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AUTOPORTRAIT EN COLLECTIONNEUR

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SO FAR, SO CLOSE

SO FAR, SO CLOSE

Cette histoire d’amour avec les vêtements de Vivienne Westwood est presque aussi longue que ma vie. Ma première rencontre avec Vivienne Westwood, au milieu des années 1980, s’est faite à travers un article de i-D Magazine que j’ai encore. C’était une révélation, cette femme résumait tout ce que j’appréciais — le Rock, le Punk et le mouvement des Nouveaux Romantiques, le savoir-faire des tailleurs de Savile Row associé à une esthétique unique et à l’emploi de magnifiques tissus spécifiquement britanniques, comme les tweeds et les tartans. De plus, plusieurs groupes de musique que j’écoutais et que j’admirais portaient du Westwood, comme les Sex Pistols et Bow Wow Wow.

Je me souviens de ma première visite à la boutique Vivienne Westwood Worlds End, à Londres quand j’avais environ treize ans. Je restais stupéfait par le vieux plancher déformé et penché sur lequel je marchais et par la célèbre horloge de la façade dont les aiguilles tournaient à l’envers en marquant treize heures. Sur le mur du fond, des pièces iconiques étaient exposées, y compris le haut Let it Rock orné d’os de poulet, la jupe 14 BSA et le haut bleu Gene Vincent 1 . Ce jour-là, j’ai acheté ma première pièce Vivienne Westwood, un T-shirt blanc avec un orbe en couleurs (le logo Westwood) au milieu de la poitrine. À partir de ce moment, j’étais mordu. J’économisais le peu d’argent que je gagnais en lavant les voitures du voisinage, pour descendre à Londres et m’offrir autant de pièces Westwood que je pouvais dans les boutiques Worlds End et Nostalgia of Mud. Je gardais tous les magazines ou les articles de presse sur Westwood que je trouvais; j’ai encore la plupart d’entre eux. Je me souviens également très bien de la fameuse interview, sur le plateau de l’émission de Terry Wogan en 1988, où Vivienne présentait sa dernière collection. La présentatrice, Sue Lawley, et le public se moquaient ouvertement d’elle et de ses vêtements. Je ne comprenais pas pourquoi les gens riaient alors que ses créations étaient si belles. Au début, j’achetais les vêtements Westwood pour les porter. À la fin de l’adolescence, quand j’ai commencé à travailler à plein temps dans une boutique de mode avec des revenus réguliers, j’ai décidé de ne plus acheter seulement des vêtements que je pouvais porter, mais aussi des pièces que je trouvais belles, importantes ou iconiques. Ma collection naissante se concentrait principalement sur des chaussures pour femmes, et cela pour plusieurs raisons. Je trouvais ses chaussures pour femmes d’une beauté complexe; à cette époque, Westwood créait beaucoup plus de modèles pour femmes que pour hommes. Cette affinité particulière pour les chaussures résultait, par ailleurs, de mon héritage personnel; ma famille travaillait dans cette industrie à Northampton en Angleterre. Enfin, certains membres de mon entourage familial étaient antiquaires; j’avais donc peut-être, comparativement aux jeunes de mon âge, une conscience plus aigüe de l’importance de conserver, de préserver et de chérir notre patrimoine. Pour moi, Westwood incarnait l’esprit et le patrimoine «british», et je voyais ses vêtements comme les trésors de demain dont j’étais le gardien, en quelque sorte. Ce qu’il y a de merveilleux dans le fait de collectionner du Westwood, c’est que ce n’est jamais terminé. Il y a toujours plus à découvrir et à trouver — c’est une quête permanente d’un nouveau Graal. Le rêve de ma vie et mon but ultime étaient de travailler pour Vivienne Westwood. Après mes études, j’ai d’abord été responsable d’un magasin qui vendait du Westwood parmi d’autres créateurs. Lors de mes fréquentes virées à Londres pour acheter du Westwood, je passais systématiquement au 41 Conduit Street pour demander s’il y avait des postes à pourvoir. Ma détermination a finalement été récompensée : on m’a offert l’opportunité de travailler chez Westwood après plusieurs jours d’essai. J’ai rejoint la petite équipe du tout premier magasin Westwood, Worlds End, au milieu des années 1990. L’entreprise était encore modeste, mais en pleine croissance. Je suis ensuite passé dans la boutique couture de Davies Street qui vendait les collections Gold Label et les robes de mariée. C’est là que j’ai rencontré Vivienne pour la première fois. Elle s’intéressait activement à la décoration et au merchandising des magasins de Davies Street et de Conduit Street.

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1 Il s’agit de pièces parmi les premières créées par Vivienne Westwood, en 1971, alors que la boutique Worlds End s’appelait Let it Rock. 2 Expression employée par les habitants du sud de l’Angleterre pour désigner le nord du pays.

À cette époque, la taille de la société était encore suffisamment réduite pour que Vivienne connaisse toutes les personnes qui y travaillaient. Après Davies Street, je suis devenu responsable de la ligne de vêtements pour hommes au sein du nouveau magasin amiral, ouvert au 44 Conduit Street. Parallèlement, pour chaque Fashion Week — automne-hiver et printemps-été — je me rendais à Paris pendant trois semaines pour vendre notamment la collection couture Gold Label, dans le showroom parisien, à des distributeurs basés dans le monde entier. Ces séjours parisiens impliquaient ma présence au défilé Vivienne Westwood pour habiller les mannequins et faciliter le bon déroulement de l’événement, en coulisses et sur le podium. À la fin de l’automne 1998, j’ai eu la chance d’ouvrir et de gérer le nouveau magasin de Leeds, dans le Nord de l’Angleterre, qui s’est développé de manière significative sous ma direction. Je continuais à voir Vivienne fréquemment, lors des défilés de mode de Londres et de Paris, de mes approvisionnements pour le magasin de Leeds et à l’occasion des fêtes de Noël pour le personnel. Elle m’envoyait toujours une carte de Noël avec un mot personnel et voulait savoir comment marchait la boutique “Up North 2 ”. J’ai quitté l’entreprise Westwood en 2013 pour me consacrer à l’organisation de ma collection et à la vente de vêtements Westwood vintage. Je dirige aujourd’hui, avec ma mère, une boutique de vêtements vintage Westwood, située dans un joli village au milieu de la campagne anglaise, où nous restaurons, vendons et envoyons à travers le monde des pièces Westwood iconiques. Je poursuis l’enrichissement de ma collection, qui compte à l’heure actuelle environ trois cents pièces, et en assure la conservation.

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