Marcher sous la pluie par Leno
le 9 ao没t 2013 Englisweiler (All.)
Textes & photos : (c) Bruno LEGEAI (2013)
Marcher sous la pluie par Leno
Hier, il faisait soleil.
Puis l'orage est venu & la pluie du soir n'a depuis cessĂŠ.
Je m'en voudrais pour autant de rester enfermé, abrité, ignorant du froid de l'août. Une veste à capuche suffira avec dans la poche, au cas où, un petit appareil photo.
Autant le dire de suite, le photographe est un grand & mauvais marcheur. J'entends qu'il ne peut marcher au pas de personne. Cornelia qui m'accompagnait pourra en témoigner. Alors, jamais placé comme il l'aurait fallu, toujours trop pressé de poursuivre notre marche pourtant sans but, dans cette lumière qui ne dessine l'ombre ni le clair, & j'oubliais cette pluie qui barbouille la petite lentille, tout ça, oui, par tout cela, je veux photographier.
Les chevaux, la route, tout cela est bient么t derri猫re nous.
Je vous le disais, elle va d'un autre pas, dĂŠjĂ vers le bois, quand je regarde l'art des brumes.
L'été est ici souvent une saison imaginaire. Tout y est vert, mais non luxuriant, avouant ainsi quelque trop rude climat. Les clôtures en bois de résineux tiennent encore droites & fermes tandis qu'un bardage accuse la rouille & une bourrasque de la semaine pasée. Je me demande combien de saisons encore la cabane résistera.
ISO 400, souvent fermé à 8, nécessitant des temps de pose assez lents; ces petits appareils modernes ont succombé au chant des sirènes de la définition, négligeant tout ce qui du reste ferait un bon outil. Imaginez un oeil qui ne pourrait voir à la fois l' ombre ni la lumière, imaginez cet oeil incapable de garder sa finesse quand le jour hésite ... Entre-nous, ma forte myopie est un défaut véniel.
Nous regagnons le chemin tout-à-l'heure abandonné, les pieds détrempés & déjà glacés. Là-bas le bruit d'un moteur hors d'âge, le vieux tracteur assume encore son travail. Il nous croisera un peu plus tard. L'homme au volant, plus jeune que la machine sans doute, nous échangera un salut incrédule.
Le ruban coupe la prairie en deux. Ni droit ni courbe il épouse la géométrie du lieu, s'accordant, seule entorse à la rigidité des choses, d'apparaître selon les caprices du ciel sombre ou clair. Aujourd'hui de pluie, le noir était blanc.
Je de la en
ne peux m'empêcher revoir les paysages traversés semaine passée à quelques mille kilomètres de là travers de la France
Nous avons eu aussi la pluie, & le froid pour la nuit, alors qu'au jour la fournaise laissait peu d'air pour respirer. Il y avait ces grandes étendues herbeuses des plateaux où le bétail paissait en liberté, il y avait ces chemins sinueux & pentus dans les bois. Plus au sud, la roche noyant le végétal, l' empilement des cailloux offrait un univers hostile à la vie. Seules les cigales semblaient s'y plaire, à moins que ce ne fût leur souffrance qui remplissait nos tympans. Enfin, au bord des vagues la terre, pour un net horizon, cessait tout chemin...
Je vis soudain le Golgotha ! L'effroi, où la surprise m'immobilisait une fois de plus. Bien sûr, ni Jésus ni brigands, mais comme je l'éprouve devant ces croix qui allongent les sommets, le sentiment d'un vide qu'aucune foi ne saurait ébranler. Je me remis à marcher.
La pente est brève. Pourtant, & ce n'est pas à cause de l'effort, sous la pluie elle m'attend encore.
A mi-chemin je me retourne. Les nuages passent à notre hauteur. Trop lourd pour gagner le ciel ils écorchent la terre. Quelques rubans de bitume brillent tellement qu'ils nous offrent la seule lumière. Tout en haut, quelques cinquante mètres plus loin, nous rejoignons le pays des hommes, vide hors ses murs parce qu'il pleut...
Un dernier regard là-bas vers la forêt sur la forêt dans la forêt qui m'offre sa parfaite leçon de gris
Après cette dernière photo je rejoins Cornelia. Nous rentrerons main dans la main quand j'aurai fermé les yeux. (merci)