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Pierre Mathues

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interview

Plus belge la vie

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Royaume de l’absurde et de l’autodérision, le plat pays a trouvé en Pierre Mathues un ambassadeur de choix. Dans son spectacle désormais culte, La Belgique expliquée aux Français, cet ancien professeur nous raconte comment on peut vivre si longtemps sans gouvernement, que "non, peut-être" ça veut dire "oui", et qu’une bonne frite est toujours cuite deux fois – par contre, rien sur la dernière coupe du monde de foot… Rencontre avec l’autoproclamé "Prix Nobelge", qui mérite bien son titre. Propos recueillis par Julien Damien

Il paraît que vous étiez enseignant avant de monter sur scène…

En effet, j’ai toujours eu envie d’expliquer des choses à des gens qui n’ont rien demandé ! Mes spectacles sont des sortes de conférences, comme des cours mais en plus joyeux. Et tout ce que je raconte est vrai !

Selon vous, les Français méconnaîtraient donc la Belgique…

Bon, les Nordistes la connaissent bien. On est très proches, on utilise quasiment les mêmes mots. Il drache de la même façon de part et d’autre de la frontière ! J’explique surtout la Belgique à des Français situés un peu plus loin.

Que leur expliquez-vous alors ?

Cela va des belgicismes à la gastronomie, en passant par la géographie, l’histoire ou la politique, pas toujours facile à comprendre, comme nos six gouvernements simultanés et nos 60 ministres... On a aussi deux rois et deux reines. D’ailleurs, si vous voulez on vous en prête, même si vous avez déjà un

empereur en France... Mais le vrai thème du spectacle, c’est l’autodérision. Le Belge s’autorise à rire des autres, car il se moque d’abord de lui-même. •••

« Il drache de la même façon des deux côtés de la frontière »

Selon vous, d’où vient cette autodérision ?

Du fait qu’on n’a pas une longue histoire. La Belgique est née en 1830. Avant cela on a été bourguignon, espagnol, hollandais, autrichien, français… Nous avons été envahis par tout le monde ! Il n’y a pas de langue belge. Chez nous, on parle celle des voisins.

D’ailleurs, il n’y a pas un accent belge, mais plusieurs…

Oui, quand on habite à Tournai, Mouscron ou Comines, grosso modo dans le Far West du Hainaut, on parle ch’ti. Mais plus loin, à Charleroi où je suis né, les "i" deviennent des "é". On ne dit pas " merci" mais "mercé". À Namur le phrasé est plus lent, l’emblème de la ville c’est d’ailleurs un escargot ! À Liège on parle en souriant et puis à Bruxelles, on pratique 105 langues. C’est la ville la plus cosmopolite du monde après Dubaï.

Belgique rime avec "exotique" mais aussi "dramatique", ditesvous. Alors, qu’est-ce qui fait son exotisme mais aussi son drame ?

Un peu la même chose. J’adore qu’il faille 541 jours pour former un gouvernement. C’est à la fois drôle et pitoyable. Les Belges finissent toujours par trouver une solution, mais elle est souvent plus compliquée que le problème !

Quel est le propos de votre nouveau spectacle, Prix Nobelge ?

Je suis un amoureux de la langue française et grand collectionneur de dictionnaires, j’en ai une cinquantaine à la maison. Je voulais donc monter un spectacle sur les mots. Et je me suis attribué le Prix Nobelge, car je le mérite ! Mais j'en distribue aussi...

Comment avez-vous choisi les mots dont vous parlez ?

C’est un abécédaire. On commence par la lettre A avec "anagramme" puis on termine avec la lettre Z comme "zinzin". J’ai choisi des mots qui m’amusent, je milite notamment pour l’entrée dans le dictionnaire du mot "chokotoff".

Qu’est-ce que c’est ?

C’est un caramel au chocolat. Quand j’en offre à un Français il me répond systématiquement : « bah, c’est un michoko ». Mais non, le michoko est un ersatz du chokotoff, c’est quatre divisions en-dessous ! D’ailleurs, "tof " ça veut dire "génial" à Bruxelles. C’est plus qu’un bonbon, c’est un médicament !

« En Belgique il faut être un peu fou, sinon tu deviens dingue »

Une expression que vous aimez ?

« Si tu téléphones à une voyante et qu'elle ne décroche pas avant que ça sonne, raccroche ». C’est une fulgurance signée d’un grand philosophe belge : JeanClaude Van Damme !

D’ailleurs vous le rappelez, la Belgique a une forme de cerveau…

Oui, je l’ai piquée à Charline Vanhoenacker celle-là. Et pour ceux qui font semblant de ne pas comprendre, on est situé juste là, au-dessus de la France !

Finalement, la Belgitude existe-t-elle ? Et quelle en serait votre définition ?

C’est un art de vivre et des collisions improbables. Par exemple manger une pêche au thon ou du poulet à la compote. Et puis, c’est une bonne dose d’autodérision. La situation est désespérée ? Eh bien ce n’est pas grave. Pour citer Jaco Van Dormael : « En Belgique il faut être un peu fou, sinon tu deviens dingue ».

La Belgique expliquée aux Français

Malmedy, 31.03, Salle La Fraternité, 20h 12/10€, amapac.be À visiter / pierremathues.be À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

Prix Nobelge Houdeng-Goegnies, 18 & 20.01

Cercle Horticole, 20h, 12 > 8€, cestcentral.be Jodoigne, 21.01, Chapelle Notre-Dame du Marché, 20h, 12/10€ Binche, 24.01, Théâtre de Binche, 20h, 12/8€ Soumagne, 26.01, Centre culturel, 20h, 16/11€ Chaudfontaine, 28.01, École Marcel Thiry 18h30, 20€ Fleurus, 03.02, La Bonne Source, 20h, 14/12€ Chimay, 10.02, Centre culturel, 20h, 12/10€

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