Au Quai d’Orsay avec Jean François-Poncet (Novembre 1978- Juin 1981) Carnets privés d’un diplomate Jacques Viot Editions A.Pedone, Parution : 18 mars 2014, Format 15 x 21, 292 pages, Prix : 28 €, EAN : 978-2-233-00710-0 Argumentaire : Tel le directeur de cabinet impavide, rendu célèbre par la bande dessinée et le film Quai d'Orsay, Jacques Viot qui entend tout et voit tout, livre dans ses notes journalières ses appréciations sur les événements internationaux, sur les relations entre l’Elysée et le quai d’Orsay, sur les actions, attitudes et réactions des hommes et des femmes (Femmes et hommes politiques, journalistes, éditorialistes, ambassadeurs, …) en liens avec la politique étrangère. Jusqu'à maintenant, les notes prises au jour le jour par ce diplomate discret, appelé à diriger le cabinet du 3° et dernier ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard d'Estaing (novembre 1978-mai 1981), étaient restées inédites. Ce carnet tenu quotidiennement restitue de l'intérieur l'atmosphère si particulière d'un cabinet ministériel dans un contexte de crises internationales (la révolution iranienne, l'invasion de l’Afghanistan, les troubles de Pologne) et d'échéances électorales en France (mai 1981). La parution en mars 2014 intervient à la veille du quarantième anniversaire de l’élection présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing. Ces carnets sont présentés par Gérard Roubichou, proche collaborateur de Jacques Viot, à qui ce dernier a confié la responsabilité de transformer ses carnets en un livre. A la demande de J. Viot, Gérard Roubichou a enrichi l’ouvrage de notes-de bas-page fournissant un ensemble d'informations sur les personnes citées afin d'en faciliter la lecture immédiate par un lecteur contemporain. Enfin, le professeur Maurice Vaïsse offre au lecteur dans une postface une mise en perspective de cette source inédite au regard des événements tant internationaux que nationaux éclairant ainsi les informations figurant dans ce journal autant que certains silences."
Contact : Présentation du livre le 18 mars 2014 à 18h à la librairie Pedone par Maurice Vaïsse avec la participation de Gérard Roubichou et en présence de Madame Jacques Viot. Réservation auprès de la librairie Pedone librairie@pedone.info
Fin novembre 1978. J’inspectais l’ambassade à Djakarta lorsque je reçois un appel téléphonique de Jean François-Poncet pour me demander de rentrer à Paris. Il vient d’être nommé ministre et a besoin de moi. JeanMarie Soutou me le confirme et me précise qu’il s’agit d’être directeur du cabinet. A la fois excité et perplexe, je prends l’avion le samedi soir pour Paris après avoir rapidement visité la ville et le vieux port de Djakarta. Paris, 3 décembre. Tout a été très vite. A mon retour, je vois Jean-Marie Soutou qui me confirme les intentions de Jean François-Poncet. Il ne s’engage pas, me conseille d’aller le voir. Il ne me dit pas (mais je l’apprends par ma secrétaire) que Jean Francois-Poncet compte placer Jacques Rigaud avant moi dans la liste du cabinet. Ce qui ne me plaît pas.
Extrait 1er
avril 1979. La signature, le 26 mars à Washington, du traité de paix israélo-égyptien a été une victoire pour Carter. Le président américain, qui avait dû faire plusieurs fois la navette du 7 au 14 mars entre Le Caire et Tel Aviv, est payé de ses efforts. Sans attendre la signature, les Américains se sont efforcés de rallier les Européens autour d’eux (mission Warren Christopher). Leur thèse est simple : les deux principaux adversaires ont fait la paix ; c’est à la fois un événement considérable et le premier pas vers un règlement d’ensemble au Proche-Orient. […] Nos partenaires européens n’ont admis que partiellement ce point de vue et la déclaration des Neuf porte la marque du compromis que nous avons dû accepter. Mais l’idée s’affirme d’une position européenne autonome sur le Proche-Orient. Nos partenaires mesurent-ils bien que sa logique doit conduire l’Europe à admettre la création d’un Etat palestinien, tôt ou tard ? En France même l’attitude du gouvernement est critiquée. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas que nous tournions le dos à l’événement majeur que représente le traité israélo-égyptien ? On y voit le dépit d’avoir été tenu à l’écart, un fâcheux antiaméricanisme, la conséquence de la dégradation des relations entre le Président et Sadate, surtout le désir de rester dans les bonnes grâces des fournisseurs de pétrole. Toutes ces explications sont rejetées avec force. L’attitude de la France, disons-nous, lui est dictée par une analyse objective de la situation au ProcheOrient. 3 avril. Convoqué l’ambassadeur de Nouvelle-Zélande pour lui dire que nous sommes « surpris et attristés » par la récente déclaration de son Premier ministre sur l’avenir de nos territoires du Pacifique. Il se montre embarrassé, admet que le Premier ministre a improvisé et que ses propos ne représentaient pas la position du Gouvernement néo-zélandais. 5 avril. Déjeuner pour le départ de Jean-Marie Soutou. Le Ministre à été excellent, à la fois chaleureux et sobre. Jean-Marie Soutou cite André François-Poncet qui reprochait à un de ses collaborateurs partant d’avoir fait « un discours d’ambassadeur » et commentait : « Quand on parle du bas vers le haut, il faut faire court. » Puis il termine par une brève phrase : « Je pars rassuré puisque vous êtes à la tête du ministère. » Il a un peu donné l’impression d’avoir fait l’éloge du père pour ne pas avoir à faire celui du fils. 8 avril. Sombre semaine qui a vu l’exécution de Bhutto et celle d’Hoveida. Dans les deux cas, nous sommes intervenus à plusieurs reprises. Un dernier message du Président a encore été envoyé la veille de la mort de Bhutto.
Extrait 3 janvier 1980. Vœux des corps constitués à l’Elysée. Que de subtilités, de pointes, de parisianisme dans ces allocutions ! Je reçois André Lajoinie et les parlementaires communistes qui ont été au Cambodge. Ils m’assurent qu’ils ont insisté auprès des Vietnamiens pour qu’ils retirent leurs troupes. Le soir, vœux du corps diplomatique. Dans son allocution, le Président ne mentionne ni l’Iran, ni l’Afghanistan. 4 janvier. Vive discussion chez le Ministre avant l’audience du Président. Le Secrétaire général estime que nous sommes trop mous vis-à-vis de l’URSS ; il faut réduire la coopération, restreindre les échanges de visites, ne pas aller à la conférence de Madrid... Il est furieux parce qu’un télégramme adressé hier à notre représentant à l’OTAN dit que nous ne devons pas laisser se transformer en un conflit Est-Ouest un conflit Nord-Sud qui oppose, au surplus, l’URSS à un pays musulman.
Extrait 10 mai 1981. La victoire de Mitterrand est nette. Les sondages ne s’étaient pas trompés. On a beau s’attendre à un événement et en avoir cent fois repassé dans sa tête les conséquences ainsi que le désarroi personnel qui pourra en résulter, quand il arrive, il fait aussi mal que si on ne l’avait pas prévu. Les Français ont, à mon avis, rejeté un homme beaucoup plus qu’une politique. Mais le rejet de l’homme risque d’entraîner le rejet de la politique, y compris les éléments les meilleurs, surtout si les élections législatives envoient une forte majorité de gauche à l’Assemblée nationale. 11 mai. Le Ministre me dit que je ne pourrai pas être Secrétaire général, mais que j’aurai « une belle ambassade ». Il se fait fort de l’obtenir de son successeur. Je ne réponds pas. Comme il n’a rien fait ou rien pu faire pour moi quand il avait du pouvoir, je me demande ce qu’il pourra faire maintenant qu’il n’en a plus. 12 mai. Valéry Giscard d’Estaing perd les pédales. Il a prononcé hier soir une déclaration insensée expliquant sa défaite par des « trahisons préméditées ». Les députés UDF prennent leurs distances et se rapprochent du RPR en vue des élections. Je suis chargé des liaisons avec l’équipe de transition installée rue de Solférino (Bérégovoy et Attali). Le Secrétaire général, à qui ce rôle aurait dû être confié, continue à déclarer qu’il compte se présenter aux élections. Il applaudit hautement Jean Dutourd pour son article de France Soir, « Tombé pour ses bêtises ». En deux mots, Valéry Giscard d’Estaing serait tombé pour avoir déçu une partie de l’électorat de droite et l’avoir dressé contre lui. C’est vrai, mais ce n’est qu’une partie de la vérité. Dutourd fait bon marché de la nécessité de prendre en compte l’évolution de la société française.
Extrait