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RENCONTRE
interview
JOANA VASCONCELOS
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Baroque en stock
Longue de plus de 40 mètres, majestueuse et tentaculaire, elle survole le hall de la gare Lille-Flandres, suscitant l’émerveillement comme les interrogations. Non, les Valkyries de Joana Vasconcelos ne laissent jamais indifférents. À l'occasion d'Utopia, "la plasticienne portugaise présente deux de ses fameuses sculptures gonflables (et gonflées)" : Simone, à la gare, et Martha. Cette dernière est un hommage à Martha Desrumaux, figure emblématique du monde ouvrier, et a été spécialement conçue pour la maison Folie Wazemmes, ici transformée en mirifique Jardin d’Eden. Entretien.
Vous êtes connue pour vos fameuses Valkyries. Comment cette idée est-elle née ?
Selon la mythologie du Nord de l'Europe, les Valkyries sont des déesses survolant les champs de bataille pour ramasser les guerriers tués au combat et ramener à la vie les plus courageux d’entre eux, afin qu’ils travaillent pour les dieux. Cette idée de rendre la vie à travers l'art est très importante pour moi. Ces pièces textiles, qui flottent au-dessus de nos têtes, comme les déesses, transforment les espaces publics et notre regard sur le quotidien. Elles le renouvellent.
Vos pièces semblent pourtant éloignées de l'idée que l'on se fait d'une guerrière...
Oui, la description qu’en fait, par exemple, le compositeur Richard Wagner, est assez masculine. Pour lui, les Valkyries sont toujours des femmes très dures, militaires. Les miennes restent des combattantes, mais j'ai voulu leur injecter de la beauté, de la féminité. Ces œuvres sont réalisées sur-mesure, à la main, avec un soin apporté au détail. Il y a du tricot, du crochet, de la dentelle, de la broderie… comme dans la haute couture. •••
Mes créations sont volumineuses et très sensuelles. Disons que c'est une vision plus ouverte, de la femme.
Peut-on parler d'une démarche féministe ?
Tout à fait. Les femmes n'ont toujours pas les mêmes droits que les hommes, et cela partout dans le monde. Liberté, égalité et fraternité forment la devise de la république française, mais celle-ci n'est pas respectée… Il faut donc continuer de se battre. C'est ce que j'essaie de concrétiser à travers mes œuvres monumentales dans l'espace public.
Pourquoi avez-vous nommé cette Valkyrie installée à la gare LilleFlandres Simone ?
C’est un hommage à toutes les Simone : Simone de Beauvoir, Simone Signoret, Simone Veil mais aussi… à la voix de la SNCF, portée par Simone Hérault ! Cette pièce représente toutes ces femmes françaises, et plus largement du monde, qui ont marqué leur époque grâce à l’art, la culture et la pensée.
Comment concevez-vous vos Valkyries ?
J'ai un atelier employant 57 personnes à Lisbonne. De nombreux artisans participent aussi aux projets. Généralement, je dessine la forme des pièces sur le lieu accueillant mes œuvres. Pour établir un dialogue avec l’architecture investie, car il ne s'agit pas d'une simple décoration.
Comment avez-vous conçu ce jardin d’Eden à Wazemmes ?
On découvre d’abord un jardin composé de fleurs en plastique qui s’illuminent dans une pièce plongée dans l’obscurité. Celles-ci ont le pouvoir de nous emmener dans une autre dimension, un monde magique. Je l’ai imaginé comme un labyrinthe, inspiré des jardins français, en mêlant technologie et poésie. À l’étage, j’expose d’autres de mes créations, comme l’urinoir Purple Rain. Il est mauve et peut accueillir deux hommes en même temps. C’est une relecture LGBT de l’œuvre de Marcel Duchamp…
Enfin on trouve Martha, votre seconde Valkyrie présentée à Lille…
Oui, celle-ci a été réalisée spécialement pour Wazemmes. Elle est constituée d’une gigantesque fleur suspendue au plafond, renvoyant au jardin d’Eden. Elle intègre de nombreux éléments textiles recyclés, élaborés lors d’ateliers participatifs à Lille. Les habitants du quartier ont réalisé ces pièces au crochet et en tricot, qui sont la base de mon travail. L’installation est ponctuellement activée par une musique créée à Lille et une chorégraphie interprétée par des jeunes danseurs locaux (ndlr : des élèves du collège Makeba à Lille). Il s’agit de rassembler dans une même salle tous les arts : musique, danse, installation, sculpture, artisanat… C’est une œuvre totale, symbolisant l’esprit du festival de lille3000.
Valkyrie Martha © Maxime Dufour photographies Le Jardin d'Eden © Julien Damien
Simone
Lille, jusqu’au 02.10, gare Lille-Flandres
À visiter / www.joanavasconcelos.com À lire / La version longue de cette interview sur
lm-magazine.com
UN BLOB AU MUSÉE !
© Hadrien Tequi The Growth Potential
Stranger Things
Il est visqueux, rampant, souvent jaune et, disons-le, pas franchement sexy. Pourtant, il fascine les biologistes, jusqu’à s’inviter dans la Station spatiale internationale avec Thomas Pesquet. Le blob débarque au Musée d’histoire naturelle de Lille, qui ausculte cette créature mystérieuse sous toutes les coutures.
C’est un objet vivant non identifié, sans équivalent dans la nature. « Le blob n’est pas un animal ni un végétal ou un champignon. Simplement une grosse cellule, explique Maryline Platevoet, chargée de programmation au Musée d'histoire naturelle. Il est apparu sur Terre il y a un milliard d’années, bien avant les dinosaures, et vit dans les forêts partout sur la planète. Vous l’avez peut-être croisé sans vous en rendre compte… ». À Lille, on ne peut pas le rater : une "Blob’mobile" a été conçue pour l’observer. Ce dispositif constitué d’une loupe binoculaire et d’un écran révèle les superpouvoirs de Physarum polycephalum, son vrai nom. On l’a nommé "blob" en référence au film d’horreur de 1958 avec Steve McQueen, où une masse extraterrestre et gluante dévore les humains… mais pas de panique ! Notre créature (qui peut mesurer jusqu’à dix mètres) se nourrit en réalité de bactéries ou de champignons. « Ici, on lui donne des flocons d’avoine, son plat favori ». Il faut dire que le blob a des journées chargées. Il n’a pas de membres ni de cerveau, mais est capable de se déplacer (d’un centimètre par heure), d’apprendre ou de se reproduire. Plutôt bien, car il dispose de… 720 sexes différents. Un surdoué, on vous dit ! Julien Damien
Cette fois ça y est. Utopia, la sixième édition thématique de lille3000, est lancée. Après une grande parade pleine de surprises, place à six mois de métamorphoses urbaines, de randonnées artistiques, de spectacles et, bien sûr, d'expositions. Voici déjà quatre rendez-vous incontournables.
J.D. - Photo : Maxime Dufour photographies
UTOPIA
2022 , Le Serpent cosmique
LE SERPENT COSMIQUE
Inspirée par le livre de l'anthropologue canadien Jeremy Narby, dévoilant une vision chamanique du monde, cette exposition est un « voyage dans le vivant cosmique », pour citer le commissaire, Fabrice Bousteau. Plus concrètement, le parcours s'apparente à une déambulation hallucinée, psychédélique, présentant des œuvres croisant l'animal, le végétal, la nature et l'humain... Soit autant de créatures chimériques signées, entre autres, Jean-François Fourtou (ses personnages à tête de légume), Fabrice Hyber ou Ghyslain Bertholon. Le sol de la première grande salle de l'Hospice Comtesse est recouvert d'un immense miroir et vaut le coup d'œil à lui seul. Immanquable.
© Julien damien Les Vivants, 2022
LES VIVANTS
Monté par la Fondation Cartier, ce parcours nous invite à décaler notre regard anthropocentré, et à réinventer une cohabitation avec la faune et la flore, à l’instar du Grand orchestre des animaux de Bernie Krause. Ce bioacousticien a passé 50 ans à enregistrer les sons de la nature. Cette installation nous immerge littéralement dans ce chant produit par des espèces, qui pour beaucoup ont disparu… À découvrir aussi, les œuvres d’artistes amérindiens (et un peu chamanes) encore jamais vues sous nos latitudes.
Lille, jusqu'au 02.10, Tripostal mer > dim : 10h-19h, 11/9€ (gratuit -18ans) Selon le scientifique anglais James Lovelock, le Novacène est une ère devant succéder à la nôtre, l’Anthropocène, marquée par les bouleversements environnementaux dus à l’activité humaine. La Gare Saint-Sauveur propose sa propre vision de cette utopie (voire dystopie) à travers des œuvres ludiques et propices à la réflexion. On y découvre des restes archéologiques de notre monde contemporain (soit des squelettes d'hommes bardés de puces électroniques) avant de faire ronronner des arbres en les câlinant.
Lille, jusqu'au 02.10, Gare Saint-Sauveur mer > dim : 12h - 19h, gratuit, lille3000.eu
Novacène, 2022
LA FORÊT MAGIQUE
Cette exposition « militante » s'intéresse à la place des forêts « dans nos imaginaires comme dans la société », annonce Bruno Girveau, le directeur du Palais des beauxarts de Lille. Remarquablement scénographié, plongé dans une ambiance en clair-obscur, le parcours suggère une balade au milieu des arbres, ici représentés par des œuvres classiques (signées Camille Corot ou Gustave Doré) ou contemporaines - à l'instar de cette gigantesque souche arachnéenne de Cécile Beau.
VIVIAN MAIER
De l'ombre à la lumière
De Vivian Maier (1926 - 2009), on sait peu de choses. Française par sa mère, Américaine par son père, cette artiste prolifique travailla toute sa vie comme nounou à Chicago, tout en documentant son quotidien, appareil photo en main. Bozar expose le pan intime d’une œuvre devenue culte, depuis sa découverte à la fin des années 2000.
120 000 négatifs, pour beaucoup jamais développés. Voilà l’ampleur des archives de Vivian Maier, achetées par hasard par le collectionneur John Maloof lors d’une vente aux enchères, puis soigneusement conservées et classées. C’est aussi dans ce fonds foisonnant que s’est plongée la commissaire Anne Morin pour l’exposition qui s’ouvre début juin au Palais des beaux-arts de Bruxelles. Avec un angle bien précis, l’autoportrait, « car aucun photographe ne s’est penché avec autant de constance et de ténacité sur la question de l’autoreprésentation », note la directrice du studio diChroma photography. À l’heure du selfie roi, cette thématique explique l’extraordinaire engouement suscité par l’artiste, depuis que ses images sont montrées autour du monde.
Une invisible de l’Amérique
Autoportrait frontal, silhouette en contre-jour, jeux de miroir… Les 93 clichés sélectionnés dessinent le parcours d’une fille d’immigrés au service des autres, qui saisit son Rolleiflex, et plus tard son Leica, comme un acte de résistance. « De l’ombre au portrait physiologique, il y a tout un vocabulaire que Vivian Maier déploie déjà dans l’enfance, lorsqu’elle s’amuse avec le Kodak Brownie de sa mère, dans la vallée du Champsaur », décrypte Anne Morin, qui a découpé l’espace en trois volets : "Ombre, Reflet, Miroir". À Bruxelles, six photos sont présentées pour la première fois au public. De quoi trouver l'inspiration pour "pimper" nos prochains selfies. M. Durand
Bruxelles, 08.06 > 21.07, Bozar, mer > dim : 10h-18h, 10> 2€ (gratuit -6 ans), www.bozar.be
Œuvres commentées par Anne Morin, commissaire de l'exposition
Self-portrait, Chicago, IL, 1956
« La typologie des autoportraits de Vivian Maier est très variée, et ici, avec cette projection de l’ombre, nous ne voyons plus tout à fait un portrait mais une empreinte. Il y a un morcellement, un éclatement. L’artiste sème des indices de sa présence. Cette photo rappelle le mythe de Dibutade, raconté par l’auteur romain Pline l’Ancien. Un potier de Corinthe découvrit l’art de modeler des portraits à l’argile en s’inspirant de sa fille qui, amoureuse d’un homme en partance pour l’étranger, dessina l’ombre de son visage projetée sur un mur, à la lumière de la bougie. Vivian Maier revisite cette idée de la trace ».
© Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY © Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY
Self-portrait,New York, NY, May 5, 1955
« À l'opposé du jeu d'ombre, Vivian Maier dévoile aussi ses traits à l’image. On reconnaît régulièrement son visage dans des miroirs. Mais l’entreprise n’est pas du tout narcissique. L'Américaine est plutôt dans le registre du jeu. Elle s'amuse avec sa physionomie, presque comme une petite fille. On remarque son rapport à l’espace, au reflet et le rond qui peut rappeler l’obturateur de son appareil photo. Cependant, sans témoignage de sa part, on ne peut émettre que des suppositions. On sait qu’elle prenait environ 150 photos par an, mais qu’elle n’avait sans doute pas l’intention de faire œuvre ».
BEYROUTH. LES TEMPS DU DESIGN
L'autre Liban
Marc Baroud, Segments Bench 2019 © Marwam Harmouche
Beyrouth, ville de design ? Sans aucun doute. Et c’est bien sur l’effervescence créative de la capitale libanaise que le CID se penche. Cette grande première lève le voile sur une nouvelle scène dynamique, façonnée par l’histoire complexe d'un pays situé à la croisée de l'Orient et de l'Occident, du passé et du futur.
Avant Marco Costantini, directeur adjoint du Mudac de Lausanne, qui coproduit cette exposition, personne ne s’était intéressé aux spécificités de la création de meubles et d’objets au Liban. Il a d’ailleurs fallu près de cinq ans d’enquête au conservateur suisse, attiré par quelques artistes (Marc Dibeh et sa fameuse lampe Love The Bird dissimulant un sextoy) pour remplir la page blanche et sortir de notre vision « eurocentrée ». Via les tapis, sièges, éléments de mobilier d’une trentaine de créateurs, la jeune histoire du design libanais se dessine. Ses prémices d’abord, avec l’ouverture au milieu du siècle à Beyrouth de cabinets d’architecture, dont celui de Michel Harmouche. Sur les cendres de la guerre civile (1975-1990), les projets d’urbanisme balayent le patrimoine existant. Mais des figures comme Marc Baroud se montrent soucieuses de proposer des formes conscientes des multiples héritages. Minjara Tripoli, un projet de revalorisation de la filière bois, incarne bien ce dialogue entre le savoir-faire des artisans traditionnels et l'approche contemporaine. Le creuset, sans doute, du monde de demain. Marine Durand
EUGÈNE LEROY. À CONTRE-JOUR
Une autre lumière
é o è ne , 2017, vid Sarkis, Pour Eug © Courtesy Sarkis et Galerie Nathalie Obadia, ParisBruxelles
L’année 2022 sera peut-être celle d’Eugène Leroy. Alors que le Musée d’art moderne de Paris lui consacre une grande rétrospective, le MUba décrypte le travail du Tourquennois sous un angle inédit. À travers une riche sélection d’œuvres, À contre-jour explore les inspirations du peintre, tout en interrogeant son héritage.
D’Eugène Leroy, on connaît bien les toiles sombres, denses et recouvertes de multiples couches de peinture d’où jaillit la lumière. Un peu moins ses œuvres plus douces, à l’image de L’Écluse, une aquarelle datant de 1956 et représentant un paysage de Flandres aux teintes pastel. « Nous voulions renouveler le regard porté sur cet artiste. On résume souvent son travail à des tableaux hyper-saturés de matière alors qu’il est beaucoup plus riche », explique Mélanie Lerat, directrice-conservatrice du MUba. L’exposition ausculte d’abord les liens entre Eugène Leroy et les artistes du Nord, tels Arthur Van Ecke ou Germaine Richier, mais son art ne ressemble à aucun autre. « On a du mal à le classer, ajoute Christelle Manfredi, directrice adjointe du MUba. Il cherchait à provoquer une émotion plutôt qu’à la représenter ». Et c’est peu dire que ses créations n’ont pas laissé indifférents. Dans un second temps, le parcours révèle ainsi l’héritage monumental laissé par Eugène Leroy aux artistes contemporains. Citons la Britannique Jessica Warboys et ses Sea Paintings nous invitant à plonger dans la couleur, ou encore les toiles abstraites et brumeuses de Claire Chesnier, entre autres
BYE BYE GRISE MINE
Mémoire vive
Amour, Ramzi
C'était il y a pile dix ans. Le bassin minier du Nord-Pas de Calais était inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Le Valenciennois a largement participé à cette épopée que fut l’exploitation houillère. C'est d'ailleurs ici, à Fresnes-sur-Escaut en 1720, que furent donnés les premiers coups de pioche dans la région. Durant plus de deux siècles, la Compagnie des mines d’Anzin a façonné cette terre, qui conserve un important héritage. Aujourd'hui en pleine rénovation, fermé jusque fin 2023, le Musée des beaux-arts de Valenciennes ne manque toutefois pas cet anniversaire. Cette double exposition distingue ainsi 18 œuvres de ses collections. Rarement vues, celles-ci révèlent notamment des esquisses du "peintre des mineurs", Lucien Jonas, mais aussi des portraits de celles et ceux qui ont bâti cette histoire industrielle, de la hercheuse (qui pousse les wagonnets) aux grands patrons. Présentées en plein air, au Quai des mines de Valenciennes, mais aussi à la médiathèque d'Anzin, ces pièces côtoient les créations au fusain d'élèves du Valenciennois, plus que jamais dépositaires de ce patrimoine bien vivant. J.D.
QUAND LES MURS PARLENT !
Au xixe siècle, l’Europe est le premier continent industrialisé... et donc traversé de nombreuses manifestations ouvrières. C’est dans ce contexte tendu que naît l’affiche, soit le premier vecteur de communication et d'influence. De la propagande en temps de guerre à la construction de l'UE, en passant par les grands événements sportifs ou culturels, ce parcours raconte en 150 images une autre histoire politique du "vieux continent".
Florine Fauquembergue
Bruxelles, jusqu'au 13.11
Maison de l'histoire européenne, lun : 13h-18h mar > ven : 9h-18h, sam & dim : 10h-18h, gratuit historia-europa.ep.eu
Britons [Lord Kitchener] wants You. Join Your Country’s Army! Alfred Leete (1882–1933) UK, 1914 Replica Imperial War Museum, London, UK Anonyme, ca 1919. Coll. Michel F. David
EN DILETTANTE
La photographie amateur a pris son essor à la fin du xixe siècle grâce à l'Américain George Eastman. Le fondateur de la société Kodak développa en effet le tout premier appareil portable (en 1888), démocratisant cette pratique auprès du grand public. Dès lors, c’est le quotidien qui s’est peu à peu invité dans les images. Rassemblant 250 clichés s’étalant jusqu’au xxe siècle, cette exposition retrace une histoire de l'art parallèle. Ces photos de voyage, de vacances ou en famille privilégient l’émotion à la technique et témoignent de récits intimistes, bien souvent anonymes, où l’anodin confine à l’universel. F.F.
Charleroi, 04.06 > 18.09
Musée de la photographie mar > dim : 10h-18h, 8 > 4€ (gratuit -12 ans) museephoto.be
Hot Wheels NØNE FUTBOL CLUB
© None Futbol Club
French Cancan
Détournement de fond
Lille compte un nouveau centre d'art contemporain. Situé à deux pas du Musée des beaux-arts, le 3Cinq promet de révéler « des artistes peu ou jamais vus en région Hauts-de-France », en phase avec les enjeux de notre monde. Pour sa première exposition, cet espace de 250 m2 accueille le Nøne Futbol Club. Ce duo parisien s'est fait une spécialité de parodier des sujets issus de la culture populaire. Il n'aime rien tant que détourner le nom ou la forme des objets pour leur donner une autre signification, avec un sens de l'ironie certain. À l'image de la série Hot Wheels. Ici, les artistes s'emparent de cette marque de jouets américaine, en l'occurrence des petites voitures (l'équivalent de la Majorette française), pour la réinterpréter de la façon la plus littérale : c'est-à-dire en brûlant des roues ou pneus… Certes ludiques, ces performances, sculptures et installations pointent le désastre écologique en cours, pour beaucoup imputable à l'industrie automobile. Vous avez dit grinçant ? J.D.
Pendant que certaines pièces du Musée de Picardie voyagent au Louvre-Lens, l’institution amiénoise (qui a rouvert ses portes après trois ans de travaux) accueille les céramiques contemporaines de la Piscine de Roubaix, pour un dialogue avec ses propres collections. Cela donne des rencontres humoristiques et incongrues au sein d’une même vitrine entre Astro Boy et des céramiques gallo-romaines, illustrant des thèmes comme l’alimentation ou la religion – qui, eux, traversent toutes les époques.
Amiens, jusqu'au 28.08, Musée de Picardie mar > ven : 9h30 - 18h • sam > dim : 11h - 18h 7 /4€ (gratuit -26 ans), amiens.fr
Créatures, bestiaires fantastiques de la bande dessinée
Le Musée des beaux-arts de Calais ouvre toujours plus ses portes à la culture pop. Après le street art, place à la bande dessinée. Montée en partenariat avec l’association On a Marché sur La Bulle (qui organise les Rendez-Vous de la BD d'Amiens voir p. 34), cette exposition célèbre le neuvième art à travers un sujet bien particulier : les créatures fantastiques. Où l’on croisera toutes sortes d’elfes, de lutins, centaures, krakens, licornes, animaux-robots, d’orques… et bien sûr de dragons !
Calais, jusqu’au 06.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans) www.mba.calais.f
Lecoanet Hemant : les orientalistes de la haute couture
Fondée en 1981, à Paris, par Didier Lecoanet et Hemant Sagar, la maison Lecoanet Hemant s'est rendue célèbre en mariant haute couture à la française et esprit oriental. C'est ainsi la seule marque de mode internationale à concevoir ses modèles en Inde. Robes du soir somptueuses, manteaux opulents, tailleurs structurés ou pièces créées à partir de plumes jalonnent cette exposition. Où l'on partira, entre autres, sur la route de la soie, à la découverte de l'India Pop ou des mystérieux jardins de Shalimar...
Calais, 18.06 > 31.12, Cité de la dentelle et de la mode, ts ls jrs sauf mar : 10h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans), www.cite-dentelle.fr
Gaillard & Claude. A Certain Decade
Depuis leur rencontre à l'aube des années 2000, les Français Gaillard et Claude produisent des pièces protéiformes, entre sculpture en plâtre, impression textile ou musique électronique. D'apparence hybride, ces créations s'apparentent à des accidents poétiques croisant tout et son contraire. Cette exposition rétrospective (la première en Belgique) célèbre une œuvre souvent drôle, curieuse et propice aux doubles sens et sous-entendus.
Aline Bouvy n’a que faire du politiquement correct ni du "bon goût". Cette plasticienne s’attaque aux sujets de société (la sexualité, le genre, la violence…). Elle conteste toute forme d'entrave au désir, les normes qui empêchent les corps. Entre « vagabondage sexuel » et « batifolages queer », cette exposition intitulée Cruising Bye convoque matériaux dépréciés ou postures décadentes, défilé de policiers androgynes et sorcières pour mieux dézinguer le patriarcat et l’hétéronormativité.
Hornu, jusqu'au 18.09, MACS, mar > dim : 10h-18h 10 > 2€ (gratuit -6 ans), www.mac-s.be Vue de l'exposition, Aline Bouvy, Cruising Bye © Isabelle Arthuis
Harmonie des sphères
De l'immensité de l'espace aux confins de la création, tel est le voyage que propose cette exposition. Celleci met en relation la fascination d'artistes abstraits géométriques (citons Auguste Herbin ou Geneviève Claisse) pour le cercle... avec 32 photographies de Thomas Pesquet. Ces clichés de la Lune ou de la Terre, pris depuis la Station spatiale internationale, résonnent ainsi avec la vision des peintres nordistes, qui furent des férus de science exacte, et en perpétuelle quête d'une harmonie des sphères.
Le Cateau-Cambrésis, jusqu'au 06.11
Musée Matisse, ts ls jrs sauf mar : 10h-18h 6/4€ (gratuit -26 ans), museematisse.fr
Rome, la cité et l'empire
La dernière fois que les salles romaines du Louvre ont fermé pour travaux, c’était… pendant la Seconde Guerre mondiale ! Autant dire que l’occasion de délocaliser quelque 300 chefs-d'œuvre de l’Antiquité ne se représentera pas de sitôt. À Lens, cette exposition rassemble statues, reliefs, portraits, bijoux, tablettes ou objets d’art, et ausculte aussi bien la construction de la "ville éternelle" comme cité-État que la vie quotidienne de ses habitants. Un parcours inédit, balayant cinq siècles d'Histoire.
Lens, jusqu'au 25.07, Louvre-Lens, ts les jours sauf mardi : 10h-18h, 11 > 6€ (gratuit -18 ans) louvrelens.fr
Metsä, contes des forêts nordiques
Le jardin de l'Espace Minorelle prend des atours féériques. Pour cause, il accueille les fameux Moss People de Kim Simonsson, soit des sculptures représentant des enfants couverts de mousse verte, comme s'ils ne faisaient plus qu'un avec le monde végétal. Déployés sur la Rambla de Lille dans un format XXL, ces êtres merveilleux retrouvent ici leur taille originale. Ces statues en céramique et photographies signées Jefunne Gimpel dialoguent ici avec les œuvres de la Lilloise Ingrid Bouttaz, pour deux fois plus de magie.
Une femme sur cinq dans le monde serait chinoise. Sous-titrée "une aventure moderne", cette exposition rend pour la première fois hommage à ces dames à travers une fresque embrassant tout le xxe siècle. Entre guerres, révolutions et entrée dans le monde moderne, le parcours dessine le portrait d'une femme tour à tour travailleuse, combattante ou modèle. À travers des robes, bijoux, affiches de propagande ou héroïnes de cinéma émerge une figure aux antipodes des stéréotypes.
Morlanwelz, jusqu'au 23.10, Musée royal de Mariemont, mar > dim : 10h-18h, grat., musee-mariemont.be
Urbain.es
Vous avez aimé Street Generation(s) ? Alors vous adorerez Urbain.es. Après le succès d'une première exposition célébrant 40 ans d’art urbain, en 2017, la Condition Publique remet le couvert. Ce nouveau parcours interroge cette fois la place de la femme dans la ville, toujours sous le regard avisé de Magda Danysz. La célèbre galeriste réunit à Roubaix œuvres iconiques et créations in situ, signées d'une vingtaine de street artistes du monde entier, et pour qui l’engagement n’est pas un vain mot.
Roubaix, jusqu'au 24.07, La Condition Publique mer > dim : 13h30-19h, 8 > 3€ (gratuit -18 ans) laconditionpublique.com
Raffaella Crispino Open field
Née à Naples, installée à Bruxelles, Raffaella Crispino a toujours exploré une multitude d'horizons culturels. À Tournai, elle s'inspire d'une œuvre étonnante du Musée des beauxarts : L'Abdication de Charles Quint, du peintre et graveur belge Louis Gallait. Au cours du xixe siècle, cette toile monumentale fit en effet le tour d’une partie de l’Europe, et surtout de l’Allemagne, en train. L'occasion pour la plasticienne italienne de proposer un parcours mêlant passé et présent, voyages et migrations.
Tournai, jusqu'au 18.09, Musée des beauxarts, ts ls jrs sauf mar : 9h30-12h30 et 13h3017h30, 2,60/1€ (gratuit -6 ans), mba.tournai.be
Icône , 2013. Fil de fer, filets noirs; 235 x 120 cm. Courtesy Marian Goodman Gallery, Paris, Londres, New York. Photo: Marc Damage.© Adagp, Paris, 2022
Annette Messager. Comme si
Figure majeure de l'art contemporain, Annette Messager investit le LaM de Villeneuve d'Ascq avec des pièces emblématiques (notamment Dessus-dessous) et surtout nombre d'œuvres réalisées durant la crise sanitaire. Intitulée Comme si, cette exposition rassemble dessins, installations ou sculptures. Elle témoigne aussi de son obsession pour le quotidien, dont elle a fait son principal matériau de réflexion, auquel elle ajoute une pincée d'humour noir et une bonne dose de fantastique.