Où en est-on quatre ans après le remboursement de l’ostéodensitométrie en France ? Docteur Mickaël ROUSIERE. Service de Rhumatologie, Hôpital Saint-Antoine (APHP), Paris. A propos de l’article : Canoui-Poitrine F, Jaglal S, Chapurlat R, Tainturier V, Colin C, Schott AM. Has reimbursement of bone mineral density testing and anti-osteoporotic treatments improved management of osteoporosis in France? Bone. 2010;47:790-4. Retrouvez l’abstract en ligne : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20601300 L’ostéoporose est désormais reconnue comme un enjeu de santé publique et la réduction du nombre de fractures de l’extrémité supérieure du fémur fait partie des objectifs de la Loi du 9 août 2004 relative à la politique de Santé Publique. Ainsi, les autorités de tutelle ont instauré en juillet 2006 une prise en charge de l’ostéodensitométrie par la Sécurité Sociale, non plus seulement en prévention secondaire (après une première fracture), mais également en prévention primaire sous conditions (en présence d’une situation clinique « à risque »). Trois mois plus tard (octobre 200, les conditions du remboursement du traitement de l’ostéoporose ont été élargies, ouvrant la voie à la prise en charge des médicaments avant le stade de fracture. Ces efforts institutionnels laissaient donc espérer une meilleure prise en charge de l’ostéoporose en France… A partir des données de l’Assurance Maladie Rhône-Alpes (représentant 10 % de la population française), il a été possible de suivre le nombre de prescriptions d’ostéodensitométrie réalisées chez les femmes et les hommes entre le 1er juillet 2006 et le 31 août 2009 [1]. Lors de cette même période, le nombre de nouvelles prescriptions remboursées de traitements anti-ostéoporotiques a été relevé. Lors de la période d’observation, le nombre total d’ostéodensitométries remboursées était de 140.038, réalisées essentiellement chez les femmes de plus de 50 ans (89.3 %). On note une discrète, mais significative (p=0.047) diminution du nombre d’actes de densitométries osseuses entre juillet 2006 et août 2009. Ainsi, le remboursement de l’ostéodensitométrie n’a pas déclenché d’enthousiasme durable auprès des médecins prescripteurs : de moins de 1 000 examens pratiqués en juillet 2006, le nombre d’actes est passé à 6 000 par mois sur octobre et novembre de la même année, avant de retourner très rapidement vers une moyenne de 3 795 ostéodensitométries mensuelles. La proportion des femmes de 50 ans ou plus bénéficiant de l’examen de densité osseuse est d’environ 5 % et ce taux n’a pas augmenté entre 2006 et 2009, voire a régressé (4.76 pour 100 femmes-année en 2007 contre 3.93 en 2008). Par comparaison, dans la province d’Ontario au Canada, seules 1.66 % des femmes de plus de 50 ans étaient dépistées par ostéodensitométrie en 1992, mais huit fois plus (16.1 %) en 2001 [2]. Au regard de la proportion annuelle de femmes ménopausées bénéficiant d’une ostéodensitométrie, cette proportion dans la région Rhône-Alpes en 2008 est similaire à celle observée en Ontario en 1995 ! Chez les femmes ne recevant de traitement hormonal de la ménopause, seules 27.3 % d’entre elles initient une prescription de traitement anti-ostéoporotique dans les quatre mois suivant le dépistage densitométrique (analyse restreinte à 8566 femmes entre janvier et mars 2007). Il s’agit principalement d’un bisphosphonate (16.8 %), du ranélate de strontium (5.8 %) ou du raloxifène (3.4 %). Les données de l’Assurance Maladie Rhône-Alpes en 2008 montrent que 10% environ des femmes de plus de 65 ans ont reçu une prescription de ce type. Ici encore, la confrontation avec la prise en charge en Ontario est édifiante : 23% des femmes de la même tranche d’âge ont un traitement contre l’ostéoporose [3]. Parmi les femmes françaises ayant
débuté un traitement de l’ostéoporose après une ostéodensitométrie, 71.7 % d’entre elles prennent toujours ce traitement à un an, témoignant d’une bonne persistance. Au total, durant les trois années suivant le remboursement de l’ostéodensitométrie, la proportion de femmes ayant bénéficié d’un tel examen n’a pas augmenté, voire a régressé. Bien que le remboursement des ostéodensitométries soit ciblé sur les patientes à haut risque, seules 25 % des femmes de plus de 50 ans bénéficient d’une nouvelle prescription de traitement anti ostéoporotique dans les quelques mois suivant le dépistage. Ces éléments conduisent à poursuivre les efforts de sensibilisation des praticiens de terrain afin de mieux identifier les femmes ménopausées à risque fracturaire, en rappelant que le dépistage et les traitements préventifs ont bien montré leur efficacité dans l’ostéoporose post-ménopausique. 1. Canoui-Poitrine F, Jaglal S, Chapurlat R, Tainturier V, Colin C, Schott AM. Has reimbursement of bone mineral density testing and anti-osteoporotic treatments improved management of osteoporosis in France? Bone. 2010;47:790-4. 2. Jaglal SB, Weller I, Mamdani M, Hawker G, Kreder H, Jaakkimainen L, Adachi JD. Population trends in BMD testing, treatment, and hip and wrist fracture rates: are the hip fracture projections wrong? J Bone Miner Res. 2005;20:898-905. 3. Cadarette SM, Gignac MA, Jaglal SB, Beaton DE, Hawker GA. Access to osteoporosis treatment is critically linked to access to dual-energy x-ray absorptiometry testing. Med Care. 2007;45:896-901.