Points, Zig-zag, Double-ligne Nouveaux modes de lecture et poétique du réseau Internet dans le livre imprimé
Points, Zig-zag, Double-ligne Nouveaux modes de lecture et poétique du réseau Internet dans le livre imprimé
Points, Zig-zag, Double-ligne : Nouveaux modes de lecture et poétique du réseau Internet dans le livre imprimé Léna Robin Mémoire de DNSEP
table
0 0
Préambule
11
Posture
13
I. Contemporanéïté du réseau :
15
paradigme d’Internet Histoire et évolution du réseau
17
Philosophie du réseau et concrétisations
17
Internet
19
Société du réseau
20
Une ère post-Internet
24
Art post-Internet
24
Post-Internet et publications imprimées
25
Lecture sur Internet
28
Fragmentation
29
Communauté d’auteurs
31
Confusion
35
II. Livre et réseau : paradoxes
41
et expériences Structure du livre
45
Ligne et écriture
45
Le livre sera linéaire
46
Le Livre à l’image de la Ligne
46
Structure du réseau
48
Des points reliés par des lignes
48
Réseau et rhizome
49
Points, zig-zag, double-ligne
50
Penser et écrire la non-linéarité
51
Volonté d’écriture non-linéaire
51
Des genres littéraires nouveaux
54
Expériences graphiques
57
table
III. Émergences : prototypes Hypertexte
63 69
Index croisés et maillage
70
Références
73
Se perdre : sérendipité
80 82
Flux Surf : voies pour se retrouver
83
Couler sans fin : non-téléologique
86
Parataxe
89
Œuvres collectives
92
Portrait de groupe
92
Conversation
94
Contenu éditorial collectif
95
Mise en perspective : quelles modalités
97
pour ce type d'ouvrages ? Témoignage d’expériences
97
Tentative de classification
97
Carte et géographie
98
Réseau et microcosme
99
Acceptation du public
101
IV. Conclusion
105
Annexes
113
Références
173
préambule
Au cours de mes années d’études du design graphique, j’ai vu petit à petit ma pratique se tourner vers Internet, et particulièrement vers l’exploitation de contenu produit sur Internet. En effet, mon travail se basait sur de nombreux témoignages que je recueillais lors de rencontres et de déambulations tangibles avec les autres. Je recueillais leurs avis et leurs points de vue sur une situation spécifique et leur donnais forme. Les notions de forum et de dimension collective sont essentielles pour moi. Je me suis rendue compte qu’Internet avait cette particularité-là de donner accès à une vaste quantité de témoignages et de journaux intimes puisqu’Internet permet de s’exprimer de façon publique. Quelle aubaine, me suis-je dit. Même si Internet n’est délibérément pas comparable à ce que peut être une rencontre tangible, quoi de plus réel qu’une expression spontanée d’un internaute, diffusée à l’attention de tous. Si l’évocation de ces différents projets sur un support interactif et numérique semblait aller de soi, la question se posa souvent de savoir comment ces expériences allaient pouvoir être retranscrites dans une publication imprimée. Je voulais pouvoir déambuler, naviguer dans l’espace du livre de la même façon qu’on pouvait le faire sur Internet, tous azimuts. J’affectionne d’ailleurs cette notion de préambule ; celle d’un propos, avant la marche. Mais très vite, avant même d’avoir eu un semblant d’idée concernant une quelconque navigation dans le livre, je me suis rendue compte qu’Internet influençait la manière que j’avais de lire des livres imprimés. Comme sûrement beaucoup d’entre nous, j’ai aujourd’hui du mal à lire des livres en entier. Ma lecture devient parcellaire. Je lis tout autant, mais différemment.
préambule
C’est ainsi que je suis venue à me poser les différentes questions que sillonnera ce mémoire. Comment, et à quel point, la lecture et l’accès à l’information sur Internet confèrent aux lecteurs de nouvelles habitudes ? Et comment le graphiste et l’auteur, qui sont eux aussi des lecteurs, peuvent révéler ces nouveaux codes dans leur pratique ? Il ne s’agira pas de faire une analyse du folklore visuel du net. Mais plutôt d’étudier la façon dont l’information nous y est délivrée : sa structure et sa lecture. D’en saisir les codes et de voir qu’une fois intégrés à notre pratique quotidienne de la lecture, ils peuvent se retrouver, lointains cousins, dans le livre papier. Il s’agira de déceler cette poétique de l’Internet au travers de quelques objets d’étude, quelques spécimens que j’aurai tenté de recenser, faisant partie d’une espèce plutôt méconnue et encore peu documentée car manifestement contemporaine. On tentera de comprendre comment la notion de réseau s’est ancrée dans notre imaginaire collectif, du fait particulier d’Internet. Nous verrons quelles sont les particularités que ce média d’information possède et comment il re-façonne nos modes de lecture. Il sera nécessaire de revenir sur des expérimentations littéraires et graphiques avant-gardistes pour voir comment le livre a pu être modifié lorsque son contenu n’est pas linéaire, mais de l’ordre du fragment. Enfin, nous étudierons les quelques spécimens annoncés, résultat de transpositions incessantes entre la lecture sur papier et celle sur Internet et agissent en tant que « prototypes » (objets prospectifs). Ces objets témoignent des mutations que connait la lecture et sont des objets hybrides, nourris des pratiques du lecteur et de l’internaute qui voyage désormais dans le livre, comme il voyage déjà sur la toile.
posture
Si vous jetez un coup d’œil furtif sur ce mémoire, il se peut que vous compreniez qu’il traite de narration non-linéaire et d’ouvrages à la forme alambiquée. Il se peut ainsi que vous vous demandiez pourquoi n’ai-je pas poussé davantage l’expérimentation dans la mise en forme dece mémoire. Mais ce serait se méprendre sur mon intention. Car il est vrai qu’il s’agit de traiter par moments de narration non-linéaire et d’ouvrages à la forme alambiquée, mais pas que. La mise en page de ce mémoire s’est voulue simple. Compliquer sa mise en forme de manière superficielle n’aurait pas eu lieu d’être. Il ne s’agit ni d’une performance graphique, ni de singer grossièrement les éléments encore fragiles que je tente d’analyser dans ce texte, puisqu’il s’agit pour la plupart d’objets éditoriaux relatant des expériences vécues sur Internet — où l’accès à l’information et la lecture se font d’une façon totalement différente de ce que l’on pourrait connaître dans un livre traditionnel — et dont mon mémoire ne fait pas l’objet puisqu’il s’inscrit dans une démarche théorique, au style plutôt cartésien.
Contemporanéïté du réseau : paradigme d’Internet.
Histoire et évolution du réseau Pour mieux comprendre comment Internet et plus largement la notion de réseau s’est intégrée à notre imaginaire collectif et est désormais un matériau quotidien, il est nécessaire de faire quelques pas en arrière pour rappeler certains éléments historiques. Avant toute chose, je propose que nous nous mettions d’accord sur certains termes pour éviter quelques méprises. Ainsi, on s’emploiera à considérer le « réseau » de plusieurs façons, que voici : « En premier ressort, un réseau désigne au sens concret "un ensemble de lignes entrelacées" et, au figuré "un ensemble de relations". Par extension, il désigne un ensemble interconnecté — fait de composants et de leurs inter-relations — autorisant la circulation en mode continu ou discontinu de flux ou d’éléments finis (1). »
Philosophie du réseau et concrétisations On peut considérer que l’idée du réseau s’est matérialisée à partir du XVIIIème siècle. C’est notamment avec la « philosophie des réseaux » qu’elle s’est concrétisée. La philosophie des réseaux doit son nom au sociologue Pierre Musso. La philosophie des réseaux est la doctrine défendue par le comte de Saint-Simon (Claude Henri de Rouvroy, 1760-1825). Elle se base sur des préceptes religieux tels que ceux du Nouveau Christianisme et a pour but de fraterniser les liens entre les Hommes, en particulier au niveau de la production économique. Ces changements doivent passer par la construction d’infrastructures physiques. C’est cette doctrine qui sera à l’origine de la décentralisation du territoire et des grands travaux amorcés durant la Révolution Industrielle comme la construction de canaux et le développement du chemin de fer vers 1840. Par la suite, de grandes transformations urbanistiques et architecturales auront lieu. Pour Antoine Picon, docteur en architecture et urbanisme
1
Coll., « Réseau », Wikipédia. [en ligne] mis à jour le 6 février 2015, (http://bit. ly/1yVDoi1)
RÉSEAU ET Internet et auteur de La ville des réseaux : Un imaginaire politique (2), le projet de rénovation de Paris amorcé partir de 1850 par le préfet Georges Eugène Haussmann est un événement clé. Ce projet vise à moderniser un Paris encore moyenâgeux (rues étroites et sombres). Il est alors justifié par des raisons sanitaires mais aussi économiques et politiques (transfert plus aisé des marchandises et volonté d’éparpiller la classe ouvrière pour affaiblir les foyers potentiels de contestation sociale). Paris est alors traversé par de grands axes qui structurent la capitale. Cette refonte totale de la ville, pour une ville structurée en réseau, entraine des transformations successives au niveau des réseaux de transport (train, routes, avions…) et des réseaux d’énergie (réseaux d’adduction d’eau, puis modernisation des égouts sous Haussmann, puis électricité). Le réseau s’est développé par la suite, jusqu’à prendre la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, trouvant des aboutis2 Antoine Picon, sants dans deux grands paradigmes : la mise au La ville des réseaux, un imaginaire point d’une architecture et d’un urbanisme du réseau politique, Éditions MANUCIUS, et le développement de nouvelles technologies. Modélisations des imaginaires, 2014
Ainsi, les TIC (technologies de l’information et de la communication) et les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) apparaissent au cours du XXème siècle. Ces technologies, les TIC et les NTIC, désignent les principales techniques utilisées dans les domaines de l’informatique, de l’audiovisuel, des multimédias, d’Internet et des télécommunications, permettant de communiquer, d’accéder aux sources d’information, de stocker, de manipuler, de produire et de transmettre l’information sous toutes les formes (3). Les NTIC concernent plus précisément les technologies telles que la téléphonie mobile, pouvant intégrer ces premières TIC. Mais en raison de l’obsolescence bien trop rapide de tous ces produits et des nombreux désaccords théoriques qui en accompagnent l’émergence et le développement, la définition n’en est que peu claire et prête souvent à confusion.
3
Coll., « Technologies de l’information et de la communication », Wikipedia [en ligne] mis à jour le 2 décembre 2014, (http://bit.ly/1fIS3Zg)
4 Pierre Musso, interviewé par Ariel Kyrou « Pierre Musso, l’imaginaire des réseaux : au cœur de nos sociétés gouvernées par la technologie », le 26 novembre 2012 à la BNF, [en ligne] (http://bit.ly/1ew0dAp) 5 Manuel Castells, L’ère de l’information : la société en réseaux, Fayard, 1996, p.72 6
Coll., « Internet », Wikipedia [en ligne] mis à jour le 12 février 2015, (http://bit. ly/1vEEq1v)
7 Manuel Castells, op. cit., p.79 8 Vannevar Bush, "As We May Think", 1945, [en ligne] (http:// theatln.tc/1ahQVW2)
évolution du réseau Internet Internet a été l’un des plus gros bouleversements de la société contemporaine. Pour Pierre Musso, il est plus exactement l’aboutissement de la télé-informatique, c’est à dire de la « rencontre entre les réseaux de télé-communication et le monde de l’informatique (4) ». Le réseau Internet est le résultat de plusieurs années d’expérimentations. Tout raconter ne serait pas nécessaire dans le cadre de mon propos, mais l’essentiel sera résumé en ces quelques lignes. Aux origines, se trouve le réseau Arpanet (Fig.A), mis au point en septembre 1969. Développé au départ pour relier entre eux des ordinateurs de quatre universités américaines (5), Arpanet était destiné à la recherche militaire et à la Défense. Ce réseau s’est vu peu à peu ouvert à d’autres champs puisque différentes modifications ont été apportées, telle que la bascule du réseau d’un statut public à un statut semi-privé, pour donner naissance à Internet, en 1983 (6). C’est l’avènement du World Wide Web (« toile d’araignée mondiale ») qui confèrera au réseau Internet la popularité qu’il connaît aujourd’hui, selon Manuel Castells (7). Internet est basé sur un système spécifique : celui de l’hypertexte. Bien avant qu’il ne soit appliqué au world wide Web, l’hypertexte avait été imaginé par Vannevar Bush, alors conseiller du président Roosevelt, en 1945. Dans un article nommé "As we May Think (8)" il imagine un dispositif novateur appelé Memex. Memex avait pour but de lier des documents entre eux grâce à des « hyperliens » choisis par l’utilisateur, de façon à pouvoir re-parcourir une base de données de façon différente à chaque fois, en fonction des liens activés. Le premier système hypertextuel est mis au point en 1965 par Theodor Holm Nelson et Andries van Dam, avec le projet Xanadu (Fig.B), machine permettant d’archiver et de consulter des documents en réseau (à disposition de tous, partout). Par la suite, l’hypertexte devient une technique généralisée et accessible au grand public notamment avec le développement
RÉSEAU ET Internet du logiciel d’écriture hypertextuel Hypercard par Apple en 1987, bien que les foyers équipés d’un ordinateur à cette époque soient encore très limités. C’est finalement en 1990 que Tim Berners Lee applique le système hypertexte au Web et rend son usage si populaire. L’hypertexte, qui avait pour vocation initiale d’aider l’utilisateur à se retrouver dans un corpus de documents, permet de naviguer au travers des pages Web. Société du réseau Ce bref historique nous permet de nous rendre compte que les différentes théories du réseau se sont intégrées à l’imaginaire collectif et ont modelé notre quotidien, tant physiquement que conceptuellement. Au niveau physique et urbanistique, la ville est ainsi construite selon une dépendance quotidienne au réseau : Internet mais aussi téléphone, électricité, transports, etc. Au niveau conceptuel, je pense qu’il est intéressant de noter le point de vue de Antoine Picon, qui considère que deux approches sont possibles à cet imaginaire du réseau : un imaginaire des politiques et décideurs de l’espace public et un imaginaire des usagers de ces réseaux (9). Le réseau revêt ainsi un caractère évidemment politique, par le modèle social et géo-politique qu’il impose à ses utilisateurs. Modèle où chacun est, prétendument, mis au même niveau que l’autre. Il s’avère donc que le réseau implique une modification du système politique à échelle macro-structurelle ; ainsi, je pense par exemple au journaliste et cinéaste Patric Jean qui déclare que : « La linéarité du pouvoir (du gouvernant au citoyen en passant par tous les échelons) a disparu pour être remplacée par une structure non-linéaire en réseau international d’influence politique, économique, financière, religieuse (10). »
9 Antoine Picon, op. cit. 10 Patric Jean, « Écriture non linéaire et art du réel », 3 février 2011, [en ligne], (http://bit. ly/1BweiOs) 11 Pierre Musso, interviewé par Ariel Kyrou, art. cité 12 Ibid.
évolution du réseau À une plus petite échelle, notre conception personnelle de la hiérarchie s’est transformée. C’est ce qu’évoque le sociologue Pierre Musso lors d’une interview : « Pendant des siècles, l’arbre nous a permis de penser les sociétés hiérarchisées. L’arbre de la généalogie, l’arbre des connaissances, l’arbre de la métaphysique, etc. : la métaphore permettait de relier le ciel et la terre. Aujourd’hui, on n’a plus le sentiment de vivre dans des sociétés aussi hiérarchisées. On souhaite des sociétés fraternelles, humanisées, planétaires (11)… »
Bien que le terme « arborescence » soit encore employé pour évoquer les arborescences de systèmes informatiques, le sentiment qui domine actuellement est ce système de plus en plus horizontal et non-hiérarchisé (Fig.C). Pour le sociologue Pierre Musso, le réseau redéfinit notre identité. Ainsi, lorsque nous déclinons notre identité et que nous donnons vos coordonnées, nous donnons bien souvent notre numéro de téléphone mobile, notre mail voire notre page Facebook, donc nos clés de connexion à Internet (12).
RÉSEAU ET Internet
A Développement du réseau Arpanet (http://bit.ly/17FHEfG)
évolution du réseau
B Maquette en carton présentant le système Xanadu, 1972 (http://bit.ly/1LVLGj6)
C Évolution et complexification de la structure de la société (http://bit.ly/1aBbvaF)
RÉSEAU ET Internet
UNE ère post-Internet Si les NTIC, puis Internet par la suite, étaient des technologies inédites il y a quelques années, elles sont aujourd’hui totalement ancrées dans notre culture quotidienne. L’engouement significatif pour la technologie 13 "McHugh sees the postInternet situation numérique des années 2000 s’est transformé en as one in which « the Internet is less a une acceptation généralisée de ces technologies, novelty and more a banality ».", Marisa notamment auprès des artistes. Olson, "Post-Internet: Art after the Internet", C’est ce qu’appuient certains acteurs du monde 2011 de l’art tels que le commissaire d’exposition Gene 14 Ibid. McHugh, pour qui Internet doit désormais être 15 Guthrie Lonergan interviewé par considéré davantage comme une « banalité » Thomas Beard, 2008, [en ligne], qu’une « nouveauté (13) ». On peut ainsi dire que (http://bit.ly/1Et5RCU) nous sommes entrés dans une ère « post-Internet », 16 "This compelled him to make what he impliquant de nouvelles attitudes de la part des called « Objectsthat artistes, qui prennent ces changements en compte. aren’t objects », i.e.
Art post-Internet Dans le domaine artistique, de nouvelles pratiques apparaissent. Ainsi, l’expression « art post-Internet » a été inventée en 2006 par Marisa Olson. Dans "Post-Internet: Art after the Internet (14)", elle défend sa vision de l’art post-Internet. Elle y cite Louis Doulas, artiste et théoricien, qui explique que l’art Internet ne peut plus être défini comme strictement basé sur l’ordinateur et l’Internet, mais doit être défini comme toute forme d’art qui, d’une manière ou d’une autre, est influencé par Internet et le digital. Elle prône ainsi la prise en compte d’un art post Internet qui existerait à la fois bien-sûr sur le net, mais qui doit aussi exister de manière off-line. En outre, elle cite Guthrie Lonergan, artiste de la scène Post-Internet, qui en 2008, évoque la notion d’un art « conscient » vis-à-vis d’Internet (15). Un art avec lequel on arrêterait de mettre l’accent sur la spécificité technique de l’Internet mais plutôt sur les idées nouvelles que cette technologie amène. Ainsi, avec son point de vue, on pourra parfaitement
A tshirt or a book whose primary purpose is to be the vehicle of Internet content…", Marisa Olson, art. cité
17 Voir la base de données sur le net art du site Rhizome.org http://rhizome.org/ artbase/collections/2/ ou bien l’Espace virtuel du Jeu de Paume http:// espacevirtuel. jeudepaume.org/, projet curatorial de Alessandro Ludovico 18 "It should be noted that, within postInternet discourse, there are many who do cite the importance of art and technology precursors, such as Karen Archey, Chris Wiley, and Hanne Mugaas in the recent Frieze roundtable. Equally, established curators and artists like Tribe have, even while acknowledging the conflict between « postInternet » and its precursors, done a great deal to support emerging artistic practices." Michael Connor, "What’s PostInternet Got to do with Net Art ?", 1er novembre 2013, [en ligne] (http://bit.ly/1vA7Nrj)
post-Internet imaginer un livre dont le propos principal est de véhiculer un contenu Internet. « Cela l’a mené à réaliser ce qu’il appelle des "objets qui ne sont pas des objets", par exemple un t-shirt ou un livre dont le but premier est de véhiculer un contenu Internet (16). »
Dans ce contexte post-Internet, les tendances artistiques qui se dessinent sont marquées par une forte hybridation, où l’on ne pense plus les supports comme des territoires fermés mais au contraire, en effectuant des transferts ontologiques entre différents média ; s’opère une hybridation à la fois plastique (le médium Internet ne doit plus forcément être celui choisi pour accueillir un propos sur Internet) et conceptuelle (les idées peuvent sauter d’un support à l’autre). La décontextualisation et la transposition d’un discours d’un support à l’autre est désormais monnaie courante. Ainsi, c’est dans ce contexte que de nombreuses expérimentations sont faites. Si le net art (17), qui peut être considéré comme le « précurseur (18) » de l’art post-Internet, est pensé depuis Internet pour être diffusé sur Internet, l’art post-Internet se distingue par sa finalité, qui ne se trouve plus en ligne mais hors-ligne. Je pense qu'il est important de noter la distinction entre les notions de post-Internet et de post-digital ; « post-Internet » on l’a vu, fait référence à une pratique considérant Internet comme acquis et qui s’extrairait ainsi du support Internet, tandis que le post-digital est une notion plus large, puisqu’elle concerne les supports numériques dans leur ensemble. Puisque l’accès à Internet se fait par le biais d’un écran, on pourra dire que le post-Internet fait en quelque sorte partie d’une réflexion postdigitale. Mais le post-digital n’est pas forcément le post-Internet.
Post-Internet et publications imprimées Dans le champ de l’édition papier, il est essentiel de noter que de nouveaux types de livres, magazines et fanzines affluent, dont le Web est le fournisseur principal d’informations, qu’elles soient textuelles ou visuelles.
RÉSEAU ET Internet Cette production est symptomatique de notre époque. Le Web est une base de données quotidienne et les artistes se penchent dessus. De nombreux artistes et graphistes s’adonnent ainsi à archiver ou à collectionner le Web et Internet sous forme de livres. Des maisons d’édition proposant des livres axés sur cette pratique naissent, comme par exemple les éditions Jean Boîte, maison fondée en 2011 par Mathieu Cénac et David 19 http://libraryofthe Desrimais. Jean Boîte édite des ouvrages comme printedweb.tumblr. com/ Kim Jong Il Looking at Things de João Rocha 20 Paul Soulellis, et Marco Bohr (2012) qui présente une collection "Search, compile, de photographies du leader Nord-coréen et opère publish", 23 mai 2013, [en ligne], (http://bit. une décontextualisation des outils de propagande. ly/1jcPosB) Des initiatives, telles que la publication de catalogues (virtuels ou imprimés) destinés à recenser ce type d’ouvrages, se doivent d’être pointées. On retiendra par exemple le site Post-Digital Publishing Archive (http://p-dpa.net/), dont Silvio Lorusso est le directeur éditorial, qui propose de collecter des projets éditoriaux émanant de la production actuelle dans le champ de la publication à l’ère des technologies digitales. Le projet Library of The Printed Web (19), mené par Paul Soulellis depuis 2013, est un journal papier. Soulellis résume ce projet en ces termes : "search, compile and publish (20)" (chercher, compiler et publier). « J’ai récemment commencé à collecter des livres d’artistes, des zines et d’autres travaux autour d’une idée simple : l’articulation de la culture Web dans l’objet imprimé. J’ai commencé la collection, qui est maintenant appelée Library of the Printed Web, parce que j’ai vu l’émergence d’une pratique du Web vers le papier évidente, parmi de nombreux artistes qui travaillent avec Internet aujourd’hui, et moi y compris. Tous ces artistes — qui sont plus d’une trentaine, et c’est encore en train de se
21 "I recently started collecting artists’ books, zines and other work around a simple curatorial idea: web culture articulated as printed artifact. I began the collection, now called Library of the Printed Web, because I see evidence of a strong web-to-print practice among many artists working with the Internet today, myself included.All of the artists—more than 30 so far, and growingwork with data found on the web, but the end result is the tactile, analog experience of printed matter.", Ibid. 22 Page Sucker, Ludovic Burel et Regular, it éditions, 2002 23 Other People’s Photographs, Volumes I & II, Joachim Schmid, PoD, 2011 24 The Nine Eyes of Google Street View, John Rafman, Jean Boîte éditions, 2011 25 A Palindrome book, Frederico Antonini, 2012 26 Voir DIGITAL FOLKLORE, Olia Lialina et Dragan Espenschied, Merz & solitude, 2009
post-Internet développer — travaillent avec des données trouvées sur le Web, mais dont le résultat final est une production tangible, une expérience analogique de l’imprimé (21). »
Paul Soulellis décompose cette nouvelle scène en trois genres : • Les "grabbers" (les cueilleurs : ils utilisent souvent des moteurs de recherche dans le but de voir ce qui résulte de leurs recherches) parmi lesquels on peut citer la revue Page Sucker (22) lancée en 2002 par Ludovic Burel et Regular qui compile des images dénichées sur la toile via le logiciel aspirateur de sites Web du même nom, ou encore Other People’s Photographs, Volumes I & II (23) de Joachim Schmid, qui rassemble des images prises par d’autres personnes sur le Web. • Les "hunters" (les chasseurs : ils saisissent un instant, en faisant des captures souvent photographiques, d’une image qui est donnée à voir selon des conditions spécifiques) comme par exemple The Nine Eyes of Google Street View (24), de Jon Rafman publié en 2011, qui fait l’inventaire des captures d’écran faites par l’artiste en arpentant les rues de Google. • Et pour finir, ceux qui pratiquent le "Performing" (la performance est faite, mise en œuvre et scénarisée pour aboutir à l’objet papier) à l’exemple de A palindrome book (25), de Frederico Antonini, paru en 2012, qui constate dans deux volumes les résultats de deux sessions de recherche faites avec Google "Search by Image" (moteur de recherche basé sur la reconnaissance d’images mis en place par le moteur de recherche Google) de façon hasardeuse, où chaque résultat donne naissance à une narration en chaîne. La majorité de la production éditoriale décrite s’amuse et se joue des codes graphiques, du design et des images souvent vernaculaires, produits sur le Web. On peut parler d’une véritable fascination pour le folklore du Web (26).
RÉSEAU ET Internet
Lecture sur Internet L’une des différences les plus importantes entre la lecture sur Internet et dans un livre imprimé, réside selon moi dans le fait que l’information se doit d’être parcourue et recherchée lorsque l’on lit sur Internet. En effet, l’information sur Internet est explorable. Elle est à la fois définie selon un découpage du net. Elle appartient à un territoire du net. Ce lieu peut être un site, une page Web. Elle est fragment. Mais elle est aussi malléable, liquide, déviable. Elle est fluctuante. C’est ce que je vous propose d’observer dans cette partie. Nicholas Lambert, dans son essai "Internet Art Versus the Institutions of Art (27)", cite Stephen Wilson, net artiste, qui identifie cinq points clés mettant en avant les spécificités du "net.art", appellation qui rassemble les créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, et qui s’oppose aux formes d’art plus traditionnelles transférées sur le réseau. Ainsi selon Stephen Wilson, le net.art se caractérise par les points suivants : « (1) connectivité entre les personnes, (2) collaboration et travail de groupe, (3) création d’archives libres, (4) caractère international, (5) critique du contexte Web (28). » Si les trois premiers points font référence à une vision plutôt utopiste du net du contexte post-guerre froide dans lequel il a été démocratisé, ces éléments peuvent tout de même nous aider à élaborer une typologie des usages d’Internet et leurs implications dans la lecture. Si l’on prend en compte les éléments d’analyse personnelle que je viens d’énoncer (information fragmentaire mais aussi fluctuante), on peut définir la lecture sur Internet selon trois aspects principaux : • Fragmentation (information parcellaire) • Confusion temporelle/ubiquité (caractère
27 Nicholas Lambert, "Internet Art Versus the Institutions of Art", 2013, dans Art & the Internet, Black Dog Publishing, 2014 28 Ibid, p.12 29 "The ease of use and the pace of technological developments stimulate the fragmentation of texts. The linearity is being broken up as browsing effectively means navigation through short fragments distributed over multiple accessible sources. […] Consequently the future of reading lies in learning how to lay a thread of reasoning between these disconnected fragments.", Niels Schrader, "The Stutter in Reading: Call for a New Quality of Reading", 2011, dans I Read Where I Am, de A. Altena et H. Blanken, Valiz, 2011, p.134 30 "It’s not the computer itself which has forever changed the linearity of text — It’s the possibility, through software, of creating in the abstract digital space a functional, antirely new text structure : the hypertext", Alessandro Ludovico, Post-Digital Print, Onomatopee, 2012, p.27 31 "The growth of blogs, Twitter and Facebook considered in tandem with Tumblr and other social softwares that enable posting and tagging accounts, creates an environment of continuous partial production.", Peter Lunenfeld, "The Networked Culture Machine", dans I Read Where I Am, p.103
lecture sur Internet international et décalages temporels) • Modification du statut des lecteurs (auteurs). Les deux premiers points ont un impact sur la façon dont est structurée l’information (information en flux), tandis que le troisième est à l'origine de la formation d'une communauté d’auteurs et de producteurs d’information.
Fragmentation Pour Niels Schrader, fondateur du Mind Design à Amsterdam et conférencier à la Royal Academy of Art de La Hague, la lecture que nous pratiquons en surfant sur le Web n’est plus une lecture linéaire. « Avec l’usage facilité et l’accélération du développement de la technologie, la fragmentation des textes est accrue. La linéarité est rompue car la navigation sur Internet implique une navigation au travers de petits fragments, auxquels les sources d’accès sont multiples. (…) Par conséquent, l’avenir de la lecture repose sur l’apprentissage de la mise en œuvre de fils conducteurs permettant de constituer un discours cohérent entre ces fragments déconnectés (29). »
Cette fragmentation, telle que l’évoque Niels Schrader, est surtout due à une technologie particulière, celle de l’hypertexte, qui a été implémentée dans le médium Internet et qui est la base de la navigation sur le Web. C’est ce que Alessandro Ludovico pointe dans son ouvrage PostDigital Print : pour lui, « ce n’est pas forcément l’utilisation de l’outil « ordinateur » qui est en cause (numérisation, lire sur écran et taper à la machine) mais surtout les concepts implémentés dans ce médium : ceux de l’hypertexte (30). » Le lecteur est désormais habitué à pratiquer l’assemblage de façon non-linéaire. Sur Internet, on voyage tout en lisant. Peter Lunenfeld, professeur au Design Media Arts Department au UCLA et créateur et directeur éditorial du MIT Press Mediawork Project, évoque dans son essai "The Networked Culture Machine" la très forte implication qu’ont les blogs ou « toute autre plateforme permettant de poster un article et de taguer (31) » jouent un rôle clé dans cette fragmentation, puisqu’ils créent pour
RÉSEAU ET Internet l'utilisateur un « environnement de production partielle continue ». Rappelons que « taguer » consiste à ajouter une étiquette (tag) servant à catégoriser des données. C’est ce qui est appelé « folksonomies » (de l’anglais "folksonomy", combinaison de folk, le peuple, les gens et taxonomy, la taxinomie). Ce système d’indexation personnelle s’incarne sous différentes formes, dont le « tag » fait partie. Il permet à l’utilisateur de décrire le contenu d’une information dans le but de produire un contenu fait sur mesure, mettant en place un système de classification complexe et qui est capable d’évoluer automatiquement en fonction des envies et des changements d’intérêts des internautes. Taguer des articles (texte, images, vidéo…) permet ainsi de créer à partir de fragments et de billets isolés un récit plus large, prenant sens dans la pluralité, mais qui se compose de fragments associés entre eux. C’est parce que le contenu disponible est fragmentaire que l’on recrée des ponts, des liens entre chaque point. On en vient à la conclusion manifeste qu’avec Internet, le rôle du lecteur a évolué et ses habitudes aussi ; c’est ce que Ellen Lupton (graphiste, typographe, curatrice au Cooper-Hewitt National Design Museum de New York et directrice du Graphic Design MFA de Baltimore) pointe dans "From Noun to Verb (32)"; pour elle, Internet a transformé les lecteurs en véritables logiciels ("hardware/software constructs") ayant pour but de filtrer et d’agréger du contenu. On veut tout lire en même temps. L’hypertexte doit, selon moi, être considéré selon une qualité dynamique, crée par l’interaction entre le texte en tant qu’artefact visuel, son contenu conceptuel et l’activité du lecteur qui implique une interprétation de sa part, rendant le lecteur actif. Cette re-configuration qui permet de re-parcourir des documents/textes liés entre eux, correspond à ce que Vannevar Bush a appelé « indexation associative ». Elle permet, par des imbrications, de faire et défaire du sens continuellement. L’hypertexte rompt avec la structuration des systèmes
32 Ellen Lupton, "From Noun to Verb", dans ibid., p.105 33 Jean Clément, « L’hypertexte, une technologie intellectuelle à l’ère de la complexité », dans C. Brossaud, B. Reber, Humanités numériques 1., Nouvelles technologies cognitives et épistémologie, Hermès Lavoisier, 2007, [en ligne], (http://bit. ly/1MSVETO) 34 Maëlys Mandrou, « Nouveaux modes de lecture, les codes ont changé », Monde du livre [en ligne], 23 février 2013, (http://bit. ly/1FuIk2s) 35 Coll., «Email», Wikipédia [en ligne] consulté le 10 décembre 2014, (http://bit.ly/1eJ1PoD) 36 Coll., « Internet forum », Wikipédia. [en ligne] consulté le 10 décembre 2014, (http://bit. ly/1qWARE1)
Ordinary Hypertext, Ted Nelson, 1967 (http://bit.ly/1BpVYoo)
lecture sur Internet de bases de données traditionnelles et arborescentes, fonctionnant sous forme de requêtes où le choix s’affine au fur et à mesure, mais où l’utilisateur est limité à la simple formulation de requêtes à réitérer (33). La base de données, dont le parcours s’effectue de façon rigide — en étant régie par des chemins pré-établis — est ici remplacée par une organisation en réseau qui offre plus de liberté au lecteur. Il peut emprunter des voies qu’il tracera lui-même. Par ailleurs, une expérience scientifique américaine, menée par le psychiatre Gary Small au Semel Institute for Neuroscience and Human Behavior de l’Université de Californie, démontre que deux zones du cerveau sont impliquées dans la lecture sur le Web « celles de la prise de décision et des raisonnements complexes ». Ainsi, « la lecture sur la Toile nécessite et mobilise beaucoup plus d’attention de la part du lecteur. Celui-ci doit sans cesse faire des choix, occulter certaines informations qui attirent son attention telles que les publicités, naviguer de liens en liens (34). » Pour résumer, on pourra dire qu’Internet propose un contenu fragmenté au lecteur, qu’il doit sans cesse ré-assembler pour lui donner sa propre cohérence. Ainsi, Internet rend le lecteur particulièrement actif.
Communauté d’auteurs a. Appartenance collective Avant même l’apparition du Web et d’Internet, le réseau informatique est, on l’a vu, destiné à l’échange. Ainsi, il est possible d’échanger des courriers grâce à un service de messagerie électronique ("electronic mail"). Le premier e-mail est envoyé sur le réseau Arpanet en 1971 (35). Des « forum » (reprenant l’image du forum de la cité, visant à l’expression publique) sont crées, comme Delphi Forums, l’un des premiers forums, en 1983 (36).
RÉSEAU ET Internet Avec la démocratisation d’Internet que nous avons résumée plus haut, tous ces outils sont devenus plus accessibles, concrétisant par la même occasion, l’image d’un réseau horizontal. On peut écrire sur le Web de façon publique ou privée. Ou publier des choses privées de façon publique avec des inconnus. Le réseau confère à l’utilisateur un sentiment d’appartenance collective. C’est ce que Geert Lovink, chercheur en théorie des média et en média interactifs, explique dans son livre Dark Fiber, Tracking Critical Internet Culture (37), à propos des "mailing-lists" (listes de diffusion). Pour lui, les " mailing-lists" électroniques sont des « discussions de groupe basées sur Internet (par opposition aux listes de distribution omni-directionnelle). » Il cite aussi l’artiste serbe Aleksander Gubas, pour qui ces listes de diffusion confèrent au destinataire et lecteur un confort social : « Peut-être que vous ne rencontrerez jamais les autres membres de votre mailing-list— mais c’est bon de savoir qu’ils existent (38). »
b. Expression collective C’est dans ce contexte, que le « Web social » prend forme et permet à chacun de se mettre en réseau mais aussi de s’exprimer. Avec le passage du Web au Web 2.0, qui permet aux « internautes ayant peu de connaissances techniques de s’approprier de nouvelles fonctionnalités du Web (39) », le Web est devenu ce qu’on appelle « Web social », mettant en avant la capacité d’interaction mise à disposition de l’internaute par ce médium. Les internautes peuvent contribuer à l’échange d’informations et interagir (partager, échanger, etc.) de façon simple, à la fois au niveau du contenu et de la structure des pages. L’internaute devient, grâce aux outils mis à sa disposition, une personne active sur la toile. Les « blogs » apparaissent très rapidement après la naissance du Web et se démocratisent dans les années 2000 (lancement de Blogger.com en 1999). À mi-chemin entre le journal intime et le Web-zine, les réseaux sociaux comme Facebook (lancé en 2004) ou encore Myspace (littéralement « mon espace », lancé en 2003) facilitent selon
37 Geert Lovink, Dark Fiber, Tracking Critical Internet Culture, (MIT Press), 2002, p. 68-120 38 "Maybe you’ll never meet the other members of your mailing list—but it’s good to know they exist. It makes you feel less alone.", ibid., p.69 39 Coll., « Web 2.0 », Wikipédia. [en ligne] consulté le 16 décembre 2014, (http://bit.ly/1qUvNNe) 40 Ellen Lupton, Loc. cit. 41 Paul Soulellis, Loc. cit. 42 Pierre Ménard, « De nouveaux procédés d’écriture pour de nouveaux usages de lecture ? », Liminaire [en ligne], 7 novembre 2013, (http://bit.ly/1DrMyIk) 43 Gérald Bronner, La démocratie des crédules, Presses Universitaires de France, 2013
lecture sur Internet moi, et ce encore plus que les blogs, l’expression individuelle, en proposant le recours à une forme minimale d’expression : le « like ». Pour que chacun puisse créer un espace à son image, des outils tels que des « templates » (modèle de conception de logiciel ou de présentation des données) pour des sites-web (templatemonster.com, themeforest.fr par exemple) ainsi que des sites proposant des services d’impression et de publication à la demande (lulu.com fondé en 2002, blurb.com en 2004, Amazon Self Publishing en 2009) ont développé et généralisé auprès d’un très large public des outils de design et de publication, online ou offline (40). Plus particulièrement, des sites tels que Lulu et Blurb ont un impact direct sur le développement de la micro-édition, puisque plusieurs des œuvres citées par Paul Soulellis (41) par exemple, ont été imprimées à la demande sur ces sites, impliquant un rapport direct entre l’auteur et le producteur, mais surtout une liberté de publier évidente. c. Lecteur vs auteur Pour Pierre Ménard, écrivain et auteur numérique, « le numérique gomme les frontières entre lecteur et auteur. (…) L’auteur a toujours été lecteur mais désormais le lecteur devient également auteur (42). »
Sur Internet, tout le monde peut être auteur et publier de l’information. Avant le développement d’Internet, cette liberté de publication était très rare. Je pense à ce propos aux dires du sociologue Gérald Bronner, pour qui il fallait auparavant être « légitime (43) » pour avoir le droit de s’exprimer dans les média et ainsi bénéficier d’une certaine audience (cas des journalistes, politiques, universitaires…). Aujourd’hui, tout le monde peut produire de l’information. La faculté de publier mais aussi de consulter librement de l’information sont les conditions de la mise en place d’un rapport d’échange. Ainsi, le passage d’une lecture personnelle et d’une écriture pour soi à une lecture qui peut se coupler à une écriture sur Internet, où l’écriture devient sociale. Lire
Lire / Écrire
Livre
Internet
Écrire pour soi
Écriture sociale
RÉSEAU ET Internet McKenzie Wark, écrivain, chercheur et théoricien de la sociologie de la communication et des nouveaux médias, s’est basé sur ces constats pour proposer à ses lecteurs de contribuer en ligne à l’écriture de son livre GAM3R 7H30RY : il leur a présenté les différentes esquisses sur une plateforme Internet pour constituer un livre prenant compte de leurs remarques, expliquées de la façon ci-dessous. « Avec l’Institut pour le Futur du Livre, j’ai crée ce site dans le but de réfléchir sur la notion de jeu. Les jeux, tels que les jeux sur ordinateur, sont le sujet de mon prochain livre, GAM3R 7H30RY. Et je me penche sur deux questions. 1. Peut-on explorer la notion de jeux comme étant des allégories du monde dans lequel nous vivons ? 2. Peut-il exister une critique théorique des jeux ? J’ai pensé qu’il serait intéressant de partager les ébauches de ce livre pour voir si d’autres personnes ont des idées à ce propos ou voudraient suivre son avancée. Merci de noter que ceci n’est qu’un brouillon, et qu’il ne s’agit pas d’une encyclopédie de toutes les choses pouvant se rattacher au jeu. C’est un livre qui explore quelques idées. Regardez le texte précédentqui accompagne la discussion, vous aurez ainsi une idée de dont il sera question ou non sur le site GAM3R 7H30RY.
Ayant pris ceci en considération, n’hésitez pas à utiliser cet espace pour explorer les différents points soulevés, questionnant ce que les jeux peuvent nous apprendre sur le monde, et quel type de théorie critique il serait possible de développer en dehors des expériences de joueurs. L’institut pour le Futur du Livre a consacré beaucoup d’efforts et de réflexion dans la mise en œuvre de ce site, qui permet à la fois de contribuer à l’écriture du livre et de le prolonger au travers de discussions connexes. Savoir si cela marchera ou pas est une autre question, à laquelle vous êtes susceptibles de répondre ici. Si vous voulez, vous pouvez aussi souscrire à ce livre et en recevoir de petites parties chaque jour avec votre agrégateur de flux RSS. Ainsi vous pourrez le lire petit à petit.
McKenzie Wark, mai 2006 (44). »
Ce projet met en avant les spécificités du Web 2.0, en se basant selon moi sur deux paradigmes : celui de la publication et celui de la participation. La publication serait de l’ordre du dévoilement ; il s’agit de rendre une chose publique et notoire. Elle va de soi vers les autres, tandis que la participation a à voir avec l’idée de partage. Si l’écriture de McKenzie Wark est enrichie par les commentaires des lecteurs et respecte une certaine hiérarchie en laissant McKenzie Wark faire ses choix rédactionnels, d’autres outils permettent une réelle écriture à plusieurs sur Internet, et ainsi la création d’une œuvre collective.
44 http://www. futureofthebook.org/ gamertheory2.0 45 Coll., « Wiki », Wikipédia. [en ligne] consulté le 9 décembre 2014, (http://bit.ly/1LJy3TX) 46 Maëlys Mandrou, art. cité 47 Y. Jeanneret, A. Béguin, « Formes observables, représentations et appropriation du texte de réseau », dans Lire, écrire, récrire, Objets, signes et pratiques des médias informatisés, 2003, p. 93-158
lecture sur Internet Je pense par exemple à certains services d’écriture collective tels que Google Doc ou Framapad (basé sur le logiciel Etherpad) ou encore le « wiki » dont l’encyclopédie collaborative Wikipedia est l’exemple le plus populaire : « Un wiki est une application web qui permet la création, la modification et l’illustration collaboratives de pages à l’intérieur d’un site web (45). »
Confusion Si le lecteur pratique une lecture de l’assemblage sur le Web, dans le but de se retrouver, il peut parfois se perdre. a. Lecture à l’aveugle Sur le Web, le lecteur ne pourra jamais avoir de vue d’ensemble du texte à lire de la même façon qu’il pourrait l’avoir avec un livre en raison du format écran. Le livre imprimé offre l’intérêt pour le lecteur de pouvoir visualiser le contenu dans son intégralité. On peut dire que la lecture sur écran aurait à voir avec la lecture sur volumen (livre sous forme de rouleau) puisque le lecteur, n’ayant accès qu’à une partie du texte, ne peut se retrouver spatialement (46). Le livre est pour moi un objet fini et tangible, dont on voit le début et la fin tandis que la lecture sur Internet — à l’écran — ne propose pas de mise en avant du volume de lecture à lire, car tout réside dans le flux, dans la ré-actualisation constante. Si l’on rate une information, elle ne se représentera pas à nous d’elle-même. Ce sera alors à nous d’aller la chercher. « Pour la première fois, l’écrit est cantonné sur une surface de lecture unique et exiguë. La richesse du texte n’apparaît au lecteur que s’il repère, sur une toute petite fenêtre, les signes passeurs qui commandent l’actualisation du texte. Le texte n’existe réellement que par l’acte interprétatif du lecteur, qui consiste à la fois à lire un signe présent et à inférer la nature des textes potentiellement accessibles (47).»
b. Confusion spatiale et temporelle Si Internet implique une fragmentation de l’information au niveau du sens produit (fragmentation sémantique), on peut aussi dire qu’Internet met en place une confusion temporelle (temporalité floutée, fragmentation temporelle).
RÉSEAU ET Internet En effet, Internet est un support de simultanéité, d’ubiquité mais aussi d’intemporalité. C’est ce qu’explique Manuel Castells pour qui les producteurs d’information d’une part et les consommateurs de l’autre, sont responsables de cette confusion temporelle. « Alors que les encyclopédies structurent le savoir humain à partir de l’ordre alphabétique, les médias électroniques donnent accès à l’information, à l’expression et à la perception, en fonction des pulsions du consommateur ou des décisions du producteur. L’ordre des évènements significatifs perd ainsi son rythme propre, chronologique, pour se disposer en séquences temporelles elles-mêmes fonction du contexte social de leur utilisation. Il s’agit donc d’une culture tout à la fois de l’éternel et de l’éphémère (48). »
Sur Internet, on peut choisir de publier instantanément ou bien de reporter à plus tard nos messages. De plus, l’information et les savoirs sont dé-hiérarchisés, ainsi que leurs modes d’accès. Je pense ici au fait qu’Internet permet d’échanger des données de façon instantanée, depuis tous les points du globe. Les notions de territoire et de spatialisation sont ainsi gommées. C’est ce que Ted Nelson appelle « transclusion » : le mécanisme permettant à un document d’être à plusieurs endroits simultanément. Il ne s’agit pas là de duplication mais de lecture du document dans des environnements différents : le document est « transclus ». En 1967, Marshall McLuhan, théoricien de la communication canadien, parlait déjà de « village planétaire (49) » pour caractériser les effets des technologies de l’information.
48 Manuel Castells, op. cit., p.566 49 Marshall McLuhan, "The Medium is the Message", 1967 50 CNRTL, « Flux », (http://bit.ly/1zfVhs5) 51 Eugenio Tisselli, "Narrative Motors", VJ Theory.net [en ligne] 4 décembre 2008, (http://bit.ly/1wqcLYl) 52 "We follow the linear paths traced by search engines and social media algorithms, whose criteria are often opaque.", Silvio Lorusso, dans un échange d’e-mails personnels, décembre 2014. À ce propos, voir "A couple of thoughts on *hyperlinearity*", article en ligne de Silvio Lorusso sur cet entretien daté du 2 janvier 2015, (http:// bit.ly/1AsYUA6)
lecture sur Internet
Mickey dans Fantasia, Walt Disney, 1940 (http://bit.ly/1EzpOb7)
c. Flux Le réseau Internet semble être gouverné par le « flux ». Compris au sens figuratif, le flux signifie une « grande abondance, afflux, flot (50).» Ainsi, le flux sur Internet serait ce flot continu, liquide, que l’on ne peut arrêter, impliquant par là une surabondance d’informations, dont nous pourrions être submergé (le deuxième sens de flux est « marée montante »). Pour le théoricien Eugenio Tisselli, ce qui est caractéristique de la base de données sur Internet est « la possibilité d’avoir accès à une multi-linéarité instantanée (51).» Cette impression de trop plein d’informations engendrée par le processus de mise en commun sur le Web (tout le monde peut produire de l’information) est commentée par Silvio Lorusso, artiste et directeur éditorial du site Post Digital Publishing Archive, qui m’a fait part de ses réflexions dans une conversation par e-mail que nous avons eue. Pour lui, « certaines personnes pensent que le flux est la forme la plus représentative d’Internet aujourd’hui. » L’intégralité du flux sur le Web ne peut être suivie en totalité. Ainsi, nous mettons en place des déviations et des barrages, pour ne suivre que des canaux. C’est ce que les réseaux sociaux nous proposent notamment. « Nous suivons les voies que nous tracent les moteurs de recherche et les algorithmes des média sociaux, dont les critères sont souvent opaques (52). »
Ce qui résulte des « flux » d’information auxquels on s’abonne ainsi que des moteurs de recherche, se caractérise par des juxtapositions permanentes entre des informations souvent décontextualisées et déconnectées les unes des autres. L’inattendu est souvent ce sur quoi l’internaute doit parier. La sérendipité (trouver par hasard sur Internet une information
RÉSEAU ET Internet que l’on ne cherchait pas) est caractéristique d’Internet. L’utilisateur se perd parfois sur Internet. Le vocabulaire n’est pas anodin : on parle ainsi d’internaute, qui est littéralement un « navigateur sur Internet » (formé avec le suffixe -naute, servant à former des noms associés aux navigateurs). L’internaute navigue sur la toile grâce à un navigateur web. Des artistes comme Albertine Meunier se sont d’ailleurs penchés sur la question, en faisant état de ce processus de sérendipité avec le livre My Google Search History, qui propose de replonger dans les recherches qu’elle a faites sur le Web entre 2011 et 2006, au travers de son historique de recherche.
Livre et réseau : paradoxes et expériences.
livre et réseau Nous avons vu qu’avec Internet, nos habitudes de lecture étaient modifiées. Le réseau Internet a pour caractéristiques principales de nous faire lire de façon fragmentaire (on lit de multiples informations, dans tous les sens, et par morceaux), de nous permettre de nous mettre en réseau avec d’autres personnes, et d’établir une certaine confusion dans la lecture (spatiale, temporelle, et flux d’information). Nous allons voir comment des artistes et des graphistes ont, bien avant Internet, expérimenté autour d’une des trois principales caractéristiques de la lecture sur Internet énoncées précédemment : la fragmentation. Ils se sont intéressés à la façon dont on pouvait présenter des informations fragmentées et non-hiérarchisées dans un livre a priori linéaire, comportant un début et une fin. C’est notamment par le biais de ces expériences avantgardistes que l’on pourra observer les différents prototypes éditoriaux contemporains dont il sera question en dernière partie de ce mémoire. Mais pour le moment, il nous est d’abord nécessaire de comparer — en des termes structurels — la figure du livre et celle du réseau pour voir comment des artistes et des auteurs d’avant garde ont représenté le réseau et le fragment, en se jouant des codes du livre.
Structure traditionnelle du livre Il me semble important de commencer par préciser que la ligne a été la colonne vertébrale de la narration pendant longtemps et l’est encore traditionnellement, au niveau de l’écriture mais aussi du livre. Nous pourrons définir la narration d’après les écrits de Gérard Genette dans Figures III, paru aux éditions du Seuil en 1972 : « Je propose […] de nommer histoire le signifié ou contenu narratif (même si ce contenu se trouve être, en l’occurrence, d’une faible intensité dramatique ou teneur événementielle), récit proprement dit le signifiant, énoncé, discours ou texte narratif lui-même, et narration l’acte narratif producteur et, par extension, l’ensemble de la situation réelle ou fictive dans laquelle il prend place (53). »
De façon plus brève, il s’agira pour nous de l’exposé détaillé de la suite de faits et d’actions qui constituent l’intrigue.
Ligne et écriture La ligne joue un rôle très important dans l’acte d’écriture. L’écriture manuscrite cursive est au départ caractérisée par sa gestualité qui est linéaire. C’est notamment ce qu’explique l’anthropologue britannique Tim Ingold, au travers de son livre Une brève histoire des lignes (54) : « Celui qui écrit à la main est comme le brodeur, dont le fil est continu (…) ou encore comme le marcheur, qui ne cesse pas de marcher lorsqu’il lève alternativement ses pieds du sol. Les empreintes de pas ne sont pas des fragments, pas plus que les lettres et les mots du manuscrit. Ils ne se désolidarisent pas de la ligne de 53 p.72 mouvement ; ils y sont implantés. » 54 Tim Ingold, Une brève
Le texte est donc à l’origine lié de façon intrinsèque à la ligne et s’oppose au fragment, qui est l’élément d’un ensemble (55). Calqué sur la langue orale, le texte écrit est jusqu’au XIIème siècle (56)
histoire des lignes, Bruxelles, Éditions Zones Sensibles, 2011.
55 CNRTL, « Fragment », (http://bit.ly/1FY0f5a) 56 Jean Clément, art. cité
livre et réseau une transcription du discours, linéaire. Le texte écrit met en avant la continuité du flux de parole et ne connaît pas d’interruption. Ainsi, la ponctuation n’existe pas. Elle s’est mise en place progressivement. Elle a acquis la forme qu’on lui connaît au XVIème siècle. Le livre sera linéaire Si à petite échelle, on l’a vu, texte et linéarité sont liés, à plus grande échelle il s’avère que la narration s’opère traditionnellement selon des concepts encore une fois linéaires. En effet, dans la représentation occidentale, le temps se déploie sur un axe allant de gauche à droite, opposant de façon schématique, passé à gauche et futur à droite. Ainsi, la figure de la flèche ou de la frise chronologique est souvent utilisée pour narrer des évènements ; et ces figures ne sont autres que des lignes. Cette continuité inhérente au récit se traduit dans le livre par la forme de l’objet ; les premiers livres, les volumen (créés en Égypte vers 3000 av. J.-C.) étaient des rouleaux de papyrus à dérouler de façon horizontale (le rotulus se développe de façon verticale) impliquant une lecture sans discontinu, linéaire. L’apparition du codex — cahier formé de pages manuscrites reliées ensemble — généralisé au IVème siècle, marque le début d’une lecture tabulaire. Le codex définit la page comme étant un espace de lecture à part entière et permet au lecteur, par sa mise en forme (marqueurs typo-dispositionnels) de visualiser plus facilement l’information qu’il cherche.
Le Livre à l’image de la Ligne Si la structuration en page, qu’impose la forme du codex, implique quelque part une première discontinuité dans le livre, la forme moderne qu’il acquiert reste tout de même marquée par la linéarité et la continuité. C’est ce que Roland Barthes appelle « Le Livre traditionnel » dans son essai « Littérature et Discontinu (57) ». C’est « un objet qui enchaîne, développe, file et coule. »
57 Roland Barthes, « Littérature et discontinu », 1962, dans Essais critiques, Paris, Éditions du Seuil, 1991. 58 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie II : Mille Plateaux, Éditions de Minuit, Collection « Critique », 1980, p.11
structure du livre Je m’arrête quelques instants sur cette formulation : cette image du livre qui coule peut nous rappeler l’expression « couler le texte », acte qui consiste à insérer l’ensemble du contenu textuel devant apparaître dans une publication imprimée (livre, brochure, catalogue etc.) dans les pages qui l’accueilleront. Ceci peut d’après moi se manifester par les codes relatifs à l’architecture du livre couramment mis en place. Le corps du livre (récit, argumentation) apparaît de façon compacte et linéaire, au centre du livre. Des outils comme les index situés en fin de livre ainsi que des tables des matières permettent de pénétrer ce corps dense. On peut rapprocher le « Livre traditionnel » de Barthes au « livre-racine » que les philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari définissent dans leur ouvrage Mille Plateaux (58) : un livre ordonné, qui démontre plus qu’il ne déploie, à l’image de la pensée cartésienne. Pour grossir les traits, on considèrera donc le livre traditionnel comme étant à l’image de la Ligne, unique, continue, droite et sans bifurcation sur laquelle viennent se greffer des éléments les uns après les autres, ordonnés. Ces quelques points nous ont permis de définir que ligne et narration étaient intimement liés, depuis la naissance de l’écriture, à un niveau micro-structurel (échelle du caractère, du mot et de la phrase) mais aussi à un niveau plus large : au niveau du livre.
livre et réseau
Structure du réseau Des points reliés par des lignes Tim Ingold propose dans son livre Une brève histoire des lignes une définition de ce que pourrait être le réseau. Il nous explique que le réseau est constitué de deux types d’éléments : les lignes et les points. Il nous expose l’idée émise par Bruce Chatwin, écrivain britannique ayant observé la perception de l’espace et de la ligne chez les aborigènes d’Australie, dans les années 80. Pour Bruce Chatwin, les aborigènes d’Australie considèrent que l’espace n’est pas fait de surfaces divisibles, mais plutôt de lignes entrecroisées (59). Chatwin appuie en partie son assertion sur des arguments lexicaux. Ainsi, en s’intéressant à l’étymologie du mot réseau en anglais, on s’aperçoit qu’il provient directement du « filet de pêche » ("net"). Chatwin y fait référence déclarant que le réseau ("network") est un tissage de lignes. Cependant, cette définition du réseau n’est plus celle que nous avons aujourd’hui. En effet, l’extension du terme « réseau » aux domaines des transports et de la communication modernes a modifié la compréhension que nous en avons. Ainsi pour Ingold, il ne s’agit plus de lignes entrecroisées et reliées entre elles par des points, mais plutôt de l’inverse : des points reliés entre eux par des lignes, à l’image d’individus ou de zones géographiques pouvant être reliés par des outils tels qu’Internet ou bien des infrastructures 59 Tim Ingold, op. cit., p.107 routières (60). Le réseau est donc perçu aujourd’hui 60 Ibid., p.107-108 non plus comme un maillage, mais comme un 61 L’auteur parle précisément de « fil » assemblage de points (informations, individus, lieux) car il distingue deux qui sont reliés entre eux par des lignes (outils). types de lignes, les POINTS
LIGNES
BUT
OUTIL
DESTINATION
TRAJET
INFORMATION
NAVIGATION
traces et les fils, mais nous considèrerons pour simplifier notre étude, les traces et les fils comme étant la même chose : des lignes.
62 Gilles Deleuze et Félix Guattari, op. cit. 63 Ibid. p.33
structure du réseau Réseau et rhizome Revenons à l’analyse d’Ingold. Si l’on se penche sur les caractéristiques de la ligne (61) que donne l’auteur, la ligne « peut être entrelacée avec d’autres [lignes] ou suspendue entre des points dans un espace à trois dimensions. » Le réseau qui est fait de plusieurs points et lignes, se déploie dans un espace tri-dimensionnel. Cette conception se retrouve dans la théorie de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Dans leur ouvrage Mille Plateaux (62), ils définissent dans l'introduction ce qu’ils appellent le « rhizome ». Ce nom qui est emprunté au jargon botanique et qui désigne la racine multiple d’une plante, sert ici à définir une structure réticulaire et décentralisée, qui ne peut s’envisager uniquement sur un seul plan mais en trois dimensions. « Contre les systèmes centrés (même polycentrés), à communication hiérarchique et liaisons préétablies, le rhizome est un système acentré, non hiérarchique et non signifiant, sans Général, sans mémoire organisatrice ou automate central, uniquement défini par une circulation d’états. Ce qui est en question dans le rhizome, c’est un rapport avec la sexualité, mais aussi avec l’animal, avec le végétal, avec le monde, avec la politique, avec le livre, avec les choses de la nature et de l’artifice, tout différent du rapport arborescent : toutes sortes de "devenirs". Un plateau est toujours au milieu, ni début ni fin. Un rhizome est fait de plateaux.(…) Nous appelons "plateau" toute multiplicité connectable avec d’autres tiges souterraines superficielles, de manière à former et étendre un rhizome. (63)»
Ce que l’on retiendra de cette définition du rhizome peut se résumer en trois points : • Il est multiplicité et non binarité. • Il est assemblage et non unicité. • Il est réticulaire et non arborescent. Le rhizome se compose de multiples plateaux interconnectables. Mais bien que le rhizome ne soit pas un réseau, on peut tout de même observer des liens entre ces deux schémas. En effet, s’il n’y a pas « de points ou de positions dans un rhizome, comme on en trouve dans une structure, un arbre,
livre et réseau une racine » et « qu’il n’y a que des lignes (64) », on peut — à défaut de mettre réseau et rhizome sur le même plan — proposer des rapprochements entre ces deux entités. Ainsi, on pourra avancer que les points et les lignes de Ingold peuvent correspondre respectivement aux plateaux et aux tiges de Deleuze et Guattari.
Zig-zag, points, double-ligne Le réseau et le rhizome vont à l’encontre de la Ligne décrite précédemment (unique, continue, droite et sans bifurcation) puisqu’ils impliquent de la multiplicité, des croisements et des changements de direction. À ce niveau, il convient de nous arrêter sur quelques définitions qui nous permettrons de mieux comprendre la suite. La Ligne ———— sera pour nous une ligne unique, continue, droite et sans bifurcation. Ce qu’on appellera linéarité sera à l’image de cette Ligne. Ce qu’on appellera non-linéarité concernera : les doubles lignes ===== (lignes parallèles, multi-linéarité), les lignes en zig-zag /\/\/\/\ et les points • séparés. Le réseau, s’il doit avoir à faire avec la ligne, ne sera alors considéré que comme un jeu de lignes.
64 Ibid. p.15 65 Jean Clément, art. cité
ÉCLATEMENT DE LA LIGNE et du livre traditionnel : penser et écrire la non-linéarité. Volonté d’écriture non-linéaire a. Une pensée non-linéaire Nous avons vu que le Livre se définissait traditionnellement par un aspect linéaire intrinsèque. Cette linéarité s’avère être un frein à l’expression de la pensée dans certains cas, comme le note Jean Clément, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication au département Hypermédias de l’université Paris VIII : « L’histoire intellectuelle nous enseigne, en effet, à quel point la linéarisation de la pensée dans le moule d’un discours construit selon les contraintes du livre a pu apparaître comme un frein à la liberté de penser (65). »
Cette idée rejoint celle de Roland Barthes, qui plusieurs années auparavant, dans Littérature et discontinu, émet déjà une critique virulente de la forme traditionnelle du Livre, en essayant de défendre Mobile : étude pour une représentation des États-Unis, nouvel ouvrage de Michel Butor, alors fortement mis à mal par la critique : « Le livre est une messe, dont il importe peu qu’elle soit dite avec piété, pourvu que tout s’y déroule dans l’ordre ».
Par ces mots, Barthes met le doigt sur le fait que la linéarité est un concept arbitraire et qu’elle doit désormais être révolue. Ce questionnement sur la possibilité d’inscrire une pensée non-linéaire dans un objet livre met en avant la dualité du livre, tel qu’il a pu être défini par Kant, dans Fondements de la métaphysique des mœurs (1785). En effet, Roger Chartier, historien du livre, reprend la définition que Kant faisait du livre, en déclarant que le livre est « à la fois un objet produit par un travail de manufacture, quel qu’il soit — copie manuscrite, impression
livre et réseau ou éventuellement production électronique —, et qui appartient à celui qui l’acquiert. En même temps, un livre, c’est aussi une œuvre, un discours (66). » b. La linéarité obsolète Tim Ingold nous explique que l’écrivain moderne (et par conséquent le lecteur moderne) pratique « l’assemblage » en composant des lignes d’écriture et non plus le « tissage » de son texte. Pour Ingold, ceci est dû en partie au rôle qu’a joué le développement de l’usage de la machine à écrire démocratisée dans les années 50 (67). La connexion originelle entre le geste manuel et sa trace graphique a disparu, car la dactylographie met en jeu des mouvements ponctuels des doigts n’ayant plus aucun rapport avec le tracé des caractères qui s’impriment sur la page ou se positionnent sur l’écran. Puisque le geste de l’écriture ne s’effectue plus de façon linéaire mais plutôt par combinaison, le lecteur rassemble les mots dans des entités plus importantes dans le but de créer du sens ; pour lui, cela s’apparente au fait de relier les éléments pour constituer une hiérarchie plus grande. Les lettres sont assemblées pour former des mots, qui sont assemblés pour former des phrases, qui à leur tour sont assemblées pour former la composition globale. Cette pratique de l’assemblage peut être comparée à deux façons de penser l’architecture. C’est ce que fait Tim Ingold lorsqu’il oppose l’architecture « tectonique »(Fig.D) à l'architecture « stéréotomique »(Fig.E). La première étant de l’ordre de la continuité ("weaving" : le tissage) (68) tandis que la deuxième est de l’ordre de l’assemblage. Qu’il s’agisse d’écriture, de lecture ou bien d’architecture, l’ouvrage — qui se réalisait auparavant en ligne continue — tend désormais à se morceler et à se réaliser par assemblage ("stereotomics"). Réseau 1 Tissage : maillage du filet, lignes liées en des points de rencontre Tectonie
Réseau 2 Assemblage : points connectés entre eux par des lignes Stéréotomie
66 Roger Chartier, interviewé par Ivan Jablonka, « Le livre : son passé, son avenir », 29 septembre 2008, http://www. laviedesidees.fr/ Le-livre-son-passeson-avenir.html 67 Tim Ingold, op. cit., p. 123-126. 68 Tim Ingold, interviewé par Ana Letícia Fiori, José Agnello Alves Dias de Andrade, Adriana Queiróz Testa et Yuri Bassichetto Tambucci, "Wayfaring thoughts: Life, Movement and Anthropology", Ponto Urbe [en ligne] décembre 2012, (http://bit. ly/1vLTRGW)
penser la non-linéarité
D Maquette d'architecture dite « tectonique » (http://on.be.net/1DDcd0J)
E Plans d'architecture dite « stéréotomique » (http://bit.ly/1DDcYqC)
livre et réseau Des genres littéraires nouveaux : littérature du discontinu C’est dans ce contexte historique, philosophique et littéraire que de nouvelles formes d’écriture ont fait leur apparition. Il me semble important de mentionner que le livre discontinu n’est pas une invention. Pour Jean Clément, ce livre discontinu « a plusieurs fois été le recours à des auteurs de genres tels que l’aphorisme, la pensée et la maxime (69) ». Il est aussi utilisé dans les dictionnaires et les encyclopédies, notamment depuis le projet de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (L’Encyclopédie
ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751-1772). Ces livres permettent de pratiquer ce que l’écrivain et chercheur François Richaudeau appelle la « lecture de recherche (70) », où la quête d’une information guide le lecteur parmi de multiples entrées. Barthes nous explique aussi que : « Le livre discontinu n’est toléré que dans des emplois bien réservés : soit comme recueil de fragments (Héraclite, Pascal) (…) soit comme recueil d’aphorismes, car l’aphorisme est un petit continu tout plein, l’affirmation théâtrale que le vide est horrible (71). »
Il revendique une plus grande liberté à tous les genres écrits. En effet, en 1964, année où Barthes écrit, seul le genre de la poésie jouit de ces libertés. « Passée la poésie, nul attentat au Livre ne peut être toléré (72). »
(http://bit.ly/1AmtkPN)
Certains poètes avaient déjà expérimenté la discontinuité, à l’exemple de Stéphane Mallarmé avec son livrepoème Un coup
de dés jamais n’abolira le hasard (1867), où l’auteur défend, dans sa préface, l’importance des blancs, qui
69 Jean Clément, art. cité 70 François Richaudeau, Des neurones, des mots et des pixels, Gap, Atelier Perrousseaux, 1999, p.112. 71 Roland Barthes, « Littérature et discontinu », 1962. 72 Ibid. 73 Courant de sciences humaines qui émet l’hypothèse que l’on peut étudier une langue en tant que structure. 74 Gérard Genette, op. cit.
penser la non-linéarité occupent les deux-tiers des pages. Cependant, ces expérimentations ne se limitaient qu’à la mise en page au niveau des doubles et ne remettaient pas en question la navigation dans le livre entier. Le livre discontinu connaît donc une émergence tardive, puisque les formes d’écriture et de narration ne se libèrent véritablement qu’au XXème siècle. a. Nouveaux outils d’analyse littéraire Le développement de nouveaux outils d’analyse littéraire permet de définir les ruptures narratives qui s’opèrent. La « narratologie » (ce que Genette appelle « théorie du récit » dans Figures III) se développe ainsi à la fin des années 1960 en France, grâce aux acquis du structuralisme (73). Gérard Genette analyse les relations entre histoire (signifié) et récit (signifiant) dans Figure III (74). Les outils d’analyse qu’il présente peuvent être regroupés selon cinq parties : ordre, durée, fréquence, mode, voix. — L’ordre fait une « analyse temporelle » qui met en avant l’organisation des segments de la narration. On y trouve entre autres : • l’Analepse : alternance d’un récit au présent et d’un récit au passé (flashback, retour en arrière). Dans les évènements qui s’enchaînent sous a, b, c, d, e, on commencera par raconter a c, d et e : c, a, d, b, e. • la Prolepse : anticipation, raconter des évènements avant que le récit ne nous les narre. Si les évènements s’enchaînent sous a, b, c, d, e, on commencera par raconter d et e, et on écrira : d, e, a, b, c. — La durée analyse la quantité textuelle (nombre de caractères) allouée à la narration d’un segment : • Sommaire : synthèse d’une multitude d’évènements, ramenés aux plus remarquables. Dans a, b, c, d, e, on ramènera a, b et c sur quelques lignes seulement. • Ellipse : consiste à passer sous silence. Dans a, b, c, d, e, on n’écrira que : a, c, d, e. — À ce point de vue temporel s’ajoute des prises en compte sur les points de vue avec les Modes de récit : • Focalisation interne : le narrateur est embarqué dans l’histoire et nous raconte les évènements dans le temps et l’espace selon son expérience.
livre et réseau • Omniscience : le narrateur maîtrise tous les évènements. • Focalisation externe : le narrateur est à distance de l’histoire. — et les Voix : • Métalepse : l’auteur prend part en tant que personne dans le récit et propose un récit externe à l’intérieur.
On retiendra de cette analyse le complément conséquent qu’il apporte à l’analyse littéraire, mais aussi dans le cadre de mon étude, je retiendrai la mise en avant de pistes, appelant à l’image de formes visuelles. En effet, Genette y fait l’évocation d’un vocabulaire formel et visuel : l’analepse forme par exemple un « zigzag ». b. Acteurs littéraires Plusieurs expériences littéraires ont lieu, parmi lesquelles on peut citer le Nouveau Roman et l’Oulipo. Le Nouveau Roman, « collection d'écrivains », née après les années 1950, joue sur les procédés littéraires analysés par Genette. Ce courant se développe surtout en France, en réaction à la narration qui impliquait des règles trop fortes. Ces auteurs sont rassemblés autour des Éditions de Minuit. Les auteurs du Nouveau Roman remettent notamment en cause l’intrigue classique du roman, qui implique une linéarité dans la chronologie narrée. Le déroulement temporel du récit est remis en question, donnant lieu à des récits fragmentaires, discontinus et où la figure du héros n’existera plus. Le Nouveau Roman rompt par la même à l’obsession du réalisme qui a marqué le XIXème siècle, dont Flaubert avec Mme Bovary (1857) est un bon exemple. Parmi ses principaux acteurs, on retrouve Alain Robbe-Grillet, Michel Butor, Nathalie Sarraute. Le Nouveau Roman se veut à l’image de l’homme moderne. À ce propos, Claude Simon déclare en 1972 : « Assez vite (…) j’ai été frappé par l’opposition, l’incompatibilité même, qu’il y a entre la discontinuité du monde perçu et la continuité de l’écriture (75). »
En effet, voici comment Alain Robbe-Grillet explique la façon dont se déroule son processus d’écriture, marqué par la discontinuité :
75 Pierre-Louis Rey, « Le nouveau roman », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 16 novembre 2014 (http://bit.ly/18riWRd) 76 Philippe DULAC, « ROBBE-GRILLET ALAIN - (19222008) », Encyclopædia Universalis [en ligne], (http://bit.ly/1AxT54o)
penser la non-linéarité « Tout simplement en instaurant la discontinuité, en créant des îlots de sens non reliés entre eux, en établissant une sorte de puzzle où manquent certaines pièces. Il ne s’agit pas là de donner vie à l’impossible utopie flaubertienne du « livre sur rien », mais d’employer un certain matériel littéraire fait de séquences narratives disjointes, de noyaux thématiques, de stéréotypes culturels à partir duquel se construit, de manière inédite, le travail sur le sens (76). »
L’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) quant-à-lui, rassemble des écrivains et poètes (Raymond Queneau le fondateur, puis par la suite Georges Pérec, Jacques Roubaud, Italo Calvino et Marcel Duchamp entre autres) et des mathématiciens (François Le Lionnais, Claude Berge). L’Oulipo propose de trouver des structures et contraintes nouvelles à la poésie, marquée par des règles classiques, qui ont été posées de façon arbitraire (règles de l’alexandrin, du sonnet, des rimes, la tragédie classique est soumise à la règle des trois unités). Expériences graphiques Les auteurs de cette pensée et de cette littérature du discontinu — qui déconstruisent les règles imposées par la linéarité — auront besoin d’inscrire leurs textes dans des livres dont il faudra trouver les formes adéquates. a. Des livres à l’image de la pensée non-linéaire Gilles Deleuze, Félix Guattari et Jacques Derrida ont développé leurs idées au travers de livres dont les formes ont été ré-inventées. En effet, on l’a vu : avec Mille Plateaux (1976), Deleuze et Guattari ont souhaité mettre en application la figure du rhizome à l’échelle du livre. Ainsi, les tiges reliant les plateaux entre eux ne sont autres que les multiples chemins de lecture que peuvent emprunter les différents lecteurs. « Nous appelons "plateau" toute multiplicité connectable avec d’autres tiges souterraines superficielles, de manière à former et étendre un rhizome. Nous écrivons ce livre comme un rhizome. Nous l’avons composé de plateaux. (…) Chaque
livre et réseau plateau peut être lu à n’importe quelle place, et mis en rapport avec n’importe quel autre (77). »
Le lecteur parcourt donc le livre en zig-zag pour relier des points entre eux. De son côté, Jacques Derrida, avec Glas (1974), propose de considérer son livre comme un parallèle constant entre plusieurs textes, puisque Glas est une combinaison de textes concernant Hegel et Genet. Le livre est organisé selon deux colonnes, celle de gauche concerne Hegel (extraits d’un séminaire sur « La famille de Hegel » tenu à l’École Normale Supérieure en 1971), celle de droite Genet, dont la typographie diffère (corps de gauche plus important que celui de droite). C’est au lecteur de naviguer parmi ces fragments en lisant selon un schéma multilinéaire (ligne double). Avec Glas, Derrida remet aussi en question l’incipit (début du livre), en n’utilisant pas de majuscule dans la page d’entrée du livre. Le protocole d’écriture et de lecture de Glas est donné au lecteur sur la page de droite. « Deux colonnes inégales, disent-ils, dont chaque — enveloppe ou gaine, incalculablement renverse, retourne, remplace, remarque, recoupe l’autre (78). » Bien que ces œuvres se veulent fragmentaires ou rhizomatiques, elles se doivent tout de même de rester lisibles et intelligibles pour le lecteur. C’est là que réside selon moi toute la complexité de ce type d’expérimentations. À moins de créer des œuvres très fragmentaires, où la fragmentation s’effectuerait 77 Gilles Deleuze et Félix Guattari, non pas au niveau de paragraphes ou d’unités op. cit., p.33 sémantiques autonomes mais au niveau du mot, ou 78 Hélène Campaignolledes lettres, et de faire des œuvres relevant ainsi de Catel, « Le livre : réflexions/ la poésie, il est nécessaire qu’il subsiste une unité réfractions dans Glas de Derrida et Rhizome lexicale. de Deleuze et Guattari » in Alain Même si la pensée se montre disparate et Milon et Marc Perelman, Le livre non-linéaire, elle tend toujours à s’inscrire dans une et ses espaces, Nanterre : Presses formulation linéaire puisqu’elle s’exprime par universitaires de Paris Ouest, 2007. (pp. 129la phrase ; dans le discours oral tout particulière154) (généré le 04 janvier 2015) <http:// ment, la pensée est ré-ordonnée par la phrase, elle books.openedition. se construit en mots prononcés ou écrits les uns org/pupo/484>. )
penser la non-linéarité à la suite des autres. Si l’on pense en réseau et en association, on ne peut malheureusement prononcer plusieurs phrases simultanément. Ainsi, l’expression « suivre [ou perdre] le fil du discours » traduit cette idée. b. Expériences graphiques Plusieurs auteurs et graphistes ont expérimenté dans le but de trouver de nouvelles formes au livre. Cette démarche a été accompagnée par le développement conjoint de plusieurs maisons d’édition, telles que Gallimard. En voici quelques exemples. Raymond Queneau réalise Cent Mille Milliards de poèmes en 1961. Dans sa préface, il explique :
Grâphe de Un conte à votre façon, (http://bit.ly/1zq2bel)
Cent Mille Millards de Poèmes, (http://bit.ly/1EzrP7d)
« Ce petit ouvrage permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu. C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes. »
Ce livre se présente sous une forme inédite puisqu’il est composé de dix feuillets, eux-mêmes décomposés en quatorze bandelettes de papier et sur chacune d’elle est écrit un vers. En tournant les bandelettes comme des pages, des associations multiples se créent. La structure du livre est découpée et permet une navigation dans les pages à plusieurs niveaux, permettant de créer du sens en mettant sur le même niveau des strates différentes. Une sorte de zig-zag en profondeur. Par la suite, en 1967, Raymond Queneau propose de naviguer au travers les pages du livre avec Un conte à votre façon. Ce livre court invite le lecteur à composer lui-même une histoire en allant de pages en pages selon les indications.
livre et réseau Il commence ainsi à la page 1 :
« 1. Désirez-vous connaître l’histoire des trois alertes petits pois ? a. si oui, passez à 4 b. si non, passez à 2 »
Cette forme de livre, qui propose une lecture interactive a inspiré ce qu’on a appelé plus tard les « livres jeux », dont le fameux Livre dont vous êtes le héros, lancé en France en 1983 par Gallimard, adaptés d’une série anglaise. Avec Mobile : Étude pour une représentation des États-Unis (79), Michel Butor décide d’éclater le livre traditionnel pour réaliser une déambulation dans le texte à l’image de son voyage réalisé aux États-Unis. Michel Butor confie dans une interview (80) à l’époque : « Les textes étendent sur l’ensemble des États-Unis une sorte de réseau et c’est à l’intérieur des mailles de ce réseau que les caractères en italique vont apporter leurs illustrations. »
Au contraire de Raymond Queneau qui guide le lecteur au travers de parcours pré-établis (certes multiples — de l’ordre de la double-ligne), Michel Butor a pour but de perdre le lecteur, de le faire se retrouver seul dans un livre sans piste pré-établie. « Ce caractère déroutant est voulu, il se présente tel quel et il doit pouvoir tenir sans trop d’explication préalable. Je veux, quand je publie un livre, qu’il fasse son effet, qu’il apporte son coup tout seul, et je veux que le lecteur soit d’abord dérouté, désemparé. Je prends le risque volontairement que le lecteur se perdre dans le livre avant de s’y retrouver. » 79 Michel Butor,
Les quelques exemples cités ont donné une impulsion nouvelle au livre et à la lecture. Le livre est envisagé comme un espace dans lequel le déplacement serait possible.
Mobile, étude pour une représentation des États-Unis, Gallimard, 1962
80 Michel Butor interviewé par Pierre Dumayet, 1962, (http://bit.ly/1FAp8QR) 81 Michel de Certeau, L'Invention du quotidien, 1. Arts de Faire, Gallimard, 1990, p.251
penser la non-linéarité On pourrait, à ce propos, se référer aux dires du philosophe Michel de Certeau, pour qui : « (…) Les lecteurs sont des voyageurs ; ils circulent sur les terres d’autrui, nomades braconnant à travers les champs qu’ils n’ont pas écrits (81). »
Ă&#x2030;mergences : prototypes.
prototypes Les nouveaux codes de lecture et de pratique de l’information mis en en place par Internet semblent s’immiscer dans la production éditoriale imprimée actuelle. Ainsi, des tendances se dessinent et on peut déceler dans certains objets éditoriaux des éléments significatifs. Cependant, il me semble important de mentionner qu’il n’existe pas de catégorie fixe permettant de classer les différents livres sur lesquels notre analyse pourrait porter. On pourra dire que ces objets agissent comme des prototypes. L’usage du terme « prototype », se fera de façon non littérale, et sera à envisager en dehors de toute considération technologique et industrielle comme ce que son sens courant pourrait laisser entendre. Il n’est pas question de prototype industriel. Il s’agit plutôt du « prototype » en tant qu’objet idéal, en tant que première expérience.
prototypes En qualifiant ces objets éditoriaux ainsi, j’emprunte la notion de « prototype » au philosophe Elie During qui met en avant, dans sa définition du prototype, le mode d’activité des artistes produisant des choses, des « machins », qui ne se présentent pas sous des formes stabilisées et parfaites mais qui, au contraire, véhiculent un idéal prospectif. « À côté de la pure praxis où s’épuise la vocation antipoïétique de l’être-artiste, à côté des objets « tout faits » où se concentre parfois cette activité, il y a une place pour les multiples montages, machines et machins qui, bien qu’ils ne présentent pas de formes stabilisées, donnent déjà une consistance au projet artistique et une visibilité à l’expérimentation qu’il propose. Ces quasi-objets d’art, avec lesquels se confondent beaucoup d’« œuvres » contemporaines, je les appelle des prototypes. […] Le propre du prototype, c’est en effet de se donner simultanément comme un objet idéal (relevant d’un régime prospectif ou projectif : celui de l’idée — je ne parle pas de l’Idée ! — qui cherche à se réaliser, à trouver sa détermination adéquate dans un projet qui, s’il est mené à son terme, fera œuvre), et comme un objet expérimental (car le prototype est déjà plus qu’un projet, il est un objet, mais un objet non encore stabilisé, voué à passer le test de l’expérience, et à propos duquel les notions d’échec et de réussite doivent donc entrer en ligne de compte, quitte à être redéfinies à chaque étape de son élaboration). Un objet idéal, quoiqu’expérimental : ce serait la définition liminaire, la plus abstraite, du prototype. […] Que le prototype soit un objet idéal ne signifie pas qu’il se trouve dans un état parfait, ou définitif. C’est un objet prospectif, ou ce qui revient au même, un projet matérialisé, la pièce unique manifestant le principe d’une série de réalisations possibles. Proto-type le laisse entendre, et le dictionnaire le confirme : il s’agit du "premier modèle réel d’un objet". » Elie During, « Prototypes (pour en finir avec le romantisme) », 2008, initialement paru dans Les Cahiers d’Artes, numéro spécial « L’artiste »
prototypes Il s’agit dans notre cas de quasi-objets graphiques. Bien entendu, la critique que je ferai de ces « prototypes » ne consistera pas en un jugement de valeur, mais aura plutôt pour but de déceler, dans ces formes imprimées, ce qui pourrait témoigner de la poétique d’Internet. Les prototypes que l’on étudiera font partie d’une espèce où plusieurs genres se croisent ; ce sont des ouvrages de nature différente, se situant entre le fanzine (revue Junk Jet #5 Net.Heart), le livre théorique (I Read Where I Am) et le livre documentaire et rétrospectif (Æther9). On verra que leurs buts divergent ainsi en plusieurs sens : Junk Jet #5 Net.Heart est une sorte de fanzine d’artistes, qui a pour objectif de rendre compte du travail d’artistes en ligne dans le support papier. I Read Where I Am est un recueil de textes théoriques au questionnement graphique réflexif puisque les textes interrogent les transformations actuelles que subit la lecture en regard avec des codes et outils tels que ceux d’Internet, et que le livre ré-intègre ces mêmes codes dans sa structure. Æther9, enfin, propose de documenter les différentes performances menées en ligne par le collectif Æther9. Les objets étudiés se placent donc davantage dans le champ de l’ouvrage documentaire que dans celui de l’écrit fictionnel. Les figures du point, du zig-zag et de la double-ligne, que j’ai énoncées précédemment correspondront ici à des attitudes de lecture différentes, impliquant des modes de voyage différents dans le livre.
Hypertexte Pour certains, l’hypertexte ne peut fonctionner que sur support informatique. C’est le cas de Robert Coover, écrivain américain, qui soutient dans son essai "The End of Books" (« La Fin des Livres ») datant de 1992, que l’hypertexte ne pourrait jamais être transposé dans l’imprimé. Particulièrement ferme dans ses propos, Coover explique que l’hypertexte informatique est une forme de nature «supérieure» et apporte une liberté inconditionnelle face au livre (82). Pour lui, l’hypertexte remplacera donc le papier de façon définitive. S’il est en effet évident que le livre imprimé comprend des contraintes techniques auxquelles l’informatique échappe (par ses particularités sur le plan interactif notamment) ces propos restrictifs se doivent d’être nuancés. C’est ce que défend par exemple N. Katherine Hayles, critique de la littérature postmoderne, dans son écrit "Print Is Flat, Code Is Deep: The Importance of Media-Specific Analysis (83)", pour qui l’hypertexte constitue un genre à part entière, incarnable aussi 82 Alessandro Ludovico, bien par le papier que par l’écran. L’hypertexte est op. cit., p.27 un texte de nature spécifique, mais reste un texte. 83 N. Katherine Hayles, "Print Is Flat, Code Is Pour elle, l’hypertexte est : « un genre qui peut être implémenté dans les deux média imprimés et digitaux. (…) Comme toute littérature, l’hypertexte comporte un corps (ou plutôt plusieurs corps), et les riches connexions établies entre ses propriétés physiques et le processus qui permet de le rendre lisible constituent cet insaisissable objet que l’on appelle "texte" — et je tiens à le nommer ainsi, plutôt que par "codex", "brochure", "Cd-ROM" ou "site web" (84). »
Comment la poétique de l’hypertexte peut-elle alors se retrouver dans le livre imprimé ? Voici quelques pistes de réflexion que je vous propose d’examiner.
Deep: The Importance of Media-Specific Analysis", dans Pœtics Today, 25.1, 2004, p.67-90.
84 "Hypertext, understood as a genre that can be implemented in both print and digital media, offers an ideal opportunity to explore the dynamic interaction between the artifactual characteristics and the interpretation that materiality embodies. Like all literature, hypertext has a body (or rather many bodies), and the rich connections between its physical properties and the processes that constitute it as something to be read make up together that elusive object we call a «text»—and that I want now to call instead a codex book or stitched pamphlet or CD-ROM or Web site.", ibid.
prototypes Index croisés et maillage L’hypertexte est un principe, qui existait déjà avant d’avoir été implémenté dans le Web. On retrouve par exemple ce système dans l’Encyclopédie. Pour N. Katherine Hayles, « Une encyclopédie imprimée, par exemple, peut être qualifiée d’hypertexte car elle présente de multiples chemins de lecture, un système de références croisées extensif — qui fait office de mécanismes liants — et des blocs de texte amenés par des entrées séparés typographiquement les uns des autres (85). »
I Read Where I Am: Exploring New Information Cultures ( voir annexes) présente ces caractéristiques. Ce livre peut se lire de façon linéaire du début à la fin, mais aussi fragment par fragment car on peut entrer dans ce livre par plusieurs index de nature différente. I Read Where I Am fonctionne comme des plateaux, par fragments à lire séparément les uns des autres. Le lecteur réalise un zig-zag entre des points (essais) séparés. En plus de l’index alphabétique, une série de trois types d’index différents est mise en place, jouant le rôle de moteur de recherche intégré au livre, offrant un système de références croisées. Ce sont successivement un « Index des 140 premiers caractères de l’essai », un « Index selon la fréquence des mots » et un « Index des sujets liés, tiré de Wikipedia (86) ». Le premier index reprend les 140 premiers caractères de l’essai et fait référence au réseau social 85 "A print encyclopedia, for example, qualifies Twitter. Twitter se caractérise par un format d’écrias a hypertext because it has ture court. Chaque « Tweet » partagé par l’internaute multiple reading paths,a system of ne peut excéder 140 caractères. Ré-exploité dans extensive crossreferences that ce livre, ce principe permet de donner un aperçu serve as linking mechanisms, and fragmentaire du contenu de chaque essai, en chunked text in entries separated typogras’affranchissant de la structure traditionnelle du phically from one another.", ibid. sommaire — constituée bien souvent d’une suite 86 "Index of first 140 de titres, suivis quelquefois de sous-titres (qui characters of essay", interviennent souvent pour en préciser le sens) — "Index on wordfrequency" en proposant d’exporter jusque dans l’index, les et "Index on Related Subjects (drawn from 140 premiers caractères de ce qui sera donné à lire Wikipedia)"
I Read Where I Am, Exploring New Information Cultures Année : 2011
Éditeur : Valiz / Graphic Design Museum
Concept : Graphic Design Museum / Institute of Network Cultures
ISBN : 978-90-78088-55-4
Direction éditoriale : Mieke Gerritzen, Geert Lovink, Minke Kampman Graphisme : LUST (Jerœn Barendse, Thomas Castro, Dimitri Nieuwenhuizen), La Hague
Impression : Pays Bas — Format : 11,4 × 20,3 cm, 274 pages
82 auteurs, artistes, critiques et designers ont été invités à produire des observations et notes critiques au sujet des nouvelles habitudes de lecture que nous adoptons et de la façon dont nous consommons et produisons de l’information aujourd’hui. Le livre propose de réfléchir à la façon dont la lecture peut être envisagée sur le long terme d’après ce que nous pouvons déjà observer de nos usages, mis en regard avec la pratique d’Internet, des réseaux, des NTIC, sans forcément s’arrêter sur les avancées technologiques ponctuelles que nous connaissons comme l’Ipad ou le Kindle. Ce livre se présente à première vue comme un recueil traditionnel. Les essais sont donnés à lire les uns après les autres et sont classés par ordre alphabétique selon le nom de l’auteur. Cette organisation reprend des codes traditionnellement utilisés dans l’architecture du livre (index alphabétique). Ce qui fait la force de ce livre repose sur la combinaison de plusieurs modes de lecture : des outils spécifiques à la navigation sur Internet et à l’expérience de l’hypertextualité informatique ont été mis en place par les graphistes de LUST et des algorithmes ont été spécialement crées.
hypertexte dans l’essai global, conservant par leur nature d’extrait la qualité littéraire du texte et des mots employés par l’auteur, sans que reformulation ne soit faite. Ce premier index permet d’entrer dans le corps du livre en ayant un aperçu du contenu de l’article. Le deuxième index, qui présente la « fréquence des mots », permet une comparaison de l’ensemble des textes contenus dans le livre, puisque la totalité des mots utilisés sont mis en commun dans cet index, permettant d’envisager des rapprochement entre les essais (micro-contextualisation). Le troisième index présente les « sujets liés ». Il s’agit en fait de notions, d’œuvres ou de biographies apportant des clés supplémentaires à la compréhension des essais. LUST offre aux différents textes du livre une dimension supplémentaire car les possibilités de lecture sont décuplées pour aboutir à une lecture proposant des millions de points d’entrée (87). On peut retrouver ce principe de multiples entrées avec Passage du cinéma, 4992 (88), livre composé et monté par Annick Bouleau, où 4992 fragments textuels (citations de cinéastes, acteurs, techniciens, producteurs) extraits de revues de cinéma (publiées entre 1895 et 2000) sont répertoriées et accessibles depuis 548 entrées différentes. Référence Le lien hypertexte qui permet de mettre en relation plusieurs textes repose sur un principe d’intertextualité ; l’intertexte étant « l’ensemble des textes mis en relation (par le biais par exemple de la citation, de l’allusion, du plagiat, de la référence et du lien hypertexte) dans un texte donné (89). » L’intertextualité vise ainsi à sortir le texte de son autonomie supposée en mettant en œuvre d’autres textes pré-existants (90). I Read Where I Am présente un système intertextuel, permettant de contextualiser les textes du livre à deux niveaux : une « micro-contextualisation » et une « macro-contextualisation ». Des liens peuvent être établis entre tous les textes contenus dans le livre grâce au second index que l’on a décrit précédemment : la « fréquence des mots » qui permet une comparaison de l’ensemble des textes contenus dans le livre (micro-contex-
87 "Using similar recursive methodologies, a codex of data (or millions of points of entry) can be developed which supports any research query or interest.", LUST sur leur site Internet à propos de I Read Where I Am, (http://bit.ly/18rxz6U) 88 Annick Bouleau Passage du cinéma, 4992, Ansedonia, 2013 89 Coll., « Intertextualité », Wikipédia, [en ligne] consulté le 21 décembre 2014, (http://bit.ly/1APxFhX) 90 Louis Hébert, « Intertextualité », dans Dictionnaire de sémiotique générale, version 12.5 du 3 juin 2014, p.129
prototypes tualisation). Les occurrences sont mises en exergue grâce à un code chromatique : les mots sont colorés avec des niveaux de gris allant du plus foncé (occurrences fréquentes) au plus clair (occurrences rares). Cette lecture, qui propose de mettre en parallèle des écrits placés au même niveau hiérarchique correspond à ce que Michael Connor — commissaire d’expositions et rédacteur pour le projet Rhizome au New Museum de New York — entend par hypertexte. Il y voit une dimension instantanée, dans le sens où le texte de l’hypertexte sera à lire au même titre que le texte que l’on était en train de lire ; les deux seront placés sur le même plan, à la différence de la note de bas de page. « Si la note de bas de page suggère une lecture par la suite, qui pourra être explorée après avoir fini avec le texte donné, l’hyperlien est plus radical. Il dit : "Ici, tu peux tout autant regarder ça maintenant, je serai encore là quand tu reviendras, si encore tu le fais." C’est reconnaître qu’un texte n’est jamais une entité autonome, mais juste un nœud dans un corps beaucoup plus grand de textes en ligne (91). »
Grâce au troisième index qui présente les « sujets liés » (quelques lignes tirées de l’encyclopédie en ligne Wikipedia), un regard plus large sur le texte qu’on lit est offert (macro-contextualisation). Utiliser Wikipedia se montre être un choix pertinent en raison de la place prédominante occupée par ce site dans le processus d’information des lecteurs puisque c’est l’un des sites les plus consultés lors des recherches. En effet, cette macro-contextualisation se base sur le constat que la lecture d’un livre imprimé se fait aujourd’hui parallèlement à une lecture sur Internet. Cette simultanéité se répercute parfois sur le processus d’écriture.
91 "If the footnote suggested further reading that one might explore after finishing a given text, the hyperlink is more radical. It says, « here, you may as well look at this now, I’ll still be here when you get back, if you ever do. » It is an acknowledgment that one’s text is never a standalone entity, but just one node in a much larger body of writing online. This is why it was so grating back when the Times et al wouldn’t use external hyperlinks" Michael Connor, "Clicking is through, it’s all about scrolling now", dans Rhizome Today, 17 décembre 2014, (http://bit. ly/1zjI4yC) 92 William Gibson, interviewé par Anne Laforet pour Pop Tronics, 25 mars 2008, (http://bit. ly/1LMAseF)
hypertexte C’est ce qu’explique William Gibson — auteur de science fiction — qui écrit en gardant à l’esprit que ses lecteurs utiliseront Google à côté de leur livre ouvert. « Certains lecteurs cherchent tout dans Google. Je suis très conscient de tout ce que je mets dans mes livres, également que les lecteurs vont tomber sur mes traces (92). »
Ainsi, I Read Where I Am, par l’exhaustivité des références citées, remet en question la nécessité d’aller chercher des références externes aux textes contenus dans le livre. Ce livre témoigne d’une autonomie certaine en incluant des informations extérieures.
prototypes Æther9 ( voir annexes) est un livre qui présente les mêmes caractéristiques que I Read Where I Am, puisqu’à la fin, on retrouve ce qu’on pourrait appeler une macro-contextualisation. Le point 671 propose un regard extérieur et rétrospectif sur le projet (texte critique de l’artiste et membre de Æther9 Judy Nylon). Mais en plus, des données relatives au livre — en tant qu’objet éditorial — sont montrées. Ainsi, le point 672 fait apparaître des éléments concernant la façon dont le livre a été conçu par les graphistes de Open Source Publishing. Il est mention du « Gitlog », qui enregistre toutes les modifications et commentaires de chacun lors d’un processus de travail où plusieurs utilisateurs peuvent intervenir sur un même projet. "Manuel Schmalstieg whistled — moving some images Tuesday, 19th June 2012 - 16:52"
Tandis que le point 673 évoque la publication et la diffusion du livre (mentions légales de l’ouvrage et remerciements). Les données ont été fournies et ont été volontairement insérées dans le cours du livre car numérotées comme étape au même titre que tout le reste des textes du livre. Ce mode de lecture faisant appel à des références externes, peut se retrouver aussi à une échelle plus petite entre objets de même média. Pour Alessandro Ludovico, auteur de PostDigital Print, un ouvrage, lorsqu’il prend appui sur un contexte réel (cas des documentaires et des essais) est souvent pensé comme un fragment d’une entité 93 "A printed work of non-fiction, especially plus large (93). one which is part of a series (as are Cette entité sémantique constitue l’un des nœuds newspapers and de tout un réseau culturel plus vaste, auquel le magazines, as well as many books), is livre fait lui-même appel (citations, références usually not meant to be an omnibibliographiques, faits historiques…), toujours dans comprehensive entity; it refers to external un schéma intertextuel. content, for example Le livre Æther9 est ainsi accompagné de trois autres ouvrages disponibles sur lulu.com, qui sont appelés les "Proceedings". Ces trois premières éditions constituent une simple retranscription textuelle des
through quotes or bibliographical references. It can thus be seen as a ‘node’ within a broader network of cultural content.", Alessandro Ludovico, op. cit., p.138
Æther9, REMOTE REALTIME STORYTELLING Année : 2012
ISBN : 978-2-9700706-4-1
Direction éditoriale : Audrey Samson, Manuel Schmalstieg
Impression : Ghent, Belgique
Graphisme : Open Source Publishing (Gijs de Heij, Ludivine Loiseau, Pierre Marchand), Bruxelles Éditeur : Greyscale Press
— Format : 15,5 × 24 cm 128 pages Tirage : 250 ex.
Æther9 est un livre qui est basé sur les archives du projet du collectif Æther9, une expérience collaborative qui explore les difficultés de la performance audio-visuelle en ligne Le livre a été produit en collaboration avec Open Source Publishing, entre juin et septembre 2012.
Æther9 propose une relecture de ce projet en montrant les coulisses du projet : discussions, protocole, problèmes techniques et développement informatique. Le livre est constitué de fragments (les archives du projet) de nature diverse : images, mails, chat, qui ont été échangés entre 2007 et 2010. Ces fragments qui sont agencés de façon chronologique, sont numérotés de 0 à 673. Le livre peut être navigué de façon non-linéaire, en suivant des chemins de lecture spécifiques (appelés TraCEROUTEs) rendus visibles par des mots soulignés correspondant aux thèmes chers au collectif. Æther9 fonctionne de façon linéaire du début à la fin puisqu’il est question d’un seul récit chronologique du début à la fin. Le lecteur peut aussi lire en zig-zag, de façon non-linéaire, en reliant des évènements de façon non-chronologiques entre eux.Le lecteur peut aussi lire en double-ligne, puisque les évènements peuvent être relus selon des points de vue différents grâce aux Traceroutes.
hypertexte
Pages intérieures du livre Proceedings vol.3 issue 1,
Proceedings vol.3 issue 1, (http://bit.ly/188Mged)
discussions menées par le collectif sur le chat. En cela, le livre Æther9 est représentatif de cette idée de fragment sémantique qui ne serait qu’une partie d’un corpus de recherches bien plus larges. Æther9 et les graphistes d’Open Source Publishing ont choisi de séparer le chat brut des Proceedings du reste du contenu de Æther9 pour se concentrer sur des données claires concernant les performances elles-mêmes, tout en rendant le contexte de création — complexe — accessible grâce aux Proceedings. Ces trois livres que constituent les Proceedings (Æther9 Proceedings vol.1 issue 1, vol.2 issue 1, vol.3 issue1) semblent s’inscrire dans une dimension relativement privée pour plusieurs raisons. D’abord parce que leur contenu (les coulisses du projet et les sessions de travail sur le chat) ne fait pas partie des œuvres et n’est pas voué à être diffusé. Ensuite, parce que le livre Æther9 et les Proceedings sont diffusés selon deux systèmes différents ; les Proceedings sont disponibles et imprimables à la demande sur Lulu.com et s’adressent à un public initié tandis que le livre Æther9 est diffusé de façon traditionnelle bien qu’à un nombre d’exemplaires très petit. Enfin, la dimension brute des Proceedings (matériaux textes non traités et non-contextualisés) se distingue complètement du livre Æther9, dont le but est à la fois de montrer l’archive et de remettre en contexte, pour que les lecteurs saisissent la démarche artistique du collectif. En outre, notons que si le premier Tome des Proceedings : Æther9 Proceedings vol 1 issue 1 comprend une introduction présentant le projet, les deux suivants n’en comprennent pas. En 2010, Ana Carvalho (94) — artiste, graphiste et typographe portugaise, docteur en Communication
94 Ana Carvalho, "The ephemeral in AV realtime practices: an analysis into the possibilities for its documentation", conférence donnée durant le VJing Research Panel au Thursday Club à Londres, University of London le 18/11/2010
prototypes et Plateformes digitales et éditrice de Libre Graphics Magazine — à l’occasion d'une conférence donnée en 2010 au sujet l’archivage et la documentation des performances live audiovisuelles cite le cas de Æther9 et des Proceedings. Elle propose de faire la distinction entre une documentation qui aurait pour but de garder en mémoire le processus de la performance et une documentation qui vendrait la performance dans une démarche promotionnelle, sans forcément être marchande, mais qui expliquerait et mettrait en lumière certains aspects choisis. Les Proceedings relèveraient du premier cas. Cela peut nous amener à considérer que le travail réalisé lors de la création d’un livre concernant un contenu Internet reviendrait à exécuter un travail de direction éditoriale, dans le cas d’Æther9, ce travail d’édition étant fait par deux membres du collectif après coup. En effet, d’après moi, ce travail est un travail de construction du sens ; la totalité des éléments présents dans le contexte Internet est passée au travers une passoire, permettant de faire un travail de sélection. Cependant, il est aussi possible de décider de tout garder et de rendre compte de l’exhaustivité des informations, si l’on souhaite témoigner du flux, comme dans le cas des Proceedings.
Se perdre : sérendipité Si l’hypertexte peut être utilisé dans le but de recadrer et de re-situer un élément textuel, pour Jean Clément, l’hypertexte est une technologie qui permet aussi de se perdre. « En instrumentant les renvois et les index de l’encyclopédie, il en offre une lecture plus facile. Mais dans le même temps, il les multiplie 95 Jean Clément, art. cité et les désorganise (95). » 96 Ibid.
Avec l’hypertexte, « le lecteur n’est plus en face d’un dispositif d’organisation hiérarchique ou de classement de l’information, il est au centre d’un réseau qui se reconfigure en fonction de ses parcours (96). »
97 Coll., « Sérendipité », Wikipédia. [en ligne] consulté le 11 janvier 2015, (http://bit. ly/1kEOW1K) 98 Mark Z. Danielewski, House of Leaves, Pantheon Books, 2000. 99 N. Katherine Hayles, art. cité
House of Leaves (http://bit.ly/1DDfWva)
hypertexte Si I Read Where I Am permet au lecteur de rentrer dans le corps du texte de façon logique et pragmatique, ce livre, par la prépondérance des mots associés, se révèle être une véritable machine à perdre le lecteur au travers d’une lecture en zig-zag, semblable à celle sur Internet, instaurant une lecture par sérendipité. La lecture de ce livre est caractéristique de la sérendipité, puisque le livre nous renvoie d’un texte vers un autre, où les lecteurs se perdent pour trouver au hasard d’une page, au détour d’un lien, au cœur d’un nœud, une information leur étant utile alors même qu’ils ne savaient pas qu’ils la cherchaient vraiment (97). D’après moi, I Read Where I Am relève de la « machine livresque », dont un parfait exemple serait La Maison des feuilles (98) (en anglais House of leaves), premier roman de Mark Z. Danielewski. Ce livre complexe déroute le lecteur en renversant les codes de la mise en page traditionnelle, puisqu’il use et abusant des notes de bas de page et des mises en abime donnant lieu à une lecture bouleversée et non-linéaire. L’hypertexte a aussi cette particularité de faire et défaire l’information pour être relu de façon différente à chaque fois. N. Katherine Hayles explique à ce propos que les hypertextes électroniques sont générés par fragmentation et recombinaison (99). En dehors d’un contexte Internet, des projets de livre permettant de brasser du contenu de façon aléatoire et hasardeuse ont été imaginés, à l’image des théories de Stéphane Mallarmé sur le Livre, à la fin des années 1890 : il imagine le livre idéal comme un ouvrage composé de feuilles volantes, qui s’émanciperait d’une forme finie et dont le texte imprimé sur des feuillets, serait en recomposition permanente et pourrait être re-mélangé pour créer de nouvelles narrations. Par la suite, d’autres auteurs ont expérimenté en ce sens, notamment dans le genre de la poésie combinatoire avec Cent Mille Milliards de poèmes de Raymond Queneau ou encore Marc Saporta et son roman permutationnel Composition n°1 (Le Seuil, 1963) qui est fait de feuillets non foliotés à battre par le lecteur et
prototypes dont l’histoire change constamment. Plus récemment, l’artiste André Castro a réalisé un livre intitulé The Head-Body-Legs of Spam (2013), qui réutilise le principe de pages découpées en bandes horizontales utilisé par Queneau pour décortiquer les textes de courriers indésirables (spams) et en recomposer de nouveaux à l’infini.
FLUX : Hyperlinéarité En m’entretenant par e-mail avec Silvio Lorusso, il est apparu que si l’hypertexte était une structure régissant Internet, la perception que nous avions de l’Internet au travers de nos usages récents tenait aujourd’hui davantage du flux et non plus forcément de l’hypertexte. Silvio Lorusso parle « d’hyperlinéarité ». « Lorsque je réfléchis à l’état actuel du Web, j’ai l’impression que nous sommes dans un environnement "hyperlinéaire". C’est vrai, nous pouvons suivre et être suivi, mais la plupart des contenus sur le Web semblent se subsumer à la structure linéaire de nos agrégateurs de contenu sur les média sociaux (100). »
Évidemment, l’hypertexte est toujours présent et nous cliquons toujours autant qu’avant. Simplement, l’usage généralisé des réseaux sociaux et du web social rend l’accès à l’information sur Internet plus linéaire qu’il ne pouvait l’être. Tout nous est donné sous forme linéaire, par ordre chronologique sur une seule et même page web. Nous pourrions ainsi qualifier cette information de « liquide ». Si cette notion d’information « liquide » peut quelque peu se rapporter à la notion du Livre (qui « coule »), évoquée précédemment, notamment avec les dires de Roland Barthes, il ne s’agit pas non plus de la même chose, puisque le Livre de Barthes ne se pratique que d’une seule manière : en le lisant du
100 "When I think of the current state of the Web, I have the impression that we inhabit an *hyperlinear* environment. It’s true, we can link and be linked back, but most of the contents of the Web seem to be subsumed by the linear structure of our social media feeds.", Silvio Lorusso, dans un échange d'e-mails personnels, décembre 2014. Voir "A couple of thoughts on *hyperlinearity*", article en ligne sur cet entretien du 2 janvier 2015, (http://bit. ly/1AsYUA6) 101 Ce qui pourrait être traduit ainsi : « La première chose à réaliser à propos de Æther9 est son absolue continuité. Un poisson des fonds marins n'a probablement aucun moyen d'appréhender l'existence de l'eau ; il est immergé de façon trop uniforme : et c'est la situation dans laquelle nous nous retrouvons face à l'éther. »
flux début à la fin. Voici comment les prototypes étudiés expriment la navigation à travers le flux dans le livre.
Surf : voies pour se retrouver Si l’on peut se perdre dans des livres construits par des systèmes d’hypertexte, des outils pour se retrouver dans le flux peuvent être mis en place. Comme des balises sur un parcours de randonnée permettant de guider le marcheur, des outils pour ne pas se noyer dans toutes les informations textuelles du livre — et en rester à la surface — sont parfois présents. Ce sont des chemins de lecture multiples : des doubles-lignes. Ainsi, dans Æther9, des balises viennent ponctuer la totalité du texte, permettant de surfer de notions en notions, offrant au lecteur un pouvoir de naviguer dans les pages et d’apprivoiser le flux dense du livre. À la manière des fameux Livres dont vous êtes le héros ou du Conte à votre façon de Queneau, qui proposent au lecteur de suivre les indications écrites dans le livre pour construire un récit en sautant de pages en pages, le livre Æther9, propose aussi au lecteur de voyager. Mais ici, la lecture-voyage fait écho à la pratique de l’internaute qui navigue sur la toile. Il me semble important de commenter le texte ouvrant ce livre. Le livre Æther9 est introduit (en point 0, sur la première page de couverture) par une citation du scientifique Sir Oliver Joseph Lodge, extraite de Ether and Reality: A Series of Discourses on the Many Functions of the Ether of Space (1925). Le scientifique décrit notre comportement en présence de l’éther, composant chimique en partie constitué d’oxygène. Dans ce court texte faisant office d’ouverture, le terme original "Ether", utilisé par Sir Oliver Joseph Lodge, est remplacé par le nom du collectif (Æther9) de cette façon : "The first thing to realise about the Æther9 [Ether] is its absolute continuity. A deep sea fish has probably no means of apprehending the existence of water; it is too uniformly immersed in it: and that is our condition in regard to the ether (101)."
prototypes Ce texte introductif met l’accent sur le fait que le projet Æther9 ainsi que ce livre sont tous deux caractérisés par une continuité totale ; un monde de flux et d’échanges se crée, dans lequel le lecteur va s’immerger. Dans le livre Æther9, les faits relatés sont organisés par ordre chronologique et présentés de façon linéaire, correspondant ainsi à la figure du livre « naturel » de Barthes, d’autres pistes de lecture non chronologiques et non-linéaires peuvent être suivies. Ces voies sont balisées et définies comme étant des TRACEROUTES, au début du livre sur la première page (hors couverture). Le « Traceroute » est un programme utilitaire présent sur la plupart des systèmes d’exploitation, permettant de déterminer le chemin suivi par un paquet d’informations. La commande traceroute permet ainsi de dresser une cartographie des routeurs et son rôle est de faire transiter des paquets d’une interface réseau vers une autre. La notice des Traceroutes est écrite ainsi : « TRACEROUTE Chemins proposés pour naviguer dans ce livre, basés sur certains thèmes, centres d’intérêts et lubies du projet aether9, sous-lignés dans le texte (102) ».
Plusieurs chemins/ « routes » sont ainsi énoncés et mis en avant par des codes graphiques (motifs, soulignements de nature diverse…) cash_roads : Ubiquitous funding concerns. Mostly considered a necessary evil. chat_roads : aether9’s backchannel. where it all went down! ;) (103) patch_roads : A visual programming paradigm used 102 "TRACEROUTE : Proposed paths to to develop performances tools (a patch a day navigate this book based on certain keeps the command line away). underlining themes, interests and whims of red_roads : The eroticism of ASCII. Operating the Æther9 project." the meatspace. 103 Le w n’est pas écrit en capitales ; il ne s'agit science_roads : A tribute to Tesla’s wireless pas d'une coquille mais sans doute d'un theory. clin d’œil au non-respect des An exploration of mad scientist esthetics. codes typographiques lorsque nous écrivons slow_road : Working within the abundance de façon informelle of low-tech: narrow bandwidth, slowness, dans un chat.
flux daydreaming & echoing images. tech_roads : Aether9 guts and canvas. Protocols that have been used and abused. themes_roads : Concepts of chance, probability and information entropy.
Par exemple, si l’on se situe au point 49 du livre : "last news and performance preparation, par bk [nom?] le 09.06.2007"
on peut lire un mail qui fait état des dernières avancées du travail du collectif. Il y raconte les derniers échanges avec neuf internautes ont été ralentis car aucun script n’avait été établi : "so it began slowly in a quite random jam". "Slowly" et "random" sont mis en exergue. Random correspond au traceroute "themes_roads" et renvoie au point 170 : "random" Re: videocapture did works de ::audrey:: le 11.11.2007. Il s'agit d'une réponse à Paula Vélez Bravo où elle donne les retours qu’elle a eus à propos d’un projet de performance video "WORM" et dit que certains choix (indices chuchotés dans un micro) étaient choisis de façon trop aléatoires ("they seemed to random") et random est mis en exergue. Les traceroute ont une valeur poétique dans ce livre ; le terme traceroute qui est un programme informatique est ici détourné pour servir de navigateur dans le livre. Æther9 établie un parallèle entre navigation sur Internet, dans un programme informatique, et navigation dans le livre, dans une machine livresque. S’il s’agit de naviguer à travers le livre, le lecteur navigue aussi à travers le projet lui-même d’un point de vue chronologique (on se balade dans les archives du projet d’une étape à l’autre) et d’un point de vue « spatial » puisque implicitement, il est donné à se déplacer dans des informations produites aux quatre coins du globe. Mais cela offre aussi la possibilité de naviguer au travers différentes catégories et thématiques.
prototypes Couler sans fin — non-téléologique Le flux nous donne au navigateur une impression d’infini, il semble couler sans fin et ne pas s’arrêter. On pourrait ainsi caractériser le flux sur Internet de « non-téléologique », qui ne reposerait pas sur l’idée de finalité, qui constituerait un rapport de non-finalité (104). C’est ce que Open Source Publishing avec Æther9 mais aussi le collectif m-a-u-s-e-r avec le numéro 5 de la revue Junk Jet : Junk Jet #5: Net.Heart ( voir annexes) évoquent avec le principe de mise en page adopté. Les deux mettent en place des mises en page en colonnes de texte (deux sur la même page pour Open Source Publishing et trois pour m-a-u-s-e-r), donnant forme à des textes qui semblent couler en continu, effet qui ne serait pas rendu possible avec un seul bloc de texte.
(http://bit.ly/1E2dbVx)
Æther9 comme Junk Jet #5 ne présentent que très peu de repères hiérarchiques et typographiques dans leur mise en page. Dans Junk Jet #5, il est question de capturer le flux produit sur Internet dans le cadre d’œuvres de net art, de saisir un instant dans tout ce flot par l’impression du livre. Au niveau de la mise en page, les titres, lorsqu’il y en a, sont compris dans la largeur des colonnes et sont confondus dans le reste du texte, de façon à renforcer ce sentiment de continuité. Ce travail sur l’ininterrompu peut faire penser à celui de Jœ Hamilton avec Hypergeography ; à l’origine, c’est une juxtaposition de plus d’une centaine d’images issues de la toile, recréant un paysage numérique, faite pour être visualisée sur Internet sur le site http://hypergeography.tumblr.com. C’est une longue page dans laquelle il ne s’agit que de scroller, mais qui a été adaptée pour le 104 CNRTL, « Téléologique », papier sous forme d’un leporello dont les pages ne (http://bit.ly/1zMluzK) se tournent pas mais se déplient sur quatre mètres 105 Daniel Gustav Cramer, de long. Sans qu’allusion à Internet ne soit faite, Forest, publié à l'occasion de d’autres auteurs ont imaginé des livres sans fin l'exposition "Six (105) Works" à la Return comme Daniel Gustav Cramer, avec Forest , Gallery de Dublin, 2010, 16 pages.
Junk Jet #5: Net.Heart Année : 2012 (février)
ISBN : 978-3-9814748-1-7
Graphisme : m-a-u-s-e-r (Asli Serbest, Mona Mahall), Stuttgart / Istanbul
Format : 15,5 × 25,5 cm, 154 pages
Éditeur : Igmade
Tirage : 777 ex.
Junk Jet est un fanzine, une revue artistique, qui met en avant des travaux actuels de la scène artistique contemporaine. Il existe pour le moment six numéros, dont la parution est irrégulière. Chaque numéro comporte un format et une mise en page différente. Junk Jet #5 se donne comme contrainte de transposer dans un support imprimé une cinquantaine de projets artistiques conçus pour le Web, sans pour autant y voir une version sous-évaluée de ces projets mais plutôt en expérimentant dans la forme graphique de façon à documenter au mieux les projets, comme une vidéo pourrait témoigner d'une expérience. De façon générale, Junk Jet a recours, dans sa mise en page, à l'usage de colonnes et de blocs de textes dans des formes irrégulières et variables (1, 2 ou 3 colonnes selon les pages), où les images se superposent parfois. Mais ce qui frappe dans Junk Jet #5 est que cette mise en page est systématique. Le numéro 5 a pour particularité de rendre spécifiquement compte du flux sur Internet dans sa mise en forme. Junk Jet #5 peut se lire à la fois de façon linéaire et de façon fragmentaire, puisque c'est au lecteur d'établir des liens entre les images proposées sur certaines planches.
flux un livre qui a été crée sans couverture, de façon à ce que les pages puissent être lues en boucle. Junk Jet #5 est un livre dont la composition est très rythmée, les pages s’enchaînent dans un rythme soutenu, sans réel espace de respiration. Ainsi, ce livre dense ne pousse d’après moi pas vraiment à la lecture. Néanmoins, la complexité qui en transparaît témoigne de façon pertinente des expériences menées sur la toile. À ce propos, je pense par exemple aux propos de Robert Chartier lorsqu’il compare le « Browsing » (se balader sur le Web grâce à un moteur de recherche) à un « Zapping (106) ». Les pages et les images s’enchaînent sous nos yeux lorsque l’on recherche.
Parataxe
Capture d'écran d'une recherche Google
Le flux pourrait tenir de la parataxe, figure rhétorique consistant à supprimer tout mot de liaison susceptible de souligner une relation logique entre des éléments syntaxiques. Elle est avec le flux, poussée à son paroxysme. Ainsi, avec Junk Jet #5, si le texte est traité de façon à lui donner une impression de continuité, les images sont juxtaposées. À l’instar de l’interface proposée par le moteur de recherches Google Images, les images sont proposées telles quelles au lecteur, sans autre description connexe. Elles sont données à voir, tels des points disparates, une constellation de fragments, dont il convient au lecteur d’élaborer les connexions. Cette juxtaposition se retrouve à son comble dans Hypergeography, où aucun blanc n’existe. Junk Jet propose une mise en page de l’ordre de la planche d’images, comme a pu le faire bien avant Aby Warburg avec son Atlas Mnémosyne ; remettant en question le déroulement linéaire de l’Histoire, l’historien Aby Warburg opère un voyage dans le temps et reprend 106 Roger Chartier, interviewé par Ivan des évènements a priori déconnectés historiqueJablonka, art. cité.
prototypes
YEAR 2013 (http://bit.ly/1LVZCri)
Planche de L'Atlas Mnémosyne (http://bit.ly/1DlCUo0)
ment pour les associer sur une même planche et propose ainsi une relecture de l’Histoire, proposant déjà une visualisation de l’ordre de la géographie d’images puisque son projet s’appelle Atlas. La proximité entre des éléments à priori déconnectés a déjà été expérimentée dans le collage d’éléments textuels, comme a pu le faire l’écrivain américain William S. Burroughs, dans les années 60 pendant le mouvement de la Beat Generation, avec la technique du cut-up, où un texte original se trouve découpé en fragments aléatoires puis réarrangés pour produire un texte nouveau. Ce type d’œuvres peut tenir de « l’interdiscursivité », qui se dit d’un texte dont l’unité est constituée des multiples discours que ramasse et traverse le texte (107). La juxtaposition d’éléments sémantiques imposée par le flux Internet est intégrée dans le protocole de mise en page de Junk Jet #5, où la séparation entre les différents projets (un projet par page) ne saute pas aux yeux et où l’on pourra facilement penser qu’une double page représente un unique projet. Certains ouvrages, comme la revue YEAR, catalogue rassemblant plus de 85 contributions d’artistes gravitant autour du collectif belge Komplot. fonctionnent de façon similaire, puisqu’ici la pagination est inexistante et donne une impression de juxtaposition de tous les projets, page après page, où tout semble confondu et où le lecteur est invité à faire des liens de façon fortuite entre les œuvres, classées de façon relativement intuitive. « Nous nous sommes dit que ce n’était pas nécessaire de numéroter les pages, ce serait comme avoir un plan de son appartement dans chaque chambre. Ce n’est pas non plus arrangé
107 Louis Hébert, op. cit., p.129 108 Komplot à propos de YEAR 2013, sur leur site http://www.kmplt. be/project.php?id=86 109 www.ofluxo.net
flux
Flux "Data.Mine Conflux" (http://bit.ly/1Amzcsc)
selon une chronologie de mai 2012 à avril 2013, mais autour de 12 sections qui portent les noms de célèbres discothèques belges (108). »
Junk Jet #5 peut rappeler le projet de la plateforme en ligne O Fluxo (109), dont le but est de promouvoir de jeunes artistes. O Fluxo édite occasionnellement des publications imprimées telles que O FLUXO ISSUE#01 — Circulating Forms of Reality, revue de O Fluxo datant de juin 2012 et Flux “Data.Mine Conflux”, catalogue d’exposition de mars 2014. Les codes graphiques mis en place, en particulier dans Flux“Data.Mine Conflux”, sont proches de ceux de Junk Jet #5 en raison de la proximité des images juxtaposées et de l’aspect coulant des colonnes de texte, bien que cela soit moins poussé au niveau de la mise en page.
High Tension (http://bit.ly/1AF2aZd)
M-a-u-s-e-r, avec Junk Jet #5, a semblé vouloir faire un livre à l’image de multiples pages web consultées les unes après les autres, puisque le format ouvert du livre reprend les proportions d’un écran d’ordinateur standard et que les marges sont particulièrement réduites comme le sont souvent les pages web. Ainsi Junk Jet peut évoquer la navigation par onglets sur Internet, car les logiciels de navigation sur Internet permettent d’ouvrir de nombreux onglets simultanément et de lire de nombreuses pages en parallèle, sous forme de zapping. Chaque page ou double page serait comme un mur d’exposition pour un projet, contenu sur une page web. En dehors de ce contexte Internet, des livres comme High Tension, de l’artiste Philip Zimmerman, élaboré en 1993, permettent de mettre des images en parallèle ; ce livre à la forme original est un livret agrafé où les pages sont décentrées et désaxées de façon à rendre les pages précédentes et suivantes visibles, et à ainsi créer des interactions entre les images.
prototypes
œuvres collectives
Real Correspondance, Vittore Baroni, ? (http://bit.ly/188PvlQ)
Portrait de groupe La dimension collective qu’offre Internet se retrouve nettement dans le travail de Open Source Publishing pour le collectif Æther9. Le collectif Æther9 est à l’origine d’une œuvre écrite à plusieurs et ce grâce à la technologie d’Internet. Si les performances elles-mêmes se sont déroulées pour beaucoup sur la toile, en coulisses, l’organisation de ce collectif s’est aussi faite grâce à Internet, puisqu’au moins dix-huit membres de pays différents (Belgique, Suisse, USA, Pays Bas, Allemagne, Slovénie, Inde, Autriche, Colombie, Canada, Finlande, Suisse, Chine…) ont contribué au projet. Cette pratique artistique n’est pas sans rappeler celle des artistes tels que ceux du groupe Fluxus, dont la collaboration artistique était basée sur des échanges par voie postale (mailart), au nom de ce qu’ils appelaient « le Réseau Éternel (110) » ("Eternal Network", concept introduit par Robert Filliou et George Brecht en avril 1968). Il me semble aussi important de noter que les idées véhiculées par Fluxus et par le Mail-Art peuvent se retrouver aujourd’hui dans de nouvelles pratiques, les ré-actualisant, puisque des artistes s’emparent de la toile et des réseaux sociaux pour véhiculer leur art. Je pense ainsi à des artistes tels que Hervé Fischer qui pratique depuis 2011 ce qu’il appelle tweet-art : la création de petites icônes à caractère philosophique, diffusées par 110 Alessandro Ludovico, le biais du réseau social Twitter. op. cit., p. 40 Avec le livre Æther9, Open Source Publishing met en avant l’importance de ces échanges et les notions de distance et d’ubiquité liées à Internet ; le texte est uniquement constitué d’échanges qu’ont eu les participants les uns avec les autres et ces échanges constituent la trame du livre.
111 Grapus, ZUP ! Album de famille : Villeneuveles-Salines, quartier de La Rochelle, éd. Marval, 1982 112 Coll., « Film choral », Wikipédia. [en ligne] consulté le 11 janvier 2015, (http://bit. ly/1MWYQ0z)
Œuvres collectives
Pages intérieures de ZUP!
Ainsi, comme dans un chat ou un dialogue dans un livre de théâtre, chaque paragraphe du texte consiste en une intervention d’un des membres du collectif et le nom (ou le pseudo) de la personne ayant envoyé le message (mail, chat…) est mentionné au début de chaque fragment. Véritable portrait de groupe, Æther9 peut rappeler ZUP ! Album de famille : Villeneuve-les-Salines, quartier de La Rochelle, livre réalisé par le collectif Grapus, suite à un projet mené dans la Zone Urbaine Périphérique de Villeneuve-les-Salines, près de La Rochelle, en 1982 (111). Grapus a rencontré 120 habitants et a souhaité en témoigner dans un livre dont l’architecture des pages serait à l’image des habitants ; ainsi, chaque page représente une personne du groupe et le livre entier forme la communauté. Les pages vont par ordre décroissant. Ainsi, la première page du livre représente la personne la plus âgée (98 ans) et porte le plus grand numéro et la dernière page représente un nouveau né. Si personne n’était âgé de 36 ans par exemple, alors la page est vide, inhabitée (symbolisée par un fond noir). On pourrait ainsi dire qu’Æther9 est un « livre choral », tout comme le sont certains films, appelés « films-choral » ou encore « films mosaïque », lorsqu’ils mettent en scène « un nombre relativement important de personnages, sans que l’un d’eux ne semble plus important que les autres, s’entrecroisent, d’où l’utilisation fréquente du terme « destins croisés » pour les définir (112). » À l’image de films tels que Face Value de Johan Van der Keuken (1990), la structure de Æther9 est soutenue par les différents artistes-internautes, qui sont ses protagonistes, et s’entrecroisent, reconstituant un réseau dans le livre. Si cette symbolique du livre à l’image de ses protagonistes et des trajectoires croisées se retrouve dans un livre empruntant une forme traditionnelle elle se retrouve aussi dans le livre Mandy and Eva (2014), dont le graphisme a été réalisé par Sybren Kuiper (SYB), qui met en avant les photographies
prototypes de Willeke Duijvekam qui a suivi la transformation de deux transsexuels. Ce livre a la particularité d’être double : il s’agit de destins croisés, de deux vies mises en parallèle l’une par rapport à l’autre dans un double livre — deux livres l’un dans l’autre — et chacun se consacre à l’une des deux personnes. Æther9 propose de mettre à niveau tous les artistes et de les présenter sans que hiérarchie ne soit faite, à l’image du réseau Internet qui se veut horizontal. C’est ce que l’on peut aussi retrouver dans le catalogue d’artiste YEAR. La manipulation de ce livre doit se faire en se laissant porter par le collectif, les œuvres, les textes et les personnalités représentés étant les seuls guides, intuitifs.
Conversation Comme sur Internet où l’internaute peut choisir de s’exprimer de façon synchrone (chat) ou asynchrone (mail, post sur un blog…), les extraits textuels contenus dans Æther9 sont de nature différente et mêlent plusieurs temporalités : les conversations sur des chats (simultanéité) côtoient les mails (différé) ou encore des synthèses des performances faites a posteriori (rétrospective) : toutes les unités textuelles qui apportent du sens et permettent de comprendre le travail de Æther9 sont mises au même niveau. Si l’introduction de données temporelles (dates et heures devant chaque message) peut paraître anecdotique, elles permettent en réalité de mieux comprendre le protocole de travail de Æther9 en pointant différents rythmes dans le travail ; des chiffres qui indiquent des moments proches nous feront comprendre qu’il s’agit de chat, tandis que des messages plus espacés dans le temps nous indiquent qu’il s’agit d’un échange de mail. L’utilisation de ces données temporelles dans le livre, fait appel à des codes que nous avons intégrés : dans les Elliman, Maxine fenêtres de chat, l’heure d’envoi est toujours placée en 113 Paul Kopsa, Irma Boom et Will Holder, évidence pour permettre de se repérer. Les Traceroutes mises en place dans Æther9 permettent de remonter dans le fil de discussion. Ainsi, le point 366 renverra au point 355 qui le précède, puisqu’au point 366 l’utilisatrice « paula » annonce
Dutch resource : Exercices de collaboration en graphisme, Valiz, 2005
114 Cory Arcangel, Working On My Novel, Penguin, 2014
Œuvres collectives à 20h25 qu’elle va tester le patch d’image et qu’au point 355, elle explique qu’elle doit d’abord résoudre un problème technique en devant placer des images dans un même dossier.
Contenu éditorial collectif
Intervention de Karen van de Kraats dans Dutch Resource
On l’a vu, Internet offre la possibilité à des internautes de consulter du contenu mais aussi d’en écrire ensemble. Dans Æther9, ce constat est mis en pratique car les images du livre présentent le projet selon deux points de vue différents : le public d’internautes et les artistes. Les images sont soit des captures d’écran de ce qui est donné à voir au spectateur (côté public), soit des captures d’écran de l’interface des logiciels (côté coulisses). Les images sont utilisées au même titre que les différents blocs de texte, et constituent elles aussi des éléments de construction de la narration du projet. Graphiquement, on retrouve le même type d’esthétique que celle mise en place par la graphiste Karen van de Kraats pour le livre Dutch Resource, Exercices de collaboration en graphisme (113), où elle rend compte de son travail de collaboration avec le collectif LUST, mené lors d’un workshop au festival de Chaumont en 2005. Elle met ainsi en parallèle des captures d’écran de nature diverse (avancée du travail, logiciel et échange de mails). En dehors de l’échange de mails, l’internaute a la possibilité de participer à une écriture commune et collaborative. C’est ce que LUST souligne en ré-injectant du contenu issu de l’encyclopédie collaborative Wikipédia dans le troisième index "Index of Related Subjects (drawn from Wikipedia)" du livre I Read Where I Am. Des artistes comme Cory Arcangel, se sont emparés du contenu produit par les internautes pour constituer des livres, à l’image de Working On My Novel (114) ; ce livre est constitué par les « meilleurs tweets qui incluent » la phrase "Working on my novel" et a été édité par la prestigieuse maison d’éditions Penguin, non
prototypes sans culot, puisqu’il remet en question la pratique des écrivains (qui passent visiblement leur temps sur le site Twitter) et se joue des codes du roman traditionnel. Si la dimension collective d’Internet est ré-injectée dans l’édition papier sous la forme de citation d’un contenu crée à plusieurs, relevant d’une décision de la part des graphistes (Open Source Publishing pour Æther9, LUST pour I Read Where I Am et m-a-u-s-e-r pour Junk Jet #5) notons qu’en dehors de ces choix graphiques, le contenu lui-même de certaines de ces éditions papier n’aurait pu être été crée sans Internet. En effet, le livre Æther9 documente les performances du collectif éponyme, dont les artistes ont basé toute leur pratique sur le médium Internet, tandis que la revue Junk Jet #5 propose un contenu curatorial large, rassemblant des productions issues du champ du net art.
Mise en perspective : quelles modalités pour ce type d’ouvrages ? Les différents spécimens sur lesquels mon analyse a porté présentent des similitudes, nous faisant entrevoir certaines pistes, permettant d’envisager l’élaboration d’un déterminisme plus précis.
Témoignage d’expériences Les spécimens étudiés ont tous en commun d’être le fruit d’expériences sur la toile. Ils ne proposent pas seulement de s’intéresser à un continu spécifique, mais témoignent de démarches éditoriales complexes, nourries par une réflexion questionnant la lecture sur Internet. I Read Where I Am est un recueil de textes théoriques qui questionnent la lecture à l’heure d’Internet et dont la mise en forme offre une perspective nouvelle et une dimension supplémentaire aux textes en les mettant tous en réseau et en permettant une lecture à voies multiples, à l’image de la lecture pratiquée sur le net. Comme nous l’avons vu précédemment, dans Æther9 et Junk Jet #5, on retrouve la lecture à la fois fragmentaire et fluctuante du net.
Tentative de classification Si les deux premières catégories de livres répertoriés dans le projet "Library of the Printed Web" de Paul Soulellis ("grabber" et "hunter") compilent des images issues d’Internet dans une forme traditionnelle à laquelle les spécimens que j’ai étudiés n’appartiennent pas, ils semblerait que la troisième catégorie, "performing", soit la plus à même d’abriter d’autres spécimens de cette espèce. En effet, ces livres questionnent la façon dont l’information est donnée à voir sur Internet. Ces ouvrages témoignent d’un usage plus complexe d’Internet et présentent
prototypes ainsi des procédés graphiques plus à même de retranscrire l’aspect réticulaire du Web et de la poétique d’Internet. Cependant, bien que la catégorie "performing" semble être la plus appropriée aux spécimens que nous avons étudiés, il convient tout de même de nuancer cette idée ; en réalité, avec ces spécimens, il ne s’agit pas de « web imprimé ». Ce n’est pas une transposition directe d’un support à un autre. C’est la mise en œuvre de codes de lecture acquis sur le long terme avec la pratique du web et d’Internet, dans le livre imprimé. Mise en œuvre consciente ou spontanée. Comme nous avons aussi pu l'observer, l'engouement suscité par le Web qui est à l'origine d'une si forte production de publications imprimées est souvent présent chez des artistes visuels. En effet, la plupart des cas recensés par Paul Soulellis, par exemple, sont des ouvrages d'artistes visuels, où la mise en page est simple, de l'ordre de la collection. Or, les prototypes qui mettent en avant la lecture spécifique sur Internet et qui répondent davantage à l'ordre des recherches de ce mémoire, sont l'œuvre de graphistes, qui questionnent davantage la structure du livre.
Lecture dans le réseau : carte et géographie Ces spécimens ont en commun de fonctionner selon des systèmes d’informations en réseau. Si le réseau ne correspond pas à la figure de la hiérarchie pyramidale communément représentée (telle qu’on a pu la voir précédemment) le réseau n’est pas non plus forcément anarchique. En effet, dans le dictionnaire Littré, l’anarchie se caractérise par une « absence de gouvernement, et par suite désordre et confusion ». Or, avec le réseau tel qu’il est mis en pratique dans les spécimens étudies, il n’est pas forcément question de désordre. Car le lecteur arrive à ordonner les idées émises, à créer son propre chemin à travers la myriade d’informations qui sont contenues dans chacun de ces livres, de la même façon que l’internaute se fraye son 115 Se référer à la partie « Des livres à l'image propre chemin grâce aux navigateurs Web. Ainsi, de la pensée nonl’index est souvent utilisé pour se déplacer dans linéaire ».
mise en perspective le livre comme le ferait un moteur de recherche sur la toile, et des voies de lecture (« Traceroutes » de Æther9) peuvent mettre l’accent sur une sélection spécifique d’informations à lire, comme pourraient le faire des agrégateurs de flux sélectionnant des pages sur le Web. Avec le livre, toute la géographie de l’information est mise à plat, rendue visible sur l’ensemble des pages que l’on peut feuilleter pour en avoir un aperçu. Le livre est à la fois carte et cheminement. Car c’est le lecteur, en lisant et en parcourant les informations, qui établira son propre cheminement. Or, sur Internet, en raison des particularités liées à la nature de l’écran qui l’implémente — qui régénère constamment un nouveau texte sur la même zone de lecture — cette géographie n’est que peu visible. En outre, pensons à l’expression « en ligne » ; en effet, elle est utilisée pour qualifier une personne étant connectée au réseau (Internet, mais aussi téléphonique) ou bien des documents accessibles sur la toile, qui occupent une fonction de nœud dans le réseau. En ayant la possibilité de l’atteindre et de joindre ce nœud dans le réseau (unité d’information), il s’opère, selon cette expression, une mise à plat du réseau. On atteint ce nœud de façon linéaire, comme s’il s’agissait de re-configurer l’ensemble de l’information et de la remettre à plat dans le but de rendre cette information intelligible en ré-appliquant les codes propres au discours oral que Richaudeau décrit (115).
Réseau et microcosme Le travail de m-a-u-s-e-r pour Junk Jet ainsi que celui de Open Source Publishing pour Æther9 ont en commun d’avoir été réalisés à petite échelle. En effet, si ces deux publications ont toutes deux pour point de départ un concept basé sur le réseau Internet — qui peut prétendre à un déploiement à échelle mondiale — leur distribution en tant que publication imprimée contraste de façon paradoxale avec les enjeux de diffusion dont il est question sur la toile. En effet, il m’a été très difficile de me procurer ces différentes éditions, les librairies indépendantes étant souvent en rupture
prototypes de stock. Æther9, par exemple, m’a finalement été offert par Ludivine Loiseau du studio Open Source Publishing. Cette anecdote met en avant le fait que ces publications ne sont tirées qu’à très faible tirage et relèvent de la micro-édition : Junk Jet #5 n’a été tiré qu’à 777 exemplaires et Æther9 à 250 seulement. Dans le cas particulier de Æther9, qui met en avant la dimension internationale de sa diffusion — en montrant notamment sur la page Internet du livre Æther9 (http://book.æther9.org) un planisphère présentant les différents lieux de diffusion du livre à échelle planétaire — ce faible tirage contredit en quelque sorte les ambitions du collectif. En outre, ces projets sont réalisés dans un certain microcosme : artistes proposant le contenu des éditions, graphistes le mettant en forme et maisons d’édition qui les publient font souvent partie du même cercle de connaissances. Ainsi, Manuel Schmalstieg, qui dirige la maison d’éditions Greyscale Press ayant publié Æther9 est aussi membre du collectif Æther et a participé aux performances du collectif. Avec les Proceedings accompagnant le livre Æther9, il n’est pas question de collection, puisque ces publications s’inscrivent dans une réflexion plus globale sur l’édition aujourd’hui, réflexion se retrouvant dans les autres livres de Greyscale Press. Il s’avère que les graphistes du studio m-a-u-s-e-r, Asli Serbest et Mona Mahall, qui ont lancé le projet Junk Jet, sont aussi les directrices de la maison d’édition Igmade, qui publie la revue. En prenant en considération l’aspect réduit de ces circuits de diffusion d’une part, et la volonté de diffusion et de mise en réseau émanant de collectifs comme Open Source Publishing d’autre part, il semble étrange qu’un si grand clivage soit présent entre la diffusion très restreinte de ces spécimens éditoriaux étudiés et la diffusion internationale des projets dont il est question dans ces mêmes spécimens. Il ne s’agit évidemment pas d’un jugement négatif mais d’un regard critique sur la diffusion de ces œuvres, parce que la pratique éditoriale, en dehors
116 Marie-Astrid Bailly-Maître, « L'affaire Mobile », dans Graphê N°52, juin 2012 117 Patric Jean, art. cité
mise en perspective de la mise en forme des publications, implique aussi le circuit de diffusion qui permettra au livre d’être lu. L’une des principales raisons que l’on pourra mettre en cause dans ce paradoxe est évidemment l’aspect financier et les coûts de production relatifs à la diffusion des éditions imprimées qui sont élevés. En effet, le livre I Read Where I Am semble échapper à ces problèmes de diffusion puisqu’il a reçu le financement d’institutions culturelles telles que le Graphic Design Museum d’Amsterdam et l’Institute of Network Cultures (qu’a fondé Geert Lovink). C’est ainsi le seul livre qu’il a été facile de me procurer. Acceptation du public En dehors des trois spécimens sur lesquels je me suis particulièrement penchée, les livres qui proposent des modifications dans les codes de lecture sont encore aujourd’hui peu édités. Rappelons-nous que Barthes écrivait dans les années 60 que les formes discontinues n’étaient autorisées que dans le domaine de la poésie, lorsque Mobile de Michel Butor se faisait attaquer par la critique ; il est frappant de voir que plus de cinquante années après, ces livres sont encore peu nombreux. C’est un cas qui semble être particulier à la France, puisque dans le champ de la littérature britannique et américaine, ces formes sont beaucoup plus courantes. Est-ce que cela est dû aux lecteurs français ou bien aux éditeurs ? Pour Marie-Astrid Bailly-Maître, graphiste et écrivaine, c’est un problème d’éditeurs : « peu d’auteurs revendiquent comme partie prenante de leur démarche littéraire la forme typographique de leur texte. Et ceux qui le font ne trouvent pas facilement d’éditeurs pour les suivre (116). » Patric Jean, journaliste et cinéaste, évoque aussi le rôle que jouent les lecteurs dans ce processus d’acceptation de la lecture hybridée : « Dire que le public est déjà prêt à recevoir de telles œuvres serait sans doute optimiste mais rien n’empêche de penser que l’évolution sera très rapide. À condition que les financeurs prennent le risque de l’échec, voire utilisent l’échec pour apprendre et découvrir. Si une minorité a ce courage, cela suffira peut-être (117). »
prototypes Mais dans tous les cas, il semblerait qu’il y ait encore une réticence des différents acteurs français à l’acceptation de nouvelles formes graphiques et visuelles allant vers un livre fragmentaire, non-linéaire ou hyperlinéaire. Ainsi, si les problèmes de distribution que peuvent rencontrer ce type d’ouvrages sont si forts, c’est d’une part en raison du statut de livre hybride qu’ils possèdent, mais aussi parce qu’elles résident dans le champ du livre d’artiste (et ainsi du livre expérimental) confronté plus largement à un problème de financement, en dehors de la structure originale que peuvent avoir ces œuvres éditoriales. I Read Where I Am, par sa nature documentaire et son statut d’ouvrage de théorie critique, semble être bien accueilli.
Conclusion
CONCLUSION
Il m'arrive souvent, tout comme vous sûrement, de ne plus me souvenir en fin de journée où une information avait été lue. Parce que nous lisons tout le temps. Nous sommes dans une ère où l'information est globale. Nous sommes dans un zapping permanent, entre les textes, entre les supports. Points, zig-zag et double-ligne. Ce sont les mots qui m'auront aidée à qualifier une lecture en mutation, en voyage, en associations, en hybridations. Des informations liquides, multi-linéaires. Et non construites d'un bloc, de façon linéaire et cartésienne. On l'a vu, notre cerveau, en tant que lecteur, est malléable. Il prend de nouvelles habitudes de lecture en raison de l'usage quotidien que l'on a d'Internet. Notre lecture change. Partant du constat que les codes de lecture apportés par Internet modifient les habitudes de ceux qui lisent, on s'aperçoit que du côté de ceux qui écrivent et mettent en forme l'information — qui sont eux aussi des lecteurs — des changements s'opèrent aussi dans leur travail. De nouveaux codes graphiques et typographiques font ainsi leur apparition dans des objets éditoriaux. Les habitudes qu'Internet nous donne déteignent, hors écran, sur certaines productions éditoriales imprimées. Ces codes sont parfois appliqués de façon consciente, et parfois non. Je pense que la rupture entre écran et papier se doit d'être révolue et qu'il convient de trouver de nouveaux supports et codes graphiques pour accompagner les données en transition, qui migrent, constamment. Au cours de ce mémoire, c'est donc volontairement que je ne me suis pas penchée sur l'étude de certains outils tels que ceux qui sont utilisés dans le domaine
conclusion
de l'édition numérique (E-book, Kindle, IPad…) et que j'ai choisi, a contrario, de questionner l'impact que pourrait avoir la pratique d'Internet sur l'une des formes de publication les plus opposables à ce médium et ainsi de me pencher sur l'édition imprimée. Cela m'a semblé plus judicieux, peut-être plus audacieux ; le livre papier ne présentant absolument pas les mêmes caractéristiques matérielles que les différents supports — écran — par lesquels Internet peut être accessible. C'est en choisissant d'observer des espèces véritablement opposées que les prémices d'une hybridation sont le plus facilement décelables. Ces hybridations, on l'a vu, sont le fruit d'expérimentations menées par des artistes et des graphistes, dans le cadre d'initiatives artistiques et indépendantes (cas de Junk Jet et de Æther9) ou encore dans le cadre de commandes (I Read Where I Am), donnant lieu à des objets prospectifs, des « prototypes ». Ces prototypes se caractérisent par leur contemporanéïté. Ils sont tous récents. Le plus ancien remonte à 2011. Mes recherches se sont ainsi heurtées à un problème de documentation. En effet, aucune typologie n'existe réellement pour ce type d'ouvrages. Je me suis donc par exemple appuyée sur des principes utilisés dans la littérature et la poésie expérimentale. On pourra donc considèrer ce mémoire comme une exploration, comme une hypothèse, se basant sur des prémisses qui sont — elles — bien réelles, et que j'aurai tenté de déceler. Les graphistes à l'origine de ces formes créent des outils pour manipuler l'information, ils créent des algorithmes spécifiques pour mettre en page ces livres, ils jouent avec des codes que tout le monde possède
conclusion
désormais en raison de la dimension planétaire d'Internet et produisent du sens. On peut donc entrevoir une évolution du pouvoir du graphiste, où son rôle consisterait en la recherche continuelle de moyens (visuelles ou techniques) pour créer davantage de sens auprès des lecteurs. Et où la motivation principale serait de rendre compte de faits et d'informations s'appuyant sur les codes de lecture nouveaux, auxquels les lecteurs se sont accoutumés par l'usage d'Internet. C'est dans cette optique que je pense que ces forme, qui accompagnent la nouveauté peuvent trouver leur puissance, en mêlant les codes traditionnels du livre (index, tables) à ceux d'Internet (hypertexte, navigation dans le flux, entre autres) questionnant alors notre mode de lecture. Le studio LUST semble prendre la même orientation, en évoquant le rôle qu'ils ont joué dans le projet I Read Where I Am : « En tant que designers graphique, nous sommes intéressés par les pratiques interprétatives qui sont associées aux relations lecteur/texte. Par le passé, des théoriciens de la littérature ont eu recours à des outils d'analyse littéraire, dans le but de pointer les fonctions de différents appareils sémantiques. En tant que designers, nous pouvons aussi avoir recours à des méthodes similaires, pour dévoiler la structure d'un texte. Mais au lieu de travailler de façon littéraire, nous préférons, chez LUST, utiliser les données toujours grandissantes que nous produisons, en tant que société digitale. Et au lieu d'utiliser des méthodes d'analyses littéraires, nous pouvons créer nous même
CONCLUSION
des outils numériques : coder, créer des algorithmes et des bases de données, pour faire exister des ensembles de texte à un niveau plus empirique. (…) Au final, au niveau conceptuel, avec ce livre, nous n'essayons pas seulement de faire du design graphique et typographique. Mais, en associant le code et la forme à des théories de critique linguistique, nous faisons aussi ce que nous aimons appeler "anthropologie digitale." (118) » Ces quelques mots de LUST au sujet de I Read Where I Am peuvent s'appliquer plus largement à une pratique globale du design graphique, en définissant ce qui pourrait constituer de nouvelles perspectives pour le graphiste, par le futur.
118 "As graphic designers, we are interested in the interpretive practices associated with these reader/text relations. In the past, literary theorists have used literary analytical devices (i.e. codes) to critique literature in order to denote the function of various semantic apparatus. We, as designers, can also use similar methodologies to lay bare the semantic structure of a piece of text.
Except, instead of using literature as our medium, we at LUST prefer to use the ever-growing stream of data we, as a digital society, produce. And instead of using literary methods of critical analysis, we can use self-designed digital tools such as (computational) code, algorithms, and databases to mark large sets of text at a more empirical level. (…)
So in essence, in the conceptualization of this book, we are not only trying to produce graphic and typographic design. But, by augmenting code and form with critical language theories, we are also practising what we like to call Digital Anthropology."
LUST sur leur site Internet à propos de I Read Where I Am, (http://bit.ly/18rxz6U)
annexes
prototypes
I Read Where I Am:
115
Exploring New Information Cultures Ă&#x2020;ther9 Junk Jet #5: Net.Heart
135 155
116
I Read Where I Am
Échelle 94:100 Format réel : 11,4 × 20,3 cm
118
I Read Where I Am
119
Æther9
Échelle 76:100 Format réel : 15,5 × 24 cm
Junk Jet #5 Net.Heart
Échelle 80:100 Format réel : 15,5 × 25,5cm
RÉFÉRENCES Dictionnaires et encyclopédies Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) [en ligne], CNRS, www.cnrtl.fr HÉBERT Louis Dictionnaire de sémiotique générale, version 12.5 du 03.06.2012 [en ligne], Université du Québec à Rimouski, http://www.signosemio.com/ documents/dictionnaire-semiotiquegenerale.pdf Encyclopædia Universalis [en ligne], www.universalis.fr Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], Fondation Wikimedia, http://fr.wikipedia.org
Ouvrages et essais ALTENA Arie, BLANKEN Henk, GERRITZEN Mieke, KAMPMAN Minke, LOVINK Geert I Read Where I Am: Exploring New Information Cultures, Pays-Bas, Valiz, 2011. BARTHES Roland « Littérature et discontinu », 1962, dans Essais critiques, Paris, Éditions du Seuil, 1991. Disponible aussi en ligne : http://www. ae-lib.org.ua/texts/barthes__essais_ critiques__fr.htm#24, (page consultée le 23 décembre 2014). BRONNER Gérald La démocratie des crédules, Paris, Presses Universitaires de France, 2013. CAMPAIGNOLLE-CATEL Hélène « Le livre : réflexions / réfractions dans Glas de Derrida et Rhizome de Deleuze et Guattari »
[en ligne], dans Alain Milon et Marc Perelman, Le livre et ses espaces, Nanterre : Presses universitaires de Paris Ouest, 2007, p. 129-154, http://books.openedition. org/pupo/484 (page consultée le 4 janvier 2015). CARR Nicholas Internet rend-il bête ?, Paris, Éditions Robert Laffont, 2011. CASTELLS Manuel L’ère de l’information : la société en réseaux, Paris, Fayard, 1996. CERTEAU (de) Michel L’invention du quotidien, tome 1 : arts de faire, Paris, Gallimard, 1990. CLÉMENT Jean « L’hypertexte, une technologie intellectuelle à l’ère de la complexité », dans C. Brossaud, B. Reber, Humanités numériques 1., Nouvelles technologies cognitives et épistémologie, Hermès Lavoisier, 2007. Disponible aussi en ligne : http://www. hypertexte.org/blog/wp-content/ uploads/2009/01/techn_intellcomplexitejclement.pdf (page consultée le 7 novembre 2014). DURING Elie « Prototypes (pour en finir avec le romantisme) », initialement paru dans Les Cahiers d’Artes, numéro spécial « L’artiste », P. Sauvanet (dir.), Université Michel de MontaigneBordeaux 3, 2008. Disponible aussi en ligne : http://th3.fr/imagesThemes/docs/ th3_villien_Prototypes_pout_en_finir_ avec_le_romantique_.pdf?PHPSESSI D=fvtkroupr85hv7al26dvbf2a85 (page consultée le 3 janvier 2015).
RÉFÉRENCES DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix CAPITALISME ET SCHIZOPHRÉNIE : Tome 2, Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980.
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ELLIMAN Paul, KOPSA Maxine, BOOM Irma, HOLDER Will Dutch resource: Exercices de collaboration en graphisme = Collaborative exercises in graphic design, Pays-Bas, Valiz, 2005.
LOVINK Geert Dark Fiber: Tracking Critical Internet Culture, Massachusetts Institute of Technology, MIT Press, 2002. Disponible aussi en ligne : http:// monoskop.org/log/?p=590 (page consultée le 17 novembre 2014)
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Merci à Anne Laforet, ma tutrice, pour son implication et son soutien remarquable, à Ludivine Loiseau (OSP) et Silvio Lorusso, pour leur bienveillance et leur générosité, à ceux qui m'ont aidée à écrire ce mémoire, consciemment ou juste par quelques idées échangées, Akaash, Bruno, Laure, Loup, Samuel, Zoé, ainsi que Mathieu tout particulièrement.
Léna Robin — Points, Zig-zag, Double-ligne : Nouveaux modes de lecture et poétique du réseau Internet dans le livre imprimé. — Strasbourg, 2015. Mémoire de fin d'études réalisé sous la direction de Anne Laforet. Dans le cadre du Diplôme National d'Expression Plastique, département Communication Graphique de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR).
Typographies Vremena, par Roman Gornitsky, Liberation Sans, par Red Hat, Work Sans, par Wei Huang. — Ces caractères sont libres de droits. Liens URL Pour des raisons de commodité, la majorité des liens URL ont été raccourcis sur Internet. (http://bitly.com/) Traductions Les citations et extraits en anglais présentés dans ce texte ont été traduits par mes soins. Les citations originales sont mentionnées en parallèle. Impression Blurb, mars 2015. Les recherches et références collectées préalablement à l'écriture de ce mémoire sont consultables en ligne : http://parici-parla.tumblr.com