UNE PIERRE À L’ÉDIFICE
L’ACTE DE C
UNE PIERRE À L’ÉDIFICE
CONSTRUIRE PEUT-IL SE RÉSOUDRE À FAIRE AVEC ? Le cas de la réhabilitation du Mas de Mirabeau en un lieu d’agroécologie
Antoine Chanteau & Lisa Martin, sous la direction de Yannick Hoffert. Domaine d’études Situations, ENSA Montpellier. Jury : Pascale Detourdonnet, Hélène Guerin, Pierre Soto, Gilles Desévedavy et Pascale Alazetta. Juillet 2020.
UNE PIERRE À L’ÉDIFICE
DE L’ÉDIFICE À LA PIERRE « Rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. » (Antoine Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Paris, Cuchet, 1789. Loi de conservation de la matière.)
D’UNE PIERRE L’architecture n’est qu’un tas de pierres, Qui s’amasse et s’enlace, Se compose et se décompose.
SOMMAIRE
I. SE SITUER
8
D’OÙ PARLONS-NOUS ? DE NOS SITUATIONS ... ... HUMAINES
10 11
UN APPRENTISSAGE PARTICULIER L’EXPÉRIENCE EN SITUATIONS L’APPRENTISSAGE PAR LE FAIRE FAIRE ET P(A)NSER LE RÉEMPLOI
12 14 16
LA SITUATION DE PROJET L’HISTOIRE TRANSMISE DU MAS MIRABEAU TÉMOIN D’UNE MUTATION AGRICOLE PASSÉE UN PATRIMOINE COMMUN EN MUTATION DES FERMES RESSOURCES, UN MAS
18 20 22 24
UN LIEU AGROÉCOLOGIQUE ET SOCIAL LA PROGRAMMATION OPÉRATIONNELLE UNE COMPOSITION PAYSAGÈRE PARTICULIÈRE UNE ARCHITECTURE SINGULIÈRE
26 30 36 40
II. FAIRE AVEC
44
LA PIERRE DE L’INTENTION DE NOS ENGAGEMENTS ... ... LA NAISSANCE D’UN DIALOGUE. ... LA TRANSITION, MAIS LAQUELLE ? ... ET CONCRÈTEMENT ?
46 47 48 49
UN RETOUR AU SINGULIER LE MICRO-TERRITOIRE L’APPROCHE PAR LE BAS
50 52
LA RÉHABILITATION PARTIELLE (P)ARTISAN D’UN MOINDRE EFFORT UNE ADRESSE À LA TUILE UTILE
54 56
L’ARCHÉOLOGIE MATÉRIELLE DES LIEUX D’OBSERVATION AUX LIEUX D’INTERVENTION
58 60
LA PROGRAMMATION PROCESSUELLE LE BON EFFORT AU BON ENDROIT DES LIEUX D’INTERVENTION AUX LIEUX D’USAGES
82 84 88 7
III. ALLER VOIR AILLEURS
102
UN TEMPS AU MAS VERS LA LENTEUR ... DE PETITES ATTENTIONS
104 106
L’OUVERTURE DU CHANTIER LE TEMPS DE VIE DU CHANTIER SAVOIR-FAIRE LES MICRO-STRUCTURES
108 112 114
... AVEC DU RECUL
119
I. SE SITUER
I. SE SITUER
D’OÙ PARLONS-NOUS ?
DE NOS SITUATIONS ... 10
Il apparaît important en premier lieu de nous situer. Ainsi pour nous, il fait sens de débuter cet objet de transmission (la plaquette) par un bref aperçu de nos deux vies. Aperçu certes rapide mais qui participe à expliquer en partie nos engagements personnels, l’affect qui nous a mené au domaine d’études Situations et puis plus tard aussi, le besoin d‘être au moins deux dans l’exercice du diplôme. Les expériences humaines si petites soient-elles ne sont finalement que des pas et ce cheminement ne pourrait s’en tenir à un projet de fin, puisqu’il est en réalité toujours au prolongement, un projet de vie.
Nous posons ici le : D’où parlons-nous ?
« Se situer - [Dans une philos. existentielle] Se définir, préciser sa position à l’égard des engagements que tout homme est censé prendre dans sa vie. Pour savoir qui tu es et ce que tu veux faire, il faut que tu décides comment tu te situes dans le monde (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 254). » (CNRTL) ici - Trouver la place dans le monde sur laquelle on est déjà assis.
... HUMAINES Antoine Chanteau. Pour raconter qui je suis, j’aime bien raconter d’où je viens. J’ai grandi à l’Estaque, un ancien village de pêcheur à la pointe de Marseille. Et pour raconter l’Estaque, il faut parler de l’entre deux. Entre les froides collines calcaires de la Nerthe et la réputation brûlante des quartiers nord. Entre les grands pins et la petite Méditerranée, entre le potager du bobo et le tas de ferraille du gitan. Entre les peintures de Braque, Cézanne, et les films de Guédiguian. C’est peut-être pour ça que j’ai toujours un peu, moi aussi, été entre deux. Entre Montpellier et Marseille, depuis 6 ans maintenant. Entre étudiant nouveau venu ici et ancien minot du quartier là-bas. Entre les amis devenus architectes et ceux devenus mécanicien bateau ou numéro d’écrou, entre la froideur de mon ordinateur et la chaleur de chaque retrouvailles. Entre l’envie d’aller voir plus loin et celle de rentrer au bercail.
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Lisa Martin. La maison d’enfance. Celle que j’ai habité dans le petit hameau de Saint Pancrace. Celle qui était encaissée dans le talus face aux champs et à la rivière de la Vallée de l’Asse. Son vaste jardin qui ne prennait pas fin sur une clôture, mais qui glissait presque infini sur l’horizon. Celle qui m’a donné du mal à l’habité en ville. Celle qui a rendu difficile de laisser le jardin pour la rue, de quitter le silence pour l’asphalte bruyant, et d’oublier l’horizon aux pieds des fronts bâtis. Celle qui m’a donné l’envie de cohabiter aussi, de partager sans séparer, et de retaper sans doute. Une maison de vieilles pierres.
I. SE SITUER
UN APPRENTISSAGE PARTICULIER
L’EXPÉRIENCE EN SITUATIONS L’ expérience vécue au Mas de Mirabeau a d’abord été l’histoire d’un prolongement. Le domaine d’études Situations avait déjà commencé une permanence sur le site, et accompagnait un projet en cours : la restructuration d’un ancien domaine viticole en un lieu d’agroécologie. Ainsi en septembre dernier, nous avons à notre tour formé un groupe d’étudiants, de jeunes diplômés, et de professeurs de diverses disciplines. Et outre la chance qui nous a été donnée d’interagir avec les premiers acteurs du projet, nous répondions aussi ce semestre à un appel à projet lancé par FabCity Campus - Cycle de la Matière - et entamions une réflexion sur le réemploi à l’échelle du site. 12
« Expérimenter - [Expérimenter renvoie à une expérience vécue] Éprouver, apprendre, décourvrir par une expérience personnelle. J’expérimente sans me lasser. Il est surprenant de constater combien le même procédé appliqué sans cesse et diversement n’épuise jamais tout-à-fait la réalité (SCHAEFFER, Recherche mus. concr.,1952, p. 16). » (CNRTL) ici - Arpenter le possible sans arrêter le réel.
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L’APPRENTISSAGE PAR LE FAIRE La permanence sur le site de Mirabeau a bousculé notre apprentissage. À raison de deux jours par semaine, parfois davantage, nous étions sur place et nos manières habituelles de concevoir s’en sont vues changées. La réflexion ne portait pas sur le résultat mais sur le processus qui y mène : expérimenter la matière de nos mains, penser la réparabilité de petits et plus gros éléments, ou encore questionner les outils pour transmettre l’acte de construire. Cet apprentissage par le faire a permis de soulever trois préalables essentiels pour nous : La première nécessité, à la base de toute situation, a été l’installation du collectif. L’ancienne bergerie du site est devenue notre base de vie et a ainsi permis l’appropriation du lieu. Si l’expérience collective a été capitale pendant ce semestre, c’est ce lieu qui a permis de la concrétiser. Et ce en permettant réflexions et pauses, repas et cafés, réunions de groupe et accueil d’invités. 14
La deuxième a été de repérer la matière disponible sur le mas et sur le territoire environnant. Priorisant la proximité matérielle, le glanage a renforcé le collectif et permis l’arpentage des alentours. Nous avons ainsi rencontré des acteurs locaux - vendeurs de matériaux et petits artisans - pour récupérer la matière dont ils n’avaient plus besoin : celle qui n’est pas utilisable (le rebut) ou celle qui a déjà été utilisé (l’usagé). Le stockage sur site est donc rapidement devenu indispensable : le hangar agricole existant a été remanié pour y installer un magasin de matériaux improvisé. La troisième nécessité, enfin, a été de donner corps à la matière en expérimentant ensemble. Nous n’avions que peu d’outils à disposition, ne connaissions pas grand-chose à la construction ni à comment mener un chantier, et encore moins aux techniques et gestes pour liaisonner l’ensemble mais cela ne nous a pas empêché d’essayer. Cet apprentissage expérentiel - entre perseverance et système D - nous a permis d’avancer malgré tout : parfois d’échouer, d’autres fois de réussir. Et comme l’exemple vaut au moins autant que les explications : de réaliser aussi des démonstrateurs constructifs.
L’ancienn
ne bergerie
Le magasin de matĂŠriaux
Les dĂŠmonstrateurs 15
Le pavillon
Le Mas de Mirabeau et les lieux du collectif
FAIRE ET P(A)NSER LE RÉEMPLOI L’appel à projet Cycle de la Matière demandait une construction en réemploi démontable et transférable sur le site d’Evry à Paris. Nous sommes partis du principe que le réemploi devait être situé pour faire sens, que les solutions n’étaient pas spécialement réplicables et que chaque situation était ainsi toujours singulière. Notre cheminement a débuté par une manipulation naïve et sensitive : toucher à la matière jusqu’à la mettre en forme, expérimenter à échelle 1 et ainsi tendre à faire correspondre la matière disponible à une résolution technique située. Le réemploi prend sens pour nous en prolongeant le rôle de la matière et en légitimant son existence : une tuile peut ne pas devenir du remblai.
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Pour construire, la question s’est posée : quel équilibre donner entre la technicité normative de la culture dominante et les pratiques plus vernaculaires - anciennes ou émergentes - en lien direct avec le génie du lieu ? Les constructions successives ont été intrinsèquement adaptées à la situation de terrain. Cette recherche de réemploi efficient a été nourrie d’essais à l’échelle 1, mais pas seulement. Le dessin, que ce soit pour la modélisation ou la transmission d’idées, s’est révélé aussi indispensable. Et au fil des aller-retours entre test matière et croquis, les médiums se nourrissaient mutuellement. Après les premiers essais-matières, des démonstrateurs ont pris forme - des treillis métalliques et des pierre organisés en gabion, des parefeuilles et de la terre empilés en arche, des treillis bois et des chutes recomposés en fermes-treillis - nous amenant progressivement aux liaisons matérielles particulières de ce pavillon en réemploi. L’idée a été de matérialiser des propositions constructives situées. Cependant, il est important de noter que le glanage a très vite eu des limites : les acteurs rencontrés ont déjà leur mode de traitement et cela rend la récupération de matériaux à l’échelle de la commune chronophage et peut efficiente dans la durée. Le système de production en place inhibe la mise en place d’une économie circulaire matérielle et durable. Cela a participé à marquer nos premières frustations sur le réemploi, et nous a nous questionné : l’acte de construire peut-il se résoudre à faire avec ?
Matières
Compositions
Ouvrages
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Le pavillon et les vielles pierres du mur d’appui
I. SE SITUER
LA SITUATION DE PROJET L’HISTOIRE TRANSMISE DU MAS MIRABEAU Cette histoire nous a été transmise lors de nombreux moments d’échange pendant ce semestre au mas. Notamment par Fabien Lépine, chef de projet au Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) et accompagnant à la maîtrise d’ouvrage sur le projet actuel du domaine de Mirabeau. Mais aussi grâce au regard d’étudiants qui nous ont précédé, comme Léanna et Étienne, et plus tard celui d’enseignants, de camarades d’atelier et de fabrèguois pour qui ce projet a été un sujet de réflexion collective, nous y compris.
« Transmettre - [Le suj. désigne une pers.] Faire passer d’une personne à une autre, faire parvenir quelque chose à quelqu’un. Le mot ne transmet pas la chose, mais l’image de la chose (CULLMANN, DENIS-PAPIN, KAUFMANN, Calcul informationnel, 1960, p. 102). » (CNRTL) ici - Donner le temps, l’impulsion.
18
19
TÉMOIN D’UNE MUTATION AGRICOLE PASSÉE Situé en limite sud-ouest de la métropole de Montpellier, le Domaine de Mirabeau appartient à la plaine agricole de la commune de Fabrègues, au pied du massif de la Gardiole. Anciennement part du grand Domaine de Mujolan, il est né d’une séparation en héritage. Il est ainsi le témoin d’une mutation agricole passée : de l’extension urbaine, de la pression foncière, et de la disparition progressive des terres arables. Son histoire est à l’image de la rupture subie entre ville et campagne.
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Au XIXème siècle, il est pourtant un grand domaine productif et fleurissant basé sur une polyculture-élevage locale et témoin d’une organisation de bon sens. La figure séculaire du mas languedocien y abrite les besoins d’habitation et d’exploitation agricole, nécessaires au fonctionnement du domaine. Cette figure est à l’interface de la roche affleurante et de la plaine alluviale, et son activité a participé à la formation d’une matrice agronaturelle particulière. En effet, la coévolution entre les paysages naturels originels et les organisations humaines - et adaptations écosystémiques qui y sont liées - montrent une coévolution possible entre plante, Homme et animal. Le pastoralisme passé du massif de la Gardiole a causé une pression par herbivorie sur ces plantes de garrigue qui ont fini par développer des stratégies de résistance propre tout en profitant de la matière organique issue de leur digestion. L’agriculture était encore le reflet d’une gestion résiliente de l’environnement et des bénéfices réciproques des vivants et de leur milieu.
Agriculture et campagne
Extension des villes
Après la guerre, la voie de l’industrialisation et de la spécialisation n’épargne pas le secteur agricole et transforme peu à peu cette matrice en un modèle économique concurrentiel. Victime de la mécanisation accrue et d’une simplification paysagère, le domaine abandonne son modèle de transferts organiques pour une exploitation viticole intensive à l’image du territoire languedocien : la production massive de vin fait vendre mais contraint le territoire à une dépendance agricole de par sa spécialisation.
Métropolisation et monoculture
Juvignac
Montpellier
Saint-Jean de-Védas
Saussan
Cournonterral Fabrègues Villeneuvelès-Maguelone
DOMAINE DE MIRABEAU Montbazin
Gigean
Massif de la Gardiole
21
Mireval
Balarucle-Vieux Frontignan
Sète
Mer Méditerranée
1 km
Vue aérienne : En limite péri-urbaine
2km
UN PATRIMOINE COMMUN EN MUTATION À l’époque sur le domaine, seules les parcelles mécanisables sont cultivées tandis que les autres sont laissées en libre évolution. La fin du pastoralisme entraîne ainsi une érosion massive des basses collines due en partie à la fin de la stratégie de pression par herbivorie. La perte de l’approche co-évolutive puis la mauvaise valorisation de la production finissent par faire péricliter le domaine. Ne pouvant pas réaliser les investissements nécessaires pour se moderniser, il tombe en désuétude. Son modèle économique basé sur la monoculture finit par le rendre obsolescent, et marque le début de la déterritorialisation agricole : les territoires nourrissent de moins en moins ceux qui y vivent.
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La position péri-urbaine de la commune de Fabrègues, et le phénomène de métropolisation lié à sa proximité, soumettent le domaine à une pression urbaine forte. En 1962, l’autoroute A9 est construite et impose une rupture physique entre le mas et le massif de la Gardiole. Des années plus tard en 2004, la filiale Sita appuyée par l’agglomération de Montpellier, envisage l’implantation d’un centre d’enfouissement de déchets sur le domaine. La commune et ses habitants s’opposent fermement à ce projet et forment la plus grande association environnementale du département : Les Gardiens de la Gardiole. Après dix années de lutte citoyenne, le projet de décharge finit par être abandonné et le Domaine de Mirabeau prend une place importante dans le cœur des fabréguois. Il est racheté en 2014 par la commune de Fabrègues et prend la qualité de patrimoine commun.
Préservation des espaces naturels
Conservation des terres arables
Rattaché ainsi publiquement au territoire fabréguois, il témoigne d’un engagement de la commune sur la préservation des espaces naturels et devient un support fécond de projet. En 2016, forts d’un partenariat engagé, la commune et le Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon (CEN-LR) bâtissent ensemble un projet exemplaire d’avenir : l’Agroécopôle de Mirabeau.
Réhabilitation d’éléments structurants
Saussan
Cournonterral
Fabrègues
Plaine agricole fabrégoise
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DOMAINE DE MIRABEAU Montbazin
Massif de la Gardiole
A9
Mireval
Vue aérienne : Entre plaine et massif
0.5 km 1km
DES FERMES RESSOURCES, UN MAS Le projet d’Agroécopôle de Mirabeau s’insère dans la Politique Agroécologique et Alimentaire (P2A) de la métropole de Montpellier (3M). Un réseau de fermes ressources est à réactiver au sein du territoire montpelliérain et la commune de Fabrègues est ainsi accompagnée par des investissements extérieurs propres aux capacités du territoire métropolitain. Cependant, de ces fermes ressources doit se dégager la singularité propre du Mas de Mirabeau. Chaque situation est différente et demande un approfondissement local. En tant que patrimoine commun, il est avant tout au service de ces proximités, alimentant ainsi les fabréguois, les cantines des écoles et les communes alentours qui n’appartiennent pas forcément à la métropole mais qui profitent pourtant d’une proximité géographique forte. Nous émettons ici déjà l’envie d’appronfondir cette micro-localité, en recul d’un quelconque rayonnement métropolitain et de son instrumentalisation territoriale mégalomane. 24
Ferme ressource
Croquis : Le Mas de Mirabeau et les ferme
es ressources sur le territoire languedocien
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UN LIEU AGROÉCOLOGIQUE ET SOCIAL Le projet d’Agroécopôle de Mirabeau est lauréat de l’appel à projet Site pilote pour la reconquête de la biodiversité lancé par l’ADEME en 2017, et entre dans un Programme d’Investissements d’Avenirs (PIA) initié en 2010 par l’État. Ainsi, il est encore aujourd’hui en évolution et témoigne de multiples ambitions. Il vise avant tout à préserver la biodiversité, à s’engager dans des pratiques agricoles vertueuses, et à sensibiliser un large public aux enjeux environnementaux et sociétaux actuels.
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La dénomination d’Agroécopôle est issue de la contraction d’agroécologie - agriculture et écologie - et de pôle. Ce terme choisi par les porteurs de projet vise à souligner les dimensions plurielles de ce lieu d’agroécologie durable : celle de l’agriculture à l’alimentation, de l’écologie, de l’économie, du social, de la pédagogique au vivre-ensemble, et de recherche à la formation. Des dimensions qui traduisent la multifonctionnalité souhaitée et nécessaire pour rebâtir le monde agricole de demain, de l’insertion sociale à la défense des écosystèmes : une réorganisation saine des vivants en somme, de l’humain à la faune et à la flore. Ce projet est en cours d’opération et une première partie a déjà été réhabilitée en 2019 pour l’installation de Pauline Chatin. C’est la première active à prendre part au projet avec une exploitation viticole d’insertion : elle vise à former des ouvriers agricoles. En début d’année, la sélection des autres actifs a fait naître l’écosystème humain de Mirabeau, le non-humain étant déjà installé sur le mas. C’est à la suite d’un appel à candidatures dûment étudié que ces personnes ont été sélectionnées en janvier 2020. Le jury comprenait les représentants de la maîtrise d’ouvrage et d’autres acteurs essentiels au projet, dont Fabien Lépine et Pauline Chatin. L’idée est de construire ensemble la situation de projet et d’accompagner dans le temps, l’installation progressive des actifs.
Favoriser une consommation par circuits courts
Retrouver la fonction productive et circulaire du domaine
Produire un modèle économique équilibré
ÉCONOMIQUE
AGRICOLE & ALIMENTAIRE
Proposer un lieu dynamique et attractif
Sensibiliser aux enjeux de la biodiversité et de l’agriculture durable par des animations
Produire bio et local
Diversifier la richesse agricole (viticulture, maraîchage, arboriculture, pastoralisme, oléiculture)
Devenir un lieu accueillant et accessible à tous
PÉDAGOGIQUE & VIVRE-ENSEMBLE
27 Proposer un apprentissage de terrain (stages et formations)
Réaliser une restauration écologique du domaine coconduite avec les activités agricoles Expérimenter et développer des pratiques agroécologiques innovantes
ÉCOLOGIQUE
Établir des systèmes de production durables en synergie avec la biodiversité
Développer de la solidarité et des liens intergénérationnels Les ambitions du projet d’Agroécopôle
RECHERCHE & FORMATION
Accompagner les personnes en difficulté vers un emploi durable
SOCIALE
Axelle Bodoy Arboricultrice et apicultrice
Arbres fruitiers et ruches
Pauline Chatin Vigne de Cocagne
Production de secs et de miels
Exploitation vino-viticole et insertion sociale
POLYCULTURE
Vignes et oliveraies
Production de vins et d’huile d’olive
L’écosystème Mirabe Composition géologiq architecturale, faune et 28
Thomas Richaud & David Jardins de Cocagne Mirabeau
Maraîchage biologique et insertion sociale
Terres et semis
Production de paniers de légumes
Él
Achat d
Ouvriers agricoles Citoyens en formation temporaire sur le domaine
Organigramme : L’écosystème de Mirabeau
Fabien Lépine Chef de projet au CENLR et maitrise d’ouvrage déléguée
Fabrègues Noyau humain
Territoire Usagers autres
Fabrégois Citoyens de la commune
Mairie de Fabrègues Maitrise d’ouvrage
eau que, t flore
Alison Lino, Béranger Miras & Liam Poly-élevage Mirabio
Élevage caprin mixte et ovin allaitant, atelier de poule pondeuse et engraissement porcin
POLYÉLEVAGE Chèvres, brebis & poules
Pierre Bouteiller levage de porcs en plein air
de porcs post-sevrage, engraissement
Porcs
Production viande, abattage et mise sous vide à Pézenas
Production fromagère et de produits laitiers, valorisation de la viande de chevreau et d’œufs de poules
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LA PROGRAMMATION OPÉRATIONNELLE Dès notre arrivée sur le Mas en septembre 2019, nous entendions parler des projections qui étaient faites sur le programme prévu. Encore floues à ce moment là, ces questions programmatiques se sont ainsi précisées en janvier 2020, avec le tableau de surface ci-contre mais surtout pour l’installation progressive des quatres autres actifs, au centre du projet. Les locaux (indépendant,mutualisé ou public) sont divisés en pôles d’usages, et quantifiés par la surface de plancher qu’ils occuperont. Nous avons aussi eu l’opportunité de discuter du projet avec Fabien Lépine, précédemment cité. De par son rôle, il a participé aux réflexions autour des questions programmatique, et un soir sur un coin de table, il a partagé avec nous la mise en espace projetée dans les différents corps de bâti (ci-après).
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Ainsi, la dimension concrète est pour nous une richesse, en ce sens où elle rend plus tangible ce projet pédagogique : notre apprentissage. Elle a donc été parmi les premières pierres observées, sujets de nos réflexion et de nos positionnements.
* Programmation participative : le domaine Situations et la réflexion sur la matière.
Pavillon construit
Cour publique
Cour privée
Diagramme programmatique
DOCUMENT DE TRAVAIL
27/02/2020
REHABILITATION DU DOMAINE AGRICOLE DE MIRABEAU ET LA CREATION D’UN AGROECOPOLE 22/01/2020 LOCAUX
1 Pôle Administratif et Agricole
Administratif
1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6
Accueil / vestiaire dans circulation Bureaux Tisanerie / salle de réunion (10 p) / refectoire Sanitaires (2WC PMR H/F) Archive / Photocopieur Vestiaire mutualisé HF (15p) avec douches
2 Pôle Bergerie
2.1 Bergerie (stabulation animaux) et salle de traite 2.2 Stockage fourrage, matériel 2.3 Atelier Transformation, bureau, chambre froide
Productif
3 Logement
3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6
Cuisine Salon Chambres WC Salle de bain Cave / Buanderie
4 Tiers Lieu Citoyen, Formation
Formation
4.1 Salle principale 4.2 Office avec Stockage 4.3 Sanitaires (2WC PMR H/F)
5 Pôle Agro-alimentaire
5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6
Hébergement
Hangar de transformation post récolte Laboratoire de transformation (miel, confiture, pestos,...) Chambre froide maraicher Espace composition panier Stockage emballage Stockage produits transformés longue conservation
6 Hébergement du gite
6.1 6.2 6.3 6.4 6.5
Chambres 4 pers. Chambre 2 pers. Cuisine Sdb Sanitaires (2WC PMR H/F)
7 Pôle de vente / Accueil / Gardien
7.1 Point de vente collectif mutualisé 7.2 Local gardien
Public
8 Salle multifonction
8.1 8.2 8.3 8.4 8.5
Accueil / vestiaire Salle de réception / formation / séminaire Office Bloc sanitaire Stockages / local ménage
9 Stockages agricoles
9.1 Stockage commun type hangar 9.2 Atelier bricolage 9.3 Stockage vin/viticole
Démolition prévue
SURFACE UTILE UNITAIRE
SURFACE UTILE TOTALE
1 4 1 1 1 2
6 m² 12 m² 50 m² 10 m² 6 m² 30 m²
6 m² 48 m² 50 m² 10 m² 6 m² 60 m²
1 1 1
430 m² 150 m² 120 m²
430 m² 150 m² 120 m²
1 1 3 2 1 1
12 m² 30 m² 12 m² 3 m² 10 m² 14 m²
12 m² 30 m² 36 m² 6 m² 10 m² 14 m²
1 1 1
100 m² 14 m² 10 m²
100 m² 14 m² 10 m²
9 ESPACES EXTERIEURS
9.1 9.2 9.3 9.4 9.5 9.6 9.6 9.7 9.8
INECO | AMOE | MDTS
Voirie d'accès Parking public Parking privé Parking PMR Parvis d'accès aux zones publiques Parvis d'accès agricole Cour publique Cour privée Assainissement
SURFACE PLANCHER
180 m²
207 m²
700 m²
700 m²
108 m²
119 m²
124 m²
124 m²
380 m²
399 m²
115 m²
127 m²
77 m²
81 m²
429 m²
450 m²
433 m²
450 m²
1 1 1 1 1 1
100 m² 60 m² 50 m² 60 m² 30 m² 80 m²
100 m² 60 m² 50 m² 60 m² 30 m² 80 m²
3 1 1 1 1
23 m² 14 m² 12 m² 10 m² 10 m²
69 m² 14 m² 12 m² 10 m² 10 m²
1 1
65 m² 12 m²
65 m² 12 m²
1 1 1 1 1
23 m² 335 m² 20 m² 26 m² 25 m²
23 m² 335 m² 20 m² 26 m² 25 m²
1 1 1
200 m² 33 m² 200 m²
200 m² 33 m² 200 m²
TOTAL SURFACE UTILE TOTAL SURFACE PLANCHER ESPACES
Programme simplifié
UNITE
2 431 m² 2 530 m² UNITE
EMPRISE AU SOL UNITAIRE
EMPRISE AU SOL TOTAL
1 130 30 5 1 1 1 1 1
500 ml 22 m² 22 m² 25 m² 850 m² 450 m² 2 200 m² 2 420 m² 250 m²
1 500 m² 2 860 m² 660 m² 125 m² 850 m² 450 m² 2 200 m² 2 420 m² 250 m²
11 315 m²
31
32
33
Projection du programme d’Agroécopôle par Fabien Lépine, Janvier 2020.
PÔLE DE VENTE
SALLE MULTIFONCTION
CAVE VITICOLE
(R-1) STOCKAGES AGRICOLES
34 COUR PUBLIQUE
(R+1) LOGEM ENT (R+1) HÉBERGEMENT DU GÎTE
PÔLE AGRO-ALIMENTAIRE
FORMATION
PÔLE BERGE RIE
COUR PRIVÉE
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PÔLE ADM INIST RATI F ET AGRI COLE
Organnigramme : Le programme général de l’Agroécopôle
UNE COMPOSITION PAYSAGÈRE PARTICULIÈRE Le Domaine de Mirabeau est à l’interface du massif de la Gardiole (garrigue de la Lause) et de la plaine alluviale fabrégoise (affleurement rocheux du Jurassique). Il est ainsi un trait d’union entre deux paysages variables et sa position basse le fait profiter d’une composition géologique particulièrement qualitative : un sol profond résultant des ruissellements hydrauliques successifs et de la sédimentation in fine. Laissé à l’abandon pendant des décennies, il est redevenu un réservoir de biodiversité : un écosystème tranquille s’y est développé. Sa composition paysagère actuelle est riche, entre monoculture révolue et nature qui reprend ses droits. En cohérence avec les ambitions de préservation de biodiversité du projet, cette richesse a toutes ses chances de perdurer.
36
Le massif de la Gardiole
Le paysage pastoral
Croquis en coupe : Du sédiment au paysage
L’A
A9
Les quelques 220 hectares de terres abritent un espace forestier protégé, une dizaine d’hectares de vignes anciennement conventionnelles, des espaces de cultures annexes comme des oliveraies ou une parcelle plantée en trufficulture, des marres, des friches et l’ensemble des êtres vivants qui y a pris refuge.
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Le Domaine de Mirabeau
La plaine agricole fabrégoise La pinède
Le Mas
Le vignoble conventionnel
L’aiguerelle
38
Le Mas
Le Domain Mirabe
Viticulture
Maraichage
Herbage Elevage
Oleiculture
IAE (Bosquets)
Parkings / Poules mobiles
Truiculture
Engraissement porcin
Potager pĂŠdagogique
Arboriculture
Naissance porcin
Lombri-arboricole
La plaine agricole fabrégoise
39
ne de eau
L’A9
Mares existantes Mares créées
Le massif de la Gardiole
Vue aérienne : L’occupation de l’écosystème de Mirabeau dans le vaste domaine
UNE ARCHITECTURE SINGULIÈRE À l’origine du corps architectural, les matériaux qui le constituent sont naturels et locaux. Ils ont donc consommé peu d’énergie et ont émis peu de CO2 dans leur cycle de vie. La composition architecturale du mas témoigne ainsi de bon sens des choix séculaires pour des ressources concrètes et microlocalisées. En effet, comme beaucoup de ces constructions dans la région, la pierre est employée en quantité et s’adosse au terrain. Cependant de part sa singularité, on discerne des ajouts, transformations et peties réparations successives qui racontent son histoire et la particularité de ses usages. L’ouvrage de pierre s’insère dans la pente et profite d’un ancrage direct sur l’affleurement rocheux. Le rapport à la pente et au cycle de l’eau y est fort et évoque une économie de moyens : les sols sont perméables, des gouttières aériennes conduisent les eaux de pluie dans un réservoir, des marres forment des lieux d’humidité propice en bas de terrain. 40
Ce mas se compose de 2200 m2 de bâti, organisé en trois parties distinctes autour de deux cours : la cave viticole et le grand chai en bas de pente et à demi-enterré ; le corps de ferme, l’aile actuelle de bureaux et le patio ; et enfin le hangar agricole. Le site abrite le vivant et n’a en ce sens jamais cessé d’être un lieu support de vie : des faucons crécerelles nichent entre les bas de tuiles et les parefeuilles, des chauve-souris ont trouvé refuge dans les vieilles charpentes, des lézards ocellés se cachent sous de vieilles pierres. Le composition de ces lieux constitue une richesse pour la démarche de projet et fait l’objet plus loin d’une attention approfondie.
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41
Croquis : Pente et porosité
Le grand chai La cave viticole réhabilitée
Le réservo
La cour publique Le petit hangar Le corps de ferme
42
L’entrée du site
La cour productive
L’aile de b
Axonométrie existante : Le Mas de Mirabeau et les bâtis
L’ancienne maison du berger
oir d’eau
L’ancienne bergerie
Le pavillon
Le mur d’enceinte Le patio
Le hangar agricole
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L’oliveraie
La serre à plan
bureaux actuelle Le potager
II. FAIRE AVEC
II. PROCESSUS DE PROJET
LA PIERRE DE L’INTENTION
DE NOS ENGAGEMENTS ... 46
La définition de la situation à laquelle nous avons pris part - qu’elle soit humaine, pédagogique, géographique, historique ou contextuelle, - nous parait être une indispensable introduction. Néanmoins avant de poursuivre, nous souhaitions prendre le temps de raconter nos intentions. Les pages qui suivent - sous forme de dialogue - constituent une des premières pierres que nous avons posé pour construire ce projet de fin d’études. Peut-être un peu trop utopiques, quelque peu modifiées en cours de route, ces intentions de départ nous semblent pourtant toujours être légitimes, sincères et nécessaires à la narration de nos idées.
« Prolonger - [Dans le temps] Accroître la durée de vie de, faire durer plus longtemps qu’il n’était prévu ou prévisible. » (CNRTL) ici - Faire et durer avec.
... LA NAISSANCE D’UN DIALOGUE Antoine Chanteau. Depuis que je porte mon regard sur les étudiants qui travaillent sur leur PFE, ce que je vois ne me plait pas. Et cela n’a pas l’air de leur plaire non plus. Le projet de fin d’études, de manière générale à l’ENSAM, ressemble à une ultime bataille solitaire de fin d’études. Et si, aujourd’hui, la bataille fait peut-être sens, je ne vois pas l’intérêt qu’elle soit solitaire. De la solitude donc, pour commencer. Si le PFE est la dernière étape du cycle des études en architecture, alors il se doit de préparer l’étudiant à la sortie de l’école. Et j’ai le sentiment qu’une fois entré dans le monde du travail, nos interlocuteurs vont tendre à se multiplier. Et j’ai le souhait que ce projet de fin d’études puisse être vecteur d’ouverture et de dialogue, plutôt que d’enfermement. Ce souhait se traduit pour l’instant en 3 points : Premièrement, le principe d’équipe de ressources pédagogiques du domaine d’études Situations. Deuxièmement, le fait d’entreprendre ce projet en binôme et non en cavalier seul. Enfin, le fait d’évoluer dans une situation concrète de projet et d’être en contact direct et régulier avec les acteurs de ce projet.
47
Lisa Martin. Cette lettre d’intentions fait ainsi état d’une approche collective, d’un compromis entre deux individus qui se connaissent peu mais qui avance ensemble, à deux avec les autres, pour trouver un horizon commun. Les autres, c’est tous les actifs agricoles qui s’installent peu à peu sur le site du Mas Mirabeau comme Pauline la viticultrice ou encore ceux qui portent le projet comme Fabien Lépine du CEN, sans oublier les S8 et les enseignements de Situations qui éprouvent toujours le site. En bref, toutes celles et ceux qui sont embarqués d’une manière ou d’une autre dans ce projet, et nous avec eux. Le mas agricole est en cours de restructuration autour de la polyculture-élevage et se veut l’ébauche d’une gestion locale agroalimentaire et écosystémique. Nous éprouvons le site depuis septembre dernier et cela nous offre la possibilité d’expérimenter une situation concrète de projet et continuer un processus. En réalité le projet de fin d’études pour moi, loin d’être le projet d’une fin, est plutôt celui d’un prolongement. Le prolongement d’un mas en reconstruction, celui de la restructuration d’une économie circulaire locale, celui d’un retour au territoire. Plus profondément, ce prolongement est l’opportunité de faire transition.
... LA TRANSITION, MAIS LAQUELLE ? A.
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De la transition écologique, alors. Si le PFE est le moment de l’autonomie, il doit selon moi être reflet d’un engagement. Et la culture constructive et architecturale dominante ne semble pas très sensible à la situation de crise écologique. J’ai donc pour espoir que ce projet final soit le reflet des valeurs que nous portons, ma binôme et moi-même. Ces valeurs qui peuvent aujourd’hui être développées comme telles : Premièrement, à l’échelle du bâti du Mas Mirabeau. Dans la continuité du travail sur le réemploi entamé au S9, nous souhaitons que la gestion des matériaux de construction mobilisés soit en cohérence avec les problématiques de cycles de la matière. Nous souhaitons également que la mise en architecture traduise notre soucis de frugalité énergétique dans la construction du bâtiment et dans ses vies futures. Ensuite, à l’échelle du territoire Fabréguois. Ces soucis de vertu dans le choix des matériaux, des formes et des usages du mas doivent s’inscrire en cohérence avec le territoire qui l’entoure. Cela passe par la compréhension des savoir-faire, des savoir-vivre et des ressources qui s’y trouvent, et leur articulation dans le cas singulier du Mas Mirabeau. L. Viscéralement, l’architecte - ou humain - que nous avons besoin d’être, rêve de reterritorialisation, reterritorialisation des ressources matérielles, alimentaires, énergétiques, et surtout humaines. Reterritorialisation des gens qui ne savent plus ce qu’ils achètent, mangent, consomment ou partagent mais qui ont pourtant toujours garder la capacité à construire ensemble leur propre situation. Le Mas Mirabeau est un projet fort sur le plan de l’agriculture, et s’arme déjà d’acteurs pour une transition agricole commune. L’intention nous pousse à interroger les analogies qui peuvent se faire entre architecture et agriculture, et à comprendre comment une restructuration locale du secteur de la construction pourrait aussi se faire. Ainsi, le bâtiment de pierre est la matière première du projet et a besoin de se coupler à des savoirs constructifs locaux, à des matériaux disponibles et à la matière bio-géosourcée du site et du territoire environnant. Nous avons besoin de faire de la localité, une ressource concrète et tangible de projet.
... ET CONCRÈTEMENT ? A. De la dimension concrète, donc. Si les valeurs évoquées plus haut nécessitent bien de batailler, cette bataille ne peut pas se dérouler seulement sur une feuille de papier ou sur un écran. Il est certain que les outils traditionnels de représentation architecturale sont nécessaires pour mettre en forme et communiquer nos idées. Mais la situation opérationnelle de l’Agroécopôle, les acteurs qui y évoluent et le territoire dans lequel il s’inscrit forment une situation concrète. Situation concrète qui est une opportunité unique pour éprouver nos idées. Que ce soit par le faire, en manipulant la matière pour enrichir le dessin, ou par la rencontre, en confrontant nos idées aux instances décisionnelles actuelles. Comment savoir l’architecte que je souhaite être, si je ne prends pas la mesure de ce que cela implique ? 49
L.
Et comment prescrire si je ne comprends pas ce que le fait de construire implique ? Ainsi, construire une situation ensemble ne peut avoir pour fondement qu’une maîtrise d’œuvre collective duquel l’architecte, à travers son regard et ses outils, devient un médiateur de l’acte de construire. Le médiateur du liaisonnement étroit de savoir-faire constructifs, de test à échelle 1, de résolution technique sur site par l’expérimentation, et de cette essentielle reterritorialisation du faire projet.
II. PROCESSUS DE PROJET
UN RETOUR AU SINGULIER
LE MICRO-TERRITOIRE 50
Nous n’avons pas souhaité commencer par une analyse globale du territoire comme la convention l’aurait voulu. Il ne faisait pas non plus sens pour nous de chercher un raisonnement universel pour cette situation si particulière. Nous nous sommes essayés à abandonner la linéarité projectuelle qui enraye les singularités locales, ici celle du Mas de Mirabeau. Nous ne disons pas refuser d’élargir le projet aux situations territoriales et à leurs différentes échelles, cependant nous donnons priorité à l’attention particulière de la petite échelle. En effet, la situation occupée du mas et du projet en train de se faire questionne forcément celle, plus large, du territoire et de l’agriculture et surtout pour nous, de l’architecture. Nous suivons sans doute la trace de territorialistes tel qu’Alberto Magnaghi qui disait : « Le siècle n’est plus à l’extension des villes mais à l’approfondissement des territoires. » Et nous courrons même surement, vers l’approfondissement du micro-territoire.
« S’engager - PHILOS. Poser un acte volontaire effectif. Lier (sa conscience) par une promesse, une convention ou une obligation librement consentie, en vue d’une action précise ou d’une situation donnée. Il me semble que vouloir c’est en somme s’engager (MARCEL, Journal, 1919, p. 283). » (CNRTL)
ici - Jouer volontairement sa propre réalité.
« À quelle idée de territoire proposons-nous de retourner ? (...) Les villes, les collines en terrasses, les campagnes travaillées et les forêts cultivées ont des métabolismes qui se transforment au fil des civilisations qui se succèdent, mais en tout cas des métabolismes qui caractérisent les structures vivantes. Ainsi, en tant que produit d’une relation entres vivants (l’homme et la nature), le territoire est continuellement nourri et soigné ; sinon il peut tomber gravement malade et même mourir lorsque la relation synergétique s’interrompt, comme dans les phases de crise des civilisations, et renaître seulement grâce aux nouvelles formes de soins pratiquées par la civilisation suivante. Dans la civilisation des machines, la culture de la domination sur la nature a provoqué l’interruption des rapports de coévolution avec elle et, par conséquent, l’interruption des soins au territoire, traité de manière réductrice comme une pure extension, un support isotrope et inanimé où placer des objets, des constructions et des machineries. En conséquence, dans la période de maturation de cette civilisation (une civilisation - de la grande fabrique fordiste à l’hyperespace télématique mondialisé - qui a eu la présomption de pouvoir se passer de la nature et de l’histoire, donc du territoire des lieux), il s’est établi une drôle de coutume, arrogante, qui ne tient pas compte de l’autre, de la nature, et encore moins du milieu ambiant de l’homme, comme système vivant. En employant «à l’envers» la métaphore de la construction d’un édifice (Magnaghi 2014a) dans le territoire, on construit d’abord le toit, puis les murs, les planchers, et enfin les fondation. Avec ce « style de construction » bizarre du territoire, on décide d’abord d’urbaniser sans règles, limites ou confins les rives fluviales, les campagnes, les fonds de vallée - et, en perspective, le monde tout entier avec ses six milliards et quatre cents millions d’urbanisés prévus par l’ONU d’ici à 2050 (UNDESA 2015) - suivant les intérêts à court terme de l’économie, de la finance mondiale et de la rente foncière, en traitant les dégâts environnementaux causés par cet avancement de l’urbanisation avec des prothèses technologiques et des mesures d’urgence. Puis, chaque fois, on s’aperçoit ensuite, que : la consommation exponentielle du terrain agricole le plus fertile au profit de l’urbanisation a rendu ce bien dramatiquement rare, à l’époque où la croissance vertigineuse de la population urbanisée (surtout d’agriculteurs expulsés de la terre qui se sont d’abords déplacés dans les villes du Nord, et maintenant dans les megacities du Sud-Est du monde) nécessite toujours plus de nourriture, sans plus pouvoir la produire ; les réseaux écologiques sont interrompus, fermés, fragmentés, les passages des vallées bouchés par des urbanisations continues ; l’air, l’eau, le sol et le sous-sol sont rendus pollués et stériles, ce qui entraîne une importante baisse de la qualité de vie ; l’urbanisation diffuse (posturbaine) par des zones industrielles préfabriquées, des plains-pieds, des supermarchés, des hôpitaux et des immeubles à étages, méga-infrastructures pour les connexions internationales, aboutit à une baisse constante de la qualité architecturale et urbanistique et des paysages toujours plus ravagés, ce qui amenuise la qualité de la vie urbaine, jusqu’à la «mort de la ville» prédite par François Choay (1994) ; les citoyens d’un temps, transformés en consommateurs et usagers, sont expropriés de leurs savoirs contextuels, ne savent plus d’où viennent la lumière, l’énergie, l’eau, la nourriture, la santé, à un moment biens communs de reproduction de la vie biologique des communautés, désormais marchandises produites par les grandes entreprises sur le marché mondial, toujours plus éloignées et coûteuses ; (...). Il ressort avec force de ce « cahier de doléances » synthétique que le milieu ambiant de l’homme, le territoire, nécessite aujourd’hui beaucoup de soin. » (Alberto Magnaghi, La conscience du lieu, Le retour au territoire pour une nouvelle civilisation : Le territoire comme espace vivant.)
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L’APPROCHE PAR LE BAS L’approche par le bas a commencé pour nous par l’épreuve corporelle, sensible du micro-territoire du Mas Mirabeau. Cependant, il existe une analogie essentielle entre l’agriculture et l’architecture - entre l’agri et l’archi culture - qui nous pousse à penser l’entremêlement de l’une dans l’autre : De même qu’un retour vers une agroécologie est viable et soutenable pour le secteur agricole, un retour vers le réemploi l’est pour le secteur de la construction. L’histoire passée de l’industrialisation et de la mondialisation a pulvérisé les interbénéfices liés aux ressources dont nous disposons. Les synergies et relations écosystémiques ont presque disparues et nous avons fait - à tord - dépendre le local du global.
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La crise dans laquelle nous nous sommes retrouvés ces derniers mois témoigne des mauvaises fondations du territoire. « Plutôt que de réparer sans cesse des crises comme celle du Covid-19, la seule véritable assurance vie que l’on puisse transmettre aux prochaines générations est une politique de prévention en matière sanitaire et alimentaire. »* Cette crise nous a mis face à une évidence : « l’extrême fragilité de nos sociétés et notre interdépendance planétaire. »* Les territoires sont autant dépendants les uns des autres qu’ils le sont du mondial. L’autonomie est presque inexistante. Pourtant, la souveraineté liée à une gestion agro-alimentaire locale regagne en évidence aux yeux de tous : l’alimentation n’est pas une chose qui se délègue, et nous sommes sûrs que l’acte de construire non plus. Aujourd’hui, nous avons besoin de retrouver un certain équilibre, une échelle tangible et une gestion localisée des cycles de la matière. Progresser - loin de l’innovation mégalomane du high-tech - se traduit pour nous par un retour vers des matières plus écologiques et disponibles à l’échelle du micro-territoire, comme le bio et le géosourcé. Ce retour au singulier n’est pas forcément nostalgique du passé mais a le souhait pourtant de réconcilier la culture de l’Homme avec la nature qu’il a oublié. En effet, ces matériaux circulaires sont complètement indépendants de la culture industrielle du déchet et sont ainsi employables et réemployables dans le temps : pierre, terre, paille etc. Ils peuvent ainsi retourner à la Terre presque aussi facilement qu’ils en sont sortis : il n’y a pas de rupture dans le cycle.
*Covid-19 : Pour une agriculture et une alimentation du XXIe siècle. 8 avril 2020, Libération.
D’autre part, ce retour au singulier traduit aussi pour nous un retour vers un travail à échelle humaine, où l’outil est là pour l’accompagner et non pour le subordonner, et où il prolonge son geste. Nous nous intéressons particulièrement aux relations humaines qui font projet : des porteurs de projets, des actifs sur le site, des artisans sur le chantier, des savoir-faire sur le micro-territoire. Nous nous intéressons à l’encapacitation humaine. Nous intérogeons aussi la décroissance. C’est une notion qui a beaucoup de sens pour nous et loin d’abandonner complètement le progrès comme beaucoup le pensent, elle nous permet sans doute de progresser en agissant sur un monde à notre échelle. De même que l’agriculture, peut-on relocaliser l’acte de construire ? 53
Croquis : Ressources et cultures construites
II. PROCESSUS DE PROJET
LA RÉHABILITATION PARTIELLE
(P)ARTISAN D’UN MOINDRE EFFORT 54
Le cas de la réhabilitation est peu enseigné dans les ENSA et demande de repenser les approches conventionnelles de projet. Elle demande une connaissance appronfondie de l’existant afin de s’y insérer. Cette attitude sur une réhabilitation partielle pose pour nous la question d’un juste effort, du bon sens, d’un équilibre, et répond à la problématique centrale : L’acte de construire peut-il se résoudre à faire avec ? Faire avec la matière de site, faire avec les ressources humaines d’un territoire ?
« Réhabiliter - [Le compl. désigne un objet] Rendre à quelqu’un la qualité, la grandeur (qui est la sienne). ARCHIT. [En parlant de bâtiments, d’un quartier] Remettre en état. » (CNRTL)
Nous sommes (p)artisan* d’un moindre effort en ce qui concerne la gestion matérielle du projet. Les ressources du site - qu’elles soient bâties ou disponibles - sont laissées sur place et ne demandent qu’à se recomposer. Elles sont pour nous les ressources de bon sens du projet. Selon nous, pour panser l’acte de construire et le rendre soutenable, l’énergie dépensée pour projet doit être moindre dans la matière mais quantitative et qualitative dans l’humain, la main-d’œuvre et les savoir-faire : un juste effort dans le devenir de la matière et une gestion équilibrée et pérenne de ces cycles.
*Être partisans-artisans c’est travailler à, participer à, épaissir.
ici, partiellement - Donner au « re » son existence.
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Préservation conservation
Réfection réhabilitation - renforcement
Transformation extension - surélévation - excavation
Déconstruction reconstruction
Destruction démolition
Diagramme : Échelle d’efforts pour la réhabilitation
UNE ADRESSE À LA TUILE UTILE Tuiles utiles Reposez donc cette tuile, ici. Un mas de 2200 m2 d’emprise au sol. Portant l’équivalent de tuiles en toiture, Pourtant, la cave réhabilitée l’est de tuiles neuves, Les déposées se sont vues empilées, veuves. Comment se fait-il que leur vie ne dure ? Est-ce si difficile de leur laisser rôle ?
56
2200 m2 de remblai sans doute, Quelle idée, enfin, de les mettre sous route ? Puisque de toute manière, cette mince couverture, Essentielle au ciel, viendra sûrement à un moment, Et subira encore, fissure et fracture, Qu’importe alors, qu’elle revienne à temps ? Et si la matière s’enchaînait au site, Foutez-vous donc de ces choses prescrites, Oubliez alors de ces dits déchets, Gardez-les tout près, au creux du chantier. Après leur dépose et sans nul voyage, Imaginez là, l’éphémère poste de leur nettoyage, Pour ces tuiles certes, à la fleur de l’âge, Juste un bref et lent, doux entreposage, Un repos certain sans tourner de page, Conservez le rôle de leur simple usage. Loin du besoin de chercher au-delà, Tuile de terre cuite, matière première d’argile, Empilée à d’autres fragiles, pour une repose agile, De ton toit, déjà-là. Alors, pourquoi pas ? Juste repos pour toi.
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Poème confiné, Tuiles Utiles, Avril 2020.
L’ARCHÉOLOGIE MATÉRIELLE
Par analogie avec la définition d’archéologie : l’archéologie matérielle s’essaye à comprendre les savoir-faire et à les maintenir dans un cycle continue. Elle est à l’image de l’ensemble du processus de construction du mas et témoigne de sa composition architectonique (choix matériels, dispositions bâties, aller-retour constructifs, extensions successives, etc.). Dans notre démarche, elle interroge ainsi le potentiel des parties bâties : les capacités du lieu. Il s’agit d’une lecture matérielle et historique du bâtiment par ses usages qui propose un premier positionnement sur la manière de le soigner. Dans le cadre de sa réhabilitation partielle, nous souhaitons préserver les qualités originelles des murs et interroger la compatibilité qu’il peut exister avec le fonctionnement naturel du bâtiment ancien : les interventions se doivent de protéger les qualités architecturales actuelles mais aussi de transformer les défauts qui y subsistent.
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Ainsi, nous savons que cette ouvrage séculaire présente de nombreuses qualités architecturales de par la composition de ses murs anciens en pierre : propriétés thermiques en termes d’inertie et propriétés hygrométriques en termes de perspiration. En premier lieu, la réhabilitation partielle demande ainsi une protection minimale des murs existants qui sont à soigner. L’archéologie matérielle permet de diagnostiquer le corps architectural : repérage des pathologies (désordres, fissures importantes, présence humidité, etc.) et compréhension des causes (traitements inadaptés, joints et enduits imperméables, mauvais drainages, mauvaise ventilation, imperméabilisation des sols, etc.). Des traitements partiels sont nécessaires pour soigner les parties strictement préservées. La conservation structurelle - préalable essentiel à la réhabilitation partielle - accompagne l’archéologie matérielle : décroutage des enduits extérieurs, nettoyage des murs intérieurs/extérieurs et réfection d’enduits perméables (préserver et corriger les propriétés hygrothermiques des murs). Elle se concentre sur les murs de pierre et les charpentes en bois et témoignent des premiers savoir-faire nécessaires. D’autres part, les toitures ont aussi subi l’action du temps et nécessitent une réfection particulière : une préservation par l’utilité.
En somme, l’archéologie matérielle légitime pour nous le bâti et rend lisible et visible le disponible : Quelle matière pour faire ?
« Archéologie - Usuel. Science qui a pour objet d’étude les civilisations humaines passées à partir des moments et des objets qui en subsistent. Science des origines. » (CNRTL)
ici, matérielle - Laisser au « re » sa consistance.
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Préservation en place Réemploi in situ dépose - repose
Réutilisation détournement
Recyclage gravat - remblai
Mise en décharge enfouissement - incinération
Diagramme : Échelle d’efforts pour la matière
DES LIEUX D’OBSERVATION AUX LIEUX D’INTERVENTION L’ouvrage
matière disponible
La composition détaillée ici donne à voir l’attention appronfondie donnée aux corps bâtis. Les premiers positionnements sur l’existant sont donnés et font lien avec nos engagements. Ici, cette fiche-type de l’archéologie matérielle décompose les bâtiments et dévoile leur anatomie. L’usage ... Le sol 60
...
ÉLÉMENT REMARQUABLE
La matière ...
L’attitude
... ET REMARQUÉ
Fiche démarche : Les premières attitudes sur le faire avec
61
STRUCTURE HAUTE : LA CHARPENTE
STRUCTURE BASSE : LE SOL ET LE MUR
LA CAVE VITICOLE RÉHABILITÉE L’ouvrage Bâtiment d’entrée du site lié au grand chai Corps viticole Réhabilitation en 2019 par l’architecte Alain Fraisse (basé à Béziers) : - démolition des anciennes cuves pour réaliser le hérisson du sol - réfection des enduits dans un ton pierre clair - ajout d’éléments architecturaux (gouttières et brises soleils en acier corten) - pose d’une toiture neuve (détail de génoise traditionnel, parefeuilles et tuiles canal) 62
L’usage Occupation actuelle (Pauline Chatin) Embouteillage mobile des bouteilles de vins devant le grand chai (stockage produits finis) et la cave viticole (production)
63
Embouteillage mobile, FĂŠvrier 2020.
LE GRAND CHAI L’ouvrage
458 m2 de tuiles
Corps viticole large et profond Bâtiment en double hauteur encaissé dans la terre (accès bas sur le parvis d’entrée et accès haut sur la cour intérieure) L’usage
122 chevrons
Stockage temporaire du vin embouteillé dans le grand chai au pied des anciennes cuves en béton Le sol
64
Parvis d’entrée stabilisé par le temps et jonché de pierres de taille de soutènement
63 pannes
La matière Couverture tuiles canal Charpente en bois (fermes et pannes) Corps de pierres
L’attitude
Conservation des murs, ouvertures et fermes existantes Réfection de l’ouvrage : - soin et préservation des murs - réemploi des tuiles in situ (dépose, nettoyage et repose) - démolition des cuves et de la plateforme d’étage en béton
25 m3 de gravats
CUVES BÉTON
CHARPENTE BOIS
6 fermes
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LE GRAND CHAI SUR LA COURS
Les ouvrages
Façade sud-ouest du grand chai sur cour Réservoir en cuve béton empierrée
Les usages
Deux ouvertures donnant accès à une plateforme dans le grand chai Gouttière longeant les murs et s’écoulant dans le réservoir d’eau Réservoir d’eau connecté à un forage plus bas sur le domaine, alimentant le mas aujourd’hui Le sol 66
Cour de pierres et végétation basse de garrigue Perméabilité
L’attitude
Pas d’intervention sur cour
67
Le réservoir d’eau, Février 2020.
Façade sud-est du grand chai
LE PETIT HANGAR
Les ouvrages
Façades à nu comme témoins constructifs : - composition et entremêlement des pierres (moellons et mortier) - disposition structurelle des pierres de tailles (murs de refend du corps de ferme et ouvertures avec linteaux) - renforts structurels contemporains en béton
110 m2 de tuiles
40 chevrons
Le sol Terre battue sous le porche et le petit hangar La matière 68
Couverture tuiles mécaniques Charpente en bois (ferme et pannes) Corps de pierres et renfort béton
L’attitude
Renforcement du petit hangar
6 pannes
CHARPENTE BOIS
1 ferme 69
Faรงade nord-ouest du corps de ferme et du petit hangar
LE CORPS DE FERME L’ouvrage Corps de l’entre-deux cour (passage unique sous porche) Bâtiment à étage inscrit dans la pente (niveaux variables et croissants) Colonnade de pierres sur une portion de la façade sud-ouest avec remplissage
491 m2 de tuiles
150 chevrons
L’usage Ancienne écurie, bergerie et lieu de fourrage sur le plancher bois de l’étage (passé productif) Occupation de l’ancienne bergerie (par le domaine Situations et par les maraîchers depuis février) 70
35 pannes
La matière Couverture tuiles canal Charpente en bois (fermes et pannes) Plancher bois (poutres et solives) Corps et colonnes de pierres
L’attitude
Conservation des murs, ouvertures et charpente existante Réfection de l’ouvrage : - soin et préservation des murs - réemploi des tuiles in situ (dépose, nettoyage et repose) - démolition du remplissage en parefeuilles et en béton - déconstruction des cloisons intérieures
24 poutres
71
CHARPENTE BOIS
4 fermes
L’AILE DE BUREAUX ACTUELLE L’ouvrage
237 m2 de tuiles
Ancien logement de site en prolongement coudé du corps de ferme Façade d’accès ouverte sur la seconde cour Corps du bâtiment découpé en mur de refend L’usage
103 chevrons
Occupation actuelle par certains actifs (Pauline Chatin depuis 2019 et Thomas Richaud depuis mai 2020) La matière
72
Couverture tuiles mécaniques Charpente en bois (ferme et pannes) Corps de pierres (murs de refend)
L’attitude
Conservation des murs et refends, ouvertures et de pannes existantes Réfection de l’ouvrage : - soin et préservation des murs - réemploi des tuiles in situ (dépose, nettoyage et repose) - déconstruction des cloisons intérieures
35 pannes
5 murs de refend
73
OUVERTURE SUR COUR
1 ferme
LE HANGAR AGRICOLE L’ouvrage
369 m2 de tuiles
Toiture légère adossée sur le mur d’enceinte en pierres Mauvaise état des murs (traces d’usures, fissures et tâches d’humidité) La matière
103 chevrons
Couverture tuiles mécaniques Charpente en bois (fermes et pannes) Corps de pierres et poteaux métalliques
74
L’attitude
Conservation d’une partie du mur d’enceinte Déconstruction sélective de l’ouvrage : - réemploi des pierres de taille et des moellons (dépose, nettoyage et repose) - réemploi des tuiles in situ (dépose, nettoyage et repose) - réemploi des 4 fermes existantes - réutilisation des pannes
30 pannes
13 m3 pierres de taille
47 m3 de moellons
11 m3 de gravats
3 poteaux métalliques
GRAVATS
75
CHARPENTE BOIS
4 fermes PIERRES
LE PATIO & SES APPENDICES L’ouvrage Murs du patio en prolongement du corps de ferme (large épaisseur et petits percements) Patio reliant deux parties construites en mauvais état : - l’ancienne bergerie et ses appendices en matériaux industriels (éléments béton et parpaing) - l’ancienne maison du berger sur le point de s’écrouler
80 m2 de tuiles
18 chevrons
L’usage Occupation par le domaine Situations La matière 76
10 pannes
Couverture tuiles canal Charpente en bois (ferme et pannes) Corps de pierres
L’attitude
Conservation d’une partie du mur d’enceinte Déconstruction sélective des appendices de l’ancienne bergerie et de l’ancienne maison du berger : - réemploi des pierres de taille et des moellons (dépose, nettoyage et repose) - réemploi des tuiles in situ (dépose, nettoyage et repose) - recyclage des gravats
18 m3 pierres de taille
36 m3 de moellons
9 m3 de gravats
PIERRES
GRAVATS
1 ferme
77
78
Plan existant du mas : Les premiers soins du bâti, 1/400°
79
80
Axonométrie existante du mas : Matière en place et matière disponible
81
Matière disponible
Matière en place
LA PROGRAMMATION PROCESSUELLE La réhabilitation demande un juste équilibre à donner entre capacités du lieu (archéologie matérielle) et nécessités du projet (programmation processuelle). Ainsi, ce choix traduit pour nous un engagement au faire avec : La
structure du corps architectural est soignée comme évoqué plus tôt et sur ces bases saines, une partie est épaissie. Certains lieux laissent place à des interventions particulières pour accompagner l’installation programmatique. Les capacités architecturales de l’ensemble du mas sont questionnées et s’adaptent au programme, comme le programme s’adapte à elles. Le processus de réfection du mas est p(a)nsé dans le respect de la matière déjà présente, comme (p)artisan d’un moindre effort. Nous pouvons imager nos positionnements sur le programme et sa réinterprétation par un jeu de curseurs entre les dispositions existantes du lieu et sa capacité à s’étirer, se dilater et intégrer de possibles usages. 82
Dans le cas de la réhabilitation, la programmation - une suite dans la vie du bâtiment - est un processus continue qui s’intègre à son cycle de vie. Il est ainsi important de questionner toujours son adaptabilité, de ne pas trop ségmenter les choses, et de laisser s’ouvrir le possible aussi. La mutualisation de certains espaces et la mixité d’usages permet de penser l’architecture en essayant d’oublier sa stricte spécialisation.
Les interventions que nous projettons se veulent garantes du principe de layering : la compositon constructive se confronte à une distinction des couches pour assurer le respect des différents cycles de vie.
Schéma : Principe de layering de Stewart Brand
« Processus - Suite continue de faits, phénomenes présentant une certaine unité ou une certaine régularité dans leur déroulement. L’histoire est (...) un processus, qu’il faut expliquer, comme un tout vivant (RENAN, Hist. peuple Isr., t.4, 1892, p. 347). Qu’est-ce que tu constastes ? Que je suis un déchet du processus historique ? D’accords. Déchet tant que tu voudras. Mais pas mort, Brunet (SARTRES, Mort ds l’âme, 1949, p. 265). » (CNRTL)
ici - Enrichir le temps de ses mouvements.
Archéologie matérielle Capacités du lieu 83
Programmation processuelle Nécessités du projet
Démarche : Du déjà-là au programmé
LE BON EFFORT AU BON ENDROIT L’acte de réhabiliter un ancien mas demande inévitablement de nous positionner par rapport à la question patrimoniale. Quel rapport souhaitons nous entretenir à cet héritage bâti ? Pour nous, le Mas de Mirabeau constitue une figure de bon sens, exemplaire : dans les matériaux qu’il mobilise, dans le rapport qu’il entretient au site et sa pente, aux usages qui l’entourent, et aux conditions climatiques qu’il endure. Et c’est ce caractère exemplaire qui justifie pour nous ce moindre effort, profiter du déjà là : L’intégrité de la matière est préservée, et constitue pour nous la richesse, l’héritage commun, le patrimoine du site.
84
Néanmoins, l’exemplaire n’est pas exempt d’évolution. Et il ne nous semble pas envisageable que cette évolution se cloisonne à une pâle imitation, à un triste mimétisme. Il n’est pour nous pas un problème de changer quelque peu son apparence, d’y ajouter des dispositifs plus contemporains : en somme de l’adapter aux usages de l’époque. Mais cette adaptation se doit d’être en cohérence avec les valeurs en place : la qualité intrinsèque du bâti et des matériaux qui le constituent, le rapport sain au climat et fonctionnel aux usages, la cohérence avec la bio région qui l’entoure, etc. Nous souhaitons une matière réemployable qui privilégie les matériaux - ou matières premières peu transformées - sains et locaux : paille de riz et de blé, bois de forêt, terre crue, pierre de site, et autres ressources bio et géosourcées. L’apport de matière nouvelle et son liaisonnement à l’existant comme la réinjection de la matière disponible - demande des essais sur site et la collaboration de savoir-faire. Un volet atelier est ajouté à la programmation et sera un lieu propice à la gestion matérielle : commençant premièrement à être une base de vie pendant le chantier et prolongeant sa vie en tant qu’atelier de réparabilité du site.
Atelier ajouté
Administratif
Productif
Formation
Hébergement
Public
Démolition prévue
85
+20%
30 %
60 %
10 %
APPORT DE MATIÈRE RÉEMPLOYABLE
MATIÈRE RÉEMPLOYÉE SUR SITE
OUVRAGES CONSERVÉS ET SOIGNÉS
MATIÈRE À RECYCLER
Diagrammage programmatique et matériel
86
Plan projetÊ du mas : Mise en usage possible du site et distinction constructive, 1/400°
87
DES LIEUX D’INTERVENTION AUX LIEUX D’USAGES
L’effort
Si le bâti et la matière, le déjà là, est primordial dans notre positionnement, il reste indissociable de la mise en programmation. Le programme en prenant place dans l’existant, mobilise des attitudes constructives variées. Et, ce faisant, traduit nos volontés de nouveaux usages en harmonie avec les capacités de chaque lieu : des efforts situés pour une cohérence globale. Les interventions font l’objet de précisions sur ces volontés spatiales : accéder à la lumière, soulager l’usage, proposer la circulation, donner du confort. 88
+ 61.70 NGF
+ 59.80 NGF
+ 52.80 NGF
+ 48.80 NGF
Parvis d’entrée
89
+ 62.60 NGF + 60.50 NGF
+ 59.60 NGF + 57.50 NGF
Façade sud-ouest du parvis d’entrée, 1/200°
L’AGORA PUBLIQUE L’effort
VOLUME SAIN
L e grand chai surélevé : Surélévation de toiture (pannes et tuiles déposées et reposées après soin) Stabilisation partielle pour assurer l’accès extérieur
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Un lieu d’usages
Le grand chai est scindé dans la hauteur pour juxtaposer les fonctions productrices et publiques. Les murs et les ouvertures sont conservées et garde l’inertie de la pierre. La partie semi-enterrée profite ainsi des qualités hygrothermiques naturelles pour le stockage agricole et viticole.
ESPACE LIBRE
La surélévation sur fermes existantes permet un apport lumineux comme une ventilation naturelle du volume. Le grand chai retrouve sa double-hauteur. Au niveau supérieur, des boîtes indépendantes proposent des usages disséminés dans l’espace libre : pause et repas, évènement et séminaires, atelier pédagogique et autre. Construite en ossature bois légère, ces boites n’impactent pas le corps structurel : cette logique constructive est en accord avec le principe de layering.
BOÎTE INDÉPENDANTE
1 ESPACE, 2 LIEUX
tuile de site caisson paille panne réemployée ferme surélevée
Boîte cuisine collective
Boîte atelier
Cour publique
+ 53.00 NGF
Stockage viticole
Stockage agricole
+ 48.80 NGF
91
Coupe transversale du grand chai, 1/100°
GSPublisherVersion 0.22.100.100
Plan d’usages de l’agora publique, 1/200°
DU SITE À LA VENTE
L’effort
Le petit hangar : Excavation pour l’aménagement d’un sous-sol dans le petit hangar. Doublage des murs existants (renforts structurels sur corps de ferme et mur du petit hangar) Création d’ouvertures entre corps de ferme et petit hangar pour raccorder le lieu de transformation au lieu de vente Stabilisation partielle pour assurer l’accès extérieur 92
De la terre à la main
La transformation des produits agricoles s’articule dans le corps de ferme et communique avec le point de vente mutualisé. Au niveau inférieur, la chambre froide enterrée profite de l’inertie thermique du sol. Reliée par un monte charge au point de vente, les trajets des produits sont minimisés et illustre la marche en avant du produit. L’excavation profite aussi à aménager l’accès du parvis d’entrée à la cour publique. Il devient alors, à l’image d’une carrière, une ressource matérielle du projet (ressource terre-roche excavée).
Cour pub
blique
93
Plan d’usages de l’espace prodructif, 1/200°
+ 62.60 NGF + 60.50 NGF
+ 58.00 NGF + 57.50 NGF + 55.90 NGF
Point de vente mutualisé + 52.50 NGF
Stockage maraîchage
Espace de composition
+ 49.00 NGF
Parvis d’entrée
Coupe longitudinale du petit hangar excavé,
1/200°
LA RÉFECTION DES CORPS DE PIERRE
L’effort
Le corps de ferme et l’aile de bureaux soignés : Réfection du corps structurel et de la toiture Mise en œuvre d’un nouveau plancher pour l’étage du corps de ferme Stabilisation partielle et reprise de l’empierrement existant pour assurer l’accès extérieur Création de rampes maçonnées ponctuelles pour l’accès au lieu de transformation
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De le cour productive
L’ensemble des corps structurel en pierre sont conservés, décroûtés et ré-enduits dans les règles de l’art (enduit perméable à la chaux). Une façade de bois prend place dans le vide laissé par le remplissage de la colonnade de pierre et assure un apport lumineux à l’hébergement de site.
+ 57.50 NGF + 55.90 NGF
Vestiaires et sanitaires HF + 52.20 NGF
GSPublisherVersion 0.22.100.100
Plan d’usages de l’aile de bureaux, 1/200°
Logement du gardien + 57.10 NGF
Conditionnement et stockage emballage
Cour productive
+ 52.50 NGF
95 Point de vente
+ 49.00
Façade nord-est de l’aile de bureaux, 1/200°
+ 62.60 NGF + 60.50 NGF
Cour productive
Façade sud-est du corps de ferme, 1/200°
L’HÉBERGEMENT DE SITE
L’effort
Le corps de ferme réaménagé : Séparation en trois parties : logement du gardien, hébergement de gîte et salle de formation
Un lieu de repos
L’hébergement profite aux usagers de passages comme aux ouvriers en insertion. Situé à l’étage, il offre un recul sur le paysage. Le logement du gardien est dans son prolongement mais son accès se fait dans la cour productive. Ces hébergements traversants s’ouvrent au sudest et profite de petites ouvertures au nord (apport lumineux et ventilation naturelle) 96
Un lieu de formation
Ce lieu s’articule entre le porche et le patio. Il est en double étage et profite d’une ouverture sur une intériorité extérieure.
Chambres
Logemen gardie + 57.30 NGF
Lieu de réunion réfectoire + 52.00 NGF
Chemin d’accès
+ 49.50 NGF
Laboratoire de transformation + 52.20 NGF
Conditionnement et stockage emballage
Passage
+ 52.50 NGF
Hangar de tran post-réc
+ 53.20 NGF
Plan d’usages du R+1 du corps de ferme, 1/200°
97
Plan d’usages du RDC du corps de ferme, 1/200°
nt du en
nsformation colte
Hébergement de site
Halle d’entrée et sanitaires
Accès et sanitaires
Porche
Atelier
+ 58.20 NGF
Lieu de formation + 54.80 NGF
Patio + 55.20 NGF
+ 54.20 NGF
Coupe longitudinale du corps de ferme, 1/200°
LA BERGERIE RECONSTRUITE
L’effort
EXTENSION BOIS
Reconstruction d’un socle pierre Extension en bois et paille
De pierre et de fibre
La bergerie est reconstruite à partir des éléments issus de la déconstruction sélective sur l’emprise du hangar agricole déconstruit. Le bâtiment accueille l’espace de stabulation des bêtes, la salle de traite, l’atelier de transformation et même le logement de la bergère, Alison. 98
VOLUME VENTILÉ
Le socle de pierre supporte une structure légère en matériaux biosourcés. Ossature bois, caisson paille : la trame verticale génère une fibre en façade. La partie stabulation s’ouvre sur la cour productive et le socle de pierre s’abaisse pour laisser s’élever des poteaux bois et un remplissage protecteur.
FAÇADE OUVERTE
SOCLE PIERRE
tuile de site caisson paille ferme réemployée ferme nouvelle
+ 66.20 NGF
Tour de guet
+ 62.50 NGF
Maison d’Alison
+ 59.20 NGF
Cour productive
Atelier de transformation
Stabulation des bêtes
+ 54.50 NGF
99
Coupe transversale de la nouvelle bergerie, 1/100°
GSPublisherVersion 0.22.100.100
Plan d’usages de la traite à la transformation, 1/200°
Surélévation du grand chai
La cour publique Excavation du petit hangar Réfection du corps de ferme
100
La cour productive
Réfection l’aile de b
Axonométrie projetée du mas : Les interventions particulières
Construction d’un atelier
Extension du logement d’Alison
101
Reconstruction de la nouvelle bergerie
n de bureaux
Ouvrage reconstruit
Ouvrage soigné
III. ALLER VOIR AI
ILLEURS
III. ALLER VOIR AILLEURS
UN TEMPS AU MAS
VERS LA LENTEUR ... 104
Un temps ailleurs
À l’image du temps d’un mur de vieilles pierres, Érodé, déconstruit partiellement et évidé parfois, Pour laisser le passage, À l’image d’un temps de vie, Faune et flore développées, sans interdiction. Nous l’imaginons encore tel quel, ce vieux mur de pierres. Sans intervention., las que le temps fasse.
« Ralentir - Être, progressivement, plus lent. Rendre plus lent le rythme (de quelque chose), diminuer l’activité (de quelque chose). Le sommeil, en ralentissant le jeu des fonctions organiques, modifie surtout la surface de communication entre le moi et les choses extérieures (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 102). » (CNRTL)
ici - Laisser faire le temps des choses.
105
Façade nord-est du mur d’enceinte existant
DE PETITES ATTENTIONS Ces temps ailleurs* - ces temps au Mas - nous en avions besoin. Parce qu’ils participent au prolongement du semestre 9, et de la relation qui s’est créée entre nous et ce lieu mais parce qu’ils nous permettent aussi de connecter nos idées, nos projections, nos intentions à un réel. Ces temps nous les imaginions sur place, avec les gens qui font le lieu aujourd’hui et ceux qui le feront encore demain. Nous rêvons de ce faire avec les temps du site en oubliant aussi ces habitudes linéaires d’extraire le projet de son site.
106
Confinement oblige, cette connexion au réel a dû changer de forme. Mais même si, un temps, elle s’est vue réduite à des interactions numériques, notre volonté de mettre en contact ce projet de fin d’étude avec la vie du site a persisté. Physiquement, notre retour au Mas n’a pu se faire que le 14 Mai. S’en est suivi quelques autres petits coups de main, mais surtout une (re)prise de recul sur notre rapport au réel. Sur l’écart entre les projections que nous faisions et les réalités quotidiennes de la vie des actifs. Là bas, il était question de petite réparation, de temporaire pas si éphémère, de faire un peu mieux en attendant demain, et d’être patient. Pour nous, il avait surtout été question de demain, d’un mas bien fini et prêt à l’emploi. Et grâce à ces temps au Mas, il est peut-être un peu plus facile de connecter aujourd’hui à demain. Elle est sans doute un peu là, la vertu du réel : d’être juste ici et de faire avec. Ci-contre, les petites attentions parlent d’une certaine réparabilité, de cette patience à l’égard du temps.
*Un temps ailleurs. Celui qui s’éloigne du linéaire, du prescriptible, du rentable, du maîtrisable. Celui qui nous pousse à être ici, et à faire maintenant.
107
III. ALLER VOIR AILLEURS
L’OUVERTURE DU CHANTIER
LE TEMPS DE VIE DU CHANTIER 108
Pour que l’acte de construire puisse se résoudre à faire avec, il faut lui donner un temps et un lieu. C’est en tout cas ce que nous pensons, et c’est en ça que décrire le moment du chantier nous semble essentiel. Formaliser ce moment de chantier, c’est raconter comment le changement peut s’installer au Mas. C’est rendre cohérent nos volontés architecturales avec la réalité des acteurs et des matériaux sur place, et proposer aussi des modes de faire à un temps qui leur est adapté. Cette proposition temporelle doit être accompagnée d’une solution spatiale. Sur un chantier conventionnel, un algeco prend place le temps du chantier puis disparaît. Il constitue ainsi un lieu de repli, une structure fonctionnelle qui n’a plus lieu d’être une fois sa tâche accomplie. Pour nous, ce lieu appelé base de vie doit être partie intégrante du Mas. Et il doit prendre place le premier, pour servir de support à ce qui suivra et permettre pendant la réhabilitation du Mas, l’appui nécessaire au collectif. Appui à la résolution technique, au stockage et au traitement de la matière sur place. Mais aussi, une fois la réhabilitation terminée, de continuer à être support du collectif. De proposer une interface entre les actifs agricoles, le public, les étudiants, les chercheurs : entre les petites réparations du quotidien, les workshops de découverte et les expériences constructives.
Ainsi, le temps de chantier comme temps de vie est un préalable essentiel à la transition. Le secteur de la construction est un chantier perpétuel qui se doit de prendre en compte ses cycles : reconstruire, déconstruire, construire, tout est cycle.
BASE DE VIE DU MAS
Schéma : La base de vie, un moment pour l’atelier de site
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LA BASE DE VIE
L’effort
Construction d’une structure en portique à partir des pannes du hangar agricole déconstruit Couverture en polycarbonate
110
La pierre du collectif
ATELIER CLOS
La base de vie est la première construction. Elle est (re)construite à partir d’éléments issus de la déconstruction sélective du hangar agricole : les pannes sont utilisées pour réaliser des portiques en réemploi qui prennent appui sur les murs existants du patio. Cet espace devient interface entre les deux cours et permet la réhabilitation (en chantier) comme la petite réparabilité du site (de tout temps). ATELIER COUVERT
L’atelier se compose de plusieurs parties : une hors d’air-hors d’eau dans le prolongement du corps de ferme et du lieu de formation, un lieu pour le bricolage extérieur couvert et un abris de stockage.
+ 66.20 NGF
ABRIS STOCKAGE
+ 65.50 NGF
+ 63.20 NGF
panne réutilisée en portique
+ 62.60 NGF
+ 60.50 NGF
Tour de guet
Atelier
Cour productive
Cour publique
+ 58.40 NGF
+ 55.20 NGF
Coupe transversale de l’atelier du patio, 1/100°
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Plan d’usages de l’atelier du patio, 1/200°
+ 62.60 NGF + 60.50 NGF
GSPublisherVersion 0.22.100.100
Façade nord-est sur le mur d’enceinte
SAVOIR-FAIRE Le moment du chantier rassemble une multitude d’acteurs et de savoir-faire : des artisans et entreprises sont nécessaires à la réhabilitation des bâtiments et partageront le site avec les actifs déjà installés. Entre soin du bâti ancien et transformations, entre savoir-faire traditionnels et techniques émergentes, une mise en cohérence s’impose. Une mise en cohérence avec le territoire, dans les matériaux et leur mise en œuvre, mais aussi avec les actifs et les usagers sur site.
Déconstruction des appendices du patio
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Dépose de la charpente de l’ancienne bergerie
Soin des murs du patio, arase et enduit
Construction œuvre, de la ch la couverture d vie
Soin des murs, décroutage et réfection des enduits du corps de ferme et de l’aile de bureaux
Dépose des tuiles pour tri et nettoyage
Soin des c exista
Déconstruction du hangar agricole
Tri des pierres, moellons et tuiles pour nettoyage. Soin des charpentes pour leur réemploi.
Déconstruction du mur sud ouest du petit hangar
Dépose des tuiles et de la charpente
Dépose des tuiles, des pannes et des chevrons du grand chai Temporalité du chantier : De la dépose à la repose
Charpentiers, maçons, couvreurs et autres artisans vont travailler à côté l’un de l’autre et dans ce site en vie. Le temps de chantier demande un liaisonnement de ce collectif, de l’harmonie dans le désordre. La base de vie en est le support et des espaces de logistiques sur cour sont donnés le temps du chantier (stockage temporaire).
n du sous harpente et de de la Base de e
charpentes antes
113
Repose des toitures pour le Pôle agricole, l’Hébergement et le Pôle administratif Construction des socles en pierre, de la structure bois et de la couverture de la Bergerie
Tri des pierres, moellons et tuiles pour nettoyage. Soin des charpentes pour leur réemploi.
Excavation du niveau Construction de la structure inférieur, renfort des murs bois et de la couverture du mitoyens existants par un Point de vente et de la socle en pierre Chambre froide
Soin des murs, décroutage et réfection des enduits
Surélévation de la toiture de l’Agora publique
LES MICRO-STRUCTURES S’il est question d’harmoniser un collectif à l’échelle du Mas, c’est également le cas à l’échelle d’un territoire plus large, même micro. Et les exemples ne manquent pas. En effet, si nous voulons mettre en place un réemploi opérationnel à l’échelle d’un chantier, nous avons besoin de plateformes de matériaux, pérennes ou éphémères. Si nous voulons utiliser des matériaux locaux, nous avons besoin de laboratoires d’expérimentation pour les mettre au point et de manufactures locales pour les produire. Si nous voulons prioriser les mobilités douces, un réseau doit être établi ou étendu. Si nous voulons mieux traiter la matière organique et diminuer la quantité de déchets, des plateformes de compostage doivent être implantées. Et cetera.
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Aujourd’hui, ces solutions sont déjà présentes. En ce qui concerne le secteur de la construction, l’architecte s’adapte en diversifiant son métier pour intervenir à des moments clefs et s’interposer dans le cycle habituel des matériaux : du produit au déchet. Il participe à construire les maillons manquants à la chaîne : montrer d’une part que les matériaux seconds sont disponibles et de l’autre faire le lien entre les artisans et la matière. Nous introduisons ainsi ici des figures essentielles pour nous au faire avec : - La plateforme de matériaux permet de démanteler, de reconditionner, de stocker et de revendre les matériaux. Elle donne une certaine lisibilité, et permet aux entreprises de construction d’avoir de nouvelles réflexions de mise en œuvre. Cette lisibilité est déjà un bon point de départ, mais demande aussi une réadaptation des acteurs de la construction et un nécessaire soutien des institutions publiques : avec des formations complémentaires, une revalorisation des savoir-faire, un accompagnement de la montée en compétences, ect. Il est cependant à noter que pour le réemploi d’éléments seconds, la déconstruction reste sélective. Ainsi, à part les matériaux nobles qui sont gages de qualité et de longévité, les matériaux standards sont rapidement évincés (ils n’ont pas vraiment de valeurs et il est souvent moins cher les jeter). Une matière réemployable est donc à privilégier. - La manufacture de matériaux est aussi un laboratoire d’expérimentation (pour la terre d’excavation ici). Elle permet de peser sur les réglementations, et de laisser des marges d’actions à la construction. L’idée est
de tester, de redessiner et d’adapter le projet à la situation de terrain. La restructuration du territoire - ensemble de micro-territoires - demande un réactivation de micro-structures, une échelle humaine. Non à se réserver seulement au local, l’idée est d’affirmer une relocalisation ouverte et coopérative au sein des territoires.
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ROTOR deconstruction plateforme de matériaux
BC materials manufacture de matériaux
Des micro-structures ressources à l’échelle de Bruxelles-capitale, Février 2020.
116
117
Dess(e)in, le micro-territoire, Janvier 2020.
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AVEC DU RECUL Du recul, on aimerait bien pouvoir en prendre plus en écrivant ces lignes, mais le temps manque. On arrive tout de même à faire un point sur nos intentions de départ. Sur ce semestre 9, enivrant par ce qu’il a généré mais aussi frustrant par ce qui nous y a manqué. Sur le prolongement de cette expérience au Mas, engageante par toutes les valeurs qu’elle suscite mais aussi rassurante dans la transition qu’elle laisse entrevoir. Et sur nous aussi, sur nos envies de continuer à faire avec nos corps et nos mains, à se confronter à la matière et aux personnes, à être ici et maintenant. On parvient aussi à voir cette période Covid-19 d’un peu plus loin, même si elle n’est pas encore vraiment terminée. On réalise doucement les changements qu’elle a impliqué, les barrières qu’elle a imposées. Le confinement, qui nous a forcé à faire avec ce qu’on avait sous la main, avec ce à quoi on pouvait avoir accès malgré la distance. Forcément, moins de matière et moins de personnes, moins de contacts avec l’extérieur. Cela raconte sans doute aussi le projet et la forme qu’il a aujourd’hui. Le fait qu’on ait essayé d’y cristalliser nos envies de concret malgré tout. Les rêves qu’on avait, et auxquels on a essayé de donner forme avec les médiums qui nous restaient. On commence à pouvoir regarder plus franchement ce binôme, et on réalise qu’on l’idéalisait peut-être un peu. Que la bataille que l’on voulait mener en commun, on l’a parfois faite l’un contre l’autre. Et pourtant, à bien y regarder, on a toujours voulu aller dans le même sens, juste pas par le même chemin. Et puis va venir l’après. Celui vers lequel on avance, sur lequel on ne peut avoir aucun recul. Mais aussi celui pour lequel on a le sentiment de s’être un peu mieux préparé. Un après où l’on pourra faire avec un bagage en plus, peut-être quelques doutes en moins. Un après dans lequel on continue de croire que pour faire bien, il faudra faire contre. Contre les pratiques toxiques et dépassées qui pourrissent le monde. Contre la facilité globale, mais pour l’intelligence locale. Et c’est plus agréable d’en parler comme ça, en se disant qu’il faudra faire pour. Faire pour le commun, pour le bon sens, pour le mieux.
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MERCI
À Yannick pour son engagement, sa pertinence et ses jeux de mots toujours constructifs, À Jean-Paul et Alexis pour le semestre précédent, pour nous avoir laissé faire et pour leurs belles valeurs, À Fabien pour sa franchise, son temps, et son optimisme sur l’après, À Thomas, David, Pauline, Pierre, Alison, Axelle, aux autres que nous avons croisé au Mas pour leurs retours sur nos travaux, leur courage et leur générosité, À Valentin et Joséphine pour leur patience et leur soutien, pour avoir tenu bon, À tous les colocataires, Flavian, Tanguy, Léo, Flèche et LLucky pour leur accueil, leurs idées et leurs fantaisies, À cette école, à la k’fet, et à celles et ceux qui y œuvrent pour le mieux, Et à toi qui a lu jusqu’au bout.
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