemin normal des enfants de familles intactes, s’il recouvre avec ses deux parents une relation d’entente et de confiance. Relevons cependant que, pour la plupart des analystes, la fragilité et l’échec scolaire des enfants de familles recomposées paraissent être plus forts que pour les enfants de familles monoparentales. Ces enfants sont des blessés de la route familiale, ils peuvent s’en remettre à condition de ne pas nier leurs blessures et de les panser comme elles le méritent. »

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE La vie de famille ne se limite pas au mariage. Aujourd’hui, plus d’un enfant sur deux naît hors mariage et il existe plusieurs formes d’organisations de la vie de couple – concubinage, Pacs, mariage – selon le choix des individus. Pour autant, promouvoir la famille durable passe par la reconnaissance du mariage. C’est l’acte fondateur d’un couple voulu comme durable. C’est un acte qui engage vis-à-vis de l’autre et des enfants qui en sont issus. Le mariage n’est pas le Pacs : l’un rend un véritable service social en protégeant les enfants et les conjoints en cas de séparation et l’autre peut être rompu à tout moment et unilatéralement sans créer de devoir entre les contractants. Ces deux formes d’union ne fixent pas les mêmes devoirs et n’ont donc pas à bénéficier des mêmes droits. De plus, le concubinage s’avère également être une forme moins stable que le mariage, puisque les séparations y sont plus fréquentes et plus précoces. Si la famille est le meilleur cadre pour l’épanouissement des enfants et si le mariage est le meilleur socle pour bâtir une famille, il est du devoir des pouvoirs publics de les protéger. Dans cette logique, il n’est pas normal que, selon une étude de l’Insee publiée en 20072, une part importante des couples (23 %) aient un intérêt fiscal à ne pas se marier. C’est particulièrement vrai pour les couples les plus modestes, avec un écart de revenu marqué entre la femme et l’homme. « Les gains à l’imposition séparée concernent près d’un couple sur quatre et près de 30 % des couples avec un ou deux enfants gagnent à l’union libre. » Cela s’explique notamment par les dispositifs de redistribution en faveur des revenus modestes (prime pour l’emploi (PPE), décote, seuil de perception) qui se superposent au quotient conjugal et en modifient les effets. Même si les montants en cause ne sont pas forcément élevés, il n’est pas normal que la fiscalité pénalise le mariage.

PROPOSITION 1

Instaurer des solutions qui permettront de retrouver un équilibre favorable au mariage.

C. Le modèle familial traditionnel est-il dépassé ? La famille nucléaire, composée d’une mère, d’un père et d’un ou plusieurs enfants, serait dépassée. Plus de 40 % des couples mariés divorcent dont 65 % ont des enfants. Le nombre de familles monoparentales et recomposées augmente et les revendications vers d’autres façons de « faire famille » se développent. La famille ne serait plus un idéal collectif à bâtir, mais une satisfaction personnelle à organiser. Le mariage ne serait plus un idéal d’engagement, mais une forme parmi d’autres. Des formes d’organisation plus souples apparaissent et permettent aux individus de faire évoluer plus facilement leurs engagements au gré des circonstances.

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« Se marier ou non : le droit fiscal peut-il aider à choisir ? » par Élise Amar et Sophie Guérin.

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Pourtant, pour plus de 70 % des jeunes Français, avoir une famille donne un sens et est synonyme d’avoir une bonne vie3 et 80 % des jeunes de moins de 25 ans espèrent se marier4. Dans les faits, les trois quarts des enfants de moins de 18 ans vivent avec leurs deux parents5. Si le taux de vie en couple a baissé de 10 points en trente ans pour les personnes entre 30 et 40 ans, elle concerne aujourd’hui 73 % des femmes et 70% des hommes. Si la famille change, elle reste, dans sa forme « traditionnelle », un idéal de vie pour la jeunesse. Fondation pour l’innovation politique, 2011. Ipsos, juin 2010. 5 Institut Montaigne, 2010. 3 4

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D. Quel avenir pour notre politique familiale ? Notre vitalité démographique n’est pas le fruit du hasard, elle est liée à une politique familiale généreuse (70 milliards d’euros par an, soit 3,8 % de notre PIB, contre une moyenne de 2,4 % du PIB dans l’OCDE, sans compter les 18 milliards du quotient familial). Elle est dotée d’un cadre institutionnel stable, presque intangible, en tout cas protecteur. Son but est de lever, autant que possible, les freins matériels qui empêchent les familles d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. Le succès de notre politique familiale est tel qu’elle est devenue un modèle envié et de plus en plus copié dans la plupart des pays développés, comme l’Allemagne, qui souffrent de faibles taux de natalité. Cette politique a été conçue après les deux guerres mondiales, dans cette France où les enfants étaient devenus plus rares que les anciens combattants. Elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle doit autant au Front populaire, qui a institué les allocations familiales en 1938, qu’au général de Gaulle, qui a créé le quotient familial en 1945. Ces deux mécanismes sont inspirés d’une même philosophie : le devoir de la République est d’assurer qu’un enfant ne soit pas un fardeau financier pour sa famille, car la République est redevable aux familles de ces enfants qui garantissent la continuité et la pérennité de la Nation. Car c’est un fait : les enfants font baisser le niveau de vie des couples.

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE Après impôts et transferts sociaux, le niveau de vie d’une famille en couple avec trois enfants ou plus est en moyenne inférieur de 25 % à celui d’un couple sans enfant. La tendance est encore plus marquée pour les familles monoparentales : leur niveau de vie avec un enfant est inférieur de 40 % à celui d’un couple sans enfant. Cette paupérisation touche toutes les catégories sociales. C’est là l’essence de notre politique familiale : universelle (les allocations familiales ne sont pas versées sous conditions de ressources) et horizontale (ceux qui n’ont pas d’enfant payent pour ceux qui en ont). Contrairement à la gauche, nous l’affirmons avec force : la politique familiale n’est donc pas qu’une politique sociale. Elle peut être accompagnée d’un ciblage social pour aider les familles les plus précaires, mais elle ne distingue pas les couples et les enfants, elle s’adresse à toutes les familles. En s’attaquant au quotient familial, François Hollande porte une responsabilité historique. Malgré les difficultés budgétaires du pays et la tentation de socialiser la politique familiale.

PROPOSITION 2

Défendre la redistribution horizontale entre les ménages et familialiser à chaque fois que c’est possible les impôts.

Mais notre politique familiale ne consiste pas uniquement à distribuer des allocations ou à réduire son impôt sur le revenu. Elle vise également à permettre aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. En effet, le taux de pauvreté des familles nombreuses vivant en couple et dont la femme est au foyer est le même que celui des familles monoparentales. C’est donc bien la double activité des parents qui protège la famille de la pauvreté. Les dispositifs d’incitation fiscale ne sont donc pas suffisants et les efforts pour offrir des solutions de garde qui permettent de concilier vie professionnelle et vie familiale sont décisifs. Là encore, le modèle français s’avère plus performant puisque notre taux d’activité des femmes entre 25 et 54 ans est globalement supérieur à la moyenne européenne tout comme notre taux de natalité.

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FAMILLE PROMOUVOIR LA FAMILLE Le constat est simple : quand on agit au niveau professionnel pour la parité et qu’on développe des solutions de garde adaptées, les femmes travaillent et ont des enfants.

PROPOSITION 3

Développer le soutien à la parentalité et augmenter sensiblement l’offre de garde. Pour y parvenir, nous devons simplifier une réglementation trop contraignante en matière d’accueil de la petite enfance, associer les entreprises au financement, imaginer de nouveaux modes de garde pour offrir de la souplesse et respecter, autant que possible, le libre choix des parents. Enfin, les acteurs locaux doivent être étroitement associés à la réflexion, car ils sont en première ligne dans la prise en charge de la petite enfance.

Par ailleurs, ces droits ouverts par la politique familiale ne vont pas sans devoir.

PROPOSITION 4

Mettre l’accent sur la responsabilité des individus dans le mariage et sur celle des parents dans l’éducation de leurs enfants.

Aussi, pourquoi ne pas imaginer une préparation obligatoire au mariage civil, qui permettrait aux futurs époux de mieux connaître les droits et les devoirs liés au mariage ? Pour les parents, nous regrettons à nouveau la suppression du dispositif qui permettait de suspendre les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire et réclamons son rétablissement.

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Studio graphique UMP Š janvier 2013 - V02

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