La Dirigeance n°2

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2010 MARS-AVR.

n°2

UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS PARIS MBA DROIT DES AFFAIRES ET MANAGEMENT-GESTION

Synthèse Etablissements de paiement Le 1 er novembre dernier, l’Europe transposait la directive SEPA et franchissait ainsi une étape supplémentaire dans la réalisation du marché commun en créant les services européens de paiement. Par l’élaboration d’un nouveau marché des services de paiement, la transposition française remet en cause le monopole bancaire et organise ainsi un nouvel espace concurrentiel. Soumise à l’obtention d’un agrément aux exigences allégées, la prestation de tels services semble ouverte à un éventail d’acteurs économiques aussi large que varié. Alors que les premières demandes d’agrément ont d’ores et déjà été déposées, la pratique devrait bientôt nous enseigner quelles sont les règles effectivement en vigueur, ainsi que les coûts réels de cette nouvelle étape vers l’harmonisation européenne.

...la suite page 2

Synthèse

Les services de paiement, risque ou opportunité ?

De la filiale à la mère par l’environnement

Rapport « Normes comptables et crise financière »

Les class actions arrivent en France

Violence au travail : un guide pratique pour la jungle des responsabilités


Synthèse

la suite... Environnement Le Commissariat général au développement durable (CGDD) vient de publier un rapport sur la directive relative à la responsabilité environnementale et les méthodes de restauration. Cette directive du 21 avril 2004 a créé un régime de responsabilité environnementale et vise à rendre les industriels financièrement responsables des dommages qu’ils pourraient causer à l'environnement. Ce texte préconise une réparation des dégradations qu’ils auront commises sur le milieu naturel, en privilégiant une restauration d’équivalence et de compensation exacte (restaurer une ressource naturelle précise si elle est détruite ou restaurer un service écologique dégradé). Le rapport a pour objectif d’expliquer et de faire connaître ces méthodes de restauration. Plus largement, l’effervescence actuelle sur ces sujets nous amène à revenir sur les tenants et les aboutissants de la responsabilité environnementale des groupes de sociétés telle que souhaitée par la France par le biais de la loi Grenelle 1.

Normes comptables et crise financière Les normes comptables, plus particulièrement la méthode de la fair value1 ont été récemment accusées d'avoir joué un rôle important dans la récente crise économique et financière. Tandis que la France ouvre la voie à une réforme du système de régulation comptable et propose une remise en cause de la pratique de la valorisation par le marché et une redistribution des rôles et des responsabilités de chaque acteur, la Commission européenne ajourne son projet. Le couperet tombe : le rapport commandé par la Commission à l’IASB2 est incomplet. Prête à tirer les enseignements de la crise, l’Europe ne se contentera donc pas seulement de remettre en cause la pratique de la fair value, mais entend bien élargir la réforme à une simplification de l’ensemble du système de régulation comptable, en n’optant toutefois que pour une convergence minimale avec le système américain. Entrée en vigueur prévue pour le 1er janvier 2013. Affaire à suivre.

Une class action à la française ?

1Evaluation d’un actif au regard de sa seule

valeur de marché au moment de sa cession 2International Accounting Standards Board

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L’ADUC, une association de consommateurs italienne, profite de la très fraîche adoption d’une loi instituant les class actions en droit italien pour faire rebondir l’affaire des ventes liées de systèmes d’exploitation Windows, installés à titre onéreux et impératif sur l’immense majorité des ordinateurs. L’association compte porter plainte contre Microsoft dans ce qui s’annonce comme l’un des plus importants procès de cette nouvelle année, tant en raison des enjeux sous-jacents, à la fois juridiques et financiers, que du nombre de personnes - plusieurs milliers - ayant déjà manifesté leur intention de rejoindre la procédure. Ce “Windows Gate” à l’italienne est également l’occasion de s’interroger sur l’avenir de cette procédure en droit français.

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Synthèse

la suite... Du management au harcèlement

3Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-41.497

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C’est au cours de son discours du 9 octobre dernier que le ministre du Travail a annoncé sa volonté d’imposer aux entreprises de plus de 1 000 salariés des négociations sur le stress au travail. Toujours dans ce mouvement de protection des salariés, la Cour de cassation a depuis considéré qu’un harcèlement moral pouvait être qualifié même en l’absence d’intention malveillante de son auteur3. Voici bien longtemps que le débat sur les conditions de travail n’avait pas été aussi vif, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer la frontière entre un management normal et les abus caractérisant des infractions civiles ou pénales. Il est important d’observer que juges et législateur agissent de concert pour faire supporter à l’employeur de plus en plus de chefs de responsabilité vis à vis de leurs salariés. Cette tendance nous offre l’opportunité de défricher la jungle des responsabilités en matière de violence au travail pour offrir aux dirigeants une meilleure visibilité des risques qu’ils encourent.

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Les services de paiement, risque ou opportunité ? Le 1er novembre dernier, l’Europe transposait la directive SEPA1 et franchissait ainsi une étape supplémentaire dans la réalisation du marché commun en créant les services européens de paiement Inscrite dans la continuité de l’harmonisation du système monétaire européen amorcée par la création de l’Euro, la directive du 13 novembre 20072 a été transposée en droit français par l’ordonnance du 15 juillet 20093. Bonne élève, la France a été l’un des premiers Etats membres à adapter sa législation nationale à l’apparition des services de paiement. La tâche n’était pourtant pas aisée, puisque, outre les difficultés techniques de l’exercice, la naissance d’un nouveau marché des services de paiement et de leurs acteurs privilégiés emporte la remise en cause du sacro-saint monopole bancaire français et la définition de nouvelles notions-clef, qui ébranlent le Code monétaire et financier.

La création d’un nouveau marché Les acteurs du marché bancaire vont désormais devoir faire face à une concurrence aussi nouvelle que variée, rassemblée sous la dénomination d’établissements de paiement. En raison d’attributions plus étroites et par conséquent de risques restreints, ces établissements bénéficient d’un agrément aux modalités d’obtention allégées. Etablissements de crédit et de paiement sont maintenant regroupés sous le vocable de prestataires de services de paiement. Depuis le 1er novembre, les établissements de paiement peuvent ainsi proposer à leurs clients l’ouverture et la gestion de comptes de paiement (comptes bancaires utilisés pour effectuer des opérations de paiement), accompagnés d’un service de crédit limité (une ligne de crédit ouverte pour une durée maximale de 12 mois et non renouvelable). Ces comptes ne peuvent cependant pas recevoir de dépôt et l’établissement de paiement ne bénéficie pas de la disposition des sommes qui y transitent. A travers de telles dispositions, la directive recherche donc bien un accroissement de la concurrence dans le secteur de services financiers, par une diversification de l’offre et des offrants.

Le statut d’établissement de paiement – sous quelles conditions ? 1

Single European Payment Area Directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe. 3 Ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement. 4 Art. L.522-6 du Code monétaire et financier, tel que modifié par l’ordonnance du 15 juillet 2009. 5 Art. L. 522-11 du Code monétaire et financier, tel que modifié par l’ordonnance du 15 juillet 2009. 2

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L’accession au statut d’établissement de paiement reste néanmoins encadrée et notamment soumis à l’obtention d’un agrément délivré par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement4. La personne morale candidate doit alors répondre à des exigences de solidité de son mode de gouvernance, à la présence d’une organisation de contrôle et d’audit adaptée à la prestation de services de paiement, ainsi qu’à la qualité de ses principaux décideurs. De surcroît, l’activité de prestation de services de paiement doit être exercée à titre habituel, ce qui implique que son non usage est susceptible d’entraîner le retrait de l’agrément5. Outre ces règles prudentielles, la transposition française de la directive exige un capital social minimum variant de 20 000 à 125 000 euros en fonction des services de paiement proposés.

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Les services de paiement, risque ou opportunité ?

la suite... Les établissements de paiement sont également soumis au respect du secret professionnel et des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.

Quels destinataires ? Le principal intérêt de la réforme réside dans l’accessibilité de l’agrément aux sociétés exerçant déjà une activité sans rapport avec le domaine financier. Ainsi, la directive ouvre les portes du marché des services de paiement à des établissements hybrides, à la condition que l’activité exercée par ces derniers ne nuise pas à l’exercice des activités de paiement6. On peut dès lors envisager que toute sorte d’entreprises se destinent bientôt à la délivrance de services de paiement, comme par exemple les prestataires de services d’information et de télécommunication ou les acteurs de la grande distribution. Avec plus d’imagination encore, des franchiseurs pourraient tenir lieu d’établissements de paiement au sein de leur réseau7. Concrètement, ces établissements de paiement peuvent désormais émettre des cartes bancaires et réaliser des transferts d’argent, pouvant inclure par extension les paiements par « SMS ». Finalement, qu’elles soient prestataires ou bénéficiaires de services de paiement, toute entreprise est susceptible d’être concernée par ce nouveau mode électronique de paiement.

Quels coûts ?

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Art. L.522-3 du Code monétaire et financier, tel que modifié par l’ordonnance du 15 juillet 2009. 7 A. Bordenave, Aperçu du nouveau dispositif normatif relatif aux activités de paiement en France, Lexbase hebdo n° 365 8 Art. 52-3° de la Directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007. 9 Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-35 du 26 juin 2009 portant sur le projet d’ordonnance relatif aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement. 10 Art. L.112-12 du Code monétaire et financier, tel que modifié par l’ordonnance du 15 juillet 2009.

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Alors que la directive prévoyait de laisser aux professionnels bénéficiaires des services de paiement la liberté de répercuter sur le prix final de leurs produits les frais effectifs correspondant au moyen de paiement choisi par le client8, la transposition française semble revenir sur cette faculté. Malgré les recommandations de l’Autorité de la concurrence, qui suivaient la voie tracée par les institutions européennes9, l’ordonnance du 15 juillet 2009 pose le principe de l’interdiction de la pratique du “surcharging”. Afin d’encourager la concurrence et de promouvoir l’utilisation des moyens de paiement les plus efficaces (double principe directeur de la réforme), le Code monétaire et financier a aménagé des dérogations10. Ainsi, le professionnel bénéficiaire du service de paiement peut proposer une réduction à son client payeur pour l’utilisation d’un mode de paiement donné, à la condition qu’il en informe ce dernier avant l’opération de paiement. Une lecture croisée du texte législatif et de l’avis de l’Autorité de la concurrence permet de décrypter les cas où la pratique du “surcharging” pourrait être tolérée. Outre les exigences d’information et de répercussion des seuls coûts effectifs liés à l’usage d’un mode de paiement donné, le « surcharging » ne pourrait être utilisé que dans les situations où une pluralité des modes de paiement serait proposée. Il s’agit dès lors d’évaluer l’efficacité de chaque moyen de paiement, en termes de coûts, de sécurité et de rapidité, pour définir quel instrument pourrait faire l’objet de “surcharging”.

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Les services de paiement, risque ou opportunité ?

la suite...

11G.

Decocq, Vers plus de concurrence dans les services de paiement ? Contrats Concurrence Consommation n°10, octobre 2009.

Finalement, l’applicabilité de ces dispositions reste encore relativement incertaine. On peut néanmoins considérer qu’à efficacité comparable, l’utilisation d’une carte bancaire ayant un coût plus faible prévaudrait sur celle ayant un coût supérieur, parce qu’elle entrainerait une baisse du prix final du produit11. Peut-on alors légitimement s’attendre à une baisse du niveau des commissions interbancaires ? Le principe d’une zone européenne des paiements, où la liberté des échanges financiers résulte dans l’identique accessibilité des modes nationaux et internationaux de paiement, vient de se doter d’un cadre juridictionnel, qui demande encore à souffrir de l’épreuve pratique. Alors qu’il éveille la méfiance des établissements de crédit, le système européen des services de paiement pourrait en revanche susciter de nouvelles vocations auprès des acteurs économiques traditionnels.

Pauline Delarbre

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De la filiale à la mère par l’environnement L’environnement a le vent en poupe non moins que les éoliennes ont le vent dans les pâles1.Outre la vogue que connaît cette thématique, ou plutôt en corrélation avec celle-ci, la préoccupation écologique a trouvé une consécration constitutionnelle avec la Charte de l’environnement qui a vu le jour en 2004. Dès lors, il faut se poser la question de sa prévalence sur d’autres principes, droits ou valeurs qui composent l’ordre juridique interne et parmi lesquels compte le principe d’indépendance des personnes morales. Cette question revêt un sens particulier en ce qui concerne les dommages environnementaux que les activités d’une entreprise pourraient causer alors qu’une stratégie de filialisation est utilisée par elle, ce qui est le cas au sein de tout groupe de sociétés « qui se respecte ».

Responsabilité et autonomie des personnes morales Les groupes de société sont une réalité prégnante de la vie économique. Ils sont un mode d’organisation rendu nécessaire par les défis stratégiques multiples auxquels les entreprises doivent faire face. Pour autant, leur constitution ne porte pas de signification univoque et peut relever d’un mécanisme de concentration comme d’un mécanisme de déconcentration. Dans ce dernier cas, l’autonomie patrimoniale qui est attachée à l’autonomie des personnes morales est utilisée comme un instrument de gestion, sur le plan financier notamment. Ce mode de structuration juridique se révèle très attrayant pour certaines entreprises dont les activités sont génératrices de risques. En effet, par cet habile stratagème de cloisonnement, elles peuvent faire porter les coûts de certains risques juridiques à des personnes morales soigneusement positionnées comme filiales au sein de leur groupe. De la sorte, le parcours d’une action en responsabilité est toujours limité par l’autonomie des personnes morales sur laquelle elle achoppe. Si la pureté du droit y trouve son compte, le mécanisme se révèle déceptif à quiconque demande justice d’un dommage causé par une filiale et qui représenterait pour cette dernière un passif impossible à combler. Lever le voile de la personnalité morale de la filiale et rendre le groupe de sociétés comme transparent se présente comme la solution idéale qui permettrait d’aller rechercher la responsabilité de la société mère et surtout de profiter de sa solvabilité. Ceci exprime schématiquement un des enjeux liés au fonctionnement du principe d’indépendance des sociétés au sein d’un groupe et à sa confrontation au droit de la responsabilité.

La responsabilité de la mère : une solution limitée

1Usquequo ? 2Article L621-2

alinéa.2 du code de commerce. 3Cass. Com. 19 avril 2005, n° 05-10.094, Bull. Civ. IV, n° 92.

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La notion de groupe de sociétés n’a pas de signification en droit français et il ne faut attendre aucune évolution de ce côté-là. En droit des procédures collectives, l’extension à une société mère ou une société soeur d’une procédure ouverte à l’encontre d’une filiale n’est admise qu’en cas de fictivité de la personne morale ou de confusion des patrimoines2. Cette dernière voie n’avait pas prospéré dans le cadre de l’affaire Metaleurop3, affaire dans laquelle l’activité d’une filiale avait causé des préjudices environnementaux considérables. A tout le moins, le cas avait été l’occasion de valider le principe d’une action en respon-

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De la filiale à la mère par l’environnement

la suite... 4Marie-Pierre

BLIN-FRANCHOMME, De l’évolution des espèces : vers une responsabilité environnementale des groupes de sociétés, RLDA n° 42, octobre 2009. 5Le texte de la proposition se présente comme suit : I. – Après l’article L. 233-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 233-5-1 ainsi rédigé : « Art. L. 233-5-1. – La décision par laquelle une société qui possède plus de la moitié du capital d’une autre société au sens de l’article L. 233-1, qui détient une participation au sens de l’article L. 233-2 ou qui exerce le contrôle sur une société au sens de l’article L. 233-3 s’engage à prendre à sa charge, en cas de défaillance de la société qui lui est liée, tout ou partie des obligations de prévention et de réparation qui incombent à cette dernière en application des articles L. 162-1 à L. 162-9 du code de l’environnement est soumise, selon la forme de la société, à la procédure mentionnée aux articles L. 223-19, L. 225-38, L. 225-86, L. 226-10 ou L. 227-10 du présent code. » II. – Après l’article L. 512-16 du code de l’environnement, il est rétabli un article L. 512-17 ainsi rédigé : « Art. L. 512-17. – Lorsque l’exploitant est une société filiale au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce et qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le préfet peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l’existence d’une faute commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d’actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu’une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état en fin d’activité. « Lorsque la procédure mentionnée à l’article L. 514-1 du présent code a été mise en oeuvre, les sommes consignées, en application du 1° du I de cet article, au titre des mesures de remise en état en fin d’activité sont déduites des sommes mises à la charge de la société mère en application de l’alinéa précédent. « Lorsque la société condamnée dans les conditions prévues au premier alinéa n’est pas en mesure de financer les mesures de remise en état en fin d’activité incombant à sa filiale, l’action mentionnée au premier alinéa peut être engagée à l’encontre de la société dont elle est la filiale au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce. » 6Soit une responsabilité limitée à la perte des apports.

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sabilité pour insuffisance d’actifs contre une mère qui se serait comportée en dirigeant de fait d’une filiale. Noter qu’il s’agit là d’une mise en œuvre somme toute fort logique de la rhétorique juridique.

Les propositions du Grenelle : Le dernier Grenelle de l’environnement a été l’occasion d’intensifier le débat sur la gouvernance écologique des entreprises. Le risque d’évacuation de la responsabilité environnementale par des techniques de filialisation y a été clairement dénoncé par le président de la République dans son discours à l’occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement prononcé le 25 octobre 2007. Dans cette logique, le principe de la mise en cause de la responsabilité environnementale d’une société mère a été promu par la loi du 3 août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement dite « loi Grenelle I ». Ainsi, l’article 53 de celle-ci dispose-t-il « La France proposera l’introduction au niveau communautaire du principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement et elle soutiendra cette orientation au niveau international ». Si, telle quelle, cette disposition a tous les caractères d’un vœu pieux, elle exprime toutefois combien le « droit de l’environnement pourrait être le moteur d’une évolution essentielle du régime juridique des groupes de sociétés. »4 A ce titre il convient de s’attarder sur le projet de loi « Grenelle II » portant engagement national pour l’environnement. L’article 84 de ce même projet de loi s’inscrit directement dans la continuité des velléités affichées par l’exécutif5. Des maisons mères ont souhaité, même en l'absence de tout comportement fautif, prendre volontairement à leur charge des obligations incombant normalement à l'une de leurs filiales défaillantes. Le projet s’attache dans son premier volet à supprimer les interrogations qui ont vu le jour quant à la conformité de telles interventions volontaires au vu de l’intérêt social, et donc, quant à leur licéité au regard du droit des sociétés, du droit fiscal ou du droit pénal des affaires. Par conséquent, il propose de compléter l'article L. 233-3 du code de commerce afin d'autoriser expressément une maison mère à exécuter une obligation environnementale incombant en principe à l'une de ses filiales. La procédure des conventions règlementées serait empruntée pour légitimer cette démarche. Le second volet part du constat que, dans un groupe de sociétés, en cas de défaillance d'une société filiale constituée sous forme d'une société de capitaux ou de société à responsabilité limitée, la responsabilité de la maison mère est celle d'un associé ou d'un actionnaire ordinaire6. Comme expliqué plus haut, quand, du fait de la défaillance de la société filiale, des créances essentielles restent insatisfaites, le caractère limité de la responsabilité de la maison mère pose problème, notamment si les circonstances de la défaillance de la société filiale relèvent d’agissements fautifs imputables à cette mère. Par conséquent, une modification de l'article L. 512-17 du code de l'environnement relatif à la remise en état des sites en fin d'exploitation est proposée afin de mettre en cause la société mère dont les agissements fautif ont amené l’insuffisance d'actifs d’une filiale au point que celle-ci est incapable de faire face à

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De la filiale à la mère par l’environnement

la suite...

7Prévu

pour le mois de mai 2010.

ses obligations environnementales de réhabilitation. Le projet est de faire intervenir le liquidateur, le ministère public ou le préfet. Dans le cadre d’une procédure collective de liquidation, ils pourraient saisir le tribunal compétent afin d’établir que l’insuffisance d’actif de la filiale procède de la faute maternelle. La disposition resterait limitée aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Pour aller plus loin que ce projet de loi qui ne sortira peut-être pas indemne de son examen à l’Assemblée Nationale7, il faut se souvenir que le Rapport sur la gouvernance écologique de la mission Lepage proposait, en février 2008, de formuler dans le code civil un principe général de responsabilité des sociétés mères du fait de leurs filiales et d’étendre cette responsabilité aux bailleurs de fond qui auraient agi en connaissance de cause. A la vue de ces ambitions premières, les propositions parlementaires semblent bien faibles ; ceci étant, elles constituent peut-être l’amorce d’un changement appelé à prendre de l’ampleur. Quoi qu’il en soit de la réalité des mesures qui s’appliqueront un jour, cette question précise de la responsabilité environnementale au sein des groupes de société dit comment le droit s’organise de plus en plus, non seulement autour d’enjeux économiques, mais aussi, selon le degré de maturation, de certaines questions que d’aucuns qualifieraient de « sociétales ».

Côme de Jullien de Villeneuve

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Rapport « Normes comptables et crise financière » : Propositions pour une réforme du système de régulation comptable Les normes comptables, plus particulièrement le principe de la « fair value », ont été récemment accusées d'avoir joué un rôle important dans la crise économique et financière. Se pose donc aujourd'hui de manière aiguë la question de leur réforme. A la demande du ministre de l’Economie, Christine LAGARDE, Pascal MORAND et Didier MARTEAU, respectivement Directeur général et professeur à l’ESCP Europe, ont été chargés de rédiger un rapport portant sur les normes comptables et la crise financière. Ce rapport s’articule autour de deux principaux volets. Il présente une réflexion sur les fondements des normes comptables IFRS1 et s’intéresse aux évolutions actuellement débattues au sein de l’International Accounting Standards Board (IASB) s’agissant de la valorisation des instruments financiers. Il examine ensuite la question de la gouvernance des organismes de production de normes comptables.

Position du problème

1IFRS (International Financial Reporting standard), complément des normes IAS (International Accounting Standard) sont des normes comptables internationales élaborées par l’IASB (International Accounting Standards Board). Ces normes permettent l’élaboration des comptes consolidés des sociétés cotées. 2Règlement CE n° 1606/2002 du 19 juillet 2002.

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En juillet 2002, un règlement européen2 entérine la décision de la Commission Européenne d'imposer à toutes les sociétés européennes cotées (y compris les banques et les sociétés d'assurance) l'élaboration de leurs états financiers consolidés conformément aux normes comptables internationales IFRS. Cette mesure devait permettre à toutes les entreprises européennes de parler le même langage en matière d'information financière. L'application de ces nouvelles normes comptables est rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2005. La « juste valeur » (ou fair value) est une méthode de valorisation des actifs prônée par les normes comptables internationales IFRS, qui induit la valorisation des actifs à leur valeur de marché à la date de clôture du bilan. Cette méthode, baptisée « market-to-market », s'oppose à la valorisation au « coût historique » utilisée dans les normes comptables françaises, et selon laquelle l'actif reste valorisé dans les comptes à son prix à la date d'achat, même si sa valeur de marché a entre-temps évolué. La mise en place de la « juste valeur » avait pour objectif de rapprocher la valeur comptable de la valeur de marché et donc de faciliter le travail de valorisation des sociétés, en réponse aux nombreuses critiques adressées au coût historique. En effet, les défenseurs du principe de « juste valeur » reprochent à la comptabilisation en coût historique de ne pas prendre en compte l'évolution des marchés financiers et d’être incapable de traduire la réalité économique. Cette valorisation à la « juste valeur » est aujourd’hui critiquée notamment du fait de la remise à jour régulière des valeurs des actifs, qui entraîne une volatilité des comptes et des résultats des sociétés sans correspondance avec leur activité économique. De même, la valorisation s'applique à des actifs destinés à être conservés à moyen ou long terme, et pour lesquels la valorisation instantanée n'a donc pas de sens. En effet, de quelles alternatives dispose-t-on lorsque le marché ne fonctionne pas ou mal ? Si la société peut se référer à des transactions récentes, à la « juste valeur » d'un actif similaire ou à d'autres

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Rapport « Normes comptables et crise financière » : Propositions pour une réforme du système de régulation comptable

la suite... techniques d'évaluation, il n’en demeure pas moins qu’avec la crise financière, la détermination de la valeur d'un instrument financier (actions, titres de créances, produits dérivés, etc.) est devenue un enjeu aussi déterminant que problématique ; alors que la valeur de marché d’un actif a subi une décote très importante en raison de l'illiquidité ou de l'inexistence du marché, sa valeur « économique » reste identique. Avec la crise des subprimes, qui a entraîné une baisse de la valorisation de nombreux actifs financiers, les établissements financiers à travers le monde ont enregistré plus de 150 milliards de dollars de « pertes », correspondant à des dépréciations d'actifs réalisées en vertu du principe de « la juste valeur ». La comptabilisation de ces instruments financiers à leur «juste valeur» a donc contraint les sociétés cotées et les établissements financiers à reconnaître une perte « potentielle ». En période de crise, la perte n'est que « virtuelle » : les actifs peuvent être sains, la valeur dépréciée est celle de l'instant « t » et ne reflète pas la valeur fondamentale des actifs. Pour autant, la « perte » potentielle aura été répercutée directement dans le compte de résultat ou sera venue diminuer les capitaux propres. Or, c'est le niveau de ses capitaux propres qui détermine le seuil d'endettement admissible de l'établissement financier, ainsi que le volume des prêts pouvant être accordés à la clientèle3.

Propositions de réformes : Périmètre et modalités de calcul de la « fair value »

3Didier

Martin – Que faire de la juste valeur ? - Les échos - 12 février 2009 4Le spread correspond à l'écart constaté sur le marché, entre le prix demandé et celui offert. Plus un titre est liquide plus cet écart est faible.

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Les normes comptables actuelles reposent sur une représentation implicite de l’entreprise en tant que portefeuille de valeurs échangeables, légitimant le principe de valorisation à la « fair value » à l’ensemble des actifs et passifs financiers. Or, on retrouve dans un bilan des valeurs d’échange (portefeuille de trading par exemple) et des valeurs d’usage (titres de participation stratégique, dette émise, etc.). Un même actif peut ainsi avoir deux valeurs différentes selon son mode de gestion : sa valeur d’échange est affectée d’un spread de liquidité4, alors que sa valeur d’usage reste inchangée. L’amplification comptable de la crise financière résulte précisément de la prise en compte du spread de liquidité dans la valorisation des actifs et passifs non destinés à l’échange. Dans cette logique, les auteurs du rapport suggèrent de limiter le champ d’application de la « fair value » aux positions financières assimilées à des « valeurs d’échange », c’est-à-dire à un périmètre proche du portefeuille de transactions. Les autres positions financières doivent être valorisées à leur valeur d’usage, qui peut être celle du coût amorti ou toute autre méthode d’évaluation ne prenant pas en compte le spread de liquidité. Le système de valorisation proposé n'est pas un retour au coût historique. Le prix de marché est retenu en priorité pour les valeurs d'échange. Les actifs de crédit portés à échéance sont valorisés au coût amorti, avec un système de provisionnement reposant sur les pertes attendues qui prend en compte, au nom du principe de prudence, la dégradation éventuelle de la qualité de crédit au cours du temps.

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Rapport « Normes comptables et crise financière » : Propositions pour une réforme du système de régulation comptable

la suite... Dans un souci de transparence, le rapport préconise de supprimer le terme « fair value » du référentiel de valorisation comptable. Un actif financier peut avoir deux valeurs « fair » : le prix de marché s'il est destiné à l'échange ou une valeur d'usage s'il est porté jusqu'à l'échéance. La notion de « fair value » est ainsi assimilée de manière abusive au prix de marché, et son usage laisse penser que toute évolution non établie sur un prix d’échange est « wrong » ou « unfair ». La question de la responsabilité des auditeurs dans le processus de validation des valorisations devient centrale. Leur responsabilité est aujourd’hui limitée à une « opinion » sur la pertinence des états financiers dans leur globalité. Pourrait-on demander aux commissaires aux comptes la validation de chaque valorisation, voire du portefeuille global ? Peut-être, encore cette extension du périmètre de responsabilité des commissaires aux comptes nécessite-t-elle un renforcement considérable de leurs moyens.

La gouvernance des instances de normalisation comptable en question La crise financière a révélé la dimension structurante des normes comptables sur l’économie réelle. Le débat sur la « fair value » ouvre celui sur la question politique du mode de gouvernance des institutions de normalisation et, au-delà, de la régulation comptable.

5B. Colasse, Professeur à l’Université Paris IX

Dauphine, article publié dans les Annales des Mines, mars 2004.

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• Prise en compte de l’intérêt public dans le processus de création des normes comptables L’indépendance du système actuel de normalisation à l’égard du pouvoir politique et économique est un principe fondateur de ce système dont la légitimité n’a jamais été discutée. Cette indépendance se traduit par l’absence de validation des normes IAS par une instance démocratique. De même, la représentation des intérêts de l’Etat et de l’ensemble des entités utilisatrices des normes est explicitement absente du board de l’IASB. En effet, l’IASB est une entité de droit privé, disposant du statut de fondation et financée par des Trustees. C’est en outre la Commission européenne elle-même qui a préconisé l’application de ces normes comptables pour les groupes européens cotés, délégant implicitement la production de normes à cette entité privée. Cette indépendance de l’IASB pose le problème de sa légitimité. « Il y a comme un paradoxe dans le fait qu’une organisation qui élabore des normes de reddition de comptes ne rende compte à personne ! »5 remarque le Professeur Colasse. Est-il normal que la production des normes comptables échappe à la sphère de la responsabilité publique et reste le domaine réservé d’entités privées, attachées à une indépendance totale vis-à-vis du pouvoir politique ? Les auteurs du rapport considèrent que le système de normalisation comptable, parce qu’il impacte l’économie réelle, doit entrer, au moins partiellement, dans le champ de la responsabilité publique. De même l’intérêt public, représenté par le pouvoir politique, doit-il être un paramètre d’entrée dans le processus de création de normes comptables.

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Rapport « Normes comptables et crise financière » : Propositions pour une réforme du système de régulation comptable

la suite... En conséquence, le rapport préconise un maintien de l’actuelle organisation du système de production de normes comptables, sous la double réserve : • d’une prise en compte explicite de l’intérêt des utilisateurs, des stakeholders et des Etats lors du processus de création ou d’amendement des normes ; • de l’ouverture d’un débat sur la nature des fondements théoriques sous-jacents aux décisions actuelles de normalisation. En pratique, ces recommandations doivent se traduire par la nomination au sein de l’IASB de représentants publics des zones géographiques concernées, dont un représentant de la Commission européenne, disposant du droit de vote. • Renforcement de l’indépendance des structures d’examen des normes proposées par l’IASB L’enjeu de la création de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) en 2001 était de mettre au service de la Commission européenne une force de proposition quant à la validation d’une nouvelle norme IFRS, en proposant éventuellement des amendements. Cet organisme est apparu davantage comme une chambre d’enregistrement des projets de normes produits par l’IASB, que comme une structure disposant d’un réel pouvoir d’amendement. L’EFRAG émet certes des critiques à l’IASB dans la phase de consultation relative à la création d’une nouvelle norme, mais valide systématiquement cette dernière auprès de la Commission, quel que soit le degré de prise en compte des observations formulées. Le rapport préconise ainsi de renforcer l’indépendance des structures européennes d’examen des normes proposées par l’IASB et de veiller à ce que la représentativité des différents intérêts soit assurée de manière équilibrée, notamment au sein de l'EFRAG. La création de l’IASCF (International Accounting Standards Committee Foundation) Monitoring Board en janvier 2009 ajoute encore à la complexité de la structure de normalisation comptable. Organisation regroupant principalement les régulateurs de marchés internationaux, les représentants des pays émergents, du Japon et de la Commission européenne, elle a pour mission de « contribuer au développement de l’utilisation des IFRS en tant que normes comptables de très haute qualité et de renforcer la prise en compte de l’intérêt public dans leur production ». A ce jour l’IASB ne rend pas compte de ses décisions au Monitoring Board, limitant ainsi cruellement le pouvoir de cette structure. Un lien de responsabilité pourrait dès lors être envisagé entre l’IASB et le Monitoring Board. • Création d’un EASB (European Accounting Standards Board) Si les conditions d’un renforcement de la représentation de l’intérêt public ne sont pas respectées ou en cas de désaccord sur les principes fondateurs des normes, le rapport incite la création d’un EASB public, en appui de l’IASB, dont la mission serait l’exercice souverain d’un pouvoir effectif d’amendement et de propositions de nouvelles normes.

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Rapport « Normes comptables et crise financière » : Propositions pour une réforme du système de régulation comptable

la suite... L’enjeu serait bien sûr la reconnaissance de ces nouvelles normes EASB pour les entreprises cotées aux Etats-Unis. • Création d’un organisme de régulation comptable européen Le rapport pose enfin la question de la création d’un régulateur comptable européen, chargé en amont de veiller à la conformité des normes proposées par l’IASB avec les intérêts des Etats. Cette instance supranationale aurait notamment le pouvoir d’amender « dans des circonstances de marché exceptionnelles » les modalités d’application des normes établies par l’IASB. Elle aurait également pour mission de créer une « Haute Autorité de valorisation », composée d’experts pouvant intervenir dans des litiges de valorisation de produits structurés toujours plus fréquents et en appui des missions récurrentes des commissaires aux comptes. Les auteurs estiment que la mise en place d’un tel organisme de régulation aurait probablement permis d’observer le niveau anormalement bas des spreads dans la période précédant la crise et d’amender en conséquence l’application de certaines normes IFRS. La crise financière implique également le renforcement des ressources d’expertise au sein des institutions de contrôle interne et externe. Les agences de notation ont été largement mises en cause pendant la crise financière. La question se pose également pour les conditions d’exercice de la supervision assurée par les commissaires aux comptes et auditeurs, dont la mission de validation des comptes a été jugée défaillante par certains. Leur mission doit-elle se limiter à la validation de l’application des normes ou être étendue à la contre-valorisation des portefeuilles évalués en « fair value », avec une responsabilité d’alerte en cas d’écart trop important ? Dans cette dernière hypothèse, un renforcement de leurs moyens n’est-il pas indispensable ? L’organisme supranational de régulation comptable européen pourrait ainsi être un interlocuteur permanent des cabinets d’audit dans leur mission de validation de la valorisation des portefeuilles, voire même disposer du pouvoir de contre-valorisation.

Ioana Nicolas

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Les class actions arrivent en France Le 21 octobre 2009, le Sénat décidait la création d’un groupe de travail ayant pour objet la transposition en droit français des célèbres class actions américaines. Aucune entreprise, quel que soit son secteur d’activités, ne peut ignorer cette potentielle mais fondamentale évolution du droit car il ne fait aucun doute que bon nombre de stratégies commerciales devront être revues. Il convient au contraire de considérer avec prudence le pouvoir qui serait offert aux acteurs économiques traditionnellement faibles et de s’interroger sur les dérives observées outre-Atlantique.

Génèse 1 - Un sujet déjà connu Le sujet des class actions n’est pas tout à fait nouveau en France. Aussi, le débat a-t-il déjà pu largement s’installer entre les défenseurs et les pourfendeurs de ce mécanisme, avec pour effet un immobilisme certain.

1N°

3055 - Proposition de loi de Luc Chatel visant à instaurer les recours collectifs de consommateurs. 2Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, éd. XO, La documentation Française, p. 144. 3Jean-Marie Coulon, La dépénalisation de la vie des affaires, Rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice, éd. XO, La documentation Française, p. 91. 4Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite « de modernisation de l'économie ». 5Consommation : l’absence de class action dans le projet de loi déploré, La Tribune, 24 juillet 2008. 6Des « class actions » à la française ? Oui mais pas tout de suite, Libération, 26/10/2009.

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2 - Un long cheminement - Le 16 décembre 2005, le groupe de travail présidé par M. Guillaume Cerutti, directeur général de la DGCCRF, et Marc Guillaume, directeur des Affaires civiles et du Sceau, a remis son rapport à Thierry Breton, alors ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et à Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux. La réflexion n’a alors pas été poursuivie dans l’immédiat. - Le 26 avril 2006, Luc Chatel dépose une première proposition de loi visant à instaurer les recours collectifs pour les consommateurs, afin de « rassurer » ces derniers.1 - Le 23 janvier 2008, le rapport Attali recommande d’introduire une action de groupe en droit français.2 - Le 20 février 2008, le rapport Coulon préconise à son tour la mise en place d’une action de groupe.3 - Le recours collectif est finalement supprimé de la Loi de Modernisation de l’Economie votée le 23 juillet 20084, au grand dam des associations de consommateurs5. - Le 21 octobre 2009, la commission des lois du Sénat décide la création d’un groupe de travail sur les actions de groupe. - Enfin, le 26 octobre 2009, à l’occasion des premières Assises de la consommation, Hervé Novelli, secrétaire d’Etat au Commerce, n’a pas hésité à parler ouvertement des « futures actions de groupe6. 3 - Un sujet d’actualité - Si la terminologie a pu changer – on parle désormais plus volontiers d’actions de groupe que de recours collectifs –, la volonté du législateur de se pencher sur le cas des class actions reste forte.

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Les class actions arrivent en France

la suite... Etat des lieux 4 - Définition rapide La class action peut se définir de la façon suivante : “a legal action undertaken by one or more people representing the interests of a large group of people with the same grievance”7. Il est important de noter qu’en droit américain, il n’est pas nécessaire que le représentant demande son avis à toutes les personnes ayant subi le préjudice commun pour intenter une action de groupe. 5 - Règles et exceptions En France, un préjudice subi collectivement par un ensemble de personnes est pour l’heure sanctionné par la possibilité d’intenter une action individuelle en réparation auprès du juge civil. Toutefois, il existe déjà des mécanismes spécifiques permettant de faire valoir parfois collectivement des droits lésés. La loi de renforcement de la protection des consommateurs du 18 janvier 19928 a en effet instauré une action en représentation conjointe permettant aux associations d’ester en justice pour les consommateurs. Ainsi, lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un même professionnel, et qui ont une origine commune, certaines associations peuvent agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs. De ce point de vue, l’action en représentation conjointe ne paraît guère différente de la class action.

7Collins

English Dictionnary and Thesaurus. 8Loi n° 92-61 du 18 janvier 1992 9Cf supra, n° 5. 10Il s’agirait donc, selon le droit américain, d’une opt in class action. 11Ce modus operandi est le plus largement utilisé aux Etats-Unis. Il s’agit d’une opt out class action à laquelle on est réputé participer si on ne refuse pas expressément le mandat, délivré tacitement. 12Les conditions auxquelles les associations peuvent recevoir l’agrément sont fixées par plus d’une dizaine de décrets et lois.

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6 - Conditions Il existe toutefois un certains nombre de conditions spécifiques nécessaire à cette procédure particulière, agissant comme autant de restrictions que ne connaît pas le mécanisme américain. Tout d’abord, outre celles énoncées plus haut9, il existe deux conditions fondamentales supplémentaires attenantes à la qualité des parties en présence. En effet, les personnes représentées doivent être déterminées, c'est-à-dire identifiées et nommément désignées. En second lieu, pour agir au nom des consommateurs, l’association doit obtenir un mandat exprès et délivré par écrit pour chaque personne représentée10. Ces deux points sont d’une importance toute particulière car ils interdisent le mandat tacite sollicité par voie d’appel public télévisé ou radiophonique, tract, affichage ou lettre personnalisée11. Ce mandat doit être délivré par au moins deux personnes pour que l’action soit recevable. Seules les associations agréées et reconnue représentative sur le plan national sont fondées à agir sur le fondement de l’action en représentation conjointe12. 7 - Indemnisation En outre, et à la différence des class actions où les victimes sont directement indemnisées, les éventuels dommages et intérêts versés au titre du préjudice subi par les consommateurs à la suite d’une action le sont d’abord à l’association, à charge pour cette dernière de procéder à la répartition ultérieure des fonds.

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Les class actions arrivent en France

la suite... Seules les personnes ayant délivré mandat à l’association dans les formes sont indemnisées.

L’insuffisance des mécanismes en place 8 - Le préjudice de masse De toute évidence, les mécanismes déjà en place sont insuffisant à assurer une protection efficace du consommateur et une efficience minimum des mécanismes concurrentiels pour ce qui concerne les préjudices de masse. Ces derniers sont caractérisés par le nombre important de personnes lésées. 9 - Micromégas versus Harpagon En effet, à l’heure actuelle, nombre de préjudices individuels, quoique bien réels, sont trop faibles pour qu’il soit opportun d’entreprendre une action individuelle en raison de la disproportion rédhibitoire qui existe entre le montant de ces derniers et les frais afférents à une procédure judiciaire. Dans une telle situation, les consommateurs se gardent donc bien d’agir, alors même que le montant du préjudice commun, calculé comme la somme des préjudices individuels, peut être, lui, considérable. Les entreprises l’on bien comprit, qui ne se privent pas d’insérer un certain nombre de clauses abusives à des contrats d’adhésion, jouant sur le fait que le coût de cette fraude sera quasi-nul en raison de la passivité des consommateurs. Guy Canivet, pour ne citer que lui, déplore cet état de fait, arguant que « L’absence de class actions dans notre système juridique fait qu’un certain nombre de grands groupes adoptent des stratégies contraires au droit, sachant qu’il n’y aura pas de réaction judiciaire efficace. »13 10 - De minimis non curat praetor Plus grave encore, « le préteur n’a cure des affaires insignifiantes ». Ainsi est-il arrivé que le juge rejette l’action de particuliers lésés, sur le fondement du manque d’intérêt à agir, au regard de la modicité des sommes réclamées et du préjudice subi14. Il semblerait toutefois que la création du tribunal d’instance15 et des juridictions de proximité16 ait mis un terme à ces rejets.

13G.

Canivet, La Tribune, 15 mai 2005. par exemple Cass. Civ. 1ère, 12 juill. 1966 : JCPG 1966, II, 14813. 15Art. L. 321-2 COJ (Code de l’Organisation Judiciaire). 16Loi n°2002-1138 du 9 sept. 2002, loi d’orientation et de programmation pour la justice, titre II : dispositions instituant une justice de proximité 17Cf supra, n° 8 et 9. 14Cf

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11 - Les contentieux de masse C’est précisément le constat d’échec que nous venons de dresser17 qui a justifié la création de l’action en représentation conjointe, censée remédier aux problèmes rencontrés par les consommateurs. Loin d’être la panacée, force est de constater que ce mécanisme n’a en rien enrayé les injustices nées des préjudices de masse. Concernant l’affaire Distilbène, tout d’abord. Le Distilbène, prescrit en France entre le début des années 1940 et la fin des années 1970, était un médicament destiné à lutter contre les fausses couches, notamment pour les femmes diabétiques. Il provoqua en réalité malformations génitales, cancers et… fausses couches.

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Les class actions arrivent en France

la suite... Malgré les milliers de victimes, seules quelques dizaines d’affaires eurent lieu, alors que le préjudice, même pris individuellement, pouvait être considérable18. Plus caractéristique encore, le contentieux lié au placement Bénéfic, proposé par La Poste entre octobre 1999 et décembre 2000. Ce placement était supposé rapporter « +23 % à trois ans, que le CAC 40 fasse 0 % ou plus » et permettait de « valoriser votre capital net investi jusqu’à -23 % de baisse du CAC ». En fait, les indices s’effondrèrent de parfois plus de 50 % et tous les investisseurs perdirent entre 12,2 % et 35,8 % de leur capital. Il y eut au total 16 000 plaintes sur 307 867 souscripteurs19. Dans ces deux affaires, la disproportion entre le nombre de victimes et le nombre de demandeurs atteste du relatif manque d’efficacité des associations de consommateurs en matière de contentieux de masse.

La nécessaire adaptation de la stratégie des entreprises 12 - Changement de cap La création de l’action de groupe permettrait de mettre en place l’équivalent d’une opt out class action, c'est-à-dire avec option d’exclusion. Dans ce cas, les personnes lésées seraient simplement informées qu’une action de groupe les concernant est en cours. Le mandat serait alors tacite en l’absence d’opposition de la personne concernée. Ce schéma est beaucoup plus pertinent pour les actions de grande envergure, où obtenir un mandat écrit de tous les membres d’une catégorie serait trop coûteux et compliqué. Les consommateurs seraient ainsi clairement mieux protégés. Ce type de class actions peut viser des personnes déterminées - auquel cas une liste est établie et les personnes concernées sont informées personnellement de l’action - ou indéterminées. Dans cette seconde hypothèse, personne ne sait exactement qui est partie au procès.

18Parmi

ces affaires, cf notamment Cass. Civ. 2ème, 3 nov. 2005 : n° 05-13005 et Cass. Civ. 1ère, 7 mars 2006 : n°04-16179. 19O. Dufour, Le maquis judiciaire de l’affaire Bénéfic, La Tribune, 11 avril 2006.

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13 - Petite fiction Une simulation à partir d’un exemple d’actualité permet de mieux saisir l’ampleur du risque latent pour les entreprises. Les trois opérateurs de téléphonie mobile Français que sont Bouygues Télécom, Orange et SFR ont été condamnés au mois de mars 2009 à payer une amende record de 534 millions d’euros pour entente illicite. Il s’agit d’une atteinte à la concurrence qui porte gravement préjudice aux consommateurs ; pour autant, c’est dans les caisses de l’Etat que finira cet argent, et le préjudice ne sera pas réparé. Pour les trois années concernées, le site de l’UFC-Que Choisir évalue le préjudice moyen à 74,27 € par abonné que multiplient vingt millions abonnés, soit un préjudice total de 1 435 400 000 € qui, dans le cadre d’une action de groupe de type opt out, devrait être intégralement réparé. Au vu de cet exemple très concret, le doute n’est plus permis quant à l’opportunité future d’enfreindre sciemment la loi dans l’espoir d’en tirer profit.

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la suite... 14 - Secteurs très sensibles Certaines entreprises seraient sans doute bien plus affectées par la création d’actions de groupe en droit français que d’autres. Ainsi, les trois opérateurs précités, de même que l’ensemble du secteur bancaire, voire la grande distribution, devraient revoir leur stratégie commerciale en matière de conception et de gestion de l’offre20. 15 - Dommages et intérêts punitifs L’autre question fondamentale posée par le débat sur les actions de groupe concerne la mise en place de dommages et intérêts punitifs. Pour l’heure, le préjudice subi par les membres d’une catégorie est réparé par le versement de dommages et intérêts compensatoires. En droit américain cependant, s’ajoutent à ces indemnisations classiques des sommes versées au plaignant dans l’unique but de sanctionner une pratique frauduleuse per se, c’est-à-dire en tant que telle et indépendamment de l’ampleur du préjudice, ce qui accroit à la fois la protection de consommateur et le risque pour l’entreprise.

Un mécanisme vertement critiqué 16 - De l’objectivité des critiques Selon un schéma très classique, on imagine aisément que les deux protagonistes principaux de cette bataille de l’action de groupe21 sont, compte tenus des enjeux, prêts à développer n’importe quel argument pour faire valoir leurs points de vue. Il convient de souligner toutefois qu’un certain nombre de développement en défaveur de l’action de groupe méritent, en toute objectivité, une attention particulière.

20Les

grands industriels de la chimie et du pétrole ne seraient pas en reste non plus (Erika, AZF, etc.). 21C’est-à-dire basiquement, les entreprises, d’une part, et les consommateurs, d’autre part, cf chapitre précédent « La nécessaire adaptation de la stratégie des entreprises ». On écarte ici volontairement le cas des actions de groupe exercées par des actionnaires, qui sera traité dans une prochaine édition. 22Un grand cabinet américain accusé d’acheter ses témoins, Les Echos, 29 juin 2006 ; P.-Y. Dugua, Les rois des class actions accusés d’escroquerie, Le Figaro Economie, 20 mai 2006. 23Contractuellement, technologiquement, du point de vue de la sécurité (des marchandises, des produits financiers, etc.). 24Cf supra n° 15.

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17 - La dérive à l’américaine Depuis de nombreuses années déjà, les class actions sont aux Etats-Unis un moyen idéal d’engager des procédures abusives mais lucratives. Le mode opératoire est très simple : il relève du chantage. Nul n’ignore le risque immense attaché aux conséquences qu’une procédure comme une class action peut avoir sur la réputation et le cours de bourse d’une société, peut important que cette action soit fondée ou non. Ici, l’idée n’est donc pas nécessairement d’intenter l’action mais au moins de faire peser avec suffisamment d’assurance la menace de celle-ci pour obtenir des sommes d’argent de la part des entreprises les plus riches. Ainsi, le cabinet Milberg Weiss Bershad & Schulman a fait l’objet d’une enquête ayant constaté que des personnes avaient été payées pour jouer le rôle de plaignants dans une cinquantaine d’affaires22. L’on est ainsi en droit de se demander dans quelle mesure les actions de groupe ne constitueront pas un frein à l’innovation de la part des entreprises, toute innovation comportant une part de risque sur bien des points23. En outre, toujours aux Etats-Unis, les dommages punitifs accordés aux personnes membres des class actions sont totalement disproportionnés par rapport au préjudice réellement subi, réparé par des dommages compensatoires24 parfois dérisoires. Un rapport de un pour cinq est souvent constaté, ce qui ne fait que renforcer l’incitation à l’abus.

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la suite... 18 - Personnes indéterminées L’opt out class action regroupant un ensemble de personnes indéterminées25 - outre le fait que bon nombre de parties ignore totalement qu’elles sont en procès - pose le problème fondamental du respect des droits de la défense puisque, les parties n’étant pas même identifiées, elles n’ont jamais l’occasion de s’expliquer devant la justice. Qu’en est-il également du principe de l’autorité relative de la chose jugée lorsque les personnes concernées se voient appliquer une décision à l’issue d’un procès dont ils ignoraient jusqu’à l’existence ? Enfin, il est donc parfois impossible de savoir exactement à qui il faut verser les indemnités ni de quel montant est le préjudice total, c'est-àdire la somme au paiement de laquelle il faut condamner l’entreprise fautive.

Probabilités d’adoption 19 - Critiques non rédhibitoires Outre les reproches très sérieux que l’on peut formuler à l’encontre des class actions dans leur conception actuelle, un certain nombre de critiques participent paradoxalement - compte tenu de la facilité avec laquelle elles peuvent être balayées - de cette impression que le mécanisme américain s’adapterait assez bien, selon certaines modalités, au droit français. 20 - Redondance Que dire de certaines institutions françaises et de leur rôle par rapport aux hypothétiques actions de groupe, sinon que leur juxtaposition donne une certaine impression de redondance ? L’on peut en dire que la mission de la DGCCRF et de l’AMF, du Conseil de la concurrence et du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante n’est pas de protéger les intérêts privés, contrairement à l’action de groupe. De ce point de vue, cette dernière peut être considérée comme comblant un vide certain.

25Ce

type de class action est souvent initié par une annonce télévisée ; dès lors, tous ceux qui ne refusent pas le mandat tacite sont parties à l’action, cf supra, n° 6 et 11. La non détermination ne pose pas de problème pour le règlement des frais de procédures, qui sont assumés par le cabinet en charge du dossier en échange d’une commission sur les dommages et intérêts perçus. 26Par exemple pour les associations de consommateurs, Cf n° 5 et s.

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21 - Limitations, adaptations et exceptions De nombreuses critiques, quoique constructives dans cette optique, concernent la class action américaine sans considérer le fait que le droit français puisse adapter celle-ci et s’adapter, lui, pour rendre le système stable et sûr. En premier lieu, il est tout à fait envisageable de limiter le montant des dommages et intérêts punitifs à un multiple des dommages et intérêts compensatoires afin d’éviter toute spéculation. En théorie, le jugement doit être signifié aux parties, ce qui pose problème lorsqu’elles sont des milliers. On pourrait donc ainsi prévoir une simple notification par recommandé avec accusé de réception pour les actions de groupe. L’adage « nul ne plaide par procureur » ne semble pas devoir poser problème dans la mesure où le droit français connait déjà des exceptions à ce principe26.

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la suite... Suivant le même raisonnement, l’opt out class action visant des personnes déterminées devrait pouvoir être mise en place sans débat particulier, l’option d’exclusion étant reconnue par ailleurs en droit français pour l’action d’un groupement syndical en faveur de ses membres27. Compte tenu des arguments développés plus haut28, il est certain que les opt out class actions pour des personnes indéterminées ne pourront être transposées en droit français. On imagine également mal que les actions de groupe puissent réparer les dommages corporels et moraux, le préjudice effectif étant infiniment variable d’une personne à l’autre.

27C.C.,

25 juill. 1989 : n°89-257 DC M.-A. Frison-Roche, L’opting out : un système juridique compatible avec la Constitution française et la législation européenne, discours lors du colloque organisé par l’UFC-Que Choisir sur le thème « Pour de véritables actions de groupe : un accès efficace et démocratique à la justice », Paris, 8 nov. 2005. 28Cf supra, n°18.

22 - Conclusion Au vu de tous ces éléments, une adaptation efficace et intelligente du mécanisme des class actions paraît possible. N’oublions pas que le système juridique et culturel français est profondément différent celui de nos amis Américains. En revanche, le risque pesant sur les entreprises est bien réel et difficilement réductible, même si l’on sait que celles-ci répercutent le plus souvent le montant des condamnations dont elles font l’objet sur les prix. Cette issue de secours est en effet à usage plus ou moins limité, selon l’intensité concurrentielle ; or l’industrie n’échappe pas à la mondialisation… pas plus que le droit.

Pierre-Emmanuel de Germay

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Violence au travail : un guide pratique pour la jungle des responsabilités Introduction « tout pouvoir est une violence exercée sur l’Homme »1 1. Le lien de subordination entre l’employeur et le salarié ne devrait en aucun cas confirmer cette conception des rapports : l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur n’est pas signe de violence envers le salarié. A cet égard, il faut donc se demander où se situe exactement, dans les relations de travail, la frontière entre l’usage ordinaire de ce pouvoir de direction et une certaine forme de violence. Un arrêt récent de la Cour de cassation donne un début de réponse à cette question.2 2. Or le phénomène de violence au travail couvre une réalité extrêmement large3 et les agissements qui peuvent prendre la forme d’un comportement violent sont nombreux : excès verbaux, menaces orales ou physiques, harcèlement, agression physique, etc. Cette ampleur découle aussi de la diversité d’acteurs qui peuvent être à l’origine du comportement violent. Bien qu’elle se produise sur le lieu de travail, la violence peut émaner d’un tiers (client, fournisseur, …). Et même lorsqu’elle a lieu ailleurs, elle peut avoir un lien direct avec la vie de l’entreprise. Cela est notamment le cas lorsqu’un salarié commet un suicide à domicile, mais que son acte est manifestement lié à des problèmes professionnels.4

1Mikhaïl

Boulgakov, Le maître et Marguerite. 2Voir infra, n° … 3La preuve en est que les partenaires sociaux européens, lorsqu’ils ont élaboré l’accord-cadre sur le stress au travail, ont préféré exclure la violence du champ de cet accord, estimant qu’une négociation spécifique s’imposait concernant ce thème. Voir aussi infra, n° … et suivants). 4En revanche, le concept de violence économique, étranger à ces hypothèses, ne sera pas examiné dans la présente contribution. 5Cette notion est entendue de façon large et inclut, au-delà des dirigeants de société, les dirigeants de fait (Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mars 1998, n° 96-83049). 6Les cas les plus fréquents d’une telle responsabilité pénale pour le fait d’autrui concernent, d’une part, la violation des règlements propres à l’entreprise, par exemple en matière d'hygiène et de sécurité et, d'autre part, des manquements d'ordre général commis dans l’entreprise, comme les infractions en matière de droit du travail, de la santé, de sécurité et d'hygiène au travail.

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3. Dans le contexte actuel, il est donc intéressant d’analyser comment cette appréciation très large de la violence au travail se traduit au niveau des évolutions légales. En somme, ces comportements violents sont appréhendés par le droit à trois niveaux distincts. Les bases, en la matière, sont à rechercher dans le droit commun, qu’il soit pénal ou civil (I). A cela s’ajoutent des cas de responsabilité plus spécifiques, prévus notamment par le droit du travail (II), ainsi qu’une certaine régulation, moins formelle, mise en place au niveau européen (III).

I. La responsabilité de droit commun en cas de violence au travail En droit commun, deux séries de règles s’appliquent aux manifestations de violence sur le lieu de travail. 4. Tout d’abord, le droit pénal commun prévoit une longue série d’infractions qui ne sont pas propres au monde du travail, mais qui peuvent s’appliquer à un certain nombre de comportements violents qui interviendraient dans l’entreprise. A titre d’exemple, citons l’atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle et la mise en danger d’autrui. Selon le principe de personnalité de la responsabilité pénale, seul l’auteur d’une telle infraction peut en être reconnu responsable. Il s’ensuit qu’un dirigeant ne peut, en principe, engager sa responsabilité pénale que dans la mesure où il a lui-même commis une infraction répréhensible. 5. Néanmoins la responsabilité pénale du salarié fautif peut parfois être étendue à l’employeur, c’est-à-dire au chef d’entreprise5, surtout dans le cadre des activités réglementées.6 Concernant cette extension de responsabilité, il faut cependant noter qu’elle ne peut concerner les chefs d’entreprise que dans la mesure où ils ont personnellement commis une faute, fût-ce une simple négligence. Il appartient dès lors au dirigeant de démontrer qu'il n'a commis aucune faute. Le cas échéant, il peut également se dégager de sa responsabilité s'il prouve avoir délégué ses pouvoirs à un préposé.

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Violence au travail : un guide pratique pour la jungle des responsabilités

la suite... 6. Ensuite, le droit classique de la responsabilité civile s’applique naturellement lui-aussi aux relations de travail. Il en résulte que tout acte de violence qui remplirait les conditions prévues par le code civil7 peut engager la responsabilité civile de son auteur, quoique la preuve des éléments constitutifs de cette responsabilité soit parfois difficile à rapporter. A cet égard, il est important de noter que la notion de faute englobe aussi bien les abstentions que les actes positifs. L’abstention engage la responsabilité de son auteur notamment lorsque le fait omis devait être accompli en vertu d’une obligation conventionnelle, réglementaire ou légale, ce qui englobe donc les dispositions prévues par le droit du travail.

II. Les cas spécifiques de responsabilité liés à la violence au travail 7. Le code du travail met à la charge de l’employeur une obligation de sécurité de résultat afin de protéger la santé physique et, depuis janvier 2002, mentale des travailleurs8. Il est ainsi fait obligation à l’employeur de prendre des mesures permettant d’éviter les risques en la matière. La responsabilité de l’employeur peut donc être mise en cause lorsque ce-dernier a manqué à cette obligation de sécurité, ce qui inclut les hypothèses d’un salarié touché par un comportement violent9. Le manquement à l’obligation est caractérisé lorsqu’une faute inexcusable peut être reprochée à l’employeur.

7Il s’agit du triptyque classique : faute, préjudice, lien de causalité. 8Article L4121-1 du code du travail. 9Il est important de noter que le comportement violent en question peut émaner d’un élément extérieur à l’entreprise, et plus précisément de tiers : clients, fournisseurs, … 10Cour de cassation, Chambre sociale, 11 avril 2002, n° 00-16.535. 11Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2002 (2 arrêts), n° 00-18.359 et n° 01-20.445. 12Ainsi, en cas de concours de fautes, il n'y a plus à rechercher si la faute de l'employeur a été ou non la cause déterminante de l'accident : Cour de cassation, Assemblée plénière, 24 juin 2005, n° 03-30.038. 13Les Cahiers du DRH, numéro 03-2009.

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8. Or, sur ce point, la jurisprudence a connu une évolution importante. Dans un premier temps, l’obligation de sécurité a formellement été étendue aux accidents du travail10. Par la suite, la caractérisation de la faute inexcusable a été simplifiée : seule subsiste désormais la notion de conscience du danger qu’avait ou aurait dû avoir l'auteur de la faute11. Seule l'imprévisibilité, élément de la force majeure, pourrait donc délier l'employeur de son obligation de résultat. En d’autres termes, il est indifférent que la faute commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, même en cas de faute concourante de la victime : il faut et il suffit que cette faute ait été une « cause nécessaire » de l'accident pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée12. Au regard de ces précisions, il est intéressant d’analyser deux cas de violence clairement identifiables, pour déterminer qui en supporte la responsabilité : le suicide (A) et le harcèlement moral (B). A. Le suicide 9. Sur le plan civil, le suicide d’un salarié peut engager la responsabilité de l’employeur dans les conditions précitées, c’est-à-dire en cas de manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L4121-1 du Code du travail. Mais, en tant que tel, le suicide constitue-t-il vraiment un « risque » visé par ce texte, qui pourrait être évité par l’employeur malgré la participation active et volontaire de la victime au résultat ? 10. La jurisprudence se montre de plus en plus sévère envers les entreprises et leurs représentants en évoluant en faveur du « salarié en détresse » pour admettre qu’un suicide puisse présenter le caractère d’accident du travail.13 Afin d’être reconnu comme tel, le suicide doit présenter un lien avec l’activité professionnelle. Ce lien sera présumé si le suicide a lieu pendant le temps et au lieu de travail, à charge pour

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la suite... l’employeur de rapporter la preuve que le suicide est totalement étranger à l’activité professionnelle du salarié. En cas de suicide en dehors du temps ou du lieu de travail, la preuve du lien avec l’activité professionnelle devra être rapportée par les ayants droits du salarié14. 11. En cas de qualification d’accident du travail, la responsabilité de l’employeur peut donc être invoquée dès lors qu’il devait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié. Il est d’ailleurs intéressant de rapprocher cette hypothèse de celle d’un arrêt jugeant qu’en cas de tentative de suicide d'un salarié pendant un arrêt maladie – qualifiée d'accident du travail parce que survenue « par le fait » du travail – la faute inexcusable de l'employeur est établie s'il est prouvé que le harcèlement en est la cause15. 12. Ensuite, qu’en est-il des éventuelles poursuites pénales liées à un suicide qualifié d’accident du travail ? Un tel suicide peut-il être considéré comme une atteinte involontaire à l’intégrité de la personne16 ? Sur ce point, la jurisprudence se montre sévère envers l’employeur personne morale, les dirigeants et les personnes ayant contribué à l’imprudence, en considérant qu’il suffit que la faute d’imprudence ait « concouru, même avec d’autres, à la réalisation du dommage et qu’elle n’entretienne pas avec celui-ci un rapport hypothétique »17.

14Les

juges semblent se montrer de moins en moins exigeant sur les éléments de preuve à fournir : attestations de proches, de collègues, etc. 15Cour de cassation, 2e chambre civile, 22 février 2007, n° 05-13.771. En l'espèce, l'équilibre psychologique du salarié avait été gravement compromis à la suite de la dégradation de ses relations de travail et du comportement de l'employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 16Articles 221-6 et 222-20 du code pénal. 17Les Cahiers du DRH, numéro 03-2009. 18En revanche, les noms des entreprises n’ayant pas réussi à conclure d’accord seront publiés sur le site internet des DIRECCTE , ce qui peut avoir un impact sur l’image de ces entreprises. 19Loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002.

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13. Dès lors, si une faute d’imprudence est caractérisée, il sera très difficile pour l’employeur de ne pas être tenu responsable pénalement. Afin d’éviter de supporter ce risque pénal, les dirigeants peuvent développer la pratique de la délégation de pouvoir et mettre en œuvre un certain nombre de mesures préventives permettant de prouver l’exécution de bonne foi de leur obligation de protection de la santé des salariés. Par ailleurs, l’accumulation récente d’obligations relatives à la santé mentale des salariés nécessite de la part des dirigeants sociaux d’adapter leurs pratiques managériales et de développer de nouvelles formes d’organisation du travail. En ce sens, le Ministre du Travail a établi le 9 octobre dernier un « plan d’urgence » pour lutter contre les risques psychosociaux au travail faisant peser sur les entreprises de plus de 1 000 salariés une l’obligation d’ouvrir une négociation sur la prévention du stress. Ces négociations devaient être ouvertes avant le 1er février 2010. Mais à défaut d’accord, aucune sanction financière n’était envisagée.18 B. Le harcèlement moral 14. Le harcèlement moral est une infraction sanctionnée civilement et pénalement. Ainsi, le code du travail dispose dans ses articles L1152-1 et suivants qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». L’incrimination créée de toutes pièces en 200219 et insérée dans le code pénal à l’article 222-33-2 retient la même définition.

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la suite... 15. Se pose alors la question de savoir quels « agissements » peuvent, en pratique, être constitutifs d’un tel harcèlement. La Cour de cassation apprécie de manière concrète tous les actes qui pourraient tendre aux effets prohibés par ces articles : mise au placard, privation de travail, reproches désobligeants et injustifiés, humiliations publiques, taches dévalorisantes au regard du niveau de qualification du salarié, etc.20 16. Il est cependant important de noter que ces faits doivent intervenir de manière « répétée » afin que l’infraction puisse être qualifiée de harcèlement moral. Une telle exigence permet de différencier un comportement isolé faisant partie des tensions normales de l’exercice d’une activité professionnelle (comme le changement d’emploi du temps) de ceux constitutifs d’une stratégie nuisible au salarié.21 La Haute juridiction estime que la répétition doit s’entendre comme la réitération d’actes, identiques ou non, provenant d’une même personne et à l’encontre d’une même victime22. Ensuite, il est important de noter que le juge ne recherche plus l’intention de nuire dans les actes répétés. En effet, l’emploi de la formule « qui ont pour objet ou pour effet » permet d’incriminer un harcèlement même « involontaire »23.

20Dans

l’ordre, citons pour illustrer chacun des ces actes les arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date des 20 mai 2008 (n° 06-86.580), 8 avril 2008 (n° 07-86872), 15 janvier 2008 (n° 07-83068), 29 janvier 2008 (n° 07-80748) et 20 mai 2008 (n° 07-86603). 21Par ailleurs, certains de ces faits soient incriminés de manière autonome par d’autres textes ; il en va ainsi de la soumission à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (article 225-14 du Code pénal). 22Cour de cassation, Chambre sociale, 27 octobre 2004, n° 04-41008. 23Semaine Sociale Lamy, 10 janvier 2009, n° 1417. 24Bérengère Legros, Risques psychosociaux au travail et dialogue social européen : l'utilisation de l'accord-cadre autonome, La Semaine Juridique Social, n° 25, 16 Juin 2009, 1264. 25Framework agreement on Harassment and Violence at Work, 27 avril 2007 ; cet accord a été signé par les organisations suivantes : ETUC/CES, BusinessEurope, UEAPME, CEEP.

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17. La question s’est ensuite posée de savoir qui de la personne morale ou physique devait supporter la responsabilité de ce délit et de cette infraction. Sur le plan pénal, toute personne physique peut être reconnue coupable personnellement du délit de harcèlement moral. De ce fait, en cas de relations verticales, un chef d’entreprise, un manager ou encore toute personne disposant d’une autorité particulière peut être déclarée responsable pénalement du délit. Dans le cadre de relations horizontales – entre collègues – une action peut aussi être intentée contre l’auteur de l’infraction. 18. Cependant, il est important de noter que, tout comme pour le suicide, la responsabilité de l’employeur peut aussi être recherchée si celui-ci a manqué à son obligation de sécurité. Dès lors, l’employeur est obligé de prendre les dispositions nécessaires afin de prévenir le harcèlement moral au sein de son entreprise. Pour se prévenir contre un tel chef de responsabilité, l’employeur peut rappeler dans le règlement intérieur qu’il est interdit de se livrer à des actes de harcèlement moral, ou encore mettre en place des systèmes d’alerte au sein de sa société. C’est, entre autres, ce souci de prévention qui a permis d’engager la négociation sur le sujet de la violence au travail entre les partenaires sociaux européens.

III. La régulation au niveau européen des phénomènes de violence au travail 19. Face à des dispositions très éparses en droit communautaire, un instrument de régulation des relations de travail de « nouvelle génération » a vu le jour. Perçu par certains comme « l’un des moteurs de l’Europe sociale »24, l’accord-cadre a été utilisé à plusieurs reprises pour combler le vide législatif dans certains domaines du droit social. Il en est ainsi en matière de violence au travail, problème qui a fait l’objet d’un accord-cadre spécifique signé par les partenaires sociaux européens le 27 avril 200725.

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la suite... 20. Cet accord autonome invite les entreprises européennes à définir des procédures pour faire face aux éventuels cas de harcèlement et de violence sur le lieu de travail26. A l’issue de ces procédures, les entreprises prendraient alors des mesures appropriées contre les auteurs des actes, allant de la sanction disciplinaire au licenciement, et les victimes seraient aidées dans leur réintégration27.

26De

façon originale, ces procédures peuvent inclure une phase informelle faisant intervenir une personne en qui la hiérarchie et les travailleurs ont confiance. 27Commission des communautés européennes, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen transmettant l’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail, 8 novembre 2007. 28Pour le Conseil économique et social du Luxembourg, le contenu de cette obligation de mise en œuvre par les membres des partenaires sociaux européens se résume à une obligation de négocier de bonne foi, sans obligation de contracter. (CES Luxembourg, Avis sur le stress au travail, 15 juin 2006, p. 4). 29La Suède a adopté une loi sur l’environnement de travail et le Danemark a pris une ordonnance sur le rendement au travail ; toutes deux font directement allusion à la notion de stress au travail.

21. Les obligations attachées à l’accord européen viendraient donc se rajouter aux obligations précitées que prévoit le droit interne. Mais la portée exacte de l’accord-cadre en matière de violence au travail est sujette à débat. Juridiquement, il s’agit d’un accord conventionnel qui ne lie que les parties signataires. Or, en l’occurrence, les partenaires sociaux signataires ne représentent qu’une fraction relativement réduite des entreprises européennes. Au-delà de ce problème de représentativité, l’accord souffre de sa force juridique limitée. Aussi le contenu de l’obligation de mise en œuvre du contrat au niveau national par les membres des partenaires sociaux signataires ne devrait-il pas dépasser celui d’une simple obligation de moyens28.

Conclusion 22. La multiplication des cas de responsabilité en droit interne et la régulation au niveau communautaire indiquent l’existence d’un mouvement large tendant vers une plus grande prise en compte des phénomènes de violence et de stress au travail. Mais la traduction juridique de cette évolution est encore incertaine. Car si le code du travail se limite pour l’instant à imposer aux entreprises des moyens de prévention visant la « santé physique et morale » du salarié, il ne prévoit pas de mesures spécifiques de prévention contre la violence ou le stress au travail. A l’image de certains pays européens29, l’environnement légal dans lequel évoluent les entreprises françaises pourrait donc continuer à changer, de façon à ce que le mouvement de responsabilisation déjà amorcé soit complété par une plus grande incitation à la prévention dans ces domaines.

François Dennewald

Clément Gaudio

Création : LA MISE EN PAGE - 01 40 09 62 20 - www.lmep.fr

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