Prise en charge pratique des patients sous abatacept
Que faire en cas d’antécédent ou d’apparition de
néoplasies solides et hématologiques ? Evidence Based Medicine
Recommandations officielles
Avis des experts
Les données de la littérature ● Le risque d’induction de pathologies néoplasiques est toujours évoqué lors de l’apparition d’un nouvel immunomodulateur, notamment pour un produit qui influe sur le lymphocyte T qui constitue une cellule essentielle dans les défenses antitumorales. Ce risque a donc été particulièrement regardé dans le développement de l’abatacept, ce d’autant que, dans les études précliniques de carcinogénicité, une augmentation de l’incidence des lymphomes et des tumeurs mammaires avait été mise en évidence dans un modèle murin, en liaison avec la perte de contrôle de la prolifération de virus associés au développement de ces pathologies malignes. Enfin, l’attention avait été attirée, durant les essais cliniques de phase III, sur l’observation de néoplasies pulmonaires observées sous abatacept, qui n’avaient pas été constatées dans le bras placebo. ● Lors de la phase de développement d’une molécule, l’évaluation du risque est cependant toujours limitée, car le nombre de patients inclus dans un essai clinique ne permet pas d’apprécier l’incidence d’évènements rares. Une bonne approche consiste à pooler l’ensemble des essais cliniques pour augmenter les effectifs. Une telle méta-analyse, il faut le rappeler, avait permis de mettre en évidence une augmentation du risque de malignité pour les anticorps anti-TNF. Durant les études cliniques, qui représentent 1688 patients-années d’observation, la fréquence des cancers a été similaire chez les patients sous abatacept et chez ceux ayant reçu le placebo (respectivement 1,4% et 1,1%). Cependant, 4 cas (0,2%) de cancer du poumon ont été observés chez les patients traités par abatacept, tandis qu’aucun cas n’a été retrouvé sous placebo. D’autres cancers ont été observés : cancer de la peau, cancer du sein, cancer de la vessie, cancer de l’ovaire, cancer de la prostate, cancer de la thyroïde et lymphomes, sans différence apparente avec le groupe placebo (tableau 1). ● L’avantage des essais cliniques est de fournir naturellement un groupe de comparaison idéal, obtenu par tirage au sort. Cependant, la période d’essai en double-aveugle est toujours relativement courte, et ne permet pas d’apprécier des évènements susceptibles de survenir après une période d’administration prolongée. Les périodes d’extension des essais cliniques en ouvert, permettent de collecter un plus grand nombre d’évènements sur une période d’exposition plus longue, mais on perd le bénéfice du groupe de comparaison. Deux solutions peuvent être adoptées. On peut comparer l’incidence des pathologies malignes observées dans l’ensemble du programme de développement du produit à l’incidence attendue dans la population générale, mais on n’inclut pas la part de risque liée à la maladie (rappelons que le risque de lymphome est deux à cinq fois supérieur dans la PR à ce qu’il est dans la population générale). On peut également comparer l’incidence des pathologies malignes observées sous abatacept à l’incidence de ces pathologies dans plusieurs cohortes historiques de PR, cohortes constituées avant l’ère des biothérapies.
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Prise en charge pratique des patients sous abatacept
● Si l’on compare les taux de néoplasies solides et de lymphomes observés sous abatacept par rapport aux taux attendus dans la population générale, on note l’absence d’augmentation globale du risque néoplasique (SIR = 0,75 ; IC95% [0,5-1,09]), une augmentation du risque de cancer du poumon (SIR = 2,25 ; IC95% [1,12-4,03]) et une augmentation du risque de lymphome (SIR = 3 ; IC95% [0,81-7,67]). À l’inverse, on constate une tendance à la réduction du risque de cancer colorectal (SIR = 0 ; IC95% [0-1,04]). Ces constatations sont celles habituellement faites dans une population de patients atteints de PR, indépendamment du traitement, et reflètent vraisemblablement plus les caractéristiques de la pathologie que celles du produit (cf. données récentes EULAR 2008 et ACR 2008). ● La comparaison aux données des grandes cohortes est plus intéressante. Six cohortes ont été utilisées pour servir de groupe de comparaison : la cohorte canadienne « British Columbia Population-Based RA Cohort », le « Norfolk Arthritis Registry » au Royaume-Uni, la « National Data Bank for Rheumatic Diseases » aux États-Unis, la « General Practice Research Database » (GPRD) en Grande-Bretagne, et une cohorte suédoise le registre des arthrites récentes (Sweden ERA). L’ensemble de ces cohortes représente plus de 94000 patients soumis à des traitements non biologiques. ● 4134 patients atteints de PR ont été exposés à l’abatacept durant le développement clinique, pour un total d’environ 10000 patients-années d’exposition. Le tableau 3 résume les ratios d’incidence des principales néoplasies observées. On constate que, pour aucune des néoplasies observées, l’incidence ne dépasse les intervalles de confiance, des incidences attendues d’après les cohortes (figures 1 et 2). ● Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de néoplasie (notamment lymphome et cancer du poumon) chez les patients traités par abatacept quand on les compare à une population de polyarthrites rhumatoïdes non soumises à une biothérapie. Ces résultats devront être confirmés par les études observationnelles qui seront conduites après la commercialisation du produit. ● De part l’action modulatrice des lymphocytes T, les anticorps monoclonaux anti-CTLA-4 ont été testés dans différentes stratégies anti-tumorales. Chez l’animal, les anticorps anti-CTLA-4 permettent la régression de tumeurs solides et des lymphomes dans des modèles murins d’implantation tumorale humaine. Cependant, le CTLA-4 seul est insuffisant pour faire régresser d’autres tumeurs peu immunogéniques comme le mélanome et les carcinomes mammaires. Chez l’homme, cette stratégie d’immunothérapie anti-tumorale a été développée avec 2 anticorps monoclonaux anti-CTLA-4 associés à une vaccination peptidique. Il a été observé une réponse objective chez 7 à 17% des patients atteints de mélanome, de cancer du rein, de la prostate, de l’ovaire, de sein ou du côlon, le plus souvent métastasé. De plus, il a été démontré que ces anticorps anti-CTLA-4 ne bloquent pas les LT reg qui viennent infiltrer la tumeur et y réduire l’efficacité des LT anti-tumoraux (9-13).
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Que faire en pratique ? 1. En cas d’antécédent de cancer ou d’hémopathie maligne Il n’a pas été mené d’études pour évaluer les avantages ou les risques de l’abatacept chez des patients ayant un cancer, un lymphome ou des antécédents récents de telles pathologies. En l’absence de données, il apparaît prudent, comme pour les anti-TNF, de ne pas utiliser abatacept chez des sujets ayant un antécédent de lymphome ou de cancer de moins de 5 ans (hormis les cancers cutanés basocellulaires et épidermoïdes localisés, lorsque l’exérèse est passée en zone saine). 2. En cas d’apparition d’un cancer ou d’une hémopathie maligne sous traitement L’arrêt du traitement sera décidé au cas par cas, en fonction de la nature du cancer (la découverte d’un cancer de prostate chez un homme de 75 ans n’a pas la même signification que l’identification d’un lymphome chez un sujet jeune). L’évènement fera l’objet d’une déclaration de pharmacovigilance.
Tableaux ● Tableau 1 - Taux de néoplasies observées sous abatacept comparés aux taux retrouvés sous placebo dans les essais cliniques (6) Tumeurs n (%)
abatacept (n=1955)
placebo (n=989)
Bénignes
46 (2,4)
18 (1,8)
Malignes
27 (1,4)
11 (1,1)
• Cutanées non mélaniques
16 (0,8)
6 (0,6)
• Poumon
4 (0,2)
0
• Thyroïde
2 (0,1)
0
• Lymphomes
1 (<0,1)
0
• Sein
1 (<0,1)
2 (0,2)
• Vessie
1 (<0,1)
0
• Prostate
1 (<0,1)
0
• Rein
1 (<0,1)
0
• Endomètre
0
2 (0,2)
• Mélanome
0
1 (0,1)
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● Tableau 2 - Taux de néoplasies observées sous abatacept comparés aux taux attendus dans la population générale (6) Cancers ou lymphomes
observés
attendus
SIR (IC 95%)
28
37,25
0,75 (0,5-1,09)
• Poumon
11
4,88
2,25 (1,12-4,03)
• Sein
4
9,66
0,41 (0,11-1,10)
• Prostate
3
3,92
0,77 (0,15-2,24)
• Colon /rectum
0
3,54
0 (0-1,04)
4
1,34
3 (0,81-7,67)
Cancers solides
Lymphomes SIR : standardized incidence ratios
SIR = 1 : le nombre d’évènements observés est le même que le nombre d’évènements attendus
● Tableau 3 - Taux de néoplasies observées sous abatacept (8) IR (IC95%) des néoplasies* Doubleaveugle placebo N=989
Doubleaveugle abatacept N=1955
5 études pivot abatacept N=2689
Cumulatif abatacept N=4150
794
1688
8837
10365
0,63 (0,26-1,50)
0,59 (0,32-1,10)
0,74 (0,57-0,94)
0,71 (0,55-0,89)
Poumons
0
0,24 (0,09-0,64)
0,18 (0,10-0,29)
0,16 (0,10-0,26)
Lymphomes
0
0,06 (0,01-0,43)
0,07 (0,02-0,15)
0,07 (0,03-0,14)
Cancers colorectaux
0
0
0,02 (0,00-0,08)
0,02 (0,00-0,07)
0,25 (0,06-1,01)
0,06 (0,01-0,43)
0,08 (0,03-0,16)
0,09 (0,04-0,16)
Néoplasies
Patients-années Globales (sauf peau non mélan.)
Cancer du sein
*évènement/100 patients-années ; IR : incidence rate
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● Figure 1 - Incidence de lymphomes observée sous abatacept et comparaison avec l’incidence attendue d’après différentes cohortes (8) Observés : 7 Intervalle de confiance attendu : 6-12
0,60
BC 0,85
NDB
1,17
GPRD 0,95
NOAR 1,23
Sweden ERA 0,1
1
10
SIR (SIR: standardized incidence ratios)
Il n’y a pas d’augmentation du risque de lymphome avec abatacept en comparaison avec l’incidence observée dans d’autres cohortes de PR soumises à des traitements non biologiques.
● Figure 2 - Incidence du cancer du poumon observée sous abatacept et comparaison avec l’incidence attendue d’après différentes cohortes (8) Observés : 17 Intervalle de confiance attendu : 9-26
0,65
BC 1,37
NDB 1,18
GPRD 1,84
NOAR 1,32
Sweden ERA 0,1
1
10
SIR (SIR: standardized incidence ratios)
Il n’apparaît pas d’augmentation du risque de cancer du poumon avec abatacept en comparaison avec l’incidence observée dans d’autres cohortes de PR soumises à des traitements non biologiques.
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Prise en charge pratique des patients sous abatacept
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