Building Information Modeling

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Institut Supérieur dʼArchitecture de la Communauté Française - La Cambre

Le BIM (Building Information Modeling) De son contexte à sa pratique collaborative

Mémoire présenté par Jean-François Avart en vue de lʼobtention du grade de Master 2 en Architecture. Année académique 2008-2009. Sous la direction de Thomas Vilquin.



Je tiens à remercier les personnes qui mʼont aidé à réunir les informations nécessaires à la rédaction de ce travail. Monsieur Olivier Celnik, architecte et enseignant à lʼENSA (École Nationale Supérieure dʼArchitecture) de Paris, fondateur et organisateur des « Ateliers numériques ». Monsieur Jean-Pierre Couwenbergh, professeur en informatique (CAO et Synthèse dʼimages) à lʼÉcole Supérieur des Arts, Saint-Luc Bruxelles. Monsieur Fabien Crovato, ingénieur informaticien au bureau Greisch, Liège. Monsieur Bernard Ferries, enseignant à lʼENSA (École Nationale Supérieure dʼArchitecture) de Toulouse, chercheur au laboratoire de recherche architecturale Li2A. Monsieur Sylvain Kubicki, chercheur et responsable de projet au CRP Henri Tudor, Luxembourg, chercheur associé au laboratoire CRAI, chargé de cours à lʼÉcole dʼArchitecture de Nancy. Monsieur Thomas Vilquin, promoteur de ce mémoire, chargé de cours en conception des structures à lʼInstitut Supérieur dʼArchitecture de la Communauté Française, La Cambre.


Table des matières INTRODUCTION" "

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Première partie : Le BIM de son contexte numérique à sa "

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mise en pratique" 1. La modélisation des informations du bâtiment"

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1.1 Termes et appellations""

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1.2 Lʼinteropérabilité selon les IFC"

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1.3 Cadre du développement du BIM en architecture""

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1.4 Prévision, simulation, consommation, étude environnementale""

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1.5 Lʼadoption du BIM par la Finlande" "

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2. Lʼinformation et son contexte numérique"

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2.1 Lʼinformation numérique"

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2.1.1 Croissance technologique et explosion de lʼinformation"

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2.1.2 Maturité des techniques de numérisation de lʼinformation"

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2.1.3 Nouvelle relation à lʼinformation" "

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numérique "

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2.2 Historique du traitement de lʼinformation numérique "

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2.2.1 Organisation de lʼinformation numérique" "

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2.2.2 Interface et utilisateur"

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2.2.3 Traitement de lʼinformation par lʼintelligence artificielle""

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2.3 Techniques dʼaujourdʼhui"

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2.3.1 Observations générales"

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2.3.2 Organisation des informations numériques à lʼagence de"

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2.3.3 Lʼinformation du projet dʼarchitecture entre forme, processus et"

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lʼarchitecte Perrault stratégie selon Antoine Picon

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3. Le BIM, nouvel outil dʼorganisation des informations numériques du bâtiment" "

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3.1 Conception dʼun modèle BIM "

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3.1.1 Notions générales" "

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3.1.2 Processus de conception" "

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3.1.3 Plan et coupes"

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3.2 Les logiciels BIM"

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3.3 Technique logicielle « traditionnelle » vis-à-vis du BIM" "

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3.4 Le logiciel BIM, ou le projet BIM ?" "

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Deuxième partie : Le BIM, outil de collaboration entre architectes et" "

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3.4.1 Le projet FACADE " "

Conclusion de la première partie"" "

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ingénieurs 1. Architectes et ingénieurs, un débat historique"

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1.1 Modification des professions et formations""

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1.2 Les codes de conception de Renzo Piano" "

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2. Outils de collaboration entre architectes et ingénieurs"

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2.1 La coopération en architecture"

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2.2 Studio Digital Coopération"

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3. Le BIM comme plateforme de collaboration ""

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3.1 Interopérabilité" "

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3.2 Les IFC " "

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3.3 La collaboration à partir du format IFC "

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3.4 Expérimentation dʼune collaboration BIM en temps réel" "

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Conclusion de la deuxième partie"

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CONCLUSION GÉNÉRALE"

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Lecture dʼune nouvelle forme de modélisation des informations" du projet dʼarchitecture


Introduction

Lʼarchitecture subit aujourdʼhui un glissement des professions et des disciplines provoqué, dʼune part, par une plus grande technicité des outils de conception et de construction, et dʼautre part, par la complexité générale du processus de construction. Les exigences environnementales, les normes, les spécificités des formations, obligent lʼarchitecte à envisager de nouvelles collaborations et approches du projet d'architecture. Le BIM propose la solution dʼun modèle de référence comme support du projet dont la pertinence est étudiée dans ce travail. Le BIM se définit par une interopérabilité et une organisation des informations à partir dʼun modèle unique et virtuel, devenant outil de conception et de construction du bâtiment. La technologie BIM (Building Information Modeling), normée IFC 1 (Industry Foundation Classes), se traduit par « la modélisation des informations du bâtiment ». Le BIM présente l'intérêt de ne pas être un outil supplémentaire de représentation comme nous utilisons déjà le dessin à la main ou le dessin assisté par ordinateur. Il est une représentation partagée dʼun projet situé dans le temps, à partir dʼun modèle commun permettant dʼintégrer chaque intervenant du projet. À ce stade, le BIM nʼest pas une solution finie mais un modèle théorique, appuyé par une mise en pratique déjà commencée en France 2 , en Belgique 3 , aux Pays-Bas 4 et aux États-Unis 5 . Lʼengouement important des éditeurs de CAO (conception assistée par ordinateur) contribue également à lʼémergence du modèle BIM dans son application logicielle. Jusquʼici les architectes ne sont pas encore réellement impliqués dans ce processus déjà amorcé, ils seront pourtant les premiers concernés. Lʼoutil informatique BIM provoque une modification du processus de conception séquentiel pratiqué aujourdʼhui par lʼarchitecte, qui continue à utiliser lʼordinateur comme miroir dʼune expérience ancestrale de documents uniques et indépendants. Lʼoutil informatique peut être perçu comme une planche à dessin sophistiquée ou comme une source de nouvelles formes de travail, interrogeant directement lʼarchitecte dans son quotidien. Ces nouvelles perspectives peuvent être ignorées mais risquent alors dʼamener lʼarchitecte à utiliser des outils quʼil ne maitrise pas.

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Format libre et non propriétaire.

2

Le projet eXpert lauréat dʼun appel à projets « TIC & PME 2010 », Building Smart Chapitre Francophone.

3

Centre Scientifique et Technique de la Construction (CTSC).

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COENEN Jeroen, Arup Amsterdam, TUDelft (Delft University of Technology).

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Lʼalliance internationale pour lʼinteropérabilité (IAI). 1


Par ailleurs, dʼautres préoccupations liées au numérique (archivage, pérennité des données) demandent à être débattues et font appel au développement des outils de lʼarchitecte. Dès lors, comment les architectes peuvent-ils prendre position dans le développement de ces logiciels spécifiques, qui seront finalement leurs outils de demain ? Ce travail commence à répondre à cette question en proposant un aperçu de lʼoutil numérique BIM comme porteur de nouvelles perspectives, à condition que lʼarchitecte puisse en maitriser son orientation et son développement. La première partie de ce travail considère le BIM dans un contexte numérique large, à travers plusieurs questions actuelles dʼorganisation de lʼinformation, dʼarchivage et de pérennité des données, par l'expérimentation dʼun projet réalisé selon la norme BIM. La seconde partie étudie le BIM comme outil de collaboration entre les architectes et les ingénieurs. Ces deux aperçus permettent de distinguer les limites du modèle BIM, mais également, la perspective quʼil laisse entrevoir. Cʼest-à-dire, une nouvelle forme de représentation virtuelle comme support du projet dʼarchitecture à travers une entité propre et indépendante, intégrant un espace de collaboration perméable aux différents langages que sont ceux de lʼarchitecte et de lʼingénieur.

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Première partie

Le BIM de son contexte numérique à sa mise en pratique

1. La modélisation des informations du bâtiment La traduction française « maquette numérique » désignant le BIM est abandonnée dans ce travail en raison de sa trop grande confusion avec le modèle tridimensionnel traditionnel. Lʼutilisation des abréviations BIM pour la modélisation des informations du bâtiment est volontairement non francisée car le terme BIM est aujourdʼhui reconnu de manière internationale.

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1.1. Termes et appellations

Si la technologie BIM est actuellement en place dans de nombreux secteurs, elle nʼest pas pour autant très connue, les utilisateurs emploient d'ailleurs le BIM parfois à leur insu. Le BIM nʼest pas une technologie nouvelle, elle est utilisée depuis longtemps dans le secteur de lʼaéronautique. Elle est une convergence entre le développement dʼoutils tridimensionnels de plus en plus efficaces et leurs capacités à associer des informations multiples contrôlées par plusieurs utilisateurs. Il existe de nombreuses définitions du BIM. Pour lʼinstant, considérons-le dans une version ne sʼattachant quʼà trois principes. Le premier est que son principal support est la modélisation en trois dimensions, permettant dʼarticuler les informations autour dʼune entité réversible selon les vues choisies de plans, coupes, élévations, perspectives et 3D.

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« Le BIM est un ensemble structuré dʼinformations sur un bâtiment, existant ou en projet. Il contient les objets composant le bâtiment, leurs caractéristiques et les

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relations entre ces objets. Ainsi, la composition détaillée dʼun mur, la localisation dʼun équipement ou dʼun élément de mobilier dans une pièce, font partie du BIM. Ces informations complètent la description purement géométrique de la forme du bâtiment produite par certains logiciels. » 6

6

Building Smart France, Maquette numérique, BIM et IFC, France. http://www.buildingsmart.fr/la-maquette-numerique/definitions 3


Le deuxième principe est que le BIM fait appel au cycle de vie du projet. Cette définition semble être issue dʼune orientation identifiable à la création dʼun produit qui passe de la phase de conception et prévision à celle de la réalisation du projet. Pour le BIM, son cycle de vie correspond davantage à sa capacité à recevoir de nouvelles informations au fur et à mesure de lʼévolution du projet. Le facteur temps est intégré dans le modèle. Le troisième principe est lʼinteropérabilité quʼoffre le BIM de par son support tridimensionnel et ses capacités dʼéchanges liées au format IFC. En conclusion, on peut retenir que le BIM est un outil numérique de modélisation des informations du bâtiment sous une forme tridimensionnelle permettant une interopérabilité des échanges pendant et après le processus de conception du bâtiment. Le BIM nʼest pas : - une simple modélisation en trois dimensions qui, par définition, est une modélisation de formes géométriques dans lʼespace. - la modélisation des informations du projet dʼarchitecture. Si la confusion est parfois tentante, le BIM s'intéresse au bâtiment et ne prend en compte que certains critères bien définis. - une base de données. La base de données est présente dans le BIM mais est liée de manière dynamique au processus de conception du modèle. - le format IFC, ou un autre standard dʼéchange. Le BIM définit le modèle du bâtiment et la technique utilisée.

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1.2. Lʼinteropérabilité selon les IFC

Les IFC sont un standard libre dans le secteur de la construction, normé pour la modélisation de lʼinformation du bâtiment. Les IFC sont issus de lʼagence internationale pour lʼopérabilité (IAI). Le format est illustré par la théorie et la pratique dans la deuxième partie de ce travail. Pour lʼinstant, considérons les IFC comme la norme standard devant être utilisée pour le modèle BIM. #

1.3. Cadre du développement du BIM en architecture

Le BIM est une technologie avant tout intégrée par les développeurs de logiciels dont les principaux sont : Bentley (MircoStation), Nemetechek (All Plan), Autodesk (Revit) et Graphisfot (Archicad). Ils utilisent tous le BIM comme élément de communication. LʼIAI, représentée par le BuildingSmart, contribue au développement du format IFC et à une réflexion plus générale sur lʼutilisation du BIM en architecture. La recherche privée et universitaire est plus discrète, des avancées en IFC sont réalisées au CSTC (Centre Scientifique et Technique de la Construction) et certaines universités expérimentent le BIM comme lʼArup Amsterdam et lʼuniversité de Delft, TUDelft (Delft University of Technology).

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1.4. Prévision, simulation, consommation, étude environnementale

Le BIM regorge de perspectives plus ou moins exploitées. Tout y passe : le développement durable, la gestion du patrimoine, la gestion des grands projets, etc. Cʼest une indication sur la position quʼil occupe et ce sur quoi il peut prétendre. Le modèle BIM peut être reconnu par des logiciels ayant de nombreuses orientations très spécifiques : étude thermique, étude de superficie et de volume pour les promoteurs, simulation de la consommation du bâtiment, simulation dʼune utilisation à court et à moyen terme du bâtiment, etc. Dans ce travail, je fais le choix de mʼécarter de toutes ces perspectives pour me concentrer sur le modèle BIM comme support du projet dʼarchitecture.

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1.5. Lʼadoption du BIM par la Finlande

Ce chapitre dresse un aperçu de la mise en pratique du BIM dans le secteur de la construction en Finlande, qui adopte le BIM, en le rendant obligatoire pour tout projet dépassant deux millions dʼeuros. Une pratique qui questionne la manière dont les architectes vont se positionner vis-à-vis du BIM dans un futur relativement proche. Lʼobjectif du gouvernement finlandais est dʼutiliser le BIM pour réduire les erreurs durant la conception et la réalisation de lʼouvrage. Mais aussi, de garantir une meilleure gestion des projets urbains à plus long terme. La présentation suivante est expliquée à lʼaide de graphiques représentés par des couleurs et symboles. Ces graphiques proviennent du site internet du groupe Senate en charge de la mise en place du BIM avec le gouvernement. 7 Codes de couleurs et symboles : - les éléments marqués en vert doivent être intégrés au modèle BIM. - les éléments marqués en jaune doivent être intégrés au modèle mais certaines limites peuvent empêcher une intégration totale des informations. - les éléments en gris peuvent être réalisés selon le modèle BIM mais leurs utilisations nʼont pas encore donné de résultats suffisamment exploitables et ne sont donc pas pris en compte. - les éléments marqués en rouge sont toutes les représentations encore non disponibles dans lʼoutil, mais qui sont cependant, en voie de développement dans le cadre de projets pilotes. - le symbole bâtiment indique que lʼon parle de la modélisation BIM. - le symbole du rectangle indique quʼil sʼagit dʼinformations préalables à la constitution du modèle, les codes de couleurs ne sʼy appliquent pas.

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Voir Senate Properties, BIM Guidelines 9 volumes, Finlande, (mise à jour 2007). http://www.senaatti.fi 6


Schéma a. Senate, BIM REQUIREMENTS, 2007, Volume 1 : General Part, P. 7. a. Ce premier schéma, indique quʼune grande partie des données nécessaires au démarrage du projet ne sont pas intégrables directement dans le modèle (bâtiment jaune). Des règles bien précises indiquent cependant comment elles doivent être mises en relation avec le modèle (dossier, format, etc.). Lʼintégration au modèle doit être faite, si cela est envisageable, et en particulier sʼil sʼagit dʼune donnée importante pour le projet. En Finlande, est en cours dʼélaboration un projet qui vise à rendre interactif les réglementations (urbanistiques) avec la modélisation des informations du bâtiment (bâtiment rouge).

Schéma b. Senate, BIM REQUIREMENTS, 2007, Volume 1 : General Part, P. 9.

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b. Ce schéma illustre ce qui doit être produit dans le processus du projet. À partir des informations du projet, des réglementations et de la modélisation du site, des propositions spatiales doivent être élaborées. Chacune de ces propositions architecturales doit être une simulation complète, intégrant des règles définies au préalable. Plusieurs grandes familles de solutions doivent être esquissées. Les grands principes structurels doivent être représentés pour chaque alternative. À ce stade, lʼingénieur possède une modélisation structurelle des projets et est déjà en mesure de se positionner quant à la meilleure alternative. Les différentes alternatives doivent être développées avec le même niveau de détail. Toutes ces règles sont définies dans un contrat spécial et le bureau dʼarchitecture doit mentionner les sous-traitants qui seront utilisés pour ces différentes étapes de construction du modèle BIM. On peut observer que les documents de présentation finlandais sʼattardent principalement sur lʼaspect constructif et technique du processus de construction. L'intérêt est avant tout porté sur les normes et spécificités à inclure dans le modèle BIM.

Schéma c. Senate, BIM REQUIREMENTS, 2007, Volume 1 : General Part, P. 11. c. La solution choisie doit être enrichie dʼun niveau de détails supplémentaires. La spatialité, les volumes et les choix architecturaux sont discutés. A ce stade, le modèle contient toutes les informations pour le permis de construire. La structure est étudiée et développée dans un modèle BIM distinct. 8


d. Une vérification de la solution sélectionnée est établie entre le modèle de lʼingénieur et celui de lʼarchitecte. Les deux modèles doivent pouvoir être fusionnés de manière concluante.

Schéma e. Senate, BIM REQUIREMENTS, 2007, Volume 1 : General Part, P. 18. e. Les calendriers du chantier et appels dʼoffres, doivent être réalisés à partir du modèle BIM si possible. Le modèle doit refléter lʼévolution du chantier et toute modification dʼouvrage doit passer obligatoirement par une rectification de la modélisation du projet. Le BIM final doit être égal à la construction achevée et être complété plus tard par les nouvelles modifications éventuelles (construction dʼune annexe, dʼun bâtiment attenant, rénovation, etc.).

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Senate, BIM REQUIREMENTS, 2007, Volume 1 : General Part, P. 27.

Ce tableau indique en gras tout ce qui doit être réalisé par modélisation. Le gris indique que ces taches dépendent du projet et peuvent faire parties dʼun processus séparé de conception (sous-traitants). Par exemple, le relevé du site selon la norme BIM peut être sous-traité. Loin dʼavoir dressé lʼensemble du processus, on peut déjà voir dans ces schémas à quel point lʼutilisation du BIM est demandée dans presque toutes les étapes du projet. Cet aperçu permet de considérer le BIM comme un outil de plus en plus proche de lʼarchitecte. Lʼadoption par la Finlande du BIM est nuancée par une application très constructive des projets, à ce stade, lʼétude conceptuelle de lʼarchitecte à travers le BIM reste encore très cloisonnée et peu expérimentée.

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2. Lʼinformation et son contexte numérique #

2.1. Lʼinformation numérique

Ce chapitre introduit un climat observable par brides de réflexions ou de faits. Son caractère plutôt éclectique essaye de rendre compte dʼune certaine fascination technologique qui rend la production de lʼinformation numérique explosive. Cette quantité numérique implique une opération de sélection de lʼinformation par la perte dʼautres informations. La quantité modifie également lʼinformation selon son rapport au temps, son épaisseur ou encore à sa mémoire. Rappels # # # #

« Lʼinformation est une connaissance inscrite (enregistrée) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale ou audiovisuelle sur un support spatio-temporel. Lʼinformation comporte un élément de sens. Cʼest une signification transmise à un être conscient par le moyen dʼun message inscrit sur un support : imprimé, signal

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électrique, onde sonore, etc. » 8

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« Le numérique repose exclusivement sur une volonté de quantifier lʼinformation, de manière à la rendre transmissible dʼune part, et traitable de lʼautre. » 9

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« En informatique, on appelle donnée, la représentation conventionnelle, après codage, dʼune information sous une forme permettant dʼen faire le traitement électronique. » 10

Lʼinformation numérique se constitue à partir dʼun échange binaire, évoqué par le bit 11 . Le bit popularisé par Shannon 12 est la plus petite unité indivisible traitée par lʼordinateur. Elle est constituée de 0 et de 1. Une suite de 8 bits forme 256 possibilités permettant lʼintégration des chiffres, lettres et ponctuations. Cette mesure est devenue un standard, il sʼagit de l'octet. La lecture supérieure de lʼoctet est le kilo-octet (Ko = 1000 octets) 13.

8

LE COADIC Yves-François, La science de lʼinformation, Paris, Que sais-je ?, 2004, p. 6.

9

TIELEMAN David, cours Informatique et technologies numériques en architecture, troisième année, Institut Supérieur dʼArchitecture de Wallonie - Saint-Luc, Liège, 2007, p. 1. 10

LE COADIC Yves-François, op. cit. p. 10.

11

Bit : contraction de binary digit, chiffre binaire.

12

ELWOOD SHANNON Claude.

13

Selon la dernière norme standardisée en décembre 1998. 11


Le codage, est lʼaction dʼorganiser les octets pour leur donner un sens. La réduction de lʼinformation binaire est l'entropie de lʼinformation, on détermine la quantité dʼinformation pour définir un élément en prenant en compte un critère dʼincertitude 14 . Il sʼagit de la théorie de lʼinformation développée à travers le schéma de Shannon. #

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2.1.1. Croissance technologique et explosion de lʼinformation numérique

Lʼévolution de lʼinformatique s'appuie en partie sur lʼaugmentation de la rapidité du traitement des échanges et sur la capacité à stocker lʼinformation. La mémoire et les processeurs évoluent de manière exponentielle par la réduction du parcours de lʼinformation, ce qui aujourdʼhui pose des problèmes liés à la chaleur, en phase dʼêtre résolus par la nanotechnologie. Lʼinformatique est jeune, son évolution fulgurante. Un Macintosh « plus » 15 des années 1984 contient par exemple un méga-octet (1000 Ko) de mémoire vive. Aucune mémoire physique (disque dur) nʼexiste, les informations une fois chargée sur la mémoire vive disparaissent à l'extinction de lʼordinateur. Aujourdʼhui, une mémoire physique dʼun téra-octet (1000 Go) 16 devient courante. Les logiciels et formats sont devenus plus volumineux. Mais la proportion est inchangée : ainsi un texte de 1984 pesant 78 Ko, pèse toujours 78 Ko sur notre machine dʼun téra-octet de mémoire physique. La capacité dʼaccumulation des données nʼest donc pas réellement réduite par les logiciels et formats plus gourmands dʼaujourdʼhui. La valeur dʼune image JPG 17 faisant 5 méga-octet, peut aller jusque 50 méga-octet, mais lʼutilisation courante dʼimpression étant atteinte, elle nʼa plus lieu dʼaugmenter. Ou alors, de manière peu significative lors dʼune modification de compression (la mémoire étant disponible), de type RAW 18. Lʼaugmentation de lʼinformation numérique est liée à deux facteurs proches. Le premier concerne les outils de production toujours plus présents et accessibles (appareils photos, caméras numériques, etc.) favorisant une accumulation brute de lʼinformation. Le deuxième est internet qui augmente la rapidité des échanges et offre un réel intérêt à stocker lʼinformation de manière numérique. Dʼautres facteurs sociologiques peuvent intervenir mais sʼéloignent de ce travail.

14

TIELEMAN David, op. cit. p. 3.

15

Ordinateur personnel fabriqué par la société Apple en 1984.

16

1000 Mo - 1000 000 000 000 octets.

17

Format de compression en imagerie, Joint Photographic Experts, datant des années 1980 (JPG).

18

Format brut, diminuant lʼaltération de lʼimage (RAW) 12


Cette accumulation principalement technologique entraine une sélection de lʼinformation en vue de son stockage. Actuellement, cette sélection est anodine et peut être évitée par lʼoptimisation des informations sans importance (communication vocale, service de messagerie, système de cache, mémoire vive et bande passante évolutive, location de serveur à la demande et selon les besoins instantanés). À titre dʼexemple, un résidant de Grande-Bretagne peut-être pris en photo 300 fois par jour grâce aux 5 millions de caméras de surveillance que possède le pays 19 . Donnée réversible si la trop grande multiplication des caméras implique de ne plus conserver quʼune heure dʼenregistrement due à une incapacité de traitement. Lʼarchitecture est également concernée par lʼaccumulation numérique. Lʼévolution dʼun projet peut être sauvegardé à tout moment et lʼexpérimentation est sans limite, multipliant les échanges et sauvegardes. Les fichiers sont exportés en plusieurs formats et plusieurs tailles à des fins de sécurité, de communication, dʼéchange, etc. #

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2.1.2 Maturité des techniques de numérisation de lʼinformation

Lʼaugmentation de la quantité dʼinformation est encouragée par une maturité des techniques de numérisation, qui provoque une dématérialisation à grande échelle depuis de nombreux supports. "

« La société Google s'est fixé pour mission d'organiser l'information mondiale dans

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le but de la rendre accessible et utile à tous. »

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« Nous espérons que cette étape importante pour nos amis et partenaires de l'industrie de l'édition n'est que la première d'une longue série. Chez Google, nous avons une passion pour les livres et notre souhait le plus profond est de faire de Google Recherche de Livres un service garantissant le succès et l'accessibilité des

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livres, aussi bien que celui de leurs auteurs et éditeurs. » 20

Lʼaccumulation numérique se trouve actuellement dans une zone juridique floue ce qui permet une accumulation sans limite, de manière publique, privée, semi-privée, de tout contenu. La numérisation internationale des livres par Google montre quʼil est bien lʼheure de numériser, la technologie se montrant mature et les utilisateurs suffisamment nombreux.

19

F. GANTZ John, directeur de projet, Le numérique, un univers diversifié et en pleine explosion, livre blanc IDC, 2008, p. 11. 20

Google Books, Accord de conciliation Google Recherche de Livres, (mise à jour 2009). http://books.google.com/intl/fr/googlebooks/agreement/ 13


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2.1.3. Nouvelle relation à lʼinformation

Numériser ou créer de lʼinformation par lʼoutil numérique ne peut pas se faire avec les procédés actuellement utilisés pour lʼinformation physique. Lʼinternet que nous vivons au jour le jour est dʼune intensification permanente. Pourtant, nous nʼavons pas de rapport au passé ou au futur de cette vie virtuelle. Un lien HTTP 21 donné à titre de référence dans ce travail a peu de valeur car rien ne garantit sa présence demain, sa citation ne lʼattache pas au passé car ce lien peut être dynamique, et continuer dʼexister sous dʼautres formes. Le présent numérique est comme suspendu et peut sʼarrêter ou se modifier à chaque instant. [Antoine Picon] « LʼInternet, réussit le tour de force de constituer à la fois une fantastique archive, la plus importante quʼait jamais rassemblée lʼhumanité, et dʼapparaitre comme quasi sans mémoire. » 22 Au-delà de ce rapport au temps, lʼinformation numérique stockée est neutre. À lʼinverse, le support physique donne une dimension particulière à lʼouvrage et une identité souvent indissociable de son contenu. Cette réalité corporelle renvoie aux interrogations dʼAlain Milon évoquant le corps et son rapport à la virtualité. 23 Lʼaccumulation et la numérisation de lʼinformation modifie les modes de virtualités existants. « Les techniques de la réalité virtuelle sont fondées sur lʼinteraction en temps réel avec un monde virtuel, à lʼaide dʼinterfaces comportementales permettant lʼimmersion pseudo-naturelle des utilisateurs dans cet environnement. » 24 Le problème nʼest donc plus dʼaccumuler ou non lʼinformation puisquʼil sʼagit dʼun fait en cours, mais de comment lʼarticuler, la transmettre, la sélectionner, pour la garder cohérente en fonction des dimensions virtuelles nouvelles quʼelle propose.

21

HyperText Transfer Protocol (HTTP)

22

PICON Antoine, Architecture et mémoire numérique, in PEYCERE D. , WIERRE F. , Architecture et archives numériques, Lʼarchitecture à lʼère numérique : un enjeu de mémoire, Paris, InFolio, 2007, (collection Archigraphy), p. 62. 23 24

MILON Alain, La réalité virtuelle avec ou sans le corps ?, Paris, Autrement, 2005.

FUCHS Philippe, MOREAU Guillaume (dir.), Le Traité de la réalité virtuelle, Paris, Presses de lʼÉcole des mines de Paris, 2002, p .6, in ibid. p. 26. 14


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2.2. Historique du traitement de lʼinformation numérique

Les observations historiques qui suivent insistent sur trois approches essentielles à lʼorganisation des informations numériques. La première est à la capacité technique et logicielle du traitement de lʼinformation. La deuxième est la capacité de lʼinterface graphique à dialoguer avec lʼutilisateur. La troisième est une synthèse des deux premières cherchant un équilibre entre lʼinterface et la capacité technique de lʼordinateur. Ces trois approches sont respectivement illustrées en architecture avec, dʼune part, la création de bases de données via lʼintroduction de lʼhypertexte et, dʼautre part, lʼémergence du dessin assisté par lʼordinateur (DAO) à travers une interface dédiée. La synthèse étant lʼévolution aléatoire de la conception assistée par ordinateur (CAO) attachée au contexte particulier de l'intelligence artificielle à ses débuts. #

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2.2.1. Organisation de lʼinformation numérique

JCR Licklider 25 est lʼun des premiers à évoquer lʼaccumulation de données comme frein à la productivité 26 . Bien avant lʼinformatique, il cherche comment organiser les données de ses propres travaux lors de ses recherches en psychoacoustique. Il constate que le temps de travail est diminué de manière exponentielle plus les données augmentent. Son intérêt à organiser et à donner accès aux informations va motiver nombre de ses projets. Il va mettre en place des systèmes de pointage, des bibliothèques, des systèmes théoriques dʼorganisation de lʼinformation. En 1960, son travail se porte sur le projet de défense militaire SAGE, projet qui vise à accumuler un certain nombre de données et à les organiser dans une offensive aérienne. Le projet (vite dépassé) est cependant repris par IBM afin de créer un système de réservation de billets dʼavions. Cette expérience va faire entrevoir à Licklider les possibilités encore non exploitées de lʼordinateur 27 . Lʼordinateur nʼest plus un simple calculateur, il peut devenir une machine à penser. Cela entraîne certaines conditions quʼil définit ainsi : le partage du temps et sa répartition ; des mémoires éditables et des mémoires permanentes ; lʼinformation doit pouvoir être retrouvée de plusieurs façons différentes ; les langages de programmation doivent être accessibles tout comme lʼinterface. Il exprime ces conditions dans son texte de 1960 « Man-ComputerSymbiosis » 28 (la symbiose homme-ordinateur). 25

LICKLIDER Joseph Carl Robnett.

26

Ouvrages de références pour certains faits historiques : RHEINGOLD Howard, La réalité virtuelle, paris, Dunod, 1993. JUPRELLE Jean-François, La trahison des T.I.C, La trahison d'éthique ?, Institut Supérieur dʼArchitecture de la Communauté Française - La Cambre, Bruxelles, 2004. 27

LICKLIDER JCR, Man-Computer Symbiosis, IRE Transactions on Human Factors in Electronics, 1960. Texte intégral : http://groups.csail.mit.edu/medg/people/psz/Licklider.html 28

LICKLIDER JCR, Man-Computer Symbiosis, 1960. Texte dʼétude :http://sloan.stanford.edu/mousesite/Secondary/Licklider.pdf 15


Lʼobjectif est, pour lui, dʼintégrer lʼordinateur au sein même des problèmes techniques. Licklider entrevoit avant lʼheure les e-commerce, les identités partagées et autres concepts que nous utilisons actuellement. Il est considéré comme le père dʼinternet, initiateur de la première idée dʼun réseau global dʼordinateurs. Ses travaux sont aussi à mettre en parallèle avec ceux de Vannevar Bush. Bush est le conseiller scientifique du président Roosevelt et chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). En 1945, il publie « As we may think » dans lequel il décrit le Memex 29 comme un ordinateur qui peut puiser dans une bibliothèque et en afficher le contenu tout en réalisant des liens entre les différentes informations. Sa réflexion est le fondement de ce que nous connaissons aujourdʼhui sous le nom dʼhypertexte. Ces personnalités et leurs observations théoriques sont ensuite mises de côté au profit de la technologie. Lʼun des premiers ordinateur, lʼENIAC, fonctionnait avec 17468 tubes et pesait 30 tonnes. Nous sommes maintenant à plusieurs millions de transistors sur quelques centimètres carrés. Mais lʼévolution technique, aussi importante soit-elle, nʼa pas de sens sans fondement théorique et sans savoir à quoi cette puissance peut servir. Si la puissance de calcul est intéressante pour les scientifiques, aujourdʼhui elle est davantage attribuée à lʼorganisation, à la gestion et à la lecture des données que nous accumulons. Lʼhistoire montre que la préoccupation dʼorganiser et dʼarchiver lʼinformation est liée au développement même de lʼordinateur, de sa technologie mais aussi de ses capacités logicielles. Cette organisation logicielle est réalisée par les algorithmes et programmes permettant de lier les informations entre elles. La capacité des ordinateurs personnels a significativement augmenté à partir des années 1980. En attestent Apple et la sortie de son Apple II (a) puis de son Macintosh « tout en un » (b).

a. Publicité Apple II

29

b. Publicité Macintosh

c. Revue « neuf » 105

M. NYCE James, KAHN Paul, From Memex to hypertext, Academic Press, 1991. 16


Les architectes se sont intéressés à lʼordinateur pour organiser les centaines de fiches sur les normes en vigueurs ou encore sur les descriptifs des matériaux. Les premières bases de données ont vu le jour sur des systèmes de consultation à la demande, passant ensuite à une libre consultation du support disque. A titre dʼexemple, jʼai retrouvé un magasine des années 1983 - « neuf » volume 4 - 105 (c) qui témoigne de la mise en place de lʼune des premières grandes bases de données en Belgique qui est celle de la « Banque Informatique du Bâtiment ». Ces bases de données assez surprenantes pour lʼépoque, constituent lʼune des premières orientation de lʼorganisation des informations numériques en architecture. La deuxième est celle de lʼinterface.

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2.2.2. Interface et utilisateur

Lʼinterface en informatique est définie comme la « jonction permettant un transfert dʼinformations entre deux éléments dʼun système informatique » 30. Alain Milon en parle de manière primaire comme « une prise liant deux machines au langage commun » 31 . Il aborde ensuite lʼinterface homme-machine (IHM) et explique comment le corps perd son visage à travers lʼinterface, « un système de relations complexes qui cherchent à remplacer le visage par le réseau » 32 . Lʼinterface, par le biais des réalités augmentées cherche à se rendre aussi imprégné dʼhomme et de machine que la distinction entre réalité et virtualité en devient difficile. Lʼinterface devient, non plus une simple prise laissant passer un seul langage (le courant), mais lʼinterprétation dʼun langage machine envers un langage humain. Interviennent alors deux types dʼinterfaces primaires. Les premières sont les interfaces dʼacquisition (souris, stylet, clavier) qui échangent lʼinformation de lʼhomme vers la machine. Les autres interfaces sont de lʼordre de la restitution : lʼinformation est éditée par un code de langage défini par lʼhomme, le transfert sʼeffectue de la machine vers lʼhomme. La première manifestation dʼune donnée interprétée visuellement par la machine est lʼoscilloscope. En 1897, Karl Ferdinand Braun utilise pour la première fois un tube à rayon cathodique pour étudier l'enregistrement de phénomènes électriques rapides. Il sʼagit déjà dʼune première préoccupation à représenter de lʼinformation générée au sein de la machine, la représentation du courant sous sa forme la plus simple, non travaillée, juste exprimée. La première manifestation entre le calcul technique de la machine et son affichage doit attendre Robert Watson-Watt et lʼinvention du radar. Deux problèmes se posent à lui ; la direction d'où vient le signal du radar et comment l'afficher. Le second fut résolu par l'utilisation du tube cathodique à phosphore d'un oscilloscope récemment développé. Lʼévolution suivante sera celle du 30

Le nouveau petit Robert, [interface], 2002.

31

MILON Alain, op. cit. p. 49.

32

ibid. p. 49. 17


docteur Douglas Engelbart, ingénieur en électricité et spécialiste des radars à lʼUS Navy. Il innovera en joignant lʼécran à un processeur et en définissant des symboles en fonction des données à afficher (lʼancêtre des dossiers, sous-dossiers, et tiroirs). L'histoire raconte que cʼest la confrontation au texte de Vannevar Bush qui écrit « As we may think » en 1945 qui lui aurait apporté cette idée. Lʼinterface se développe ensuite jusquʼà lʼintervention de Ivan Sutherland qui, en 1962, invente Skechtpad. Une interface révolutionnaire, qui permet de dessiner à lʼécran. Par exemple, le dessin approximatif dʼun carré va être traduit par un véritable carré. Il induit aussi les techniques du couper, copier et coller. Il inspirera de nombreuses recherches et on lui doit ce que nous connaissons aujourdʼhui sous le nom de conception assistée par ordinateur (CAO). La conception assistée par ordinateur sʼest confrontée à une rude concurrence liée au DAO, le dessin assisté par ordinateur, dont le principal leitmotiv était la productivité. Lʼordinateur par le DAO sʼest très vite transformé en une planche à dessin sophistiquée et très puissante. Le CAO a continué son chemin par une demande principalement issue du secteur de la haute technologie. Mais il nʼa jamais réussi à sʼimposer vis-à-vis du DAO, sans doute considéré comme moins restrictif dans les actions proposées. De plus, une indépendance de lʼarchitecte est proposée par le DAO à travers une rassurante fragmentation de lʼinformation en référence à la planche à dessin. Le CAO demandait une autre approche, une intimité plus grande entre, dʼune part, lʼoutil de lʼarchitecte et, dʼautre part, la méthode de conception. Le CAO sʼest enlisé petit à petit, sans pouvoir prétendre à sa place sauf dans le cas dʼexpérimentations ou de projets pilotes. L'intelligence artificielle sʼest intéressée de près à lʼinterface de lʼordinateur et permet de mieux comprendre le contexte difficile dans lequel se trouvait le CAO.

18


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2.2.3. Traitement de lʼinformation par lʼintelligence artificielle

Les directions prises pendant les cinquante dernières années dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) sont très éclectiques comme l'explique Daniel Crevier dans son ouvrage étudiant lʼhistoire de l'intelligence artificielle. 33 Lʼune des principales avancées de lʼIA est celle des systèmes experts. Un système expert est un processus informatique capable de reproduire les mécanismes cognitifs dʼun expert, dʼun médecin par exemple. Le système se base sur des faits et des règles déjà enregistrées, un moteur d'interférence permet de créer de nouveaux faits, pour en déduire, dans le cas du médecin, les consignes à suivre ou les médicaments à prescrire. 34 Il sʼagissait, avec ces systèmes dʼexplorer de nouvelles voies permettant à lʼordinateur de gérer et dʼidentifier de nouvelles informations. Daniel Crevier explique que lʼune des particularités de ces logiciels est leur [...] « ouverture, au sens où ils se passent dʼexplications supplémentaires. Dans les programmes conventionnels (à lʼexception peut-être des bases de données), les connaissances sont enfermées dans les instructions formulées en langage informatique (les algorithmes), cachées dans la structure même du programme au lieu dʼêtre laissées en évidence dans un module à part. On dit en IA que les connaissances engrangées dans un système expert sont déclaratives, alors que celles des programmes conventionnels sont procédurales. » 35 Ces avancées rapprochent lʼoutil informatique de notre propre pensée, cʼest-à-dire que si lʼon retire une règle ou une information, le système peut continuer à fonctionner à partir dʼautres règles et déductions. LʼIA témoigne de lʼimportance dʼarriver à lier lʼinterface au logiciel selon la manière dont il fonctionne. Lʼutilisateur doit pouvoir trouver une organisation spatiale propre à son fonctionnement. Lʼinformation peut alors prendre de nombreuses formes, le moteur de recherche est une interface particulière où lʼutilisateur doit respecter une grammaire de mots simples. Le menu consiste à trouver lʼinformation à partir de catégories. Lʼinterface est aussi le jeu vidéo qui organise lʼinformation dans un espace en trois dimensions. La qualité dʼun logiciel dépend aussi de son interface. Lʼaccessibilité aux informations est donc liée à lʼorganisation technique et logicielle mais aussi à la spatialité recherchée pour représenter les données dans lʼunivers virtuel. Ces questions interrogent directement le CAO dans sa capacité à concevoir un projet dʼarchitecture. Il doit pouvoir offrir de nouveaux codes de perceptions sʼil veut pouvoir être dʼune certaine utilité à lʼarchitecte, ces codes comme dans un système expert peuvent évoluer ou être absents mais doivent continuer à donner du sens à lʼensemble. 33

CREVIER Daniel, A la recherche de lʼintelligence artificielle, Paris, Champs Flammarion, 1993.

34

Un système expert est dit heuristique, ses débuts se font par le programme Dendral et la première commercialisation a lieu avec Xcon, qui est un logiciel de configuration dʼordinateur (coquille). 35

CREVIER Daniel, op. cit. pp. 188-193. 19


Déterminer une forme « en devenir » demande dʼesquisser une représentation sans toutes les informations requises. Défi énorme pour lʼinformatique. Comment un concept, ou un élément peut-il être esquissé partiellement par lʼordinateur avant dʼêtre restitué à lʼutilisateur ? Cette question entraine une réponse floue qui a sans doute éloigné (de manière temporaire) le CAO, comme lʼintelligence artificielle sʼattaquant à des questions souvent insurmontables, dʼune crédibilité et dʼune présence dans le métier de lʼarchitecte. La question précédente était également posée dans le secteur de l'intelligence artificielle qui sʼintéressait par exemple à la vision et à la reconnaissance dʼune image. Patrick Wintson, dans les années 1965, a élaboré un logiciel assez particulier pouvant apprendre et distinguer des compositions spatiales. « Le programme de Winston apprenait à reconnaitre des structures simples en examinant différentes configurations de blocs où elles apparaissaient. Après avoir contemplé plusieurs exemples dʼarches, dont on lui avait précisé la nature, le programme en forgeait ainsi la description suivante : “ deux blocs en supportant un troisième “. » [...] « Armé de ce savoir, le programme reconnaissait les apparitions ultérieures dʼarches. Il était même possible dʼencore affiner sa description en lui montrant des « arches ratées » des exemples de structures qui ne correspondaient pas tout à fait à la description. » 36 Le CAO a parfois été assimilé à ces recherches de reconnaissance spatiale (recherche urbaine, de design, de formes, dʼalternatives spatiales, etc.) mais nʼa pas abouti à des outils concluants et accessibles. Il a très vite intégré l'intérêt des bases de données orientées objets, mais lʼinterface graphique nʼa jamais vraiment suivi et est toujours resté fort proche de lʼinterface du DAO. Cependant, les promesses folles du contexte dʼépoque sont aujourdʼhui révolues. Les nouvelles pratiques s'appuient sur une organisation de lʼinformation plus mature en évitant volontairement une implication de conception « intelligente » de lʼordinateur, ce qui sans doute, marque un nouveau départ du CAO à partir de techniques plus accessibles comme le BIM étudié dans ce travail.

36

CREVIER Daniel, op. cit. pp. 116-118. 20


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2.3. Techniques dʼaujourdʼhui

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2.3.1. Observations générales

Plusieurs réflexions sont issues du forum « Architecture et archives numériques » 37 . Les positions et recherches de lʼouvrage attestent dʼune préoccupation actuelle de lʼarchivage du patrimoine numérique nouveau lié à lʼarchitecture. Les quelques outils et technologies qui suivent permettent de traiter lʼinformation numérique. Le traitement de lʼinformation numérique implique son organisation, son archivage et sa pérennité. Lʼévolution des interfaces et la hiérarchisation des données évoluent vers de nouvelles applications. Internet met en exergue les constats précédents sous de nouvelles formes. Après lʼhypertexte initié par Vanevar Bush, dʼautres techniques se déploient. Le XML 38 (données structurées) en est un exemple contemporain. Le développement du XML à débuté en 1996, il permet de structurer les données telles que des feuilles de calcul, des paramètres d'applications, des dessins techniques. Il sʼagit dʼun ensemble de règles et de conventions qui permettent de définir de nouveaux langages. La différence avec le HTML, par exemple, est que celui-ci est considéré comme un langage fini avec une série de balises limitées. Le XML permet par contre de déclarer de nouvelles balises, il sʼagit dʼun métalangage qui peut définir dʼautres langages. Le XML est composé de marqueurs appelés métadonnées. « Une métadonnée est une donnée servant à définir ou décrire une autre donnée quel que soit son support (papier ou électronique). » 39 Cʼest Tim Benrers-Lee qui annonce la naissance des métadonnées sur le réseau. La métadonnée décrit une autre donnée pour augmenter sa capacité de référencement. Le RDF 40 (Resource Description Framework) est une évolution de la technique dʼorganisation de lʼinformation. Le RDF nʼest pas un langage de programmation car il ne possède pas de syntaxe, il nʼest pas non plus un format. Il est un concept visant à essayer dʼorganiser lʼinformation à lʼaide de métadonnées. 37

PEYCERE D. , WIERRE F. , Architecture et archives numériques, Lʼarchitecture à lʼère numérique : un enjeu de mémoire, Paris, InFolio, 2007, (collection Archigraphy). 38

The World Wilde Web Consortium (W3C), Communications Team, États-Unis, (mise à jour 2003). http://www.w3.org/XML/1999/XML-in-10-points.fr.html 39

Encyclopédie libre Wikipédia, Métadonnée, (exception dʼune définition libre car fondatrice du système Wikipédia). http://fr.wikipedia.org/wiki/Métadonnée 40

The World Wilde Web Consortium (W3C), Resource Description Framework, États-Unis, (mise à jour 2009). http://www.w3.org/RDF/ 21


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« RDF n'est qu'un modèle abstrait au même titre, par exemple, que l'arithmétique. RDF permet de décrire toute chose selon un mécanisme particulièrement simple : il

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s'agit de phrases minimales, composées d'un sujet, d'un verbe et d'un complément ; on parle de déclaration RDF (peut-être mieux traduit sous la forme de proposition RDF). Par exemple : Clément aime sa maman est une déclaration RDF possible. D'autres déclarations où " Clément " est sujet peuvent conduire, grâce à ce simple mécanisme, à une connaissance poussée de ce sujet. On remarquera la

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proximité de RDF avec le langage naturel. » 41

Il sʼagit dʼune technique de description dynamique permettant dʼindexer, classer et diffuser lʼinformation et son contenu plus rapidement. Par exemple, le RDF permet dʼidentifier des personnes présentes sur une photo à partir dʼun carnet dʼadresses, dʼune géolocalisation, ou encore dʼun trait ou caractère ciblé par une métadonnée. Ces techniques sont ce que lʼon appelle le web sémantique qui est lʼensemble des technologies visant à rendre le contenu des ressources internet accessible et utilisable par dʼautres logiciels. Cette technologie influence de nombreux domaines. La santé est un secteur très attentif aux techniques de la sémantique. Lʼidée est dʼaugmenter le partage et la rapidité des informations entre, par exemple, les chimistes, les biologistes et cliniciens. Des syntaxes communes et vocabulaires communs sont étudiés de manière à augmenter les chances de diagnostiques des médecins qui peuvent être confrontés à des milliers de cas. Lʼouvrage de Blanco X. et Bonell C. exprime ce souhait dʼune structuration syntacticosémantique de la terminologie médicale. Ils travaillent actuellement à une sorte de grammaire médicale. 42 Je m'intéresse ici principalement aux techniques liées à internet car les traitements numériques dépendants et non standardisés se comptent par milliers. La diffusion de standards de traitement sur internet est en plus une source de crédibilité car ils sont testés et choisis par une sorte de consensus mondial. Les applications “Open Source“ sont nombreuses, et témoignent dʼun engouement vers les applications sociales, plates-formes de collaboration, de travail et dʼéchange. Toutes ces applications cherchent avant tout à organiser les informations et à les partager facilement. Les bibliothèques en ligne par exemple se basent sur le format OPAC, qui garantit la possibilité dʼéchanger les informations entre plusieurs bibliothèques. Ou encore, 41

Communauté francophone du web sémantique, introduction RDF, France, (mise à jour 2006). http://websemantique.org/RDF 42

BLANCO X, BONELL C, Vers une structuration syntactico-sémantique de la terminologie médicale : Applications à la traduction espagnol-français, Université autonome de Barcelone, Espagne, 1998. 22


le développement dʼune application GED (Gestion Électronique des Documents) qui se compose de quatre étapes ; lʼacquisition, le classement, le stockage, la diffusion des documents. Ces questions dʼorganisation de lʼinformation posent toutes indirectement la question de lʼarchivage et de la pérennité des données. En architecture, la première difficulté est la variété des formats existants. Pour lʼinstant, certaines applications issues dʼautres domaines sont exploitées. On peut nommer les projets Dspace et Fedora. Ils permettent de monter des portails liant les différentes informations des projets en fonction des descriptions réalisées sur chaque fichier. Des processus de reconnaissance sont aussi étudiés, permettant, par exemple, de regrouper automatiquement les fichiers DWG 43 selon certains critères de dates, tailles, et calques. Il nʼy a pas de réelle application dédiée à lʼarchitecture. Mais les outils existent, il ne manque que les architectes pour les faire évoluer. Le système PLONE est utilisé à lʼécole de Toulouse comme système dʼéchange et dʼorganisation des projets entre architectes et ingénieurs. Le centre Henry Tudor (Luxembourg) expérimente également une collaboration du projet autour dʼun logiciel CRTI-web qui propose lʼorganisation du projet en section et sous sections. Le projet AKAI à destination des universités, permet de gérer des cours et du contenu mais pourrait être utilisé en architecture de par ses capacités de traitement. Les logiciels présentés ici sont tous libres et demandent une installation sur serveur. Jʼai pu expérimenter le système Dspace, AKAI, PLONE et CRTI-web. La complexité dʼinstallation et les conditions dʼutilisation varient. Ils offrent tous des solutions qui, une fois combinées, peuvent être intéressantes pour une organisation des projets et des contenus. Le projet MACE44 (Metadata for Architectural Content in Europe) propose (à la différence des systèmes précédents) un système dʼindexation des informations pour lʼarchitecture. Le projet pédagogique MACE se base sur l'analyse des connaissances selon les activités. Un objet architectural est donc référencé, non pas par ses caractéristiques (taille, matériaux, etc.), mais par les activités qui peuvent lui être appliquées comme : lʼidentification, lʼétude, la conception, etc. Le système permet à lʼétudiant d'organiser et de parcourir lʼinformation selon un apprentissage personnel. Lʼinformation est formatée au fur et à mesure de l'enrichissement de la base de données. Ce projet témoigne dʼune organisation de lʼinformation propre à une intention de départ (la pédagogie). Cette intention est intéressante car elle suppose que lʼorganisation des informations du projet ne peut pas résulter dʼun seul modèle de référence mais bien de plusieurs, selon les domaines étudiés. 43 44

Format standardisé Autocad de chez Autodesk (DWG).

DE GRASSI Mario, GIRETTI Alberto, ANSUINI Roberta, ZAMBELLI Matteo, BARZON Furio, Metadata for Architectural Content in Europe (MACE) : Integration of Web-Based Architectural Databases, in PEYCERE D. , WIERRE F. , Architecture et archives numériques, Lʼarchitecture à lʼère numérique : un enjeu de mémoire, Paris, InFolio, 2007, (collection Archigraphy), pp. 313-326. 23


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2.3.2. Organisation des informations numériques à lʼagence de lʼarchitecte # Perrault

Après lʼaperçu des notions de structuration et dʼorganisation numérique, on peut observer quelles sont les pratiques des bureaux dʼarchitecture et leurs relations avec la production des informations numériques de leurs projets. La majorité des agences sont actuellement informatisées, et comportent souvent une phase de conception réalisée à partir de lʼordinateur. La quantité dʼinformation est donc importante et ne constitue souvent que la seule trace des travaux effectués, à l'exception des impressions pour sauvegarde, rendus de concours, communications, obligation juridique. Lʼagence de Dominique Perrault effectue une sauvegarde sur CD et DVD en plusieurs exemplaires et passe actuellement à lʼutilisation dʼun seul serveur contenant toutes les informations de lʼagence. Un premier archivage consultable brut est réalisé à partir dʼune charte indiquant comment les fichiers doivent être rangés et triés. Le bureau Perrault sous la direction de Ségolène Pérennès-Poncet 45 a entrepris un archivage de données analysées. Il sʼagit [...] « dʼextraire de tous les dossiers de projets une sélection de documents pertinents et dʼen organiser la consultation. Une liste de tous les projets de lʼagence reprend les données factuelles essentielles, à laquelle sʼajoute une consultation simplifiée des plans et images par phase, des présentations emblématiques, des textes, etc. Ce travail a un triple objectif : permettre une valorisation immédiate par lʼagence de son activité auprès des clients et des acteurs culturels, transmettre au personnel lʼhistoire de lʼagence, et enfin dʼassurer une conservation à plus long terme des documents pour quʼils puissent nourrir de futurs travaux de recherche sur tous les sujets quʼils sont susceptibles de renseigner ». 46 Les données sont traitées par une analyse réalisée après le projet. Il sʼagit dʼune double action qui demande une personne supplémentaire (ici étrangère au projet) chargée de cette analyse. Lʼarchitecte Greg Lynn et les chercheurs du projet Embryological au centre canadien dʼarchitecture réfléchissent à lʼarchivage des projets de son bureau. Pour lʼinstant, la plupart des archives numériques sont réalisées en dehors du processus de conception et selon un archivage brut en dossiers et sous dossiers. Lʼutilisation de la 3D comme mode de conception chez Greg Lynn modifie cette méthode. Il sʼagit dʼarriver à garder cette 3D opérationnelle, car elle est le produit fini mais aussi un témoin de la phase de conception.

45

Responsable depuis 2004 à lʼagence Perrault de la gestion, la communication et lʼexploitation des archives. 46

PERENNES-PONCET Ségolène, Place, enjeux et rôle des archives numériques pour lʼagence Dominique Perrault Architecture, in PEYCERE D. , WIERRE F. , Architecture et archives numériques, Lʼarchitecture à lʼère numérique : un enjeu de mémoire, Paris, InFolio, 2007, (collection Archigraphy), pp. 183-189. 24


On retiendra donc que lʼarchivage et lʼanalyse des informations du projet sont très souvent effectués une fois le projet terminé, et quʼune dimension lors de la conception du projet peut être perdue si elle nʼest plus accessible, par exemple à travers un modèle 3D dépassé. Mais, une fois ce problème résolu, la 3D du projet peut se révéler être la mémoire du processus de conception et dʼune dimension particulière liée aux couleurs utilisées, matériaux, etc.

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2.3.3. Lʼinformation du projet dʼarchitecture entre forme, processus et # stratégie selon Antoine Picon 47

La dimension dʼarchive numérique devrait dépendre de la stratégie de conception, consistant à préparer le témoignage du processus en cours. Il sʼagit dʼun nouveau paramètre rendu envisageable par lʼoutil informatique. Antoine Picon étudie lʼarchive du projet selon, dʼune part, les documents ayant une valeur artistique (croquis, recherches, documents de production) et, dʼautre part, un ensemble de documents qui se prêtent au bon déroulement du processus de conception (devis, dessins techniques, échanges). Ces deux extrêmes cohabitent obligatoirement mais peuvent être séparés ou accentués physiquement par exemple pour une exposition. A contrario, lʼinformatique renforce l'interaction entre ces différents documents. Le projet peut en effet évoluer et être modifié, à chaque moment un arrêt sur la forme peut être fait. Les documents de forme et ceux faisant partie du processus sont dès lors plus intimes. Lʼarchivage devient alors stratégique, dans la manière dont ces documents sont liés. Lʼidéal, selon Picon, serait dʼarriver à donner à lʼarchive cette dimension stratégique. La troisième dimension permet de revisiter le modèle à travers plusieurs séquences et éventuellement dʼexprimer le processus de conception. En conclusion, la capacité de structuration de lʼinformation est dépendante de lʼinterface et de la grammaire pour lʼutilisateur final, qui doit pouvoir se reconnaitre dans la méthode choisie. Lʼorganisation des informations est liée à lʼarchivage et à la sélection des informations clefs du projet. Le numérique inclut par la troisième dimension une organisation des informations permettant la reconstitution du processus de conception du projet, jusquʼici difficilement imitable.

47

PICON Antoine, Architecture et mémoire numérique, in PEYCERE D. , WIERRE F. , Architecture et archives numériques, Lʼarchitecture à lʼère numérique : un enjeu de mémoire, Paris, InFolio, 2007, (collection Archigraphy), pp. 55-63. 25


3. Le BIM, nouvel outil dʼorganisation des informations numériques du bâtiment # #

3.1. Conception dʼun modèle BIM

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3.1.1. Notions générales

La création du modèle BIM par l'utilisateur consiste à faire correspondre son projet avec les paramètres définis du logiciel. La modélisation des informations du projet passe par la reconnaissance du logiciel de ce qui compose le projet. Pour faire simple, la présence dʼun mur dans le projet fait appel à des notions élémentaires déjà présentes chez lʼarchitecte. Il faut que le logiciel puisse identifier ces attributions dites « élémentaires » pour pouvoir composer un modèle intelligent (qui établit des liens). Cette approche repose sur une conception orientée objet. À ne pas confondre avec la programmation orientée objet. La technique de programmation sʼécarte du sujet mais fait appel au même concept qui peut être traduit en langage architectural. Premièrement, une fois lʼoutil « mur » utilisé, une restriction des possibilités est opérée. Deuxièmement, lʼattribution « mur », lie automatiquement le mur à un ensemble dit cohérent. Ces deux observations seront abordées tout au long de lʼexemple pratique. Un objet exprimé selon ses principales coordonnées (x,y,z) accepte un certain nombre dʼinformations et dans le même temps autorise de nouvelles actions. Cette procédure dʼévolution permet de lier les objets entre eux. Une fenêtre ne pourra ainsi être placée dans le modèle quʼà partir dʼun mur. De nombreuses dimensions peuvent être ajoutées : la composition, les quantités, les prix des matériaux, la provenance. Ces indications sont liées à lʼenvironnement, dʼautres murs peuvent être associés automatiquement aux nouvelles informations. Lʼaccumulation des informations est donc automatiquement organisée selon la modélisation en trois dimensions. Les informations peuvent être entrées au fur et à mesure quʼelles sont connues. Cette évolution est cependant très restreinte et ne concerne que la matérialité et les informations secondaires. Les dimensions et épaisseurs sont requises pour tracer.

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Définition du cadre de travail Je nʼai volontairement pas choisi un de mes projets pour ne pas être tenté dʼaccepter certaines modifications de celui-ci par ma méconnaissance du logiciel. Le projet choisi est un centre pour jeunes à Munich construit par les architectes Ponton, München Martin Höcherl, Markus Link. Le pavillon est construit pour une période de dix ans. Il est posé dans son environnement et nʼa aucune relation directe avec celui-ci. La construction est simple mais fait appel à quelques notions particulières de caissons et dʼarmoires intégrées aux parois. Il ne possède quʼun étage et arbore une structure relativement simple de type poteaux-poutres. Lʼéchelle du projet permet de sʼattarder sur chaque élément, devant être correctement exprimé dans le modèle BIM. Le logiciel choisi est Archicad 13 développé par Graphisoft et racheté par Nemetschek (All plan, Vectorworks, Cinéma 4D, etc.). La raison de ce choix est quʼil est lʼun des plus vieux logiciels à utiliser la virtualisation dynamique du bâtiment (aujourdʼhui appelée BIM). Le logiciel Revit Architecture a été également utilisé dans la création du modèle. Le choix du logiciel a peu dʼincidence sur ce travail, les observations sont faites de manière générale sur le processus de construction du modèle BIM et non sur les particularités dʼergonomie liées aux logiciels. Niveau de compétence : aucune, le logiciel était nouveau pour moi. Temps de travail : 36 heures de modélisation. Prix du logiciel : gratuit comme étudiant, jeune diplômé 2500 euros, standard 6890 euros. Source du projet : tout a été dessiné à partir de quelques plans au 1/250 disponibles dans le périodique DETAIL 2004 1/2 et dʼune coupe au 1/20.

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Introduction à lʼinterface du logiciel

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3 1

(fig.1)

Archicad est assez simple à appréhender si lʼon fait abstraction des nombreux outils disponibles à lʼécran. Lʼinterface se compose de trois fenêtres distinctes (fig.1). La première correspond à lʼespace de dessin (fig.1-1), chaque représentation (plan, coupe, élévation) correspond à une nouvelle fenêtre de dessin. Cet espace est infini, les seuls repères proviennent dʼune grille pouvant être affichée. La deuxième fenêtre correspond à la navigation (fig.1-2) entre les documents en production. On y retrouve les plans, coupes et élévations. Ces trois catégories sont distinguées par une arborescence et des réglages spécifiques. Par exemple, les couleurs dʼune vue en plan peuvent être différentes de celles employées pour une vue en coupe. Mais coupes et élévations sont toujours produites à partir du plan. Lʼélément principal de dessin est le plan, il faut dessiner les éléments qui sont ensuite calculés en coupes, élévations et 3D. Lʼopération est réversible. Chaque fenêtre est régénérée à partir des éventuelles modifications. La troisième fenêtre indique les différents outils (fig.1-3) qui font référence aux éléments connus : colonne, poutre, dalle, toiture, fenêtre, porte, etc.

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(fig.2)

(fig.3)

Lorsquʼun élément est sélectionné et tracé, il apparait avec certaines caractéristiques par défaut (fig.2). Il faut, au préalable, lui donner une hauteur et une épaisseur, la longueur intervient de manière dynamique dans la fenêtre de dessin (fig.3). Tracer un mur ne donne pas lieu à une ligne, mais à un axe. Cet axe interroge lʼangle et la distance (fig.3). Une fois les coordonnées entrées, le mur se trace. Le mur possède ses propres caractéristiques, mais surtout autorise lʼélément fenêtre ou porte. Inutile donc dʼessayer de dessiner une fenêtre sans mur. Modifier une coupe modifiera le plan, les élévations et la 3D. De même, travailler sur la 3D, modifie les plans, coupes et élévations correspondantes (fig.4-5).

(fig.4)

(fig.5)

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3.1.2. Processus de conception

a. Fondations, planchers et structure Les fondations sont tracées à lʼaide de lʼoption mur, ensuite une dalle est tracée par superposition aux fondations. La constitution du plancher est réalisée à partir de lʼoutil dalle, celui-ci ne propose pas lʼintégration dʼune structure dimensionnée. Je décide de poursuivre mais je suis directement confronté à la même question lors de la pose des murs. La composition du mur se définit à partir de couches successives, lʼépaisseur et la représentation graphique de chaque couche peut être modifiée (comme dans la dalle). Dans cette première composition du mur, la structure intervient de manière ambiguë. Les murs de maçonnerie ne posent pas de problème puisque la maçonnerie est considérée comme une épaisseur, une couche de bloc de béton. Ma préoccupation reste la présence de la structure bois que je cherche à dessiner. Après de nombreuses recherches, la seule possibilité intéressante semble être de dessiner les murs sans structure. Pour ensuite, dessiner les solives et montants par superposition. Le logiciel accepte la superposition des éléments « parois » et « colonne ». Je peux donc choisir de mʼen tenir à la représentation du mur par couches, ou dessiner ma structure bois par superposition. Jʼai dessiné la structure bois entièrement, les outils utilisés sont la colonne et la poutre. Pour ne pas confondre les couches, on peut signaler au logiciel que la couche de maçonnerie est portante et que lʼisolation ne lʼest pas. Cette notification permet ensuite dʼisoler la structure du reste. La superposition du mur et de ma structure bois donnent une représentation finale intéressante, sur les coupes, je distingue correctement les solives, le revêtement et lʼisolant défini dans les couches du mur. Je nʼai pas trouvé le moyen de lier la création dʼun mur avec la création dʼune ossature en bois. Les deux se superposent, mais nʼinteragissent pas ensemble. La modification du mur ne modifiera donc pas directement la structure dessinée, ce qui au regard du BIM nʼa pas de sens. Des outils comme Hyperconstructeur et lʼoutil dʼédition objet permettent de dessiner des structures bois assez complexes. Mais lʼambiguité persiste sur les fonctions présentées qui ne sʼadressent de toute façon pas au dessin de la structure. Ici, le projet ne pouvait pourtant pas se passer de la structure dont il dépend entièrement. La qualité de définition des objets est, pour le reste, très correcte et plutôt complète. Jʼintroduis les matériaux utilisés selon leurs sections, variantes, mais aussi quelques indications administratives sur les matériaux posés. Jʼessaye donc de placer un maximum dʼinformations dans le modèle à différents moments de la construction nʼayant pas suivi (volontairement) lʼenchainement des étapes normalement suggérées par les tutoriels.

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b. Fenêtres, portes, objets intérieurs Pour créer une fenêtre, le logiciel vous prend par la main en vous proposant toute une série dʼoptions, du croisillon à la moustiquaire. Par contre, il est impossible de modifier lʼépaisseur des montants périphériques. Impossibilité aussi dʼarriver à dessiner une fenêtre comme celle que je souhaite dans le pavillon. On parlera plutôt de fenêtres paramétriques que de fenêtres dessinées. La liaison des objets (exemple de la fenêtre qui dépend du mur) pourrait être très intéressante mais est plutôt vécue comme conflictuelle. Les grandes baies avant du pavillon se décomposent en plusieurs types de fenêtres, les unes fixes, les autres ouvrantes et de compositions différentes, une fois pleine, une fois vitrée. Créer une fenêtre longue dans Archicad ne pose pas de problème. Par contre, lier différentes fenêtres à partir de leurs châssis nʼest pas envisageable. Lʼapparition du mur écrase cet aspect et marque une discontinuité. Cette discontinuité ne permet pas dʼavoir le mur fenêtre voulu. Pour y remédier, jʼai dû superposer les fenêtres et leurs différents châssis. Sans doute, que dans ce cas, la seule alternative aurait été de dessiner la fenêtre en mode édition. Les meubles intégrés aux parois ont été construits par lʼéditeur objet ou encore via des fonctions détournées. c. Exploitation des informations du modèle Ces observations montrent les insuffisances et difficultés facilement surmontables par des astuces ou des contournements de termes et de fonctions. Les outils disponibles ne permettent pas de changer dʼéchelle et restent dans une même dimension, celle du mur, la fenêtre, etc. Ce qui, en soi, limite le logiciel à la définition du bâtiment. La modélisation finale est assez convaincante et lʼorganisation des informations du bâtiment est imbattable. Il est facile de se promener dans le modèle et de connaitre en un clic toutes les dimensions dʼun objet mais aussi, ses caractéristiques techniques, prix, capacités, marques et autres. Ces informations sont ensuite exploitables à partir dʼoutils « facilitateurs » comme pour la création du métré. À condition dʼaccepter un formatage lié au logiciel. Les outils peuvent aussi être externes au logiciel, et proposer une analyse environnementale ou dʼautres études à partir des quantités et matériaux contenus dans le modèle. Ces outils restent peu présents et très liés à lʼéditeur du logiciel. Le BIM expérimenté dans Archicad malgré ses imperfections dʼinterface permet dʼarriver à un réel modèle dynamique du bâtiment. Lʼintégration des informations est exploitable sous plusieurs formes, principalement selon le plan, la coupe, lʼélévation et la 3D.

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3.1.3. Plan et coupes

Vue en plan

Coupe S-05

Coupe S-02

Coupe S-04

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3.2. Les logiciels BIM

Le pavillon de jeunes a été réalisé en grande partie sur Archicad et complété par Revit Architecture. Dʼautres logiciels ont été testé pour assurer un aperçu général vis-à-vis des logiciels disponibles basés sur la modélisation des informations du bâtiment. Les logiciels suivants ont été essayé : All plan (Nemetschek), Revit Architecture (Autodesk), Bentley Architecture (Bentley), Digital Project (Gerhy). Une étude poussée des solutions logicielles BIM serait, soit, peu objective car liée aux questions d'ergonomie et de préférences, soit, difficilement réalisable de par la complexité technique sur laquelle chacun de ces logiciels reposent. Quelques remarques peuvent néanmoins être faites à propos de Revit Architecture, lʼun des logiciels avec Archicad semblant se démarquer (pour lʼinstant) du monde des éditeurs. Revit Architecture, Autodesk Revit Architecture profite dʼune maturité liée à la longue expérience de Autodesk dans les logiciels professionnels de DAO et CAO. On peut rappeler que Autodesk développe Autocad (DAO), 3ds Max (modélisation et rendu), Maya (modélisation et rendu), Inventor (conception mécanique), etc. Autodesk est donc un poids lourd qui rassemble assez bien les différentes technologies de la famille Autodesk dans un logiciel dédié à lʼarchitecture. Revit Architecture a été utilisé dans le pavillon pour modifier et créer les fenêtres particulières plus difficilement réalisables avec Archicad. - Une attention particulière est portée sur la création des familles qui sont au nombre de trois : les familles de système (les murs, dalles, toitures, escaliers), les familles externes (fenêtres, portes, mobiliers) et les familles in-situ (environnement du projet). Ces familles permettent dès le début dʼorganiser le projet de manière claire. La puissance des familles externes permet de travailler sur plusieurs objets et de ne faire appel à eux que lorsquʼils sont requis (ces fichiers se nomment RFA). Ces objets externes sont véritablement intégrés dans le logiciel à travers des descriptions et relations très précises. - Les familles permettent dʼéditer les objets (éléments externes) à partir dʼun éditeur de modélisation au sein du logiciel. Lʼoutil fenêtre, par exemple, dessine une fenêtre standard élémentaire, il faut ensuite dessiner entièrement la fenêtre selon le niveau de détail souhaité. Ce travail se fait en plan, en coupe et en trois dimensions. Jusquʼà présent, il me semble que cette solution dʼobjet éditable par famille est la meilleure alternative aux bibliothèques plus complètes mais délicates dʼautres éditeurs.

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- La création de formes complexes est simplifiée par lʼoutil masse, qui permet par exemple de décomposer la forme en une série de plateaux pouvant être travaillés par étage. - Le moteur de travail BIM est instantané et aucun conflit ne semble apparaitre entre les fenêtres de dessin. La modification dʼun élément est réalisée directement sur toutes les fenêtres de travail. Les fenêtres générées dans dʼautres logiciels demandent un temps de calcul parfois assez long. De plus, le calcul dʼune fenêtre nʼest souvent réalisé que quand celle-ci est demandée par lʼutilisateur. Revit propose une modification instantanée dans chacune des fenêtres de travail (plan, coupe, élévation, 3D).

Extraits du logiciel Revit Architecture 2009, modèle BIM du pavillon de jeunes. Création dʼune fenêtre en plan et en trois dimensions. Les éléments coulissants sont réalisés comme objets séparés appartenant à une nouvelle famille externe.

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3.3. Technique logicielle « traditionnelle » vis-à-vis du BIM

Le processus de travail traditionnel des étudiants et de nombreux architectes peut être résumé en quelques étapes logicielles récurrentes. Ces étapes logicielles viennent de la méthode de travail à laquelle jʼai été le plus confronté pendant mes études et en bureau dʼarchitecture. Cette méthode nʼest pas la seule et il ne sʼagit pas ici dʼen faire une généralité. La production dʼun projet dʼarchitecture sʼarticule souvent autour de quatre étapes logicielles distinctes (qui peuvent être plus ou moins nombreuses selon lʼhabilité de lʼutilisateur, ses préférences et le temps quʼil dispose).

Logiciel de conception (troisième dimension élémentaire). Logiciel de la table à dessin (deuxième dimension). Logiciel de conception des structures (deuxième ou troisième dimension).

Architecte

Représentation finale du projet en 3D (troisième dimension plus précise). Logiciel de mise en page, rendu, etc.

- Dans la première phase du projet, la 3D rapide et intuitive comme Sketchup 48 est de plus en plus utilisée comme outil de recherche spatiale et pour les premières vérifications formelles. Cette première modélisation élémentaire est parfois source de nouveaux concepts ou idées pour le projet. Si cette approche peut être remise en question, elle reste très utilisée par les étudiants et les architectes conjointement aux supports traditionnels que sont la maquette, le dessin, le plan et la coupe.

48

Sketchup, logiciel de modélisation simple, édité par Last Software, licence propriétaire Google, 2009. 35


- Les plans sont dessinés avec un niveau de détail évolutif rendu possible par le DAO (dessin assisté par ordinateur) lors du processus de conception. Le logiciel Autocad 49 , par exemple, permet grâce aux calques de rendre le dessin dynamique et modifiable. En fonction de lʼorientation du projet, les coupes et élévations seront plus ou moins travaillées. Chaque nouvelle coupe, élévation ou plan demande un effort de dessin qui doit être réfléchi vis-à-vis de lʼensemble des documents à produire. Cette sélection permet de donner une épaisseur particulière au projet qui est liée à la capacité de lʼarchitecte à se concentrer sur les documents clefs de son travail. - Parallèlement au dessin en deux dimensions, des études sont menées selon lʼimportance du projet sur la structure, lʼutilisation des matériaux, les quantités et détails techniques. Cette étape passe par le dessin du projet dans un logiciel spécifique, qui peut être en deux ou trois dimensions. Le projet est rarement dessiné entièrement, les détails sont souvent localisés aux endroits délicats et essentiels à la compréhension du travail. Une approche globale de la structure peut être envisagée, le niveau de détail est alors moins important. Le travail est souvent conséquent, car le projet doit être reproduit selon différents logiciels complexes à utiliser. Le logiciel faisant référence en structure est ISSD 50 , mais Sktechup reste très utilisé pour représenter la solution structurelle choisie. Souvent, la 3D réalisée sur Sktechup est différente de celle du projet et ne concerne que la structure. Un double encodage peut donc avoir lieu entre, dʼune part, Sketchup, et dʼautre part, ISSD, en fonction des orientations choisies pour le projet. - Lorsque le projet est suffisamment défini, lʼarchitecte procède à la création dʼun modèle tridimensionnel fidèle et cherche les vues les plus intéressantes pour son projet. Le niveau de détail et le style sont travaillés à partir de logiciels plus complexes que Sketchup. On retrouve Blender 51, Rhinoceros 52 , Autocad 3D, mais aussi des logiciels de rendu comme Cinema 4D 53 , Artlantis 54 , 3DS max 55 ,etc. Cette 3D fait souvent lʼobjet dʼun encodage supplémentaire du projet selon la méthodologie du logiciel choisi.

49

Logiciel de DAO, édité par Autodesk, licence 2009.

50

ISSD (Interactive Software for Structural Design), Belgique , LATTEUR Pierre, 2009.

51

Blender, logiciel de modélisation complexe, open source, 2009.

52

Rhinoceros, logiciel de modélisation NURBS, développé par McNEEL Robert & associés, 2009.

53

Cinema 4D, logiciel de modélisation, texture et animation, développé par Maxon, Nemetschek, 2009.

54

Artlantis, logiciel de rendu, développé par Abvent, 2009.

55

Autodesk 3ds MAx, logiciel de modélisation et de rendu, développé par Autodesk, 2009. 36


- La mise en page est réalisée à partir de logiciels spécifiques. Ils peuvent être détournés, comme Photoshop 56 utilisé pour la mise en page alors quʼil sʼagit dʼun logiciel de traitement dʼimages et que les plans sont normalement vectoriels. Cette approche séquentielle a un avantage lié à lʼattention portée sur chaque nouvelle production. Mais aussi, il a lʼinconvénient de réduire lʼévolution du projet en fonction du temps restant. La modification dʼun plan demande de retravailler successivement chaque représentation correspondante. Les outils sont de plus en plus spécifiques et exigeants (étude thermique, environnementale, structurelle) ce qui entraine des retours ou des changements dʼorientations pas toujours évidents à considérer quand il sʼagit dʼencoder à nouveau le projet. Ce que peut proposer le BIM vis-à-vis de la méthode décrite précédemment est de réduire le nombre de fois où le projet doit être dessiné. Cette réduction pourrait augmenter les recherches sur le projet et ouvrir celui-ci à une série de logiciels difficilement accessibles dans la méthode précédente. Lʼorganisation générale et la mise en relation des informations est également plus évidente. La cohérence du projet est assurée par le modèle unique, ce qui dans une production séquentielle des documents nʼest pas toujours le cas.

Logiciel de conception (troisième dimension élémentaire). 3D.

Projet BIM.

Plans, coupes, élévations. Etude des structures.

Mise en page. Architecte

56

Logiciels de composition, Suite Adobe, Photoshop (image), Illustrator (vectoriel), Indesign (mise en page). 37


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3.4. Le logiciel BIM, ou le projet BIM ?

Les logiciels BIM étudiés ont tendance à vouloir réunir tous les logiciels de lʼarchitecte dans un seul logiciel « tout en un ». La tentation est grande mais semble inappropriée face aux exigences de lʼarchitecte qui trouve une certaine liberté dans lʼutilisation séquentielle de différents logiciels (voir chapitre précédent). Le BIM sʼattache pour lʼinstant à une information finie (porte, mur, fenêtre), sans doute issue de la difficulté de développer un logiciel pouvant répondre à la complexité dʼun projet dʼarchitecture. Le BIM aurait sans doute avantage à être indépendant laissant alors aux éditeurs la possibilité de se spécialiser dans des outils de conception différents que le mur, la porte, la fenêtre, etc. Le projet BIM serait une entité, sʼorganisant elle-même et acceptant lʼintroduction de nouvelles informations finies, floues, aléatoires et dʼéchelles différentes.

Ouverture du modèle Lʼentité indépendante que pourrait proposer le projet BIM (à défaut du logiciel BIM) permettrait également dʼouvrir celui-ci selon différentes échelles dʼorganisation de lʼinformation du projet. Le projet FACADE en est un exemple. #

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3.4.1. Le projet FACADE

Le projet FACADE du MIT (Massachusetts Institute of Technology) concerne la pérennité des données de conception architecturale. Le projet est mené par MacKenzie Smith, la directrice déléguée à la technologie du MIT. Elle supervise de nombreux projets dont Dspace, un projet de bibliothèque de documents numériques déjà évoqué. Je porte un intérêt particulier au projet FACADE de par son orientation, dédiée à lʼarchivage mais aussi à la technologie BIM. Ce projet considère le BIM comme une norme encore peu définie et propose une appellation particulière dʼorganisation de lʼinformation du projet, « les modèles dʼinformation du projet » (PIM). La différence entre PIM et BIM est que le BIM s'intéresse au bâtiment, le PIM au projet et à tout ce qui sʼy attache. Le PIM a comme intérêt lʼorganisation de toutes les données numérisées en relation avec le projet dʼarchitecture. Son intérêt est double. Premièrement, la création dʼun modèle dʼinformation BIM peut contenir une série dʼinformations sur le projet, mais toutes les informations ne peuvent encore y être jointes à lʼexemple des photos du site, plans et calques venant dʼautres bureaux. Deuxièmement, le PIM pourrait sʼéloigner du concept BIM actuel qui ne propose pour lʼinstant que des logiciels tous propriétaires. Le projet FACADE contourne le problème en évoquant sa structure PIM comme autonome.

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Il se concentre donc sur lʼorganisation poussée des données du projet sous toutes ses formes, incluant la 2D et la 3D. Le PIM considère en réalité le modèle BIM comme un format en devenir pour lʼinstant exclusivement exploitable à partir des normes STEP (Standards for the Exchange of Product data) et IFC. Il nʼest pas toujours facile de sʼy retrouver. Je voudrais insister sur quelques points. Le PIM considère une phase de transition dans laquelle le BIM sera toujours associé à de nombreux autres formats 2D ou non liés de près ou de loin au projet. Le BIM est considéré comme une technique de conception, qui pour lʼinstant sʼarrête à une norme dʼéchange définie par les IFC. Le PIM parle dʼorganisation générale des informations du projet, alors que le BIM se concentre sur le bâtiment et utilise la troisième dimension. Le PIM n'intègre pas la modélisation et est plutôt assimilé à un GED (gestion de documents) pour lʼarchitecture. Le PIM considère donc l'organisation des informations numériques dʼune manière bien différente du BIM et nʼest en rien comparable. Mais le PIM permet dʼattirer lʼattention sur lʼouverture que devrait pouvoir intégrer la modélisation des informations du bâtiment. Dans lʼutilisation dʼun format pouvant travailler avec une échelle plus large dʼintégration de lʼensemble des informations du projet dʼarchitecture (photos, plans, références, croquis, esquisses, courriers, etc).

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Conclusion de la première partie a. Le BIM sʼinscrit dans une réelle perspective dʼorganisation de lʼinformation et dʼarchivage mais souffre de son ouverture et de son échelle limitées au bâtiment. - Lʼarchivage du projet peut être réalisé à court terme. Il est facile de connaitre lʼévolution du modèle, observer ou enrichir celui-ci au fur et à mesure des informations connues. La précision de recherche permet dʼafficher certains éléments en fonction de critères définis (structure, mobilier, etc.). Les plans, coupes et élévations sont dynamiques et permettent de nouvelles sections, même si le projet est terminé. Une capacité de mémoire est donc présente, permettant par exemple, dans une rénovation future, de connaitre avec précision chaque élément du projet en créant de nouvelles coupes ou élévations. Lʼarchivage du projet repose sur une information réduite au modèle tridimensionnel, qui peut cependant, reconstruire et déployer de lʼinformation spécifique. - La pérennité des modèles dépend des processus techniques des logiciels propriétaires. Une piste certaine est le format dʼéchange IFC libre et accessible qui se généralise et pourrait garantir la réutilisation des modèles dans les années futures. - Une évolution importante devrait être la possibilité de retrouver lʼorganisation interne du modèle dans une structure supérieure. Que lʼon puisse par un système différent, explorer par exemple plusieurs bâtiments BIM. Actuellement, lʼéchelle figée du bâtiment et son manque dʼouverture, risquent de rendre le modèle BIM fragile vis-à-vis de nouveaux systèmes d'organisation de lʼinformation comme le PIM du MIT. b. Le BIM est un système dʼinformation fini, similaire à une approche constructive. - La création dʼun modèle suppose une série de paramètres déterminés et connus de lʼutilisateur. Ces paramètres sʼinscrivent dès le départ dans une finalité. La description dʼun mur est donc obligatoire sans quoi le modèle ne fonctionne pas. Lʼinformation existante dans le modèle est en quelque sorte lʼinformation finale. Cette approche constructive est probablement liée aux logiciels BIM et les outils quʼils proposent à travers la recherche dʼun logiciel « tout en un ». Une piste éventuelle à suivre serait de percevoir le BIM comme un modèle indépendant, sʼorganisant de manière autonome, affranchi de tout logiciel.

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Deuxième partie

Le BIM, outil de collaboration entre architectes et ingénieurs

Le chapitre précédent aborde le BIM selon un contexte numérique large et expérimente la modélisation des informations du pavillon des architectes Ponton, München Martin Höcherl, Markus Link. Cette deuxième partie étudie les techniques de collaboration proposées par le BIM favorisant lʼinteractivité entre les utilisateurs. Le cadre de lʼétude est limité aux architectes et ingénieurs qui ont la particularité dʼutiliser deux langages différents à travers une sémantique dʼordre spatiale et formelle pour les premiers et une sémantique dʼordre structurelle et technique pour les seconds. Cette particularité interroge le BIM dans sa capacité ou non à augmenter lʼinteraction de ces langages à travers lʼoutil informatique. La méthode dʼexportation séquentielle selon la norme IFC est expérimentée ainsi que lʼutilisation du modèle en temps réel par lʼinstallation dʼun serveur de collaboration.

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1. Architectes et ingénieurs, un débat historique Lʼhistoire des architectes et celle des ingénieurs présentée par Jean-Pierre Epron 57 , Antoine Picon 58 et Jean-Jacques Terrin 59 présente les origines et les dispositifs qui ont entrainé ce que nous connaissons aujourdʼhui de deux professions souvent perçues comme incompatibles. Jean-Jacques Terrin explique comment lʼhistoire de lʼarchitecture a toujours porté en elle une forme dʼambiguité. Lʼarchitecte a souvent cherché sa place à travers les siècles entre création et conception, entre poiêsis et tekhnê. Cette recherche dépendante dʼun équilibre peut être la source de conflits avec les partenaires de l'architecte, qui sont plus souvent identifiés à la technique ou à lʼart. Terrin insiste sur le fait que [...] « Lʼétymologie même du mot architecte est révélatrice de cette tension entre poiêsis, tekhnê et praxis, trois registres dont la complémentarité ne va pas toujours de soi » 60 . Il poursuit « Le mot architecture est composé de tekhnê, qui vient de tekhnikos qui signifie en grec “le charpentier, le charpentier naval“ et plus généralement le “fabricateur“ et de archi qui traduit le grec arkhi dont le sens, selon Jean-Pierre Vernant, est au moins triple : “commencement“ (ou origine comme dans “archéologie“), “commandement“ (les Archontes de la constitution athénienne) et “principes“ (comme pour archétype). ». 61 Le premier à vouloir évoquer concrètement une différence entre création (poiêsis) et conception (tekhnê) est Alberti. Il y avait, selon lui, de nombreuses connaissances que lʼarchitecte devait posséder mais certaines plus que dʼautres lui sont obligatoires en particulier la peinture et les mathématiques. [Terrin] « Depuis, la théorie et la pratique architecturale sont longtemps restées fidèles à cette tradition, en équilibre entre création artistique et mesure scientifique. » 62

57

ÉPRON Jean-Pierre, « architecture, architectes - sociologie, histoire », in TOUSSAINT Jean-Yves et YOUNES Chris (dir.), Architectes Ingénieurs, des métiers et des professions, Actes du séminaire, Métiers de lʼarchitecte et métiers de lʼingénieur en génie civil et urbanisme, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Paris, 1996, La Villette, pp. 79-84. 58

PICON Antoine, Architectes et Ingénieurs au siècle des lumières, Paris, 1988, Parenthèses.

59

TERRIN Jean-Jacques, Conception collaborative pour innover en architecture Processus, méthodes, outils, Paris, 2009, lʼHarmattan. 60

ibid. p. 22.

61

TERRIN J.-J et SEITZ (dir.), Architecture des Systèmes urbains, Paris, LʼHarmattan, 2003, p.251-252, in ibid. p. 22. 62

ibid. p. 22. 42


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« On se souviendra quʼen pleine époque baroque les incessantes disputes entre Borromini et Bernin - le second traitant de chimères les prouesses architecturales et

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techniques de son confrère - ont peut-être constitué les signes précurseurs, ou lʼactualisation, de cette vieille dialectique entre poiesis et technê qui ne demandait quʼà se radicaliser. Elles préfigurent en tout cas la scission qui sʼest fait jour dès le déclin de lʼépoque classique et au début de lʼère industrielle entre science et création architecturale. Les étapes de cette rupture sont bien connues en

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France. Le cours proposé par Jean-François Blondel à lʼAcadémie dʼarchitecture, édité en 1775, incitait à “faire sortir lʼarchitecture du mortier et de la truelle“. Il permettait dʼentrevoir ce que serait lʼenseignement à venir de lʼarchitecture, un enseignement ouvertement élitiste, au caractère presque initiatique avec ses rites et son voyage romain, et fondé sur une collaboration entre architectes,

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peintres et sculpteurs, quʼil mettait sur un même pied dʼégalité. Celui-ci a débouché sur la création de lʼÉcole des beaux-arts en 1806 et a perduré jusquʼau milieu du XXe siècle. La création presque simultanée de lʼEcole polytechnique en 1794 et de lʼEcole des ponts et chaussées en 1801, émanation du corps des Ponts et Chaussées lui-même créé en 1747, institutionnalisait la différence - et la divergence

# - entre ingénieurs et architectes comme un prolongement des deux visages # millénaires de la maîtrise dʼœuvre : dʼun côté lʼartiste et de lʼautre le constructeur. » 63 # Cet aperçu historique témoigne des implications et conséquences de cette rupture aujourdʼhui encore ressentie et pratiquée dans de nombreux bureaux où lʼingénieur intervient (sans réelle implication dans le processus architectural) à la fin du projet. Pourtant, une mutation des professions et des spécificités des métiers oblige dʼune certaine manière à reconsidérer ces disciplines et leurs processus de conception apparentés. #

1.1. Modification des professions et formations

Bernard Haumont dresse un portrait rapide de la gestion de projets en Europe 64 . Il décrit le modèle anglo-saxon comme une grande firme de conception. Lʼarchitecte, lʼingénieur, les corps de métiers, les techniciens, sont intégrés au sein dʼune même entreprise. Le partage des tâches entre lʼarchitecte et lʼingénieur est organisé de lʼintérieur et fonctionne à partir des règles éditées par lʼentreprise. Le modèle français ou belge, travaille à partir de coopérations concurrentielles par lʼhyperspécification des spécialités en plus petites 63 64

TERRIN Jean-Jacques, ibid. p. 23.

HAUMONT Bernard, « professions et système dʼaction », in TOUSSAINT Jean-Yves et YOUNES Chris, Architectes Ingénieurs, des métiers et des professions, Actes du séminaire, Métiers de lʼarchitecte et métiers de lʼingénieur en génie civil et urbanisme, « Professions et système dʼaction », Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Paris, 1996, La Villette, pp. 35-58. 43


entreprises. Jean-Jacques Terrin explique ce contexte par la refonte des expertises qui gravitent autour des processus du projet [...] « La complexification du contexte décisionnel et lʼaccroissement des contraintes et des risques, tous domaines confondus, élargissent le nombre de paramètres que le responsable politique et ses collaborateurs et partenaires professionnels - maîtres dʼouvrage, aménageurs, services techniques, etc. - doivent prendre en compte. A contrario, les acteurs traditionnels de la maitrise dʼoeuvre, pour conserver leur compétence, sont obligés de concentrer leur savoir-faire sur la prise en compte de certains de ces paramètres quʼils considèrent à juste titre comme le coeur de leurs métiers, au détriment des autres quʼils négligent, ignorent ou délèguent. Pour combler ces lacunes, les maîtres dʼouvrage font appel à des experts indépendants détenteurs dʼune compétence reconnue dans les domaines en question. » La répartition des tâches est plus aléatoire et lʼarchitecte tout comme lʼingénieur peuvent se retrouver en concurrence sans pour autant avoir la même mission. Haumont identifie ensuite un autre modèle dit émergent, le modèle gestionnaire. La répartition des tâches entre lʼarchitecte et lʼingénieur est contrôlée par une personne tierce, favorisant lʼéchange et permettant dʼoptimiser les missions. Cette évolution marque lʼapparition de complications dans lʼattribution des missions. La question nʼest pas de savoir quel modèle va sʼimposer mais de constater que le travail de lʼarchitecte et celui de lʼingénieur sʼentrecroisent de plus en plus. Les réflexions sur le détail et la matérialité abordées par Yves Balots aboli par exemple les frontières érigées entre technicité et spatialité, entre lʼingénieur et lʼarchitecte. Auguste Laloux 65 témoigne dʼune formation des ingénieurs trop peu marquée de sciences sociales et de lʼinadaptation générale de la formation traditionnelle en Belgique. Ce sujet faisant lʼobjet dʼun autre travail, permet néanmoins de constater que les formations des architectes et celles des ingénieurs, tout en gardant leurs spécificités, devront de plus en plus se considérer mutuellement. Par ailleurs, les nouvelles exigences environnementales diminuent davantage l'intérêt de disciplines concourantes. La multiplication de bureaux intégrant ingénieurs et architectes témoigne dʼun intérêt pour un rapprochement des disciplines. Le bureau Greisch, par exemple, fait travailler les architectes sur Archicad et les ingénieurs sur un logiciel différent qui les obligent à retracer les plans des architectes. Les modes de conception restent donc encore souvent cloisonnés, sans doute par le manque de solutions disponibles. Pour combler ce manque, de nombreuses « techniques » de travail doivent être étudiées et expérimentées.

65

LALOUX Auguste, « les sciences de lʼHomme et de la Société dans la formation des ingénieurs », in TOUSSAINT Jean-Yves et YOUNES Chris, Architectes Ingénieurs, des métiers et des professions, Actes du séminaire, Métiers de lʼarchitecte et métiers de lʼingénieur en génie civil et urbanisme, « les sciences de lʼHomme et de la société dans la formation des ingénieurs », Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Paris, 1996, La Villette, pp. 59-68. 44


La définition et lʼexpérimentation dʼun nouveau langage, pourraient être une source intéressante vers un glissement plus évident entre les deux disciplines. Le choix du mot « langage » fait ici référence aux codes et pratiques de lʼarchitecte dans son apprentissage et dans sa vie professionnelle, il en est de même pour l'ingénieur. Les uns ayant une sémantique plutôt liée à la définition spatiale et formelle et les autres une sémantique liée à la structure, la stabilité, le dimensionnement, etc. Il ne sʼagit pas de catégoriser les uns et les autres, ce qui au regard de lʼhistoire ne serait que préjudice, mais bien de caractériser le langage comme une forme dʼexpression particulière à deux disciplines qui sʼefforcent de se comprendre.

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1.2. Les codes de conception de Renzo Piano

Le langage de lʼarchitecte qui peut être de lʼordre de la sémantique utilise néanmoins une syntaxe bien définie selon lʼinterlocuteur à qui il sʼadresse. Ce code peut être interne à la discipline mais peut aussi être modifié selon différents niveaux de compréhension. Lʼingénieur doit pouvoir comme lʼarchitecte modifier ses codes de perception pour arriver à communiquer une interprétation, un concept ou une idée. Jean-Jacques Terrin explique brièvement la faculté que possède le document à sʼexprimer à travers des codes différents en référence à des langages appropriés. 66 « Lʼobservation du mode dʼélaboration dʼun projet chez Renzo Piano par exemple, un des architectes contemporains qui travaille de façon explicite sur ces trois registres [créateur, concepteur, inventeur], permet de différencier relativement aisément dans sa production les documents qui sont du domaine de la création, ceux qui sont du ressort de lʼinvention et ceux qui participent à la conception dʼun ouvrage. R. Piano nʼadresse dʼévidence les documents qui expriment son acte créatif quʼà ses collaborateurs les plus proches. Gribouillées au gré de ses déplacements sur des billets dʼavion et sur des post it, ou superbement dessinées avec la précision floue qui leur convient, sur un papier de qualité ou sur un simple calque dʼétude, ces esquisses sont intemporelles, et relativement hermétiques au non initié. Elles sont du même registre que celles de Michel-Ange pour la coupole de Saint-Pierre, ou celles de Mansart pour la rotonde des Bourbons à SaintDenis. Les documents porteurs dʼinvention sont eux aussi simplement esquissés, mais, sʼadressant le plus souvent à un consultant, à un artisan ou à un industriel, ils font référence à des savoirs communs que lʼarchitecte considère inutile de préciser sur le document. » [...]

66

TERRIN Jean-Jacques, op. cit. p. 26. 45


« Quant aux documents qui accompagnent la conception du projet, ils sont dʼun tout autre registre. Ils sont élaborés pour communiquer le projet, au maitre dʼouvrage, aux bureaux dʼétudes, aux entreprises » [...] « On retiendra de cette observation que les notions de poiêsis et de teknê ne sʼopposent pas dans la praxis dʼun architecte comme Renzo Piano, mais que si création et conception sont profondément imbriquées dans cette pratique professionnelle, elles correspondent à des modes dʼaction et à des moyens clairement identifiables. » Cette lecture du travail de Renzo Piano, montre quʼil est difficile de trouver un même langage portant plusieurs codes de représentation se référant à dʼautres langages techniques ou plus abstraits. Lʼoutil informatique peut aider à faciliter la communication entre ces langages par un changement dʼinterface selon le langage voulu et intégrant les codes de représentation appropriés. La troisième dimension par exemple, pourrait exprimer plusieurs langages selon différents codes définis au préalable (couleurs, matérialités, finitions géométriques) dans plusieurs interfaces évolutives et intuitives. Sylviane Lebrun, en 1996, proposait déjà la réflexion suivante : [...] « La pratique du dessin est placée sous le signe de lʼanthropologie. La connaissance des pratiques du dessin peut contribuer à une approche des fonctions de lʼarchitectes et de l'ingénieur dans lʼacte de lʼédification. Une anthropologie du dessin pourrait aussi contribuer à rapprocher les architectes et ingénieurs en ce que les uns et les autres constituent le dessin ou outil.» [...] « Quʼen est-il de lʼintroduction de lʼinformatique ? Cette dernière en assumant une forte technicité, et le partage de cette technique, peut avoir un rôle unificateur en participant, par lʼémergence dʼun dessin dont la vocation première serait la description totale, à lʼémergence dʼun modèle. » 67

67

LEPRUN Sylviane, « des temps où ingénieurs et architectes nʼétaient pas disjoints », in TOUSSAINT Jean-Yves et YOUNES Chris, Architectes Ingénieur, des métiers et des professions, Actes du séminaire, Métiers de lʼarchitecte et métiers de lʼingénieur en génie civil et urbanisme, « des temps où ingénieurs et architectes nʼétaient pas disjoints », Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Paris, 1996, La Villette, pp.129-132. 46


2. Outils de collaboration entre architectes et ingénieurs Ce chapitre étudie les nouvelles pratiques virtuelles dʼéchange et de collaboration entre les architectes et ingénieurs. De nombreuses formes de collaboration existent, trois sont ici abordées. La première est la mise en place dʼoutils dʼaide à la communication comme la table à dessin numérique. La deuxième est les outils déjà abordés dans la première partie, regroupant et organisant lʼinformation à travers un gestionnaire de documents. La troisième est lʼutilisation de la modélisation des informations selon la norme BIM. #

2.1. La coopération en architecture

Le CoCAO se traduit par la coopération entre les logiciels de CAO. La trame de fond du CoCAO est la production dʼun outil adapté aux échanges visés. En fonction de la nature de lʼéchange, un collecticiel 68 est développé pour répondre aux besoins. Il sʼagit avant tout dʼune assistance à la création de documents (dessin, dwg, pdf, modélisations). Le système est souvent basé sur une seule interface (un serveur via un CMS 69 consultable en ligne), et fait directement référence aux outils déjà cités comme Dspace et Fedora, mais ici dans un contexte plus précis. Lʼorganisation des informations est effectuée par dossiers et sous-dossiers, chaque fichier comporte une entité interne dʼinformations non dissociables (dwg, pdf, etc). Il sʼagit en quelque sorte de GED (gestion électronique de documents) destinés à lʼarchitecture.

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« Le projet CoCAO a pour but dʼanalyser les pratiques de coopération lors de la conception dʼun projet architectural, puis de spécifier et développer un collecticiel à lʼusage des acteurs du projet. Cet outil est principalement destiné à les assister dans

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les activités coopératives de création de documents. Nous pensons que ce type dʼoutil logiciel doit maintenant profiter à une large communauté de professionnels du bâtiment, pour une utilisation quotidienne et dans le cadre de projets ordinaires. »70

68

« Un collecticiel permet un travail collectif, collaboratif et à distance afin de rassembler ainsi des groupes de personnes éloignées sur un projet commun », Teaching, Université de Genève, Faculté de Psychologie et des Sciences de lʼEducation, TECFA. http://tecfa.unige.ch/tecfa/ 69

CMS (Content Management System), permet dʼenrichir une application web selon une interface utilisateur ou administrateur. Désigne souvent les sites internet dynamiques (SPIP, etc.). 70

BIGNON Jean-Claude, HALIN Gilles, HANSER Damien, MALCURAT Olivier, ANDRE Vincent, PEUPION Alain, COCAO : Modélisation dʼun environnement logiciel coopératif pour les acteurs de lʼarchitecture et du B.T.P, Nancy, CRAI - Centre de Recherche en Architecture et Ingénierie (consultation 2009). http://www.crai.archi.fr/media/pdf/Cocao.pdf 47


Lʼidée du CoCAO est de faire évoluer la diffusion de lʼinformation en passant dʼun transfert séquentiel à un transfert continu de lʼinformation. Cette technique peut être améliorée par le développement dʼoutils de communication. Le Studio Digital Coopération combine lʼutilisation dʼun collecticiel avec la table à dessin numérique pour la conception du projet dʼarchitecture. #

2.2. Studio Digital Coopération

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« Pour la deuxième année consécutive, le Studio Digital Coopératif a permis à des étudiants en architecture de se confronter à la problématique de la coopération en situation de conception architecturale.

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Développé en partenariat entre lʼÉcole Nationale Supérieure dʼArchitecture de Nancy (France), l'Université de Liège (Belgique) et le CRP Henri Tudor (Luxembourg), un enseignement original de projet coopératif a été proposé à des étudiants architectes et architectes - ingénieurs.

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Cette année, quatre groupes formés dʼétudiants liégeois et dʼétudiants nancéens, avec la contrainte de l'éloignement entre les membres de l'équipe, ont coopéré pour concevoir une école maternelle.

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L'expérience a débuté par la venue, le premier octobre 2008, à Nancy des

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partenaires# liégeois, afin de visiter le site retenu et d'initier le projet une fois les équipes constituées. Le projet s'est poursuivi les semaines suivantes par des séances de travail # synchrones, facilitées par l'utilisation d'un “Bureau Virtuel“. Ce dispositif a permis de partager le travail d'esquisse à distance (système expérimental développé par le laboratoire Lucid Group de l'Université de Liège)

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couplé à une vidéoconférence. Simultanément, les étudiants ont utilisé une plate-forme de collaboration en ligne (prototype développé par le CRP Henri Tudor) pour gérer la répartition des tâches dans l'équipe ainsi que le partage et la diffusion des documents générés pendant toute la durée du projet. » 71

71

Studio Digital Coopération, Introduction, Université de Liège (B), École Nationale Supérieure dʼArchitecture de Nancy (F), Centre de Recherche Public Henri Tudor, (L), 2008-2009. http://www.crai.archi.fr/SDC 48


Le studio repose donc sur deux outils différents, le premier permet le stockage, lʼorganisation et lʼaccessibilité aux documents générés et le second augmente la coopération en facilitant les échanges lors de la conception entre les utilisateurs par le dessin à distance. Le premier est disponible à lʼessai à cette adresse : http://demoged.buildit.tudor.lu. 72 . Les fichiers sont accessibles en téléchargement ou en dépôt. Lʼinterface (CMS) permet de naviguer à travers une série de fenêtres qui permettent de référencer, dʼorganiser et dʼarchiver les projets.

Le deuxième est le bureau virtuel qui se compose de deux parties, lʼune logicielle et lʼautre matérielle. La partie matérielle se compose dʼune table tactile avec une projection de plan ou un fond de travail sur laquelle on dessine. Une retransmission est réalisée entre les deux utilisateurs distants. Cela permet de dessiner sur le projet et de coopérer directement sur la même base. Le logiciel Sktesha est utilisé pour lʼéchange. Cette technique est dʼabord une technique de communication visant à limiter les déplacements et à offrir une collaboration similaire au dessin en temps réel. Une plus grande interaction entre les ingénieurs et les architectes peut être observée par la possibilité de dessiner simultanément sur le même dessin.

Bureau virtuel, Studio Digital Coopération, 2009 72

Utilisateur : demo, mot de passe : demo. 49


3. Le BIM comme plateforme de collaboration Lʼécole dʼarchitecture de Toulouse (ENSA) dans un cours à option donné par Bernard Ferries, aborde la maquette numérique selon lʼéchelle du bâtiment et lʼéchelle de la ville. Les élèves ont travaillé lʼannée passée en collaboration avec des ingénieurs en Génie de lʼHabitat à lʼUniversité Paul Sabatier. Les élèves ont dessiné 15 écoles de Toulouse selon la norme BIM pour ensuite échanger les modèles avec les ingénieurs selon le standard IFC par la plateforme dʼéchange PLONE (voir première partie). Des calculs de thermique ont ainsi pu être réalisés par le logiciel Climawin, ainsi que des calculs de surfaces, impacts environnementaux et métrés grâce aux modèles exportés selon les IFC. Lʼexpérience sʼest avérée réussie. Lʼatelier se poursuit et cherche à ouvrir ses horizons de collaboration. Lʼoption n'interfère pas encore avec les ateliers de lʼécole. Le BIM permet dʼéchanger le modèle et de travailler à partir du projet déjà esquissé ou en cours de conception. Le format dʼéchange IFC couplé au modèle BIM permet une réelle coopération entre les architectes et ingénieurs. Les outils comme le portail PLONE sont ajoutés comme techniques dʼassistance à lʼéchange physique des fichiers.

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3.1. Interopérabilité

Lʼinteropérabilité est la capacité de différents programmes à échanger des données par le biais de procédures communes, sous un format standard avec les mêmes protocoles dʼéchanges. La définition de lʼinteropérabilité est la suivante : « Possibilité de communication, dʼexécution de programmes ou de transfert de données entre unités fonctionnelles différentes, de telle manière que lʼutilisateur nʼait que peu ou pas besoin de connaître les caractéristiques propres à chaque unité. » 73 « L'interopérabilité se définit comme la capacité d'un système ou dʼun produit à travailler avec dʼautres systèmes ou produits sans un effort particulier de la part de lʼutilisateur. » 74 Lʼinteropérabilité en informatique est souvent liée au format des fichiers utilisés. Le format peut être de trois types, le premier est le format propriétaire qui est souvent restreint aux logiciels dont il est issu, le deuxième est un format commercial qui devient un standard dʼutilisation (DWG, PDF, etc), et enfin, il existe le format standard libre (open source). Ce dernier est sans doute le plus profitable à tous, son développement peut être assuré par 73

Définition de lʼISO (organisation internationale de normalisation), in Bâtisseur dʼentreprise de lʼIRAC, Modélisation des données du bâtiment, Institut royal dʼarchitecture du Canada, 2009. http://www.raic.org/practice/bim/bim-practice-builder_f.pdf 74

BuildingSmart, chapitre francophone, lʼinteropérabilité, 2009. http://www.buildingsmart.fr/la-maquette-numerique/definitions/definition 50


une communauté et sera dépendant de lʼutilisation massive ou non du format. Un format dʼéchange comme le DWG (qui nʼest pourtant pas prêt de disparaitre) est considéré comme un standard dʼutilisation entre les bureaux dʼarchitecture, pourtant il reste dépendant de lʼévolution des logiciels propriétaires de chez Autodesk. Un format standardisé libre permet deux choses importantes. La première est quʼil permet à quiconque de développer son logiciel (commercial ou non) et de participer ainsi au développement général du format. La deuxième est quʼil permet une pérennité des données plus importante par son fonctionnement accessible et transparent. Le développement de normes et de formats standards est initié par le domaine du jeu vidéo avec le format ARX (fichiers de ressources avancés) se concentrant sur les objets paramétriques en 3D. Le format ARX permettait de fusionner et échanger des fichiers externes au système. LʼARX était précurseur, parlant dʼarchivage, de fusion, de forme de référence, de données unifiées.

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3.2. Les IFC 75

En 1995, lʼIAI (International Alliance for Interoperability) voyait le jour. Elle est le résultat dʼune alliance entre douze grandes sociétés américaines. Parallèlement, lʼISO (International Organization for Standardization) travaillait sur une norme basée sur le cycle de vie dʼun produit (conception, fabrication, utilisation). Cette norme possédait la fonction attribut - objet propre à la troisième dimension et donc au BIM. La difficulté de développement de cette norme a poussé lʼIAI à développer un nouveau modèle dʼéchange appelé IFC (Industry Foundation Classes). La norme IFC est actuellement la seule à proposer un format standard dans le domaine de la construction. De grands logiciels commerciaux comme Bentley (MircoStation), Nemetechek (All Plan), Autodesk (Revit) et Graphisfot (Archicad) ont très vite intégré les IFC. L'appellation BuildingSmart regroupe selon les chapitres (groupes par pays), les différents projets dʼinteropérabilité et utilisations des IFC. Le BuildingSmart assure dans chaque pays la promotion combinée du format IFC et de la norme BIM. La définition des IFC est actuellement débattue pour être modifiée en « Classes dʼObjets pour la Construction » ou encore « Information For Construction ».

75

Une grande partie des informations qui suivent sont tirées du cours « LʼIAI et les IFC : introduction » réalisé par des enseignants de lʼENSA de Marseille et de lʼUVHC de Valenciennes . (Les schémas sont refaits à partir du cours) - BILLON Roland, Médiaconstruct et Enseignant à l'ENSA de Marseille. - FASSE Isabelle, Médiaconstruct, ex Enseignante à l'ENSA de Marseille. - ZOLLER Jacques, professeur à l'ENSA de Marseille. - TONARELLI Pascal, maître de conférences à l'UVHC. - BOULEKBACHE Hafida, maître de conférences à l'UVHC. - DURIEZ Stéphane, médiatiseur à l'UVHC. 51


Objet, attributs et relations

Propriétés propres et contextuelles

Objet IFC extérieur objet IFC

Relations Classe de l'objet autre objet IFC

Schéma. « LʼIAI et les IFC : introduction », ENSA de Marseille, UVHC de Valenciennes, p. 14.

Les IFC intègrent trois notions principales qui sont « la classe », « les attributs » et « les relations ». Une classe consiste à regrouper des objets de mêmes propriétés et comportements. Les attributs se divisent en deux groupes. Les attributs du composant (dimensions, matériau, volume, etc.) et les attributs contextuels (les liens et restrictions possibles avec lʼenvironnement, un mur peut par exemple rencontrer un autre mur et autoriser ou non une relation). Les relations établissent la nature des liens entre objets ayant les mêmes attributs de contexte, la relation provoque par exemple la création dʼun angle joint quand deux murs se rencontrent. Pour les autres informations concernant les volumes des pièces ou surfaces, elles sont réduites au même procédé « objet - attributs » précédemment expliqué. Les IFC constituent donc une réduction de lʼensemble des informations du projet.

52


Architecture du modèle IFC

Architecture

Etudes Prix

Eléments constructifs

Contraintes

Documents

Organisation locaux

Eléments d'équipements

Aides à la modélisation

Procedures

Domaines d'activités

Chauffage

Eléments partagés

Eléments spatiaux

Produits

Objets du noyau

Acteurs, géométrie, classification, propriétés, matériaux, utilitaires, coût, dates et durées

Gestion du projet

Extensions du noyau

Noyau

Ressources

Schéma. « LʼIAI et les IFC : introduction », ENSA de Marseille, UVHC de Valenciennes, p. 20.

Trois grandes classes constituent les IFC ; les éléments constructifs (porteurs, gros oeuvre), les éléments relatifs aux équipements et les éléments spatiaux. Les objets peuvent avoir comme signification la durée, le prix ou la nature du matériau, les caractéristiques physiques et de durées sont, par exemple, réduites de la même manière. Le principe « objet - attributs » peut avoir de nombreuses dimensions et cʼest ce qui permet de lier les concepts entre eux. La principale force du système est que les relations (entre objets) peuvent elles-mêmes devenir des objets et posséder leurs propres attributs, il sʼagit du principe de décomposition (inverse du regroupement également possible). La décomposition « ressources » par exemple est de lʼordre de dix classes communes : acteurs, géométrie, classification, propriétés, matériaux, utilitaires, coût, formes de représentation, unités de mesure, dates et durée. Une autre décomposition moins 53


abstraite dite de spécification, nommée « extensions », comporte six classes principales : les contraintes, les documents, les aides à la modélisation, les procédures et méthodes, les produits, les objets de gestion du projet. Lʼenvironnement « produit » fait par exemple appel aux caractéristiques physiques du bâtiment. Dʼautres classes de niveaux différents permettent également « des éléments partagés » à partir de l'environnement « produit » ou dʼautres éléments plus abstraits. Les éléments partagés sont ceux qui vont pouvoir donner accès à la liste des objets présents dans la bibliothèque IFC, en fonction du domaine dʼactivité. Cʼest donc la liste des objets qui seront utilisés qui doit être attentivement préparée. Si un projet possède certaines particularités, il faut pouvoir sʼassurer que le logiciel peut recevoir le modèle exporté. Les IFC nʼinventent pas lʼinformation, elles sont un format standard de communication des informations à partir dʼobjets et attributs du modèle de départ. De nouvelles informations, objets et attributs peuvent donc être entrées en fonction des spécificités du domaine. Les IFC peuvent intégrer de nombreuses informations non visibles dans lʼinterface. Chaque modification ou exportation peut être informée de lʼauteur, lʼheure et le jour. Ce système est parfois utilisé quand il y a des problèmes juridiques. Lʼarchitecte qui utilise les IFC doit prendre en compte les informations qui transitent par cet échange, il peut aussi placer des « barrières de responsabilités » dans le fichier échangé. Composer un fichier dʼéchange IFC repose sur deux méthodes. Lʼune est dite point par point. La liberté dʼécriture est totale, le modèle du projet est inscrit instantanément. Lʼécriture est libre et les échanges aussi. Les mises à jour peuvent ensuite être discutées pour décider de lʼévolution du modèle. Lʼautre solution est une écriture depuis un logiciel qui établit lui-même lʼorganisation du fichier IFC. Le problème est que lʼorganisation réalisée par le logiciel donne un fichier délicat à retravailler si lʼéditeur du logiciel nʼexiste plus. Sauf si, l'exportation est contrôlée et organisée selon une charte définie par lʼarchitecte.

54


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3.3. La collaboration à partir du format IFC

Ordinateur A Architectes

Pavillon pour jeunes Projet BIM

Définition d'une structure IFC Architectes et ingénieurs

Pavillon pour jeunes Projet BIM Normé IFC

Ordinateur B Ingénieurs Consultants

Création dʼun format standard IFC 76 La préparation du fichier IFC consiste à s'assurer que les éléments dessinés dans le logiciel de départ (ici Archicad) correspondent aux classes définies par le format IFC selon leurs attributs, propriétés et relations. L'intérêt du format IFC est de pouvoir être lu par des logiciels pouvant recomposer le modèle BIM en dehors de son logiciel de création, pour pouvoir continuer à lʼenrichir.

76

Ce chapitre se base sur le tutoriel de VEQUE Aimerique et FERRIES Bernard intitulé « Guide IFC pour Archicad », septembre 2008. Les illustrations qui suivent sont tirées du projet du pavillon pour jeunes à partir du logiciel Archicad 13 et Solibri Viewer Model. Les schémas ont été dessinés pour ce travail. 55


Le format IFC est libre et peut être modifiable par nʼimporte quel logiciel dédié. Les logiciels peuvent se décomposer selon quatre catégories différentes. 1. Les logiciels dʼédition et de conception comme Archicad, Revit, etc. 2. Les logiciels proposant une édition et une modification du modèle spécifique à un domaine, la conception des structures par exemple, Revit Structure, etc. 3. Les logiciels offrant uniquement une visualisation 3D et une lecture de l'arborescence du projet. Ces outils sont importants car ils permettent de rendre le fichier IFC accessible et utilisable dans dʼautres domaines et de manière indépendante. Par exemple, on pourrait imaginer ouvrir un fichier IFC dans un navigateur web. Cela donnerait une valeur ajoutée au BIM et à sa consultation en ligne. 4. Les logiciels dʼétudes qui produisent des résultats à partir des informations de quantités, espaces, compositions des matériaux, etc. Par exemple, une étude thermique, un calcul des surfaces, une situation des équipements et mobiliers dans lʼespace. Jʼai choisi le logiciel gratuit mais non libre Solibri Viewer (troisième catégorie) qui permet dʼouvrir un fichier IFC et de le vérifier après avoir été généré. La pérennité, lʼarchivage et lʼaccessibilité font partie intégrante des IFC par cette lecture aisée et indépendante.

Organisation du projet sous IFC, lʼarborescence

fig.1. Arborescence dans Archicad.#

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fig.2. Arborescence dans #

Solibri Viewer.

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Le projet sous IFC se compose de la racine Projet (IfcProject). Cette racine se décompose en 4 classes distinctes ; celle du site (IfcSite), le bâtiment (IfcBuilding), lʼétage (IfcStoreyBuilding) et lʼespace (IfcSpace). Chaque classe peut ou non être utilisée, une racine Projet peut ne pas posséder de classe site (IfcSite) selon le projet ou lʼexportation choisie. La décomposition suivante est simple, les objets sont rangés selon les outils de création (poutres, colonnes, portes, etc.) en fonction des étages du bâtiment. La gestion de lʼarborescence peut être faite à partir de lʼoutil de gestion IFC intégré à Archicad (fig.1) et être lue après exportation à partir du logiciel Solibri Viewer model (fig.2) pour une vérification.

Description des parois et matériaux selon Archicad

fig.3. Activation des calques.#

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fig.4. Composition de paroi.

Avant toute chose, il faut activer le calque IFC pour les éléments souhaités du projet. Il convient donc dʼactiver les principaux calques IFC des murs, portes, colonnes, etc. (fig.3). Trois classes définissent les matériaux : - la première est celle du matériau unique (IfcMaterial) qui décrit par exemple le bois ou le béton. - la seconde correspond à une couche et à une épaisseur donnée (IfcMaterialLayer). - la troisième permet la description de la paroi « composite » composée dʼune liste de couches (IfcMaterialLayerSet) (fig.4). 57


fig.5. Vérification indépendante de Archicad. # #

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fig.6. Groupement « façade avant ».

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Les matériaux dans Archicad correspondent aux hachures. Pour avoir une description correcte lors de lʼexportation (fig.5), il faut au préalable définir une hachure et un nom correspondant. Il faut donc soit trouver les hachures correspondantes aux matériaux présents dans la bibliothèque, soit les créer. Les structures composites déterminent les couches des murs et font apparaitre les bonnes hachures (matériaux) selon les différentes couches (fig.4). Le nom de la structure « composite » est importante et permet de distinguer des groupes de murs. Dans le projet du pavillon, les murs ont un nom comme « SW-01 » puis « SW-02 ». Dans cet exemple, les noms des murs nʼont pas dʼimportance, mais bien le groupe auxquels ils appartiennent. Pour ce faire, je réalise une structure composite nommée « façade avant ». Les murs tracés à partir de cette composition de paroi seront rangés selon un groupement type « façade avant » et seront plus facilement identifiables par la suite (fig.6).

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# Vérification dans le logiciel Solibri Viewer.

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Le propos nʼétant pas ici de décrire toutes les classes et propriétés mais dʼesquisser la méthodologie, en voici une dernière intéressante relative à lʼespace. La classe dʼespace correspond à IfcSpace et peut être complétée par IfcClassificationReference pour la création de catégories. Ces classes dʼespaces sont crées par lʼoutil zone dans Archicad. Elles permettent des calculs de thermique, de quantités, la création dʼorganigrammes, etc. Il faut alors travailler avec les frontières spatiales qui indiquent la relation entre les zones et les murs, fenêtres et portes décrites par la classe est IfcRelSpaceBoundary, etc. Lʼidentification des zones permettra également de représenter très facilement le programme ou le concept du projet, en lʼexportant par exemple dans un modèle de rendu. Les classes sont multiples et doivent correspondre à la finalité du projet, elles peuvent être modifiées mais aussi enrichies. On peut dépasser certaines des fonctions du logiciel dʼédition (Archicad) quant à la précision des descriptions du modèle et de lʼorganisation de son arborescence.

Echange du fichier avec All plan (Nemetechek) Lʼimportation du fichier IFC dans All plan sʼest réalisée plus ou moins correctement. Des problèmes de disparitions dʼobjets sont apparus. Il sʼagissait dʼune confusion dans les descriptions des objets. La référence des objets et lʼorganisation du fichier dans le logiciel est restée la même.

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Échange IFC entre logiciels pour ingénieurs et architectes Lʼexpérimentation du fichier IFC se base sur le logiciel Revit Architecture et Revit Structure de la suite Autodesk à partir du modèle créé sur Archicad. La reconnaissance du format IFC sʼest faite sans problème par les deux logiciels. La structure est accessible et bien visible dans le logiciel Revit Structure. Le projet garde toutes ses caractéristiques jusquʼaux différents matériaux. À partir du projet fini ou en cours de conception, architectes et ingénieurs peuvent donc échanger des fichiers BIM normés IFC à condition de maitriser le processus dʼexportation. Cet échange permet de diminuer le travail consistant à redessiner le modèle sur des logiciels spécifiques dans le cas de l'ingénieur. Le modèle est directement éditable et fidèle à ce que lʼarchitecte a dessiné. La troisième dimension permet également de comprendre le projet ou certaines particularités complexes à expliquer. Lʼéchange séquentiel provoque cependant la disparition dʼun espace dʼexpérimentation virtuelle. Chaque modification entrainant un échange, la qualité de la collaboration dépendra directement de la quantité de ces échanges. Lʼéchange est encore physique (fichier) et à sens unique. La qualité de la collaboration sera fortement liée à la motivation des architectes et ingénieurs à procéder aux échanges et fusions des fichiers IFC. Au-delà de cette limite, de nombreux logiciels peuvent travailler sur le modèle IFC et donc garantir lʼutilisation de plusieurs langages différents liés aux interfaces. Lʼingénieur peut, par exemple, travailler sur le projet dans un logiciel propre à son langage.

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Autodesk Revit Structure, pavillon de jeunes importĂŠ selon la norme IFC.

Autodesk Revit Architecture, pavillon de jeunes importĂŠ selon la norme IFC.

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3.4. Expérimentation dʼune collaboration BIM en temps réel

Le BIM par sa modélisation 3D permet, à lʼaide dʼun serveur, de travailler à plusieurs sur le même modèle. Ce travail coopératif est réalisé en temps réel à partir dʼun modèle distant. Une gestion des autorisations dʼécriture et de lecture est faite selon un système de contrôle propre à chaque utilisateur. Lʼexpérimentation suivante se base sur la mise en place dʼun serveur selon le logiciel Archicad 13 BIM Server. La collaboration en temps réel est en réalité une possibilité native du BIM due à sa modélisation tridimensionnelle unique, mais elle demandait jusquʼici un jeu dʼactions simultanées complexes à mettre en place. Aujourdʼhui, il semble quʼune certaine maturité logicielle puisse permettre dʼenvisager cette collaboration interactive autour du modèle BIM. Les échanges ne peuvent se faire pour lʼinstant quʼà partir dʼune même suite logicielle propriétaire (les utilisateurs doivent par exemple tous posséder Archicad dans la mise en pratique suivante). Chaque utilisateur peut modifier le modèle en temps réel, cela implique que chaque élément modifié par un utilisateur a de nombreuses chances dʼêtre modifié par une autre personne au même moment. Un système de gestion des tâches et autorisations est pour cela intégré dans le logiciel. Un objet modifié par deux utilisateurs en même temps pourrait être intéressant mais rend lʼutilisation du modèle complexe et lʼinteractivité logicielle nʼen est pas encore là. La répartition des tâches repose donc sur une organisation spatiale où chaque utilisateur peut « réserver » sa zone de travail. Modifier une fenêtre implique deux actions. La première est que la fenêtre nʼest plus accessible aux autres car « en cours de modification ». La deuxième est que lʼautorisation étant accordée, lʼutilisateur peut être identifié. Cette identification permet de savoir quand et où lʼutilisateur travaille sur le modèle. Ce qui est étudié ici est principalement la qualité de cet échange entre un utilisateur A et un utilisateur C à partir dʼun serveur B. Le travail effectué pendant cette collaboration entre deux utilisateurs a consisté à dessiner, pour lʼun, la structure manquante des parois avant du pavillon de jeunes et, pour lʼautre, les châssis qui posaient problème dans la première partie (3.1.2. Processus de conception). La pratique a donc eu lieu sur la même zone du dessin et sur des objets relativement proches.

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Mise en pratique Préalables : installation du logiciel BIM Server de Graphisoft sur un serveur AMD1800. Lʼinstallation générale repose sur un réseau local. Le serveur est installé pour fonctionner avec deux clients qui sont des ordinateurs portables mac OSX. Le serveur fonctionne lui sur windows XP.

Pavillon pour jeunes Projet BIM

Serveur B Gestion

Rôles

Tâches

Utilisateurs

Administrateur B

Ordinateur C

Observateur Ordinateur A

1. Il faut nécessairement installer le logiciel Archicad 13 sur les machines clientes, le serveur ne possède, lui, que le logiciel dédié BIM. Le projet a été réalisé initialement sur la machine A. Il faut donc partager le projet depuis A vers le serveur B. Une synchronisation est réalisée et le projet est sauvegardé sur le serveur B, qui devient le modèle référence sur le réseau. 63


2. Le serveur une fois accessible est visible dans la palette « teamwork ». Toutes les modifications prochaines faites à partir de lʼordinateur A ou C se feront exclusivement sur le modèle hébergé du serveur B. Les postes clients ne sont plus que des outils de lecture et dʼécriture. Si lʼun dʼeux venait à disparaitre, seules les dernières modifications non synchronisées avec le serveur seraient perdues.

3. Lʼinterface de collaboration « teamwork » est très simple, elle se compose dʼune fenêtre outil, qui vient se placer dans lʼespace de travail principal. 4. La définition des rôles garantit l'évolution générale du projet. Cette notion de rôle est assez complète et permet de donner des accès différents selon les rôles de chacun : le client, lʼingénieur, le consultant, le partenaire, le conseiller ... Ces rôles sont définis directement sur le serveur. Les autorisations peuvent être modifiées en fonction des rôles à partir dʼune liste comprenant : les accès aux layers, les éléments pouvant être modifiés ou qui peuvent être créés, la création ou non de coupes, plans, élévations, modifications de la structure du fichier, dʼimpression, etc. Les autorisations permettent de contrôler efficacement les accès au modèle, de la modification du projet à toutes les modifications externes (lecture, exportation, etc.).

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5. La modification du modèle et la conception de nouveaux éléments sont assez significatives de ce que le BIM peut apporter comme solution de collaboration. Le travail en temps réel est presque atteint. Lʼutilisateur A (vert) veut travailler sur la structure de la paroi avant du pavillon de jeunes, il réserve alors le mur qui devient vert et indique automatiquement quʼil est en cours de modification aux autres utilisateurs. Lʼutilisateur C (rouge) intervient lui aussi sur le modèle et modifie les châssis de la paroi (voir illustration). La réservation des objets et leurs libérations est instantanée, cʼest-à-dire que si lʼutilisateur A réserve un élément, cet élément change de couleur instantanément sur chaque ordinateur pour indiquer son statut dʼoccupation. Par contre, lʼensemble des actions et modifications doivent passer par « Send & Receive » qui va envoyer les modifications effectuées sur lʼordinateur A au serveur B. Lʼutilisateur C devra en faire de même sʼil veut connaitre lʼévolution de son homologue A et transmettre ses propres modifications au serveur B qui joue le rôle de réception et dʼenvois selon les demandes qui lui sont faites. Un système de messagerie instantanée permet de discuter et dʼindiquer des commentaires ou des actions « à remplir » que lʼon peut indiquer comme réalisées ou non. De manière générale, la palette de travail Teamwork est assez intuitive et possède une réelle ergonomie dʼutilisation. La réalisation de la structure de la façade avant simultanément au dessin des châssis nʼa pas posé de problèmes. Nous avons pu travailler sur des éléments très proches les uns des autres. Des conflits peuvent apparaitre si les éléments sont trop rapidement sélectionnés par dʼautres utilisateurs, une perte des modifications peut survenir également après une brève coupure de la connexion au serveur. En dehors de quelques problèmes, le résultat était intéressant et lʼon pouvait communiquer à travers lʼinterface sans problème. Ce qui est assez surprenant mais normal est que lʼon peut travailler selon sa convenance, lʼun sur la coupe, lʼautre sur le plan, les informations étant uniques au sein du modèle.

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6. L'intérêt du BIM se fait ressentir encore davantage par la solution de sauvegarde du serveur. Un paramètre dans le logiciel serveur permet de programmer des sauvegardes permanentes du projet en train dʼêtre travaillé. Pour ce travail, la sauvegarde était réalisée 10 fois par heure. 7. La mise en place dʼune bibliothèque commune est faisable. Elle permet, par exemple, de dessiner une fenêtre particulière et de la mettre à disposition de tous à travers la bibliothèque de chaque utilisateur. 8. Enfin, plusieurs projets peuvent être travaillés simultanément à partir du serveur B. Chose assez intéressante, puisque lʼon pourrait imaginer de faire travailler un bureau dʼarchitecture à partir de cette solution, les projets pouvant être tous concentrés sur le serveur. Il reste à évaluer ce système dans un tel contexte, les ressources du serveur doivent alors être revues. La question dʼadministration peut aussi se poser à ce stade. Qui va prendre en charge la définition des rôles, les autorisations, et décider de ce que lʼon peut ou non faire du modèle en sachant que cette personne doit pouvoir être sollicitée à tout moment.

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Conclusion de la deuxième partie La collaboration par le modèle BIM est pour lʼinstant double. - La première forme de collaboration est le partage séquentiel du modèle à travers lʼéchange physique dʼun fichier IFC entre les architectes et ingénieurs. Ce fichier est une méthode dʼorganisation du modèle qui doit ensuite être respectée. La modification du modèle est possible à partir de différents logiciels acceptant de lire le BIM normé IFC. Lʼingénieur pourra donc utiliser, par exemple, un logiciel de structure si celui-ci est compatible BIM et opérer les modifications voulues. Lʼarchitecte pourra travailler le modèle à partir du logiciel de son choix. Cet échange séquentiel permet donc lʼutilisation de différents langages à partir dʼinterfaces différentes basées sur un même modèle. - La deuxième forme de collaboration a lieu à partir dʼun modèle unique faisant référence pour lʼarchitecte et lʼingénieur. Le serveur permet une accessibilité et une modification en temps réel du modèle à partir de tâches et autorisations définies. Cette collaboration est pour lʼinstant restreinte à une même suite logicielle, ce qui empêche lʼutilisation dʼinterfaces différentes. Cependant, le modèle BIM devient une entité propre à toutes les disciplines en proposant une collaboration spatiale commune à partir du projet. Cʼest donc une plateforme où la collaboration peut être pratiquée en temps réel sur des supports aussi différents que le plan, la coupe, lʼélévation, la conversation, le dessin et la troisième dimension.

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Conclusion générale - La première partie évoque un contexte numérique nouveau qui évolue rapidement dans une direction incertaine. Lʼaugmentation de la quantité dʼinformations numériques demande une sélection de plus en plus importante de celles-ci. Cette sélection est évoquée à travers les préoccupations récentes dʼarchivage et de pérennité des données. Ce qui pose la question dʼune information numérique organisée et structurée selon des modèles qui doivent encore être définis (langages XML, RDF, objet, applications Fedora commons, Dpace, projet européen MACE). 77 Le BIM sʼinscrit dans ce contexte numérique en favorisant lʼémergence dʼun processus théorique de modélisation des informations du bâtiment. Cette modélisation spatiale des informations permet une dimension de mémoire et dʼarchivage. Le BIM semble cependant souffrir des limites quʼil sʼimpose par une ouverture et une échelle relative au bâtiment. Lʼorganisation interne du BIM devrait être accessible à partir de systèmes supérieurs dʼorganisation de lʼinformation au risque dʼêtre fragilisé par de nouveaux systèmes comme le PIM (Modèles dʼinformation du projet) du projet FACADE 78 (MIT). Lʼexpérimentation du modèle BIM relève une interface et une démarche de construction performante du modèle, mais essentiellement basée sur une information finie dʼune approche constructive. Cette information finie (mur, fenêtre, porte, etc.) est probablement liée aux logiciels BIM et aux outils quʼils proposent à travers la recherche dʼun logiciel « tout en un ». Lʼapproche constructive empêche le BIM dans sa pratique actuelle dʼévoluer vers une conception du projet dʼarchitecture plus libre. Une piste éventuelle à suivre serait de percevoir le BIM comme un modèle indépendant, sʼorganisant de manière autonome, affranchi de tout logiciel. - La deuxième partie aborde le BIM comme un outil de collaboration au projet dʼarchitecture. Un cadre dʼétude est posé entre la collaboration de lʼarchitecte et celle de lʼingénieur. Tous deux possèdent des langages différents susceptibles de coexister dans un même modèle dʼinformations. Deux expériences techniques sont réalisées, la première est séquentielle par lʼutilisation des IFC, la seconde est instantanée par lʼutilisation dʼun serveur. La première souffre dʼun échange physique contraignant mais offre la possibilité aux architectes et ingénieurs dʼévoluer dans une interface spécialisée et propre à chaque discipline et langage. La seconde souffre dʼun cloisonnement logiciel excluant l'introduction dʼinterfaces spécifiques, mais propose, un espace dʼéchange commun réactif et intuitif. Ces deux expérimentations attestent dʼun espace de collaboration nouveau proposé par le BIM.

77

Voir « Techniques dʼaujourdʼhui », chapitre 2.3, première partie. pp. 21-23.

78

Voir « Le projet FACADE », sous chapitre 3.4.1, première partie. pp. 38-39. 68


Lecture dʼune nouvelle forme de modélisation des informations du projet dʼarchitecture. Le BIM a un pouvoir étrange : celui dʼinterroger lʼarchitecte vis-à-vis de son outil principal, lʼinformatique, teintée dʼillusions passées, mais aussi de promesses nouvelles. Nombreux sont ceux qui, sans doute par prudence dissocient lʼoutil informatique du processus de conception. Pourtant, les deux dernières générations dʼarchitectes travaillent souvent lʼespace via la troisième dimension et les idées en sont parfois directement issues. Que cette approche soit bonne ou mauvaise, peu importe, lʼinformatique nʼest plus une copie puissante de la table à dessin, son implication est de plus en plus proche du processus de conception. Le BIM en est le témoin et permet d'officialiser (car parfois perçue comme peu sérieuse en architecture) la troisième dimension comme support du projet. Peut-être que penser ce changement dès aujourdʼhui, permettrait dʼassurer à lʼarchitecte le contrôle de son outil, quʼil ne réfléchit et ne conçoit pas encore. Une extension du BIM La définition du MIC pourrait être une évolution du BIM comme « la modélisation des informations de conception » du projet dʼarchitecture. Son orientation pourrait être multiple : une entité indépendante de tout logiciel de création, évoluant selon différentes échelles, sʼouvrant à toutes les informations du projet, et permettant une collaboration instantanée dʼacteurs aux langages différents (architectes et ingénieurs). Nous pourrions distinguer deux approches parallèles : - La définition de ce que doit être le modèle dʼun projet dʼarchitecture. Cela pourrait être une entité logicielle libre ou un format, à lʼimage des IFC, permettant une organisation du projet. Son ouverture pourrait être étendue à toutes sortes dʼinformations en devenir, floues, partielles, s'inspirant peut-être des techniques du XML. - Le développement dʼinterfaces permettant dʼencoder et de créer des informations à partir de champs sémantiques partiels. Cʼest sans doute, la partie la plus délicate. Il sʼagit dʼarriver à entrer des informations non finies, qui demandent une nouvelle forme de représentation à étudier. 69


La première approche serait développée à partir de la création dʼun nouveau modèle reposant sur des formats autonomes et ouverts à lʼimage du XML et du RDF. La deuxième approche exploiterait les interfaces existantes. Lʼinterface dʼun logiciel détermine le processus dʼinteraction dans lʼespace virtuel. Voici trois interfaces différentes ayant pourtant la même technique de modélisation : la troisième dimension. - La facilité de modélisation proposée par le logiciel Sketchup. - La modélisation des informations à lʼéchelle du bâtiment comme Archicad. - La modélisation des informations du projet, selon Catia « Conception Assistée Tridimensionnelle Interactive Appliquée » qui permet un travail dʼéchelle et une liberté totale. Nous pourrions envisager une fusion de ces interfaces selon quatre critères : - un niveau de sémantique approprié. Le logiciel accepte un champ lexical « flou ». - les interfaces sont multiples et elles possèdent un langage propre. Ces langages sʼarticulent dans une synthèse commune (clients - serveur). - une relation dʼéchelle évolutive (le bâtiment, le projet, la ville, lʼarchive, etc.). - une modélisation dans lʼespace intuitive. Ces balises modifieraient le processus de modélisation actuellement linéaire en un processus plus souple acceptant la création dʼéléments aléatoires.

Lʼinformation modélisée est actuellement linéaire :

Outil MUR

Niveau de définition obligatoire A

Tracé A

Niveau de définition facultatif B

Longeur

Composition

Epaisseur

Matériau

Posé sur le sol

Description

Tracé B

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Vers une souplesse des interfaces et des niveaux de définitions

Outil rectangle

Niveau de définition 1

Niveau de définition 2

Espace ouvert

Element porteur

Limite spatiale

Epaisseur

Tracé A

Tracé B

Tracé C

Transparence

Matériau

Recouvrement

Dimension

Déséquilibre

Liaison

etc.

etc.

cycle de redéfinition depuis C vers A

Lʼarchitecte possède par exemple son interface A, où le niveau premier de définition est propre à son langage. Il peut dessiner un rectangle, puis le considérer comme une limite spatiale, ensuite lui donner une certaine transparence et enfin le considérer comme porteur. Un langage visuel facilement assimilable est développé pour définir le champ lexical du projet, la couleur et les matériaux sont des balises dʼindications élémentaires. Lʼinterface B est propre à un deuxième niveau de définition basé sur la modélisation commencée par lʼarchitecte. Lʼingénieur enrichit le projet et définit une série de balises supplémentaires. Cette nouvelle définition C peut continuer à être enrichie par de nouvelles balises, etc.

71


Exemple dʼune mise en situation entre un ingénieur et un architecte A - Imaginons que lʼarchitecte veuille définir une limite de deux espaces au sein dʼun même grand espace, la notion de limite peut être le mur, mais son intention est de lʼordre du ressenti. La question est de pouvoir exprimer cette intention dans lʼespace, une solution pourrait être de dessiner deux espaces vides lʼun à côté de lʼautre. Les jeux de transparences en 3D peuvent facilement exprimer cette intention. Il sʼagit dʼun premier niveau de définition. B - Une transition (à définir) codifierait les éléments selon leurs portées, leurs dimensions, leurs épaisseurs, leurs quantités. Le travail de Laurent Luyten, doctorant à lʼécole dʼarchitecture de Sint-Lucas Gent, développe, par exemple, un langage par le symbole visant à introduire une lecture intuitive de la structure. Cʼest dans ce sens que lʼinterface B devrait agir, il sʼagit pour lʼingénieur de communiquer dans un langage simple, rapide et commun, directement sur lʼinterface A de lʼarchitecte mais selon un deuxième langage également intuitif. C - Lʼingénieur est maintenant confronté à deux espaces entre lesquels il comprend la recherche dʼune limite incertaine. Il décide alors de dessiner deux structures identiques posées lʼune à côté de lʼautre, qui introduisent ce sentiment de rupture et permettent de continuer à approfondir la définition. Un cycle est créé. Lʼarchitecte peut, par exemple, définir son intention plus clairement en évoquant la volonté dʼun passage assez large entre ces deux structures. Ce passage sera ensuite évoqué par lʼingénieur comme une seule structure dont la trame varie à lʼendroit de passage, etc. Lʼexpression de concepts flous devrait pouvoir atteindre une aisance suffisante dans le dessin. Cette piste, renferme de nombreuses questions qui ne demandent quʼà être explorées. Lʼarchitecte doit trouver sa place dans cet univers virtuel, il deviendra un concepteur virtuel guidé par ses outils. Ces nouveaux outils développés selon ses attentes augmenteront ses perspectives de conception spatiale. La sémantique visuelle, la troisième dimension, les relations des objets et leurs attributs, les métadonnées, les systèmes dʼéchanges, toutes ces formes de manipulation abordées dans ce travail sont de lʼordre de la spatialité, et nʼattendent, selon moi, que des professionnels de lʼespace pour prendre sens.

72


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