8-Neoplasies_Fiches-CRI-TCZ_11-2009

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Que faire en cas d’antécédent ou d’apparition

de néoplasie solide et hématologique Evidence Based Medicine

Recommandations officielles

Avis des experts

Le risque d’apparition d’une pathologie néoplasique est évoqué de principe lors de l’évaluation d’un nouvel immunomodulateur, en particulier quand il interfère avec des cytokines de l’immunité innée comme le TNFα ou l’interleukine 6 (IL-6). Dans le développement préclinique du tocilizumab, il n’y a aucune observation pouvant suggérer une augmentation de risque néoplasique. Pendant la phase de développement clinique de la molécule (phases II et III), il a été observé un nombre extrêmement limité de cancers avec une prévalence comparable à celle observée dans les groupes contrôles traités par méthotrexate dans les études de monothérapie et dans les groupes traités par traitements de fond classiques et placebo dans les études de combinaisons (1) (tableau 1). Dans l’étude LITHE, après 2 ans de suivi, il a été noté plus de cancers dans le groupe traité par tocilizumab 4 mg/kg associé au MTX que dans les autres groupes, avec respectivement 0,4/100 PA (1/284,81 PA), 1,9/100 PA (10/521,9 PA) et 0,9/100 PA (12/1320,41 PA) dans les groupes placebo, tocilizumab 4 mg/kg et tocilizumab 8 mg/kg (1). Dans l’état actuel des connaissances, on peut considérer que les différences observées n’ont pas de pertinence mais justifient la poursuite d’une surveillance. Dans l’ensemble de la base de données des laboratoires Roche qui comprend tous les patients inclus dans les études randomisées, il n’y a pas d’excès de cancers par rapport aux groupes contrôles pour le tocilizumab à la dose de 8 mg/kg. A noter qu’il n’a été observé que 4 hémopathies malignes (2 lymphomes non hodgkiniens, 1 lymphome hodgkinien avec des signes préexistants et une gammapathie avec, là encore, des signes préexistants). Il n’a pas été observé d’excès de cancers cutanés (non-mélanomes) (2). Dans cette base de données, le risque d’apparition d’affections néoplasiques ne se modifie pas avec la durée d’exposition à la molécule (tableau 2). Cette méta-analyse des essais cliniques contrôlés-randomisés permet d’avoir un groupe de comparaison obtenu par tirage au sort, ce qui autorise une analyse stricte du risque. Cependant, les effectifs limités et une période en double aveugle relativement courte ne permet pas d’apprécier le risque d’évènements ”tardifs” qui ne pourraient apparaître qu’après une longue période d’exposition. De plus, les patients inclus dans les études sont sélectionnés avec, en particulier, la non-inclusion de tout patient ayant présenté une néoplasie solide dans les 5 années précédant le début de l’étude. Il conviendra donc de tenir compte de ces restrictions lors de la comparaison des taux de néoplasies solides et de lymphomes observés sous tocilizumab par rapport aux taux attendus dans la population générale ou dans des cohortes ”historiques” de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde soumis à des traitements non biologiques et biologiques.

Que faire avant le traitement en cas d’antécédent de cancer ou d’hémopathie maligne ? Il n’a pas été mené d’étude pour évaluer les avantages ou les risques du tocilizumab chez les patients ayant un cancer ou un syndrome lymphoprolifératif ou des antécédents récents de ces pathologies. En l’absence de données, il paraît prudent de ne pas utiliser le tocilizumab chez des sujets ayant un antécédent de cancer ou d’hémopathie maligne de moins de 5 ans, hormis les cancers


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cutanés basocellulaires et spinocellulaires lorsque l’exérèse est passée en peau saine. Néanmoins, en cas de cancer localisé dont l’exérèse a été complète (sans risque de métastase), l’utilisation du tocilizumab peut être discutée avec le cancérologue au cas par cas. En cas de myélome (ou d’antécédent) ou en cas de gammapathie monoclonale apparemment bénigne, l’utilisation du tocilizumab peut être discutée en tenant compte du rapport bénéfice/ risque de cette molécule chez le patient. L’utilisation du tocilizumab peut être envisagée car il existe des données précliniques et cliniques solides pour penser que l’inhibition de l’IL-6 pourrait être bénéfique dans cette situation. En cas d’antécédent de lymphome, en l’absence de données cliniques, l’introduction du tocilizumab n’est pas indiquée. Néanmoins, en cas d’échec des autres stratégies thérapeutiques, en particulier du rituximab, le tocilizumab peut être discuté en collaboration avec l’hématologue après une analyse du rapport bénéfice/risque. En effet, il existe des arguments théoriques pour penser que l’IL-6 est une cytokine dont l’inhibition pourrait être bénéfique dans un lymphome B non hodgkinien. Les lymphoproliférations induites par l’EBV sont une situation différente dans laquelle il est préférable de ne pas utiliser le tocilizumab. Il n’y a pas de donnée évaluant le risque carcinologique chez des sujets avec des facteurs de risque néoplasique (tabac, infection par HPV, exposé toxique (amiante…)). Il n’y a pas de contre-indication à utiliser le tocilizumab mais cela doit se faire après une analyse précise du rapport bénéfice/risque en collaboration avec le cancérologue ou le spécialiste d’organe concerné.

Quels sont les signes d’appel sous traitement ? Différents signes cliniques apparaissant sous traitement peuvent faire évoquer le diagnostic de pathologie maligne, en particulier : ➤ fièvre inexpliquée ➤ altération de l’état général ➤ amaigrissement ➤ asthénie ➤ en cas de suspicion de lymphome : adénopathies superficielles, hépatomégalie, splénomégalie, infections récidivantes, sueurs, prurit ➤ en cas de suspicion de tumeur solide : signes d’appel locaux selon l’organe concerné.

Que faire en cas de suspicion de cancer ou d’hémopathie maligne sous tocilizumab ? La découverte d’un cancer solide ou d’une hémopathie maligne sous tocilizumab justifie de : ➤ réaliser des explorations complémentaires pour confirmer le diagnostic et préciser l’extension, ➤ suspendre le traitement par tocilizumab dès l’injection suivante, ➤ réajuster le traitement de fond de la PR en discutant l’arrêt des immunomodulateurs associés (méthotrexate, léflunomide…) au moins pendant la période de traitement du cancer, ➤ faire une déclaration à la pharmacovigilance et débuter un traitement adapté si le diagnostic est confirmé. L’arrêt définitif du traitement sera discuté au cas par cas en fonction de la nature du cancer. ➤ En cas de tumeur disséminée ou à haut risque métastatique (ex : cancer du sein), la


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reprise du tocilizumab n’est pas conseillée en l’absence de données complémentaires suggérant l’absence de risque de ces situations. ➤ En cas de tumeur localisée traitée de façon complète par une exérèse chirurgicale, le traitement est arrêté le temps du bilan et du traitement chirurgical puis la reprise du tocilizumab peut se discuter au cas par cas avec le cancérologue en fonction du rapport bénéfice/risque. ➤ En cas de myélome ou de lymphome, le traitement est arrêté le temps de la procédure thérapeutique mais en cas de rémission partielle et a fortiori complète, la reprise du tocilizumab peut se discuter avec le cancérologue en fonction du rapport bénéfice/risque. Chaque évènement fera l’objet d’une déclaration à la pharmacovigilance.

Pour en savoir plus sur l’état des connaissances sur le rôle de l’IL-6 dans la cancérogénèse Le rôle de l’IL-6 dans la cancérogenèse a été particulièrement analysé : ➤ L’IL-6 a été étudiée in vitro sur les lignées cellulaires et in vivo dans des modèles animaux (souris) délétés en IL-6 (IL-6 -/-) ou traités par des dominants négatifs de l’IL-6 chez lesquels on a étudié le comportement de tumeurs induites. Ces études montrent globalement un effet protumoral de l’IL-6 qui facilite la survie (inhibition de l’apoptose) et la prolifération des cellules cancéreuses ainsi que la migration métastatique par une stimulation de l’adhésion cellulaire et de l’angiogenèse. L’IL-6 peut aussi agir en interférant avec des facteurs hormonaux ou enzymatiques par exemple en facilitant la production d’aromatase (ce qui pouvait favoriser le cancer du sein). L’IL-6 favorise également l’apparition de phénomènes de chimiorésistance. Son effet sur la réponse immunitaire antitumorale est plus controversé (3, 4). Ces effets globalement procarcinogènes s’exercent via l’activation de la voie JAK-STAT (STAT3) mais aussi la voie des MAPkinases. Seuls quelques rares modèles in vitro et in vivo assez anciens évoquent un éventuel rôle antitumoral de l’IL-6 (5, 6). Au total, l’IL-6 est donc considérée comme un facteur protumoral dans les syndromes lymphoprolifératifs (myélome, lymphome, Castleman) et dans certains cancers solides (sein, ovaire, prostate, poumon, rein, côlon, gliome, mélanome…). ➤ Le rôle de l’IL-6 a été étudié dans différentes affections néoplasiques humaines • Des travaux ont montré que le polymorphisme (-174G/c) de son promoteur (associé à une élévation des taux sériques d’IL-6) est corrélé à l’apparition de syndromes lymphoprolifératifs (lymphome, myélome) mais aussi de cancers solides (côlon, sein) (7, 8). Des données plus controversées ont été publiées dans d’autres cancers, en particulier les cancers ORL et gastriques. • Près de 200 études ont été consacrées à l’analyse des taux d’IL-6 sériques et tissulaires dans différents cancers (9). Globalement, les taux sériques d’IL-6 semblent plus élevés en cas de cancer mais il n’y a pas d’étude prospective permettant de démontrer un lien de causalité entre la production de cette cytokine et l’apparition du cancer. • Des études physiopathologiques dans certains cancers ont fortement suggéré le rôle protumoral de l’IL-6. - Dans le myélome, les lymphomes et la maladie de Castleman, l’IL-6 est considérée comme un marqueur de mauvais pronostic. L’IL-6 peut être produite par les cellules tumorales (lymphocyte B, plasmocyte) mais aussi par l’environnement de la tumeur (cellules stromales). Cette production auto- et paracrine agit sur les cellules tumorales qui expriment le récepteur de l’IL-6. Le rôle de l’IL-6 est


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particulièrement important dans la maladie de Castleman. Dans sa forme induite par le virus HHV8, il a été démontré que ce virus est capable de produire un facteur analogue à IL-6 qui induit la prolifération tumorale. - Dans l’hépatocarcinome, il a été démontré que l’IL-6 exerçait un rôle important dans la transformation maligne des hépatocytes après que ces cellules aient été agressées par un stress viral, toxique ou immunologique. L’étude d’un modèle d’hépatocarcinome (induit par le diéthylnitrosamine) a permis de confirmer avec élégance l’importance de l’IL-6 dans l’apparition de ce cancer (10-12). • Ainsi, dans la plupart des affections néoplasiques humaines, l’IL-6 est considérée comme une cytokine participant à la cancérogenèse et à la dissémination métastatique. Parmi les rares données controversées, il faut citer le mélanome car, in vitro, sur des lignées cellulaires, l’IL-6 peut exercer un effet inhibiteur sur la tumeur alors que cette cytokine augmente le risque de métastase en modèle murin de métastase de mélanome (13). Chez l’homme, les taux de l’IL-6 sont plus élevés dans les mélanomes métastasés et sont corrélés à la prolifération de la tumeur (14). Au total, ces données, consensuellement en faveur d’un rôle protumoral de l’IL-6, ont suggéré l’évaluation de différentes molécules inhibitrices de l’IL-6 dans différentes tumeurs (3). Les principales indications étudiées sont la maladie de Castleman et le myélome mais l’inhibition de l’IL-6 a été également envisagée dans le traitement des lymphomes et d’autres cancers disséminés, notamment dans le cancer du rein avec des résultats contrastés (15, 16).

Bibliographie 1. Fleischmann R, Burgos-Vargas R, Ambs P et al. LITHE : tocilizumab inhibits radiographic progression and improves physical fucntion in Rheumatoid Arthritis (RA) patients (Pts) at 2 Yrs with increasing clinical efficacy over time. ACR 2009, 17-21 octobre, Philadelphia, Pennsylvania. Abs. 637. 2. Van Vollenhoven RF, Furie R, Krasnow J et al. Long term safety and tolerability of tocilizumab treatment in patients with rheumatoid arthritis and a mean treatment duration of 2.4 years. ACR 2009, 17-21 octobre, Philadelphia, Pennsylvania. Abs. 1955. 3. Hong DS, Angelo LS, Kurzrock R. Interleukin-6 and its receptor in cancer: implications for Translational Therapeutics. Cancer 2007;110:1911-28. 4. Mumm JB, Oft M. Cytokine-based transformation of immune surveillance into tumor-promoting inflammation. Oncogene 2008;27:5913-9. 5. Rabau M, Kashtan H, Baron S et al. Inhibition of CT-26 murine adenocarcinoma growth in the rectum of mice treated with recombinant human interleukin-6. J Immunother Emphasis Tumor Immunol 1994;15:257-64. 6. Bihl M, Tamm M, Nauck M et al. Proliferation of human non-small-cell lung cancer cell lines: role of interleukin-6. Am J Respir Cell Mol Biol 1998;19:606-12. 7. Lan Q, Zheng T, Rothman N et al. Cytokine polymorphisms in the Th1/Th2 pathway and susceptibility to non-Hodgkin lymphoma. Blood 2006;107:4101-8. 8. Theodoropoulos G, Papaconstantinou I, Felekouras E et al. Relation between common polymorphisms in genes related to inflammatory response and colorectal cancer. World J Gastroenterol 2006;12:5037-43. 9, Heikkila K, Ebrahim S, Lawlor DA. Systematic review of the association between circulating interleukin-6 (IL-6) and cancer. Eur J Cancer 2008;44:937-45. 10. Naugler WE, Sakurai T, Kim S et al. Gender disparity in liver cancer due to sex differences in MyD88dependent IL-6 production. Science 2007;317:121-4. 11. Naugler WE, Karin M. The wolf in sheep’s clothing: the role of interleukin-6 in immunity, inflammation and cancer. Trends Mol Med 2008;14:109-19. 12. Maeda S, Kamata H, Luo JL et al. IKKbeta couples hepatocyte death to cytokine-driven compensatory proliferation that promotes chemical hepatocarcinogenesis. Cell 2005;121:977-90. 13. Garcia de G, Boyano D, Smith-Zubiaga I et al. Involvement of interleukin-6 in the biology and metastatic activity of B16F10 melanoma cells. Eur Cytokine Netw 1998;9:187-92.


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14. Mouawad R, Rixe O, Meric JB et al. Serum interleukin-6 concentrations as predictive factor of time to progression in metastatic malignant melanoma patients treated by biochemotherapy: a retrospective study. Cytokines Cell Mol Ther 2002;7:151-6. 15. Schuler M, Bruntsch U, Spath-Schwalbe E et al. Lack of efficacy of recombinant human interleukin-6 in patients with advanced renal cell cancer: results of a phase II study. Eur J Cancer 1998;34:754-6. 16. Blay JY, Rossi JF, Wijdenes J et al. Role of interleukin-6 in the paraneoplastic inflammatory syndrome associated with renal-cell carcinoma. Int J Cancer 1997;72:424-30.

Tableau 1 : Prévalence des cancers et des lymphomes dans les études contrôlées randomisées avec du tocilizumab en monothérapie versus methotrexate ou en association vs placebo avec une durée moyenne de traitement de 2,4 ans (2). Population randomisée initiale (n = 4199)

Contrôles n = 1555

TCZ 4 mg/kg + DMARDs* n = 774 565

Exposition (PA**) 825 Taux / PA (nombre d’évènements) Cancer total 0,7 (6) 1,6 (9) Cancers cutanés (non mélanomes) 0,4 (3) 0,5 (3) Cancers solides 0,4 (3) 0,9 (5) Hémopathies malignes 0 0 0 0,2 (1) Autres cancers (a) (a) : autres cancers pour lesquels la tumeur n’a pas été localisée. * DMARD = Disease Modifying Anti-Rheumatismal Drug ** : patients – années.

Total de la population exposée (n = 4009)

TCZ 8 mg/kg + DMARDs* n = 1870 1194

9414

0,7 (8) 0,3 (4) 0,3 (4) 0 0

11 (105) 0,4 (37) 0,6 (61) 0,0 (4) 0,0 (3)

Tableau 2 : Prévalence (en événement pour 100 patients-années (PA)) des cancers dans les études contrôles-randomisées et leurs extensions avec le tocilizumab (Données du rapport F. Hoffmann-La Roche clinical study report: Original US Biologic License Application, summary of clinical safety) Durée de suivi (mois)

0-6 7-12 13-18 19-24 25-30 31-36 37-42

Tocilizumab (n = 4009) Durée d’exposition Événement (n) (patients/années (PA) 1.805 17 1664 18 1542 12 1440 19 1290 19 964 13 528 7

Événement pour 100 PA (IC95%) 0,94 (0,55, 1,51) 1,08 (0,64, 1,71) 0,78 (0,40, 1,36) 1,32 (0,79, 2,06) 1,47 (0,89, 2,30) 1,35 (0,72, 2,31) 1,33 (0,53, 2,73)


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