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Que faire en cas d’antécédent ou d’apparition
d’affections cardiovasculaires Evidence Based Medicine
Recommandations officielles
Avis des experts
Il n’existe pas à ce jour de recommandations dédiées à la prévention de la maladie cardiovasculaire ou de la dyslipidémie au cours d’un traitement par tocilizumab dans la PR (1). En revanche, il existe : ➤ d’une part des recommandations institutionnelles relatives à la prise en charge thérapeutique des patients dyslipidémiques (2), hypertendus (3) ou diabétiques de type 2 (4) ; ➤ et d’autre part des recommandations d’experts relatives à l'évaluation et la prise en charge du risque cardiovasculaire de la PR en pratique quotidienne (5). Ces recommandations peuvent nous aider à définir une stratégie de prévention de la maladie cardiovasculaire et de prise en charge d’une dyslipidémie au cours d’un traitement par tocilizumab dans la PR.
Que faire avant le traitement en cas d’antécédent de maladie cardiovasculaire ou de dyslipidémie ?
• Une prise en charge des facteurs de risque
Le résumé des caractéristiques du produit ne mentionne pas de contre-indication au tocilizumab en cas de maladie cardiovasculaire ou de dyslipidémie préexistante. Il souligne uniquement dans la rubrique des précautions d’emploi que « les patients atteints de PR sont exposés à une augmentation des risques de troubles cardio-vasculaires, et seraient susceptibles de présenter des facteurs de risque (par exemple, hypertension, hyperlipidémie) qui dans ce cas feront l’objet d’une prise en charge selon les recommandations en vigueur » (1). Pour ce qui concerne la prise en charge spécifique d’une dyslipidémie chez les patients à haut risque cardiovasculaire, en prévention secondaire ou à risque équivalent, les recommandations sont les suivantes : ➤ le traitement médicamenteux doit être institué le plus précocement possible (Grade B), associé à la prescription diététique et à la correction des autres facteurs de risque (sédentarité, tabagisme, surpoids…). ➤ le traitement médicamenteux hypolipémiant et la dose prescrite, doivent être par principe ceux qui ont fait leurs preuves dans des grands essais d’intervention. L’habitude est de commencer par une posologie faible et de l’augmenter par la suite en fonction de l’efficacité et de la tolérance. L’utilisation de fortes doses voire d’association d’hypolipémiants est à envisager au cas par cas et ne doit pas se faire au détriment d’une bonne tolérance et observance du traitement. ➤ il n’existe pas de preuve absolue permettant de définir un objectif thérapeutique : il dépend de chaque cas particulier (tolérance du traitement, concentrations initiales du cholestérol). La règle générale est d’obtenir des concentrations de LDL–cholestérol <1 g/l (2,6 mmol/l) (2).
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• Une prise en compte des interactions potentielles
Si le patient est traité pour une pathologie cardiovasculaire, il faut savoir que l’expression des isoenzymes hépatiques du CYP 450 (CYP1A2, CYP 2C9, CYP2C19 et CYP3A4) est réduite par l’IL–6 et peut être restaurée lors de la mise en place d’un traitement par tocilizumab (1). Lors de l’instauration ou lors de l’interruption d’un traitement par tocilizumab, les patients recevant des médicaments qui sont métabolisés par ces isoenzymes (par exemple, l’atorvastatine, les inhibiteurs calciques, la warfarine, la théophylline, la phénytoïne, la ciclosporine ou les benzodiazépines) doivent être contrôlés, dans la mesure où la posologie de ces médicaments peut nécessiter un ajustement à la hausse afin de maintenir leur effet thérapeutique (1) (cf. tableau 1 fiche « Bilan préthérapeutique »). Compte tenu de sa demi-vie d’élimination relativement longue, l’effet du tocilizumab sur l’activité des isoenzymes du CYP450 peut persister plusieurs semaines après l’arrêt du traitement (1).
Que faire avant le traitement en l’absence d’antécédent de maladie cardiovasculaire (prévention primaire) ?
• Dépistage d’une dyslipidémie
Le bilan lipidique de première intention, réalisé après 12 heures de jeûne, doit consister en une Exploration d’une Anomalie Lipidique (EAL) comportant la détermination des concentrations du cholestérol total, des triglycérides et du HDL–cholestérol, afin de permettre le calcul du LDL–cholestérol (2). Chez un patient sans facteur de risque, mais la PR en est un, le bilan lipidique suivant sera considéré comme normal : LDL–cholestérol < 1,60 g/l (4,1 mmol/l), triglycérides < 1,50 g/l (1,7 mmol/l) et HDL–cholestérol > 0,40 g/l (1 mmol/l). Au-delà de ces seuils, on parle de dyslipidémie (2). Dans le cas particulier de l’introduction d’un traitement par tocilizumab dans la PR, l’exploration des anomalies lipidiques doit être réalisée avant l’initiation du traitement, puis renouvelée avant la 3ème perfusion de tocilizumab (avant la 8ème semaine) (1).
• Évaluation du risque cardiovasculaire
Dans l’attente d’un outil d’estimation du risque cardiovasculaire, validé en France, permettant une évaluation objective du risque, une simple addition du nombre des facteurs de risque présents chez l’individu (tableau 1), reste adaptée à la pratique quotidienne (Accord Professionnel) (2). Ceci permet de définir trois niveaux de risque : ➤ risque faible : aucun facteur de risque associé à la dyslipidémie ; ➤ risque intermédiaire : au moins un facteur de risque associé à la dyslipidémie ; ➤ haut risque : antécédents de maladie coronaire et/ou vasculaire avérée ; diabète de type 2 à haut risque cardiovasculaire ; risque cardiovasculaire ≥ 20% à 10 ans. (tableau 2) (2). Le calcul du risque cardiovasculaire à 10 ans repose actuellement sur des équations de risque développées notamment à partir de l’étude de Framingham, du projet SCORE ou du projet QRISK. Ces équations de risque ne sont pas validées en France ou dans une population de PR (6).
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Il faut cependant souligner que la PR doit être considérée comme un facteur de risque indépendant, qui doit être ajouté aux facteurs de risque retenus par l’Afssaps pour l’estimation du risque cardiovasculaire. Le dernier algorithme du projet QRISK (QRISK2) intègre d’ailleurs la PR dans les variables incluses dans le calcul du risque cardiovasculaire, au même titre que les autres facteurs de risque cardiovasculaire tels que l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, le tabagisme, l’hypertension artérielle traitée, la pression artérielle systolique, le rapport cholestérol total/HDL–cholestérol, le diabète de type 2 ou l’antécédent familial de maladie coronaire précoce (7).
• Prise en charge d’une dyslipidémie
Objectifs thérapeutiques de prise en charge d’une dyslipidémie En fonction du nombre de facteurs de risque associés à la dyslipidémie, calculé après avoir ajouté la PR aux facteurs de risque cardiovasculaire retenus par l’Afssaps, ces objectifs sont les suivants (Accord Professionnel) : ➤ en l’absence de facteur de risque : LDL–cholestérol < 2,20 g/l (5,7 mmol/l) ; ➤ en présence d’un facteur de risque : LDL–cholestérol < 1,90 g/l (4,9 mmol/l) ; ➤ en présence de deux facteurs de risque : LDL–cholestérol < 1,60 g/l (4,1 mmol/l) ; ➤ en présence de plus de deux facteurs de risque : LDL–cholestérol < 1,30 g/l (3,4 mmol/l) ; ➤ en présence d’antécédents de maladie cardiovasculaire avérée ou de risques équivalents : LDL–cholestérol < 1 g/l (2,6 mmol/l) (2). Schéma général de prise en charge d’une dyslipidémie Règles générales ➤ Tout sujet ayant un LDL–cholestérol > 1,60 g/l (4,1 mmol/l), ainsi que tout sujet ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire et ce quel que soit son niveau de LDL– cholestérol, doit bénéficier d’une prise en charge diététique. ➤ Le traitement diététique sera toujours associé à des conseils d’activité physique régulière, comme par exemple, la marche rapide quotidienne pendant 30 minutes. ➤ Une prise en charge des facteurs de risque associés est nécessaire : tabagisme, diabète de type 2, hypertension artérielle (2). Règles de prise en charge du patient dyslipidémique en prévention primaire ➤ Le traitement diététique sera proposé en monothérapie pour une période minimum de 3 mois. ➤ Il sera poursuivi même si l’objectif thérapeutique est atteint. ➤ Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint au-delà de 3 mois d’un régime diététique bien conduit, une thérapeutique médicamenteuse visant à obtenir une diminution supplémentaire du LDL–cholestérol, doit être instituée, en complément du traitement diététique (2).
• Dépistage et prise en charge des facteurs de risque associés
Le dépistage et la prise en charge des facteurs de risque associés (tabagisme, diabète de type 2 et hypertension artérielle notamment) se référeront aux recommandations disponibles et ne seront pas détaillés ici (3, 4).
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Quels sont les signes d’appel d’une maladie cardiovasculaire sous traitement ? Même si aucun n’est spécifique, les différents signes cliniques pouvant faire évoquer une maladie cardiovasculaire sont : ➤ dyspnée d’effort, de repos ou de décubitus ➤ douleur ou oppression thoracique, ➤ palpitations, ➤ tachycardie à l’auscultation cardiaque, ➤ crépitants à l’auscultations pulmonaire, ➤ œdème des membres inférieurs. Dans le cas particulier de l’introduction d’un traitement par tocilizumab dans la PR, l’exploration des anomalies lipidiques doit être réalisée avant l’initiation du traitement, puis renouvelée avant la 3ème perfusion de tocilizumab (avant la 8ème semaine) (1).
Quelle conduite à tenir en cas de survenue d’un évènement cardiovasculaire ou d’une dyslipidémie sous traitement ?
• En cas de survenue d’un évènement cardiovasculaire sous tocilizumab
Les données de tolérance issues du programme du développement clinique du tocilizumab dans la PR ont été actualisées jusqu’au 6 février 2009. A cette date, 4009 patients avaient reçu au moins une dose de tocilizumab dans le cadre d’une étude clinique de phase I, des études cliniques de phase III (OPTION, AMBITION, RADIATE, TOWARD et LITHE), ainsi que dans le cadre des études d’extension en ouvert (GROWTH95 et GROWTH96) (9414 patientsannée [PA] d’exposition et 2,4 ans de suivi moyen). L’incidence de l’ensemble des évènements indésirables graves était de 14,9 pour 100 PA. L’incidence des décès était de 0,53 pour 100 PA. L’incidence des infarctus du myocarde était de 0,25 pour 100 PA (13,6 pour 100 PA à 4 mg/kg et 14,5 pour 100 PA à 8 mg/kg), celle des accidents vasculaires cérébraux de 0,19 pour 100 PA. L’incidence des évènements indésirables graves, de nature cardiovasculaire était stable au cours de la période de suivi et ne semblait pas excéder l’incidence attendue de tels évènements indésirables graves dans une population de PR comparable. Les concentrations sériques du cholestérol total, du LDL– cholestérol, du HDL–cholestérol et des triglycérides augmentaient à la 6ème semaine puis restaient relativement stables au cours du temps. Les 313 (7,8%) patients chez qui un traitement médicament hypolipémiant était initié sous tocilizumab répondaient généralement à ce traitement, sans complication (8). Malgré l’absence d’augmentation des évènement indésirables graves de nature cardiovasculaire dans le cadre du programme de développement clinique du tocilizumab, il est recommandé de suspendre le traitement par tocilizumab en phase aiguë d’un évènement coronarien ou d’un accident vasculaire cérébral ischémique, en attendant la stabilisation des paramètres cardiovasculaires.
• En cas de survenue d’une dyslipidémie sous tocilizumab
Une sous-analyse des données issues du programme de développement clinique du tocilizumab dans la PR a été consacrée à l’étude de l’évolution du profil des paramètres
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lipidiques et inflammatoires entre la visite d’inclusion et la visite de la 24ème semaine, chez les patients traités par du tocilizumab (8 mg/kg) combiné à un traitement de fond non biologique (études cliniques OPTION, TOWARD, LITHE et RADIATE [n = 1582]) ou par du tocilizumab (8 mg/kg) en monothérapie (étude clinique AMBITION [n = 288]), en comparaison aux patients traités par placebo et traitement de fond non biologique (études cliniques OPTION, TOWARD, LITHE et RADIATE [n = 1170]) ou par méthotrexate (étude clinique AMBITION [n = 284]). Chez les patients traités par tocilizumab combiné à un traitement de fond non biologique ou en monothérapie, on observait une augmentation sensible du cholestérol et des triglycérides, qui apparaissait au cours des 6 premières semaines de traitement pour se stabiliser ensuite, concomitante d’une diminution sensible des paramètres de l’inflammation, détaillées dans le tableau ci-dessous) (9). Variation moyenne [± écart-type] entre l’inclusion et la 24ème semaine Cholestérol total (g/l) LDL-cholestérol (g/l) HDL-cholestérol (g/l) Triglycérides (g/l) Apolipoprotéine A1 (g/l) Apolipoprotéine B (g/l) CRP (mg/l) SAA (ng/ml) Lipoprotéine A (mg/l)
Etudes en association TCZ 8mg/kg Placebo + DMARD + DMARD (n = 1582) (n = 1170) 0,30 [±0,35] 0,04 [±0,26] 0,20 [±0,30] 0,02 [±0,22] 0,05 [±0,12] 0,01 [±0,10] 0,28 [±0,77] 0,02 [±0,49] 0,20 [±0,27] 0,00 [±0,26] 0,10 [±0,26] 0,00 [±0,19] -23 [±29] -4 [±25] -58479 [±84929] -7017 [±71535] -124 [±181] -1 [±114]
Etudes en monothérapie TCZ 8mg/kg MTX + placebo (n = 288) (n = 284) 0,37 [±0,40] 0,07 [±0,35] 0,26 [±0,34] 0,05 [±0,28] 0,04 [±0,12] 0,03 [±0,11] 0,39 [±0,90] -0,04 [±0,46] 0,20 [±0,30] 0,10 [±0,26] 0,20 [±0,28] 0,00 [±0,23] -27 [±34] -19 [±33] -67857 [±90304] -47623 [±87819] -135 [±172] -51 [±97]
En d’autres termes, environ 24% des patients recevant du tocilizumab dans ces études cliniques ont présenté une élévation prolongée du cholestérol total ≥ 2,4 g/l (soit ≥ 6,2 mmol/l) et 15% une élévation prolongée du LDL–cholestérol ≥ 1,6 g/l (soit ≥ 4,1 mmol/l) (1). Chez les patients (n = 195) qui étaient traités par statines préalablement à l’initiation du traitement par tocilizumab, l’augmentation du LDL–cholestérol semblait moins marquée que sur l’ensemble de la population des patients (n = 2644) traités par tocilizumab (+0,12 g/l vs +0,19 g/l). Chez les 37 patients chez qui un traitement par statines a été introduit après l’initation du traitement par tocilizumab, l’introduction des statines a permis une diminution du LDLcholestérol (-0,31 g/l) à la 24ème semaine, malgré une élévation du LDL–cholestérol à la 6ème semaine (+0,33 g/l), en comparaison aux valeurs du LDL–cholestérol préalables à l’initiation du traitement par tocilizumab (10). Ainsi, la diminution des paramètres inflammatoires obtenue avec le tocilizumab s’accompagne de façon concomitante d’une élévation des paramètres lipidiques, sans que l’on soit en mesure d’évaluer à ce jour, en raison de la taille des effectifs et de la durée du suivi, l’impact de ces variations des paramètres inflammatoires et lipidiques sur l’incidence des évènements cardiovasculaires au cours de la PR. En cas de survenue d’une dyslipidémie au cours d’un traitement par tocilizumab : ➤ il n’est pas recommandé de suspendre le traitement par tocilizumab, ➤ il est recommandé de dépister les autres facteurs de risque cardiovasculaire afin de définir un objectif thérapeutique en termes de LDL–cholestérol, ➤ chez un patient sans antécédent cardiovasculaire (prévention primaire), il est
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recommandé de proposer le traitement diététique en monothérapie pour une période de 3 mois, de contrôler l’exploration des anomalies lipidiques à l’issue de cette période et d’engager un traitement par statines en cas de confirmation de la dyslipidémie. ➤ chez un patient avec antécédents cardiovasculaire (prévention secondaire), il est recommandé d’instaurer le traitement médicamenteux par statines le plus précocement possible, en association à la prescription diététique et à la correction des autres facteurs de risque (sédentarité, tabagisme, surpoids…). • le traitement par statines sera débuté à une posologie faible afin d’optimiser la tolérance et l’observance du traitement. • la fluvastatine, la pravastatine et la rosuvastatine ne sont pas métabolisées par les isoenzymes hépatiques du CYP 450 dont l’activité est réduite par l’IL–6. ➤ il est recommandé de renouveler l’exploration des anomalies lipidiques un mois après l’instauration du traitement médicamenteux par statines. Si l’objectif du LDL– cholestérol n’est pas atteint, il est recommandé d’adapter à la hausse la posologie des statines et renouveler l’exploration des anomalies lipidiques un mois après. Si l’objectif du LDL–cholestérol est atteint, il est recommandé de renouveler l’exploration des anomalies lipidiques 3 mois après, puis tous les 6 mois.
Quand reprendre le traitement par tocilizumab ? À l’issue de la phase aiguë d’un évènement coronarien ou d’un accident vasculaire cérébral ischémique, il est possible de réintroduire un traitement par tocilizumab à la dose antérieure. Cette réintroduction sera précédée d’un dépistage et d’une prise en charge adaptée des facteurs de risque cardiovasculaire, justifiant d’un avis, puis d’un suivi cardiologique ou neurologique régulier. La présence d’une insuffisance cardiaque NYHA de grades III/IV n’est pas mentionnée en tant que contre-indication à la reprise d’un traitement par le tocilizumab dans le résumé des caractéristiques du produit (1). Cependant, compte tenu des données expérimentales concernant le rôle de l’IL-6 dans le développement, la maintenance et la protection du myocarde (11), la réintroduction d’un traitement par tocilizumab sera précédée d’une prise en charge adaptée de cette insuffisance cardiaque, justifiant d’un avis, puis d’un suivi cardiologique régulier.
Pour en savoir plus
• Données générales concernant les maladies cardiovasculaires et leur prévention
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité et de handicap dans les pays développés. Leur fréquence diminue si l’on considère des groupes à âge constant, mais elle stagne ou elle augmente si l’on prend en compte le vieillissement de la population. Elles constituent en France et dans le monde, un enjeu majeur de santé publique. Les maladies cardiovasculaires sont classiquement représentées par la maladie coronaire, l’accident vasculaire cérébral ischémique et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Elles constituent les complications, le plus souvent tardives, de l’athérosclérose,
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phénomène inflammatoire artériel chronique, induit et entretenu par des facteurs de risque cardiovasculaire, dont certains sont considérés comme majeurs et ont le statut de facteur causal : augmentation du LDL–cholestérol, hypertension artérielle, diabète et tabagisme. Ils font l’objet de recommandations spécifiques de l’AFSSAPS. Il est admis que les maladies cardiovasculaires sont remarquablement accessibles à la prévention qui se conçoit à deux niveaux :
➤ la prévention primaire concerne les patients sans maladie cardiovasculaire ; ➤ la prévention secondaire concerne les patients qui ont une maladie cardiovasculaire (2). Les enseignements des grandes études d’intervention ont fait évoluer les bases de la prévention cardiovasculaire par les hypolipémiants sur 5 points : ➊ La prévention secondaire s’adresse aux patients qui présentent non seulement des antécédents coronaires, mais aussi d’autres maladies vasculaires athéromateuses avérées : accident vasculaire cérébral/accident ischémique transitoire, artériopathie oblitérante symptomatique des membres inférieurs. ➋ Le bénéfice de la prévention cardiovasculaire par les hypolipémiants n’est pas exclusivement coronaire. Chez les patients à haut risque, une diminution du risque de premier accident vasculaire cérébral est démontrée. Ce bénéfice s’étend à l’ensemble des événements cardiovasculaires. ➌ La prévention cardiovasculaire a des effets démontrés dans de nouveaux groupes de patients parmi les sujets âgés de 70 à 80 ans, les femmes ménopausées, les patients hypertendus, les diabétiques de type 2 ou les patients ayant des antécédents vasculaires personnels. ➍ Les patients ayant fait un accident coronaire doivent bénéficier du traitement préventif au décours de l’accident aigu. ➎ La réduction du risque cardiovasculaire dépend de l’abaissement des concentrations de LDL–cholestérol. Elle est également observée chez les sujets à risque ayant des concentrations de LDL–cholestérol proches des valeurs moyennes de la population générale (2). L’abaissement des concentrations sériques de LDL–cholestérol est le meilleur indicateur d’efficacité de la prévention cardiovasculaire par les hypolipémiants (grade A) et c’est à partir de ce paramètre simple à obtenir, qu’il a été décidé de définir les recommandations de dépistage et de prise en charge du patient dyslipidémique. Néanmoins, la prise en compte d’autres paramètres lipidiques, comme les concentrations du HDL–cholestérol et celles des triglycérides, est nécessaire, et des résultats d’essais de prévention en cours pourraient à l’avenir modifier la stratégie actuellement proposée (2). La prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique intègre la correction de l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire (tableau 1). Elle a pour but de retarder l’apparition (prévention primaire) ou la récidive (prévention secondaire) des complications cliniques de l’athérosclérose (grade A) (2).
• Place de l’IL-6 dans la pathogénie de la maladie cardiovasculaire
Une surexpression de l’IL–6 est associée à de nombreux états pathologiques, à composante inflammatoire de bas niveau, tels que l’obésité, l’insulino-résistance, le diabète de type 2, la maladie coronaire et l’insuffisance cardiaque congestive (11-12).
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Dans le cadre de cohortes de patients atteints d’une maladie coronaire, les taux sériques d’IL–6 sont positivement associés à l’âge, au tabagisme, à la pression artérielle systolique, à l’indice de masse corporelle, ainsi qu’aux concentrations de triglycérides, à la glycémie à jeun et à différents marqueurs pro-inflammatoires, tels la CRP. Par contre, les taux sériques d’IL–6 apparaissent négativement associés aux concentrations de cholestérol total (12). L’IL–6 est la principale cytokine régulant positivement la synthèse et la sécrétion de la CRP, non seulement par les hépatocytes, mais aussi par les cellules présentes dans les microenvironnements inflammatoires, tels que dans la synoviale au cours de la PR ou dans la paroi artérielle au cours de l’athérosclérose. La CRP, constitue, au même titre que l’IL–6, un facteur pro-inflammatoire capable d’activer les cellules du système immunitaire localement au sein des tissus inflammatoires, mais aussi à distance, dans la paroi artérielle notamment, favorisant ainsi la dysfonction endothéliale, puis l’athérosclérose (11, 13). Risque de maladie cardiovasculaire ou de dyslipidémie au cours de la polyar• thrite rhumatoïde La mortalité des patients atteints de PR est supérieure à celle de la population générale (14). Cet excès de mortalité est en majeure partie d’origine cardiovasculaire, avec un indice standardisé de mortalité (SMR (IC95%)) évalué à 1,5 (1,39 – 1,61) dans une méta-analyse récente, soit une augmentation de 50% de la mortalité par maladie cardiovasculaire, avec notamment une augmentation de 59% de la mortalité par maladie coronaire et de 52% de la mortalité par accident vasculaire cérébral ischémique (15). Cet excès de mortalité par maladie cardiovasculaire chez les patients atteints de PR peut résulter d’une augmentation de la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire, d’une insuffisance de prise en charge thérapeutique de ces facteurs de risque, de la PR elle-même, via la composante inflammatoire chronique, ou d’une combinaison de ces trois facteurs (14). Pour ce qui concerne la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire chez les patients atteints de PR, il existe une augmentation de la prévalence du tabagisme (16), en sachant que le tabagisme est associé à une augmentation de la susceptibilité à la PR, ainsi qu’à une augmentation de la synthèse d’anticorps anti-protéines citrullinées, notamment chez les patients porteurs d’un ou deux allèles HLA-DRB1 encodant l’épitope partagé (14). Il ne semble pas exister d’augmentation de la prévalence de l’hypertension artérielle chez les patients atteints de PR (14, 16-17). Il est difficile de conclure de façon formelle quant à une augmentation de la prévalence du diabète de type 2, bien que les résultats d’une méta-analyse récente aillent dans ce sens (16), tout en sachant que les anomalies de la glycorégulation observées chez les patients atteints de PR peuvent résulter de l’utilisation de glucocorticoïdes (14). Il existe enfin une dyslipidémie chez les patients atteints de PR, habituellement caractérisée par une diminution du HDL-cholestérol (14, 16-17) ; certaines études font aussi état d’une diminution du cholestérol total, voire du LDL-cholestérol, notamment dans les formes débutantes et actives de la maladie (14, 17). Il est par ailleurs possible que des altérations du métabolisme des lipoprotéines aboutissent, chez les sujets atteints d’affections inflammatoires chroniques telles que la PR, à des anomalies fonctionnelles des HDL, perdant ainsi tout ou partie de leurs propriétés anti-inflammatoire et anti-oxydante (18). La prise en charge des comorbidités est fréquemment négligée chez les patients atteints de maladies chroniques. La PR n’échappe pas à la règle pour ce qui concerne la prise en charge des comorbidités cardiovasculaires (14). Ainsi, un travail récent consacré à la prise en charge de l’hypertension artérielle chez des patients atteints de PR a montré que seuls 60% des patients hypertendus recevaient un traitement à visée anti-hypertensive et que seuls 22% des
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patients traités l’étaient de façon optimale (19). Ce déficit de prise en charge des comorbidités cardiovasculaires s’accompagne par ailleurs d’un déficit d’information et d’éducation des patients dans ce domaine (20). La PR constitue en elle-même un facteur de risque cardiovasculaire indépendant, exposant à un niveau de risque cardiovasculaire comparable à celui du diabète de type 2 (21). Il est possible que la composante inflammatoire chronique de la PR entraîne un état pro-inflammatoire de la paroi artérielle, favorisant l’athérosclérose, via des acteurs cellulaires et intercellulaires communs, tels que les cellules mononucléées et les cytokines pro-inflammatoires (14). Les glucocorticoïdes, couramment prescrits dans la PR, constituent par ailleurs un facteur de risque cardiovasculaire potentiellement important, surtout en cas d’utilisation prolongée, à forte dose (22).
• Impact de la prise en charge de la PR
Comme nous l’avons déjà souligné, la PR constitue un facteur de risque cardiovasculaire indépendant (21). Une prise en charge thérapeutique optimale de la maladie, visant à l’obtention rapide d’un bas niveau d’activité ou d’un niveau de rémission, ainsi qu’à une normalisation de la CRP, serait susceptible de diminuer la dysfonction endothéliale, de retarder la progression de l’athérosclérose et de diminuer à terme l’excès de mortalité propre à la PR (23, 24). Le choix de la stratégie thérapeutique permettant d’atteindre ces objectifs devrait idéalement prendre en compte les données disponibles concernant l’impact cardiovasculaire des différents traitements de la PR, considéré par exemple comme favorable pour le méthotrexate et les anti-TNF et défavorable pour les glucocorticoïdes à forte dose (22).
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Tableau 1 : Facteurs de risque cardiovasculaire devant être pris en compte pour le choix de l’objectif thérapeutique selon les valeurs de LDL-cholestérol (2). Facteurs de risque • Age : - homme de 50 ans ou plus - femme de 60 ans ou plus • Antécédents familiaux de maladie coronaire précoce - infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou chez un parent du 1er degré de sexe masculin - infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou chez un parent du 1er degré de sexe féminin • Tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans • Hypertension artérielle permanente traitée ou non (se reporter aux recommandations spécifiques) • Diabète de type 2 ou non (se reporter aux recommandations spécifiques) • HDL-cholestérol < 0,40 g/l (1,0 mmol/l) quel que soit le sexe Facteur protecteur • HDL-cholestérol ≥ 0,60 g/l (1,5 mmol/l) : soustraire alors ”un risque” au score de niveau de risque (Exemple : une femme de 60 ans ayant une concentration de HDL-cholestérol égale à 0,70 g/l (1,8 mmol/l) est considérée comme sans facteur de risque.
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Tableau 2 : Les trois catégories de patients à haut risque cardiovasculaire pour lesquels le LDL–cholestérol doit être inférieur à 1 g/l (2). 1/ Patients ayant des antécédents : - de maladie coronaire avérée (angor stable et instable, revascularisation, IDM, IDM silencieux documenté) - de maladie vasculaire avérée (accident vasculaire cérébral ischémique, artériopathie périphérique à partir du stade II) 2/ Les patients ayant un diabète de type 2, sans antécédent vasculaire mais ayant un haut risque cardiovasculaire défini par : - une atteinte rénale* - ou au moins deux des facteurs de risque suivants : - âge : - homme de 50 ans ou plus - femme de 60 ans ou plus - antécédents familiaux de maladie coronaire précoce - infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou chez un parent du 1er degré de sexe masculin - infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou chez un parent du 1er degré de sexe féminin - tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans - hypertension artérielle permanente traitée ou non (se reporter aux recommandations spécifiques) - HDL-cholestérol < 0,40 g/l (1,0 mmol/l) quel que soit le sexe - microalbuminurie (> 30 mg/24 heures) 3/ Les patients ayant un risque > 20% de faire un événement coronarien dans les 10 ans (risque calculé à partir d’une équation de risque)**
* Protéinurie > 300 mg/24 h ou clairance de la créatinine estimée par la formule de Cockcroft-Gault < 60 ml/min Formule de Cockcroft-Gault : clairance de la créatinine = (140 – âge ans) x poids (kg) x K en ml/min/1,73 m créatininémie en µmol/L (K = 1,23 chez l’homme et 1,04 chez la femme). ** Cf. ANAES : Recommandations sur les Méthodes d’évaluation du risque cardiovasculaire global.
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