Jacques Desse. Une photo de Baudelaire...

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Une photo de Baudelaire‌

Chez les libraires associĂŠs, 2020 1


À l’occasion du salon du livre ancien de New York, il y a quelques semaines, nous avons eu la surprise de découvrir une photographie de Baudelaire par Carjat, que nous avons pu acquérir. Ce portrait n’est pas inconnu - il est même fameux et souvent reproduit -, ni extraordinairement rare, plusieurs exemplaires étant déjà recensés. Il demeure cependant intéressant de mener une petite enquête à propos de cette image, qui reste peu étudiée. Nous avons profité du confinement pour y consacrer un peu de temps, sous le souvenir tutélaire de l’auberge des Vendanges de Bourgogne, située à cent mètres de notre librairie, où se tint en 1885 un épique dîner du Bon Bock présidé par Etienne Carjat… 1

Texte et photo de Baudelaire : © Jacques Desse, Chez les libraires associés, avril 2020

Chez les libraires associés 3 rue Pierre l’Ermite, 75018 Paris 01 42 57 20 24 - libraires-associes @orange.fr

2e édition

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Le Carnet financier, 11 décembre 1885. Ce vaste restaurant se trouvait au 14 rue de Jessaint, « dans cette région lointaine qu’on appelle La Chapelle », il a été rasé vers 1967. Les dîners du Bon Bock s’y sont tenus une dizaine d’années ; ils ont depuis migré à Montmartre, où ils existent toujours. 2


Principales publications évoquant cette photographie

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:

- Le Boulevard, 1er décembre 1861 - Baudelaire, Œuvres complètes, Michel Lévy, 1868 (repr. en gravure) - Bibliothèque nationale, Charles Baudelaire, 1957, n° 514 - Claude Pichois, Iconographie de Baudelaire, Genève, Caillier, 1960 - Album Baudelaire, La Pléiade, 1974, n° 307, p. 216 (repr.) - Sylviane De Decker Heftler, Étienne Carjat, Musée Niépce, 1980 (repr.) 3 - S. Heftler, Étienne Carjat, Musée Carnavalet, 1982, n° 97 (repr.) - Cl. Pichois et J.-P. Avice, Baudelaire Paris, BHVP, 1993, 206 (repr.) - Cl. Pichois et J. Ziegler, Baudelaire, Fayard, 2005 (repr.) - S. Plantureux, « Charles Baudelaire ou le rêve d’un curieux », Nicéphore, Cahier de photographie, 2014, 3-1 4

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Cette photo était restée inconnue à Ourousof dans son Iconographie de Baudelaire (Tombeau de Baudelaire, 1896). Il ne cite (n° XXVII) que la gravure de Nargeot réalisée d’après ce cliché (reproduite ci-dessous, p. 65). https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1512223z/f135 3

L’exemplaire exposé était celui de la collection Sirot-Angel, il pouvait s’agir d’un tirage d’époque ou bien d’une simple reproduction photographique moderne. 4

https://issuu.com/sergeplantureux/docs/nicephore_baudelaire_0514

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Baudelaire en contexte… (Bibliothèque nationale de France)

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https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451516b/f6.item

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Les portraits photographiques de Baudelaire Il a existé une quinzaine de photographies de Baudelaire, dont plusieurs ne sont aujourd’hui connues que par des reproductions. Quinze photos, c’est peu, mais c’est un nombre assez important pour l’époque, seules les personnalités les plus célèbres, tels Napoléon III, le Prince impérial ou Victor Hugo, étant alors souvent photographiées 6. Les portraits de Baudelaire ont été réalisés durant une période assez brève, onze années, c’est-à-dire entre le moment où Baudelaire devint très connu et son décès en 1867. Tous sont de Nadar et Carjat, sauf deux réalisés à Bruxelles, par Neyt. Serge Plantureux a dressé l’inventaire de ces clichés, en tentant d’établir leur chronologie 7 :

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Certains écrivains célèbres étaient plus réservés par rapport à leur image. Ainsi Flaubert n’a-t-il posé que quatre fois. 7

Serge Plantureux, « Charles Baudelaire ou le rêve d’un curieux », p. 29. Les datations peuvent être sujettes à discussion, mais dans une fourchette très étroite (un an). Une variante de la photo 7 est apparue en 2017, dans un magnifique tirage d’époque, provenant de la famille Aupick Baudelaire. http://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/lot.114.html/2017/photographie-pf1720

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Nadar, 1855

Nadar, hiver 1860-61

Carjat, 1861 6


Nadar, 1862

Carjat, 1863

Neyt, vers 1865

Carjat, 1866 7


Il semble que seules deux de ces images aient été tirées en petit format ; une, celle que nous proposons, ayant été diffusée. C’est donc la seule en tirage d’époque que l’on puisse trouver aujourd’hui (à part la survenue extraordinaire de quelque pièce de musée). Les trois portraits de Baudelaire réalisés par Carjat en 1861 sont les seuls où le poète apparaît avec les cheveux courts. Ils sont d’ailleurs les plus « convenus », presque « officiels ». Baudelaire y est bien plus raide que la moyenne des modèles dans les photos de Carjat. Un commentateur irrévérencieux a même remarqué que dans la photo en pied, il a, avec son long manteau, une allure vaguement ecclésiastique… L’existence de cette photo est attestée au 1er décembre 1861, c’està-dire au moment même où Baudelaire déclare sa candidature à l’Académie française 8. Il est permis d’imaginer, sans preuve mais avec une certaine vraisemblance, que cette première séance de pose chez Carjat correspond à une volonté de l’auteur des Fleurs du mal d’afficher une certaine honorabilité, voire de préparer sa candidature. Ce pourrait être une sorte de stratégie « médiatique », de modification de son image publique, en recourant à l’un des moyens les plus efficaces disponibles à l’époque, avec la presse, et l’incontrôlable caricature : la photographie. Seule la photo du poète en pied a été diffusée en « carte de visite ». Une autre, celle en buste, allait être reproduite ensuite, après la disparition de Baudelaire, dans la Galerie contemporaine, sorte de panthéon ou de « best off » des personnalités intellectuelles du temps. On ne connait aucun tirage en grand format de cette photographie. Carjat, comme Nadar, travaillait à partir de grandes plaques, cependant, il n’y avait pas forcément de diffusion de tirages au format du négatif, beaucoup plus coûteux. Les autres photos de Baudelaire qui ont été diffusées l’ont été, ultérieurement, par la gravure, la photogravure, le dessin… Cette image est donc emblématique : portrait du premier philosophe de la photographie que fut Baudelaire, elle est sa seule photographie originale à témoigner de l’entrée de ce nouveau média dans l’ère de sa reproduction « industrielle ». Comme une ruse de l’Histoire, semblant démentir par son existence l’aversion de Baudelaire pour ce type d’images…

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Il avait déclaré en juillet son intention à sa mère, et confidente. Il lui écrivit : « Être de l’Académie est, selon moi, le seul honneur qu’un vrai homme de lettres puisse solliciter sans rougir ». 8


Hugo par Carjat, photos réalisées lors de la même séance, l’une en tirage de luxe en grand format (Christie’s), l’autre en carte de visite (coll. Maison de Victor Hugo).

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D’autres photos de Baudelaire par Nadar ont fait l’objet d’une diffusion commerciale après la disparition du poète 9. Elles ont été retirées, à partir du négatif original, en petit format. Elles devenaient ainsi accessibles et peu coûteuses (elles sont cependant aujourd’hui très rares). Cette déclinaison en « produits dérivés », plus ou moins honnêtes et légitimes, s’est bien sûr fortement accentuée au XXe siècle.

Carte de visite (10 x 6 cm) [vers 1885 ?]

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/ Carte cabinet (14 x 10 cm) [vers 1890 ?]

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Cela n’a pas été le cas des portraits réalisés par Carjat. Sans doute parce qu’il était un commerçant beaucoup moins avisé que la famille Nadar, et parce que ses démêlés perpétuels avec ses ex-associés, à partir de 1865, ont entravé l’exploitation de son fonds. 10

Cet exemplaire a atteint le prix respectable - ou extravagant - de 12 000 euros lors de la vente d’une partie de la collection Pierre Leroy en 2007. Daté au catalogue de 1862, sans information sur l’époque du tirage (https://bit.ly/2Xnr8OI). Voir un autre exemplaire de cette photo dans un tirage plus ancien, format 83 x 51 mm, joint au manuscrit de la première biographie de Baudelaire, par Asselineau (étude Osenat, 16 nov. 2019, n° 10 - https://www.osenat.com/lot/100413/11073339). 11 Ancienne collection Jammes. Datée dans le catalogue de la vente « vers 1855 », c’est-àdire, comme pour la précédente, du moment de la réalisation du cliché, mais pas de celui du tirage de l’épreuve, qui est bien sûr beaucoup plus tardive. (http://bit.ly/1JmTMgI) 10


Il a manifestement existé des tirages de la photographie qui allait être publiée dans la Galerie contemporaine. Deux sont apparus ces dernières années, l’un provenant de la famille Baudelaire, l’autre des frères Lionnet, acteurs qui ont connu Baudelaire. Le premier est en grand format (25,1 x 18,5 cm), signé par Carjat, avec son cachet à sec 12. Le second au format carte cabinet (15,6 x 10,8 cm), avec un ex-dono de Baudelaire 13. L’intérêt de ces documents ne semble pas avoir été bien perçu, puisqu’ils n’ont pas atteint des prix plus élevés que des retirages, ou même que des reproductions tardives 14.

Exemplaire famille Baudelaire (Millon) / Exemplaire frères Lionnet (Christie’s)

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https://www.millon.com/lot/99230/10403901

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Collection Alfred Cortot, 2019, n° 21 (https://www.christies.com/PDF/catalog/2019/PAR18565_SaleCat.pdf). Cet exemplaire est assez mystérieux : il semble être une carte cabinet, alors que ce format n’est apparu, a priori, qu’après la disparition de Baudelaire. Il était assorti d’une estimation étonnamment basse (3-4000 euros), mais ne paraît pas avoir trouvé preneur et n’est plus visible sur le site (retiré de la vente ?). 14

Diverses autres versions de cette photographie sont passées ces dernières années en vente publique. Il s’agissait d’épreuves tardives, parfois de simples reproductions photographiques de la photoglyptie de la Galerie contemporaine. Elles ont néanmoins atteint, souvent, des prix élevés. 11


Une photographie « carte de visite »

Catalogue Carjat & Cie pour 1866

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Notre épreuve, qui date du début des années 1860, est de petit format 16. Elle était manifestement insérée dans un album : les bords du carton ont été découpés pour faciliter son insertion dans la page. Il s’agit d’un portrait dit « carte de visite ». Ces photographies étaient réalisées à partir d’un négatif verre, tirées sur papier albuminé, puis contrecollées sur un carton rigide, qui portait le nom et les coordonnées du photographe. C’était une invention assez récente, qui a constitué une révolution dans l’histoire de la photographie 17. Elle a permis une diffusion massive du portrait photographique, qui, dès lors, a commencé à entrer dans tous les foyers. Elle a également facilité la propagation des effigies de personnalités : non seulement on pouvait s’offrir son propre portrait, mais il était possible d’acquérir et de collectionner, pour un prix abordable, ceux des artistes, acteurs, hommes politiques, etc., que l’on admirait 18. Carjat proposait ainsi un catalogue de portraits classés par catégories (médecins - littérature presse, peintres, dessinateurs, statuaires – musique – théâtres – barreau, armée et divers). 15

Ph. Étude De Baecque & Associés. Ce catalogue, qui propose 1000 photos différentes, n’a probablement pas été édité par Carjat lui-même mais par ses ex-associés, qui exploitaient son fonds (en 1866, c’est eux qui exerçaient rue Laffitte, Carjat lui-même avait transféré son activité rue Pigalle). 16 9,2 x 5,4 cm pour l’épreuve (10 x 6 cm marges du support comprises). 17 18

Disdéri avait déposé le brevet international en 1854. Exemple d’un album de célébrités, constitué par Manet et conservé à la BnF :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84329315

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Disdéri : Napoléon III, 1858

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BnF (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53019956s/f1.zoom). 13


Carjat, vers 1860-65 : Lesseps

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/ Edmond About / Général de La Motte Rouge / Un anonyme

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Collection Photovintage France, de même, sauf mention particulière, que la plupart des photographies autres que celles de Baudelaire présentées dans ce dossier à titre d’exemple ou de comparaison. 21

Dans les années 1860 les photos carte de visite de Carjat présentent en général les sujets en pied, à la manière de Disdéri, tandis que dans les années 1870 ils apparaissent presque toujours en buste. 14


Émile Zola vu par Disdéri / et par Carjat

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Disdéri : photo des années 1870, tirages en carte de visite vers 1875 (Musée Carnavalet) et postérieur. Carjat : photos vers 1870, tirage en carte de visite d’époque (vers 1873) et reproduction en photoglyptie dans la Galerie contemporaine (vers 187678). 15


Ces images étaient donc à la fois privées et publiques, et il n’est pas rare que des personnes célèbres, comme Victor Hugo par exemple, aient offert à des proches ou admirateurs un portrait qui se trouvait également en vente dans la boutique du photographe. 23 Si Carjat fait partie de la « deuxième vague » des grands studios producteurs de photos carte de visite, il en est, avec Disdéri, Nadar, etc., l’un des plus éminents représentants. « Tout le monde » venait se faire photographier dans ces lieux mondains qu’étaient les studios des bons photographes : « l’élite », qui ne faisait que suivre la mode ayant d’abord touché la haute société, puis les petits bourgeois 24. Carjat, plutôt « de gauche » (il sera proche de la Commune), avait surtout une clientèle d’artistes, mais il a aussi produit d’innombrables portraits de généraux, notables ou bourgeois inconnus 25. Les « poètes maudits » et grands rebelles, comme Baudelaire et même Rimbaud, ont ainsi défilé dans son studio au même titre que de très conformistes « assis ».

Papier à en-tête de Carjat : « Collection de notabilités politiques, artistiques et littéraires »

À cet égard, ce portrait de Baudelaire est banal. Il est typique de son époque, de même, d’ailleurs, que ceux de Rimbaud. Ce qui nous fascine, ce ne sont pas tant ces images somme toute ordinaires d’un artiste ou d’un jeune homme d’il y a un siècle et demi, c’est plutôt de savoir qu’il s’agit de Baudelaire ou de Rimbaud. C’est de « reconnaître » l’effigie de ces êtres devenus mythiques…

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De même « George Sand commande en très grande quantité des épreuves de ses portraits, soigneusement retouchés » (en 1868, pour Noël, 200 exemplaires !). Elle en enverra une à Hugo, qui lui fera parvenir la sienne en retour (Claude Malécot, George Sand – Félix Nadar, Centre des monuments nationaux, 2004, pp. 74 et ss.). 24

Sur les codes en vigueur dans ces portraits, une étude intéressante : M. Charpy, « La bourgeoisie en portrait. Albums familiaux de photographies des années 1860-1914 », Revue d'histoire du XIXe siècle, 34, 2007 (http://rh19.revues.org/1382). 25

Il perdra cependant une partie de cette clientèle après la Commune, ce qui précipitera sa faillite : « Depuis la Commune, une partie (la bête mais lucrative) de ma clientèle m’a lâché, entre autres les Rothschild. Il faut sous peine de mort que je fasse des affaires ce mois-ci » (lettre à Edouard Lockroy, 1873). 16


À un petit détail près : dans les photos de Baudelaire, ou dans la « première » photo de Rimbaud par Carjat, il y a un je-ne-sais-quoi de singulier, dans leur expression. On peut trouver d’autres personnages empruntés comme Baudelaire, ou « faisant la gueule » comme Rimbaud, ou fixant eux aussi le spectateur d’un regard aussi intense que rétif. Cependant, leur décalage par rapport au standard de pose « digne », le talent avec lequel des photographes comme Nadar ou Carjat ont su capter ce je-ne-sais-quoi, coïncide avec le préjugé ou l’envie que nous avons de découvrir des êtres ayant une apparence aussi extra-ordinaire que leur œuvre… Le principal apport de Carjat et de Nadar est d’avoir réalisé des portraits moins compassés que d’autres (Disdéri…), sans décorum ni accessoires, et en donnant aux personnages un aspect plus naturel. 26 Contrairement à la légende, ils retouchaient leurs photos, mais pas seulement pour enjoliver les modèles. Par exemple, le portrait de Baudelaire par Carjat publié dans la Galerie contemporaine souligne délibérément les cernes sous les yeux du poète…

Épreuve matrice pour la Galerie contemporaine, ancienne collection Jammes

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Remarque très intéressante d’un critique de l’époque : Carjat arrive « à une sorte de décalque physionomique dont la ressemblance est frappante. Ce ne sont pas seulement vos traits qu’il reproduit, c’est votre mouvement habituel du buste ou des épaules, c’est votre port de tête ; en un mot c’est toute votre personne extérieure, tout ce qui dans votre individualité frappe les yeux et impressionne la mémoire » (Félix Deriège, Le Moniteur de la photographie, 1 oct. 1862). Cf. https://histoirebnf.hypotheses.org/4595 27

https://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/lot.135.html/2008/la-photographie-iv-the-collection-ofmarie-th233r232se-and-andr233-jammes-pf8030

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Notre portrait de Baudelaire figure dans la fameuse annonce publicitaire insérée dans le numéro spécimen du Boulevard, le 1er décembre 1861, que Carjat venait de créer. Cet éphémère mais important journal, qui publia entre autres Les Misérables, ruina rapidement Carjat. Et Baudelaire par la même occasion, puisque durant un an et demi ses contributions au Boulevard furent son moyen d’expression et sa source de revenus… 28

L’annonce publicitaire est très instructive. On voit que Carjat propose déjà, huit mois après l’ouverture officielle de son studio, les portraits de 269 personnalités, chiffre qui montera à 1000 dans le catalogue de 1866 29. On constate aussi la différence de prix : tandis que le grand portrait en 21 x 27 cm était annoncé à 50 francs, la même photo en carte de visite coûtait 5 francs… Le contexte est également intéressant : Baudelaire est devenu célèbre à la suite du scandale des Fleurs du mal, publiées en 1857. La seconde édition, très attendue, parait début février 1861, ornée d’un frontispice d’après un portrait par Nadar, réalisé durant l’hiver 1860-61. La séance de pose chez Carjat, d’où sortiront également trois clichés, se déroule dans les mois qui suivent 30. Pour Carjat comme pour Baudelaire, comme pour Nadar qui ouvre triomphalement son nouveau studio, c’est le temps d’une sorte d’heure de gloire, qui sera brève.

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Cf. Elizabeth Fallaize, Etienne Carjat and "Le Boulevard" (1861-1863), Slatkine, 1987.

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Fallaize, p. 49 (https://books.google.fr/books?id=-DYR2-5oShAC&pg=PA49) et Larousse du XIXe, III, p. 404. Carjat est réputé avoir réalisé 2000 clichés durant sa carrière, mais il est possible qu’il ne s’agisse en réalité que des photos commercialisées. 30

Cf. Plantureux, « Le Rêve d’un curieux », pp. 36 et 44. La séance chez Carjat ne peut cependant dater du 1er décembre 1861, puisqu’au moment de la publication de l’annonce la photo existait déjà : elle est forcément des semaines ou mois précédents. 18


Le frontispice de la nouvelle édition des Fleurs du mal est donc le premier portrait publié de Baudelaire. C’est une gravure d’après photographie. Il n’était pas possible alors de reproduire directement une image photographique, et Baudelaire n’aurait très certainement pas souhaité que son portrait publié soit une vulgaire photographie. C’est lui qui choisit l’artiste, le célèbre Bracquemond, et valida son travail. On peut ainsi mesurer l’écart, souhaité et assumé, entre les deux représentations.

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En 1869 parut une autre interprétation, celle-ci par Manet, d’une photo de Nadar prise lors de la même séance que la précédente. Cette gravure, qui aurait peut-être agréé à Baudelaire, corrige un peu, elle aussi, la pose et l’expression : Baudelaire y apparait plus absorbé par l’infini poétique que soucieux d’offrir un air calculé au regard de l’objectif… 31

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Publié par Charles Asselineau, Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre, 1869. Cette version avait été fortement retouchée par rapport à la gravure initiale de Manet. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1057592p/f124 32

À droite, détail de la photo d’après un tirage tardif (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530658035/f1.item.zoom). 20


Rançon de la gloire, les quelques portraits photographiques de Baudelaire furent par la suite la source de divers dessins et gravures. En 1867, un nouveau portrait de Baudelaire fut publié, accompagnant l’annonce de sa disparition dans le Monde illustré 33. Gravé sur bois par Charles Maurand, il reproduisait cette fois - ou interprétait -, la dernière photo de Baudelaire, prise par Carjat un an plus tôt, en 1866 34. Nous verrons en conclusion que ces traductions allaient se faire de plus en plus trahisons, au fil du temps.

33

Le Monde illustré, 11, 1867. Cf. Giovanni Fanelli, « Illustrazioni ‘d’après photographie’, ‘Le Monde illustré’, 1857-1880 », 2015 (http://www.historyphotography.org/doc/LE_MONDE_ILLUSTRE.pdf). 34

Cette image n’est connue que par une reproduction photographique tardive, vers 1900. 21


Les photographies de Baudelaire ont aussi servi de modèle pour des peintures, dessins et caricatures, peu nombreuses en l’occurrence, par rapport à d’autres écrivains ou célébrités du temps. L’une d’entre elles s’inspire directement de la photo carte de visite. Elle est assez cruelle, et un peu mystérieuse. Son authenticité ne paraît cependant pas faire de doute. Elle semble avoir été réalisée à l’époque par Eugène Giraud, peintre et caricaturiste assez fameux, qui aurait connu Baudelaire, dont on sait par ailleurs qu’il admirait la caricature. 35

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Initialement attribuée à Charles Giraud, mais plus sûrement de nos jours à son frère Eugène. Elle a figuré dans diverses expositions, dont celle de la Bibliothèque nationale en 1957 (n° 515). Elle n’était pas répertoriée dans l’étude iconographique du Tombeau de Baudelaire en 1896 et a été publiée pour la première fois par le célèbre libraire Ronald Davis, en frontispice d’une étude de Georges E. Lang (Charles Baudelaire jugé par Ernest Feydeau, 1921). Commentée dans l’Iconographie de Baudelaire par Pichois et Ruchon et reproduite dans l’album de la Pléiade. Eugène Giraud a réalisé d’autres caricatures d’écrivains, en particulier Flaubert et Dumas, avec lequel il était ami. 36

Source image : Encyclopédie Larousse.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/Caricature_de_Charles_Baudelaire/1312416

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Baudelaire et les joujoux « Je regrette les boulevards et l'universel magasin de Giroux… » (Baudelaire)

Notre exemplaire de la photo carte de visite par Carjat est assez curieux, puisqu’il porte au verso, en plus de la marque du photographe, le cachet de la « Maison Alphonse Giroux, 43 boulevard des Capucines, Paris ». Les photographies de cette époque portant le cachet ou l’étiquette du diffuseur ne sont pas très courantes, mais ce n’est pas exceptionnel non plus. Dans les exemples reproduits page suivante, l’étiquette du revendeur vient même recouvrir la marque de Carjat. 37

37

De telles pratiques induisent parfois des erreurs d’attribution. Assez rares pour les photographes de portraits, elles étaient courantes pour les photos souvenirs. Par exemple, des photos de Sicile par Von Gloeden, Bruno ou Crupi, peuvent porter indifféremment le nom de l’un ou l’autre des photographes, en fonction, non pas de l’auteur, mais de celui qui détenait les droits commerciaux et les diffusait. 23


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Ci-dessous : photographie de Carjat (le peintre Gérôme), diffusée par Legé & Bergeron, et vendue chez Giroux.

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Le musée Carnavalet conserve plusieurs photos carte de visite par Carjat portant l’étiquette de Lozano, qui semble avoir été l’un des principaux détaillants de ses photos. 24


La maison Giroux était, avec celle de Susse, le principal « magasin de nouveautés » de Paris. Il s’agissait de sortes de gadgetteries de luxe, très à la mode, qui ont joué un grand rôle dans la culture de ce temps. Giroux est même évoqué par Baudelaire, dans une fameuse lettre de jeunesse 39. Il sera également mentionné, sans surprise, par Proust dans À la Recherche du temps perdu… Ces boutiques proposaient aussi bien des bibelots originaux que des reproductions d’œuvres d’art, ou les premiers livres ludiques pour les enfants, etc. Giroux fut, selon la formule que lui décerna Dumas, le « grand entrepreneur du bonheur de la jeunesse ». Il était en particulier spécialisé dans ce que Baudelaire nommera les « joujoux scientifiques » 40. Giroux a par exemple déposé le brevet du kaléidoscope, et diffusé de nombreux jouets optiques, qui forment ce que nous appelons rétrospectivement le pré-cinéma… 41

Phénakitiscope (ph. Galerie de Chartres) et livre à système (JD) diffusés par Giroux

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« Qu'on s'ennuie au collège, surtout au collège de Lyon. […] Je regrette les boulevards, et les bonbons de Berthellemot, et l'universel magasin de Giroux, et les riches bazars dans lesquels on trouve si amplement de quoi faire de belles étrennes » (lettre à son demi-frère Alphonse Baudelaire, 1er janvier 1934). 40

Baudelaire, « Morale du joujou », 1853 : « Il est une espèce de joujou qui tend à se multiplier depuis quelque temps, et dont je n'ai à dire ni bien ni mal. Je veux parler du joujou scientifique. Le principal défaut de ces joujoux est d'être chers. Mais ils peuvent amuser longtemps, et développer dans le cerveau de l'enfant le goût des effets merveilleux et surprenants. Le stéréoscope, qui donne en ronde bosse une image plane, est de ce nombre. Il date maintenant de quelques années. Le phénakisticope, plus ancien, est moins connu. […] » (On remarque que Baudelaire ne cite que des jouets optiques.) 41

Sur Alphonse Giroux et son frère le photographe André Giroux, voir Serge Plantureux, « Who are you M. Giroux ? », 2018. https://issuu.com/sergeplantureux/docs/pwt_23-2018_giroux_and_co Sur les meubles et objets : https://www.marcmaison.fr/architectural-antiques-resources/alphonse-giroux Sur les livres animés qu’il a édités ou diffusés : J. Desse, Figures mobiles, Les premiers livres animés français pour la jeunesse, Essai de bibliographie, Libraires associés, 2018. 25


Ci-dessous, exemples de productions éditées par la maison Giroux

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Photos : Bibliothèque miniature : Kiefer Auktion. Pendule : Musée des Arts décoratifs. Cadre : Collin du Bocage. Encrier de Duvinage : Aguttes. Album pour photographies : Christie’s. Livre page suivante : Ka Mondo. 26


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Le premier livre consacré à la photographie. Édité par Giroux en 1839.

Ce n’est donc pas vraiment un hasard si c’est Giroux qui a lancé une vingtaine d’années plus tôt, avec Susse, une « nouveauté » qui allait changer le monde : le daguerréotype 43. Giroux a en effet joué un rôle extraordinaire dans l’histoire de la photographie, en signant un contrat d’exclusivité avec Daguerre pour la diffusion de son invention. Giroux fut le pionnier de la commercialisation de la photographie, comme Baudelaire fut l’un des premiers penseurs de l’image photographique. La coïncidence de la réunion des deux noms sur cet exemplaire en fait une sorte d’ « association copy » qui laisse un peu rêveur…

Portrait carte de visite par André Giroux, vers 1861 43

Les très rares objets survivants de cette activité sont collectionnés comme des reliques. En 2010, un daguerréotype de 1839 portant le sceau en cire de l'atelier d'Alphonse Giroux et signé par Daguerre, a été vendu aux enchères en Autriche pour 730 000 €. En 2007, c’est une chambre « daguerrienne » de 1839, fabriquée par les frères Susse, retrouvée en bon état dans un grenier à Munich, qui a atteint le prix de 590 000 €. 28


La présence du cachet de la maison Giroux implique que Baudelaire a été jugé assez populaire pour que son image soit diffusée telle une figure Panini - même si cela restait dans les cercles de la « bonne société » -, et qu’il a accepté cette diffusion, comme l’ont fait tant d’autres personnalités, dont Victor Hugo par exemple 44. Cela explique aussi pourquoi cette photo est moins rare que d’autres : elle a été diffusée à un certain nombre d’exemplaires (peut-être quelques dizaines ou centaines à l’origine ?). Elle n’est pas restée cantonnée dans un cercle privé, familial ou intime. Les deux photos carte de visite de Rimbaud, réalisées par Carjat fin 1871, ont, elles, quasiment disparu, tout comme celle de Verlaine 45. Elles étaient peut-être, et même probablement, elles aussi destinées à être distribuées, mais les scandales à répétition provoqués par Rimbaud ont de toutes façons interdit cette diffusion. Le célèbre incident avec Carjat en mars 1872, Rimbaud blessant le photographe à la suite d’un dîner arrosé, n’a pas dû arranger les choses, sans compter la tentative d’empoisonnement de Carjat « pour rire », avec du phosphore, rapportée par la rumeur publique… 46 En revanche, il existe un second portrait de Baudelaire par Carjat, dit « portrait aux gravures » (fin 1863) qui a lui aussi été tiré au format carte de visite. On en connait aujourd’hui seulement trois exemplaires, dont conservé à la BnF, qui semble être celui du dépôt légal. Cette photo paraît avoir été initialement destinée à servir de modèle pour une gravure, il est clair qu’elle n’était pas vouée à être diffusée. Baudelaire, charmé par le résultat, en demanda cependant à Carjat quelques exemplaires… 47

44

Une lettre de Carjat en 1868 confirme que ces portraits ne pouvaient être vendus sans l’accord des modèles (« On vient de m’apprendre que tu as autorisé mes anciens tourmenteurs associés de la rue Lafitte [Legé et Bergeron] à vendre ta carte… » - Hefter, Exposition Carnavalet, p. 17). 45

On ne connaît qu’un exemplaire de la photo carte de visite de Verlaine par Carjat (cf. cidessous, p. 42). Pour la photographie célèbre de Rimbaud nous avons retrouvé la trace de deux (ou trois) exemplaires, qui sont aujourd’hui perdus ou non localisés. Cette image n’est en réalité connue que par des reproductions, souvent très retouchées, dont une seule fiable, réalisée en 1912. De même, on ne connait que 3 exemplaires de la photo de Carjat la moins célèbre (et la plus réaliste), dont celui que nous avons aussi retrouvé dans les archives Claudel, acquis par la Bibliothèque nationale de France en 2015. Cf. J. Desse, «Claudel et les visages de Rimbaud – Des photographies inconnues », Histoires littéraires, 57, printemps 2014. (https://issuu.com/libraires-associes/docs/claudel-icones-visages-rimbaud). 46

Le fait que Carjat ait détruit les négatifs de ses photographies de Rimbaud à la suite de cette algarade est une légende, un « fake » dirait-on aujourd’hui, colporté par toute une littérature rimbaldienne, mais sans aucun fondement historique. Il est beaucoup plus vraisemblable que ces plaques de verre, comme celles des portraits de Baudelaire, ont été effacées et réutilisées, ou ont un jour fini à la décharge… 47

Sur cette photo, cf. infra, p. 57, et Plantureux, « Charles Baudelaire ou le rêve d’un curieux », p. 60. https://issuu.com/sergeplantureux/docs/nicephore_baudelaire_0514 29


Carjat, Rimbaud, tirage d’époque [1871], exemplaire Guérin Carjat, Rimbaud, contretype (1912) du tirage d’époque [1871], archives Claudel/BnF

48

48

Ces deux images ont selon toute vraisemblance été réalisée le même jour, lors de la même séance de pose. La plus séduisante allait devenir une « icône » dans le courant du XXe siècle. La différence de teinte entre les deux épreuves s’explique en particulier parce que la seconde est un contretype (une photographie de photographie), réalisée avec une autre technique que celle des années 1870 (tirage argentique). 30


Portrait dit aux gravures, 1863, tirage d’époque en carte de visite – BnF

31


Les différents tirages et leur datation

Publicités Carjat, 1868 et vers 1870 (dessin d’André Gill)

49

Avant d’essayer de dater les tirages de la photographie de Baudelaire, il faut pouvoir situer chronologiquement les différents cartons utilisés par Carjat. Or, si Carjat est l’un des photographes portraitistes les plus connus du XIXe siècle, auteur de la photo ancienne la plus célèbre et reproduite dans le monde (celle de Rimbaud), il semble que les spécialistes et rimbaldiens qui ont glosé sur son œuvre n’aient pas songé à faire une recherche de base sur la production de son studio. En particulier, il reste difficile de dater ses tirages, les supports utilisés par Carjat pour ses photos cartes de visite n’ayant pas été répertoriés et étudiés, à ma connaissance. Carjat semble avoir tenu son studio de photographie durant seulement 15 ans, à trois adresses différentes. Au départ, il est associé avec Legé et Bergeron, avec lesquels il rompt en 1865 50. Les associés restent dans le studio de Carjat, et commercialisent au moins une partie de son fonds ; lui exerce brièvement rue Pigalle, puis depuis son domicile, rue Notre-Dame de Lorette. En 1876, Carjat est à nouveau contraint de vendre son fonds de commerce à ses anciens associés. 49

Le chien à face solaire est une allusion à un topos caricatural très important, les grands photographes étant supposés avoir dompté la lumière, donc le soleil (« J’ai contraint le soleil à peindre pour moi », se serait exclamé Daguerre). Baudelaire fustigeait ces « nouveaux adorateurs du soleil », tandis que dans une fameuse pantomime jouée dans l’atelier de Carjat en 1864, Nadar est qualifié de « rival doré du blond soleil »… 50

La société « Carjat & Cie », en association avec Legé et Bergeron, a été créée en 1864 et dissoute en 1866. https://books.google.fr/books?id=3jUwAQAAMAAJ&pg=PA302 32


Affiche pour l’ouverture du studio de Carjat, par Benassit, 1861 Affiche pour le nouveau studio, 1867 ou 1868

51

BnF -

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9007682d

Cf.

51

52

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6491956f/f53

52

Autoportrait charge, insistant sur la nouvelle adresse, l’ancien studio n’appartenant plus à Carjat. Coll. Albertina Museum, Vienne - https://www.europeana.eu/fr/item/15508/DG2004_543 33


1864

53

Chronologie des adresses

1868

55

54

:

- 1861 (avril)-1865 : 56 rue Laffitte (« Carjat & Cie »). - 1866-68 : 62 rue Pigalle (« Et. Carjat & Cie » puis « Nouvelle photographie Etienne Carjat »). - 1869 (début) jusqu’à vers 1876 (?) : 10 rue Notre-Dame de Lorette (« Nouvelle photographie Etienne Carjat & Cie », puis « Photographie Etienne Carjat & Cie »). - 1865-66 jusqu’à vers 1880 ? : 56 rue Laffitte (« Legé & Bergeron photographes, anciens associés et successeurs de Carjat » 56, puis « G.M. Legé » et « G.M. Legé et Cie »). 57 Cela nous permet de classer et de dater, avec une marge d’erreur limitée à peu d’années, les différents cartons utilisés par Carjat, en commençant par les versos :

53

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6254319f/f8.item.zoom

« Demi-nature » signifie, dans le langage des beaux-arts, « à la moitié de la taille réelle ». 54

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62257162/f8

55

Synthèse des informations données par les catalogues des expositions des musées Niépce et Carnavalet, du dossier de S. Plantureux, et de l’étude d’E. Fallaize. 56

La Cour d’appel a confirmé en juin 1867, dans un jugement entré dans les annales, le droit pour Legé & Bergeron de se présenter comme « successeurs de la maison Carjat », même si Carjat était toujours en activité de son côté. (https://books.google.fr/books?id=YWFdAAAAcAAJ&pg=RA1-PA218) 57

Je n’ai cependant jamais remarqué de photo éditée par Legé & Bergeron qui soit manifestement tardive (années 1880). Celles que l’on trouve paraissent dater des années 1860 (période d’après la séparation entre Carjat et ses associés, soit après 1865). 34


TYPE 1 - Vers 1861

TYPE 5 - Vers 1867-68

58

TYPE 8 – De 1873 à 1876 ?

59

TYPES 2 et 3 - Vers 1863

TYPE 4 - 1866

TYPE 6 - Vers 1868-69

TYPE 7 – Vers 1870-73

À partir de 1873 ? (Cartes cabinet)

58

Outre la liste des prix reçus, dont celui de l’Exposition universelle de 1867, apparaît la mention « Maison fondée en 1867 » (mention imposée par jugement de la Cour d’appel en juin 1867). 59

Dernier verso connu pour les photos carte de visite avant la cession de la maison à Legé & Bergeron en 1876. « Nouvelle » (« Nouvelle photographie ») disparaît, tout comme la mention « Maison fondée en 1867 ». C’est manifestement le signe de la création d’une nouvelle société. 35


Différents types de cartons

Si les cartons sont des indices précieux pour dater les tirages, ils ne donnent pas pour autant, bien sûr, d’indication sur la date de réalisation des clichés, sinon comme terminus ad quem. Une épreuve montée sur un carton de 1870 implique que la photo a été réalisée en 1870 au plus tard, mais le cliché peut très bien avoir été pris en 1860, par exemple… Il en est de même pour les dates portées sur les cartons : les inscriptions, ex-donos autographes, etc., sont souvent très postérieurs à la réalisation des épreuves, surtout en ces époques où la temporalité était vécue de manière très différence qu’en notre ère d’immédiateté et de « flux tendu ». Ils indiquent donc que le tirage existait déjà à la date où l’inscription a été apposée, ni plus, ni moins. D’autre part, les datations données par les catalogues des institutions ou par les notices de vente sont en général inexactes, parfois arbitraires. Enfin, on peut rencontrer une même photo sur des cartons d’époque différente (ci-dessous, exemple d’Henri Rochefort). Les cartons donnent donc seulement, ce qui est déjà important, la période de diffusion ou commercialisation de l’épreuve.

36


- TYPE 1 - Vers 1861. « Et. Carjat. » (Rue Laffitte)

60

Ou « Et . Carjat » (sans point après le nom), ou « Et Carjat ». Verso : « Photographie Carjat & Cie ».

Paul Féval

Autoportrait

Chose très intéressante, le nom de Carjat se présente ici, et plus encore dans le type suivant, exactement sous la même graphie que sa signature dans ses œuvres picturales, dessins et caricatures (voir aussi supra l’affiche de 1867, par exemple).

60

Les photographies montées sur ce carton sont parmi celles que l’on rencontre le plus souvent aujourd’hui, avec celles des années 1870-1873. Cela implique qu’elles ont été produites à des milliers ou dizaines de milliers d’exemplaires. Ce carton n’a pas forcément été utilisé très longtemps, mais il correspond manifestement à un moment où la commercialisation des cartes de visite par Carjat rencontrait un grand succès. 37


- TYPE 3 - Vers 1863 (?)-1865. « Et. Carjat » (écriture « manuscrite »). Au verso : « Carjat & Cie ».

61

Dessin de 1864, reproduction photographique sur carte de visite

62

61

Proudhon sur son lit de mort. La photographie date de janvier 1865, ce tirage ne peut donc être antérieur à cette date. 62

Musée Carnavalet. http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-defrederic-mistral-1830-1914-poete-provencal-2#infos-principales 38


- TYPE 4 - Vers 1865 ? « Carjat & Cie »

63

- TYPE 4 - 1866 - « É. Carjat Phot. » (Rue Pigalle)

64

Au verso : « Photographie Et. Carjat & Cie ».

- TYPE 4-A

65

63

Je suppose que ce type succède au précédent, sans preuve, mais parce que la mention de l’auteur au recto, « Carjat & Cie » au lieu de « Et. Carjat », suggère une « montée en puissance » des associés. La nouvelle société « Carjat & Cie » a été créée en 1864. 64

Ce modèle et ses variantes sont rares. Carjat n’a dû les utiliser que durant un an ou deux, entre son installation rue Pigalle en 1866 et le nouveau carton avec mention de l’exposition universelle de 1867. 65

À droite : autoportrait de Carjat sur carte de visite (découpée) avec envoi autographe daté de 1867. Coll. Met Museum. https://www.metmuseum.org/art/collection/search/270074 39


- TYPE 4-B

66

- TYPE 4-C

66

MusĂŠe Carnavalet.

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-jesse-hatton-boxeur-anglais

40


- TYPE 5 - Vers 1867-68 - « Etienne Carjat et Cie Phot. » (Au verso : « Maison fondée en 1867 »)

- TYPE 6 - Vers 1868-69 - « Etienne Carjat et Cie Phot »

67

67

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/node/560202

41


- TYPE 7 – Vers 1870-1873. « ETIENNE CARJAT & Cie PHOT.

10 RUE NTRE DE DE LORETTE »

68

- TYPE 7-A – Vers 1870-72.

69

71

70

72

68

Ce modèle est très courant. Les photographies des Communards par Carjat (printemps 1871) ont été diffusées sur ce carton. 69

Après janvier 1870, la photographie représentant Victor Noir sur son lit de mort (10 janvier 1870). 70

Gambetta, avec dédicace autographe d’octobre 1871. Collection Alexis Bonnet.

71

Verlaine [fin 1871 ?]. Format de la vue 7 x 5,5 cm. Verlaine et Carjat étaient alors assez proches, ils fréquentaient le même milieu parisien d’intellectuels bohêmes (les Vilains bonhommes, etc.). Cette épreuve fut offerte par Verlaine lui-même à un ami qu’il voyait autour de 1870, Ernest Boutier, avec un ex-dono autographe. http://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/lot.pdf.PF1203.html/f/95/PF1203-95.pdf 72

Rimbaud, 10,5 x 6,2 cm. Exemplaire révélé en 1998 à l'occasion de la dispersion de la collection Jacques Guérin. Recto reproduit d’après Lefrère, Face à Rimbaud, p. 29 ; verso d’après le catalogue de la vente de 2003 (Source Artprice). 42


Il existe une photographie sur ce carton qui représente Sarah Bernhardt dans Ruy Blas, a priori au moment de la création de la pièce, en 1872 (janvier). 73

- TYPE 7 B – Vers 1872-73. Avec filet d’encadrement.

74

73

75

Exposition Carnavalet, n° 307.

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-bernhardt-sarah-henriette-rosine-bernard-18441923-actrice-17#infos-principales http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-sarah-bernhardt-1844-1923-comedienne-assiseouvrant-un-coffret#infos-secondaires-detail 74

Autoportrait de Carjat avec envoi autographe daté de 1874. Musée Carnavalet.

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/autoportrait-d-etienne-carjat-1828-1906-caricaturistelitterateur 75

Ex-dono daté de 1874.

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-pierre-berton-1842-1912-acteur-et-auteurdramatique-4

43


Il existe une photographie envoyée par Hugo en août 1872 qui paraît être sur ce support. Ce carton était donc déjà utilisé à cette date 76. Les photographies par Carjat des acteurs de Ruy Blas (sept. 1873) ont également été diffusées sur ce carton (ou le suivant, Type 8-A). 77

78

- TYPE 8 – Vers 1873-75 (?). « ETIENNE CARJAT & Cie PHOT.

10 RUE NTRE DE DE LORETTE »

Avec filet d’encadrement. Sans le mot « nouvelle » au verso (« nouvelle photographie »).

- TYPE 8-A

79

76

Autre exemple de carton de ce type avec ex-dono autographe, daté de 1874 :

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-pierre-berton-1842-1912-acteuret-auteur-dramatique-4#infos-principales 77

Coll. Maison de Victor Hugo (versos non reproduits). Exemple :

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/marie-laurent-dans-le-role-de-marie-tudor-0 78

Étude Tessier & Sarrou et Associés, 6 nov. 2013.

79

Ce beau portrait de Mallarmé (105 x 65 mm) est signé par le poète et daté, de 1877. Ici aussi l’épreuve peut dater des années précédentes, et n’avoir été offerte qu’en 1877. http://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/2015/bibliotheque-stephane-mallarme-pf1543/lot.114.html

44


- TYPE 8 B - (Coins arrondis, filet rouge, doré ou vert.)

80

Rochefort

Gambetta

Maupassant

Il existe une variante rare, à fond teinté, avec nom de l’imprimeur au verso (ici illisible : « H. Na… »). L’aspect est plus moderne que les précédents, certaines images ne correspondent pas du tout au style de Carjat (voir la photo de droite, avec son décor à la Disdéri…). 81

82

80

BnF. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8423935v

81

Ce carton date d’avant 1878. Voir ci-dessous, p. 69, Type 12.

82

http://laphotoduxix.canalblog.com/archives/carjat_etienne/index.html

45


- TYPE 10 – A partir de 1873-75 ? « PHOTOGRAPHIE ET . CARJAT & CIE ». Presque uniquement des cartes cabinet (format quasiment double des cartes de visite), versos vierges.

83

84

85

La photographie de Gambetta sur son lit de mort a été réalisée par Carjat en décembre 1882. Elle a été diffusé sur ce carton. Cela pose la question de la poursuite des activités de Carjat, après la cession « définitive » de son fonds en 1876… (voir infra Annexe 2).

86

83

BnF. Porte un ex-dono daté de mars 1873. 16,5 x 11 cm (image 12 x 9 cm).

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8423127j?rk=772536;0 84

BnF. Porte un ex-dono daté de 1880. 16,5 x 11 cm (image : 14 x 10 cm).

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84231264?rk=257512;0 85

Le cliché paraît avoir été réalisé en 1872-73, lors de l’arrivée de Germain Nouveau à Paris. Épreuve dédicacée à Mallarmé. 165 x 110 mm (image 143 x 98 mm). http://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/lot.211.html/2015/bibliotheque-stephane-mallarme-pf1543 86

Musée Carnavalet. http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-leongambetta-sur-son-lit-de-mort-1838-1882-avocat-et-homme#infos-principales 46


Exemplaires connus de la photo carte de visite de Baudelaire

Nous avons pu recenser à ce jour 9 autres exemplaires de cette photographie 87. Il en existe certainement d’autres, mais, outre ceux qui ne seraient pas connus, la recherche est rendue difficile par l’existence de la photographie de Baudelaire par Carjat reproduite en photoglyptie dans La Galerie contemporaine, qui est, elle, courante et conservée par de nombreuses institutions. D’autre part, les descriptions sont très lacunaires pour la plupart d’entre elles. Exemplaires connus : 1 - Bibliothèque nationale de France (albums Carjat) 2 – Musée Carnavalet, Paris 89

88

3 - Étude Gros & Delettrez, 2009 (provenance : famille Aupick Baudelaire) 90 4 - Christie’s, 2012 91 5 - Serge Plantureux, 2014 92 6 - Étude Millon, 2015 7 - Étude Binoche, 2016 8 - Étude PBA, 2018 93 9 - Collection Lolliée, étude Binoche/Sotheby’s, 2018 94 10 - Libraires associés, 2020

87

Il est cependant très possible que des exemplaires dont on pourrait retrouver la trace sur le marché n’en soient en réalité qu’un seul. Par exemple, une épreuve passée en vente publique peut réapparaître dans le catalogue d’un libraire ou quelques années plus tard dans une autre vente. 88

Ces quatre albums contiennent des photos cartes de visites de personnalités par Carjat, annotées et classées dans l’ordre alphabétique. Elles sont toutes datées des années 186466, à quelques notables exceptions près (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40472886v). Le premier (200 photos) est numérisé : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451516b 89

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-charles-baudelaire-1821-1867poete#infos-principales 90

Vente Charles Baudelaire, Fond Aupick-Ancelle, n° 106.

https://www.gros-delettrez.com/lot/5954/1172195?npp=50&offset=100& 91

https://www.christies.com/lotfinder/photographs/baudelaire-carjat-etienne-portrait-carte-de-visite-5611473details.aspx 92

https://issuu.com/sergeplantureux/docs/betg-photo-101116-72

93

https://www.pba-auctions.com/lot/89029/8462333

94

https://www.binocheetgiquello.com/lot/93690/9263844

(page 88).

47


1 – BnF

2 - Carnavalet

3 – Gros & Delettrez

4 – Christie’s

5 - Plantureux

6 - Millon

7 – Binoche 2016

8 - PBA

9 - Lolliée

Remarque : Il ne faut pas trop se fier aux teintes des reproductions, celles-ci pouvant fortement différer en fonction du scanner utilisé, ou de l’éclairage lors de prise de vue, etc. 48


EXEMPLAIRE

EDITION 95

FORMAT CARTON

FORMAT EPREUVE

(en mm)

(en mm)

1 – BnF

[Carjat (Type 1)]

2 – Carnavalet

Carjat (Type 1)

105 x 60

3 – Gros Delettrez

Carjat (Type 1)

90 x 55

4 – Christie’s

Legé & Bergeron

5 – Plantureux

Carjat (Type 1)

6 – Millon

G.M. Legé

7 – Binoche 2016

?

8 – PBA

Carjat (Type 1)

9 – Lolliée

Legé & Bergeron

90 x 55

10 – Libraires associés

Carjat (Type 1)

100 x 60

96

88 x 54 92 x 52

97 x 63 92 x 55

92 x 54

Donc, dans l’échantillon connu : - 6 ont été diffusées par Carjat, sur son premier carton (vers 1861).97 - 3 ont été diffusées par Legé & Bergeron ou G.M. Legé. Les exemplaires diffusés par Carjat peuvent présenter de petites différences de taille, du carton (jusqu’à 1 cm en hauteur) et de l’épreuve. 98 Cela ne paraît pas très étonnant, la fabrication de ces cartes, y compris la découpe des épreuves, demeurant à l’époque une activité artisanale. Les exemplaires Legé & Bergeron sont forcément postérieurs à 1865. Ils ont été diffusés à au moins deux moments différents (deux types de cartons, dont l’un après le départ de Bergeron). 99 L’exemplaire Christie’s n’est pas une carte de visite à proprement parler, puisqu’il est monté sur une feuille assez grande, portant le cachet à sec du studio. On peut supposer qu’il s’agissait plutôt d’un tirage de démonstration ou d’archive. Sa mauvaise qualité suggère même qu’il s’agit d’une copie, en contretype (photographie de photographie). Dans cette hypothèse, il est possible qu’à ce moment Legé & Bergeron n’aient plus disposé du négatif original. 95

La photographie étant montée dans un album, le support n’est pas visible. Cependant les épreuves conservées dans cet album datent de la première moitié des années 1860, et celles dont on peut apercevoir le support sont sur carton Carjat de Type 1. 96

Cachet à sec : « Photographie Carjat & Cie Legé & Bergeron Srs 56, Rue Laffitte, 56. »

97

Tous, semble-t-il, dans la première variante : nom et prénom suivis d’un point.

98

L’exemplaire présenté dans l’exposition Carjat au Musée Carnavalet en 1982, appartenant à une collection particulière, faisait 94 x 65 mm (carton Carjat, 100 x 60). 99

Paradoxe, deux de ces exemplaires, qui n’ont pas été tirés ni diffusés par Carjat, sont ceux qui ont atteint des prix records aux enchères : 6 500 et 10 000 euros (ventes de prestige…). 49


Cachet à sec sur l’exemplaire Christie’s

100

Détail de l’exemplaire Christie’s

100

Carjat utilisait un cachet à sec identique pour ses tirages montés sur papier, au moins dans la période du studio de la rue ND de Lorette. Exemple : https://photoinventory.fr/photos/MO6728.png 50


Notre exemplaire porte le nom de Baudelaire inscrit à la plume au recto. Il était assez courant que les modèles signent ou dédicacent leur photographie carte de visite aux personnes à qui ils les offraient (voir entre autres, supra, le portrait de Mallarmé). Ici, l’écriture ne paraît pas être celle de Baudelaire 101. En revanche, elle ressemble à celle qui figure sur l’exemplaire du musée Carnavalet.

Ces deux exemplaires sont très similaires (celui de Carnavalet ne porte pas le cachet Giroux au verso). On remarque que l’épreuve de l’exemplaire 10 est un petit peu plus longue.

Exemplaires 2 et 10, Musée Carnavalet et Libraires associés 101

Il est arrivé à Baudelaire de dédicacer ses portraits photographiques, dont deux au moins à Poulet-Malassis. On ne connait cependant pas d’exemplaire de photos carte de visite qu’il aurait signés. 51


Les exemplaires présentent en général des taches d’encre, plus ou moins nombreuses. Il s’agit de « repiques », c’est-à-dire de petites corrections sur l’épreuve afin d’en dissimuler les imperfections (points blancs, zones surexposées au niveau des cheveux ou de la barbe…) 102. Elles sont plus visibles aujourd’hui, l’encre ayant moins pâli que le tirage lui-même. Tous les studios procédaient ainsi, que ce soit pour des tirages de grand luxe ou pour les épreuves à petits prix qu’étaient les cartes de visites. Pour qui veut bien les voir, et les observer à la loupe, les photos du XIXe siècle se révèlent surprenantes. Par exemple cette carte de visite par Carjat, retouchée dans le studio du photographe, datant des années 1860 (qui est loin d’être un cas extrême)…

Les épreuves des cartes de photos de Baudelaire portent peu de repiques, à en juger par leurs reproductions. Il ne semble pas y avoir d’intervention sur le visage. Sur la nôtre, une seule est visible à l’œil nu, sur le fond à gauche de la tête. 103

102

Sur l’exemplaire du Musée Carnavalet il y a aussi, bien sûr, de « vraies » taches d’encre. 103

L’exemplaire 3, qui vient du fond Aupick Baudelaire, présente la même repique au même endroit. 52


En revanche l’exemplaire Christie’s en est constellé, et c’est logique. Plus l’image était évanescente, plus le photographe avait besoin d’intervenir sur l’épreuve. Or le contretypage entraine une perte de définition (une photo de photographie, c’est un peu comme une photocopie de photocopie…). Les épreuves en contretype présentent donc en général beaucoup plus de repiques que celles tirées directement à partir du négatif original.

En 1866, le photographe Mayer attaqua en justice son confrère Franck pour contrefaçon. Il constitua un dossier pour prouver que ce dernier avait copié certains de ses clichés. La comparaison entre les cartes de visite éditées dans les mêmes années par Mayer et par Franck montre l’écart qui peut exister entre une épreuve tirée directement d’après le négatif et son contretype. 104

104

Serge Plantureux, « Copy copy copyright », 2017. Ce procès suggère également à quel point le commerce des photographies carte de visite pouvait représenter un enjeu financier voire juridique. https://issuu.com/sergeplantureux/docs/pwt-15-2017-copy-copy-copyright_1_ 53


Ci-dessous, repiques différentes sur deux épreuves de Carjat (manifestement en contretype), tirées au même moment. 105

105

Collection JD. Ces interventions grossières ne se remarquent pas à l’œil nu car elles sont minuscules, la tête ne faisant que 2 cm de hauteur. 54


Les interventions sur les épreuves n’étaient rien par rapport à celles que subissaient les négatifs. Mais, à moins d’avoir accès à la plaque de verre, et de pouvoir en examiner le verso, la plupart sont indécelables sur l’épreuve. Pour Baudelaire, on peut remarquer des interventions manifestes, au pinceau, sur la photoglyptie de la Galerie contemporaine :

Entre autres sur la chevelure :

55


Là aussi, ces retouches ne faisaient que compléter celles déjà réalisées sur le négatif verre. Ainsi, dans notre portrait, on peut remarquer des touches de lumière sur la chevelure qui ne sont guère naturelles : mèches blanches sur la tempe gauche, improbable encoche de forme rectangulaire sur la tempe droite, etc. 106 Ces indices suffisent à révéler que le négatif a été retravaillé, par retouche manuelle sur la plaque.

106

Cette « encoche » est reproduite par Giraud dans sa caricature réalisée d’après cette photo (reproduite supra). Rien de surprenant à cela, les artistes et caricaturistes travaillant d’après photographie étant amenés à restituer, ou souligner, de tels détails, qu’un spectateur ordinaire ne voit même pas. 56


« Un nouveau portrait de Baudelaire » ? (La simple inversion latérale de l’image change l’impression qu’elle donne, voire l’expression du modèle.)

57


Épilogue : Baudelaire photographié par Baudelaire ?

Nous sommes habitués à considérer que la photographie produit une image « réelle », pas forcément objective, mais irréfutable. Tout en sachant qu’elle dépend éminemment de l’œil du photographe, du matériel employé, etc. De même, la retouche a mauvaise presse, alors qu’elle n’est qu’une étape constitutive du processus photographique. Elle peut être modérée (recadrage, changement du contraste…), ou abusive et malintentionnée. Quand il n’y a pas de retouche, c’est que l’on laisse à l’appareil le « choix » du résultat, de l’élaboration de l’image captée par le photographe. La photo n’est pas moins « subjective », mais c’est la technique qui décide, plutôt que le technicien. Or c’est précisément ce dont ne voulaient pas les adversaires de la photographie à son avènement, à commencer par Baudelaire. Ils l’ont d’abord vue comme une tranche de réalité captée par un appareil : une vulgaire copie, prétendant être objective. Mais pour eux, il était hors de question d’admettre que l’art humain puisse être ainsi éliminé de la représentation du monde.

Flaubert par Carjat, tirage d’époque (carton Type 2).107 Cette carte de visite rare et peu connue est un clin d’œil de l’histoire : Flaubert était radicalement opposé au portrait photographique, au culte de l’image de l’artiste, et il a même affirmé ne jamais s’être fait photographier. Cette image montre qu’il avait en fait cédé dès 1861.108

107

Bibliothèque municipale de Rouen - https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb44196596r

108

Flaubert se montra cependant beaucoup plus cohérent, ou moins narcissique, ou moins en recherche de gratification, que Baudelaire : il parvint à empêcher toute publication de ses traits de son vivant. Cf. Y. Leclerc, « Portraits de Flaubert et de Maupassant en photophobes », Romantisme, 1999, n° 105 (L'imaginaire photographique), pp. 97-106. https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1999_num_29_105_4353

58


On connait les mots célèbres de Baudelaire contre « l'invasion de la photographie et la grande folie industrielle » : Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit : “Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela, les insensés !), l’art, c’est la photographie.” À partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Mais s'il lui est permis d'empiéter sur le domaine de l'impalpable et de l'imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l'homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous !

Baudelaire rédigeait cette critique radicale et anthologique du portrait photographique en 1859. Soit quatre ans après s’être fait portraiturer chez Nadar, et deux avant d’aller poser chez Carjat. Car, avec ces « hommes de l’art », ce n’était pas pareil. Ils entendaient rendre la réalité en passant par l’artifice : la subjectivité du portraitiste, la pose dynamique, l’éclairage, et la retouche bien sûr… En 1865, Baudelaire écrivit à sa mère : Je voudrais avoir ton portrait ; c'est une idée qui s'est emparée de moi. […] Il faudrait que je fusse présent. Tu ne t'y connais pas, et tous les photographes même excellents, ont des manies ridicules ; ils prennent pour une bonne image, une image où toutes les verrues, toutes les rides, tous les défauts, toutes les trivialités du visage sont rendus très visibles, très exagérés ; plus l'image est dure, plus ils sont contents. De plus, je voudrais que le visage eût au moins la dimension d'un ou deux pouces. Il n'y a guère qu'à Paris qu'on sache faire ce que je désire, c'est à dire un portrait exact, mais ayant le « flou » d'un dessin.

À cette époque particulièrement, verrues, rides et autres défauts étaient très visibles sur les photographies. Sauf à les atténuer par de petites ou grosses « tricheries » - en en profitant pour enjoliver un peu, ou outrageusement, le modèle. Or Nadar et Carjat « trichaient » autant et mieux que d’autres, mais surtout pour atteindre à une vérité du sujet plutôt qu’à son artifice social. 109 La toute première photo de Baudelaire (voir page suivante) était artistique, même vaporeuse, mais trahissait les défauts de peau du modèle. On remarque en particulier une excroissance sous le coin gauche de la bouche, qui dans toutes les autres photographies du poète a miraculeusement disparu. On pouvait, sans vraiment tricher, arranger un peu…

109

L’absence de décor et d’accessoires a permis à Carjat de pratiquer le détourage, obtenant ainsi un fond plus neutre et uniforme. Ce détourage manuel, à la gouache sur le négatif, permettait aussi, assez régulièrement, de corriger des irrégularités un peu malséantes dans la chevelure (ce fut le cas pour Rimbaud en particulier, « recoiffé » par la retouche). 59


De la photo de Nadar en 1855 à celle de Carjat en 1861, diffusée dans la Galerie contemporaine quinze ans plus ans, il n’y a pas qu’une évolution technique et stylistique : Baudelaire a été lifté et poudré. On ne connait pas l’état initial de la photo de 1861, mais il paraît clair que la photo de la Galerie contemporaine va au-delà de la douceur « pictorialiste » voulue par Baudelaire. Seule l’expression et le regard terrible la différencient d’un portrait parfaitement conventionnel et artificiel, digne du studio Harcourt. Ce n’est pas un hasard si la première n’a pas été diffusée et est rarement reproduite, tandis que la seconde est devenue une icône des temps modernes, qui orne jusqu’à des t-shirts et des mugs…

Nadar, 1855

110

/ Carjat, 1861, version éditée

110

De tels défauts sont fréquemment visibles chez Nadar (dans ses autoportraits en particulier), pas chez Carjat. Dans l’autre photo de Nadar prise la même année, Baudelaire présente un visage lisse et a l’air d’avoir dix ans de moins. 60


Ce non-dit du portait photographique a été très bien explicité par le pionnier de l’identification judiciaire, Alphonse Bertillon. Il avait en effet le plus grand mal à obtenir des photographes de la police qu’ils ne commettent pas l’erreur absurde de retoucher les portraits. C’était comme demander à un forgeron de ne pas faire de bruit…

Il est manifeste que pour les premiers critiques de la photographie le portrait photographique est admissible, voire désirable, s’il arrive au naturel et à l’exactitude par l’art (dont la retouche, qui, ne l’oublions pas, appartient au langage et à la technique picturale). La lettre félicitant Carjat pour la photo en dandy - le portrait aux gravures -, confirme implicitement que Baudelaire attend de la photographie qu’elle soit fabriquée, construite, qu’elle soit une œuvre, au sens premier. Cela, lui permet d'approcher à la « perfection ». 111

111

Cela rappelle Isabelle Rimbaud, gardienne sourcilleuse de l’image de son frère disparu, écrivant à propos d’un portrait de Rimbaud : « La photographie que vous m’avez envoyée est beaucoup mieux que celle de Carjat […], il n’y a pas la moindre retouche à y faire ». 61


Bien sûr, cette perfection n’est autre, en l’occurrence, que l’image que le sujet Baudelaire avait envie de voir, et de présenter, de lui-même. André Jammes a remarqué que dans les portraits de Baudelaire par Nadar, « les poses sont originales, sans doute décidées par Baudelaire lui-même » 112 . Baudelaire participe au portrait, par sa posture, et par son expression, si contrite dans les photos de Carjat en 1861, qu’on peut la soupçonner forcée. À ce titre, Baudelaire aura réussi à dompter le monstre froid de la technique photographique : en devenant co-auteur de sa propre image.

Les trois photos de Baudelaire par Carjat réalisées lors de la même séance en 1861

112

Préface au Photo-poche Nadar (Delpire, 1983). Serge Plantureux commente : « Cette notion que les poses sont décidées par le poète lui-même est essentielle. Ce n’est certainement pas tant la photographie qui est vouée aux gémonies par le poète que l’usage vulgaire que l’on peut en faire, à l’égal de son mépris pour l’usage vulgaire que l’on peut faire de la poésie ou de la littérature » (« Le Rêve d’un curieux », p. 106). 62


Depuis l’apparition de la photographie, la peinture s’appuie largement, plus ou moins explicitement, sur ce précieux outil. Il est ainsi probable que Fantin-Latour s’aidait, en complément des séances de pose, de portraits photographiques. Par exemple, Zola dans Un Atelier aux Batignolles (1870), rappelle étrangement son portrait par Carjat, et celui par Disdéri pour le geste.

Carjat

/

Fantin

Disdéri

/

Fantin

Dans un précédent portrait de groupe par Fantin, l’Hommage à Delacroix, réalisé début 1864, Baudelaire ressemble également à ses photographies du début des années 1860, en particulier le portrait aux gravures de 1863. Les cheveux sont plus longs, comme les portait Baudelaire au moment du tableau 113. Fantin nous montre l’homme qu’il voyait, un Baudelaire a les traits ridés et apparaît, ô paradoxe, nettement plus vieux que dans ses photos de la même époque. Ici, le modèle ne contrôle plus son apparence ; l’art prend sa revanche. 114

113

La coiffure a exactement la même apparence que dans la photo 6.2, par Neyt.

114

On pourrait dire en une boutade que le portrait le plus fidèle de Baudelaire est peutêtre le Coin de table de Fantin. Dans cet hommage à Baudelaire, le poète disparu… n’est pas représenté. 63


De même, un portrait en médaillon peu connu, du peintre Alexandre Lafond, traduit à sa manière une des photos de Nadar en 1861 115.

Ce portrait est fidèle à son modèle, mais Baudelaire y apparaît làaussi, plus empâté et âgé. On est loin des photos réalisées par Carjat quelques mois plus tard, et même infiniment loin de l’image idéale de la Galerie contemporaine…

1861

1863

115

Ce tableau appartenait à Poulet-Malassis, il est conservé au musée des Beaux-arts d’Alençon. 64


La postérité allait se charger de retoucher l’histoire, mais en sens inverse : elle a adapté la photo carte de visite de Carjat, comme elle le fera pour la photo de Rimbaud, en la transformant en quelque chose de plus seyant, et propret, digne de l’image que l’on est en droit d’attendre d’un poète enseigné dans les écoles. Baudelaire avait su, ou cru, échapper à la trahison de la technique photographique. Il fut finalement victime, plus encore, de celle de l’art, du noble art de la gravure, interprétant la photographie…

Frontispice des Œuvres complètes de Baudelaire, Gravure de Nargeot d’après la photo de Carjat 116

116

À gauche, première version (édition Michel Lévy, 1868). À droite, version de l’édition du Mercure de France, 1908 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8571036/f8.item.zoom). 65


66


ANNEXE 1

Carjat après Carjat « Je deviens trop vieux pour recommencer autre chose… » (Carjat, 1873)

Certaines des photographies de Carjat sur carte de visite, et surtout sur carte cabinet, sont étranges : elles ne rappellent en rien sa manière. Par exemple, ci-dessous : une photographie en extérieur, photos de mariage, de communion, sur fond de décor en toile peinte… Parfois elles paraissent bien trop modernes pour des images du milieu des années 1870. Tous ces tirages sont à l’adresse de la rue N.D. de Lorette. Il ne peut donc pas s’agir de productions de Legé & Bergeron, qui n’ont jamais exercé à cet endroit.

67


68


Il paraît clair que certains de ces tirages sont postérieurs à 1876, date supposée de la cessation d’activité commerciale de Carjat. On sait d’ailleurs que Carjat réalisa en 1879 le portrait officiel du Président de la République, Jules Grévy. - TYPE 11 – Avant 1878 (?)

117

- TYPE 12 – Après 1878 Carton imprimé par B.P. Grimaud, Paris.

118

Ce verso mentionne l’exposition universelle de 1878, lors de laquelle Carjat fut primé. L’épreuve a l’apparence d’un tirage argentique. Il s’agit probablement d’une image de la fin des années 1880. 117

La mention de l’Exposition universelle de 1878 n’apparaît pas encore. Cet exemplaire de ce carton est le seul que nous ayons jamais vu. 118

10,5 x 6 cm. Collection Photovintage France. Ce modèle est également rarissime. Le musée Carnavalet conserve un portrait de Sarah Bernhardt monté sur ce même carton. 69


Il a aussi existé des cartes cabinet avec ce verso (alors que précédemment les versos étaient vierges). On voit ci-dessous comment la plaque utilisée par Carjat depuis les années 1870 a été regravée pour ajouter « 1878 » et le « s » à « Exposition universelle ».

70


Publicité parue en mars 1876

119

La lettre ci-dessous montre que Carjat continuait à utiliser son papier à en-tête de « Carjat & Cie » en 1888, soit douze ans après la vente de son fonds de commerce…

Collection Autographes des Siècles 119

Il est fort possible que cette publicité ait été publiée par Carjat au moment de la cession de son fonds. Il avait déjà procédé de cette manière dans les années 1860, lançant sa « nouvelle » entreprise de photographie juste après avoir vendu la précédente. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62386195/f16.item.r=carjat

71


Une information légale publiée dans la presse commerciale nous apprend même que Carjat a cédé une dernière fois sa marque dans les derniers jours de… 1889.

120

Carjat est réputé avoir cessé son activité en 1876. Il est clair qu’il n’en n’est rien : Carjat était toujours photographe dans les années 1880. Une activité manifestement bien modeste (ces tirages se rencontrent très rarement, ils ont donc été peu diffusés) et sans grande gloire : la photographie n’était probablement plus pour Carjat qu’un travail alimentaire. La fin de sa vie (il décèdera en 1906) est si obscure que les biographes ne semblent même pas eu connaissance de cette période de son activité. Quant aux clichés qui paraissent très tardifs, et dans un style d’une banalité qui ne correspond en rien à Carjat, on peut faire l’hypothèse qu’ils pourraient avoir été réalisés par ce Novenski qui lui succéda en 1889…

120

Annonce du 1er janvier 1890 - https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61097153/f11.item.r=carjat 72


ANNEXE 2

Les tirages de Legé & Bergeron Après la rupture entre Carjat et ses associés, en 1865-66, ces derniers conservent les luxueux locaux de la rue Laffitte et diffusent sous leur nom au moins une partie du fonds Carjat. Il est même possible qu’ils n’aient quasiment pas réalisé de clichés eux-mêmes, ou à tout le moins pas de photographies de personnalités, pouvant faire l’objet d’une commercialisation publique. On peut imaginer qu’ils étaient simultanément photographes de quartier et diffuseurs de tirages des clichés de Carjat. On ne sait à peu près rien d’eux, mais le Musée d’Orsay donne quelques informations sur Legé : « Guillaume-Mathurin Legé. Chimiste, atelier au passage Laferrière, associé d'Etienne Carjat à partir de 1864, lui succède avec Bergeron à partir de 1867 [sic] (atelier 56, rue Laffitte, Paris), puis seul jusque vers 1880 » 121. Par ailleurs, le Bottin de 1881 recense un « Legé, photographe, passage Laferrière, 10 » 122.

Exposition universelle de 1867, Catalogue des exposants récompensés par le jury international

123

121

Une notice de bibliothèque indique qu’il serait né en 1809. En 1870, dans un almanach du commerce, Legé « successeur de Carjat », est cité seul, sans Bergeron. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9668579h/f629.item.r=leg%C3%A9 122

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9764647w/f454.image

123

https://books.google.fr/books?id=oNI-AAAAcAAJ&pg=RA2-PP2

73


Exemples de photos de Carjat diffusées sur supports Carjat puis Legé & Bergeron :

124

124

Coll J.-P. Gott - http://jgphot.free.fr/collection/mover%20button/cv/FOTOGRAF/cv18.html 74


125

125

MusĂŠe Carnavalet.

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-de-justin-ouvrie-1806-1879-peintreet-lithographe#infos-principales

75


Almanach impĂŠrial, 1867

Carton LegĂŠ & Bergeron [avant 1867]

76


Gambetta [par Carjat], photo diffusée par Legé & Bergeron (après 1865)

Dédicace au dos : « À mon ami Schreber Souvenir amical, Paul Legé » Collection Marcel Minck 77


À une certaine époque (à partir de 1870 ?), Legé a exercé sous son seul nom, toujours à l’enseigne « ancien associé et successeur de Carjat ».

Carton « G. M. Legé Phot » Ci-dessous « G.M. Legé & Cie »

126

126

BnF. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8420713n?rk=21459;2 78


« Baudelaire avait au cou une cravate de foulard rouge, sur laquelle retombait un énorme col de chemise à la Colin et était enfermé dans un grand paletot marron boutonné et flottant comme une soutane. » (Jules Vallès, 1867)

79


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