Les libraires - Numéro 123

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LES LIBRAIRES CRAQUENT 1. CE MATIN-LÀ / Gaëlle Josse, Noir sur Blanc, 224 p., 32,95 $ Ce matin-là, la voiture refuse de démarrer. Clara remonte à son appartement et se laisse glisser au sol. La bonde vient de lâcher : continuer n’est plus possible. Des mois, voire des années, que se prépare ce burn-out… D’abord, l’AVC de son père, douze ans plus tôt, qui l’a empêchée de partir travailler à l’étranger. Puis, au fil des ans, ce cumul de frustrations dans la boîte où elle est employée. Et maintenant, « cette impression d’avoir perdu le lieu, l’axe, le repère »… Descendre au fond du baril, faire le vide… avant de trouver l’étincelle qui ramène un peu d’énergie et génère le désir de tout changer. Gaëlle Josse raconte avec tendresse et justesse les mois de fragilité de Clara, ces moments de noirceur qui pourraient aussi être les nôtres… ANDRÉ BERNIER / L’Option (La Pocatière)

2. LE SEL DE TOUS LES OUBLIS / Yasmina Khadra, Julliard, 254 p., 29,95 $ Yasmina Khadra frappe les esprits à nouveau ! Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, Adem perd sa femme et du même coup son honneur, lorsqu’elle le quitte pour un autre. Il part en errance à travers le pays qui conserve les cicatrices de la guerre : « Nos têtes sont pleines de vacarme, nos poumons de baroud, nos consciences de traumatismes. » L’amertume de l’antihéros reflète une hargne qui n’a d’égal que l’âme bienveillante des gens croisés sur sa route. La vision quelque peu misogyne des gens vivant dans certains coins reculés est également représentée. Ce livre est un souffle du Moyen-Orient : il en trace un portrait poignant par la description de grands paysages riches et de personnages issus de différentes couches de la société et par des termes propres à sa culture. MAGALIE LAPOINTE-LIBIER / Paulines (Montréal)

3. CE QU’ICI-BAS NOUS SOMMES /

5. FIN DE COMBAT / Karl Ove Knausgaard

Jean-Marie Blas de Roblès, Zulma, 268 p., 36,95 $

(trad. collectif ), Denoël, 1404 p., 59,95 $

Stock, 170 p., 24,95 $

Il n’y a que Karl Ove Knausgaard pour happer ses lecteurs avec la description de la vie quotidienne dans sa plus pure banalité. Dans cet ultime tome de la série Mon combat, il raconte jusque dans les détails les plus anodins les jours qui ont précédé la publication du premier volume ainsi que les bouleversements causés par la sortie de ce livre. Entre les deux, il analyse le texte qui a inspiré le titre de son cycle, Mein Kampf d’Adolf Hitler. Il en fait une lecture très intéressante tout en décrivant la réception que la population allemande de l’entre-deux-guerres a réservée à ces écrits. Une lecture fascinante clôturant une entreprise bien personnelle qui aura su chambouler bien des lecteurs par la grande franchise, souvent dérangeante, dont l’auteur a fait preuve. MARIE-HÉLÈNE VAUGEOIS / Vaugeois (Québec)

Ce n’est pas parce qu’un livre nous raconte une affreuse histoire qu’il s’agit d’un mauvais livre. Les mauvais sont vite oubliés, alors que celui-ci nous habite longtemps. En cinq nouvelles, dans une Allemagne en fin de guerre, l’auteur nous écorche le cœur en nous relatant cinq récits dans lesquels revient un personnage nommé Viktor. Chacune de ces nouvelles sème l’émoi et la dernière se raccroche à la première. Impossible de sortir indemne de ces drames où le pire et le meilleur de l’être humain se montrent au grand jour. La plume puissante de Claudel laisse les lecteurs errer entre le réel et la fantaisie. LISE CHIASSON / Côte-Nord (Sept-Îles)

Jean-Marie Blas de Roblès a une culture générale époustouflante et il sait s’en amuser dans chacun de ses livres. En campant son plus récent roman à Zindan, une oasis perdue située en dehors des époques, des langues et du monde, il peut se permettre toutes les fantaisies, ou presque. Auguste Arbour, un ethnologue aujourd’hui interné dans une maison de repos au Chili, nous relate son séjour dans ce lieu mythique. Les références aux cultures anciennes ainsi qu’à Terry Pratchett et aux codes QR parsèment son récit. L’auteur a poussé l’audace un cran plus loin en dessinant des vignettes explicatives inspirées de l’iconographie du XIXe siècle. Un livre aux multiples niveaux de lecture, à lire avec le sourire aux lèvres et l’esprit affûté. MARIE-HÉLÈNE VAUGEOIS / Vaugeois (Québec)

4. L’ÉTÉ DES ORANGES AMÈRES / Claire Fuller (trad. Mathilde Bach), Stock, 414 p., 34,95 $ Frances Jellico est mourante, mais elle revit sans cesse les événements survenus vingt ans plus tôt, à l’été 69, pendant ses premiers moments de liberté après le décès de sa mère qui l’a toujours tenue en laisse. Un riche Américain l’a embauchée pour inventorier les ornements du parc d’un manoir anglais à l’abandon qu’il vient d’acquérir. Mais à son arrivée, elle constate qu’un couple est déjà présent : Peter, engagé pour estimer la valeur du mobilier de la maison, et Cara, sa mystérieuse compagne. Frances, jusque-là si seule, se lie peu à peu d’amitié avec ces gens étranges et fascinants, mettant ainsi le doigt dans un engrenage. On le sent très vite, ça ne pourra que mal finir… Magnifique roman d’atmosphère aux retournements qui nous laissent bouche bée. ANDRÉ BERNIER / L’Option (La Pocatière)

6. AMERICAN DIRT / Jeanine Cummins (trad. Françoise Adelstain et Christine Auché), Philippe Rey, 542 p., 36,95 $ Véritable plongée en apnée aussi captivante qu’un thriller, ce roman nous bouleverse par sa lucidité poignante. Jeanine Cummins pointe sa lumière sur la migration en Amérique en nous offrant des personnages certes attachants et grandioses, mais ordinaires, soulignant intrinsèquement que ce peuple marcheur, ça pourrait être nous-mêmes. À travers l’épopée de Lydia et du jeune Luca, fuyant un puissant cartel, de Soledad et de Rebeca, deux sœurs se sauvant pour préserver ce qui peut l’être encore, et de tous ceux et celles qui croisent leur route, c’est le désir de bien-être, le besoin de sécurité et la nécessité de cultiver l’espoir qui brillent dans ce roman magistral. Cette lecture nous secoue, nous bouscule, et humanise ceux que nous entendons si peu. CHANTAL FONTAINE / Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)

7. FANTAISIE ALLEMANDE / Philippe Claudel,

8. TERRES ET FORÊTS / Andrew Forbes (trad. William S. Messier), Ta Mère, 288 p., 25 $ Les nouvelles du recueil Terres et forêts d’Andrew Forbes, campées loin des grands centres, nous font voyager du creux de la forêt au paysage désertique, en passant par la campagne ontarienne. Elles nous plongent dans le quotidien de personnages ordinaires, issus de différents milieux. En fin portraitiste de l’âme humaine, Forbes dépeint avec sobriété et sensibilité les aspirations et les tourments des protagonistes, ballottés par les aléas de la vie. Beauté fugace et perte cruelle s’entrecroisent dans des univers imprégnés du même caractère imprévisible que la nature qui nous entoure. En ressort une impression de douceur, ancrée dans la terre, comme si la fébrilité ambiante s’était muée en une acceptation silencieuse de la valse impitoyable des éléments. CASSANDRE SIOUI / Hannenorak (Wendake)


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