![](https://static.isu.pub/fe/default-story-images/news.jpg?width=720&quality=85%2C50)
3 minute read
LIVRES
Roman Muradov Tous les vivants
(Dargaud) Entre deux mondes : c’est là que se situent à la fois le récit de Tous Les vivants et son héroïne. Cette dernière a voulu en finir avec la vie, mais voilà qu’un bref passage dans un pseudo-purgatoire assez fascinant la renvoie chez les vivants. Retour sur Terre donc, mais pas tout à fait, et c’est dans cet entre-deux que se déploie le style si singulier de Roman Muradov. Après le remarqué Aujourd’hui, demain, hier, le Californien d’origine russe narre cette aventure avec ses planches crayonnées intrigantes et délicates. Incarnés mais évanescents, la protagoniste et l’univers qui l’entoure ne rappellent aucune autre histoire de fantômes. Doté d'un sens de l’humour très européen (le récit pourrait être le chapitre d’un livre de Mircea Cartarescu), Muradov décrit aussi bien la colocation entre la jeune fille et son propre spectre que les règles absurdes régissant le monde. S’il peut paraître d’abord austère et fort peu romanesque, Tous les vivants est un livre qui gagne en consistance à chaque relecture. Une curiosité à la poésie entêtante. 160 p., 22€. Rémi Boiteux
Advertisement
Bob Dylan Philosophie de la chanson moderne (Fayard)
Voilà près de 20 ans que la suite des Chroniques se fait attendre. Viendra-t-elle ? Pas sûr, mais Bob Dylan a peutêtre trouvé une autre manière de se raconter : à travers les chansons des autres (Elvis Presley, Little Richard, The Clash...). Pas pour tirer la couverture à lui. L'Américain est d'une humilité et d'un enthousiasme qui feraient passer l'ouvrage pour celui d'un simple mélomane. Pour chaque chanson, l'approche est la même : le poète la raconte à sa manière avant d'en commenter la genèse et l'interprétation. Pas très "philosophique", mais ça vit, ça vibre. Et voilà que le passé remonte à une vitesse foudroyante, sans nostalgie. « [La musique] appartient à une époque, tout en restant intemporelle ; elle aide à bâtir des souvenirs et en est elle-même un », conclut Bob. 352 p., 39,90€. Raphaël Nieuwjaer
Amandine Dhée Sortir au jour
(La Contre Allée) Après la maternité dans La Femme brouillon puis la sexualité dans À mains nues, Amandine Dhée nous livre ses réflexions sur un autre sujet pour le moins existentiel : la mort. La sienne, certitude dont personne ne sait rien, mais aussi celles que l’on redoute, des gens qu’on aime. Il y a aussi les disparus que l’on tait ou ce mystère qu’on essaie d’expliquer à ses enfants, car il fait partie de la vie, paraît-il. Ces évocations intimes et souvent touchantes sont entrecoupées du témoignage de Gabriele, thanatopractrice. Le trépas, c’est son quotidien. On comprend vite pourquoi l’autrice nordiste lui a donné la parole : le regard qu’elle pose sur les défunts, à la fois respectueux et pragmatique, nous permet de cerner un tant soit peu cette grande incon-
nue. 128 p., 16€. Madeleine Bourgois
Pierre Bayard Et si les Beatles n’étaient pas nés ?
(Les Éditions de Minuit) Une novellisation de la BD de David Blot et Jérémie Royer ou du film de Danny Boyle ? Non. Une façon d’accrocher le lecteur, plutôt. Car Bayard, féru de physique quantique, imagine une myriade d'univers possibles : un monde sans Proust, sans Freud… On en passe. Chacune de ces absences ouvre de nouvelles perspectives : tel dramaturge aurait alors connu une postérité plus longue (Ben Jonson plutôt que Shakespeare), telle artiste aurait pu s’épanouir (Camille Claudel plutôt que Rodin), des révolutions auraient pris une autre tournure (Proudhon plutôt que Marx). L’exercice, vertigineux, est mené avec maestria. L’habituel style pince-sans-rire de l'auteur joue avec l’érudition sans l’étaler. Une promenade conviviale dans des mondes fantaisistes. 192 p., 17€. T.A.
Loïc Artiaga & Matthieu Letourneux Aux origines de la pop culture
(La Découverte) La littérature française dans la deuxième moitié du xxe siècle, c’est le Nouveau Roman, les Hussards… Enfin, c’est ce que l’histoire officielle a validé. Dans l’ombre, et à la même époque, s’arrachaient romans policiers, d’espionnage, de SF, d’érotisme… Des bouquins à très gros tirages dont on a retenu quelques héros (OSS 117, Coplan, San-Antonio) et, plus rarement, des auteurs (Simenon, Dard, Kenny, Bruce ou de Villiers). Dans cet ouvrage richement illustré, les deux universitaires reviennent sur l’épopée et l’impact de ces "romans de gare", qui furent à la fois créateurs d’un imaginaire collectif et secoués par les vastes changements culturels et politiques de leur époque. Une belle mise en perspective de la littérature populaire. 192 p., 20€. Thibaut Allemand