UNIVERSITE PARIS 1 IEDES – INSTITUT D’ETUDE DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL
Mémoire de fin de Master 1
Pauline DELAPORTE
TYPHON HAIYAN – NOVEMBRE 2013 L’EXPLICATION MULTIFACTORIELLE DE LA CRISE
Mémoire dirigé par Anne Le Naelou
Rendu le 26 mai 2014
Résumé Chaque année plus d’une vingtaine de typhons touchent l’archipel Philippin mettant en difficulté une part importante de la population. Le cycle infernal de ces tempêtes a un double effet, il est vicieux puisqu’il ne laisse pas aux populations le temps de se remettre d’un désastre avant qu’une nouvelle tempête s’annonce mais, d’un autre coté, cette malchance répétitive semble pousser le pays et ses habitants à se renforcer pour survivre. Le 8 novembre 2013, il y a un peu plus de six mois, le typhon Haiyan frappe quelques iles à l’est de l’archipel. La violence des vents est telle que des villes entières sont rasées. Une évacuation précoce de populations jugées vulnérables permet de réduire un bilan humain déjà terrifiant. Devant l’ampleur de la catastrophe le gouvernement Philippin ne peut que faire appel à la communauté internationale. Après les premières heures de solitude ressenties par les rescapés du typhon, la phase d’urgence de l’aide internationale se met en place. Le gouvernement local et les associations s’organisent. Dans certaines zones reculées, l’aide met bien plus que quelques heures à arriver. Au bout de trois semaines, puis de façon plus significative, au bout de 3 mois, les équipes d’urgence commencent à repartir. Six mois après la reconstruction est entamée mais loin d’être terminée et les équipes se font rares sur le terrain. Comment comprendre cette crise ? Nous partons du constat qu’un même désastre dans un pays entièrement différent n’aura pas les mêmes conséquences. En effet, nous pensons que les caractéristiques historiques, géographiques, sociologiques, politiques et économiques propres aux Philippines sont des éléments importants à considérer lorsque l’on étudie la crise engendrée par le typhon Haiyan. L’étude multi factorielle de la crise nous permet de mieux la comprendre et de pouvoir mieux analyser les opérations de secours aux populations menées ainsi que les débuts de reconstruction. On se rend alors rapidement compte que l’aide d’urgence a été, compte tenu des conditions, relativement bien menée. Cependant ce qui pose problème c’est la transition avec la phase de reconstruction. Celle-ci est bien souvent trop longue, prolongeant la phase d’urgence sans les moyens nécessaires. Les Philippines s’apprêtent aujourd’hui à rentrer dans la nouvelle saison des typhons, et pourtant les centres de transitions sont encore pleins de personnes sans toit pour s’abriter et sans moyen de gagner leur propre subsistance. Les Philippines sont-elles, de plus en plus, enfermées dans une urgence sans fin ?
Mots clés : Haiyan, Philippines, Typhon, Morts, Vents, Aide Humanitaire, Urgence, Communauté internationale. 2
Abstract
Each year, more than twenty typhoons hit the Philippines, making life harder for an important part of the population. The vicious circle of these storms has a double effect; on the one hand it doesn’t leave time for the population to get back on their feet before a new storm hit them, but on the other hand this lack of luck pushes them to grow stronger and face the challenges imposed by nature. 8 November 2013, a little bit more than 6 months ago, typhoon Haiyan, called Yolanda locally hit some eastern islands. The violence of the winds is such that entire cities are destroyed. An early warning system enabled to evacuate some of the most vulnerable, minimizing the already terrifying number of death. Facing the scale of the disaster, the government could only call for help. After the first few hours of solitude that the victims of the typhoon faced, the emergency phase is put into place. Local government and organisations start to re-organise themselves. In some parts of the islands hit by Yolanda, due to the difficult conditions, the victims waited much longer for support. After three weeks, but in a more significant way, after three months, emergency teams started to leave. Six months later, reconstruction is on its way but fare from being finished, and aid is starting to diminish. How should we understand this crisis? We believe that the same disaster in an entirely different country would not have had the same consequences. Moreover, we believe that the historic, geographic, sociologic, political and economic specificities of the Philippines are important elements to take into account when studying the crisis caused by typhoon Yolanda. The multifactorial analysis of the crisis enables us to better understand it and to be able to analyse the relief operations and the beginning of the reconstruction phase. In a very general way, emergency operations have been effectively conducted. However, the problem is the transition to the reconstruction phase. This transition is most of the time too long, keeping the country in an emergency phase without the appropriate means for it. While the country is preparing for the next typhoon season, transition centres are still full of Yolanda victims, who have no shelter and no livelihood. Are the Philippines, more and more caught into an emergency without an end?
Keywords: Haiyan, Yolanda, Philippines, Typhoons, Death, Destruction, Winds, Humanitarian aid, Emergency, International Community.
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Remerciements
Ce mémoire clôture mon deuxième semestre de master 1 à l’Institut d’Etudes du Développement Economique et Social. L’objectif de ce travail était d’effectuer une approche complète de la crise engendrée par le typhon Haiyan. Cette crise ne doit pas uniquement sa gravité à cette tempête d’une extraordinaire violence. La compréhension des différents facteurs de la crise permet d’analyser de façon plus approfondie les actions qui ont été mises en place, ou qui vont l’être. Ce travail s’inscrit dans un projet plus vaste que cette simple étude. En effet ce mémoire m’a permis d’avoir une vision globale de la crise, pour ensuite me rendre sur place cet été. Les connaissances acquises lors de l’élaboration de ce mémoire, ainsi que la compréhension analytique que j’ai désormais de la crise me permettront d’avoir une meilleure approche du terrain. Je suis par ailleurs prête à confronter ces éléments théoriques à la réalité du terrain et ainsi modifier mon analyse. Je tiens à remercier l’IEDES, et tout particulièrement Madame Anne le Naelou, responsable de notre master, pour le programme de cours particulièrement intéressant que nous avons eu ce semestre et qui a nourrit ma réflexion au sujet de la crise engendrée par le typhon Haiyan. Je tiens également à la remercier pour ses conseils et sa grande réactivité lors de l’élaboration de ce mémoire.
Pour finir, je voudrais remercier chaleureusement mes parents : Laure et Jean Marc Delaporte, fondateurs de l’association Life Project 4 Youth (www.lp4y.org) aux Philippines pour m’avoir offert l’opportunité de connaitre ce merveilleux pays. Je tiens également à les remercier pour leurs conseils et pour les informations transmises.
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Sommaire
INTRODUCTION ............................................................................................................................................................ 7 A. UNE CATASTROPHE NATURELLE QUI A MOBILISE LA PLANETE ENTIERE ....................................... 9 1. DEROULE DU TYPHON ................................................................................................................................................. 9 1.1 Avant, des signes d’alertes émis par plusieurs voix ............................................................................................ 9 1.2 Pendant, les seize heures ou tout a basculé ...................................................................................................... 11 1.3 Après, une mobilisation sans précédents de la communauté internationale..................................................... 13 2. PRINCIPALES EXPLICATIONS ET LEURS PORTEURS .................................................................................................... 15 2.1 Une catastrophe naturelle et ses mesures ......................................................................................................... 15 2.2 Relais des autorités publiques, les médias et la communauté internationale qui organisent la récolte de fonds sur la compassion ................................................................................................................................................... 17 3. DES EXEMPLES DE CATASTROPHES NATURELLES RECENTES AUX PHILIPPINES ......................................................... 19 3.1 1991 – Thelma .................................................................................................................................................. 19 3.2 2012 – Bopha .................................................................................................................................................... 20 3.3 2013 - Bohol ..................................................................................................................................................... 21 B. FACTEURS DE CRISE : LES PHILIPPINES, « CULTURE DU DESASTRE » ............................................... 23 1. FACTEURS HISTORIQUES ........................................................................................................................................... 23 1.1 Colonisation espagnole..................................................................................................................................... 23 1.2 Impérialisme américain .................................................................................................................................... 24 1.3 La deuxième guerre mondiale et la nouvelle société ........................................................................................ 26 2. FACTEURS GEOGRAPHIQUES ..................................................................................................................................... 27 2.1 Un archipel montagneux … .............................................................................................................................. 27 2.2 Sans cesse frappé par la nature ........................................................................................................................ 29 2.3 Dont le territoire est inégalement et insuffisamment aménagé ......................................................................... 30 3 FACTEURS SOCIOLOGIQUES ....................................................................................................................................... 33 3.1 Une forte diversité culturelle ............................................................................................................................ 33 3.2 Une culture de la « famille » importante .......................................................................................................... 34 3.3 Une forte croissance démographique ............................................................................................................... 36 4 FACTEURS POLITIQUES ET ECONOMIQUES .................................................................................................................. 37 4.1 Politique............................................................................................................................................................ 37 4.2 Une économie centralisée ................................................................................................................................. 38 4.3 Une population en dehors des villes qui vit des ressources naturelles ............................................................. 40 C. EN REGARD DE CES FACTEURS STRUCTURELS, QUELLE APPRECIATION SUR LA NATURE DE L’INTERVENTION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ? .................................................................. 42
5
1.
UNE COMMUNAUTE INTERNATIONALE QUI REAGIT RELATIVEMENT BIEN DANS L’URGENCE ABSOLUE ................ 42 1.1 Un gouvernement qui accueille la communauté internationale ........................................................................ 42 1.2 Au vu des facteurs étudiés et des expériences passées, un délai d’intervention raisonnable ........................... 44 1.3 La sur-catastrophe évitée .................................................................................................................................. 45
2. DANS L’ELAN DE SOLIDARITE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE, UNE REPONSE A L’URGENCE IMPORTANTE . 46 2.1 Beaucoup de moyens et d’initiatives à travers le monde .................................................................................. 46 2.2 Et leur application sur le terrain ...................................................................................................................... 47 2.3 Une sur-mobilisation qui met en péril l’efficacité de l’intervention d’urgence ? ............................................. 49 3.
QUI NE PERMET PAS UN REELE TRANSITION A LA RECONSTRUCTION ................................................................... 52 3.1 L’impression que le relais ne se fait pas correctement ..................................................................................... 52 3.2 Un gouvernement qui semble absent ou inefficace pour une partie des sinistrés? ........................................... 54 3.3 Les rescapés d’Haiyan enfermés dans une urgence sans fin ? ......................................................................... 55
CONCLUSION ............................................................................................................................................................... 57 BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................................................... 60 ANNEXES ....................................................................................................................................................................... 68
6
Introduction C'est dans un contexte de changement climatique mondial, où les populations parmi les plus pauvres sont les premières exposées aux catastrophes naturelles, que les organisations de l'aide humanitaire internationales doivent intervenir. L’Asie est régulièrement frappée par des catastrophes naturelles comme des séismes, des cyclones, des typhons ou encore des tsunamis. Notons que ces phénomènes connaissent dans cette zone une fréquence et une intensité accélérée ces dix dernières années. Nous tenterons, à travers ce mémoire, d'étudier les facteurs de crise et de la situation vécue par les Philippines lors du passage du typhon Haiyan, le 8 novembre 2013. Le typhon a touché plusieurs pays en se formant à l'ouest des Iles Marshall pour finir au sud de la Chine (voir annexe 1). Il frappe les Philippines au centre de l'archipel, traversant le territoire d'est en ouest, affectant tout particulièrement les îles de Samar, Leyte, Cebu et Panay (voir annexe 2). La puissance du typhon fut spectaculaire puisque les vents ont atteint une vitesse allant jusqu'à 250 km/h 1. Le bilan officiel présenté par le gouvernement philippin en novembre 2013 s'élève à plus de 6 000 morts et 2 000 disparus2. C'est la première fois que le pays connaît une catastrophe aussi destructrice et meurtrière. Ce qui a rendu le typhon encore plus dévastateur c'est qu'il a fait suite à une série de catastrophes naturelles récemment vécue par l'archipel. Selon RFI : « Il fut le deuxième typhon de catégorie 5 subit par les Philippines cette même année, les provinces de Bohol et Cebu ont également été frappées un mois plus tôt, par un séisme d'une magnitude de 7.2 où près de 270 000 personnes étaient installées sous tentes lors du passage d'Haiyan”3. Cependant, les facteurs climatiques ne sont pas les seules explications à la situation actuelle. Le pays est marqué par des situations politiques et économiques instables au cours de son histoire, qui ont établi des bases peu solides et une identité culturelle philippine complexe pour un pays qui est pourtant aujourd’hui en pleine croissance démographique et économique. La réponse à l’urgence, suite au typhon, a été rapide puisque immédiatement le gouvernement philippin a envoyé 15 000 soldats dans les zones les plus touchées4. Il accepte ensuite l'aide des Nations Unies. La machine de réponse à l’urgence internationale est alors 1
Besson, « Les Philippines attendent le typhon Haiyan ».
2
AFP, « Typhon Haiyan aux Philippines ».
3
Llobet, « Typhon Haiyan aux Philippines: l’aide d’urgence internationale s’organise ».
4
AFP, « Le typhon Haiyan a fait 1 200 morts aux Philippines ».
7
déclenchée et le HCR organise un plan d'intervention. Plusieurs pays proposent leur aide et les grandes ONG internationales lancent des programmes d'intervention et d'appel aux dons. Toutefois, pays et organisations rencontrent des difficultés dans la mise en place de leurs actions dont l’efficacité ne semble pas être optimale. Nous tenterons de mettre en relation les réponses d'urgence avec le contexte philippin et d'identifier les facteurs qui expliquent ce désastre humain. Ainsi dans un premier temps nous tenterons de mesurer le déroulement du typhon, ses anticipations et ses conséquences, et d'identifier l'ensemble des acteurs intervenants sur les zones sinistrées (médias, autorités publiques, ONG internationales, Nations-Unies,...) et leurs actions. Puis dans une deuxième partie nous identifierons les facteurs de crise propres aux Philippines que sont : le contexte historique, géographique, sociologique, politique et économique de l'archipel. Enfin, au regard de ces facteurs structurels, nous proposerons une appréciation et analyse sur la nature des interventions de la communauté internationale face à cette situation de crise. L'urgence impose aux acteurs de l'aide humanitaire la nécessité de définir des priorités d'actions en un temps très court. La première est sans doute de pouvoir accéder aux zones dévastées, de rechercher les personnes disparues et blessées, de permettre aux populations d'avoir un accès à l'eau potable et à la nourriture, aux soins et biens de première nécessité. Par ailleurs, dans un contexte où les populations sinistrées se trouvent en situation de « trappe à pauvreté » où les catastrophes naturelles accentuent leur vulnérabilité et affaiblissent leurs capacités de résilience, il semble indispensable de passer progressivement d'une action de court terme à des stratégies de plus long terme, post-urgence et de développement. La pertinence de ces programmes nécessite le recours à l’ensemble des connaissances disponibles sur le contexte philippin et la mobilisation tout au long des projets des acteurs socio-économique locaux, scientifiques et experts de la région. Au regard de ces éléments et dans un objectif d'amélioration de l'aide si une telle situation venait à se reproduire, il semble important de capitaliser sur les expériences passées des Philippines, de consolider les actions des autorités locales pour faire face aux risques identifiés et d'en informer la communauté internationale pour une meilleure coordination de son action.
8
A. UNE CATASTROPHE NATURELLE QUI A MOBILISE LA PLANETE ENTIERE 1. Déroulé du typhon 1.1 Avant, des signes d’alertes émis par plusieurs voix Cinq jours avant son arrivée sur les Philippines, le « super-typhon » Haiyan, terme utilisé par le U.S. Joint Typhoon Warning Center (JTWC) pour les typhons « dont les vents moyens maximum de surface sur 1 minute atteignent ou dépassent 65 m/s (130 kt, 240 km/h) »5, nait le 2 novembre sous la forme d’une tempête tropicale en Micronésie. C’est l’Agence Météorologique du Japon (AMJ) qui détecte la zone dépressionnaire le 3 novembre, elle émet des alertes cycloniques et le nomme « Haiyan » le 4 novembre6. En moins de 24 heures, Haiyan passera au statut de « sévère tempête tropicale » à celui de « typhon », avec une longueur approximative de 110 km7, pour finalement être enregistré comme « super-typhon » le 6 novembre. Ce même jour, l’Administration des Services Atmosphériques, Géophysiques et Astronomiques des Philippines (ASAGAP) nomme le cyclone « Yolanda » alors qu’il se rapproche de ses côtes. Il a désormais le statut équivalant à un ouragan de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson (voir annexe 4).8 Le 7 novembre, Haiyan atteint son pic d’intensité avec des vents soutenus sur 10 minutes à 235 km/h9, et une pression barométrique de 895 mbar (hPac)10. Six heures plus tard, le JTWC estime les vents soutenus sur une minute comme ayant atteint 315km /h11. Haiyan est alors considéré comme étant « le quatrième cyclone tropical le plus violent jamais enregistré ».12 5
Vidotto, « Le Typhon Haiyan ».
6
7sur7, « Les Philippines se préparent à l’arrivée d’un super-typhon ».
7
Vidotto, « Le Typhon Haiyan ».
8 9
Vidotto, « Le Typhon Haiyan ». « Typhon Haiyan aux Philippines ».
10
Vidotto, « Le Typhon Haiyan ».
11
Ibid.
12
Ibid.
9
Malgré la détection précoce des perturbations météorologiques, la réponse gouvernementale à ces alertes n’arrive que le 7 novembre aux oreilles de la population philippine. Avertie par la voix du président Benigno Aquino III, il lui est communiqué de se prémunir au maximum contre cette tempête géante : « À l'attention de nos responsables locaux, vos résidents sont confrontés à un grave péril. Faisons tout ce que nous pouvons tant que (Haiyan) n'a pas encore frappé le pays ».13 L’état d’urgence est décrété et l’archipel des Philippines « se prépare tant bien que mal à l’arrivée d’un cyclone particulièrement puissant ».14 Le président a averti que certaines zones côtières exposées au front de 600 km du typhon pourraient être submergées par des vagues de six mètres de haut.15 Plus de 125.000 personnes16 dans les zones les plus vulnérables ont été évacuées avant l'arrivée du typhon, selon la défense civile, et des millions d'autres « se sont calfeutrées dans leurs maisons »17. Certains établissements, comme les écoles, sont fermés et les pêcheurs ont reçu l'ordre de sécuriser leurs embarcations.18 Malgré les alertes cataclysmiques et les évacuations de masse, le typhon Haiyan, l'un des plus violents jamais observés, a semé la mort aux Philippines déjouant prévisions et précautions dans un pays pourtant habitué à ce type de catastrophe naturelle. Certaines voix disent qu’il aurait fallu faire plus. Tel est le cas des experts qui ne sont pas tendres avec les autorités philippines comme Mahar Lagmay, directeur d'un programme de cartographie des zones exposées aux tempêtes (Project NOAH), qui considère « que les efforts pédagogiques déployés par les scientifiques et les politiques auprès des populations n'ont pas suffi » 19 et il ajoute que « le message n'est pas totalement passé ». 20 D’autres rappellent qu’un ordre d'évacuation avait pourtant été donné, mais la population ne l'a pas toujours suivi.21 En effet, tous les Philippins ne semblent pas avoir pris au sérieux les messages d'alerte diffusés à la radio et à la télévision avant le passage de Haiyan. Le vice-maire de Tacloban,
13
AFP.« Les Philippines frappées par le colossal typhon Haiyan ».
14
Magdelaine, Christophe. « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines »
15
RFI « Aux Philippines, les régions touchées par le typhon Haiyan presque coupées du monde ».
16
Ibid.
17
Bodeen, Gomez, et Cerojano, « Philippines Prepared for Typhoon Haiyan, but Evacuation Sites Couldn’t Withstand Storm Surges ».
18
AFP « Les Philippines frappées par le colossal typhon Haiyan ».
19
Dehaut, « Typhon Haiyan ».
20
Ibid.
21
Lopez, « VIDEO. Typhon Haiyan ».
10
Jerry Yaokasin, a affirmé que « certaines personnes n'ont pas cru à la menace, en raison du beau temps »22 juste avant la catastrophe. Le président a souligné que le gouvernement seul ne pouvait pas agir, mais qu'il était nécessaire que la population se prenne en main. Cependant, il faut bien reconnaitre qu’avec près de 100 millions d'habitants répartis sur 7 000 îles, la tâche n'est pas aisée.23
1.2 Pendant, les seize heures ou tout a basculé Le 8 novembre 2013, au petit matin, les côtes est de l’archipel ont été violemment frappées par des vents allants jusqu’à 315km/h24 selon l’agence météorologique des Philippines. Au cours de la journée, Haiyan a balayé l’archipel d’est en ouest en affectant plus de 14 millions de personnes sur une population de 97 millions25, notamment les iles de Samar, Leyte, Cebu et Panay (voir annexe 2). Selon Radio France International « C’est dans le centre de l’archipel des Philippines, sur l’ile de Leyte, que les dégâts sont les plus importants et notamment dans la ville portuaire de Tacloban qui compte 200 000 habitants » 26. En effet cette ville se situe sur le passage du typhon au moment où sa puissance était la plus forte (voir annexe 2). Dans cette ville, toutes les maisons ou presque ont été détruites à cause des vents (voir annexe 3). Selon la police philippine « 70 à 80 % des constructions et des structures situées sur la trajectoire du typhon ont été détruites »27 Dans d’autres villages à proximité ce sont des vagues atteignant jusqu’à 7,5 mètres selon Christophe Magdelaine28, et les fortes pluies qui ont tout emportées sur leur passage.
Le 16 janvier à Pastrana, une municipalité dans la province de Leyte, Marites, 23 ans, témoigne :
22
Ibid.
23
Ibid.
24
AFP et Reuters, « La population fuit le supertyphon qui balaie les Philippines ».
25
Magdelaine, « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines ».
26
RFI, « Aux Philippines, les régions touchées par le typhon Haiyan presque coupées du monde ».
27
Magdelaine, « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines ».
28
Ibid.
11
« Comme tout le monde ici, lors du typhon, nous sommes allées nous réfugier dans l’école communale, qui est le centre d’évacuation de Pastrana. Nous étions entassés. Les murs tremblaient. J’avais très peur, les enfants étaient terrorisés. Nous sommes restés là au moins une heure. Quand nous sommes sortis, c’était le chaos. Nous n’avons jamais eu beaucoup d’argent, alors notre maison n’était pas très résistante. Il n’en est rien resté. Tout ce que nous possédions s’est envolé. »29
Source : Peter Caton Photography « The worlds most powerful storm – Typhoon Haiyan – Philippines 2013»30
C’est donc plus de 4,5 millions de personnes qui se retrouvent en état de choc, sans abri, sans eau potable, sans nourriture et sans lumière. Etienne Daly31, logisticien pour Solidarité International raconte qu’à Tacloban, une grande partie d’entre eux ont tenté de se réfugier autour de l’aéroport complétement détruit.
29
SI, « PHILIPPINES : 3 mois après, ils essaient de rebâtir leur vie ».
30
Caton, « The Worlds Most Powerful Storm – Typhoon Haiyan – Philippines 2013 ».
31
Magdelaine, « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines ».
12
1.3 Après, une mobilisation sans précédents de la communauté internationale Dans un premier temps le président des Philippines, confronté à la plus grosse catastrophe naturelle depuis le début de son mandat il y a trois ans, annonce l’état de catastrophe nationale 32. Ceci lui permet d’imposer un contrôle des prix et d’accélérer le déblocage de fonds. Il envoie en premier lieu 15 000 soldats et des biens de première nécessité pour porter secours à la population. Le 9 novembre, le gouvernement accepte l’aide des Nations Unies et des forces militaires de plusieurs pays33. Ils sont nombreux en effet à avoir proposé leur aide comme l’Australie et les Etats-Unis. Tandis que le secrétaire américain à la défense, Chuck Hagel, annonce que les Etats Unis fourniront hélicoptères, avions, navires et équipements destinés à la recherche et au sauvetage, l’Australie et la Nouvelle-Zélande accordent un prêt d’un demi-million de dollars US34, qu’ils allouent à la Croix-Rouge locale. Au même moment le Programme Alimentaire Mondial organise l’acheminement de dizaines de tonnes d’aide alimentaire, et l’UNICEF prépare 60 tonnes de matériels de santé et de survie pour qu’elles arrivent le 12 novembre. Cependant, à cause de la géographie particulière des Philippines, de nombreuses zones sinistrées ont dû attendre plusieurs jours que les biens matériels de l’aide humanitaire d’urgence puissent être acheminés.
Elisabeth Byrs, porte-parole du Programme Alimentaire Mondial témoignait de nombreuses scènes de pillages à partir du 10 novembre :
32
Ibid.
33
Villaluna et Carmel Opulencia-Calub, « Typhoon Haiyan (Yolanda) Consolidated Cluster Briefs, 11 April 2014 Philippines » p 2.
34
Magdelaine, « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines ».
13
« Les gens sont à cran, ils n’ont plus rien à manger, ils marchent en haillons aux bords des routes. Et on peut comprendre qu’ils se jettent sur n’importe quelle source de nourriture, ou légume, ou magasin qu’ils voient, malheureusement »35.
Source : Article du Daily Mail, « We have let people down » par David Williams, le 14 November 201336
L’aide humanitaire a mis du temps à parvenir dans les régions les plus éloignés à cause d’une multitude d’éléments qui ont rendu les opérations de secours plus difficiles. Dans les premières 72 heures les habitants des villes concernées ont dû faire face à la catastrophe seuls. Ensuite c’est au total environ 45 organisations humanitaires37 qui ont acheminé l’aide matérielle. Leur nombre a d’autant plus compliqué la coordination des opérations. Cependant étant donné la nature de cette catastrophe, et la force du typhon il est en quelque sorte possible de dire que les dégâts humains ont été minimisés et que la sur-catastrophe, c’est-à-dire les dégâts matériels mais surtout humains causés par les suites du typhon, ont été évités.
Cependant, trois mois après le typhon, alors que certaines équipes commencent à quitter le pays, les Nations Unies38 déclaraient que des millions de personnes affectées par le typhon avaient encore besoin d’assistance urgente pour reconstruire leurs vies et retrouver les moyens de subsistance.
35
IRIN, « Analyse: Comment acheminer l’aide aux survivants isolés du typhon ».
36
Williams, « Philippines Typhoon Haiyan: UN aid chief admits response has been too slow ».
37
IRIN, « Analyse: Comment acheminer l’aide aux survivants isolés du typhon ».
38
Torres et Reyes, « Urgent aid still needed after Philippines super typhoon ».
14
2. Principales explications et leurs porteurs 2.1 Une catastrophe naturelle et ses mesures Selon un rapport des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA)39 rédigé le 14 janvier 2014 ; 14,1 millions de personnes ont été affectées par le typhon Haiyan dont 4,8 millions étaient sous le seuil de pauvreté. A titre indicatif les Philippines comptent environ 94 millions de personnes, c’est donc près de 15 % de la population nationale qui a été impactée par cette catastrophe de grande ampleur. En effet le typhon a touché 9 régions, 44 provinces et près de 600 municipalités, dont 171 étaient situées à moins de 50 km de part et d’autres du passage du typhon. C’est 4,1 millions de personnes qui ont été déplacées suite à ce typhon entrainant de fortes perturbations dans le pays. Quand une famille est déplacée, les enfants ne peuvent plus aller à l’école, les parents ne peuvent plus travailler. Des familles peuvent aussi être séparées, et elles deviennent souvent dépendantes soit de membres de leurs familles, soit de l’aide humanitaire. En effet 2% d’entre eux vivaient dans 381 centres d’évacuations. Dans les 98% restants, une importante partie profitait de l’hospitalité de membres de leurs familles. Au 14 janvier 2014, 6 190 personnes étaient déclarés décédés et 1 785 étaient toujours introuvables. Ces pertes humaines importantes impliquent que de nombreuses personnes, notamment des enfants, ont perdu tous repères et sont devenus encore plus vulnérables. Cette vulnérabilité accrue entraine des problématiques particulières comme le trafic d’enfants. En effet selon l’Agence France Presse40, le gouvernement philippin a identifié 109 orphelins de Haiyan sur la seule ile de Leyte. Or selon un rapport de 2013 du Département d’Etat Américain sur les trafics d’êtres humains41, les Philippines sont qualifiées de « pays pourvoyeur de trafics d’êtres humains pour la prostitution et le travail forcé » tandis que le tourisme sexuel pédophile y reste un problème grave.
39
OCHA, UNEP « Philippines Haiyan Environmental Situational Overview 14-1-14 ».
40
AFP, « L’exploitation sexuelle d orphelins inquiète ».
41
U.S. Department of State, « Trafficking in Persons Report 2013 ».
15
D’un point de vue plus matériel, 1,1 millions de maisons ont été endommagées dont 548 793 ont été complétement détruites. Sachant qu’aux Philippines, un même foyer abrite rarement moins de 5 personnes, ceci implique qu’un nombre important de personnes s’est retrouvé sans foyer. De manière générale c’est entre 65% et 90% des infrastructures qui ont été très endommagées voir complétement détruites. Par ailleurs, la puissance du typhon a complétement détruit tous systèmes d’électricité, de télécommunications et les réseaux d’approvisionnement en eau compliquant encore plus les opérations de secours. Le retour à une vie normale a également été compliqué par la destruction de la source de revenu de 5,9 millions de travailleurs. C’est notamment le cas dans les communautés rurales, puisque l’agriculture et la pêche représentent la première source de revenu, or les bateaux ont tous été réduits en morceaux par la force des vagues, et les champs de riz ou les cocotiers ont été complétement détruits par la force des vents.
Selon un rapport rédigé par Oxfam
42
les pertes humaines ont été limitées par rapport à la
violence du typhon, grâce aux efforts des autorités philippines, surtout en ce qui concerne les systèmes d’alerte précoce. Le système d’alerte précoce a en effet permis d’identifier la perturbation météorologique et a permis de déclencher des évacuations de masse sauvant ainsi de nombreuses vies. L’exemple de l’ile submersible de Tulang Diyot est flagrant puisque ses 500 maisons ont été rasées tandis que l’ensemble de ses résidents ont survécu. Cette anticipation a permis de réduire un bilan humain qui aurait pu être bien pire étant donnée la force du typhon. De manière générale, le nombre de victimes, bien qu’inimaginable, est inférieur à ce que l’ampleur des destructions matérielles auraient pu annoncer. Tandis que les destructions matérielles soulignent effectivement les lacunes du pays en matière d’infrastructures résistantes, il est important de rappeler que l’ampleur de la catastrophe laisse penser que rien n’aurait pu empêcher d’importants dégâts.
42
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
16
2.2 Relais des autorités publiques, les médias et la communauté internationale qui organisent la récolte de fonds sur la compassion La communication au sujet du typhon Haiyan a été importante et conséquente, en quantité et en durée. Celle-ci a commencé avant que le typhon touche l’archipel. Grace au système d’alerte précoce la planète entière savait qu’une tempête importante allait toucher les Philippines. Les pays et organisations ont ainsi pu commencer à se préparer, et ont pu commencer à préparer des campagnes de publicités pour démarrer la récolte de fonds. En effet la particularité dans ce genre de catastrophe naturelle c’est que beaucoup de fonds sont nécessaires très rapidement. L’expérience des précédents catastrophes a montré que plus les récits étaient choquants, plus les images étaient fortes, plus il y avait de mobilisation pour la récolte de fonds.
Source : Article du Daily Mail, « We have let people down » par David Williams, le 14 November 201343
Cependant il semble difficile de véritablement critiquer un quelconque « misérabilisme » de la part des médias pour la couverture du typhon car, d’après les témoignages locaux, la réalité du terrain était telle qu’il aurait été difficile de l’empirer pour les caméras. Ainsi le cardinal Luis Tagle disait que selon sa propre opinion les médias n’exagéraient pas du tout. Haiyan état bien selon lui l’un des pires typhons jamais vu.
43
Williams, « Philippines Typhoon Haiyan: UN aid chief admits response has been too slow ».
17
Selon Isabelle Muyser Boucher, chef de l’unité d’appuis logistique d’urgence des Nations Unies 44, il y aurait eu 800 millions de dollars d’appel de fonds. Une somme conséquente qui justifie donc une véritable mobilisation des médias. Toutes les méthodes sont bonnes pour attirer les caméras du monde entier et ainsi attirer l’attention du monde entier. C’est par exemple la star internationale du ballon rond, David
Beckham
qui
s’est
rendu
aux
Philippines avec Solidarité Internationale45 et notamment à Tacloban pour venir apporter son soutien aux victimes et aux sinistrés du typhon.
Source : Associated Press, Febuary 13, 2014
De nombreux problèmes sont identifiables lorsque les actions médiatiques soulèvent l’intérêt de la planète entière notamment en termes de gestion de dons. Touchés par les images relayées par les médias, le citoyen lambda va dans la majeure partie des cas se sentir concerné et va vouloir participer à l’aide. N’étant pas forcément bien informé des besoins et selon ses capacités, il va faire un don, souvent généreux, mais pas systématiquement utile. Erland Egliziana46, directeur de Médecin Sans Frontière logistique, rappelait donc lors de la conférence « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » lors de la Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, que les dons en nature n’étaient jamais adaptés aux besoins locaux et ne faisaient que ralentir l’efficacité des intervenants. Etant donnée ces constats, notamment celui de l’efficacité des médias pour attirer l’attention du monde entier lors de catastrophe de cette ampleur ; et celui de la volonté de la communauté internationale de participer à l’effort d’aide ; il serait intéressant d’envisager une action innovante des médias pour orienter les dons d’une façon différente et plus efficace.
44
Muyser Boucher, Conférence: « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » Vendredi 4 avril 2014, Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, Paris Nord Villepinte.
45
McCormack, « David Beckham visits homeless children on second relief trip to the Philippines ».
46
Erland Egliziana, Conférence: « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » Vendredi 4 avril 2014, Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, Paris Nord Villepinte
18
3. Des exemples de catastrophes naturelles récentes aux Philippines
3.1 1991 – Thelma Selon les auteurs du site Philippin Typhoon2000, Alojado & V.Padua47, la tempête tropicale Thelma aussi appelée Uring, a duré cinq jours du 2 au 7 novembre 1991. Elle a entrainé la mort d’un peu moins de 8 000 personnes48. C’était une tempête tropicale relativement faible avec des vents de 95 km par heures qui a traversé Samar, Leyte, Cebu et Negros. Ce sont les fortes précipitations qui auraient fait déborder les rivières, et auraient entrainés d’importantes coulées de boues. Ces coulés de boues auraient approchées de la ville d’Ormoc à Leyte dans la matinée du 5 novembre 1991 selon Dominic Alojado. C’est ensuite que les barrages de la rivière qui traversaient la ville auraient cédés, inondant la ville sous 3 mètres d’eau, tuant des milliers de personnes. La tempête a ensuite continué à avancer, submergeant d’autres villes. En début d’après-midi Thelma touchait le nord de Negros et tard dans la nuit elle entrainait d’importantes coulées de boues dans les montagnes au sud de la ville de San Joaquin dans la province d’Iloilo. En fin de matinée le 6 novembre la tempête a traversé l’ile de Palawan au Nord en traversant Roxas. Puis en quittant l’archipel par le sud de la mer de Chine en début de soirée, la tempête perdait de sa force. Sur l’ensemble de l’archipel les dégâts matériels entrainés par Thelma représenteraient l’équivalent d’environ 1,045 billion de pesos.
47
Alojado et V. Padua, « The 12 worst typhoons of the Philippines ».
48
La source de ce chiffre est non officielle. Selon les documents le chiffre varie de 5,101 morts à 8000. Cependant on dit aussi que Thelma a fait plus de morts qu’Haiyan.
19
Avant Hayan, Thelma etait considérée comme la catastrophe naturelle Philippine la plus meurtrière selon l’IRIN49. Toujours selon le récit de Dominic Alojado, il y avait tellement de corps après le passage de Thelma, qu’il y eu rapidement une pénurie de cercueils. La situation était telle que les autorités ont fait circuler des camions à bennes pour collecter les cadavres et les enterrer dans des fosses communes.
3.2 2012 – Bopha Selon un article de l’IRIN50, c’est le 4 décembre 2012 à 16h45 que Bopha touche les Philippines et entraine des coulées de boues audessus de Bagaga dans le Davao Oriental, situé dans l’est de l’ile de Mindanao, au sud des Philippines. On a enregistré des vents allant jusqu’à 220 km/h, et des pluies allants jusqu’à 15 à 30 mm d’eau par heure dans un diamètre de 700 km. Bopha a traversé le pays et l’a quitté affaibli le 9 décembre 2012. Dès le 7 décembre, le président des Philippines avait déclaré l’état de catastrophe nationale. Selon le « National Disaster Risk Reduction and Management Council » (NDRRMC), Bopha a touché 6,2 millions de personnes et en a tué 1 067. 800 personnes seraient encore introuvables tandis qu’un million de personnes auraient été déplacées. A un niveau plus matériel, 216 000 maisons ont été endommagées, les infrastructures principales et de grandes étendues agricoles ont été décimées.
49
IRIN, « Atténuer les conséquences économiques des catastrophes naturelles ».
50
Ulrike , Wendt, « Typhoon Bopha and people displacements in the Philippines » Institut du développement durable et des relations internationales.
20
Connu localement sous le nom de Pablo. Il était non seulement le 16ème et plus fort typhon qui a touché le pays en 2012, mais il était aussi le plus fort typhon dans le sud qui ait été enregistré dans le Pacific Occidentale au cours de ces 100 dernières années. Ceci est un indice inquiétant des effets que peuvent avoir le changement climatique aux Philippines51.
3.3 2013 - Bohol
Selon le Bohol Earthquake Action Plan52, le 15 octobre 2013, un tremblement de terre classé à 7,2 sur l’échelle de Richter a secoué l’ile touristique de Bohol. Ce sont les municipalités dans le nord-ouest de l’ile qui ont été touchées le plus violemment. Un tremblement de terre de cette force ci n’avait pas été ressenti à Bohol depuis environ 25 ans. Contrairement aux précédentes catastrophes dont nous avons parlé précédemment, le tremblement de terre a proportionnellement créé moins de dégâts humains que matériels. Ainsi selon un rapport de l’UNICEF53, un peu plus de 223 personnes sont mortes et 159 personnes ont été blessées à cause du tremblement de terre de Bohol. D’un point de vue plus matériels et selon l’UNOCHA54 79 217 maisons ont été endommagés ou détruites, nécessitant l’hébergement de 367 580 personnes. De façon plus générale, il est important de savoir qu’1,3 million de personnes ont
été
déplacées
suite
au
tremblement de terre, ce n’est donc pas une catastrophe à minimiser. 33,8 millions de dollars ont d’ailleurs été demandés pour venir en aide aux populations sinistrées.
Les Philippines, habituées des tremblements de terre auraient pu se remettre de cette catastrophe après beaucoup d’efforts et un peu d’aide de la communauté internationale. Cependant,
51
Ulrike Julia Wendt – « Typhoon Bopha and people displacements in the Philippines »
52
OCHA « Bohol Earthquake Action Plan (BEAP) Revision FINAL ».
53
OCHA « Philippines Humanitarian Situation Report, Bohol ».
54
OCHA « Bohol Earthquake Action Plan (BEAP) Revision FINAL ».
21
moins d’un mois après l’évènement de Bohol, Haiyan, un typhon d’une force encore jamais vu dans cette région du monde a complétement ravagé une partie de l’archipel. Un désastre de cette ampleur n’avait pas eu lieu depuis Thelma en 1991 aux Philippines. Même si l’éloignement géographique de Bohol par rapport au chemin du typhon a permis qu’il n’y ait pas trop de dégâts causés par Haiyan sur Bohol, la tempête a eu des conséquences sur les sinistrés du tremblement de terre. En effet de nombreuses équipes qui étaient en train de secourir les sinistrés de Bohol ont été déplacées d’urgence pour secourir les sinistrés d’Haiyan. De même l’attention des médias et de la communauté internationale étaient tellement concentrée sur Haiyan que les dons pour Bohol ont soudainement chutés.
Haiyan a donc été la catastrophe naturelle la plus importante depuis que la technologie permet d’en garder la trace. Son exceptionnelle violence a été anticipée, permettant de légèrement minimiser les dégâts en termes de vies humaines. En effet les Philippines n’avaient pas souffert du décès d’autant de ses habitants depuis Thelma en 1991, qui avait pourtant été d’une moins grande intensité. Les dégâts matériels eux, sont la reproduction fidèle de la puissance de cette tempête. C’est sans doute leur image ; relayé par les médias, qui a provoqué l’importante mobilisation de la communauté internationale. Haiyan n’est certainement pas le premier, ni le dernier typhon qui touchera l’archipel. Cet acharnement de la nature permet aux Philippins d’acquérir une expertise dans cette gestion de crise. Cependant il faut également prendre en compte, lorsqu’une tempête comme Haiyan touche un pays, les facteurs aggravants d’éventuelles catastrophes naturelles comme le tremblement de terre de Bohol seulement quelques mois avant Haiyan. Maintenant que nous avons compris précisément le déroulement du typhon, la manière dont il a été anticipé, ses conséquences et la réaction des médias et de la communauté internationale, nous allons pouvoir étudier quels sont les facteurs qui ont influencé, en aggravant ou pas, les effets directs du typhon sur la situation du pays et plus précisément des zones concernées.
22
B. FACTEURS DE CRISE : LES PHILIPPINES, « CULTURE DU DESASTRE »
1. Facteurs historiques 1.1 Colonisation espagnole Selon le site Philippin, Katig55, les Philippines ont été relativement préservée de l’influence extérieure jusqu’en 1521, date à laquelle Ferdinand Magellan a découvert l’archipel. Magellan était un explorateur Portugais qui travaillait pour l’Espagne. Il était parti en expédition autour du monde pour trouver des épices avec un équipage de 241 hommes et de 5 bateaux. Le 16 mars 1521, c’est un équipage bien réduit qui accosta sur l’ile d’Homonhon au sud-ouest de l’ile de Samar. Il planta une croix dans le sol en signe d’appartenance à l’Espagne. Le 14 avril 1521 plus de 400 philippins ont été convertis au catholicisme. Ce fut le début de la conversion d’une grande partie du peuple philippin au catholicisme Roman. Il est important de comprendre le rôle vital que la religion a joué dans la colonisation des Philippines par les espagnols. Le 27 avril 1521, Ferdinand de Magellan fut tué lors d’une bataille contre les natifs de l’ile de Mactan (aujourd’hui un quartier de la ville de Cebu). Le reste de son équipage quitta alors les Philippines. Source : Ferdinand de Magellan par De Agostini, Getty Images
55
Katig, « History of the Philippines ».
23
Ce n’est qu’en 1543 que Ruy Lopez de Villalobos, chef de la quatrième expédition espagnole, atteint l’archipel et le baptisa « Les Iles Philippines » en honneur aux roi Philippe d’Espagne. La véritable colonisation ne commença qu’en 1665 lorsque le roi Philippe II nomma Miguel Lopez de Legazpi premier gouverneur général. Il établit alors son siège colonial à Manille, aujourd’hui encore la capitale des Philippines, pour sa beauté, l’emplacement stratégique de son port, et sa proximité avec des terres agricoles riches. La colonisation espagnole dura trois siècles. C’est la période ou les Philippines ont été le plus longtemps sous colonisation étrangère. Les relations entre l’Espagne et les Etats Unis furent sans doute brouillées par l’attaque mystérieuse qui coula un bateau américain et ses 260 soldats dans un port de la Havane à Cuba le 15 février 1898. C’est en effet quelques mois plus tard que les Etats Unis déclaraient la guerre à l’Espagne. L’ordre fut donné d’attaquer la flotte Espagnole aux Philippines. Les Etats Unis battirent l’Espagne lors de la bataille de la baie de Manille le 1er Mai 1898. Le traité de Paris, signé le 10 décembre 1898 entre les Etats Unis et l’Espagne formalise le fait que les colonies espagnoles soient cédées aux Etats Unis, notamment les Philippines. C’est en payant 20 millions de dollars que les Etats Unis obtiennent le droit de coloniser les Philippines.
1.2 Impérialisme américain En 1901, William Howard Taft, ici en photo, est devenu le premier Gouverneur civil américain. C’est cette même année que la Commission Philippine fit passer l’Acte 74 concernant le système d’éducation publique. Cet acte prévoit d’utiliser l’anglais comme moyen d’éducation, mais prévoit aussi l’éducation en école primaire gratuite pour tous et la création de vraies formations pour les enseignants. En 1933, confronté à de nombreuses insurrections, les Etats Unis proposèrent l’Acte d’Indépendance des Philippines. Tout le monde n’était pas en parfait accord en ce qui concerne cet acte parce qu’il prévoyait que les américains garderaient un certain control sur les bases militaires du pays. Cet acte fut dont refusé par la législature philippine, mais l’année suivante un autre acte fut proposé et accepté. Cet acte prévoyait l’auto gouvernance des Philippines, et éventuellement son indépendance après une période transitionnelle de dix ans. Pendant ces dix ans, les Etats Unis ont eu le droit de maintenir 24
leurs forces militaires dans le pays, et le président des Etats Unis se gardaient le droit d’appeler au service miliaire toute force armée Philippine. Selon Bill Van Auken56 « les forces américaines ne furent en mesure de prendre Manille que parce que la ville était encerclée sur les terres par ces combattants indépendantistes ». Il estime que c’est en se faisant passer pour le libérateur des Philippines que les Etats Unis ont réussi à prendre le dessus sans que les Philippins décident de se défendre. On peut ainsi, voir comme une trahison, le traité signé avec l’Espagne pour « acheter » les Philippines. En effet l’imposition de l’impérialisme américain fut sans doute plus brutal que la plupart des sources nous laissent penser. Toujours selon Bill Van Auken il y eu « pendant plus d’une décennie, l’imposition d’un régime colonial américain et des opérations anti-insurrectionnelles sanglantes qui coutèrent la vie à au moins plusieurs centaines de milliers de Philippins ». Ce régime se poursuivit jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, après quoi le gouvernement américain appuya un certain nombre de gouvernements semi-coloniaux, notamment celui de la loi martiale de Ferdinand Marcos.
On peut dire que les américains ne quittèrent jamais réellement les Philippines, puisque jusqu’en 1991 les Etats Unis gardèrent le contrôle de la base navale de Subic Bay et la base aérienne de Clark Field qui jouèrent, toujours selon Bill Van Auken, un rôle crucial dans la guerre de Corée et du Vietnam. Voilà donc pourquoi les critiques sur l’implication américaine lors du typhon Haiyan ont été si virulentes. Celle-ci n’était effectivement pas gratuite puisque selon Rosemarie Francisco et Matt Spetalnick57 les Etats Unis et les Philippines ont signé le 28 avril 2014 un pacte de sécurité de 10 ans qui autorise une plus importante présence des forces armées américaines. Cette présence a un intérêt principal propre aux Etats Unis, qui est d’accroitre ses capacités de défense par rapport à ses disputes territoriales avec la Chine.
56
Van Auken, « L’armée américaine et les Philippines ».
57
Francisco et Spetalnick, « Philippines, U.S. to sign new military pact, part of U.S. pivot | Reuters ».
25
1.3 La deuxième guerre mondiale et la nouvelle société En Europe, la deuxième guerre mondiale commença le 1er septembre 1939 lorsque l’Allemagne envahit la Pologne. Sentant l’impérialisme Japonais grandir dans la zone de l’Asie du Pacifique et la certitude d’une guerre entre le Japon et les Etats Unis devenant peu à peu une évidence, le General Douglas Mac Arthur prit le commandement de 16 000 soldats Américains et de 12 000 Philippins selon le site Philippin Katig58. Le 8 décembre 1941 une base américaine à Pampanga fut bombardée ainsi que plusieurs installations militaires à Manille, Baguio et Davao, seulement quelques heures après l’attaque de Pearl Harbor. Ce fut le début de l’occupation Japonaise. Les Etats Unis qui manquaient de forces armées adéquates durent se retirer jusqu’à l’ile de Java en Indonésie. Les forces armées progressèrent rapidement sur l’ile de Luzon ou se trouve Manille. Pour protéger la « Pearl de l’Asie » le général Mac Arthur déclara que Manille était une ville ouverte. Ce fut le début de l’occupation japonaise. Source : Poster from Oldies.com 59
Selon le site history.com , le 20 octobre 1944 plus de 100 000 soldats américains ont débarqué sur l’ile de Leyte pour préparer une invasion massive conduite par le Général Douglas Mac Arthur. La bataille de l’ile de Leyte fut parmi les plus sanguinaires de la guerre du pacifique et signala le début de la fin pour les Japonais. La bataille dura 67 jours, et son extraordinaire violence peut sans doute être attribuée à l’exceptionnel acharnement des soldats de chaque côté qui préféraient mourir que de se rendre. Les Etats Unis perdirent 3 500 hommes tandis que du côté des Japonais les pertes s’élevaient à 80 000 hommes. C’est sans doute la perte de leur plus grand et meilleur bateau de guerre qui signala la fin virtuelle de la flotte impériale Japonaise. La victoire Américaine navale tant que terrestre ouvra ensuite les portes à l’invasion par le Général Mac Arthur et la reconquête des Philippines.
58
Katig, « History of the Philippines ».
59
history.com, « U.S. forces land at Leyte Island in the Philippines ».
26
Selon Franck Michel60 c’est après des élections présidentielles gagnées par Manuel Roxas en avril 1946 que survient, le 4 juillet 1946, l’indépendance des Philippines. Cette indépendance est partielle puisque dans un contexte de guerre froide, les Philippines se rangent derrière l’Occident et spécialement derrière les Etats Unis. Tandis que l’Asie toute entière est de plus en plus impliquée dans la guerre froide qui devient de plus en plus chaude, c’est Ferdinand Marcos qui est élu le 9 novembre 1965 à la présidence du pays. Imitant son voisin indonésien, le dictateur Suharto, il instaura la « Nouvelle Société », qui devint de plus en plus dure. Le 23 septembre 1972 est promulguée la loi martiale, instaurant dans le pays un état judiciaire d’exception au sein duquel l’armée prend la place de la police. Il faudra attendre le mois de février 1986 pour que Marcos soit remplacé par Corazon Aquino et, un an plus tard, l’adoption par référendum d’une nouvelle constitution plus démocratique.
2. Facteurs géographiques 2.1 Un archipel montagneux Les Philippines, constituées de 7 000 iles dispersées sur 300 000 km2 et 36 000 kilomètres de côtes61 (voir annexe 5) est « l’un des pays les plus exposés de la planète aux catastrophes naturelles et au réchauffement climatique ». Sa géographie particulière rend ses iles plus vulnérables aux catastrophes naturelles et rends les actions de secours plus difficiles à mener à bien. Dans le cas d’Haiyan, le typhon aurait selon l’IRIN62 « touché terre à six reprises, frappant de plein fouet les iles centrales et semant la dévastation sur son passage dans neuf des 17 régions que compte le pays ». Par ailleurs et selon Pierre Honnorat63 qui dirige le groupe de responsabilité 60
Michel, « Une brève histoire des Philippines ».
61
Beaugé, « Philippines : le fardeau des catastrophes naturelles ».
62
IRIN, « Analyse: Comment acheminer l’aide aux survivants isolés du typhon ».
63
Williams, « Philippines Typhoon Haiyan: UN aid chief admits response has been too slow ».
27
sectorielle en charge de la logistique, « l’ampleur de la catastrophe était le principal défi, aggravé par la dispersion des zones touchées à travers différentes régions et différents [types de] terrain ». C’est en effet la difficulté et la spécificité d’un archipel d’avoir plusieurs points d’entrée du typhon sur terre. Au niveau de ces points d’entrées, la force du typhon y est plus importante que si le typhon ne faisait que traverser un territoire. En effet en mer il prend de la force, tandis qu’il en perd sur terre. Plus encore, la particularité d’un archipel fait qu’il est difficile de relier les différentes iles entre elles. Surtout si l’on considère un contexte ou une tempête fait rage. Un autre facteur géographique aggravant est le phénomène de déforestation aux Philippines. En effet il est important de savoir que les dégradations environnementales augmentent les risques de désastres. Ainsi les arbres offrent une protection importante en cas de tempête. C’est souvent la mauvaise utilisation des terres ainsi que la croissance démographique qui contribuent à la déforestation massive de grandes régions Les conséquence immédiates sont les glissements de terrain « landslide » et les inondations qui ont augmentées. De manière générale les endroits qui ont le plus perdu en termes de forêts sont les plus vulnérables aux effets du typhon. Par ailleurs l’aspect montagneux de ces iles ne facilite pas la tâche des humanitaires. L’accès à ces zones montagneuses est souvent bloqué par des débris et des glissements de terrain. Ainsi un mois après le passage du typhon, certaines régions reculées étaient encore coupées de l’aide selon l’IRIN.
Les organisations ont donc dû une fois de plus s’adapter et trouver des solutions pour acheminer les différents matériels. Le Comité international de la Croix Rouge a ainsi « affrété des péniches pour transporter ses véhicules de service et ses camions chargés de stocks humanitaires et d’unités de Source : Article du Daily Mail, « We have let people down » par David Williams, le 14 November 201364
traitement de l’eau sur quelques 300 miles nautiques, de Manille à Tacloban »65. Pour atteindre des régions reculées, Pierre Honorat rappelle que des parachutes ont dû être utilisés pour livrer l’aide humanitaire.
65
IRIN, « Analyse: Comment acheminer l’aide aux survivants isolés du typhon ».
28
2.2 Sans cesse frappé par la nature S’il est vrai que la puissance dévastatrice de Haiyan était exceptionnelle, les catastrophes aux Philippines ne le sont pas, ce qui crée un « cercle vicieux de la pauvreté et des catastrophes » selon le rapport Oxfam66. Ainsi les effets de ces catastrophes sur les plus pauvres sont tout à fait disproportionnés comme le démontre les études menées suite à la tempête tropicale Ondoy et au typhon Pepeng qui ont frappés les Philippines en 200967.
Selon le « World Risk report 2012 »
68
les Philippines sont classés troisièmes parmi 173
pays, ce qui veut dire qu’il est le troisième pays le plus exposé et le plus vulnérable aux désastres. Entre 1990 et 2009, il y a eu 237 catastrophes naturelles aux Philippines, ce qui représente presque le tiers du nombre total de catastrophes naturelles qui ont eu lieu dans l’Asie du sud-est durant cette même période. Les typhons sont les catastrophes naturelles les plus courantes. Entre juin et décembre, chaque année une moyenne de 20 typhons par an touche le pays, souvent accompagnés par de très fortes chutes de pluie entrainant la mort de centaines de personnes et mettant en péril l’économie du pays. Greg Bankoff69 parle, dans ce contexte, de la très grande résilience des Philippins et de leur capacité à se remettre très rapidement de grands désastres. Il parle concrètement de la « culture du désastre » qui est une identité commune à tous les Philippins. Cependant pour Haiyan, cette grande habitude que les Philippins ont des typhons n’a pas joué en leur faveur. Effectivement lorsque les autorités ont annoncé l’arrivée de la super tempête et a encouragé les populations à se réfugier sur les hauteurs, ils ont été nombreux à ne pas prendre l’alerte au sérieux. C’est le cas d’Antonio Claridad, un habitant de Tacloban qui a perdu sa cousine dans la catastrophe. Il dit « nous avons entendu les messages d’alerte, mais nous avons l’habitude des typhons. Nous ne nous attendions pas à quelque chose comme Yolanda »70
66
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
67
IPC, « The Social Impacts of Tropical Storm Ondoy and Typhoon Pepeng ».
68
Ulrike Julia Wendt – « Typhoon Bopha and people displacements in the Philippines » - Institut du développement durable et des relations internationales
69 70
Bankoff, Gregory« Living with risk; coping with disasters. » IRIN, « Plus grandes, plus graves – le défi des catastrophes urbaines ».
29
Plus encore l’acharnement des catastrophes naturelles sur l’archipel l’affaiblit au fur et à mesure des années. En effet il est souvent difficile de reconstruire des logements en dur avant la prochaine saison des pluies notamment dans le cas de tempêtes de l’envergure de Haiyan. La question se pose de manière très pratique pour les victimes d’Haiyan qui voient la saison des pluies arriver très rapidement. Comment ces populations déjà extrêmement vulnérables pourraient-elles supporter ne serait-ce qu’un minuscule typhon ? C’est selon Isabelle Muyser Boucher, chef de l’unité d’appuis logistiques d’urgence des Nations Unies
71
l’un de leur principal défi pour cette
période.
2.3 Dont le territoire est inégalement et insuffisamment aménagé Selon un classement réalisé par HSBC72 sur 11 pays asiatiques, les Philippines est classé dernier
en
terme
de
qualité
d’infrastructures, derrière le Vietnam et l’Inde. En effet, à la sortie de la deuxième guerre mondiale, les Philippines fait partie des pays les plus développés de l’Asie. Cependant un retard économique est rapidement accumulé rendant les infrastructures obsolètes, tandis que la très forte croissance démographique au sein du pays les rend insuffisantes. Il
Source : Metro Manilla par Matzky le 18 Mars 2012
suffit d’essayer de se déplacer dans Manille, qui est pourtant la capitale, en pleine journée, et de passer quatre heures dans les embouteillages pour comprendre que le manque d’infrastructures ralentis considérablement le pays. Il y a tout de même eu quelques investissements privés en termes d’électricité, de systèmes de télécommunications qui seraient cependant insuffisants par rapport au retard pris et par rapport à la croissance démographique.
71
Muyser Boucher, Conférence: « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » Vendredi 4 avril 2014, Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, Paris Nord Villepinte
72
The Wall Street Journal « Philippines must spend more on infrastructure »
30
Si ce manque d’infrastructure est un problème pour la vie de tous les jours, ces problèmes sont démultipliés lors de catastrophes naturelles comme Haiyan. En effet, dans ces cas-là, les infrastructures de base comme les routes ou encore les aéroports sont cruciales pour apporter, dès les premiers instants, l’aide matérielle nécessaire en larges quantités. Or, à Tacloban par exemple l’aéroport complétement détruit ne permettait pas d’accueillir les avions qui arrivaient chargés de l’aide vitale pour les premiers instants qui suivent une catastrophe. Plus encore, les accès par la terre étaient impossibles puisque les routes bétonnées vers Tacloban ont-elles aussi été détruites. Ceci a donc posé un problème pour les interventions
d’urgences,
mais
pas
seulement. Trois mois après le typhon, l’aide arrivait encore au compte-goutte dans les zones sinistrés reculées, notamment parce que les infrastructures sont couteuses à reconstruire
et
que
le
souhait
du
gouvernement est de reconstruire de façon durable. Source : Aéroport de Tacloban par « Le Soir »
Sachant que lors de catastrophes naturelles la communication est une forme d’aide, puisque selon l’UNOCHA73 la bonne information au bon moment peut sauver des vies et diminuer les risques de pauvreté, le manque d’infrastructures de communication peut aussi être remarqué. L’étendue du désastre causé par Yolanda n’a pas uniquement coupé les communautés d’informations vitales, pendant les quelques jours qui ont suivi le typhon, mais à également empêché l’accès d’informations pendant les mois qui ont suivi à cause d’infrastructures en état de marche insuffisante. Il parait évident que si les infrastructures existantes avant le typhon avaient été assez nombreuses il aurait été plus facile de les remettre en état de marche. Ceci souligne alors un manque, existant avant le typhon, d’infrastructures de communication, qui a compliqué les opérations de secours, surtout pour les zones inaccessibles.
73
UNOCHA, « Typhoon Haiyan (Yolanda) Consolidated Cluster Briefs, 11 April 2014 - Philippines » p3.
31
Par ailleurs, malgré la fréquence des catastrophes naturelles aux Philippines, il y a également une insuffisance des infrastructures prévues spécifiquement pour les catastrophes naturelles comme les centres d’évacuations. Ceci entraine des problèmes qui peuvent aller jusqu’au désastre sanitaire. Ainsi seulement deux semaines après la catastrophe, et selon une étude réalisée par Oxfam74 vingt-deux centres d’évacuation
surpeuplés
ont
signalé une « gestion des déchets et un drainage défectueux ». D’après cette même étude menée dans la province de Leyte, les eaux contaminées des systèmes d’approvisionnement endommagés
et
des
réseaux
d’assainissement insuffisants ont entrainé un pic de diarrhées aigües.
Source : Le « Astrodome evacuation centre » par Kim Paul Nguyen
Finalement, remarquons que le manque d’infrastructures complique aussi les actions de secours une fois sur place. Le manque d’approvisionnement en électricité correspond à la même problématique que les infrastructures de communication. Leur manque avant la catastrophe n’a fait qu’allonger le temps pour rétablir les réseaux. Notons que le manque d’électricité est un véritable fardeau pour les opérations de secours, ne serait-ce que pour les médicaments qui doivent suivre la chaîne du froid et qui ne supporte donc pas les pannes de courant.
74
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
32
3 Facteurs sociologiques 3.1 Une forte diversité culturelle On pense de façon générale que les premiers habitants des Philippines sont arrivés par un pont terrestre qui reliait les Philippines avec la Malaisie et la Chine. Selon Sally E. Baringer75 il y aurait donc 95% des Philippins qui auraient des origines malaises. Cependant, encore plus que les origines différentes, ce sont les iles qui ont séparés les différentes tribus Philippines favorisant l’apparition de plus d’une centaine de dialectes et langues indigènes différentes, dont 10 ont réellement de l’importance régionalement selon le site internet Kwintessential76. Selon E.Baringer, seuls trois dialectes sont d’importance nationale, le Cebuano dans le sud, l’Ilocano dans le nord, et le Tagalog dans la région de la capitale. Même si le gouvernement a tenté d’imposé le Tagalog comme langue nationale, les autres iles ont refusé pour la plupart. Ainsi seulement 50% de la population parlerait le Tagalog. La solution choisie a été d’utiliser l’anglais comme langue administrative et enseignée à l’école. Ainsi les Philippines sont le troisième pays avec le plus d’anglophones après les Etats Unis et l’Angleterre selon E.Baringer77. Nous pouvons dire sans trop de risque que l’usage de l’anglais est une véritable force pour les Philippines. Tout comme l’Inde cela lui a permis d’exporter des services au monde entier. Plus encore en temps de crise, comme par exemple pour Haiyan, lorsqu’un grand nombre d’étrangers sont amenés à intervenir, le bon usage de la langue internationale facilite considérablement la communication. Si l’anglais facilite la communication avec les étrangers, la multitude de langues nationales n’aide pas à créer un vrai sentiment d’unité nationale. Ainsi deux Philippins de provinces différentes qui ne sont pas allés à l’école et donc ne parlent pas anglais, ne se comprendront pas forcément.
Il y a également une forte diversité religieuse au sein des Philippines, qui correspond souvent à la localisation géographique et aux influences coloniales. De façon générale, les Philippines est le seul pays chrétien d’Asie avec 85% de catholique, selon E.Baringer. Cette forte
75
E.Baringer, « Culture of The Philippines - history, people, clothing, traditions, women, beliefs, food, customs, family ».
76 77
Kwintessential, « Philippines - Language, Culture, Customs and Etiquette ». E.Baringer, « Culture of The Philippines - history, people, clothing, traditions, women, beliefs, food, customs, family ».
33
influence religieuse vient de la colonisation espagnole. Au sud des Philippines, les Musulmans Sunnites constituent le plus gros groupe religieux non chrétien, et sont majoritaires dans plusieurs villes du sud. De forts désaccords entre le gouvernement et les musulmans ont entrainé un véritable clivage des religions. Par ailleurs il faut aussi noter que la présence d’influences chinoises est forte aux Philippines, datant de migrations ancestrales ou actuelles. Ainsi le taoïsme et le bouddhisme sont des religions présentes aux Philippines et qui participent à la mixité religieuse.
Ces différences culturelles, linguistiques et religieuses qui expliqueraient un manque d’identité Philippines sont à tempérer par les efforts de plus en plus marqués du gouvernement à créer cette identité nationale, notamment grâce à des héros nationaux. La promotion du tourisme engendre également des efforts pour créer cette identité. On pense notamment à la campagne « It’s more fun in the Philipppines »78. Par ailleurs, il est aussi important de souligner que la « culture du désastre » dont nous faisions référence ci-dessus, et qui correspond à un ouvrage de Gregory Bankoff79, correspond à un véritable facteur d’unité. Cette « culture du désastre » commune qui est selon l’anthropologue F. Landa Jocano80 définit par l’expression tagalog « bayanihan » est bien plus que la simple unité mais qui définit une même identité lié à la possibilité constante de l’occurrence d’un désastre. Ainsi nous pouvons nous demander si lors de catastrophes naturelles les Philippins sont solidaires car ils se sentent tous détenir cette même identité ? Ou encore, si ce sont précisément ces catastrophes qui permettent aux Philippins de se rassembler ?
3.2 Une culture de la « famille » importante Aux Philippines, la structure familiale est le centre de la structure sociale. Selon le site Kwintessential.com81, elle comprend la famille au sens large c’est-à-dire le noyau mais aussi les oncles, tantes, grands-parents, cousins et des relations honorifiques comme les parrains, les sponsors ou des amis proches de la famille. Les devoirs envers sa propre famille sont nombreux et contraignants. Si un des membres de la famille travaille à l’étranger, il a une obligation de pourvoir
78
Diola, « DOT’s “It”s More Fun’ is most effective campaign ».
79
Bankoff, Gregory « Living with risk; coping with disasters. »
80
Ibid.
81
Kwintessential, « Philippines - Language, Culture, Customs and Etiquette ».
34
aux besoins de sa famille restée au pays. De la même façon, si cette personne à des enfants, il est commun que ces enfants restent aux Philippines et soient élevés par des membres de la famille.
Lors de grandes catastrophes naturelles, cette dimension est importante à considérer. Ainsi pour Haiyan et selon le rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies82, sur 4,2 millions de déplacés, seulement 2% vivent dans des centre d’évacuation, la plupart de 98% restants vivraient chez des membres de leur famille. Ceci comprend des effets positifs et négatifs. En effet, si dans les premiers temps de la crise, ce facteur familial permet de minimiser les dégâts puisque une famille sinistrée peut être aidée par d’autres membres de sa famille, sur le long terme cette dimension peut être pesante et peut entrainer un appauvrissement général de la population. En effet ces personnes prises en charges dans les premiers temps de la crise ne vont pas être identifiés par la communauté internationale comme ayant besoin d’aide. Or un foyer devant supporter le poids d’autres membres ne pourra, pas forcément continuer à subvenir à ses propres besoin sur le long terme. L’obligation dictée par la doctrine de la solidarité et de l’entraide ne va effectivement pas permettre aux membres d’une famille de faire un choix rationnel quant au fait de venir en aide à d’autres membres de leurs familles. Ils vont donc, souvent, mettre en péril leur propre survie, pour aider les membres de leur famille qui ont tout perdu. Ce propos est à nuancer si l’on considère également l’importante diaspora Philippine à l’étranger qui peut aider le pays sans pour autant l’appauvrir (voir annexe 7). S’ajoute alors la problématique des déplacements internes de population (voir annexe 8). Une importante partie des sinistrés d’Haiyan ont ainsi fui les villes ou les villages ravagés par le typhon pour aller trouver refuge chez un membre de leur famille habitant une ville ou les effets du typhon ont été moins importants. Les villes de Cebu et même de Manille ont ainsi vu leurs bidonvilles se remplir de familles cherchant refuge, sans forcément rentrer dans les chiffres des réfugiés du typhon et n’ont donc pas été pris en charge par l’aide humanitaire. A la place, ils se sont rapprochés de membres de leurs familles et n’ont faits qu’agrandir les espaces de logement non officiels. Le retour de ces populations à leur lieu d’origine est souvent souhaité par eux-mêmes et s’explique par un attachement fort aux racines familiales. Cependant il n’est pas toujours possible car il correspond à un moment de l’après crise qui concorde avec la fin de la période d’urgence et le départ des équipes d’aide internationale. Ce moment correspond également à une baisse des dons de manière générale, et la situation est difficilement débloquée si ces problématiques n’ont pas été 82
OCHA « Typhoon Haiyan (Yolanda) Philippines - Environmental situational overview »
35
intégrés aux budgets d’appels de fonds. Ainsi de nombreux sinistrés se retrouvent loin de leurs lieux d’origine, sur des espaces illégaux et n’ont pas les moyens financiers de retourner chez eux.
3.3 Une forte croissance démographique 83
Selon un rapport de l’association Oxfam , le taux de croissance démographique annuel des
Philippines, est de 1,9 %, soit l'un des plus élevés d'Asie (voir annexe 9). 49 % de la population vit en ville, et ce chiffre devrait passer à 65 % d'ici 2030. La population de Tacloban a presque triplé pour passer de 76 000 à 221 000 habitants en une quarantaine d'années. Cette forte concentration entraine comme nous l’avons vu ci-dessus des problèmes d’infrastructures publiques, mais aussi privés. Ainsi les bidonvilles sont souvent le résultat d’un manque de place officiel dans les villes. C’est pour cette raison que les habitations, à cause de la croissance démographique élevée sont de plus en plus précaires et résistent donc moins bien aux intempéries. Par ailleurs cette croissance démographique pose également des problèmes pour les infrastructures adaptées à ces temps de crises. En effet, le fait que la population s’accroit rapidement n’aide en rien si l’on considère le manque de place dans les centres de relogement temporaires. Ceux-ci, construits suite à une catastrophe, sont souvent adaptés au minimum à la population locale déjà existante. La croissance de la population est rarement anticipée et entraine des problématiques de place à chaque nouvelle catastrophe.
De la même façon, le problème se pose sur les littoraux. En effet, un des résultats de la croissance démographique est que les populations sont poussées à s’installer à des endroits non conseillés, qui peuvent être dangereux, comme les littoraux par exemple. Ces populations-là, déjà vulnérables puisque parmi les plus pauvres, sont les premières victimes des catastrophes naturelles. Plus encore, la question de leur relogement est difficile. En effet le phénomène qualifié de « spontaneous settlements » correspond à l’installation d’une famille sans droits de propriétés sur un terrain. Ou reloger une personne qui était avant la catastrophe dans une situation illégale ? Cette question est complexe, d’autant plus qu’elle se pose surtout dans les campagnes puisqu’en milieu rural, selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies84, plus d’un tiers de la population n’a pas de titre de propriété. 83
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
84
OCHA « Typhoon Haiyan (Yolanda) Philippines - Environmental situational overview »
36
4 Facteurs politiques et économiques Selon Thomas Lum et Rhoda Margresson85 les Philippines a été l’un des pays les plus riches de l’Asie du Sud Est, mais est aujourd’hui et depuis les années 70 considéré comme un fardeau en termes économiques, en grande partie à cause de la corruption et d’une mauvaise gouvernance.
4.1 Politique Selon E. Baringer86 les Philippines a un gouvernement de forme républicaine développé pendant la période du Commonwealth. Il contient trois branches, exécutives, législatives et judiciaires. La première constitution sur le modèle de la constitution des Etats Unis d’Amérique fut écrite en 1935 et remplacé en 1972 par la loi martiale du président Marcos. Une nouvelle constitution fut ensuite approuvée par référendum en 1987. Elle ne rajoutait que des limitations dans les mandats par rapport à celle d’avant Marcos. Plus précisément, les 70 provinces qui constituent les Philippines ont un gouverneur mais pas de corps législatif. Chaque province est divisée en municipalités. Le niveau le plus local du gouvernement est le « barangay » qui correspond à un quartier. Le barangay a un chef élu qui distribue les fonds du gouvernement au niveau local. En temps de crise ; c’est le conseil national de gestion des risques et catastrophes (CNGRC) qui prend en charge le commandement des opérations de secours du niveau national jusqu’aux villages. Ce conseil est composé de représentants des ministères, des forces armées, des services d’urgence et de la société civile. Au niveau des ministères, c’est quatre ministres qui sont en charge des différents aspects du cycle de gestion des catastrophes ; préparation, réponse, prévention et atténuation et pour finir réhabilitation et relèvement. Selon un rapport rédigé par l’association Oxfam87, juste après Haiyan, plusieurs ministres ont été dépêchés pour superviser l’aide. Un groupe de travail a commencé la rédaction d’un plan d’action pour l’aide d’urgence, la réhabilitation et la reconstruction. Cependant, avant la 85 86
Lum et Margesson, « Typhoon Haiyan (Yolanda): U.S. and International Response to Philippines Disaster ». E.Baringer, « Culture of The Philippines - history, people, clothing, traditions, women, beliefs, food, customs, family ».
87
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
37
nomination le 2 décembre de l’ex sénateur Panfilo Lacson à la supervision des opérations de réhabilitation et de reconstruction, aucun leader n’avait véritablement pris les opérations en main.
4.2 Une économie centralisée Les Philippines comme beaucoup de pays en développement est un pays plein d’inégalités. Ces inégalités sont visibles géographiquement, notamment entre les quelques grandes villes et le reste du pays. On peut aussi observer une différence significative entre le monde rurale et le monde urbain aux Philippines. Dans les grandes villes comme Tacloban, ravagées par le typhon, l’économie va prendre beaucoup de temps à se relancer puisque l’essentiel des infrastructures a été détruit. Selon E. Baringer88, 60% des 30 millions de personnes travaillant aux Philippines sont dans l’industrie légère, la construction, les mines et l’industrie des services. Les 40% restantes vivent de l’agriculture, de la pêche et de l’exploitation des forets. Le taux de chômage est supérieur à 9%, et concerne même les personnes détenant des diplômes. En conséquence, et selon le « National Statistical Coordination Board »89, plus d’un quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté au premier semestre 2012. Selon E.Baringer, 800 000 Philippins travaillent à l’étranger, et envoient régulièrement de l’argent à leur famille restée aux Philippines. Au total 7 milliards de dollars sont envoyés de l’étranger vers l’archipel chaque année, constituant ainsi 4% du PIB.
La région touchée par le typhon, celle des Visayas Orientales notamment, comptait déjà selon le rapport d’Oxfam parmi les régions les plus pauvres des Philippines. En effet à Tacloban, selon le « National Statistical Coordination Board »90 environ deux millions de personnes gagnaient moins de 2 dollars par jour. C’est dans les villes que l’on retrouve les plus grands extrêmes en termes de pauvreté. Margareta Wahlstrom, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques et des catastrophes, annonce pour Haiyan des pertes de l’ordre de 12,5
88
E.Baringer, « Culture of The Philippines - history, people, clothing, traditions, women, beliefs, food, customs, family ».
89
Philippine Statistics Authority, « Philippine National Statistical Coordination Board (NSCB) ».
90
NSCB « Regional Stat Watch Eastern Visayas ».
38
milliards de dollars91 ce qui correspond à 5% du PIB pour 2012. Dans un contexte de crise économique mondiale, et ou les catastrophes naturelles ne font que se multiplier en nombre et en termes de puissance, nous pouvons nous demander comment le pays parviendra-il à se relever durablement ? C’est également une question à se poser au niveau mondial puisque selon la Banque Mondiale, dans le monde entier « les pertes annuelles attribuables aux conditions climatiques ont quadruplé et sont passées d’environ 50 milliards de dollars dans les années 1980 à environ 200 milliards de dollars en 2013 »92 Venkatachalam Anbumozhi, spécialiste du développement des capacités auprès de l’Institut de la Banque Asiatique de Développement (IBAsD), à Tokyo dit que : « si les effets de catastrophes potentielles étaient prise compte au moment de faire les prévisions de croissance annuelle et de déterminer les dotations budgétaires, les pays pourraient, dans une certaine mesure, éviter les bouleversements économiques soudains »93 Cependant et selon Ulrik Julia Wendt94, il faut reconnaitre que les Philippines se sont adaptées à partir du 16 ème siècle puisque l’Espagne a mis en place un registre pour centraliser les informations relatives aux désordres environnementaux. Par ailleurs, depuis le 19ème siècle, des lois ont été mise en place relatives aux catastrophes naturelles. En 1978, le président Marcos a publié le décret Présidentiel 1566 qui reste encore aujourd’hui la base du management de crise du pays. En 2010 le gouvernement Philippin a signé le « Philippines Disaster Risk Reduction and Management Act » (PDRRM) dont le but est de réformer les principales lois et politiques du pays en lien avec le HFA.
91
IRIN, « Atténuer les conséquences économiques des catastrophes naturelles ».
92
IRIN, « Atténuer les conséquences économiques des catastrophes naturelles »
93
IRIN, « Atténuer les conséquences économiques des catastrophes naturelles ».
94
Ulrike Julia Wendt – « Typhoon Bopha and people displacements in the Philippines » - Institut du développement durable et des relations internationales
39
4.3 Une population en dehors des villes qui vit des ressources naturelles Le rapport d’Oxfam95 le souligne, la pauvreté touche surtout les zones rurales. Or, nous le savons bien désormais, les pauvres sont les plus vulnérables lors de catastrophes. Ainsi 46% des agriculteurs et 45% des pécheurs seraient considérés comme pauvres. On attribue malheureusement cette pauvreté en grande partie au manque d’accès aux terres qui les rendent dépendants. La pauvreté accrue de la région des Visayas Orientales s’explique en partie par un taux plus faible de redistribution des terres aux agriculteurs en situation de pauvreté par le gouvernement contrairement à d’autres régions. De manière générale la pauvreté des agriculteurs et des pécheurs s’expliquent par ; -
Des prix trop faibles des matières premières fixés par des grands négociants
-
Les lois Philippines mal appliquées, sans doute à cause de la corruption, qui auraient permis de rétablir un certain équilibre
-
La dégradation de l’environnement que nous avons déjà évoqué
-
Et finalement, le manque évident d’infrastructures aux Philippines qui ne pénalisent pas uniquement les villes.
Suite au typhon et selon le rapport du bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies96 environ 5,9 millions travailleurs ont perdu leur source de revenu ; dont 60% d’hommes et 40% de femmes. La perte de la source de revenu est liée à la destruction des infrastructures, le manque d’accès au marché et le manque de monnaie. Dans le milieu rural, l’agriculture et la pêche sont les sources de revenu principal. Selon un rapport du bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies97 les Visayas est l’un des espaces de pêche principal. La partie nord de l’ile d’Iloilo et Capiz situé dans le nord de l’ile de Panay participent à l’industrie du poisson à hauteur de 25 et 15% respectivement. Dans la zone affectée par le typhon, le riz est la plante la plus cultivée, suivit de près par les noix de coco, et les bananes. Ces cultures sont extrêmement vulnérables aux intempéries. Dans le cas des cocotiers par exemple, il faut 6 ans pour qu’un arbre produise des fruits. Lorsque l’on sait qu’un million d’arbres ont été
95
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
96
UNOCHA, « Typhoon Haiyan (Yolanda) Consolidated Cluster Briefs, 11 April 2014 - Philippines » p7.
97
OCHA « Philippines Haiyan Environmental Situational Overview 14-1-14 ».
40
détruits par Haiyan et que ces plantations étaient particulièrement importantes pour la région, il est plus facile de mesurer les difficultés qu’annoncent les efforts de reconstruction. La pêche est sans doute le secteur où il est le plus facile de se relever après un typhon, sur le court terme en tout cas. En effet, il suffit souvent de reconstruire les bateaux pour pouvoir aller pêcher et nourrir sa famille. Cependant les réserves en poissons sont souvent diminuées par les catastrophes, à cause de la pollution
par
exemple.
Par
ailleurs il est important de remarquer qu’avant le typhon 2,6
millions
de
personnes
avaient déjà des
emplois
précaires. Ainsi des problèmes structurels sont à régler pour réduire la pauvreté générale aux Philippines
mais
également
il
est
nécessaire
d’améliorer les « disaster risk reduction » DRR systèmes. Source : AFP - Dans la région de Samar, les cocotiers n’ont pas résisté aux rafales de vent.
Selon Bill Van Auken98 : « La pauvreté généralisée, l’inégalité sociale, les logements insalubres et la corruption du gouvernement qui sont l’héritage de l’oppression coloniale et néocoloniale ont joué un rôle au moins aussi important que les forces aveugles de la nature dans le nombre de décès et l'ampleur de la destruction. »
Ainsi ayant étudié dans un premier temps les effets, causes et conséquences du typhon, puis dans un deuxième temps les différents facteurs crisogènes qui existaient avant le typhon nous pouvons les mettre en relation. Leur confrontation permet de mieux comprendre la complexité de ces crises et donc sans doute de mieux penser, avec ce recul, les actions d’aide. Nous étudierons donc dans une seconde partie les actions mises en place suite au typhon et tenterons de fournir une appréciation de ces derniers.
98
Van Auken, « L’armée américaine et les Philippines ».
41
C. EN REGARD DE CES FACTEURS STRUCTURELS, QUELLE APPRECIATION SUR LA NATURE DE L’INTERVENTION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ?
1. Une communauté internationale qui réagit relativement bien dans l’urgence absolue 1.1.
Un gouvernement qui accueille la communauté internationale Selon une étude de l’Overseas Development Institute99 qui avait été menée avant le 8
novembre 2013, les Philippines auraient une capacité d’adaptation et de gestion des risques de catastrophes naturelles supérieure à la moyenne, avec de bonnes chances de limiter les impacts des catastrophes sur le long terme, aujourd’hui et dans le futur. Cette expertise a été acquise au fil des années, de force, à cause des catastrophes naturelles qui touchent les Philippines régulièrement tout au long de l’année. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’y a pas eu véritablement d’appel à l’aide avant le typhon, alors que la communauté internationale savait pertinemment qu’un typhon d’une extrême violence allait toucher le pays. Ce n’est donc qu’une fois le typhon passé sur les Philippines que le gouvernement a demandé de l’aide. Selon Oxfam ; « au départ les autorités locales ont été tout bonnement dépassées par les événements »100. Il est important de réaliser qu’il a fallu un certain temps à la communauté internationale pour percevoir l’appel et déployer ses moyens (voir annexe 10). Plus encore, la difficulté d’accès
99
Shepherd, Andrew « The geography of poverty, disasters and climate extremes in 2030 ».
100
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
42
des iles Philippines en temps de tempêtes et de certaines zones reculées coupées du monde à cause du typhon ont fait que les populations locales ont du se débrouiller sans assistance pendant des périodes allant de 72h à plusieurs semaines. Selon David Hockaday, du groupement d’ONG britanniques Start Network 101 : « Il est intéressant de constater qu’il y a presque un manque de reconnaissance de ce qui est effectué dans les 72 premières heures, comme si la situation de crise attendait l’intervention des sauveurs internationaux. Puis, nous supposons que le moment où nous intégrons le savoir-faire local vient après, pendant la transition [du niveau local au niveau international]. ». Ces propos sont à nuancer avec le fait que la Croix-Rouge Philippine a joué un rôle important, souvent de coordination sur le terrain. C’est notamment pour ces raisons que l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont accordés un prêt d’un demi-million de dollars US102 à la Croix-Rouge nationale. Dans ce sens-là, nous pouvons véritablement dire que les Philippines ont efficacement accueillit la communauté internationale. Cependant, pouvons-nous véritablement considérer la Croix-Rouge nationale comme un acteur local ? Ou peut on de par son appartenance à la fédération de la Croix-Rouge qui est un organisme international le lié à la communauté internationale ? M. Tilahun, directeur des programmes pour Africa Humanitarian Action (AHA) pense que les jours des géants occidentaux de l’aide humanitaire internationale sont peut-être comptés. « Nous avons la preuve que l’action humanitaire est plus efficace, qu’elle sauve plus de vies quand les acteurs locaux sont les premiers sur place et coordonnent le système national d’intervention avant même que la catastrophe ne se produise. Il est donc nécessaire de renforcer les mécanismes d’intervention locaux en cas de catastrophe nationale ; c’est à ce niveau qu’il faut mettre en place des mécanismes de contrôle, avec des ressources provenant de l’international. » 103
101
IRIN, « La survie du plus grand : la mise à l’écart des ONG locales lors des catastrophes ».
102
Magdelaine, « Le plus puissant cyclone de l’histoire, le super-typhon Haiyan, dévaste les Philippines ».
103
IRIN, « La survie du plus grand : la mise à l’écart des ONG locales lors des catastrophes ».
43
1.2.
Au vu des facteurs étudiés et des expériences passées, un délai d’intervention raisonnable Ce sont, comme souvent, les ONG locales qui ont été les premiers intervenants. C’est
souvent grâce à eux que les familles les plus pauvres et donc les plus vulnérables ont réussi à survivre jusqu’à l’arrivée de l’aide internationale. Les Nations Unies ayant classé l’intervention qui fait suite au typhon Haiyan au niveau 3 qui est l’échelon le plus haut, c’est donc une équipe d’intervention d’urgence des Nations Unies qui s’est rendue à Tacloban dans les 12 heures qui ont suivi le passage du typhon selon un rapport produit par Oxfam104. La coordination des différents clusters a donc pu rapidement se mettre en place, notamment celui qui concerne l’eau, l’assainissement et l’hygiène et celui de la protection. Le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) aurait également fait preuve de beaucoup d’efficacité et de souplesse selon Oxfam. C’est souvent l’état des infrastructures comme les aéroports, les ports, les routes et les ponts fortement endommagés par la tempête, qui a freiné l’intervention des organisations comme Oxfam. C’est la bonne coordination des organisations et l’entraide qui existaient entres elles qui a permis de surmonter les obstacles qui se posaient à l’intervention. Les organisations comme ACTED ont par exemple mis leurs véhicules à disposition d’autres organisations qui n’en avaient pas et le Fonds américain « Fuel Relief »105 qui est arrivé à Tacloban avec l’équivalent de 100 000 dollars de carburant et a approvisionné gratuitement toutes les organisations impliquées dans les opérations d’aide. C’est également la collaboration avec le secteur privé, qui prend de l’importance de catastrophe en catastrophe, qui a permis aux ONG de surmonter ces catastrophes sans précédents. Ainsi les entreprises du pays ont contribué à hauteur de plus de 45 millions de dollars en financements, en biens et en personnel. Certaines entreprises étrangères ont également participé aux interventions d’urgence, notamment en apportant des technologies innovantes comme les drones qui ont été fourni par la société Danoffice IT106 qui ont permis de trouver des corps, ou de repérer les zones accessibles ou non.
104
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
105
http://fuelrelieffund.org/
106
Ebinger, « Humanitaire: Une société nyonnaise engage des drones aux Philippines ».
44
1.3 La sur-catastrophe évitée L’impression générale qui se dégage des rapports qui ont pour l’instant été produits sur les interventions d’urgence après Haiyan est que le pire est arrivé mais que les conséquences qui auraient pu être apocalyptiques ont été minimisées. Il est possible que du temps soit nécessaire pour que des critiques commencent à réellement faire surface. Pour l’instant, il est dit de manière générale qu’étant donné les dégâts matériels occasionnés par cette tempête et les complications que cela a entrainé, les actions de secours ont été relativement efficaces. Il est impossible dans ce genre de catastrophe d’être entièrement satisfait de l’action menée car elle est toujours perfectible et il y a toujours à apprendre de ses erreurs. Néanmoins, les organisations humanitaires internationales semblent dire qu’il y a eu un véritable progrès si l’on compare Haiyan au Tsunami de 2004 ou encore au tremblement de terre d’Haïti. Les progrès pourront toujours se poursuivre puisque pour l’instant ceux-ci sont comptés en termes de vies sauvées, sans se soucier du coût de ces interventions et du gâchis que celles-ci engendrent. De façon plus précise, Sunshine Lichauco de Leon, un spécialiste de « USA Today »
107
dit que trois mois après, l’apparition d’épidémies
généralisées ont été évités, mais que le risque est toujours très présent. De plus, Justin Morgan, directeur pays d’Oxfam aux Philippines dit que : « ces opérations, alliées à des vastes mesures d’évacuation avant la tempête, ont permis de sauver des vies et ont empêché que la situation ne dégénère en urgence sanitaire malgré la destruction des hôpitaux, des cliniques et de des réseaux de distribution d’eau »108.
107
Lichauco de Leone, « Filipinos struggle three months after typhoon ».
108
Morgan, « Suite au typhon Haiyan, une semaine d’obstacles, un mois de distribution et des années de soutien ».
45
2. Dans l’élan de solidarité de la communauté internationale, une réponse à l’urgence importante 2.1 Beaucoup de moyens et d’initiatives à travers le monde Nous l’avons vu, l’émotion suscitée par les informations relayées par les médias a permis une mobilisation sans précédents de la communauté internationale. Des actions de collectes de fonds ont été menées dans tous les pays du monde permettant de rassembler un montant important, nécessaire à l’aide d’urgence, puis dans un deuxième temps à la reconstruction. Ces actions ont été menées à tous les niveaux de nos sociétés. Nous pouvons donner l’exemple de l’opération « Un dimanche de la solidarité dans les musées » à l’initiative de Brigitte Ayrault, femme de l’ancien premier ministre français, en collaboration avec les grands musées français de Paris et de province, et la Croix-Rouge Française. Selon la Croix-Rouge Française :
« Cette collecte permettra à la Croix-Rouge, engagée dans l’urgence et dans la durée sur place, d’assurer à la population l’accès à l’eau potable à la nourriture et aux produits de première nécessité, ainsi qu’aux soins médicaux »109
109
Lambert-Come, « Un dimanche de la solidarité au Musée en faveur des Philippines ».
46
Un autre exemple très différent est l’appel à la mobilisation lancé par la jeune dirigeante de la start-up «Five by five »110 spécialisé dans l’utilisation des données ouvertes, aux « codeurs civiques ». Cette initiative fut appelé « Développeurs contre typhon » et consiste en la centralisation d’informations qui permet de façon très générale une réponse à l’urgence plus efficace. De façon plus pratique, il existe par exemple un page web qui liste les besoins, les idées qui fusent, les projets en cours. Le tout dans un souci de coordination des différents acteurs qu’ils soient professionnels ou non, et d’efficacité de l’aide.
Les fonds récoltés et les initiatives ont sans aucun doute eu des effets sur le terrain. La plupart de ces effets sont considérés comme positifs, puisque la grande majorité des acteurs internationaux le disent « 6 mois après, les Philippines sont sur la voie de la reconstruction ». Dans cette optique-là, nous allons donc étudier les différentes actions qui ont été effectivement implanté sur le terrain. Y a-t-il eu une sorte de perte d’énergie entre la mobilisation mise en place loin du terrain d’intervention et les actions et les projets véritablement réalisés ?
2.2 Et leur application sur le terrain C’est indéniable, beaucoup de choses ont été faites sur le terrain pour aider les zones touchées par le typhon Haiyan en novembre. Il serait extrêmement ambitieux de vouloir faire la liste de ce qui a été réalisé depuis 6 mois, d’autant plus que ceci n’est pas l’objet de ce mémoire. Cependant il est intéressant de voir que 6 mois après, certaines choses ont été faites d’autres pas encore, et que d’autres ne le seront jamais. Le 7 mai l’Unicef111 annonçait qu’à ce jour plus de 80 000 enfants avaient été vaccinés, et que leur action avait également permis d’assurer l’accès à l’eau potable pour un million de personnes, d’apporter une aide psychologique à 25 000 enfants traumatisés et de re-scolariser rapidement les enfants. Pour cela 470 000 enfants ont reçu du matériel scolaire. Du côté de l’alimentation ; la FAO112, le département de l’agriculture Philippin ainsi que leurs partenaires ont très rapidement commencé à distribuer des semences de riz et des engrais aux 44 000 agriculteurs qui avaient été les plus touchés. Ceci leur a permis de semer à temps en 110
Guiton, « Typhon Haiyan: des «développeurs sans frontières» au secours des Philippines ».
111
Belga, « 80.000 enfants vaccinés depuis le passage de Haiyan ».
112
FAO, « Six mois après la catastrophe, les agriculteurs philippins rentrent leur première récolte ».
47
décembre et en janvier. Un certain nombre d’entre eux ont ainsi déjà rentré leurs récoltes, avant la prochaine saison de typhon, leur permettant de ne pas dépendre de l’aide alimentaire pendant les prochains mois. Malheureusement tous les agriculteurs n’ont pas pu se relever aussi rapidement. C’est notamment le cas, comme nous l’avons vu un peu plus tôt, des familles vivant grâce à l’exploitation des cocotiers. Un grand nombre d’arbres fruitiers ont été littéralement arrachés par la tempête. Le problème principal est que même si ils sont remplacés par de nouveaux arbres, ces derniers mettront au moins 7 ans à produire des fruits. Les familles propriétaires se retrouvent donc sans ressources possibles et potentiellement dépendantes de l’aide pour les années à venir. Une des solutions proposées a été de les aider à diversifier leurs activités. Ceci diminuera probablement la rentabilité de leur activité, mais leur permettra d’être moins vulnérables aux intempéries à l’avenir. Grace à l’expérience acquise lors du tsunami de 2004 une attention particulière a été accordée à ne pas racheter de trop nombreux bateaux pour éviter d’épuiser les fonds marins déjà endommagés par la tempête. En effet, la pêche reste un moyen rapide pour la plupart des Philippins de survivre lors des catastrophes naturelles. Cependant, à force, les réserves sont de moins en moins importantes ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes et durables sur le pays.
Pour que le pays puisse se relever rapidement, une importante énergie a été déployée pour nettoyer les débris et rendre le paysage moins apocalyptique. Les programmes « argent contre travail» ont reçu un important succès dans les premiers moments de la crise. En effet, dans les zones les plus durement touchées rien n’était à sa place, aucune infrastructure n’était utilisable. L’aide humanitaire avait ainsi beaucoup de mal à se frayer un chemin pour accéder aux victimes. Ainsi le
Programme
des
Nations
Unies
pour
le
Développement113 a proposé aux familles les plus touchées de déblayer les débris et les déchets Source : Angeli Adviento le 29 novembre 2013
113
Saling, « Le PNUD lance son programme « Argent contre travail » pour venir en aide aux Philippines ».
48
médicaux des hôpitaux, des écoles et des rues en échange d’un salaire temporaire. Ces programmes ont très bien fonctionné puisque les routes dégagées ont facilité l’acheminement de l’aide humanitaire aux communautés isolées, puisque grâce à leur salaire, les employés du programme ont pu subvenir à leurs besoins, que ces salaires ont été réinjectés dans l’économie locale, que l’évacuation de déchets ont réduits les risques d’épidémies, et que l’occupation et le sentiment d’utilité qui en découle ont permis aux survivants de ne pas perdre complétement pieds après un tel choc.
2.3 Une sur-mobilisation qui met en péril l’efficacité de l’intervention d’urgence ? Lors de la conférence sur « l’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au typhon Haiyan » lors de la semaine internationale du transport et de la logistique, Erland Egliziana, directeur de la logistique chez Médecin Sans Frontière114, soulignait que la véritable catastrophe à l’intérieur de la catastrophe était les dons non sollicités. En effet, nous l’avons vu, les médias lors de ces catastrophes, et spécialement pour Haiyan, ont suscité de fortes émotions auprès du monde entier entrainant des réactions pas forcément réfléchies. Ces réactions sont non seulement inutiles mais entravent surtout l’action des professionnels. Paul Arbon, directeur du Torrens Resilience Institute, un centre de recherche australien sur l’aide d’urgence dit que « la bonne volonté qui se manifeste un peu partout dans le monde produit un afflux ingérable de toutes sortes de biens dans les zones sinistrées et cela crée des points de congestion dans les ports et les aéroports qui entravent une aide plus ciblée »115. Source : Des soldats Philippins déchargent l’aide humanitaire à l’aéroport de Tacloban, par Commonwealth of Australia
114
Erland Egliziana, Conférence: « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » Vendredi 4 avril 2014, Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, Paris Nord Villepinte
115
ATS, « Typhon Haiyan: prendre en compte les erreurs de gestion de l’aide humanitaire ».
49
Ce fut malheureusement le cas à Cebu selon Erland Egliziana, puisque des palettes entières de produits alimentaires inutilisables et pour lesquelles les destinataires n’étaient pas clairement mentionnés sont venu remplir l’aéroport. Ces dons non sollicités en remplissant les zones de stockages ont pris la place d’une aide répondant à des besoins clairement identifiés et qui avait déjà couté cher. L’aide d’urgence aujourd’hui, pour être la plus rapide et efficace possible, correspond à des denrées achetées et stockées dans des entrepôts à travers le monde, prêtes à partir à tout moment. Ce n’est en effet pas le manque de ces denrées qui est problématique lors de crises, mais les moyens financiers et logistique pour les acheminer. Plus encore l’envoi couteux de ces denrées depuis d’autres pays représente un important manque à gagner pour l’économie locale. Ainsi Danielle Alexandre, secrétaire générale du secours populaire en Loire-Atlantique116, nous dit que le fait d’affréter un avion depuis la France pour les Philippines coûte 700 000 euro. Robert Tickner117, le chef de la Croix Rouge Australienne estime par ailleurs « qu’il est préférable d’acheter sur place, pour stimuler l’économie locale ». Il parait donc plus intéressant, dans l’intérêt du pays qui reçoit l’aide et dans un souci d’économie que les dons soient uniquement monétaires et que les denrées soient achetées dans la mesure du possible dans le pays victime de la catastrophe. Cependant il faut aussi rester conscient que l’aide internationale est rarement désintéressée, et que l’envoi de denrées depuis les pays développés représente également un intérêt économique, puisque cela fait fonctionner sa propre économie tout en mettant l’autre pays dans une situation où il devient redevable du pays qui l’a aidé.
La sur-mobilisation de la communauté internationale engendre un autre problème qui complexifie les actions de secours. En effet ces dernières années, la multiplication des catastrophes à travers le monde a vu simultanément la multiplication des acteurs portant secours aux populations victimes des désordres climatiques ou des conflits. Ces acteurs sont si nombreux qu’une sorte de concurrence peut se mettre en place, notamment pour l’attribution des fonds nécessaires à la mise en place de leurs actions. Ainsi à la suite du tsunami asiatique en 2004 plusieurs acteurs de l'aide, comme la Croix-Rouge britannique, avaient déploré la concurrence entre agences ou ONG, l'acheminement d'équipement ou de denrées inutiles et la difficulté à gérer les dotations financières118. Pour Haiyan de véritables efforts de coordination auraient été faits, rendant l’action
116
David, « Typhon Haiyan : ouverture exceptionnelle du Secours populaire ce... »
117
ATS, « Typhon Haiyan: prendre en compte les erreurs de gestion de l’aide humanitaire ».
118
Ibid.
50
de secours plus fluide. C’est sans doute également la nature de la catastrophe, impliquant moins de pays différents qui a facilité cette coordination. Un dernier phénomène lié à l’importance du nombre d’acteurs intervenants dans l’aide d’urgence est à souligner ; c’est l’implication naissante des entreprises du secteur privé dans les opérations de secours. Ce phénomène, si il est bien utilisé, peut-être un véritable avantage en termes d’efficacité et d’économies financières. En effet l’expertise de ces entreprises associées à leurs moyens financiers permettrait de leur donner un véritable rôle lors de ces catastrophes de grande envergure. Ce fut notamment le cas de l’entreprise
DHL119
en
collaboration avec le PNUD, avec sa « Disaster Response Team » qui
a 400 bénévoles formés
disponibles en 72h. Ainsi 26 bénévoles se sont relayés pendant trois
semaines
à
Cebu
pour
organiser les entrées et sorties de l’aéroport.
Source : Deutsche Post DHL
Cependant, ce genre de partenariat doit être prévu avant l’arrivée de la catastrophe car dans l’urgence les employés des entreprises privées n’ont pas le temps d’être formés aux spécificités de l’aide humanitaire. Le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a cependant fait pour la première fois une exception devant l’ampleur de la catastrophe en détachant un responsable de la coordination des entreprises privées de Manille selon Isabelle de Musyer Boucher120. Il y a fort à parier que cette collaboration entre acteurs humanitaires et entreprises privés notamment dans le domaine de la logistique va se développer dans les années à venir.
119
DHL, « Deutsche Post DHL and United Nations Development Programme launch second - Get Airports Ready for Disaster - workshop in the Philippines ».
120
Muyser Boucher, Conférence: « L’impact des interventions humanitaires durant l’urgence face au Typhon Haiyan » Vendredi 4 avril 2014, Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, Paris Nord Villepinte
51
3. Qui ne permet pas une réelle transition à la phase de reconstruction
3.1 L’impression que le relais ne se fait pas correctement Le directeur des opérations de la Fédération pour l'Asie-Pacifique de la Croix-Rouge, Jagan Chapagain avait précisé, lundi 5 mai 2014, que cent mille personnes vivent encore sous tente et 500000 dans des abris provisoires qui ne sont pas sûrs. Selon lui « il faut continuer d'investir dans les semaines à venir, car un nouveau typhon dans la région aurait des conséquences dramatiques ».121 Voilà le problème de toutes opérations de secours de nos jours. Il existe encore un véritable fossé entre la phase d’urgence qui suit un désastre et la phase de reconstruction. Bien souvent à cause de l’usure du personnel humanitaire et des expertises spécifiques à chacun, ceux ne sont pas les mêmes équipes. Ainsi selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies :
« Sauf si les fonds de reconstruction arrivent plus vite que prévu, il y aura sans doute un gap de trois à six mois entre la fin de l’aide d’urgence et le début des efforts de reconstruction de grande ampleur. Dans les régions les plus affectées ceci pourra entrainer des besoins supplémentaires en aide humanitaire » 122
121
ATS, « Philippines: l’aide aux victimes du typhon Haiyan se poursuit ».
122
UNOCHA, « Typhoon Haiyan (Yolanda) Consolidated Cluster Briefs, 11 April 2014 - Philippines » p7.
52
Source : Jarkko Mikkonen / Finish Red Cross
Or malheureusement, avec le temps et l’attention des médias qui se fait de plus en plus faible, les dons tendent à baisser au fil du temps, alors que c’est la deuxième phase qui est la plus couteuse. Dans le cas des Philippines qui est un pays régulièrement touché par les catastrophes naturelles, et après un désastre tel que Haiyan ou tout doit être reconstruit une idée s’est imposé ; celle de reconstruire de façon durable. L’idée étant selon les Nations Unies123 que les endroits où les sinistrés seront relogés, et où ils pourront reconstruire leur maison devront prendre en compte l’environnement naturel pour ne pas augmenter le phénomène de déforestation, ou les risques géographiques comme les typhons ou les coulées de boues. Pour cela des études doivent être conduites et des cartes répertoriant les risques doivent être mises à jour. Ensuite, il faut trouver de l’espace pour tout le monde ce qui n’est pas aisé si l’on sait que de nombreux Philippins occupent un terrain qui ne leur appartient pas, et si l’on considère l’importante croissance démographique que connait le pays. Ainsi la phase de reconstruction prend du temps à se mettre en place et bloque de nombreux sinistrés dans des centres de transitions.
123
OCHA« Philippines Haiyan Environmental Situational Overview ». p4
53
3.2 Un gouvernement qui semble absent ou inefficace pour une partie des sinistrés? Dans les rapports produits par les grandes organisations non gouvernementales nombreux sont les éloges sur le rôle mené par le gouvernement à la suite du typhon. Cependant tout le monde ne partage pas cette opinion. Ainsi, trois mois et demi après le typhon Haiyan Monseigneur Crispin Varquez, un évêque catholique des Visayas orientales dénonçait l’inertie gouvernementale dans l’organisation de la reconstruction. « Je me rends très souvent dans les zones détruites mais tout ce que je vois sur place ne sont que des habitats collectifs temporaires. A ce jour, c’est tout ce que le gouvernement a été capable de réaliser concrètement. Rien n’a été fait en ce qui concerne la reconstruction ou la réorganisation du gagne-pain des gens»124. C’est pour mettre la lumière sur cette réalité que le 17 février 2014, un millier de survivants de Haiyan avaient fait le long chemin jusqu’à Manille pour manifester devant les grilles du palais présidentiel. Leurs revendications étaient les suivantes ; l’allocation de 40 000 pesos, soit 915 dollars à tous les survivants, la suppression de la politique de non construction sur la bande littorale ou encore la poursuite de la distribution de l’aide alimentaire. Un autre fait est reproché au gouvernement selon Sr Edita Espolor qui est le porte-parole du « Réseau du peuple qui se lève » ; « ce qui est le plus frappant en ce qui concerne les programmes de reconstruction post-Haiyan, c’est que la population en est tenue à l’écart ». C’est l’incroyable résilience des Philippins qui est mis à mal par cette mise à distance et par l’impossibilité pour eux de complétement prendre leur futur en main. Par ailleurs le pays qui est connu pour ses problèmes de corruption récurrents a de bonnes raisons de s’inquiéter du devenir des importantes sommes qui devaient leur être allouées par la communauté internationale. En effet une mauvaise coordination des autorités municipales a été remarquée puisqu’il y a eu d’importants retards dans l’acheminement de l’aide. Ce retard était souvent attribué à du favoritisme de la part des autorités municipales qui privilégiaient d’autres
124
Varquez, « Trois mois et demi après le typhon Haiyan, un évêque catholique dénonce l’inertie gouvernementale dans l’organisation de la reconstruction ».
54
districts pour des raisons politiques. Oxfam dans son rapport125 propose de lutter contre ces perceptions en « accélérant le déploiement de l’aide dans toutes les régions, tout en publiant, par exemple, les dates de distribution sur des sites Web ou sur les panneaux d’affichage publics pour plus de transparence ».
Par ailleurs, un programme de reconstruction des infrastructures en dur devait être coordonné par l’ex-sénateur Panfilo Lacson126 qui avait été nommé le 10 décembre dernier « conseiller du président pour la supervision des opérations ». Seulement trois mois plus tard, le seul signe de l’intervention des pouvoirs publics était des baraquements qui devaient servir comme centres d’hébergement provisoires. Ces 220 baraquements qui devaient être livrés avant le 10 décembre 2013. Cependant ils sont restés pour la plupart vides après que des associations affiliées à l’ONU aient fait remarquer qu’ils n’étaient pas aux normes.
3.3 Les rescapés d’Haiyan enfermés dans une urgence sans fin ? A cause de la force et de l’intensité de Haiyan, les populations touchées par le typhon aux Philippines font aujourd’hui face à une crise de l’abri, une crise qui risque de s’étendre au-delà de l’année 2014. En effet au 11 avril 2014, 2 millions de personnes étaient encore sans abris, ou au mieux dans des centres de transition insalubres et peu adaptés au nombre de rescapés qu’ils abritent. Avec la période
de
typhons
qui
commence
habituellement en juin, c’est-à-dire dans un mois, ceci ne leur laisse pas d’autres options que de reconstruire « pire » qu’avant le Source : Bidonvilles de Cébu par Universal Images Group
125
Oxfam « Typhon Haiyan : Actions menées et principaux enseignements pour la reconstruction des Philippines ».
126
Del Mundo, « PHILIPPINES • Après le cyclone, une reconstruction précaire ».
55
typhon. Avec des matériaux non traités, du métal rouillé, les risques sont qu’à la prochaine saison des pluies les conditions de santé humaine se détériorent encore plus selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies127. C’est alors le cercle infernal de la pauvreté qui se met en place, et le pays tout entier qui devient dépendant et redevable de l’aide humanitaire. Michel Agier le décrit extrêmement bien dans son ouvrage « Gérer les indésirables : du camp de réfugié au gouvernement humanitaire »128. Il explique par exemple la déshumanisation qui est liée aux camps de réfugiés et qui s’opère nécessairement lorsque quelqu’un est entièrement entretenu par l’aide humanitaire. L’ouvrage parle également de la trop forte influence de la communauté internationale à la poursuite souvent de ses propres intérêts qui aide rarement les populations sinistrés à retrouver leur indépendance. On peut alors penser à l’intervention et l’important rôle joué par les Etats Unis dans l’aide apporté aux Philippines après Haiyan, et les accords militaires qui ont été signés peu de temps après.
127
UNOCHA, « Typhoon Haiyan (Yolanda) Consolidated Cluster Briefs, 11 April 2014 - Philippines » p21.
128
Agier, Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitiaire.
56
Conclusion En conclusion, le Typhon Haiyan, sans doute l’un des plus importants typhons de l’histoire, représente un tournant dans l’histoire de l’humanitaire et de l’intervention d’urgence. Aux Philippines, compte tenu des facteurs complexes aggravants la crise engendrée par le typhon, la communauté internationale est intervenue rapidement en urgence. En conséquence, il y a eu relativement peu de victimes dans le mois qui a suivi le typhon à cause de celui-ci. Il n’y a pas eu d’épidémies et les populations ne sont pas mortes de faim. C’est cependant le passage d’une phase de crise à une phase de reconstruction qui aujourd’hui nous semble devenir une priorité. En effet, avec Haiyan, il nous apparait encore plus clairement aujourd’hui que la brève et sans doute efficace intervention de la communauté internationale est telle qu’elle plonge le pays dans une situation « d’urgence sans fin »129. Les équipes de réponse à l’urgence sont en effet reparties des Philippines, mais les Philippins voient encore se construire des abris transitoires 130, tandis que les bidonvilles des grandes villes continuent à se remplir de familles décimées sans toit pour s’abriter des prochains typhons. Cette situation s’explique en grande partie par l’analyse des différents facteurs de la crise engendrée par le typhon Haiyan. En effet, cette catastrophe naturelle sans précédent est venue s’ajouter à un large nombre de facteurs crisogènes. Le premier facteur est le facteur historique, les Philippines ayant étant successivement colonisées, occupées par différentes puissances qui n’ont fait que détruire l’identité Philippine, lui enlevant toutes ses richesses et laissant ses habitants sans bases solides pour se reconstruire. La géographie spécifique des Philippines est un autre élément composant la crise engendrée par le typhon Haiyan et complexifiant de façon importante les premières actions de secours. Nous avons ainsi expliqué en quoi la multitude d’îles composants le territoire philippin, les montagnes que ces îles abritent, ainsi que la place qu’occupe ce territoire sur la terre, l’exposent à tous les dangers. Il est par ailleurs vrai que certains pays qui rassemblent également ces caractéristiques parviennent mieux à les surmonter. Il est donc important de souligner que le mauvais aménagement du territoire du à la présence d’une population trop pauvre, amplifie nettement ces caractéristiques.
129
Agier, Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire.
130
Lichauco de Leone, « Filipinos struggle three months after typhoon ».
Les facteurs historiques et géographiques présentés ci-dessus ont sans doutes contribués à renforcer d’autres aspects d’avantages sociologiques comme la diversité culturelle du pays qui s’explique par les différentes influences coloniales ainsi que la difficulté à circuler à l’intérieur du pays, ce qui n’a pas contribuer à l’homogénéisation d’une culture Philippine. Par ailleurs, l’importance de la famille pour les Philippins est un aspect de la crise à considérer, car tandis qu’il minimise l’impact d’une telle catastrophe sur la population dans l’urgence, sur le long terme la crise peut s’étendre et plonger une plus large proportion de la population dans la difficulté. Finalement, l’incroyable croissance démographique qu’a connu et que connait actuellement les Philippines ne peut qu’aggraver et rendre plus difficile les actions de secours. Pour finir, certains facteurs politiques et économiques philippins participent à l’aggravation de la crise, tandis que d’autres minimisent les effets dévastateurs de celle-ci. D’une part les accusations de corruption envers le gouvernement produisent un effet de méfiance qui n’est jamais bon pour des peuples en reconstruction. D’autre part les organisations internationales ne cessent de souligner l’implication du gouvernement dans les efforts de reconstruction, sans doute en comparaison avec certains états lors du Tsunami de 2004. D’un point de vue plus économique, la concentration de la production de richesses dans les grandes villes fait que le pays n’a pas été trop ralenti. Cependant cette concentration implique également un fort éloignement des populations rurales et leur incapacité à se raccrocher à d’autre chose que l’agriculture après la destruction de leurs productions. En arrivant au bout de cette analyse, nous prenons enfin la mesure de la complexité d’une crise pourtant engendrée par des facteurs naturels. Sachant que pour bien intervenir et pour aider le pays concerné à se mettre sur la voie de la reconstruction, il est impératif de comprendre la situation dans son ensemble, nous pensons qu’il est vital que la communauté humanitaire profite de cette catastrophe, et des précédentes, ainsi que des analyses qui en découleront, pour mieux agir lors de la prochaine catastrophe en capitalisant sur l’expérience déjà acquise. C’est d’ailleurs, sans doute grâce à cette expérience que les actions de secours aux Philippines ont été relativement bien menées, si l’on prend également en compte l’ampleur du désastre naturel sur lequel nous n’avons aucune emprise.
En conclusion, il apparait comme évident que la communauté internationale se professionnalise en ce qui concerne l’aide d’urgence. Cependant, les enjeux de telles interventions sont si importants que la communauté internationale ne peut que continuer à joindre ses efforts pour viser l’inatteignable perfection. La route est encore longue pour que tous les fonds engagés
dans de telles opérations soient utilisés efficacement et pour que de telles catastrophes n’enlèvent plus autant de vies, ou ne détruisent plus autant celle des survivants. Par ailleurs, Haiyan va sans doute permettre à la communauté internationale de réaliser l’importance de ne pas agir que dans l’urgence, mais d’aider les pays à mieux se préparer à l’urgence, notamment en leur donnant les moyens d’entamer une reconstruction durable.
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Annexes
LISTE Annexe 1 – Trajet du Typhon Haiyan en Asie Annexe 2 – Les zones les plus touchées par le typhon Haiyan aux Philippines Annexe 3 – La ville de Tacloban sinistrée Annexe 4 – L’échelle de Saffir-Simpson Annexe 5 – Carte du relief de l’archipel Philippin Annexe 6 – Les principales différentes langues parlées aux Philippines Annexe 7 - L’essor des flux de migrants, soupape à la pression démographique Annexe 8 - Carte des déplacements internes aux Philippines en 2013 Annexe 9 - Prévision de croissance démographique aux Philippines entre 1950 et 2050 Annexe 10 - Infographie sur la répartition par pays et par organisation de l’aide pour les victimes du typhon Haiyan aux Philippines
Annexe 1 – Trajet du Typhon Haiyan en Asie
Source : Article Le Monde « Philippines : la population fuit le super typhon Haiyan » le 8 novembre 2013
Annexe 2 – Les zones les plus touchées par le typhon Haiyan aux Philippines
Source : Article France 24, « Philippines : les survivants enterrent leurs morts et implorent de l’aide », le 14 novembre 2013
Annexe 3 – La ville de Tacloban sinistrée
Source : Infographies par Sarah DEHAUT pour MyTF1 News, le 12 novembre 2013
Annexe 4 – L’échelle de Saffir-Simpson
Source : Infographies par Sarah DEHAUT pour MyTF1 News, le 12 novembre 2013
Annexe 5 – Carte du relief de l’archipel Philippin
Source : Intercarto.com
Annexe 6 – Les principales différentes langues parlées aux Philippines
Source : Carl Rubino
Annexe 7 - L’essor des flux de migrants, soupape à la pression démographique
Source : Laurent Carroué dans Géoconfluence
Annexe 8 - Carte des dĂŠplacements internes aux Philippines en 2013
Annexe 9 - Prévision de croissance démographique aux Philippines entre 1950 et 2050
Source : Data 360
Annexe 10 : Infographie sur la rÊpartition par pays et par organisation de l’aide pour les victimes du typhon Haiyan aux Philippines
Table des matières
INTRODUCTION ............................................................................................................................................................ 7 A. UNE CATASTROPHE NATURELLE QUI A MOBILISE LA PLANETE ENTIERE ....................................... 9 1. DEROULE DU TYPHON ................................................................................................................................................. 9 1.1 Avant, des signes d’alertes émis par plusieurs voix ............................................................................................ 9 1.2 Pendant, les seize heures ou tout a basculé ...................................................................................................... 11 1.3 Après, une mobilisation sans précédents de la communauté internationale..................................................... 13 2. PRINCIPALES EXPLICATIONS ET LEURS PORTEURS .................................................................................................... 15 2.1 Une catastrophe naturelle et ses mesures ......................................................................................................... 15 2.2 Relais des autorités publiques, les médias et la communauté internationale qui organisent la récolte de fonds sur la compassion ................................................................................................................................................... 17 3. DES EXEMPLES DE CATASTROPHES NATURELLES RECENTES AUX PHILIPPINES ......................................................... 19 3.1 1991 – Thelma .................................................................................................................................................. 19 3.2 2012 – Bopha .................................................................................................................................................... 20 3.3 2013 - Bohol ..................................................................................................................................................... 21 B. FACTEURS DE CRISE : LES PHILIPPINES, « CULTURE DU DESASTRE » ............................................... 23 1. FACTEURS HISTORIQUES ........................................................................................................................................... 23 1.1 Colonisation espagnol ...................................................................................................................................... 23 1.2 Impérialisme américain .................................................................................................................................... 24 1.3 La deuxième guerre mondiale et la nouvelle société ........................................................................................ 26 2. FACTEURS GEOGRAPHIQUES ..................................................................................................................................... 27 2.1 Un archipel montagneux … .............................................................................................................................. 27 2.2 Sans cesse frappé par la nature ........................................................................................................................ 29 2.3 Dont le territoire est inégalement et insuffisamment aménagé ......................................................................... 30 3 FACTEURS SOCIOLOGIQUES ....................................................................................................................................... 33 3.1 Une forte diversité culturelle ............................................................................................................................ 33 3.2 Une culture de la « famille » importante .......................................................................................................... 34 3.3 Une forte croissance démographique ............................................................................................................... 36 4 FACTEURS POLITIQUES ET ECONOMIQUES .................................................................................................................. 37 4.1 Politique............................................................................................................................................................ 37 4.2 Une économie centralisée ................................................................................................................................. 38 4.3 Une population en dehors des villes qui vit des ressources naturelles ............................................................. 40 C. EN REGARD DE CES FACTEURS STRUCTURELS, QUELLE APPRECIATION SUR LA NATURE DE L’INTERVENTION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ? .................................................................. 42 1.
UNE COMMUNAUTE INTERNATIONALE QUI REAGIT RELATIVEMENT BIEN DANS L’URGENCE ABSOLUE ................ 42
1.1.
Un gouvernement qui accueille la communauté internationale ............................................................... 42
1.2.
Au vu des facteurs étudiés et des expériences passées, un délai d’intervention raisonnable ................... 44
1.3 La sur-catastrophe évitée .................................................................................................................................. 45 2. DANS L’ELAN DE SOLIDARITE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE, UNE REPONSE A L’URGENCE IMPORTANTE . 46 2.1 Beaucoup de moyens et d’initiatives à travers le monde .................................................................................. 46 2.2 Et leur application sur le terrain ...................................................................................................................... 47 2.3 Une sur-mobilisation qui met en péril l’efficacité de l’intervention d’urgence ? ............................................. 49 3.
QUI NE PERMET PAS UNE REELE TRANSITION A LA RECONSTRUCTION
................................................................. 52
3.1 L’impression que le relais ne se fait pas correctement ..................................................................................... 52 3.2 Un gouvernement qui semble absent ou inefficace pour une partie des sinistrés? ........................................... 54 3.3 Les rescapés d’Haiyan enfermés dans une urgence sans fin ? ......................................................................... 55 CONCLUSION ............................................................................................................................................................... 57 BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................................................... 60 ANNEXES ....................................................................................................................................................................... 68
« Typhon Haiyan, Novembre 2013 : L’explication multifactorielle de la crise » Le 8 novembre 2013, il y a un peu plus de 6 mois, le typhon Haiyan frappe quelques iles à l’est de l’archipel. En tout plus de 6 000 personnes sont mortes, plus de 1 million de maisons ont été endommagées et plus de 14 millions de personnes ont été affectés par la catastrophe. Ce mémoire part du constat que le même typhon dans un pays différent n’aurait pas eu les mêmes conséquences. Ainsi les spécificités historiques, géographiques, sociologiques, politiques et économiques des Philippines sont des éléments importants à prendre en compte lorsque l’on étudie la crise engendrée par le typhon Haiyan. C’est donc cette analyse multifactorielle qui nous permet ensuite de mieux apprécier les actions de secours et de reconstruction mise en place. Ainsi cette étude nous a permis de mettre en avant la difficile transition entre la phase d’urgence et la phase de reconstruction. Mots clés : Haiyan, Philippines, Typhon, Morts, Vents, Aide Humanitaire, Urgence, Communauté internationale
« Typhoon Yolanda, November 2013: the mutlifactorial explanation of the crisis » November 8 - 2013, a little more than 6 months ago, typhoon Yolanda hit the eastern islands of the archipelago. More than 6 million people died, more than 1 million houses were damaged and more than 14 million people were affected by the disaster. This thesis start by the acknowledgment that the same typhoon in an entirely different country would not have the same consequences. The historic, geographic, sociologic, political and economic specificities of the Philippines are important elements to take into account when studying the crisis caused by typhoon Yolanda. Thus, this multifactorial analysis of the crisis enables us to better understand it and to be able to analyse the relief operations and the beginning of the reconstruction phase. This way, this study enables us to highlight the difficult transition existing between the emergency phase and the reconstruction phase. Keywords : Haiyan, Yolanda, Philippines, Typhoons, Death, Destruction, Winds, Humanitarian aid, Emergency, International Community.
UNIVERSITE PARIS1/Panthéon-Sorbonne Numéro et nom de l’Ecole doctorale Nom de l’UFR ou de l’équipe de recherche : IEDES-P1 / UFR15 Adresse postale de l’école doctorale