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FLORILEGE 143

Juin 2011

Revue trimestrielle de création littéraire et artistique réalisée avec le soutien de la caisse de retraite AG2R-ISICA et la Ville de DIJON

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EDITORIAL FLORILEGE est éditée par l’Association Les Poètes de l’Amitié. ABONNEMENT (1 an- 4 n°) : FRANCE : 28 Euros AUTRES PAYS : 40 Euros ASSOCIATION LES POETES DE L'AMITIE Président d’honneur : Maurice CAREME † Jean FERRAT † Comité d’honneur : Lucien GRIVEL † M.-L. BETTOSINI † Cécile POIGNANT † Paulette-Jean SERRY † Conseil d’Administration : Président : Stephen BLANCHARD Membres : Christian AMSTATT Jean CHEVALOT Annick GEORGETTE K.J.DJII Jean-Michel LEVENARD Marie-Pierre VERJAT-DROIT Cotisation à L’Association : Actifs 21 Euros Bienfaiteurs : 210 Euros

D. L.2° TRIMESTRE 2011 IMPRIMERIE ABRAX 21800 QUETIGNY

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Deux deuils ont marqué ce début d’année au sein de notre « petite famille ». Claude Cagnasso nous apprend le décès de sa compagne, Violaine... Nous lui exprimons ici toute notre sympathie. Nous savions combien ils parcouraient en sy mbiose un chemin devenant de plus en plus difficile, nous savons combien Claude ressent sa nouvelle solitude... Christian Tourneur vient plus récemment de nous faire part du décès de Nicole, son épouse. Engagée dans un combat qu’elle dépassait par la création littéraire, vous saurez la retrouver dans les livres qu’elle nous a destinés. Le temps revient des Rencontres de Bourgogne auxquelles nous vous invitons à vous inscrire pour les 30 septembre, 1 et 2 octobre prochains à Beaune. Récital de Charles Dumont le vendredi, soirée cabaret animée par Patrick Guthrin le samedi et possibilité pour les auteurs en tout genre et les associations culturelles de réserver un stand (gratuit) à la Chapelle St Etienne pour présenter leurs œuvres et leurs activités (voir l’Agenda en fin de revue). On s’adresse à : Mady Vernay / Bruno Cortot 2 rue du Faubourg St Martin 21200 Beaune Tel : 03 80 24 21 37 atelierducloitre@sfr.fr Pour l'Equipe de FLORILEGE Jean-Michel Lévenard.

Directeur de la publication : Stephen Blanchard Comité de lecture-Rédaction : Annie Raynal, Marie-Pierre Verjat-Droit, Jean Chevalot, Jean-Michel Lévenard, K.J.DJII, Marie-Claude Lefèvre. Pour toute correspondance concernant la Revue : J-M. LEVENARD - 25 rue Rimbaud - 21000 DIJON ou : e-mail : jean-michel.levenard@wanadoo.fr Les manuscrits, insérés ou non, ne seront pas rendus Concernant l’Association : S. BLANCHARD – 19 allée du Mâconnais – 2100 DIJON - Joindre une enveloppe timbrée à tout courrier nécessitant réponse Exonérée de TVA - Prix : 8 Euros C.P.P.A.P. : 0611 G 88402 - I.S.S.N. : 01840444


SOMMAIRE

N° 142 – Mars 2011

CREATIONS P. 3 Alain BERNIER et Roger MARIDAT : Vocation (nouvelle) P. 6 Eric SAVINA : 1 prose et 2 poèmes P. 7 Teresa FERRO : 2 poèmes P. 7 Jean-Marc THEVENIN : 2 poèmes P. 8 Christian BERGZOLL : Je interdit , Prix du concours de la Nouvelle « Aha ». P. 11 Martine SANSNOM : Les voyages de papier, 3 poèmes P. 12 Cédric SCHENONE : 3 poèmes P. 13 Salvatore SANFILIPO, 2 poèmes P. 14 Luce PECLARD : 3 poèmes extraits de son recueil Le Feuil P. 15 Sandrine DAVIN : 2 poèmes P. 16 Nicolas LE BALCH : Je m’en vais sur la neige (poème) P. 17 Nicole HARDOUIN : 2 poèmes P. 18 Yann LE PUITS : L’île hippopotame (évocation) P. 20 Marina TEMPIKA : 4 poèmes extraits de son recueil What do you want ? (traduits de l’anglais par K.J.Djii)

CHRONIQUES P. 22 La Chronique huronnique de Louis LEFEBVRE P. 24 A ses enfants hors-la-loi, la littérature reconnaissante, par Jean CLAVAL : Les quinze joyes du mariage P. 25 NOTES DE LECTURE par Louis DELORME, Jean CHEVALOT, Marie-Pierre VERJATDROIT, Claude LUEZIOR, Stephen BLANCHARD P. 30 Cinema et littérature, par Jean CLAVAL P. 31 DO BRASIL, par Yvan AVENA : Poésie de lutte, de souffrance et d’espoir P. 33 Rencontres poétiques de Bourgogne 2010 : hommage à Antoine TUDAL, par Christelle THEBAULT P. 35 Mission en Haïti, par Gérard RENARD P. 37 Revues en revue, par K.J.Djii P. 39 La page des adhérents P. 40 L’Agenda des Poètes de l’Amitié Illustrations originales de Pierre VELLA

VOCATION par Alain BERNIER et Roger MARIDAT l "On ne naît pas Serial Killer, on le devient." J'ai lu, à l'instant, cette phrase tout à fait remarquable, telle qu'aurait pu l'imaginer Simone de Beauvoir. C'est bien elle, en effet, qui a écrit "On ne naît pas femme, on le devient" ou quelque chose comme ça et c'est évident que cette autre affirmation est de la même veine. Pourquoi, moi qui suis d'un très bon milieu (mon grand-père était fonctionnaire aux impôts), je vous

raconte cela ? C'est que j'ai une petite idée derrière la tête ou plutôt dedans. J'aurais pu être mère de famille, mais sans enfants j'ai dû éliminer cette possibilité. J'aurais rêvé d'être reporter pour un magazine, malheureusement, bien qu'aimant les aventures, je déteste les voyages. Et tout à l'avenant. J'ai renoncé aux affaires mondiales parce que je refuse de parler anglais, à la médecine à cause des maladies (je n'en ai pas, mais elles me font peur).

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Alors j'ai réalisé une auto-analyse des deux ou trois "moi" qui sont en moi; en somme j'ai été mon propre petit Freud et les résultats sont édifiants. Pour que je m'épanouisse pleinement, il faut absolument que je sois une pionnière. Oui, la première dans un domaine quel qu'il soit. Eh bien ! A notre époque, c'est quasiment impossible. Partout il y a trop d'entraînements difficiles ou trop de drogues. Désespérée, j'ai songé à me suicider d'une manière surprenante de façon que les gens disent "personne n'a encore fait ça", comme avaler des sangsues tout en me couvrant le corps des mêmes bestioles. Mais je ne suis pas persuadée que ce soit efficace. Aujourd'hui enfin le miracle. Je viens de lire un article consacré aux serial killers. Il n'est question que d'hommes. J'en tire la conclusion que, jusqu'à présent, on n'a pas encore découvert de femmes tueuses en série ! C'est donc un créneau idéal pour moi; je ne veux pas jouer les modestes, mais j'affirme, en toute sincérité, que je suis suffisamment intelligente pour réussir mon coup. De plus, je n'aurai pas de remords, il y a tellement d'habitants sur terre que je peux en supprimer trois sans la moindre hésitation. Pourquoi trois ? Renseignez-vous ! Je ne donne pas ce chiffre au hasard, c'est le FBI qui a fixé ce seuil minimum. Un philosophe a dit que l'habitude commençait la première fois. Pour les Américains la série débute la troisième fois. Si c'est moins, on est considéré comme un petit criminel de rien du tout, ce qui ne correspond pas à mes ambitions. Certaines épreuves pour devenir Serial Killer me paraissent inhumaines. La plupart des futurs diplômés agissent, d'après les spécialistes, par paliers; ils s'entraînent en passant par des actes de violence, puis de cruauté avant d'aborder l'épreuve finale, le crime. Moi, je ne ferai pas partie de cette majorité; je ne me vois pas estropier qui que ce soit, je suis bien trop sensible. Par ailleurs, j'ai toujours été très puriste en ce qui concerne notre si belle langue, le français. Or les mots serial killer sont typiquement masculins ce qui, dans l'état actuel de la situation, est parfaitement logique et juste du point de vue grammatical. Quand il s'agira de moi, ce sera ridicule, sinon choquant. On pourra mettre un "e" ce qui conviendra pour seriale mais pas pour killère. Je propose donc killeuse et, grâce à cette heureuse initiative linguistique, je retrouve un de mes passe-temps favoris qui me convient si bien puisqu'il allie philo et logique. Par ailleurs je viens d'apprendre des choses surprenantes. Des tueurs en série reçoivent en prison un courrier abondant et ont des fans qui leur envoient des cadeaux. Mais le plus important est l'augmentation des ventes de tout ce qui touche au tueur. Par exemple, la marque du survêtement porté par le célèbre Guy Georges dans son box d'accusé a fait un bond significatif. Ce fait authentique déclenche chez moi une idée géniale. Si je fabriquais un article, une écharpe par exemple et qu'on en trouve près des corps, il se vendrait

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comme des petits pains. Ce serait la meilleure campagne de pub que l'on puisse imaginer. Je ne suis pas longue à tricoter un modèle avec des couleurs vives et un dessin original. Et l'on indiquera : idéal après le sport ! Mais quel sport ? Je trouve la réponse tout de suite. Pour ma satisfaction, il faut que ce soit lié à killer, donc que cela commence par un k, toujours la logique qui triomphe chez moi. Karaté est parfait. Il faut également du sexe et ça devient plus compliqué jusqu'au moment où j'imagine une appellation sublime : "Karaté-Kalin". Je déniche un petit fabricant, signe un accord facilement, car mon modèle est jugé ravissant. Il sera vendu à plusieurs milliers d'exemplaires, ce qui fera beaucoup de suspects sauf moi qui ne serai pas acheteuse. Je ne sais pas si vous avez bien compris ma tactique, mais elle est claire et subtile. Je ferai tout pour qu'il soit évident que les meurtres aient été commis par une femme et pour cela je pulvériserai du parfum sur les écharpes. Bien qu'insoupçonnée - mais quand même après prescription lorsque je serai bien vieille dans très longtemps - je ferai des aveux fracassants. Entre-temps j'aurai amassé pas mal d'euros. La mécanique sera parfaite et ainsi je profiterai de la vie comme je l'entends. Les semaines passent et je peux vous jurer que tuer n'est pas aussi facile que l'on croit. D'abord il faut que mes futurs "clients" habitent un quartier agréable; je ne tiens pas à côtoyer des loubards. Il est surtout indispensable qu'un de leurs itinéraires journaliers passe par des endroits peu fréquentés. C'est un peu avant les vacances que je remarque trois hommes bien sous tout rapport qui se réunissent dans le jardin public pas trop loin de chez moi. Ils bavardent un moment et rentrent chez eux séparément sans se presser. Trois soirs de suite je me dissimule habilement et suis l'un d'eux. Ô miracle ! Leurs habitations sont dans des coins déserts. Une idée, je devrais dire un défi, me vient à l'esprit. En allant à bicyclette - je suis encore très sportive - je peux supprimer les trois dans la même soirée. Si je réalisais mon projet en trois fois, les survivants se méfieraient et je n'y arriverais probablement pas. Un matin, après avoir consulté mon horoscope, je me décide. Ce sera aujourd'hui. Durant l'après-midi, je fais une répétition en vélo avec mes sacoches contenant les petites merveilles que sont mes écharpes KaratéKalin. A la tombée de la nuit, je pédale derrière la première victime, mais quand je fais un effort pour la rattraper, je dérape. L'homme galant saisit mon bras… le droit ! C'est l'horreur, je ne suis pas gauchère et pour tirer je dois faire face à ce terrible handicap. - Vous seriez bien aimable de me soutenir de l'autre côté, monsieur. Il semble médusé. Sans doute aperçoit-il le revolver. Quoiqu'il en soit, je suis plus rapide que lui et


l'abats avant qu'il ne crie. Je glisse l'écharpe entre ses mains puis pulvérise du parfum pour que l'on en déduise qu'il a tenu la meurtrière entre ses bras. Je m'amuse bien. On dirait un crime passionnel, mais quand on découvrira les deux autres, il faudra bien trouver une nouvelle théorie, celle de la Seriale Killeuse. Avec les suivants, je recommence mon dérapage, cette fois-ci contrôlé, et tout se déroule comme prévu. Demain, pour une fois, j'achèterai le journal afin de savoir ce que ces hommes faisaient dans la vie. On a quand même le droit de s'intéresser à ses victimes. Je dors comme une enfant, j'ai réalisé mon plan avec sang-froid. Bien que l'on n'en parle pas encore, je suis la première femme S. K. Si ces trois hommes avaient été mes amants, je me considérerais comme une criminelle nymphomane, psychotique à la rigueur. De toute manière, cette hypothèse était exclue, aucun ne valant le détour sur le plan sexuel. Les policiers débarquent chez moi. Ils sont tombés sur un détail qui m'avait complètement échappé, mes chefs-d'œuvre n'avaient pas été mis en vente à la date prévue. Heureusement que je suis calme, pondérée avec un grand bon sens. Je me tais, ce qui est indispensable au milieu de leur vacarme. Je suis ravie, ils ont compris que l'auteur des crimes était une femme, ce que je voulais. Quant aux questions qu'ils me posent, elles sont stupides. Je fais comme un blocage et joue les muettes. Cela ne m'empêche pas d'écouter et de réfléchir, ce qui dans de telles circonstances n'est pas si facile ! Je finis par comprendre ce qui est arrivé. Les trois assassinés étaient de dangereux terroristes. Ils projetaient de faire sauter la Tour Eiffel ou, tout au moins, de l'endommager sérieusement. Le temps presse. Je dois prendre la décision la plus importante de mon existence. Ou je suis la première femme seriale killeuse au monde et je figurerai dans le Livre des Records; dans ce cas, je serai obligée de recevoir les journalistes des people dans un des salons de la prison… et la prison, ce n'est pas ma tasse de thé. Ou je cherche le moyen de m'en tirer. Mais comment ? Peu à peu les arguments se mettent en place et je fais enfin ma déclaration. - Les trois individus que j'ai observés dans cet endroit désert du jardin public m'ont paru suspects. J'ai

tout de suite été persuadée qu'ils allaient certainement être mêlés à quelque crime, alors, à tour de rôle, je les ai suivis afin de connaître leur adresse. Le dernier soir, j'ai réussi à me dissimuler dans un massif, tout près d'eux, pour en savoir plus. J'ai appris avec horreur que l'attentat était imminent et qu'ils espéraient faire des victimes par centaines. Si j'allais trouver la police, je n'avais aucune preuve et puis je perdrais du temps, alors j'ai décidé d'agir seule, dans l'urgence, et de courir tous les risques pour sauver mes concitoyens. Je suis revenue chez moi en vitesse prendre le revolver de papa dont il m'avait si bien expliqué le maniement. Et j'ai fait ma tournée… enfin mon œuvre de salubrité publique. Sensible comme je suis, cela a été affreux, mais à chaque coup de feu que je tirais, je pensais aux innocents que je sauvais. Je reprends mon souffle, car le plus dur est à venir. - J'aurais pu par la suite me glorifier, ce qui aurait été prétentieux, ou me taire à jamais. En fait, j'ai eu une saine réaction au moment où je prenais entre mes mains l'arme de mon papa. Il fallait que la Police remonte jusqu'à moi, puisque je n'aurais pas le courage de me dénoncer. J'ai donc emporté dans mes sacoches trois Karaté-Kalin. J'hésite, mais pensant à mes ventes futures, j'ajoute : - Karaté-Kalin était une signature irréfutable ! J'ai bien lancé la marque et je me redresse avec classe : - Condamnez-moi. Evidemment je ne termine pas sur cette injonction trop dangereuse et ajoute les phrases qui font mouche. En fait, je dois être considérée comme un soldat qui a combattu courageusement et tué des ennemis. Je mérite la Légion d'Honneur plutôt qu'un mandat d'arrêt. Les pouvoirs publics n'ont pas été jusque là - je pense à la Légion d'Honneur - et je m'en suis bien tirée. Coqueluche des médias, je suis libre et mes affaires sont florissantes. Karaté-Kalin fait la joie des gamines écervelées aussi bien que des mémères emmitouflées. Quant aux hommes, ils en raffolent. Mais je ne suis pas grisée pour autant. Avec une grande conscience professionnelle, de nouveau je fais ce qu'il faut pour devenir la première femme Seriale Killeuse au monde, mais j'évite les terroristes puisqu'ils ne permettent pas d'entrer dans le Livre des Records !

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Eric SAVINA

né en 1965 à Douarnenez. Professeur de batterie et percussions. A déjà publié en revue dans Verso, Traces, Retro-Viseur, Comme en Poésie, Traction Brabant... en France, Belgique , Suisse... l Discographie : « Lañs » - Coop Breizh – 2006), avec le groupe de musique celtique Dremmwel.

L’AMOUR A DU TALENT C’était un peintre de renom qui travaillait en extérieur. Son chevalet était souvent planté au milieu d’une rue piétonne. Ses sujets favoris étaient les façades des petits commerces et le va-et-vient des passants. Très souvent, des badauds admiratifs s’arrêtaient quelques instants pour le féliciter et cela le flattait. Un jour, le maître aperçut deux amoureux assis sur un banc à cinq ou six mètres de lui qui se parlaient tendrement et s’embrassaient avec assiduité. Leurs visages respiraient le bonheur et la confiance en l’avenir que l’on peut avoir à vingt ans. Aussi brillant fut-il, le peintre savait bien qu’il était incapable de capturer l’amour dans sa toile et se contenta, avec respect et discrétion, de les regarder de temps en temps. Il aurait bien échangé sans la moindre hésitation tout son talent contre cette jeunesse qu’il n’avait plus et un véritable amour à ciel ouvert.

LA VALEUR DU BON SENS A LA FIN, QUE RESTE-T-IL D’UN HOMME ORDINAIRE ?

Il laisse derrière lui Des traces de pneus Et des tâches d’huile Un travail à la noix Des tickets de loto perdants Une collection de programmes télé De l’herbe qui pousse Un compte en banque Ou bien des dettes de bonne facture Une femme et des enfants Un pavillon sans capitaine Des bouteilles pleines Des verres vides Des rires et des larmes Un cortège de souvenirs périssables Un florilège de rêves impossibles Un cercueil plein Et puis une place libre En témoignage d’une existence banale

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En Angleterre, Jennifer est très déçue car son rouge à lèvres ne tient pas Au Lesotho, Mohlabi est satisfait d’apprendre qu’aujourd’hui, il pourra manger à sa faim En France, Madame Gaston-Poirier est folle de rage en apercevant une égratignure de un centimètre de long sur sa belle voiture neuve En Afghanistan, Sahil est rassuré. Il gardera ses deux jambes. Aux Etats-Unis, Tom ne se remet pas de ne pas avoir été sélectionné dans l’équipe de basket-ball de son lycée En Somalie, Kasim est heureux car il pourra retourner à l’école En Belgique, Fabien, âgé de douze ans, fait du boudin parce que sa mère ne veut pas lui acheter la nouvelle console de jeux qui vient de sortir A Gaza, Akila est soulagée de voir que les bombardements ont épargné sa modeste maison Au Canada, Nathalie est révoltée par la façon dont son mari plie le linge Au Rwanda, Epiphanie pleure de joie car les médicaments indispensables pour son plus jeune fils sont enfin arrivés En Suisse, Serge est en colère. Lors d’un marché aux puces, il s’est fait rafler sous le nez la seule carte postale qui manquait à sa collection Au Brésil, le jeune Ricardo sourit malgré ses pieds nus, son tee-shirt troué et son ventre un peu vide, parce que, tout simplement, le ciel est bleu


Teresa FERRO Jean-Marc THEVENIN PANNEAU DES ÉVÊQUES Rose-nuage, bleu, vert, jaune safran, Blanc, rouge, orange sacré béni au Ganges, Panneau flamboyant à la merci du vent Au défi de l’azur en couleurs qui changent.

Qui se soucie sorbier des charmes de l’évêque Salant l’écrevisse en de petits miroirs Et disait la dérive enrobée de médiocre Mais que craignent foulés ces caribous déments ?

Habits de femmes, parfois berceaux d’enfant Saris simples ou pailletés à ramages Dansant sans haleine dans l’air étouffant On dirait qu’ils traînent en pèlerinage.

Où tombe en des mouroirs les creux comme les crottes Les porteurs de bavure au rimmel anguleux Les pillards merveilleux comme le vent qui chiale Les rayonnages lourds de plaies et de pêchers.

La Terre assoupie protège ses mystères Se couvre d’écharpes ocre et gris-tempête Les rues se vident d’éclat, la nuit s’apprête.

Qu’il y ait les ballons de la pudeur obscène Où se déchire l’âme avec la tête froide Qui se décline atone et douceurs des loukoums.

Seule la lune tremblante et éphémère Perce les ombres dans sa robe argent pâle Pour embrasser les saris qu’elle dévoile.

Ce n’est plus rien que zone où les poutres palpitent Qui attend pour danser la misère qui taille Dans les aubes du soir les cosmonautes gourds.

LES JEUNES AMOUREUX Ils ont pour habitude D’aller main dans la main Et de s’embrasser fort Dans chaque petit coin. Ils ont l’appétit rude Qui dans le cœur éclot Quand l’amour se fait flamme Qui les amants dévore. Ils marchent au hasard Et croquent chaque instant En goûtant la saveur De leur amour-enfant. Qu’importent les regards Toutes les bonnes mœurs Si l’amour ne connaît Ni de loi ni de peur. Sous la pluie c’est parfait Sous le soleil c’est beau Ils se font des souhaits Dans l’odeur de la peau. Je ne puis m’empêcher De leur donner mes vœux Mon regard-sympathie Pour tous les amoureux !

LES REQUINS Qui génère les feux les moiteurs au travers Qui est l’économie Et génère les poux l’effervescence vers Les boulettes les mies. Les colonels jetés les boucles à l’envers Et puis les pandémies Qui sont les siphons bleus et les escargots verts Les charmantes amies Les comètes parfois sont buissons de briquets Et brillent dans la nuit des cuvettes l’excès Ainsi que des babouches. Où fuse le miroir des bourrins éteints Aux sèches révoltées de la glace sans tain Des requins de la bouche.

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Cette nouvelle a été retenue par le jury pour le concours lancé sur le thème « Aha ». Merci aux participants que s’étaient risqués sur cette contrainte des plus hermétiques, et félicitations au lauréat.

Ah ! … Non… Aha !... Une voyelle, un soupir, et l’écho de la voyelle. Dans des milliers de gorges. Du plaisir, du pur plaisir. Que c’est bon ! Dans un amphithéâtre. C’est paradoxal, non, pour du cinéma ? Avec les dix mille autres, au-dessus, en dessous, autour, c’est à mon tour d’être preneur de son, d’images. Et de toutes les impressions délicates, précises, nuancées du spectacle. On a gardé le nom de cinéma, à cause des caméras qui enregistrent, pour les archives, bien sûr. Mais, surtout, je crois, à cause des files d’attente du guichet d’accueil, à cause de la badgeuse, fraîche et sucrée, que l’on suce avant de s’asseoir et qui lit nos code-barres tatoués, de naissance, sous nos langues. On a gardé le nom de cinéma parce que nous sommes dans le noir et que l’acteur est exposé aux faisceaux croisés des lumières et des ondes cérébrales. En bas des gradins, au milieu du vide, sous les projecteurs, le condamné a le droit de se défendre. Il choisit rarement de se taire, il raconte quelque chose qui peut influencer la pensée collective : il a très rarement la sincérité qui le sauve, le talent qui l’aide ou le génie qui l’absout de tout. Chaque spectateur est doté d’un casque intégral : chaque individu, sur son siège en coquille, met donc à disposition l’énergie subtile, celle qui navigue entre les organes sensitifs et le cerveau, celle dont le toron invisible noue l’infinie diversité des sentiments dans la partie limbique de… On s’en moque. Après des heures d’attente sur les périphériques, moi, sur mon coussin, dans la rumeur et la promiscuité, je veux du spectacle. Assez de virtuel ! Du réel ! J’y ai droit, comme tous les contribuables de cette planète : il est vrai, au mieux, une fois par an. Il paraît que la courbe de toutes les criminalités s’est à ce point effondrée qu’il faudra bientôt se résigner à l’ersatz : la même chose, en hologrammes. Je suis contre, rien ne vaut ce que l’on perçoit, là sur le podium, à travers le fin treillage de cristal qui capte, polarise, amplifie et diffracte nos ondes sur la cible. Quand il ou elle hurle, chauffe, fume, grille, éclate, sous l’effet de nos casques… Ou quand, si rarement, le récit est à ce point remarquable que, l’un après l’autre, les individus des gradins ôtent leur casque pour percevoir, en direct, en vrai, ce que le futur gracié exprime. Ça ne m’est jamais arrivé, ce cinéma

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Je interdit par Christian BERGZOLL d’excellence, j’ai toujours eu des condamnés à la piètre défense, des condamnés d’avance. Ce que l’on émet, sublime ou atroce, ce que l’on reçoit, abjecte ou terrifiant, oui, c’est un échange délicieux, là, au milieu de tous. La fusion des âmes, celle du supplicié et celles des juges souverains, nous tous, nous, les représentants fugitifs de l’humanité. Je ne connais rien de plus jubilatoire que d’être AS, acteur spectateur. Là, au milieu, le AA- l’acteur acteur- n’a pas trente ans. Avant l’entracte, sur les écrans périphériques, on nous a présenté sa biographie et les raisons du jugement…On s’en moque. On ne sanctionne plus les faits depuis longtemps, on juge l’homme, ce qu’il a dans les tripes, ce qui permet de s’identifier à ce qu’il énonce, à ce qu’il suggère, à l’impalpable qu’il met en scène, qu’il improvise. AA, juste là pour les ah !... pour les aha !... Suivant ce que raconte le condamné, la pensée collective l’épargne ou le détruit : l’énergie captée par nos casques, ce n’est personne, c’est tout le monde, la justice des hommes est immanente depuis qu’elle fonctionne ainsi. Il commence : La milice est passée. Nous avons tous joué au tarot pendant qu’ils nous fouillaient. Ils n’ont rien trouvé, ni la magnésie, ni les relais, ni les balles. Quand ils sont partis, nous avons continué le tournoi, nous avons même simulé la joie de prendre le petit, d’aménager un écart habile avec coupe et singlettes, parce qu’ils avaient laissé une camérapolice télescopique, dont l’œil espion tournait sur lui-même, lentement, pour ne manquer aucun visage, aucun recoin de la salle à jouer-manger. C’est ridicule, cette naïveté des tortionnaires : tout le monde sait que cet œil possède un angle mort, certes, lui aussi en rotation, mais qui permet tant de prouesses ! A tour de rôle, dans les quelques secondes aveugles, nous avons secoué nos cheveux. Ça ressemblait aux pellicules d’une tignasse malade, c’était comme la pluie de plâtre qui tombe du plafond, quand les hélicoptères bombardent, au hasard, les casinos-casernes, parce qu’ils ont entendu un rire non autorisé, après le couvre-jeu. La poudre blanche, dans le sac qui passait de main en main, sous la table, s’accumulait. Nous sommes tous des


trafiquants de magnésie, dans notre immeuble. L’usine, qui l’incorpore aux médicaments psychotropes dont on nous gave, nous emploie tous, nous vigile mal, nous arrange bien. Les femmes, elles, entre leurs seins, cachaient les cylindres de bois, les relais. Et les enfants, dans leurs langes, les balles, toutes brunies, à force de la promiscuité des selles. La dictature sera vaincue, je le sais. Même les bébés nous aident. Même la lune. A minuit, ils coupent l’électricité. Il faut se coucher ou jouer, bien sûr. C’est stupide, ça aussi. La caméra-police, avec sa batterie nucléaire et son œil à détection de champ thermique, ronronne dans l’obscurité, mais le réglage est si mal fait qu’elle se laisse gruger. Un par un, les citoyens-joueurs, comparses, complices, sont remplacés par des épouvantails. Dans le ventre des mannequins, un réchaud à huile, une lampe acétylène, une bassinoire sans manche avec des braises, une bouillotte en laiton, n’importe quelle source de chaleur suffit, bien dosée, pour satisfaire le détecteur. Ne pas négliger d’ôter discrètement son bracelet montre pour rester identifié, même si l’on s’est esquivé de la table de jeu-repas sous surveillance. On grimpe à tâtons sur les terrasses acrotères, on attend que l’astre se lève, à l’Ouest, et qu’il inonde les toits et brouille l’enregistrement des satellites et des miradors. Sur le sol, on dessine les cinq anneaux entrelacés, interdits. Puis les pistes, les lignes de départ et d’arrivée. On lustre les barreaux des échelles de secours qui plongent dans le vide. On attend la Torche, en s’entraînant. C’est dur de courir en chausson, sur un toit couvert d’un asphalte étanche, presque mou. C’est terrifiant d’être suspendu à cent mètres du sol, et parfois mille, à l’équerre, en pensant qu’il n’y aura jamais assez de poudre blanche, dans le sac qui circulait sous la table, pour réduire la sueur. Mais on s’habitue. Il faut étouffer les bruits, les halètements, les martèlements. On retourne les sabliers pour mesurer la durée de chaque boucle courue autour des antennes et des paraboles, parce que nos montres à quartz, les caméras-polices les détectent en permanence. « S’échiner à la barre fixe au sommet des immeubles, courir l’un après l’autre comme des rats dans une cage, pour saisir le relais puis le passer au poursuivant, dégonder des portes de cave, les hisser jusqu’au grenier, les dresser sur des dossiers de chaises et les bombarder de balles que l’on frappe, avec des raquettes tressées à partir des filets des chalutiers de jadis, échoués dans les friches, entre

les conurbations sur pilotis, …ça sert à quoi ? » Les inspecteurs posent souvent cette question, quand ils raflent les délinquants. On a beau changer de quartier,-jamais le même immeuble-concentration, jamais le même casino-caserne, comme ils disent, nos gardiens-, chaque soir, on peut être trahi par un éclat de lune, par un milicien noctambule, par… Questionner, c’est avouer son trouble, ai-je la faiblesse de croire : la dictature sera vaincue, tant que les réponses à « ça sert à quoi ? », même sous la torture, ne trahiront rien. « Cette société est pourtant merveilleuse : tout le monde mange à sa faim, tout le monde travaille, trois heures par jour, ni plus ni moins, intégré, respectable, tout le monde se distrait, à mille jeux filmés qui transforment les loisirs en d’innombrables compétitions conviviales où l’émulation élève l’esprit. Les lauréats sont honorés et récompensés : ils peuvent devenir sexagénaires, septuagénaires et même octogénaires. Chacun a sa chance. Que peuton rêver de mieux ? » Les slogans matraqués sur la chaîne unique transpirent dans les interrogatoires des cachots des casinos-casernes. Rêver ? C’est le problème, justement : abrutis par les drogues officielles et les jeux de cartes, de pétanque et de dominos, les foules obèses et décérébrées consomment de l’image où des joueurs de cartes obèses et décérébrées consomment…Monde en vase clos, cercle vicieux infernal, immobile et redoutablement fécond. Fécond, en deux mots. Je le pense, mais je n’ose le dire, à cause des micros, partout. Les dirigeants garantissent la paix sociale avec du pain truqué et des jeux obligatoires, suivant les recettes antiques optimisées par la robotique des caméras-espions. Avec l’aide redoutablement efficace des gardiens, clones anonymes d’un bataillon de matons du millénaire dernier, dont les gènes furent triés sur leurs capacités répressives. Les machines-robots produisent, nourrissent, chauffent, protègent la prolifération humaine et recycle les cadavres. L’effort est mort, il suffit de végéter dans la douceur molle de chairs flasques médicalisées. Trente neuf milliards d’humains, entassés dans le béton précontraints des gratte-ciels, vivent. Ils grattent le ciel, en vain, ils ne s’en échappent pas, l’univers, hors la Terre, reste inaccessible. Ils vivent. Pourquoi ? Si peu posent la question. Si peu cherchent une réponse. Pourquoi s’insurger, pourquoi profiter de la nuit pour allonger ses muscles, courir sur les toits noirs, échanger des balles ? C’est pour guetter la Torche.

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Elle viendra, derrière l’horizon, d’une contrée libérée avant les autres. De Grèce, peut-être, parce que le réchauffement de la planète a transformé le Parthénon en île, dressée au milieu des ordures qui saturent nos nouvelles côtes. De Grèce, parce que tous les idéaux sont passés par là. Quels idéaux ? Ceux dont nous avons perdu les noms et les références. Ceux des films et des livres détruits et des fichiers informatiques inaccessibles et des disques durs formatés. Ceux enfermés dans notre inconscient collectif, dont nous n’avons pas encore la clef. Elle viendra, la Torche, embraser la lumière dans nos mémoires, et nous serons prêts, nous, les sportifs cachés sous les étoiles. Notre compétition sera de vaincre toute l’apathie de l’humanité et de redonner le goût de l’effort, de l’émulation. Nous réinventerons les jeux Olympiques et le monde ne sera plus en panne de bonheur. C’est à ce moment du récit que j’ai eu envie d’enlever mon casque, parce que mes émotions étaient si fortes que je ne régulais plus mes glandes lacrymales. Je sais maintenant que j’étais le dernier, dans le stade, à le faire. A chaque séance, je ne lisais pas le générique sur les écrans : y figurent, pourtant, les articles de lois, les décrets, tout le tissu législatif qui explique tout. En petits caractères, en sous-titres, incrustés en bas des images de la biographie. Suis-je à ce point mauvais citoyen que je n’ai pas pris connaissance de la dernière réforme du cinéma … ? Oui, je le comprends, soudain : « article R138XXL-loi du 17 Brumaire du cycle du Verseau- an 1704- A chaque séance de cinéma, tout contribuable qui sera le dernier à rallier la majorité, à s’unir à la pensée collective, à se fondre dans la volonté commune, sera immédiatement déclaré suspect d’esprit négatif-

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En vertu des fondements de la constitution universelle des devoirs de tout Terrien, il sera immédiatement destitué du titre permanent d’AS, incarcéré, placé en attente sur la liste des suppliciés, et, à son heure, après validation, par les instances publiques, du scénario de sa biographie, réelle ou présumée, l’ex-AS sera jugé en AA. » Compte tenu de l’efficacité du processus, je n’attends pas, je suis en comparution immédiate. Saisi, lié, transporté, aussi vite que possible, je suis dans la cage de cristal. L’avantage, c’est que le stade ne désemplit pas, une séance chasse l’autre. L’avantage, c’est que je suis à ce point mauvais bougre, inutile, que mon histoire, trafiquée par l’ordinateur central, ma courte vie, minable, manipulée, tronquée, malmenée, qui défile déjà sur les écrans périphériques, indispose déjà ceux dont les regards me jugent. L’avantage, c’est que je n’ai aucune imagination : et, pour faire un bon spectacle, la sincérité d’un monstre inculte et barbare, parfois, ça, j’en suis sûr, ça peut sauver. Comme est sauvé ce joueur invétéré qui trafiquait les chiffres de l’audimat mis à disposition pour les instituts de pari en ligne… ce joueur capable, en quelques minutes, de nous raconter, si réelle, ce que fut la vie de nos ancêtres, jadis… Ce joueur gracié, dont je croise, en vrai, le regard, soudain, un regard qui me dévore, un regard qui… L’avantage, c’est que le cinéma se moque du bien comme du mal, pourvu que l’on joue correctement le registre du plaisir collectif…Ma Torche, mon espoir ? Je suis un voyeur jouisseur … La cage de cristal descend autour de moi, les gradins disparaissent lentement dans l’obscurité, les murmures cessent, c’est à mon tour... d’être l’AA. Pour les ah ? Pour les ... aha... ?


Dans les arènes de Plumaçon, près du soir, Déboulent des remparts des accents gasconnant Qui driblent la syllabe au fil du paséo Avant que le courseyre, en incurvant le dos Ne déjoue la mort en vache de combat Ou n’y perde la vie, parfois, quand une corne, Crevant son boléro va rougir la lumière. Donjon de Lacataye, un rire fracassé Hante les escaliers en veuvage de marches Et des fenêtres d’or accablées de combats, Tombe la pluie des pleurs de la reine Margot Sur les têtes sans corps de ses amants jolis Alors que les moineaux, chevillés de gaieté, Dans les cyprès taiseux, gazouillant, font leurs nids. Dans le parc Jean Rameau que les hivers fouettent, La Douze fait la cour aux bancs de sable errants Douce, la mousse y pousse en bottes de sept lieues; Les pins, forts échassiers, jaillissants des fougères, Dressent leurs nefs de bois aux voûtes de cimiers Et les melons bourgeois des bouquets d’hortensias, Eclairent de pastels l’ombre dense des hêtres…

Martine SANSNOM LES VOYAGES DE PAPIER à Chateaubriand Méditation Hélas je ne suis la maîtresse jolie Dont tu pus t’efforcer de tomber amoureux, Seulement soubrette que déboute marquise. La seule pourtant qui baigne ton cœur brûlé De s’être trop frotté aux piliers des églises Avec cette douceur si tendre et tant humide Et de larmes de rire et de larmes qui pleurent Sur les fleurs, un moineau, un château en couleurs Que jamais ne verra, en vrai, avec ses yeux.

Au midi de juillet, la ville toute essuie Les sculptures suant leurs femmes de granit Assises largement au bas de quelques murs Et pavoise ses rues de fanions tricolores A l’heure où Madeleine, enrobée de ferveur, Quitte à pied son église entre deux chars de fleurs Salués lourdement par les corps d’harmonies.

(du 1-7-2009 au 8-7-2009) A Pierreclos Au petit trot d’un âne, en tee-shirt, bermuda, Le sac sur le dos tu franchis le châtelet Dont les toits de tuiles en damiers se colorent. Longes des haies de buis boulonnées de rosiers. Arpentes des remparts dignes de leur grand âge.

(du 6 08 au 8 08 2010)

Dans la cuisine morte où les marmites bâillent, Les niches n’abritent nul pâté de volaille Et dans la cheminée où rôtissait un bœuf L’orchestre des parfums hante un reste de suie.

Mont-de-Marsan

Sur les genoux dorés des salles d’apparat Tout en rêvant de la pointe du couteau Saisir le cygne en sauce et les miches de pain, Tes couverts en argent triturent ta laitue, Ton jambon sans la couenne et ton petit œuf dur.

Vieux pays coquillé retaillé par l’Histoire Où s’accroche l’avril des joyeux jardiniers, Mont-de-Marsan fredonne, perdurant la mémoire Des pèlerins fourbus marchant sur Compostelle Qui pour joindre les mains posaient leur baluchon, Couchaient long leur bourdon et s’ouvraient en priant, Aux musiques d’ailleurs en milliers de chansons.

Pendant que dans l’exil où prudent tu m’enclos Sur la pente des nuits j’erre au fil du silence.

(2 08 8 08 2010)

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Cédric SCHENONE

CHARLES

L’AUBAINE

J’aurais voulu m’appeler Charles Pour avoir un destin totalement Différent

J’ai rencontré une fille dans le train Quelle aubaine

Comme Charles Chaplin J’aurais redonné le sourire A une jeune fleuriste aveugle Et du même coup fait voir aux spectateurs Les lumières de la vie Tout cela en noir et blanc Et sans un mot bien entendu Comme Charles Baudelaire J’aurais exprimé mon mal de vivre Lorsque l’angoisse despotique plante son drapeau Sur ma pauvre âme vaincue Dans des sonnets ciselés à la perfection Tout cela entre deux lampées d’absinthe Pour m’aider bien entendu Comme Charles Bukowski J’aurais fait de ma vie de vieux dégueulasse L’inspiration de mes écrits Et ma poésie m’aurait transfiguré En marginal magnifique à la folie ordinaire Tout cela entre deux coups de trique Et après avoir vomi bien entendu Mais surtout J’aurais pu être célèbre dans le monde entier En accomplissant un extraordinaire carnage De chair et de sang Et me vautrer avec délice Dans les tripes mises à nu Comme Charles Manson bien entendu J’aurais voulu m’appeler Charles Pour avoir un destin totalement Aberrant

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Elle était assise juste à côté de moi Quelle aubaine Elle avait les yeux gris vert Quelle aubaine Et de beaux cheveux châtain enroulés en chignon Quelle aubaine Son sourire avait l’éclat de mille diamants Quelle aubaine Je lui ai posé des questions sur elle Quelle aubaine Elle m’a posé des questions sur moi Quelle aubaine Son prénom était de pur cristal Quelle aubaine On a parlé de musique rock Quelle aubaine Et de cinéma fantastique Quelle aubaine Le trajet a filé comme dans un rêve étoilé Quelle aubaine Le train est arrivé en gare de Toulon et la fille est descendue Quelle aubaine Je ne la reverrai sans doute jamais Quel chagrin


Salvatore SANFILIPPO LA STATUE

QUESTION DE PRÉFÉRENCE A tout prendre Je préfère largement Crever un samedi Au fin fond d’un précipice Quitte à brûler vif A cinq heures du mat Bourré comme un trou En rentrant De Monaco Plutôt qu’un lundi A la prime aurore Ou en fin d’après-midi Encastré Proprement Dans un arbre En allant Ou revenant Du boulot Il ne sera pas dit Que ce salaud de boulot Aura eu Ma peau Ma pierre tombale Arborera Avec panache Et en lettres de feu Ci-gît un marginal

Elle en avait marre La statue De faire le pied de grue De rester plantée Sans bouger A regarder les gens passer Un beau soir d’été Aux douze coups de minuit Elle est descendue de son piédestal Et s’est fait la malle Dans l’intention bien arrêtée De jouir c’est vital De ce moment de liberté Toute la nuit elle a fait la fête Quand elle est revenue au petit matin Légèrement pompette Elle n’arrivait plus Malgré ses efforts répétés A grimper sur son rocher Devant ce spectacle incongru Je n’ai pu rester de marbre Je suis parti tout de go L’aider à monter sur son plot Le lendemain quand elle m’a aperçu Elle m’a fait un clin d’œil complice Ses yeux plein de malice Se sont fixés Sur l’horloge du quartier Ayant pris goût à sa nocturne promenade Elle attendait d’un air réjoui Que les coups de minuit Lui donnent le signal de sa nouvelle escapade CONSEIL POUR RECOLTER TROIS HARICOTS T’as cafouillé la terre A l’aide d’un bon outil T’as cahoté les mauvaises herbes T’as cabinet ton terrain Puis semer tes graines T’as caleçon retenir Et puis il te reste plus Cabosser

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Luce PÉCLARD NOUVEL ORDRE PERDRE ET GAGNER A Claudio Magris

Le nouvel ordre poétique S’établit en dehors des normes. Le passé, le futur N’ont pas d’autorité sur lui. La scène du présent Les repousse aux coulisses, Avec leur poids trompeur Et leurs promesses fallacieuses. Maintenant, beau ou triste, Se joue en toute intensité Et se consume entièrement. Il ne laisse aucun résidu. Aucune chance au défaitisme, Aucun espoir à la chimère. C’est le moment de vérité, La clairvoyance en continu.

Qu’est-ce qu’on perd en écrivant Sinon la chaîne et le boulet ? Une aile se déplie Et devient voile au vent. L’œil voit de tous côtés Grâce à mille facettes. La main perçoit les autres mains, Le cœur s’embrase aux horizons… Qu’est-ce qu’on gagne en écrivant Sinon le monde sans cloisons, L’appel irrésistible Des multiples chemins, Les rayons délivrés De la roue décerclée,

22.6.2010 Et l’expansion illimitée D’une conscience hors les murs !

AU-DELÀ DES REPÈRES 11.3. 2010 Plus rien n’est fixe, Tout est flottant. Les temps seront quand les temps furent. La vie en quinconce, en zigzag, Suspendue au fil invisible Comme une libellule Au-dessus de l’étang. Les jours mélangés, confondus, Hier je serai, demain je fus. Evoluée, involuée L’existence autour de son axe, A la fois soleil et trou noir. Tout est flottant, Plus rien n’est fixe. Les temps furent quand les temps seront. 22.7.2009

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« Qu’est-ce qu’on perd en écrivant ? » Claudio Magris Auteur de « Danube » in « Trois Orients, Payot & Rivages, 2006. Extrait du recueil LE FEUIL ( 2010) Native de Pailly – CH, Luce Péclard a publié deux récits et 15 recueils de poèmes, du classique au vers libre, dont notamment un ensemble de 150 sonnets en 5 recueils, auquel succède en 2008 un semainier poétique, philosophique et symbolique de 366 quatrains : « Le Gué des jours ». Voici en 2010 « Le Feuil », un rythme libéré, une contemplation active et responsable de soi-même et du monde. Membre de plusieurs sociétés d’écrivains tant suisses que françaises, titulaire des insignes de la Renaissance française : médaille d’argent (1994) et d’or (2001) du rayonnement culturel, Luce Péclard est lauréate, entre autres distinctions, du PRIX EUROPÉEN 2008 DE POÉSIE FRANCOPHONE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR, décerné sans candidature par le Cénacle européen de Poésie, Arts et Lettres à Paris (http://cercle.poesias.over-blog.com)


Sandrine DAVIN

Ainsi va la vie !

La vie est faite de bleu De gris ou de noir Quand je repense à tes yeux Je me dis qu'il y a d'l'espoir. La vie parfois se décolore Le mal se tord et s'essore Les mots gangrènent mon palais Serais-je une machine à laver ? Non je n'ai rien à ajouter Le silence enfin se fait. Un bruit de fond s'installe Sans même me le demander Mon cerveau est en cavale Il va falloir le brider ! La vie est faite de bleus : De bleus, au cœur et à l'âme Un doux reflet des cieux De nos aïeux qui se pâment. J'dessine aux crayons d'couleurs Un délicieux arc-en-ciel Et je gomme tous ces pleurs Pour faire entrer le soleil. La vie est faite de bleu De noir ou bien de gris Mi eau, mi feu Tantôt enfer ou paradis ...

Lettre d'un soldat

Sur un sol nauséabond Je t'écris ces quelques mots Je vais bien, ne t'en fais pas Il me tarde, le repos. Le soleil toujours se lève Mais jamais je ne le vois Le noir habite mes rêves Mais je vais bien, ne t'en fais pas … Les étoiles ne brillent plus Elles ont filé au coin d'une rue, Le vent qui était mon ami Aujourd'hui, je le maudis. Mais je vais bien, ne t'en fais pas … Le sang coule sur ma joue Une larme de nous Il fait si froid sur ce sol Je suis seul, je décolle. Mais je vais bien, ne t'en fais pas … Mes paupières se font lourdes Le marchand de sable va passer Et mes oreilles sont sourdes Je tire un trait sur le passé. Mais je vais bien, ne t'en fais pas …

Née en 1975 à Grenoble où elle réside toujours. Déjà auteure de deux recueils de poésie qui s'intitulent « Voyage au pays des mots », « Des mots, une vie ... », elle renouvelle l'expérience avec un troisième recueil intitulé « Sur un fil ... ». Elle a ce goût pour l'écriture depuis de nombreuses années et souhaite donner un peu de rêve, un peu de légèreté et de fraîcheur à tous ceux qui lisent ses écrits. Elle écrit également des chansons qu'elle interprète à la guitare et participe à des scènes ouvertes de slam.

Sur un sol nauséabond J'ai écrit ces quelques mots Je sais qu'ils te parviendront Pour t'annoncer mon repos. Je suis bien, ne t'en fais pas …

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linge, neige, je singe

Nicolas LE BALCH

fatigue d’un déséquilibre, un genou au sol, il veut restituer à l’informe une part d’attention, attirer la bête, dans un monde glacial il marche glissant. horizon blanc les aiguilles flottent

Je m’en vais sur la neige

Devant soi, un homme et l’hiver. Il marche dans un monde. Autour craquent les gouttières, les animaux apeurés hurlent, les champs ensevelis sous la neige. Se découpe parmi le blanc étincelant un chemin droit, une ligne, il marche dans un monde blanc désolé il avance. Les clochers de givre enflamment les yeux, l’arbre noir résiste, il peut oser très loin des terres, il a confiance. Cette route coupe en plein milieu magistral droit sec devant, une grande ligne coupe cet univers, blanches les voitures sont recouvertes, les enfants meurent neige éblouissante Le pas lourd, avide d’un élan, il rappelle un ours blanc vagabond, un enfant ridé dans un blanc de tumulte. Désolé il avance sur une ligne, droite infinie, au milieu des champs de linges

l’herbe la plante se forcent un passage défoncent le blanc craquellent avec tonnerre le pavé de linge linge, neige, je singe, je change il marche sur son chemin, autour le blanc s’éteint, soufflent le sable les tourbillons silencieux, peu à peu, couleur jaune, terre, vert, sable la nature défonce la nature, il marche dans un monde aux tours moins blanches, un réveil. Il a réalisé l’initiation d’une méprise, et devant soi, l’été. Il marche lentement léger serein, les voitures brillent, les rues, vivantes, bruyantes. Il observe le mystère de l’autre herbe, pousse l’herbe explose sable s’enroule étrangle une ville marche dans un monde où le sable autour de lui les lumières chaudes mais le sable linge, neige, je singe, sable il marche lentement, dans un monde où les trains coupent les têtes. Arrive un pont

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où les trains passent, les têtes folles la voûte. Immobile il lève la tête s’envole, accroche ses mains à une poutre de fer, celle qui tient. S’envole se suspend, ses mains tiennent, se suspend balance, doucement, devant derrière, le vent chaud, le sable, des bruits

Nicole HARDOUIN

ARABESQUE Lierre impatience nocturne colonne torse de mon errance

sens

Algue portée délirante solfège de vos torrents

une écoute tu meurs un homme couleurs

Eclairs creusets ruisselants torsion de nos grèves

linge, neige, je singe, sable, couleur

Chevalier conquérants de mes créneaux paladin des murailles d’eau

sous la poutre, le corps s’étend s’étale le sable gratte et recouvre la clavicule grandit la rotule s’allonge le sable gratte un cœur dévrillé. Il se balance

Amazone sur la sente de vos abois odalisque sur la toile de vos alcools

serein

Arabesques pour étoffes secrètes.

devant

FUITE derrière

Il la voit lui retire sa cape de grésil chasse le vent endormi dans ses cheveux

doucement le souffle pousse prononcer un mot était inutile

il la regarde lui conte les orages l’entoure de miel et de nuages

il se balance lentement

naissent les éclairs

un souffle

d’étranges portes s’entrouvrent remparts du doute seuil du feu

une écoute et devant

elle fuit insaisissable reste un sillage incarnat trace pour un cri.

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Agé de 59 ans, Yann Le Puits est l’auteur de nombreuses nouvelles, de poèmes, romans, pièces de théâtre, articles critiques, satires et pamphlets. Malvoyant de naissance, il a créé uniquement pour ses propres publications sa propre « maison d’éditions » en 2007, que par autodérision, il a nommé « La Clairvoyance ». Le texte que vous venez de lire est extrait de « Pot-pourri tourangeau ». Pour tout contact, écrire à : Yann Le Puits, 95 rue de la Mésangerie – 37540 SaintCyr-sur-Loire. jlefouler@laposte.net

Yann LE PUITS L’île hippopotame (1) Ile Simon, île Simon, accueillante sous tes feuillages, dis-moi de qui tu portes le nom ! L’éponyme fut-il l’apôtre, originaire du Pays de miel et de lait, qui jusqu’en Perse, sous forme de paraboles, clama la Parole, dont le monarque, l’autocrate, prit ombrage et causa la perte du Saint ? Ou fut-il cet autre, l’homonyme hérésiarque, mage et fauteur de simonies ? Si mon île m’était contée… Que cherchons-nous, lorsque vers toi du coteau nous descendons ? Voulons-nous devenir, par la contemplation des courants, remous et tourbillons, de rémissibles Robinson ? Vendredi, avec nous, viendra-t-il partager notre exil provisoire ? Ou serons-nous insulaires volontaires, de ces amoureux des eaux jamais en repos, amants des rivages ? Sans quitter la Ville, Grâce à notre île, Partir en voyage, Avec pour seul bagage La feuille et le stylo, Pour seul paysage, Les visages de l’eau. Ile Simon, île Simon, tu n’es pas que l’assemblage, plus ou moins fortuit, plus ou moins nécessaire, de terre et de pierres, de sable et de vase, arrêté sous le pont Napoléon, lequel ne nous mène à nulle victoire, à nulle défaite, mais à la fête du Fleuve. De lui, tu es la fille, Ile Simon, et c’est toi qu’il fête. Ses courants de partout te pressent, te caressent et te bercent.

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Lorsque sous les arches du vieux patriarche, nommé Wilson, sonne et résonne le tam-tam, île Simon, sous ton dos bombé qui porte coureurs et promeneurs, tu deviens hippopotame. Nous sommes si sûrs, candidement, de te trouver là, ancrée, amarrée, telle une gabarre, entre les deux ponts, au milieu de la bagarre des courants, remous, et bouillonnants tourbillons aux entrailles noires. Une nuit, si j’ose prophétiser, tu nous quitteras, île Simon. L’immobilisme t’affame. Les levées sont de mornes horizons. A pleine force, tu assumeras ton corps d’hippopotame, ou ton destin de gabarre. L’île Aucard enviera la liberté de ta navigation. Ile utilitaire, elle restera fidèle au Pont de Fil et solidaire de la Ville. Ile hippopotame, ton but sera l’estuaire, puis l’océan ! Les vagues ondulantes et déferlantes te mèneront à la recherche de la Mésopotamie, jusqu’au Tibre, jusqu’à l’Euphrate… Sous les arches où grondent et tonnent les courants féroces, se propulsent et se bousculent les si fascinants tourbillons, le tam-tam tambourine le tintamarre aux mains noires, aux paumes africaines, aux doigts rapides, agiles, habiles et sautillants. La primavera parmi nous s’est installée. Le Fleuve célèbre sa crue. Sa beauté s’en est accrue d’autant, puisqu’il restaure sa sauvagerie. Telles lianes flexibles, les longs corps sombres arborent le bariolage équatorial, virevoltant et tropical de la vieille mère Afrique. Sur les quais, l’évêque Grégoire de Tours, Descartes et Rabelais s’interrogent en Latin. Ces sons venus d’ailleurs ne parlent pas leur langage d’érudits. Senghor (2) traverse le jardin des Prébendes, salue le Lycée, puis s’achemine vers le Fleuve. Il n’en peut douter : ses frères et sœurs en négritude sont arrivés. A l’ancienne source, ils s’abreuvent. Au creux de la longue conque du Fleuve, tu palpites, île Simon, hippopotame civilisé. Ton âme réclame le tam-tam. Tes roches aux paupières de mica fouillent la nuit des courants, qu’explorent aussi les réverbères de Wilson. Tes pattes de cailloux tâtent le lit, cherchent le fond, palpent les profondeurs des sablières, où luttent et se battent les remous. L’éléphant des jardins de l’archevêché, tout empaillé qu’il est, se réveille. Il écoute l’ancestrale musique, l’obsédante redite. Ses larges oreilles palpitent. Ses pattes engourdies par un siècle de taxidermie trépignent et piétinent. Sa trompe s’élève. Il barrit sa colère d’être prisonnier, défenses en avant, propulse sa masse contre la porte, la pulvérise ! L’impérieux appel du tam-tam a réveillé sa mémoire. Sa pachydermique cervelle en est certaine : l’Afrique


est là. O, dieux du Baobab, de la Savane et de la Forêt, retourner à la source obscure et néanmoins solaire ! Stupéfait, l’aréopage des écrivains regarde passer l’éléphant, qui va se joindre aux danseurs. La frénésie gagne les longues lianes humaines d’ébène, vêtues de palettes dansantes, dignes du perroquet. Le tam-tam ameute tous les échos, amassés, enfermés, sous les voûtes catholiques de la cathédrale. Les orgues se tiennent cois. Le curé de Tours se scandalise : à quoi rime ce tapage ? O messe nocturne et chaotique… En son lycée retranché, Paul-Louis Courier nargue le vieux curé. A son adresse, et à celle de tous les ultra cléricaux, il lance un pied de nez insolent. Même les gisants princiers remuent un peu. Fils du Roy Charles VIII et de la Duchesse Anne, leur sommeil cinq fois centenaire est perturbé. Sur un coude, ils s’appuient, dressent la tête et le buste, s’asseyent, baillent et s’étirent. Voilà que ces revenants de marbre blanc arpentent la nef et le transept. Dans le jardin de la place François Sicard, Michel Colomb, le sculpteur, se félicite. Son neveu a bien œuvré, puisqu’il tailla des gisants capables de marcher ! Les plis minéraux des robes se fluidifient. Sur le tissu, les lys s’épanouissent et les dauphins se sentent redevenir maritimes. Face à l’autel, les héritiers de la couronne vont s’agenouiller, pour demander la communion. Sur sa croix, Jésus ne s’en étonne pas. Pour Lui, le miracle est la normalité. La mélopée s’élève vers la cambrure étoilée. Cent vernaculaires, sous des masques fantasques, chantent l’épopée du lion et de la hyène, de l’antilope et du zèbre, du gorille et de l’éléphant, de l’aigle et du crocodile, de la gazelle et du boa. Même Balzac se réveille, et, par les Cent Marches si mal comptées, quitte le coteau, descend de la

Grenadière, vers le pont de l’homme aux Cent Jours, égyptien d’adoption, africain par défaut. Prudemment, Anatole France et Bergson demeurent à l’abri de leurs murs campagnards, non loin du Lycée japonais. Jusqu’à ce que l’aube blanchisse les ténèbres, voici le ramdam du tam-tam, qui brame, clame, sous les arches du patriarche, où courants, remous et tourbillons chantent la rencontre intercontinentale, multiséculaire, interculturelle. La nuit s’enflamme, et les mains noires, brunes, jaunes et blanches acclament les hommes et femmes qui proclament la joie ! Jusqu’en haut du coteau s’élève la clameur du tamtam… La Ville vibre, la nuit s’amplifie, sur le ciel devenu piste de danse tambourinent les ballerines des étoiles. Le firmament s’apparente à un fabuleux tamtam, animé par les dieux nègres. Pour cette nuit blanche, merci, O vous hommes et femmes noirs ! (1) L’île Simon, sur la Loire, entre Tours et Saint-Cyr, lieu de promenade hautement prisé par les tourangeaux. (2) « Jardin des Prébendes, Tu m’as touché l’épaule, Comme je passais le long de tes grilles vertes, Indifférent… » Léopold Sedar Senghor, collection « Poètes d’aujourd’hui », chez Pierre Seghers, page 111, édition de 1965.

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What do you want ? Marina Temkina (traduit de l’anglais par K.J.Djii) Marina Temkina est née à Leningrad et vit à New York City. Elle a publié quatre recueils de poèmes en russe. Chasti chast’ (Une partie de partie), V obratnom napravlenii (Au verso), Kalancha (Tour de guet), Canto immigranto (Chant d’immigré). Ses œuvres apparaissent dans plusieurs anthologies internationales. Elle a également publié deux livres d’artiste en collaboration avec Michel Gérard : Observatoire Géomnésique et MoMa Duomo : Douze objets de mélancolie et l’obélisque fracturé. Marina est aussi l’artiste-auteur à l’origine de plusieurs installations poétiques multimédias. What do you want ? est le premier livre de Marina Temkina en anglais.

Je ne sais pas comment être une grande artiste. Je sais comment être une artiste de taille moyenne, vraiment une artiste, connue par quelques artistes inconnus, reconnue par quelques artistes méconnus, célèbre parmi une poignée d’obscurs artistes. Je peux vivre avec cela, je veux dire, je peux vivre sans cela.

*** J’aime les traducteurs. J’aime les revues. J’aime les revues de poésie. J’aime les maîtres. J’aime les mentors. J’aime les professeurs poètes. J’aime la poésie académique. J’aime la mauvaise poésie. J’aime la bonne poésie. J’aime mieux la mauvaise poésie. J’aime les mauvais musées. J’aime les parkings de musée vastes comme un pays. Les parkings de musée sont plus grands que les musées. J’aime les gardiens de musée. J’aime les gardiens de nuit. J’aime les gardiens de fenêtres. J’aime les fenêtres.

*** Je suis une fille à temps plein de ma mère juive. Je suis une mère à temps plein, ou j’avais l’habitude de l’être. J’étais une étudiante à temps plein et à temps partiel. J’étais une employée à temps partiel et indépendante. Je n’ai été poète à temps partiel qu’une seule année de ma vie. J’ai envie de plus d’années pour être poète à temps plein et artiste à temps plein. Je n’ai pas envie d’avoir d’illusions. Je ne peux que causer en russe, ma langue natale. Je suis un exemple de la manière dont l’anglais est devenu international. Beaucoup de gens sont contre. L’anglais n’est pas ma langue natale.

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*** Je suis une adulte mature en évolution. Je suis en train de perdre des illusions. Je suis dans le processus de perdre des illusions et de gagner en identité. La vie va vite et en beauté. J’essaye de sentir la vie. Je suis dans le processus d’essayer de sentir la vie. La vie va trop vite et ça c’est bien. Tout ce que j’essaie de dire ressemble à un exercice d’anglais de seconde langue.

Le Prix d’Edition poétique de la Ville de Dijon 2011 a été remis le 13 mars dernier à Arielle THOMANN pour son recueil Villanelles. Dans une préface où il nous confie sa prédilection pour la musique des mots, Louis Delorme nous dit combien il rejoint l’auteur dans sa conception d’une poésie alliant le charme, la légèreté, au respect du lecteur. Est-ce là une notion nouvelle, ou plus simplement un retour aux sources ? Ce recueil vous offre une soixantaine de pièces (comme l’on dit en termes musicaux) amusées, qui, regroupées sous le titre d’une forme fixe, dessinent toutefois toute une diversité autour de ce qui n’est qu’une réminiscence réinventée en permanence. Il faut surtout retenir la grâce, l’envol, le plaisir de la lecture, les résonances humaines qui relèvent de la discrétion des clins d’œil et de l’amicale connivence.

*** J’aime les intérieurs d’immigrés. C’est un intérieur interne. C’est un paysage sans meubles. C’est un style de vie de nouvelle arrivée. C’est la question : pourquoi suis-je partie. C’est la question : d’où suis-je venue, où vais-je aller. C’est la question des statuts sociaux, d’identité, de langue, d’argent, de bon sens, de santé mentale, et de survie. C’est la fin. C’est le commencement.

Bleu tendre

*** Leningrad est une ville de grands poètes. Lorsque nous nous sommes rencontrés, Michel m’a demandé : « Es-tu une grande poète ? » C’était un défi. A New York cette question n’était pas mon problème. J’ai dit « Oui ». Je suis une poète et les mots sont ma force. Je suis une poète immigrée et les mots sont ma faiblesse. Il ne m’a jamais reposé la question. Je suis née à Leningrad. Michel a grandi rue de Leningrad à Paris. C’est une pure coïncidence. Notre spectacle Rue de Leningrad n’est pas l’apologie de l’hétérosexualité. Les poètes sont créatifs et ont besoin de survivre. Tous ceux qui vivaient à Leningrad étaient créatifs, tous étaient poètes. Leningrad est une ville située entre l’impérial et le totalitaire. La beauté est problématique.

Le ciel est de ce bleu d’enfance qu’on enfermait dans ses deux mains celui du grand bol en faïence où tournoyait le lait moussu Une moustache de nuages monte aux lèvres de la colline qui boit les coudes sur la table à longs traits l’azur ingénu

Villanelles, par Arielle THOMANN, un recueil de 72 pages, préfacé par Louis Delorme, est disponible auprès de l’Association ( J-M. Lévenard, 25 rue Rimbaud – 21000 Dijon) au prix de 10 € (port compris). Ce recueil a été publié à 500 exemplaires. Date butoir pour le dépôt des manuscrits pour participer au Prix d’Edition poétique de la Ville de Dijon 2012 : 30 septembre 2011. Voir le site DES PASSANTES.

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La Chronique Huronnique de Louis LEFEBVRE (Les Brenots - 58430 Arleuf) non-agrémentée de dessins de Marie-Laine. Marie-Laine a disparu. Je n’ai même pas reçu une carte postale. Peut-être m’a-t-elle téléphoné ; mais moi, je ne suis pas branché en permanence. Je ne possède pas de portable, ce fil à la patte qui vous relie à n’importe qui et à n’importe quoi. D’Huronnie, en ce mois où les jours n’en finissent pas, quand la renarde argentée, en peine d’amour, pousse des glapissements parmi les jacinthes bleues. Amis de France, Des événements sont survenus que les conjoncturistes, les chroniqueurs, les prévisionnistes, les politologues n’avaient pas prévus. On dit que le vent de l’histoire a soufflé. Tramontane, zéphyr, autan, suroît ou sirocco... on ne sait, mais ce fut un joli vent de printemps qui souffla sur le monde arabe. « Dégage ! »... quel joli mot ! Un mot bien de chez vous, amis de France. Il était écrit en français sur des bouts de carton brandis par les Tunisiens. Il était écrit en arabe sur des bouts de carton brandis par les Egyptiens. Les Lybiens ont osé le mettre sous le nez de Kadhafi ! Le vent de l’histoire possède un souffle irrésistible et chamboule sans vergogne ce qui semblait indéboulonnable. « Dégage ! » ... Amis de France, vous vous êtes réjouis de voir naître ces révolutions. Cependant il y avait pour vous, dans cette grande fête arabe, un arrière goût, une sorte de dépit, une amertume, quoi, un froissement d’amour propre difficile à supporter. En un mot, vous étiez jaloux. « Dégage ! »... Eux avaient osé. Pas vous. Et tout naturellement, est né un racisme bien de chez vous, un racisme françouillard. Ah ! on en a entendu ! « La révolution, pour eux, c’est une occasion de faire la fête. Rien de plus. On dirait qu’ils ont gagné la Coupe du Monde de Foot ! » « Ils baratinent, ils chantent, ils gueulent des slogans, ils dansent... et puis, ils prient, tous le derrière en l’air ! Ils appellent ça, une révolution ! » « Leur révolution, où est-elle ? Le dictateur maffieux fait sa valise. Bien. Mais après ? Ils n’ont pas de projets, pas d’idées, pas d’idéal : ils sont bons pour une autre dictature ! » « Inch Allah, c’est toute leur philosophie. Inch Allah, c’est le fatalisme, et le fatalisme, c’est le contraire de l’idée révolutionnaire ! » « En Tunisie, ils font une belle révolution et, au lieu de rester chez eux et de se mettre au travail, car tout est à construire, tout est à inventer, et c’est passionnant ! Non,

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au lieu de se consacrer à leur démocratie toute neuve, les voici qui s’expatrient ! Je ne comprends pas ! Je ne les comprends pas ! « (C’est notre grand philosophe, Monsieur Finkielkraut, qui a sorti cette philosophique ânerie à la télévision.) Enfin on a aussi entendu : « Avec leur révolution à la con, ils nous emmerdent ! Vous avez vu le prix de l’essence !... » Votre racisme françouillard se porte bien, amis de France. Un racisme cocardier qui ressemble fort à votre racisme à l’encontre des gens du voyage ou des Roms. Et pour achever ce beau printemps, pour le rendre encore plus triste et plus grisâtre (ou brunâtre), on apprenait que votre Extrême Droite, revigorée et fraîchement repeinte en bleu marine, serait, selon les sondages, en tête lors de l’élection présidentielle. Ah ! Amis de France, vous vivez dans un pays extraordinaire ! « Douce France !... » dit la chanson... Je vous salue, amis de France, du fond de mon Huronnie. Bien triste est ma lettre. Pardonnez-moi. Mais les nouvelles de chez vous, cela donne envie « de se les prendre et de se les mordre à belles dents ». (C’est une expression huronne. Je vous l’expliquerai dans une prochaine lettre, ou Marie-Laine vous fera un dessin.) Votre Huron, Triple Buse. Non, on n’est plus chez nous ! « Les Français ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux » (Claude Angué, ministre de l’Intérieur) « C’est nous les gars de la Marine ! Quand on est dans les cols-bleus On n’a jamais froid aux yeux... » (Vieille chanson) Les ministres qui se sont occupés de l’immigration ont tous été remarquables. Après Feutehors (dit Fout-dehors) on a dit, on ne trouvera pas mieux. Eh bien si ! on a eu Sonbè. Après Sonbè, on a dit, on ne trouvera pas mieux ! Eh bien si ! on a Claude Angué. Ce dernier a déclaré, à peine arrivé au Ministère : « Les Français ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux. »


Et c’est une grande vérité ! Que l’on soit d’un bord ou de l’autre bord, c’est une grande vérité. DÉMONSTRATION : (Si vous êtes du bord droit - tribord) Non ! on n’est plus chez nous ! Vous avez bien raison Cher Monsieur Claude Angué, et les Français pâtissent. Notre France aujourd’hui, file un mauvais coton. Un coton sale, écru, avec lequel on tisse Les burqas, les tchadris et bien d’autres torchons. Non ! on n’est plus chez nous ! cher Monsieur Claude Angué. La France peu à peu est mise en sous-traitance. Où sont donc les Français, qu’on se dit, étonnés, Les Français bien d’chez nous, les vrais Français de France ? Partout on voit se pavaner Blacks et Bronzés ! (Si vous êtes du bord gauche – bâbord) Non ! on n’est plus chez nous ! quand on entend, bon Dieu ! Chanter en chœur « C’est nous les gars de la Marine ! » Quand tous les fachos ont des sourires radieux ; Quand le bleu du drapeau tricolore est marine ; Quand on ressort les vieux slogans patrioteux. Non ! on n’est plus chez nous ! c’est bien la vérité, Quand la chemise brune est teinte en bleu marine. Car les chemises de chez nous, Monsieur Angué, Sont bigarrées. La teinte uniforme et blue-jean(e) On n’en veut pas ! Merci, pour le prêt-à-porter ! La France, M’sieur Angué, la France de chez nous N’est pas raciste, fascisante et imbécile. Si on n’est plus chez nous, c’est à cause de vous, De vous, de vos amis et de tous ces débiles Qui veulent à la Liberté tordre le cou ! On remarquera qu’il a fallu deux strophes pour démontrer à ceux de droite que Monsieur Angué avait raison, et trois strophes pour démontrer à ceux de gauche la même chose. C’était en effet plus difficile. BALLONS DE FOOT AFGHANS C’était une fabrique de ballons de foot en Afghanistan. Pour coudre les ballons, on employait des enfants. La Fédération des Fouteux, au moment de la Coupe du Monde, a exigé que tous les enfants soient licenciés. Désastreuse image que ces pauvres gosses cousant des ballons pour un salaire de misère ! Les gosses ont été embauchés par la fabrique d’à côté. Une fabrique de briques.

- Les briques, c’est drôlement plus lourd à la fin de la journée, disait un petit môme de huit ans interviewé. - Moi j’aimais mieux coudre des ballons, disait une gamine de dix ans. C’est moins dur que les briques. Et puis, on travaillait à l’ombre. - Ce qu’il faudrait, expliquait une responsable d’une ONG, c’est bâtir une école, y accueillir tous ces enfants en les payant. Le salaire devrait être supérieur à celui qu’on leur donne dans une fabrique. Elle rêvait la pauvre femme ! Mais rassurez-vous, tout est arrangé ! La Coupe du Monde étant passée, la fabrique de ballons a réembauché les gamins et les gamines. C’est ce qu’on appelle le meilleur des mondes possibles. HONNEUR À LA TURQUE «Töre killing» c’est le crime d’honneur en Turquie. L’homme déshonoré égorge la femme fautive. Ainsi il retrouve son honneur. Il a lavé la tache faite à son blason. « La femme est l’honneur de l’Homme ». En Turquie seulement ? « Et on peut me réduire à vivre sans bonheur, Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur » Voici ce qu’il nous serine, cet imbécile de Rodrigue. Il sacrifie Chimène à son honneur. C’est un crime d’honneur, bien de chez nous, que tout le monde admire. L’histoire est ancienne. Elle a commencé avec Ève. Ève a déshonoré Dieu en se moquant de lui, en le narguant. Dieu pour retrouver son honneur – ce qui est indispensable quand on est Dieu – a châtié Ève. (Genèse...) Il ne pouvait pas la trucider, elle devait procréer et multiplier. Tenez-vous bien, les belles ! Marchez droit. Pas de faux pas. Soyez sans taches. Irréprochables. Soumises et respectueuses du diktat de votre époux. Vous avez l’honneur d’être son honneur. L’homme, depuis l’aube des temps, a compris que son honneur était une chose fort précieuse mais fort lourde à porter. L’honneur était un fichu handicap. Mais si l’honneur est matérialisé par une femme, tout devient facile. Il suffit de corriger, voire de tuer cette femme pour que l’honneur soit sauf. C’est un subtil détournement inventé par des salauds. - Que vouliez-vous qu’il fît ? - Qu’il la tuât ! L’homme préhistorique, déshonoré parce qu’il revenait de la chasse sans ramener une cuisse de mammouth, attrapait sa femme par les cheveux et la traînait à travers toute la tribu en l’écrabouillant à coups de massue. L’histoire d’Éve est une variante.

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A SES ENFANTS HORS-LA-LOI, LA LITTÉRATURE RECONNAISSANTE par Jean CLAVAL LES QUINZE JOYES DE MARIAGE

Ah ! c’est ce que vous ne comprenez pas, monsieur. Les femmes ne pensent qu’à se marier. Jeunes ou vieilles, petites ou grandes, blondes ou brunes, elles ont toutes cela en commun : la rage du mariage. Somerset Maugham (La bonne douzaine)

L’auteur de ce facétieux mais virulent brûlot nous demeure inconnu. Un temps identifié à Antoine de La Sale (1385-1460), auteur du Petit Jehan de Saintré, le conjecture se révèle peu plausible en raison d’une divergence évidente entre les usages nobles du milieu aristocratique où évoluait La Sale et la connaissance pénétrante de la vie bourgeoise démontrée à chaque page du pamphlet anonyme. Celui-ci nous plonge dès son prologue au cœur du sujet : le célibataire ressemble au poisson évoluant en pleine eau mais il aperçoit une nasse, endroit paradisiaque lui semblet-il, où s’ébattent plusieurs de ses frères ; il s’efforce de les rejoindre, y parvient sans peine et le voilà immergé dans une abominable géhenne. Ainsi en va-t-il de la nasse du mariage, chaque chapitre se terminant d’ailleurs par la nette conclusion : il usera sa vie en gémissant toujours et finira comme un misérable. Bien sûr, le terme joies en l’occurrence employé par antiphrase signifie en réalité déboires, traverses et malheurs. Avant de nous initier à sa Philosophie dans le boudoir, Sade met en exergue : « La mère en prescrira la lecture à sa fille ». Oserons-nous placer ici opportunément en forme d’épigraphe : « Le père en prescrira la lecture à son fils ». Les Quinze joies du mariage ne furent jamais officiellement l’objet d’interdictions, mesures de censure ou pilonnage. Tout simplement, l’ouvrage se trouva honni et décrété hors-la-loi par une bonne moitié de l’humanité. Laquelle ? La moitié féminine. Sans éclat, tacitement, les ligues féministes, les mouvements de libération de la femme, leurs précurseurs ou équivalents aux époques antérieures, les suffragettes ou assimilées classèrent le livre, option vaticane, à l’Index ou, option maccarthyste, le portèrent sur une liste noire. Nonobstant l’évolution des mœurs et de la société depuis six siècles, pour lui conférer une fraîche actualité, il

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suffirait de quelques modifications par-ci par-là de disposition de lieux et de vocabulaire. Si les prémices du cocuage ne s’amorcent sans doute plus guère par des abouchements à l’église, si la vie en appartement ou en pavillon se prête moins aisément aux intrusions circonspectes de l’aspirant à l’adultère dans le foyer conjugal, nous pouvons présentement parler par analogie de réunions prétendument professionnelles, d’associations de quartier, d’hôtels discrets, voire de maisons de rendez-vous. Si les commères, matrones et chambrières se dénomment de nos jours amies d’enfance, collègues de travail, voisines ou femmes de ménage, par contre restent inchangées la mère de l’épouse et sa parentèle complices de manigances et entourloupes concoctées à l’insu du candide cornard. Concordance de pensée d’auteurs, influence implicite, référence consciente, quelles qu’en soient les raisons, maints écrivains rejoindront l’esprit des Quinze joies, elles-mêmes dignes héritières de la Satire VI de Juvénal. Par exemple, comment ne pas penser à la Quatorzième joie en lisant dans les Pickwick papers de Charles Dickens les mises en garde répétées du père de Sam Weller relatives au mariage avec une veuve ( en ce XXI° siècle, nous pouvons compléter : avec une divorcée ou une femme séparée après quelques lustres d’union libre). De même, Le Mari de la guenon de John Collier nous présente un cas intéressant de sujétion dont fort heureusement le pitoyable héros est sauvé in extremis. Si nous devions dresser une liste, certes non exhaustive, d’une postérité avérée, nous ne manquerions pas d’y faire figurer en bonne place Jean Rostand, Henry de Montherlant, Léon Blum, William Faulkner, Rex Warner et Marcel Jouhandeau avec ses impérissables Chroniques maritales. Nous espérons que nos lectrices, mariées ou non, ne prendront pas ombrage de l’évocation d’un divertissant classique de la littérature française du Moyen Age tombé dans un quasi-oubli regrettable. Nous n’en connaissons pour notre part que de rares éditions à tirage limité, sur grand papier, ordinairement enrichies de plaisantes illustrations.


NOTES DE LECTURE par Louis DELORME Claude LUEZIOR – SOLEIL LEVANT – L’HARMATTAN éditeur Dans sa dédicace, mon ami Claude Luezior souligne : " ces instants d’éternité où vivent les mots ". La poésie (l’écriture de façon plus générale) ne fait rien d’autre que de cueillir ces instants d’éternité qui nous sont chers, que ce soit les capter au moment où ils se produisent, comme des sortes de flashes pour la mémoire, ou les ressusciter, de toute manière pour les retenir dans cette pérennité calligraphique qui fera les délices du lecteur. Cela est vrai aussi loin que l’on remonte dans le temps, depuis François de Malherbe qui s’exprime sur la douleur de Dupérier à propos de la perte de sa fille :" Et rose elle a vécu ce que vivent les roses / L’espace d’un matin ", jusqu’aux plus contemporains de nos poètes, en passant par Marcel Proust qui retrouve, à travers le goût particulier de la madeleine trempée dans la tisane de tilleul, les dimanches matin qu’il passait avant la grandmesse auprès de sa grand-tante Léonie. La poésie se fait avant tout avec des mots, des mots que l’on fait vivre, que l’on fait revivre. Le mot est bien ce matériau qui permet de retrouver le temps perdu à la recherche duquel on s’est lancé :" Sur le quai, un trésor de voyelles parmi les flaques, des consonnes comme des nervures. De longues chaînes aussi, qu’on appelle phrases, avec des nœuds qu’on appelle verbes". Il ne faut rien négliger de l’écriture : " Et puis, une poussière de petits riens en points-virgules, saupoudrant la scène, deuxtrois oiseaux du paradis échappés de leur cage comme des adjectifs coloriant l’espace." Et le poète de s’interroger : " ces mots élémentaires / seront-ils nourriture / pour poètes en maraude ? // être l’architecte / d’intimes / exubérances ". La nature qui se renouvelle participe elle aussi à cette recherche. Ne va-t-elle pas jusqu’à la commander ? : " Le cytise grelottait d’impatience : il lui fallait repeindre d’or le printemps retrouvé." La poésie se veut miroir, ricochet, décalage dans le temps. Elle immortalise plus encore qu’elle n’éternise, si on me permet la nuance. " nous calligraphions des instants d’éternité ". En voici un des plus souvent traqués par les poètes : l’amour. " dans la fraîcheur lascive / d’un sousbois / où nous sommes allongés / galopent les fougères // et le vent ". L’auteur établit un parallèle entre le temps qui court ( galopent ) et l’instant qu’il veut retenir ( la fraîcheur lascive ). "Lettres d’amour ". Ainsi s’achevait le premier texte "mouillage" qui nous a servi de départ. L’amour est là, présent, tout au long du recueil mais il ne se départit

jamais des mots, de l’écriture qui va le transcender : "j’ai inventé ces gouttes / de mots innocents / qui égarent / nos lèvres ferventes " et plus loin : "là où l’absence d’encre équivaut à ne pas exister" La poésie n’est pas que l’aventure à deux. Le poète ne peut s’abstraire du monde, mal gré qu’il en ait. D’abord, la langue n’est-elle pas en train de se détériorer ? "Chaque langue nourrissait son génie en une lampe magnifique. Aladin s’est fêlé : il n’en reste que borborygmes. " La violence n’est-elle pas partout présente ? Claude Luezior nous l’annonçait dans son premier poème qui commençait par " Mouillage " (déjà cité ) : " des mots contre les infamies, des mots pour fortifier les fibres des hommes, des mots pour nourrir, chanter, des mots pour guérir. " Comment le poète ne s’engagerait-il pas contre la barbarie renaissante ? " Des barbelés en majuscules cisaillent le paysage de Canaan. Sur ces contreforts d’intolérance, une poignée de galets échappés à des lapidations mutuelles. On a verrouillé les collines des patriarches... apprivoiser un lézard semble plus aisé que de parler à son frère. " Le poète termine comme il avait commencé : dans son texte préliminaire en effet, il avait dénoncé la déshérence dans laquelle se trouve la poésie : "Lire cette langue étrangère qu’est la poésie n’a plus de sens". Il termine par une sorte d’exaltation qui devrait nous faire prendre conscience d’un retour nécessaire vers des valeurs que nous avons fuies : "Poésie en robe du soir que l’on piétine, redresse-toi ! Redresse la silhouette de tes rythmes, du drapé du verbe que l’on scande, la soie syncopée de ces mots que l’on élude. Haute couture de la langue, tu es souvent inabordable, faite sur mesure pour mannequins filiformes". A nous, poètes, d’en tirer les conséquences.

Thérèse Mercier † – Les Cahiers du temps – Librairie-Galerie Racine Quel plus bel hommage pouvait être rendu à Thérèse Mercier que ce florilège de son œuvre, cette belle œuvre que fut aussi sa vie, au service de la poésie, des poètes, du théâtre ? Dans ces deux cent soixante dix pages, des extraits de ses douze recueils nous invitent à la découvrir ou la redécouvrir, comme un des poètes majeurs de notre temps. Découvrir Thérèse Mercier, c’est pénétrer au jardin de la poésie simple, abordable par tous, petits et grands, en ne perdant jamais de vue que cette simplicité qui se veut à la portée de tout lecteur, est peut-être la chose la plus difficile qui soit, lorsqu’on passe du côté plume. Parce qu’il y faut inventer le chant, le rythme, cet impalpable qui fait que les mots s’impriment dans la mémoire en y ressuscitant mille autres choses. : " les feuillages frémissent / sous un ciel orageux. / Le vent gronde sur le toit. / Les feuilles et les fleurs / rêvent encor d’été / de soleil et de joie. / Et pourtant septembre / les agite déjà / et veut les arracher / de leurs branches de vie. // Pourquoi la mort / Quand l’été est si proche // Pourquoi le port /

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Quand la mer est sans fin." ( in Messe d’une aube verte 1984 ) Thérèse ne cherche pas midi à quatorze heures : elle s’attache à créer une atmosphère, à susciter la nostalgie. Cette simplicité, le poète la revendique : "Je ne peux pas écrire comme tant de poètes / aux cellules constamment dans le cosmos, / aux matières grises toujours sur orbite / de la science et de l’intelligence. // Quelles sont mes images à moi ? // Quatre vies que j’ai vu grandir / me remplir à éclater / sans trop savoir pourquoi / Quatre vies que j’ai laissé naître / même si mon corps s’en déchirait". ( ibidem ) Thérèse s’est longuement battue pour défendre une certaine idée de la poésie, celle qu’essayait de perpétuer la Société des Poètes français où elle s’est beaucoup investie, celle des enfants des écoles, celle de toutes les associations où elle a pris une large part : les Poètes du Dimanche par exemple dont elle était Présidente d’honneur La dernière fois que je l’ai rencontrée, au Sénat, lors d’une conférence : "Nous sommes surmenés, vous et moi" m’a-t-elle dit. Elle s’inquiétait du déclin de la langue, ce qui ressort ici et là dans ses écrits : "L’écriture va mourir / Peut-on écrire/ les mains au volant / ou / sur les boutons des machines ? " ( ibidem ) Les inquiétudes de Thérèse Mercier, on les retrouve dans " le Bateau du non-retour 1984 " à propos de cette société de consommation et de ses dérives :" Ces boîtes vides, ces emballages / Ces verres non consignés ou sans retour / Ces pots de carton ou de plastique / Qu’est-ce que j’en fais ? / Je jette, je jette... On, jette tout / Les souvenirs / Les sentiments / L’amour ou / l’amitié... On en a trop / on ne sait plus où les mettre..." ( in " Gaspi-vie " ) Elle s’inquiète de voir " les gens [qui] marchent dans la rue / sans regarder le temps / sans regarder la vie / sans regarder les fleurs / sans prendre le temps / de vivre ". ( ibidem) Mais Thérèse Mercier privilégie par-dessus tout la poésie des sens, de la sensibilité. Comment ne le ferait-elle pas, elle qui recevait ses amis poètes à l’Artisan des Saveurs, rue du Cherche-Midi, pour leur donner la parole et mettre en valeur le meilleur de leurs textes :" Ce matin j’ai ouvert ma porte à la lumière du jour, à la pluie qui perlait mon visage, au vent qui m’enveloppait, aux parfums, aux couleurs qui envahissaient l’espace. // Tout était pourtant immobile (in " Le Voile du devenir 2000"). "Dans un jardin d’autrefois / J’ai recueilli des perles fines / des perles moqueuses // Je les ai enfilées sur un fil de soie / Et j’ai tressé une gerbe d’aurore " ( in " Sillage, 2005 " ). "Sillage !" L’ultime trace, le dernier recueil, celui que la mort signera de son grand silence. " Dans l’étrangeté / des firmaments / j’ai retrouvé mon étoile. // Je ne peux plus dormir / La mort me frôle / de sa longue épée mauve. // Rien n’est plus comme avant / L’homme est devenu loup." Ne nous y trompons pas. Le mot Sillage doit prendre toute sa signification. A nous de marcher dans cette trace laissée par notre amie ! Un livre précieux pour tous ceux qui ont connu Thérèse et n’ont pu faire autrement que de l’aimer. Précieux aussi pour les jeunes poètes qui entendent s’inscrire dans cette lignée qui doit continuer malgré le dédain et les entraves de toutes sortes qui sont faites à la poésie.

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Olivier DEMAZET - ESCRIVES DE TARN ET LOIRE - Variations - MONTAURIOL-poésie Un numéro de Montauriol-Poésie entièrement consacré à l’œuvre de son président-fondateur. C’est que, Olivier Demazet laisse sa place après vingt ans de bons et loyaux services auprès d’une association littéraire et artistique qu’il a fondée, dirigée et propagée au long de ces vingt dernières années. Il reste président d’honneur et c’est bien normal qu’on lui rendre hommage à travers cette publication. Escrives pour écritures – nous sommes en Occitanie – de Tarn et Loire, il ne s’agit pas d’un nouveau département mais bien de ceux où l’auteur a passé une grande part de sa vie. L’auteur a rassemblé ici ce que j’appelle des petites proses qui ne sont petites que par la longueur du récit. Anecdotes, nouvelles, traits d’humour, poème-amour, pointes de surréalisme, saynètes drolatiques, morceaux de science-fiction, nous enthousiasment tour à tour. Mais l’auteur ne se contente pas de nous faire rire, voire sourire, il nous fait part aussi de ses révoltes contre une société qui file à la dérive sur de nombreux points. L’absurdité est dénoncée avec force, chez le maniaque de la sécurité qui va jusqu’à attendre les cambrioleurs pour tester la fiabilité de ses installations, celle d’un contrôle de police où l’homme interpellé finit par dire qu’il fait la grève de la faim pour obtenir les papiers qu’il ne peut présenter, celle du collectionneur passionné de batailles et de défilés qui finit par se prendre pour Napoléon... à l’hôpital psychiatrique, celle du sport lorsqu’il n’est qu’une affaire de fric, etc. etc. C’est un peu toute la comédie humaine qui défile devant nous. Mais Olivier Demazet nous rapporte aussi quelques souvenirs de jeunesse, d’un temps où tout n’est pas encore comme ça, d’un temps, – celui des années 50 – où " nous descendons à Blois par le train pour « lever du gibier». La Sologne grogne et cogne toute proche dans ses futaies et broussailles à lièvres et sangliers. En jargon potache, nous allons chercher galante compagnie ». On lit tout cela d’un trait puis on savoure. On revient sur les textes qu’on a trop vite déflorés comme celui-ci : " Le Condamné : Je condamne / le condamné, à mort, / dit la cour. // Je condamne la mort / dit à son tour / le condamné. // Je vous condamne / alors à vie / redit la cour. // Ah ? Vous ne condamnez plus / la vie ? / redit le condamné. " Et tout cela finit par de longues méditations de la part du lecteur.

éditions Thierry SAJAT - Florilège de la SaintValentin Lorsque Thierry a lancé l’idée d’un Florilège pour la Saint-Valentin, il ne s’attendait pas à rencontrer un tel enthousiasme. Mais il faut croire que ce thème est particulièrement porteur, puisque ce ne sont pas moins de 227 auteurs qui ont répondu présents à son appel, pour un total de 750 pages, qui constituent une véritable anthologie de l’amour en poésie, laquelle à demandé à Thierry plus de deux ans d’un constant et opiniâtre labeur. Mais le résultat est là. Cette production est un véritable événement


poétique avec un large éventail de poètes, où chaque lecteur, sans forcément suivre l’ordre des pages, et même en ne le suivant pas, peut puiser abondamment et toujours avec le même plaisir. On notera la préface d’Henri Heinemann qui évoque la préhistoire de l’amour, le dépassement de l’acte sexuel par le regard, les yeux dans les yeux, qu’avait si bien exprimé JeanJacques Annaud dans La Guerre du feu. Celle de Thierry Sajat qui lui fait suite, insiste avec juste raison sur la possibilité qu’il y a de chanter l’amour, pour les poètes contemporains, même si tout semble avoir été dit par les grands de la poésie. D’autres ouvertures sont possibles et souhaitables. D’autres regards, d’autres expériences : l’écriture n’est jamais finie. On retiendra aussi l’excellente histoire de la Saint-Valentin racontée par Jacqueline Picard. On appréciera également le travail de Patrick Marcadet qui a consacré une notice à chaque auteur. Andrée Sollier a signé l’illustration de couverture qui est la reproduction d’un de ses tableaux. Reproduction reprise sur un très beau signet qui accompagne l’ouvrage. Citer certains auteurs serait faire injure aux autres. A chacun de les découvrir dans ce superbe volume dont la richesse constitue une véritable mine dans laquelle on se plaît à puiser au fil des heures de détente. L’amour est-il devenu chez les poètes et par conséquent leurs lecteurs, une valeur refuge, en ces temps où dominent la violence, l’appât du gain et toutes les bassesses que l’on sait ? Il faut y croire et espérer à tout le moins sa contagion.

par Jean CHEVALOT AFFINITÉS, de Jean MINEUR, 10 € aux éditions ÉDITINTER Le lecteur baigne dans des océans de lumière, de fleurs, d'oiseaux, de musique, d'éternité, d'amour, despérance et de fraternité. L'auteur utilise également des termes et des images religieuses pour décrire des sentiments somme toute humains et on se demande où se situe ce paradis irréel, quand soudain à la fin de « la conscience pauvre »: « Que faire de l'insondable souffrance des innocents? ». Ouf! Cette seule interrogation qu'on attendait avec impatience contrebalance tout le reste et réhabilite l'ouvrage! BONHEURS

DE SAISONS, de Philippe VEYRUNES Si vous souhaitez voyager et tout apprendre sur nos contrées les plus lointaines, lisez Bonheurs de Saisons ! De votre fauteuil, vous passerez de l'hiver le plus froid à l'été le plus torride, de la montagne à la mer quand ce n'est pas sous la mer,

du coin du feu à un déjeuner sur l'herbe. Le style de l'auteur s'affine au fil de ses ouvrage. Il utilise de longues phrases détaillées et bien structurées pour décrire, de très courtes pour l'action. Aucun plaisir des sens n'est oublié de sorte qu'on se surprend agréablement à jouir en plein hiver de la douceur d'une nuit d'été avec son cortège de lumières, de parfums, de musiques et de joyeux convives.

D’orage et d’azur, de Jane PERRIN (15 € Jane Perrin écrit en occultant juste les mots de trop et par association d’idées qui traduisent directement une émotion sans que la phrase ait besoin d’être complète. La force de sa poésie tient dans ce dépouillement discret. Au début de l’ouvrage, un peu dérouté, on pense assister à un gentil discours sur la beauté de la nature, mais plus on avance, l’azur s’assombrit, l’orage guette et éclate ! En fin de course, Jane nous assène, à la mode de son Jura, quelques poèmes bien fagotés qui sonnent juste et qu’on voudrait avoir écrit !

par Marie-Pierre VERJAT-DROIT Un journaliste charentais en Flandres autobiographie de Jean-Marie SOURGENS, éditions Publi-Nord, prix : 12€ Natif de la région champenoise, Jean- Marie Sourgens fut un enfant particulièrement « éveillé », militant au PCF dès son plus jeune âge. Il embrassa la carrière de journaliste et en accomplit l’essentiel à la Voix du Nord. Durant ces années journalistiques, il eut le privilège de rencontrer grand nombre de personnalités du monde littéraire et artistique tels Bécaud, Trénet, Ferré, Aragon et Triolet, Eluard, Cocteau, Prévert, Queneau, Mauriac, Roy, Cesbron ; la liste est encore longue ! A Roubaix, il photographia De Gaulle en visite dans le Nord ; des photos illustrent, dans ce livre, ces nombreuses rencontres. Jean-Marie commença à écrire à l’âge de dix neuf ans, notamment des poèmes, il fut très inspiré par Nerval, Musset, Baudelaire. Dans ce livre de souvenirs, il nous narre cette vie trépidante qui lui valut ces rencontres exceptionnelles, vie jalonnée de deuils, de grands bonheurs et de fortes amitiés masculines. Reconnu comme journaliste de qualité, il reçut plusieurs médailles dont celle des Arts et Lettres. De très graves ennuis de santé l’ont beaucoup affecté, il suit un traitement à vie. Mais il reste à soixante quinze ans, dit-il «l’enfant éternel», titre d’un de ses recueils de poésie.

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Jean-Marie Sourgens se consacre maintenant essentiellement à la lecture, à l’écriture de nouvelles et de poèmes dont certains ont été publiés dans notre revue et vit sereinement en compagnie de son ami Saburo.

par Claude LUEZIOR ENTRE TRACE ET OBSCUR, de Jean-Louis BERNARD, Ed. Sac à mots, 2011 Jean-Louis Bernard est un tailleur de pierre, un graveur de mots. Son outil n’est pas plume légère mais burin. La langue latine était lapidaire, dit-on. Par économie de mots, par rigueur, par choix de l’inaltérable. Contrairement aux tsunamis informatisés donnant aux scribouillards l’illusion d’une œuvre achevée par la seule mise en page d’allure parfaite. Non, Jean-Louis Bernard écorche ses mains de travailleur du verbe, saigne à chaque ligne. Sa poésie est dense, forte, âpre. La pire insulte serait de lire Entre Trace et Obscur en quelques minutes, de le survoler, de dire « voilà, c’est bien ». Un ambassadeur à la retraite me confiait à propos de l’Inde : « on peut aimer ou haïr ce pays, mais celui qui prétend que « c’est pas mal » doit être massacré dans les vingt-quatre heures ». Même sentiment à propos de ce recueil difficile mais saisissant de beauté. N’y allons pas par quatre chemins : Jean-Louis Bernard, à l’instar d’Yves Bonnefoy, Rousselot, Maulpoix, Cosem, Arabo, Passelergue, Hardouin, Chambelland et quelques autres, trace un chemin majeur dans la poésie française contemporaine. La page est dépouillée. Pas de virgule : le souffle de la verticalité y remédie. Pas de rime : n’a-t-on pas déjà presque tout exploité dans cette carrière-là ? Pas de titre : le texte se suffit à lui-même. Mais des gemmes par poignées, un langage rocailleux, puissant où se fend la pensée et suinte l'âme. Ne pas éventrer le filon à grands coups de pioche, ouvrir prudemment la silice et tamiser la roche. Sans doute en vain, l’auteur tente d’apprivoiser le temps moiré / à l’heure de l’horizontale, de décrypter son syllabaire. Temps archaïque, (…) temps où se confondent / sagesse et oubli. Penseur aux confins des mots, aux abysses d’une voix / exilée / en sa forteresse de sable, il cherche la parole impalpable, (…) cistercienne, cette parole dernière / sans rempart / égarée / dans le silence des soifs. En voilà une clef, dans un dépouillement monacal propice à l’élévation ! Recherche de parcelles d’invisible, (…) d’errances cruciformes aux aguets des insomnies, (…) tandis que se dissout / l’irrécusable solitude. Sorte de prière laïque que ne renierait pas un Gilles Baudry, bien que la voix de ce dernier soit dans un registre différent, oraison d’une intensité que densifie encore la chandelle qui enracine l’obscur. Le poète est en quête de rêves enfouis (…) à l’intime de la nuit Comment ne pas se taire devant les voix d’outreenfance, devant la voix d’étoupe d’un ancêtre et les lacs (souterrains, peut-être ?) de mémoire ? À la recherche de

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ses traces et devant les méandres de ses racines, l’humilité force le respect. Rituel et résurgences ou liturgie pour parcelles d’invisible ? On ne mastique pas une hostie, on la laisse fondre sur la langue. Lire ce recueil, c’est un peu entrer dans une abbatiale de mots riches de sens, c’est emprunter son déambulatoire imprégné par l’ombre des colonnes et la clarté chamarrée des vitraux, c’est apprivoiser la verticalité qu’ont sculptée orgues et litanies. Là où poème et prière se rejoignent sur les cals de silences et de mots entrelacés.

ACCORD’ELLES, d’Annie RAYNAL-ANDRIEU, Marie BRAO et Marie-Pierre VERJAT-DROIT, Couleurs de Rimes, 2011 (36 p.,10 €). Prendre dans sa main cet élégant recueil dont les trois plumes et les illustrations sécrètent une atmosphère commune. Etre invité à la table des muses par le préfacier-poète Christian Amstatt. Savourer la pause et, de son regard, dénouer ces lignes sur la trame fine d’une italique. En terre de souvenance, Annie Raynal-Andrieu marche à pieds nus, évoquant avec grâce des poupées aux têtes folles ou les secrets de ces fenêtres qui n’existent plus. Elle s’adresse aux mains de son grandpère : portant à tes lèvres la coupe de la vie, sang et sueur mêlés. Il est parfois périlleux, pour un écrivain, de montrer ses tableaux, de peur que l’on juge le texte à l’aulne de la toile. Ici, l’adéquation me semble parfaite. Envie de partager le pain avec ses personnages, de s’asseoir et de rompre la solitude, d’humer ses souvenirs qui fleurent bon le doux parfum de la patience. Remontant aux confins de l’enfance, Marie Brao évoque ce jumeau perdu : Silencieuse désormais, / la voix de l’autre presque moi / qui ne fut pas. Dilemme troublant d’un être et d’un non-être simultanés… Sur le fil d’une vie, une femme funambule (…) ombreuse ou lumineuse et un Petit Poucet jetant le caillou loin devant / repoussant les limites / du croire en l’avenir. Aquarelles verbales, tendre buvard où respire le sens des mots. Atmosphère impressionniste où l’auteur, par touches de lumière, fait vivre ses réminiscences au discret croisé des regards. Marie-Pierre Verjat Droit clôt ce précieux tryptique en dédiant une ode à Celle qui restera éternellement là. Au parvis des cathédrales, sa rose se fait charnelle, alors que la brume des adieux nappe un paysage où brillait mon amour. Et si l’encre était philtre pour mieux résister à l’indicible ? Et si le vol du goéland parvenait à absoudre le passé pour voguer vers l’infini ? Comme pour conjurer le spleen, coudre sur la résille du temps une dentelle nouvelle. Sans doute Marie-Pierre Verjat Droit retrouve-t-elle dans ce corps à corps avec la poésie, dans ces arpèges / brûlants comme la neige / de tes doigts de velours / les ressources divines pour un nouvel essor. Cet opuscule de vie pourrait être bréviaire sur les sentes d’un jardin. Celui où poussent des plantes


médicinales qui embaument et cicatrisent tout à la fois. Celui où le sang coagulé se fait levain par la grâce des mots et la force d’une clarté intérieure.

par Stephen BLANCHARD A neuf cents pieds », de Louis Lefebvre (recueil avec CD), Les Presses du Moulin du Got. Chez l’auteur : les Brenots 58430 Arleuf L’insolence verbale de Louis Lefebvre n’est pas sans rappeler l’humour nécessaire et jouissif pour nos neurones comme savaient si bien l’encourager les comédiens farfelus du Bébête Schow ou des Guignols et croyez-moi cette nouvelle parution de l’auteur ne fera certainement pas sourire les « mal- lotis » du bulbe ou les poètes en proie au syndrome céphalo-rectal dont la seule issue est de ramollir les méninges. Citoyen marginal de la poésie, à l’attitude provocatrice, Louis Lefebvre a le sens de la répartie et chante l’Amour « sur le chemin des Dames », remise « les Dieux au Musée » tout en effeuillant quelques narcisses entre les cuisses d’Alphonsine. Oh ! Pas de panique, l’auteur jouit dans la nacelle des interdits, ses vers sont en dessous « des neuf cents pieds » du bon chic, bon genre car il se joue littéralement et libertine- ment de toutes les morales conventionnelles. A l’eau de rose, il préfère Rose ; à la Mère Michel, il préfère la Mère Bénigne… aux fauxculs, les culs qui tanguent… et au vin de messe, les fesses de la Mère Abbesse. Bref, l’auteur a sans doute le sens du partage et du libertinage pour semer à tout va son goupillon d’Amour « entre celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ». Mais serait-ce la seule raison d’être de ce « boute en train » qui piétine la Mort « avec de gros sabots » ? Dans l’enceinte de ses rêves, le romantisme n’est pas au rendez-vous et l’auteur donne une image très négative de ladite société de Con-Sommation ! Son spleen apparaît de façon cyclique et délirante comme chez Gérard de Nerval ou Antonin Artaud. Peut-être que Louis Lefebvre adore se compromettre à l’air du temps pour se sentir exister et heureux ou comme le seul moyen d’entrer en résilience. C’est toute la complexité du Moi de l’artiste et de ses métaphores. En réalité, l’auteur retient sa vie comme il peut et cela suscite chez lui ce relâchement anti-catho qu’il professe dans ses vers avec une créativité perverse, ce que les psy--chanalystes appellent « la bonne folie » et cela sans aucun délit d’imposture. Or, je le connais, c’est bien lui, notre incontournable bon Louis qui se rit de la Camarde et qui chante avec joie au profit des toisons les plus exquises, recevant ses amis avec une incroyable générosité et engageant une réflexion profonde

qui va bien au-delà des apparences révol-tées derrière lesquelles se dissimule une personnalité qui témoigne parfois plus de sollicitude, d’amour véritable, filial, fraternel ou amical, qu’il ne lui en déplaise, alors que bien des croyants…. Quand l’heure sera venue, que notre bon Louis ne saura plus à quel sein se vouer, il se présentera peut être au ciel, la guitare à la main en clamant d’un air moqueur : « Qu’est-ce que j’étais bien sur terre et en plus dans de beaux draps »… même si de par le Monde, « AlQaida » tue encore au nom du Prophète… celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas.

par Jean-Michel LEVENARD Le miroir aux ricochets », DELORME (58 p. ; 12 €)

de Louis

(Prix Robert-Hugues Boulin, éditions Thierry Sajat, 37 rue Henri Sellier – 18000 Bourges). Chaque sonnet (il s’agit d’un recueil de 55 sonnets) forme miroir à un adage placé en exergue. J’aime à y trouver parfois un brin d’humour, car ces maximes relèvent parfois d’un bon sens populaire lourd des enseignements « paliciens ». Mais c’est aussi la voie du bonheur qui n’est jamais que relatif : On n’est pas fait pour naître ailleurs...Le tout est de viser les bonnes cibles... A quoi pourraient servir des regrets puisqu’ils ne changeraient rien ?... Voilà, c’est un bilan amer, désabusé, mais un rien amusé. Longtemps, on pense que c’est le miroir qui prend cette teinte grise et fanée... et puis un jour, en changeant de miroir... Tout ramène à l’enfance heureuse, l’enfance rêvée... On ne guérit pas de son enfance : manquerait plus que ça ! Certains soirs de printemps, me revient ma grand-mère Avec son rire d’ange et ses gestes d’oiseau ; Elle me dit « Gamin, prends vite ton cerceau, Du rêve nous allons repasser la frontière ». Et puis l’on mûrit, bien qu’on se dise vert ! On n’en reste pas moins l’espérant, le rêveur, on continue à croire à tout ce qui s’en va et on s’en avec… Les ricochets font surnager nos souvenirs, un peu, quelques instants, mais ils s’éloignent toujours plus, de moins en moins distincts dans la fuite du temps… Ressasser le passé devient notre avenir…

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LITTÉRATURE ET CINÉMA par Jean CLAVAL

Que la littérature et le cinéma se présentent comme des arts antinomiques, on l’a dit et répété. Il n’entre pas dans nos intentions d’enfoncer une porte ouverte mais d ‘examiner au fil de souvenirs cinéphiliques et de lecture le bien-fondé de la déclaration, ce qui sépare, ce qui rapproche les deux domaines, les deux langages. Quand Marcel Proust ou Alain Robbe-Grillet décrit en nombre de pages une chambre ou un site, un panoramique de la caméra nous détaillera le lieu en trente secondes. En revanche, la description en quelques lignes d’une pensée, d’un état d’âme, d’un sentiment complexe se traduira difficilement à l’écran : d’où, outre la nécessaire expressivité d’un excellent acteur, souvent l’appoint d’une figuration symbolique, une surimpression, voire d’un commen-taire en voix off et un accompagnement musical pléonastique. Le lecteur se compose une représentation imagée de ce qu’il lit, le spectateur se voit imposer la vision de l’histoire qu’on lui raconte. La manière dont cette histoire est présentée importe autant en littérature qu’au cinématographe. Là se manifeste tout le métier, le talent, le génie de l’écrivain, du cinéaste (« Le style c’est l’homme »). Racontez chronologiquement La Paix des profondeurs d’Aldous Huxley, Le Bruit et la fureur de William Faulkner ou V de Thomas Pynchon et vous n’aurez plus le même impact ni tout à fait la même histoire. Le film de Martin Ritt fondé sur le susdit roman de Faulkner nous paraît un échec, tout l’in-térêt, toute la saveur de l’œuvre écrite ayant disparu dans une narration uni-directionnelle, incolore et aseptisée, frisant le ridicule.

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Sans doute certaines œuvres littéraires se prêtent aisément à une adaptation cinématographique, en fait déjà construites à l’instar d’un scénario préétabli. Les multiples versions de Dracula, d’après Bram Stoker, de l’Ile au trésor, d’après Stevenson, ou du Comte de Monte-Cristo, d’après Dumas, en portent témoignage. Notons que l’adaptation du même roman par des cinéastes différents donnera des films dissemblables, nonobstant la fidélité à l’ouvrage original agencée en aménagements narratifs : Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau porté à l’écran par Jean Renoir puis par Luis Buñuel présentent peu d’analogies, hormis évidemment la trame de base, ossature du récit, et des épisodes marquants. Rashõmon d’Akira Kurosawa, fondé sur deux nouvelles d’Akutagawa, et Le Feu follet de Louis Malle, inspiré du roman de Pierre Drieu La Rochelle, films de grande qualité, se révèlent attachés à l’esprit des écrits. Par contre, le même Louis Malle s’est totalement fourvoyé en réalisant Zazie dans le métro : de l’œuvre de Raymond Queneau fondamentalement axée sur le langage, son fonctionnement, l’équivoque, la plaisanterie verbale, ne subsiste plus que le squelette réduit aux péripéties, certes divertissantes, mais la trépidation ne supplée point à l’inimitable style visuellement intraduisible. Le style de Marcel Aymé ne s’apparente pas à celui, rénovateur pour ne pas dire révolution-naire, de Queneau. Ses qualités résident dans un quasiclassicisme délié, riche en subtilités, au généreux vocabulaire imagé. L’humour, la trucu-lence nuancée, mesurée de La Jument verte dis-paraissent dans le film éponyme de Claude Autant-Lara pour céder la place à une farce lourdaude métamorphosant les épisodes à la limite du sca-breux, finement contés dans le livre, en rude trivia-lité. Connues respectivement sous les titres Ulysse et Bloom, les deux mises en images de l’œuvre magistrale de James Joyce ne peuvent évidemment qu’en constituer une pâle approche. Dans leur estimable tentative, considérons-les avec mansuétude comme une intéressante illustration des moments essentiels du chef-d’œuvre écrit, disparue la magie du verbe. Certains films transcendent les romans adaptés, les enrichissant, leur conférant une dimension, une portée neuves. Le Poison de Billy Wilder, l’apocalyptique En Quatrième vitesse de Robert Aldrich bonifient d’une part l’honnête récit de


Charles Jackson, de l’autre le médiocre thriller de Mickey Spillane, revisités, y injectant par une adroite restructuration et une optique inventive un sang vivifiant. De même qu’une édition sur grand papier avec illustrations agrémente un livre, par leur seule présence d’admirables créatures (Marceline Day, Hedy Lamarr, Marta Toren...), de merveilleux comédiens (Charles Vanel, Henry Fonda, Bette Davis...) enrichissent un film. A l’opposé, un piètre acteur (Rossano Brazzi, Alan Ladd, Béatrice Dalle...) ou interprète exécrable, définitivement inexpressif ( Lon Chaney Junior, Steve McQueen,...) ou grimacier (Jean Le Poulain) ruinera le meilleur scénario et le travail d’un sérieux metteur en scène assisté d’un chef opérateur qualifié. Indéniablement, la littérature a eu, a et aura une influence sur le cinéma, ne fût-ce que par certains thèmes séduisants, incitations sinon véritables invites à une transposition. N’oublions pas les écrivains-cinéastes passant de la plume à la caméra et vice versa : René Clair, Marcel Pagnol, André Malraux, Jean Giono, Alain Robbe-Grillet, Norman Mailer,... Mais le cinéma peut-il influencer la littérature ? Oui, répond dans hésiter ClaudeEdmonde Magny dans son remarquable essai L’Age du roman américain, se référant au style de John Dos Passos et, entre autres, à l’utilisation par Raymond Queneau dans Pierrot mon ami de l’équivalent du découpage, du travelling et du gros plan. Et l’érotisme ? demanderez-vous. La règle demeure la même dans les deux arts. Ce qui est suggéré présente plus d’intérêt et de résonance que ce qui est montré. Surtout à l’écran qui dévoile nûment ce que les mots ne font qu’évoquer. Le plus bel exemple nous est donné par les meilleurs cinéastes américains des années 1930-1950 qui surent contourner le redoutable code de censure hollywoodien en œuvrant dans l’ellipse et nous régalant d’images séantes mais d’un symbolisme patent. Citons pour notre pays le cas regrettable de Claude Bernard-Aubert, réalisateur de l’attachant Les Tripes au soleil, qui, sous le nom de Burd Tranbaree ( anagramme de son patronyme) se reconvertit dans une production pornographique dont la qualité technique et quelques touches d’humour ne sauraient pourtant entraîner indulgence ou rémission. Aux Etats-Unis, Russ Meyer se consacra sa vie durant à une œuvre immuablement effervescente, drolatique, caustique où il ne faut certainement pas chercher trop de nuances et qu’il n’est pas recommandé de projeter en soirées familiales mais dont la verve et la (parfois épaisse) gaillardise ne laissent pas de réjouir les esprits exempts de pruderie et de préjugés conformistes.

Do BRASIL, par Yvan AVENA Poésie de lutte, de souffrance et d’espoir En Amérique Latine, pendant le XXème siècle, de nombreux poètes utilisèrent le langage poétique pour dénoncer les abus et les méfaits des dictatures. Ils furent persécutés, emprisonnés, torturés, assassinés. Les plus chanceux furent condamnés aux vicissitudes de l’exil. De retour dans leurs pays, après des années d’errance et d’instabilité morale et professionnelle, les poètes, politiquement engagés, publièrent chez quelques rares éditeurs – eux-mêmes victimes de la répression – leurs poèmes de “lutte, de souffrance et d’espoir”. Mais cette poésie fut alors rejetée par les mêmes intellectuels qui avaient gardé un prudent silence pendant les périodes de terreur, et qui prônaient, maintenant, l’oubli et l’amnistie pour les tortionnaires. “Trop politique” signifie, dans les milieux officiels de la littérature, opprobre. Pour être publié et reconnu il est préférable de respecter les convenances et garder une stricte neutralité “apolitique”. Toute militance est considérée, dans ces milieux, comme une faute de goût et de respect aux conventons sociales. Donc, encore aujourd’hui, les principales victimes de la vague anti-communiste en Amérique Latine (étant considéré “communistes” tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec les méfaits et les crimes de la dictature militaire et de la CIA ) furent et sont encore marginalisés. Le système dit “démocratique”, qui a remplacé les dictatures, est moins cruel mais aussi efficace pour museler la contestation. La révolte, l’esprit critique, l’indignation sociale sont toujours bannis de la « bonne » poésie contemporaine. La poésie politique La « neutralité » universitaire veut que les professeurs, les chercheurs et les étudiants évitent les sujets trop politiques. Il y a bien su^r des exceptions, mais pour faire une brillante carrière il sera toujours préférable de choisir la couleur grise plutôt que la rouge ou même la verte. L’intellectualité bourgeoise veut bien admettre « l’avant-garde » dans l’art et la littérature pourvu qu’elle ne remette pas en cause les structures du pouvoir capitaliste. L’audace créative doit savoir connaître ses limites... En poésie

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moderne, par exemple, tout semble admis, sauf les fautes d’orthographe et les sujets politiques. L’intellectualité latino-américaine qui, de tous temps, a eu comme référence la culture européenne, a souvent réalisé le voyage initiatique à Paris pour rencontrer l’avant-garde de la pensée moderne. Chaque mouvement artistique de rupture culturelle a eu ses adhérents latino-américains, certains sont même devenus des célébrités comme les poètes chiliens Gabriela Mistral, Vicente Huidobro pu Pablo Neruda. Ils sont tellement nombreux les poètes, les écrivains, les artistes d’Amérique Latine à s’être imprégnés, en particulier entre les deux guerres, de l’atmosphère créatrice de Paris qu’il faudrait un dictionnaire pour tous les citer. Ce n’est pas notre but. Nous souhaitons seulement signaler le rapport viscéral de quelques poètes engagés avec les idées socialistes des années 30. Certains retournèrent dans leur pays, avec une vision plus large, plus consciente, du rapport entre l’art et la politique. Ils comprirent qu’il ne pourrait pas y avoir de vraie révolution dans l’art sans un changement de société. Saint-Pol-Roux disait : « La révolution c’est le soleil dans l’homme ». La poésie devrait être la lumière de la politique. La poésie politique latino-américaine Bien que peu diffusée en Europe, la poésie engagée, la poésie sociale, fut souvent pratiquée par les latino-américains les plus renommés. Pablo Neruda, Nicolás Guillén, Ernesto Cardenal, César Vallejo, Mario Benedetti, Juan Gelman et un grand nombre d’autres excellents poètes utilisèrent, non sans risques, la poésie comme une arme de combat contre l’injustice sociale et contre tous les abus de pouvoir dans leurs pays. L’impact émotionnel de cette poésie sur le peuple latino-américain fut considérable et de passa pas inaperçu de la police politique. De nombreux poètes, accusés d’être « subversifs » et de diffuser de dangereuses idées étrangères (Ideas foráneas !... disaient les militaires), furent persécutés comme des criminels. Certains furent emprisonnés, torturés et assassinés, d’autres fuirent en Europe. L’intellectualité de gauche française se montra souvent plus intéressée par leurs parcours politiques

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que par leurs œuvres. La poésie politique latinoaméricaine fut peu traduite et guère publiée en France. Cette poésie se heurta à deux grands obstacles. Culture l : le langage « coloquial » (langage parlé), souvent utilisé dans ce type de poésie, est difficilement traduisible en français. D’autre part, s’agissant souvent de longs poèmes, de plusieurs pages, ils n’étaient guère publiables dans des revues de poésie qui, pour des raisons d’économie, privilégient les poèmes brefs. Puis, même en Amérique Latine, peu de recueils de poèmes et peu d’anthologies de poésie politique sont disponibles. Lors de mes voyages dans plusieurs pays d’Amérique et malgré mon intérêt particulier pour la poésie engagée, j’ai rarement trouvé, dans les librairies, des livres sur ce sujet. La poésie politique reste une littérature clandestine. Bibliographie sommaire : Antología de la poesía rebelde hispanoamericana, par Enrique Fierro ( Ed. De la Banda Oriental – Montevideo, 1967) Poesía social des siglo XX : España et Hispanoamerica par Carlos Altamirano (Ed. Centro Editor de America Latina S.A. – Buenos Aires, 1971) Poesía de El Salvador par Manlio Argueta (Ed. Editorial Universitaria Centroamericana – San José, 1983) Poesía Política Nicaragüense, par Francisco de Assis Fernández ( Ed. Ministerio de la Cultura – Managua, 1986) Poésie de lutte, de souffrance et d’espoir (Anthologie latino-américaine et La lutte continue (Poésie latino-américaine) par Yvan Avena (Editions artisanales – Goiânia Brésil, 2010). Yvan AVENA produit régulièrement hors commerce des publications de ses propres textes et des anthologies, principalement de traductions de textes hispano-américains. Et ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas de prix, qu’ils n’ont pas de valeur ! Il procède fréquemment par échange d’ouvrages netre auteurs. Ses coordonnées : Cx postal 651 Goiania - GOIAS CEP 74 0003 901 (Brésil) binet.avena@bol.com.br


Rencontres Poétiques de Bourgogne – octobre 2010 Hommage à Antoine Tudal. par Christelle THEBAULT Pour leur XXIème édition, les Rencontres Poétiques de Bourgogne ont rendu hommage à Antoine Tudal, disparu en avril 2010. Sa compagne Viviane Montagnon était présente parmi nous pour évoquer l'artiste, notamment lors d'une très belle rencontre à la librairie l'Athenaeum. Viviane Montagnon a témoigné ainsi à quel point Antoine Tudal l'a fait grandir, lui apprenant à ne pas être un être de certitude. Né à Varsovie en 1931, Antoine Tudal a été élevé dans un milieu de peintres. Sa mère Jeannine Guillou, peintre, avait épousé son professeur de dessin, Olek Teslar, peintre polonais installé en France puis au Maroc où il a terminé sa vie. Au Maroc, Jeannine rencontre en 1938 le peintre Nicolas de Staël, avec qui elle vivra désormais. Antoine va alors vivre avec Nicolas de Staël, un temps un Nice puis à Paris. Il a ainsi l'occasion de fréquenter des artistes de premier plan tels que Fernand Léger, Georges Braque, Pierre Reverdy, René Char, Pablo Picasso. A l'âge de 12 ans, Antoine écrit son premier recueil de poèmes : « Souspentes ». Il était enfermé dans une soupente, alors qu'il vivait avec Nicolas de Staël, sa mère et sa jeune soeur Anne, dans un hôtel particulier en ruines du Paris de 1943. L'hôtel où ils sont réfugiés est un endroit délabré, ils vivent en clandestins, dans la misère, car Nicolas de Staël n'a pas de papiers. Comme Antoine était turbulent, son beau-père l'a enfermé dans une soupente pour ne pas se faire repérer. Prisonnier, sans oser franchir la porte pourtant non fermée à clef, voilà que le jeune garçon devient poète ! Ses poèmes voyagent alors et arrivent jusqu'à Pierre Reverdy qui a voulu rencontrer Antoine. De leur rencontre est né le recueil « Souspentes ». Pierre Reverdy lui présente Georges Braque ; entre l'enfant et le peintre se noue une grande amitié. Georges Braque illustre le recueil d'une belle lithographie et Pierre Reverdy écrit la préface : « Quant au poète dont il va être exclusivement question dans les pages qui suivent, c’est un vieillard de treize ans qui s’éveille. L’incomparable charme de cet âge est que tout y apparaît à la fois merveilleux et réel. D’autant plus réel que merveilleux, d’autant plus merveilleux que réel../.. Toutefois cette entrée pourrait bien n'être qu'une admirable feinte et ce monde seulement l'antichambre d'un autre qu'il appartient à lui seul, et comme par miracle, de créer et de nous faire, plus tard et de surprise en surprise, explorer.» La vie familiale d'Antoine est chaotique, d'abord du fait de la disparition de sa mère alors qu'il a quinze ans et plus tard du suicide de Nicolas de Staël en 1955, auprès de qui il était demeuré et qu'à l'occasion il photographiait dans son atelier. Fasciné par son entourage de peintres célèbres, Antoine n'a pu évoluer vers une telle carrière.

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Adulte, Antoine Tudal est devenu scénariste, en particulier du film « Les Dimanches de Ville d'Avray » projeté à Beaune en préambule aux Rencontres, en présence du réalisateur Serge Bouguignon et de Viviane Montagnon. Ce film a reçu l'Oscar du meilleur film étranger en 1962. Entre autres films, Antoine Tudal a été le scénariste du film pour enfants « Le cerf-volant du bout du monde ». Il a travaillé à des séries pour la télévision comme « Les Chevaliers du Ciel », « Thibaud ou les Croisades ». Antoine Tudal a été écrivain, publié chez Julliard et Gallimard. Il a été aussi auteur de théâtre et a écrit une quinzaine de pièces. Egalement comédien, il a rencontré Viviane Montagnon lors de l'adaptation théâtrale de Germinal d'après Zola. Comédienne et chanteuse, Viviane Montagnon est l'interprète d'Antoine Tudal, suivant au plus près ce qu'a écrit Reverdy : « Tout ce qui reste du coeur d'un poète, c'est ce qu'il en a dit ». Lors de la rencontre à l'Athenaeum, elle nous a entraîné dans la poésie de « Souspentes », commençant par un extrait de la préface de Reverdy. Ce fut un beau moment de lecture et de chant, les chansons ayant été écrites par Antoine Tudal quarante ans après la publication de « Souspentes ». Viviane Montagnon nous a ensuite fait découvrir des textes récents d'Antoine Tudal. Evoquant le livre « Des astres et des toiles » publié en 2002, à propos de la peinture, elle nous a lu entre autres poèmes « Le jaune », en hommage à Georges Braque. Il y a quelques années, Antoine Tudal a écrit des poèmes sur Nicolas de Staël dans son atelier, en prolongement des photos prises cinquante ans plus tôt à la demande du peintre en 1953. Depuis ce temps, Antoine Tudal avait l'idée de ce livre, tel un parcours initiatique. Refusé par les éditeurs, ce projet a enfin vu le jour en 2003 à l'occasion d'une rétrospective de Nicolas de Staël à Beaubourg. La préface a été écrite par Anne de Staël, la soeur d'Antoine Tudal. Si Antoine Tudal n'a pas été peintre, il s'est adonné à l'art photographique et ses photographies ressemblent à des peintures ; d'ailleurs, le public les accueille souvent comme des tableaux ! Avec humour, il disait s'être vengé des images ! Lors des Rencontres Poétiques à Beaune, ses derniers poèmes étaient exposés en regard de ses photographies à la Chapelle Saint Etienne. Viviane Montagnon nous en a lu quelques-uns. Lors d'un colloque il y a deux ans à Paris sur Pierre Reverdy, Antoine Tudal a raconté un moment de sa vie où il était présent chez Georges Braque, en revenant de l'enterrement de Max Jacob. Viviane Montagnon a alors conclu par le dernier texte d'Antoine Tudal, racontant cet épisode de février 1944, ce qui nous ramènait à l'époque de « Souspentes ».

L'important désormais est que la parole du poète continue : Viviane Montagnon nous l'a transmise lors de cette rencontre avec beaucoup d'émotion et de gentillesse. Merci à vous, Viviane !

Pour visiter ou revisiter l'univers d'Antoine Tudal, nous vous recommandons son site officiel sur la Toile : www.lankar.org/antoinetudal.html http://www.antoinetudal.com

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Mission en HAÏTI,

par Gérard RENARD Secrétaire national de l’Association Enfants-Soleil, chargé des projets avec Haïti. (J’ai décidé de faire un compte rendu au jour le jour, un peu comme un feuilleton… ainsi, les amis d’Haïti, dont nous sommes les humbles intermédiaires, pourront-ils découvrir en détail nos activités, vivre étape après étape, en suivant nos pas, les satisfactions, les joies, les impatiences et les difficultés du travail sur le terrain.) Episode 5 - Mercredi 26 janvier - Fond Verrettes.

entre-prises industrielles. En cas de grosses pluies, Nous avons une réunion à la mairie. Pour aller les vallées sont mena-cées par des torrents d’eau qui à Fond Verrettes, il faut partir très tôt le matin. On dévastent tout sur leur passage. prend la route de la frontière vers Malpasse, traversant dans toute sa longueur la plaine du Cul de C’est ce qui s’est passé en 2004. Il ne reste Sac. Encombrée mais goudronnée. A 25 km de la aujourd’hui que de gros galets et des alluvions, à la frontière, on pique à droite, droit sur la Montagne. place d’une grande partie du village de Fond C’est le Massif de la Selle, qui sépare la plaine du Verrettes. Malgré la couverture médiatique de Cul de Sac de la côte Sud Est. La route devient une l’époque et l’émotion suscitée par les milliers de piste assez bonne mais très poussiéreuse, (« farine» morts dans la région, on a l’impression que rien n’a disent les Haïtiens pour cette poussière blanche qui changé. recouvre les voitures, L’Association asphyxie les piétons (Photo : les premiers contreforts du massif de la Selle) Enfants-Soleil Alpes qui l’empruntent et Provence, dont plusieurs blanchit toutes les membres ont des liens avec plantations ce village, (adoptions alentours). Sur la d’enfants) désire intervenir route de Fond dans ce secteur. Les besoins Parisien, il y a sont immenses, surtout dans toujours une petite le secteur scolaire. Nous halte « café, cassaves avons déjà rencontré » très appréciée par plusieurs fois l’équipe tous. Ce sont des municipale. Notre petits plaisirs impression avait été très simples, qui favorable à la dernière permettent de réunion. Dynamisme, rencontrer les gens ouverture d’esprit, cohésion qui vont au travail tôt et envie de changer les choses. le matin. Un moment convivial incom-parable ; Le village compte essentiellement, comme échange de nouvelles, contacts avec les gens partout en Haïti, des écoles privées ; nous sommes simples, toujours un peu étonnés que nous déterminés à donner la préférence à des écoles apprécions la « production locale ». J’adore ces municipales. (Il n’y a pas d’école nationale dans le moments : il est dommage que les intervenants dans secteur.) le pays s’enferment si souvent dans les bureaux à air Les écoles municipales sont très pauvres : conditionné et ne mangent que les produits importés manque de locaux, manque de professeurs de bon achetés dans les supermarchés. niveau, manque de moy-ens. De très nombreux enfants s’y retrouvent, ne pouvant pas payer l’école Le Pic de la Selle domine la montagne de ses privée. De plus, les lieux difficilement accessibles, 2674 mètres. Comme partout en Haïti, la montagne les petits villages isolés et miséreux, n’intéressent est dénudée ; la population extrê-mement pauvre, pas les écoles privées qui sont regroupées au centre n’a guère le choix et de nombreux habitants débourg. Enfin, Haïti est lit-téralement envahie pas les munis (60000 person-nes) vivent du charbon de églises de toutes sortes qui se livrent à un véritable bois, utilisé pour cuire les aliments et pour les petites

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formatage des enfants, dès le plus jeune âge, et qui nous semble un drame pour le pays. Une bonne partie, qui a accès démesurément aux subventions internationales, profite largement de la manne, pour étendre son territoire déjà immense et son influence, affirmant travailler pour la population, alors qu’ils les exploitent… certaines congrégations religieuses disposent de représentants à tous les hauts niveaux, y compris l’Union Européenne et les instances décisionnaires des USA. Si on diffusait le pourcentage des subventions octroyées aux congrégations, compa-rées aux organisations laïques, on serait effarés. Ils possèdent en effet le savoir, une très bonne connaissance des rouages de la mécanique de la coopération internationale, des influences énormes auprès de toutes les instances de haut niveau, et la capacité de gérer les réalisations. Mais dans quelle mesure ces réalisations aident-elles les populations les plus pauvres ? Ce sont de véritables entreprises privées, très rentables, et les Haïtiens qui en profitent sont très souvent des diplô-més, ingénieurs, prêtres, agronomes, entrepreneurs qui n’ont guère la préoccupation de lutter contre la misère. Il existe cependant parallèlement, des institutions religieuses honnêtes qui sont au service des plus démunis. Elles sont plutôt pauvres… La Mairie, entre autres propositions, nous parle d’une école, très loin du village de Fond Verrettes, à Boucan Chatte, dans la montagne. (2 heures de route). C’est une petite école municipale qui accueille les enfants dans une baraque, qui sert aussi d’église. Ils n’ont pas de local. Il n’y a pas d’eau dans le hameau. On y vit difficilement de l’agriculture en saison humide. La population y est extrêmement pauvre, et de nombreux enfants ne peuvent être scolarisés. On monte ensuite jusqu’à la Forêt des Pins. Une des rares grandes forêts qui subsistent dans le

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pays. La route domine toute la vallée, on voit tout en bas le Lac Enriquillio, et au loin la Sierra de Neiba, en République Dominicaine. Magnifique paysage. A près de 2000m, on arrive à la Forêt des pins. Il fait très frais, même en pleine journée. Parc protégé, où l’on vient de construire avec l’aide de l’ONU une quinzaine de petits pavillons destinés à accueillir d’éventuels touristes. Mais comme toujours en Haïti, les dirigeants locaux n’ont aucun pouvoir. Photo : un pavillon dans la forêt des pins. C’est un très joli travail. Le lieu est d’une grande beauté, si calme, avec l’air frais et pur. Quel changement avec le reste du pays ! On s’est borné, en janvier, à organiser une belle inauguration en présence des autorités. Les personnels sur place sont capables de gérer ce parc. Ils ne le peuvent pas. Les pavillons sont vides. Quelques gardes surveillent le parc. Un beau dispensaire y a été construit. Il est vide et fermé. Cela rappelle les très nombreux investissements construits dans le pays à coups de millions, qui n’ont rien donné et qui sont en train de pourrir partout. Espérons que ce sera différent ici. Sur la route, les parfums d’eucalyptus m’ont rappelé ceux des ‘Yungas’, qui descendent des sommets des Andes jusque dans l’Amazonie. Nous faisons une petite halte dans cette forêt, discutons avec les gardes. Cette magnifique potentialité a des chances de ne jamais se réaliser. Lenteur des décisions, instabilité politique, conflits d’intérêts… Nous traversons toute la forêt jusqu’au petit hameau de Boucan Chatte. Le bâtiment qui sert d’école ressemble plus à une grande cabane de berger qu’à un établissement scolaire. Les enfants viennent parfois de très loin à pied pour essayer d’apprendre quelque chose. Il y a vraiment une aide utile à apporter à cette population. Le petit hameau est désolé et très sec en cette saison. Quelques petites parcelles de terre sont cultivées


dans les rares zones où la terre le permet. (Photo Laetitia : Boucan Chatte. Le bâtiment qui sert d’école) Construire une école dans un lieu aussi isolé, et la faire vivre, n’est pas une petite affaire. Beaucoup de problèmes vont se poser que nous évoquerons plus loin. Nous décidons de revenir avec Laetitia, la présidente d’Enfants-Soleil Alpes Provence, dans moins de 15 jours. Son équipe est dynamique et cette réalisation nous paraît vraiment très utile et touchant directement les enfants très démunis du secteur. Photo avec le groupe Enfants Soleil et mairie de Fonds Verrettes. Une décision de projet, c’est parfois un coup de cœur. Les habitants, les enfants, les partenaires possibles, le lieu lui-même… On a parfois du mal à faire abstraction de ces paramètres dans nos décisions. Ils sont importants et conditionnent considérablement notre dynamisme et notre désir de réussir. Cependant, il faut les mettre de côté pour ne conserver que ceux qui concernent la faisabilité du projet. Regarder avec le cœur, mais agir avec la raison….Trouver un financement n’est pas aisé. L’Association Enfants-Soleil Alpes Provence est autonome et leur équipe décidera elle-même. Il

faudra sans doute du temps pour réfléchir à tout. Plusieurs visites sans doute encore… Nous essaierons de vous faire vivre toutes les phases de notre réflexion sur le projet.

L’intégralité du rapport de cette mission en Haïti et plus généralement toutes les informations concernant EnfantsSoleil sur : www.enfants-soleil.org/

Revues en revue par K.J.Djii Bonne arrivée !, disent les Africains. Bonne arrivée donc à l’Autobus N° 1 conduit par l’éminent Fabrice Marzuolo qui insuffle à cette revue un air moderne bien éloigné de la poésie petits zoiseaux, sans pour autant verser dans la benne de l’intellectualisme forcené. Nous y trouvons Morgan Riet, Marlène Tissot, Jany Pineau, Thierry Roquet, dont l’écriture sans ponctuation est dense, efficace et propre (ach !) et Eric Dejaeger, qui en proposant une manière de synopsis bien cynique, « Le domaine de Chantremont », nous fait plonger dans un monde totalement sans scrupules où l’intérêt prime sur la justice. Faut-il rajouter que la présentation de la revue est simple ; encore un qui a compris que l’on préfère l’ivresse au flacon. Longue route donc à l’Autobus. Pages insulaires, (3 impasse du Poirier , 39700 Rochefort-sur-nenon) dont il a déjà été question dans la dernière chronique, reste fidèle, dans son N°18, aux exigences de Jean-Michel Bongiraud. L’entretien avec le poète André Doms, nous fait découvrir une personnalité lucide et engagée ; d’une part, « S’il y a métier de poète, personne ne saurait en (sur)vivre dans une société où le poème, non-valeur marchande, contredit radicalement l’Ordre social, spécialement commercial. » et d’autre part, en parlant de sa poésie qualifié de difficile d’accès, explique que « Le poème cessant d’être discursif, ronronnant, se démarquant par un léger écart de la norme du langage quotidien, renouvelant le stock lexical et jouant de la polyvalence sémantique, combinant (comme art de synthèse) les cadences, couleurs, disposition, débit, sens et connotations de la parole, offre en effet une résistance (exemplaire) à la communication sommaire ou superficielle ». Du lourd. Le court article sur Tolstoï de Daniel Giraud met l’accent sur l’attention que l’écrivain portait aux Doukhobors, chrétiens libres vivant en groupements communautaires. L’Archipel musical de Guy Ferdinande fait la part belle aux compositeurs allemands de 1882 à 1952 ; bonne chronologie à laquelle manque cependant les noms de Webern et de Stockausen qui à justement commencé à pondre ses premiers œufs en 52.

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De la Revue Indépendante (N° 328 et N° 329 – Mme Braquier, rés. B, 24 rue St Fargeau, 75020 Paris), retenons les deux bons articles de Charlotte de Saint-Vincent sur l’histoire du fer. Bien qu’un peu trop centrés sur l’Europe (non cités, les métallurgistes japonais ont produit des métaux de qualité remarquable) et comportant certaines imprécisions sur le damassage notamment (qui est en fait une sorte de pâte feuilletée), ces deux textes nous en disent long sur les relations que nous entretenons avec le cœur de notre planète : ça ferraille sérieux chez l’humain. La revue propose à son habitude des chroniques revuistiques, musicales, théâtrales et cinéma trop graphiques, ce qui lui confère un caractère de pont entre différentes disciplines qui fait souvent défaut dans d’autres revues. Dans le genre pont, nous parvient du Brésil la plaquette du Santuario da cultura universal (revue en langue portugaise) éditée par l’Institut brésilien de culture internationale (InBrasCI) ; cette association fondée en 2006 est consacrée à la conservation et à la diffusion de la culture universelle avec un programme ambitieux que certaines associations localolittéraires de notre vieux pays pourraient envier. Ouvrez les écoutilles : il s’agit « de se faire rencontrer les cultures de pays variés, les personnes et les entités nationales et estrangères qui oeuvrent au développement des lettres et des arts en général, y compris populaires en s’emparant de tous les moyens et ressources disponibles », mais aussi, et nous avons là une belle leçon, « inciter à une pratique citoyenne en instillant un esprit de solidarité nationale et internationale, de défendre l’environnement, patrimoine de l’humanité, en élaborant et en développant des projets en ce sens », et enfin, « de collaborer avec les pouvoirs des régions et des états avec pour but, la promotion des identités des différents peuples au travers d’études et de recherches littéraires, historiques, linguistiques et artistiques » ; ça c’est du programme. Dans le N° 260 de Missives, une belle nouvelle du concours littéraire 2010, « Les trois têtes » de Jean-Claude Puéo qui vaut son détour dans le Languedoc, un poème de François Besnard « J’aime pas les poètes » qui se termine par « Comment, que dites-vous …Quoi ! Ils sont morts déjà ! Ah j’aime mieux ça. », mais surtout

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une critique de Patrick Navaï sur le livre de Claire Auzias sur le Samudaripen, nom donné au génocide des tziganes durant la 2nde guerre mondiale (et qui se poursuit en douce avec la complicité de tous) : édifiant ! (Aux éditions l’Esprit Frappeur) Portique (N° 81 – Mairie, 84110 Puyméras) nous présente de bons textes en prose dont « Adieu, ma douce et tendre Djerba » de Maryvonne Chanet, et une autre nouvelle, « Hervé » de Danielle Morello écrite dans un style limpide et coulant qui n’est pas sans rappeler la manière de Mérimée. Dans La Braise et l’Etincelle (N° 93 7/2 rés. Marceau-Normandie, 43 avenue Marceau ; 92400 Courbevoie), un article intitulé « La longue nuit de la poésie » de Pierre Bondel qui, en faisant des fouilles archéologiques dans sa bibliothèque, découvre et décortique un ouvrage de Jean-Michel Espitallier sur le thème du devenir de la poésie ; où l’on apprend que si en poésie le pathos à tendance à être mis de côté – ce qui est loin d’être acquis -, celle-ci s’y trouve déshumanisée et la langue atrophiée. Ce numéro publie surtout une analyse très bien construite et étayée de la poésie de Marius Scalési écrite par Giovanni Teresi et Gioacchino Grupposo. Poète maudit par les hommes et le destin (« rien à voir avec les expériences qui ont caractérisés les Maudits par excellence »), qui a vécu en Afrique du Nord dans des conditions misérables, Marius Scalési avait la conscience que « l’Art sera la seule possible réponse contre le destin et la férocité des humains ». Un vrai poète, écorché vif mais de dimension humaniste malgré ses souffrances, et qui, à l’instar de Mozart ou de Molière a terminé sa course dans la fosse commune en 1922. Après avoir été lapidé dans une rue de Tunis, il écrit : « Et, ramassant ces pierres tristes / Au fond d’un enfer inédit, / Je vous jette mes améthystes, / O frères qui m’avez maudit ! » Et ce n’est pas fini…


LA PAGE DES ADHERENTS (Publications, et activités d’ordre culturel des adhérents de l’Association Les Poètes de l’Amitié ) Charles VIQUERAT publie un recueil de pièces au format du « triquatrain » oui, c’est nouveau, mais classique accompagnés d’illustrations de Jan Figar qui font de « Le Cavalier » un ouvrage précieux. On retrouve toute l’élégance de plume qui lui valut le Prix d’Edition poétique de la Ville de Beaune 2010 pour « Vertige ». (Editions du Centaure Eclaté, Genève) Christine DOUCET nous fait part de ses récentes publications : - Regards – Latitude 0 -Mémoires de l’eau 2 recueils d’aquarelles -toi la vie tout et rien, bric à brac, micmac, cris et coups de cœur ET littérature ! Soliloque pour un partage. doucet.cc@orange.fr site http://crido.populus.org Marie-Thérèse MUTIN publie « Entre chien et loup » (100 p. ; 10 €). En 4° de couverture, ce résumé très éclairant : « Née en 1939, institutrice, militante et responsable politique, élue maire, conseillère régionale, députée européenne, fondatrice des Editions Mutine et auteur, dans cette Promenade Mutine, elle nous conte, avec pudeur, humour et émotion, un drame, une rencontre, un sourire, une phrase qui, hasard ou destin ?- peuvent infléchir le cours d’une vie. Mais la direction reste toujours la même : l’amour et la défense des « gagne-petit ». site http://editions-mutine.over-blog.com André PRONE nous annonce la création d’un forum informatique : Utopie partagée. http://www.utopiepartagee.fr/main.htm

Œuvrer pour l’utopie partagée, c’est mettre notre connaissance et notre action non monnayables au service d’une dimension non comptable du monde. Ce manifeste devrait vous conduire sans doute à y aller voir de plus près. Pour l’instant, le forum est encore peu pourvu, mais il n’attendait précisément que vous : partage c’est aussi échange.

Claude VELLA publie un premier recueil de poèmes sous le titre A fleur de saisons, illustré de dessins de Pierre VELLA ( illustrateur du présent Florilège). Cet ensemble se veut un hymne à la nature intégrant une profonde inquiétude quant à son devenir... Publié aux éditions Edilivre Paris : (www.edilivre.com/doc/24890) Disponible auprès de l’auteur ( Bat 5 – 27 chemin Villebois – 38100 Grenoble) - 76 p. – 12 € (+ frais de port).

Philippe VEYRUNES nous fait part de sa collaboration à l’ouvrage collectif « Voyages aux frontières du réel ». 10 auteurs, 10 histoires, qui, toutes évoquent l’étrangeté sous ses multiples facettes. Edité par PG Com (direction : Patricia Galoisy – Route Inthatarteak – 64480 Ustaritz). Informations complémentaires sur www.pgcomeditions.com JYSSE publie une réflexion sous le titre La Tectonique comme explication d’un univers intelligent (72 p. ; 7,5 €). « Pour décrypter les énigmes que nous posent l’univers,nous disposons de notre seule intelligence... cette intelligence ne provient ni du hasard, ni d’aucune nécessité, pas plus que d’une intervention divine, seulement de différents états de la matière qui peut accumuler des masses d’énergie considérable et les répandre de façon ordonnée par un processus tectonique » (extrait de la 4° de couverture) (voir également les publications de Jean-Louis Bernard, Louis Lefebvre, Jane Perrin, Annie Raynal-Andrieu, Marie Brao et Marie-Pierre Verjat-Droit, Louis Delorme à la rubrique Notes de Lecture)

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Rencontres 2010

L'AGENDA DES POETES DE L'AMITIE -------------------2 0 1 1 -------------------------Festival Cours, Eaux, Jardins, à Beaune (21). Dans le jardin de l’ancienne Banque de France : des interventions des Poètes de l’Amitié sont programmées les : -7 juillet : évocation de Bernard Dimey (Bruno Cortot, Jean-Michel Lévenard). -21 juillet : humour à la française (Agnès Legros, Stephen Blanchard accompagné par Marcel François à l’accordéon). -4 août : les poètes de l’Amitié de Saône et Loire -21 août : à déterminer. -1 septembre : intervention de Christelle Thébault, Annie Raynal et Martine Lelong. 17 septembre : journée culturelle à Chalon sur Saône (71). 24 septembre : remise du Prix Stephen Liégeard à Brochon (21) 30 septembre - 1 et 2 octobre : Rencontres poétiques de Bourgogne à Beaune. Tarifs spéciaux pour le récital Charles Dumont réservés aux abonnés de la revue et aux adhérents de l’Association : - récital Charles Dumont ( vendredi 30 septembre – 20 h 30) : 1° série : 26 € (au lieu de 30 €) ; 2 ° série : 24 € (au lieu de 28 €). - soirée cabaret : 40 € - forfait pour les 2 soirées : 60 €. 30 septembre : délai de dépôt pour la participation au Prix d’Edition Poétique de la Ville de Dijon 2012. 4 novembre : première du spectacle de la saison 2011-2012 des Poètes de l’Amitié à Chenôve (21) 25 novembre : spectacle de la saison 2011-2012 à Talant (21). 26 novembre : assemblée générale 2011 de l’Association Les poètes de l’Amitié ; remise du Prix Yolaine et Stephen Blanchard à Béatrice Kad. 31 décembre : délai pour la participation au concours de la Nouvelle de FLORILEGE. Pour plus de renseignements voir le site DES PASSANTES http://des-passantes.over-blog.com

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