Musée ‘de la Porte’ Musée d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Tubize et sa région
La Mémoire des Forges Témoignage de Claude Brohée - 2
Illustration de couverture : La ligne des HFx au début des années ‘60. On y distingue : - les 5 Hfx avec leurs appareils cowpers, - les 3 cheminées des cowpers, - le château d’eau canal en béton (le château d’eau rivière est à peine visible. Il est masqué par le monte charge du haut-fourneau 3), - à l’avant-plan la passerelle couverte abritant les courroies transporteuses amenant les minerais criblés et l’aggloméré vers les Hfx, - la conduite à gaz de Hfx alimentant les fours de l’agglomération.
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Avertissement
Le témoignage qui suit est un témoignage personnel qui n’engage que son auteur. Il fait partie d’un projet global sur «la Mémoire des Forges de Clabecq», initié par le Musée ‘de la Porte’ à Tubize. Il n’a de sens que dans ce cadre, confronté à et éclairé par d’autres témoignages. Il est uniquement destiné à figurer, parmi d’autres, sur le site Internet du Musée consacré au projet (www.museedelaporte.be). Si vous utilisez ce témoignage ou des parties de celui-ci, vous êtes tenus de citer votre source : Témoignage de Claude Brohée «La modernisation des hauts-fourneaux à partir de 1966. Amélioration des performances. Comparaison avec les autres hauts-fourneaux belges et européens», extrait du site Internet consacré à la Mémoire des Forges de Clabecq par le Musée ‘de la Porte’ à Tubize (www.museedelaporte.be), consulté le ...
© Musée ‘de la Porte’ - 2013
Témoignage
Claude Brohée témoigne :
La modernisation des hauts-fourneaux à partir de 1966. Amélioration des performances. Comparaison avec les autres hauts-fourneaux belges et européens. I. Les hauts-fourneaux des Forges de Clabecq en 1961 Mes premières impressions de 1961
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Dans cette seconde note je vais d’abord faire part des impressions du jeune ingénieur sans aucune expérience que j’étais à mon arrivée à la division des Hfx des Forges le 1er juin 1961. J’ai trouvé les abords des Forges de Clabecq en grand chantier. Celui du Canal de Charleroi à Bruxelles qui était toujours à 300 tonnes de Charleroi à Clabecq et allait être porté à 1350 tonnes sur toute sa longueur. J’ai d’abord logé quelque temps à Braine-le-Comte, chez une tante. Mais on m’a rapidement signifié que c’était trop loin. Comme bien d’autres avant moi, j’ai donc pris pension à Tubize. Dans mon cas au Café Central, rue de Mons. Deux autres ingénieurs récemment embauchés y ont logé aussi à cette époque. Pourtant, entre Tubize centre et les Forges, il y avait alors deux passages à niveau : celui de Clabecq, qui existe toujours et qui était souvent fermé pour cause de manoeuvres en gare et celui de Tubize qui l’était plus souvent encore. A ce passage à niveau, on attendait souvent de un quart d’heure à une demi-heure entre deux ouvertures de quelques minutes
à peine. Dans l’usine, il n’y avait pas de grand chantier à cette époque. Mais la décision de construire une aciérie LDAC et un laminoir à tôles quarto réversible avait été prise. Ce qui deviendrait bientôt la «vieille usine» était alors encore une «fourmilière» impressionnante et le territoire couvert par la division Hfx l’était aussi. Ce domaine, dès le premier jour, je l’ai découvert, parcouru en grande partie en suivant Monsieur Ferdinand Malaise, ingénieur civil entré aux Forges en 1952. A grandes enjambées (et grandes il les avait, lui qui était de haute stature!), il m’a entraîné dans une très longue visite guidée. Nous avons parcouru pas mal de kilomètres et gravi pas mal d’escaliers. Alors là, j’étais servi. Le soir j’étais fourbu. Au pages 6 et 7 on trouve une photo de la ligne des Hfx vers 1964. La figure 1 donne une vue schématique en plan des équipements essentiels de la ligne des Hfx en 1958, elle a été extraite du rapport de stage de Clément Pacqué. En 1958, Clément et moi étions dans la même classe et venions de terminer la quatrième de nos cinq années d’études d’Ingénieur métallurgiste. Entre l’été 1958 et celui de 1961, en x, y et z sont apparus des équipements
supplémentaires et le nombre de voies sous les ponts de coulée des Hfx est passé de 3 (fig. 1) à 4 : 1 voie à laitier, 1 voie à cuves et 2 voies à fontes. La figure 2 complète la figure 1, c’est un schéma en élévation des équipements principaux qui met en relief les différences de niveaux. Ce schéma est extrait d’un autre rapport de stage effectué par Paul Ghigny en 1947. Sans compter l’aérien qui posait pas mal de problèmes en cas de gel prolongé en hiver et servait à mettre en stock le laitier invendu à la motte (un terril s’étendant sur plus d’une centaine de mètres : fig. 1), pour l’inspection journalière de la division, la ligne des Hfx, du Hf1 au Hf5, devait être parcourue cinq fois. Après la mise en service du Hf6, la ligne dépassera les 250m de long. Pour les repérages A, B, C ... voir la fig. 2. [A] A environ 5 à 6 mètres du sol par une série de passerelles permettant d’aller d’un Hf au suivant pour avoir accès aux ponts de coulée, planchers de travail et aux équipements des épurations de gaz de chacun des Hfx. [B] Au niveau du sol (aux pieds des Hfx) pour accéder à certaines annexes importantes telles que :
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Fig 1
• les postes de chauffe des Cowpers (appareils permettant de chauffer l’air injecté aux tuyères à environ 800° régulé à cette époque. Ces appareils étaient une bonne douzaine répartis entre les cinq Hfx ; • l’équipement Neu assurant l’aspiration des poussières sèches de gaz de Hfx et leur refoulement vers l’agglomération Smidth ; • l’équipement Door-Oliver de traitement des boues produites lors de l’épuration complémentaire humide des gaz de Hfx. [C & C’] Au niveau de la préparation des charges et ce de part et d’autre des accumulateurs à minerais pour visiter • en C l’aire de préparation des bennes de coke, • en C’ les équipements de manutention des mitrailles et autres additions et accéder aux treuils des cinq monte-charge pilotés chacun par un machiniste-treuil. A noter qu’avec ces machinistes-treuil, le personnel d’encadrement des Hfx n’avait aucun moyen de communication à distance. La seule liaison avec sa cabine partait
du gueulard du fourneau qu’il desservait sous la forme d’un « tuyau acoustique ». Ce tuyau était utilisé en cas d’incident au gueulard : benne mal posée, renversée ou décrochée. Le chef de charge transmettait la majorité des ordres de mouvements spéciaux par un code de coups frappés sur le dit tuyau acoustique. Pas de sonnette, pas de téléphone non plus évidemment. Il n’y en aura jamais. Il a d’ailleurs fallu très longtemps pour qu’il y ait un téléphone vers l’extérieur aux Hfx. Et lorsqu’il fallait rappeler l’ingénieur de service, on envoyait un homme à pied du Hf jusqu’à son domicile et cela n’était pas rare à l’époque. [E] Au niveau du dessus des accumulateurs à minerais pour en surveiller le contenu. Leur capacité totale étant de près de 20000 m³. Comme le montre la figure 2, il y avait aussi une série d’accumulateurs de coke de réserve dormante de sécurité. Elle était de 7500 m³. Pour une inspection complète des seuls Hfx, il fallait en plus escalader chacune des cinq tours carrées jusqu’à chacun des cinq gueu-
lards d’où on avait aussi accès aux coupoles des cowpers. Pas plus que parcourir l’aérien (sauf en hiver rude), escalader les cinq Hfx ne se faisait bien sûr pas tous les jours par la maîtrise mais c’était bien la réalité quotidienne des ajusteurs de pause qui, à deux, se tapaient les cinq escalades de plus ou moins 25 m au moins deux fois par pause pour contrôler voire rétablir le bon écoulement des eaux de refroidissement des cuves des Hfx et de celles de l’épuration des gaz au sommet des laveurs. Cette tournée d’inspection et de dépannage, les ajusteurs de pose devaient la faire à deux, car l’accès aux étages des Hfx était interdit à une personne seule vu le danger que représentaient certaines fuites de gaz de Hfx, mortel à très faible dose. A cette époque n’existaient ni le GSM, ni le walky talky. Avec Monsieur Malaise, puis avec le chef de fabrication Marcel Herman dit Foya (?), puis seul, j’ai continué à reconnaître ce nouveau monde pendant quelques semaines, avant d’arriver à le capter, à le faire mien. Je me souviens, entre autre, avoir mis ce temps à comprendre que l’équipe qui s’activait toute la journée (de jour donc à cheval sur les pauses 6-14 et 14-22) à rafistoler la
Fig 2
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Trams à «mines»
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Vue de la «vieille usine» de Clabecq. Page 6 de gauche à droite et d’avant en arrière, les deux halls des fours Smidth, les bâtiments du concassage-criblage et la motte laitier. Page 7, les accumulateurs à minerais, la ligne des 5 fourneaux et le canal déjà porté à 1350 t. En arrière-plan, tout le reste de la vieille usine. A l’avant-plan, présence de la conduite à gaz vers la nouvelle usine.
cuve de l’un des Hfx en activité n’était pas une brigade de maçons dirigée par un chef maçon mais une équipe d’ouvriers des Hfx commandée par René Batens probablement déjà contremaître aux Hfx mais en tout cas futur chef de fabrication. C’est clair, pour travailler aux Hfx à cette époque, il fallait de bons bras mais aussi de bonnes jambes. En faisant « lancer » une passerelle d’un mètre de large et de plus ou moins trois mètres de long entre les sommets des laveurs très proches de deux Hfx voisins, j’ai rapidement ramené les escalades des ajusteurs de poste de cinq à trois : montée au Hf1 et descente au Hf2, idem pour les Hfx 3 et 4, le Hf5 restant seul hélas ! Après cela, les ajusteurs de poste étaient déjà mes amis et le sont toujours restés, car ils ont toujours fait partie des meilleurs : des débrouillards dynamiques. Je ne saurais dire à partir de quand j’ai commencé à reconnaître le domaine du concas-
sage-criblage et de l’agglomération dont rien n’existait encore début 1959. Mais cela a été rapide car n’ayant pas encore de voiture (d’occasion bien sûr) mais seulement une vespa, je me souviens de ma deuxième entrée à l’agglomération par cette fameuse entrée sans concierge : en vespa, je suis resté planté dans la berdouille mais surnageant grâce à son plancher qui a constitué un frein impossible à vaincre par le petit moteur deux temps d’une vespa. Plusieurs ouvriers ont uni leurs efforts pour m’en sortir. Là aussi j’ai trouvé une sacrée équipe de gens courageux, une équipe de durs qui, bien encadrés par Messieurs Lacroix, Renaux et Bruynbroeck, ont toujours fait tout et encore plus pour faire tourner leur boutique malgré tout. Véritable incarnation de l’esprit Clabecq jusqu’au dernier jour de marche des installations dont ils avaient la charge.
tier encore ouverts et bouchés à la main.
Malgré mon inexpérience, j’ai très rapidement pris conscience des améliorations à apporter d’urgence à l’outil existant et me suis attelé à les réaliser.
Pourtant, les dates de premières mises à feu s’étaient échelonnées de novembre 1910 à juillet 1956, sur près de 50 ans ! En 50 ans presque rien de fondamental n’avait changé : les Hfx 1, 2, 3 et 4 étaient nés avec un diamètre de creuset de 4 mètres maximum et l’avaient gardé. Ils étaient restés dans le même type de tour carrée, supportant la tête du même type de monte-charge incliné, permettant leur alimentation par bennes stälher. Rien de tout cela n’avait changé. Seul le Hfx 5 était né en 1956 avec un diamètre de creuset de 4,5 mètres au lieu de 4,0 maximum pour les Hfx précédents. Toujours sans rien modifier d’autre, le diamètre du creuset de deux d’entre eux avait été porté récemment à 5 mètres : • le Hf1 pour la remise à feu du 15 octo-
A ce moment, il y avait à Clabecq 5 Hfx. Tous étaient encore, pour l’essentiel, équipés de façon identique. Tels qu’ils étaient tous nés : 1. Maçonnés entièrement en briques silicoalumineuses 2. Teneur en alumine: de 28% en haut de cuve à 42 puis 45 % dans les étalages et le creuset 3. Cuve et étalages à briques apparentes, simplement cerclées 4. Un trou de coulée de fonte et trois tuyères d’évacuation du laitier 5. Trous de coulée de la fonte comme du lai-
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
La situation au 1er juin 1961
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
bre 1959 • le Hf2 pour la remise à feu du 17 octobre 1960 après réfection classique : renouvellement des réfractaires essentiellement Mais le Hf3 sera encore remis à feu en octobre 1961 sans agrandissement.
A Clabecq, on faisait tout ou presque soimême. Le bureau de dessin dressait les plans complets de tout nouvel équipement dès avant sa première mise en service qu’il soit de conception Clabecq ou non. L’atelier mécanique, avec sa fonderie et son modelage, pouvait tout fabriquer. Les monteurs et les maçons pouvaient tout construire. A part les réfractaires, les moteurs électriques, les câbles électriques et de levage et certains gros équipements spéciaux tels que les soufflantes pour les Hfx et les cages de laminoirs, on n’achetait pratiquement rien à l’extérieur. Formidable, certes. Ce fut hélas aussi la voie royale de la routine dans une douce ignorance du coût de tout cela en l’absence de comptabilité analytique. Comme je l’ai déjà écrit dans la première note, ce n’est qu’en 1959 que l’on avait démarré les installations de concassage-criblage des minerais qui devaient enfin libérer les Hfx des fines contenues dans le tout venant que l’on enfournait jusque alors. Le bâtiment de stockage des fines débordait de partout lorsqu’enfin une installation d’agglomération démarra fin 1960 : premier four d’agglomération Smidth. J’ai déjà écrit dans la première note, combien ce choix avait été malheureux. Monsieur Malaise, Ingénieur Civil entré aux Forges en 1952, avait courageusement lutté pour faire admettre que, de ce four, ne sortait qu’un produit qui ne méritait pas le nom d’aggloméré et ainsi éviter la construction d’un deuxième four. Obstinée, la direction décida pourtant de construire un deuxième four identique. Il démarra en 1964 après le départ de Monsieur Malaise. Tout ce que, jeune ingénieur encore, j’ai pu faire en la
matière a été de faire assurer le criblage de l’aggloméré des deux fours Smidth à l’aide d’un robuste crible à chaud Schenck. C’est la configuration des lieux qui a imposé le criblage à chaud. Ce crible a permis d’éliminer, c’était la moindre des choses, la fraction <4 mm d’un aggloméré constitué à partir de fines <8 mm. Ce n’est pas ça qui pouvait entraîner une amélioration de la qualité des agglomérés supérieure à 4 mm qui restait toujours fort peu réductible. Pourquoi ? Parce que nécessairement vitrifié, fondu, donc de porosité nulle. Comment avait-on pu croire que des fines de minerais en mouvement constant dans un four tournant puissent s’agglomérer entre elles avant d’être proches de leur point de fusion?! Ce criblage de l’aggloméré démontra qu’une grande partie des fines enfournées ressortaient sous forme d’autres fines moins réductibles que celles entrantes et physiquement tout aussi nuisibles à une bonne marche des Hfx. Pure perte d’énergie. La mise en service de ce crible permit
aussi d’établir un prix de revient plus réaliste de l’aggloméré évidemment revu très nettement à la hausse. La démonstration était faite qu’il ne devait jamais y avoir de FLS 3 ni 4, dont l’implantation était prévue dès l’origine. Ouf ! Je ne saurais dire la date exacte de mise en service de ce crible, la plus grande partie de mes archives ayant été brûlée après mon départ en mars 1990. C’était très probablement en 1964 dès le démarage du four Smidth n° 2. Je ne puis dire non plus précisément quand la direction des Forges a pris conscience de l’erreur qui avait été commise et quand elle a envisagé de changer de technique d’agglomération, car, à cela, je n’ai pas été mêlé ni n’ai été consulté à ce sujet. Peut-être est-ce tout simplement parce que je m’occupais alors de bien d’autres choses aux Hfx mêmes. J’ai cependant la conviction, et ce depuis très longtemps, que certaine(s) personne(s) m’en ont volontairement tenu à l’écart. Elle(s) avai(en)t une revanche à prendre.
Je consacrerai ma troisième note à l’historique de l’agglomération des fines de minerais aux Forges sur base d’archives retrouvées fin 2009, archives qui avaient réussi à survivre jusque là sur place. Revenons aux petits Hfx dont je me suis occupé. Donc, les Hfx des Forges de Clabecq, de conception 1910, s’étaient maintenus presque comme tels jusqu’à la fin des années 1950. Certes, comme je l’ai déjà signalé dans ma première note, l’histoire européenne explique en partie cela : deux guerres, 1914-1918 et 1940-1945, plus la crise de 1929. Se reporter à ma première note. Certes, jusque plus ou moins 1950, tous les Hfx de France, du Luxembourg et de Belgique, étaient essentiellement alimentés en minette de Lorraine, d’une teneur en fer de 30 à 32 % au mieux pour le tout venant mais n’atteignant que 28 à 29 % pour le criblé 8-60 mm. Mais en 1960 en tous cas, la majorité des usines possédaient déjà des installations d’agglomération Dwigth-Lloyd
La ligne des hauts-fourneaux vers 1965
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
10
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
cas de percée sur leur verticale commune ou trop proche de celle-ci. La ou les taques, une fois enlevée(s), on nettoyait la percée en profondeur et on bourrait du pisé de carbone. Après remise en place des taques, on complétait le bourrage. Jamais une telle réparation n’a repercé. Mais voilà, entretemps, à la fonderie des Forges, on avait déjà coulé les taques de blindage du creuset et les gendarmes pour le futur Hf 4. Le directeur général, Monsieur Collin, refusa de mitrailler tout cela et on construisit encore le HF4 comme d’habitude ! A la mi-1964, il fut remis à feu sans que rien n’ait encore été changé. J’ai donc du ré-expliquer tout cela au pied du HF4 qui venait de percer pour la première fois après quelques mois de marche à Monsieur Pierre Dessy exceptionnellement descendu sur place. L’idée des creusets maçonnés en carbone a enfin été acceptée assez facilement d’autant qu’on commençait malgré tout à reconnaître les mérites du carbone à Clabecq pour les raisons exposées précédemment. Le premier HF à arriver à date de réfection fut le 5 en 1966. Mis à feu en 1956, il avait été la victime de nombreuses percées. Percée après percée, on avait fait le tour complet du creuset : confirmation ultime du caractère indispensable et urgent de la réforme.
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
qui permettaient d’atteindre des teneurs en fer d’au moins 45% à partir de fines de minerais lorrains. Pas Clabecq. A Clabecq, en 1950, lorsque, suite à la Guerre de Corée, la demande d’acier a crû très fortement, on a poussé la production en enfournant de plus en plus de mitrailles aux Hfx, et en 1956, une fois de plus, on a démarré un fourneau supplémentaire, le cinquième, sans rien changer à la technologie. Puis la mitraille venant à manquer, on a commencé à enfourner des minerais plus riches en fer, d’abord des minerais suédois tels que le Kiruna à environ 60% de fer, puis des hématites qui pouvaient atteindre 67% de fer. Ces modifications d’enfournement ont entraîné une forte augmentation de la productivité des Hfx (c’était bien le but!), et donc une forte augmentation du flux thermique jusqu’au niveau du creuset et ce qui devait arriver arriva : les percées de creuset. Car lorsque le flux traversant croît, la charge thermique sur les parois croît aussi et si le refroidissement n’est pas amélioré, la température interne des parois croît et couche après couche ces parois commencent à fluer puis à fondre. La fig. 3 montre comment était réalisé le refroidissement des murs du creuset et du sous-creuset des Hfx de Clabecq à l’époque : à l’aide de taques coulées en acier (fabrication fonderie des Forges). Ces taques étaient boulonnées entre elles et étaient chacune munies de 6 vides tubulaires qui permettaient de les refroidir à l’aide d’un tube plongeur amenant l’eau froide à leur base, eau qui ressortait par le haut des taques et s’évacuait en ruisselant sur la surface extérieure. La solution était de changer le type de revêtement et de renforcer le refroidissement des parois du creuset. J’ai très rapidement attiré l’attention à ce sujet et l’idée faisait lentement son chemin. Dès avant la réfection du Hf 4 en 1964, l’idée de changer de technique était admise par les responsables de la division. En effet, à chaque percée de creuset, on réparait toujours de la même façon : après vidange et arrêt du HF, enlèvement des taques de refroidissement percées, en général une seule, parfois deux en
11
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
12
Situation antérieure au 8 mai 1913. La Sennette est toujours dans son lit d’origine, elle sera déplacée et voûtée pour permettre la construction des Hfx 3, 4 et 5.
II. La modernisation à partir de 1966 La trop lente et trop tardive modernisation des petits HFx Les esprits étant mûrs, j’ai enfin pu introduire les innovations suivantes pour et à Clabecq, lors de la réfection du Hf5 en 1966 : 1. Maçonnage des murs de creuset en blocs de carbone ; 2. Abandon de la technique de bouchage de la fonte à la main et de la technique des « stoupa » : techniques archaïques dont la trop longue survivance à Clabecq est expliquée dans l’annexe 1 ; 3. Bouchage de la fonte et ouverture du trou de coulée mécanisés ; [photo ci-dessous] 4. Bouchage mécanisé du laitier ; 5. Blindage métallique de tout le Hf : abandon de la technique du cerclage avec briques apparentes. Un HF blindé est ma-
çonné dans une enveloppe métallique (un réservoir étanche) qui l’enveloppe depuis la tôle de fond sous le sous-creuset jusqu’au gueulard inclus. Ce blindage réduit fortement toutes les très dangereuses pertes de gaz se produisant auparavant par les joints entre briques durant la marche des Hfx simplement cerclés, de même que les entrées d’air par tirage naturel durant leurs périodes d’arrêts; [voir photo de la p. 14] 6. Abandon de la vieille technique d’emploi de cordes d’amiante pour réaliser le joint entre busillon et tuyère à vent chaud et adoption des portes vent à cardans et articulations sphériques sans joint ; 7. Coulée du laitier dans des bassins à fond filtrant équipés d’un pont à grappin permettant l’évacuation directe par wagons vers les cimenteries d’un laitier égoutté dans les bassins et non plus dans les wagons mêmes
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Pont de coulée du Hf5 avec ses nouveaux équipements de 1966. A droite la boucheuse hydraulique et à gauche la foreuse d’ouverture du trou de coulée de fonte.
13
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
14
Bonne photo de 1949 du Hf2 cerclé. Photo J. Cayet, collection A. Sestu.
La nouvelle boucheuse en atelier, avant expédition à Clabecq. (photo Wurth)
vannes à vent chaud refroidies à l’eau qui ont pu être installées lors d’un arrêt annuel pour les congés payés. Les années de retard s’accumulent vite en sidérurgie, lorsqu’on rate une occasion. Même pour combler notre retard notre rythme était trop lent. Et ce n’est donc que très progressivement que cet ensemble de mesures de modernisation réduisit le coup de main d’oeuvre et les temps et coûts financiers des arrêts précédemment entraînés par la réfection des « stoupa » et des percées de creuset, permettant une progressive et trop lente amélioration du prix de revient de la fonte et une élévation, toutes choses égales, de la production annuelle. Hf après Hf, ces modernisations ont aussi permis d’améliorer la sécurité : • disparition des risques de blessures très graves du personnel lors des percées ; • réduction progressive du risque amiante longtemps totalement inconnu ; • réduction des fuites de gaz autour des Hfx et du risque d’intoxication au CO. A l’époque j’étais très bien considéré et très bien payé. J’ai pu vérifier ce que Monsieur Houbaer, directeur technique de l’époque, m’avait dit : que bien que non nommé, j’étais payé au barème de chef de service. Avec humour je dirai : la preuve en est que : lorsque j’ai été nommé chef de service en 1970, je n’ai vu aucune différence ni dans mon salaire, ni dans mes primes.
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
pissant l’eau et le laitier partout ; 8. Vannage motorisé automatique des cowpers : première étape vers une gestion des consommations de gaz de Hfx par les personnes compétentes, les premières informées des problèmes éventuels de production de gaz de Hfx : le contremaître chef de poste et son adjoint toujours présents ; 9. Introduction de vannes à vent chaud à corps et opercule refroidis à l’eau. 10. Renforcement de l’épuration sèche des gaz par adjonction d’un cyclone. Ces mesures ont permis d’améliorer la sécurité de marche des Hfx, d’en réduire les temps d’arrêt pour entretien et réparation, de réduire fortement les appels à la main d’oeuvre de renfort (main d’oeuvre de renfort tombant à zéro pour les Hfx ainsi équipés). Avant la mise en oeuvre de ces innovations, tous les dimanches, on arrêtait deux ou trois Hfx sur 5 pour « faire stoupa », opération prenant 5 à 6 heures. Tous les dimanches on changeait également plusieurs vannes à vent chaud en acier coulé fabriqué à l’atelier des Forges. Non refroidies, sauf par leur rayonnement, ces vannes n’avaient plus qu’une durée de vie de quelques semaines vu la hausse de température du vent chaud obtenue. Tous les dimanches et jours fériés aussi, pendant des heures, des gens payés double voire triple salaire passaient des heures à ramasser à la pelle le laitier qui avait débordé des bassins métalliques non étanches et trop petits et des wagons chargés de laitier gorgé d’eau. Une fois ces mesures prises, c’en était fini de tout cela. Mais il fallut des années pour que tous les Hfx en bénéficient. Après le Hf5 en 1966, les autres durent attendre leur réfection (renouvellement de tout le revêtement réfractaire essentiellement). Le Hf1 eut son tour en 1968. Le Hf2 en 1969 et le Hf4 en 1970. Quant au Hf3, il n’eut pas le temps d’avoir son tour : redémarré en octobre 1961 à l’ancienne mode, il fut arrêté définitivement en 1972, le jour même du démarrage du Hf6. Il a donc vécu de 1925 à 1972 sans évoluer en rien pratiquement sauf des
15
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
16
Préparatifs du redémarrage du Hf5 (photo Wurth). Le Hf vient d’être blindé et muni d’un cyclone d’épuration des gaz que l’on voit à l’avant-plan à gauche du Hf. L’effet de perspective surdimentionne fortement le cyclone.
L’assainissement progressif de l’enfournement des Hfx trop lent lui aussi 1. Les Hfx 1 à 5 (les petits Hfx)
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Parallèlement à tout cela et à mes luttes pour améliorer la sécurité vent et la sécurité gaz, relatées dans ma première note, j’ai aussi mené pas mal d’actions dans le but d’assainir l’enfournement de tous les Hfx. Bien qu’à mon arrivée, l’enfournement de minerais tout venant venait de cesser, on enfournait encore un peu n’importe quoi dans les Hfx de Clabecq en 1961, ce qui entraînait leur marche chaotique. Comme je le disais alors « tant que l’on enfournera de la merde en haut, il sortira de la merde en bas, quand elle voudra bien sortir ». L’aggloméré Smidth ne valait rien et était plein de fines, comme celui produit par les deux petits fours du même type à partir des poussières de gaz de Clabecq plus celles achetées à l’extérieur ! Les méfaits de l’agglomération des poussières de gaz ne disparurent qu’à l’arrêt de leurs producteurs qui sévirent de 1930 à 1964. Je rappelle que pour les deux fours Smidth, ce doit être en 1965 qu’a démarré le criblage de leur production. J’insiste, car c’est à peine croyable et absurde, de 1960 à 1965, alors que les minerais étaient criblés et concassés et ramenés à 8-60 mm, les « agglomérés » étaient encore enfournés tout venant. Et des fines, il y en avait là dedans (au moins 30 %). D’autre part, toutes les nombreuses additions étaient enfournées non criblées, elles aussi. Dans les additions, on trouvait de tout : entre autre des pailles de laminoir pleines d’eau huileuse, des poussières de rideau d’aciérie, des scories Thomas, des mitrailles de toutes espèces et calibres dont des chutes de bloom que l’on voyait défiler aux tuyères rouges mais intactes, des tournures (d’acier et de fonte) pleines d’huile. L’enfournement des Hfx restait donc hétéroclite. Entre la position des Forges de Clabecq : en-
fournement de tout venant aussi longtemps et autant que possible, et celle des Forges de la Providence : enfournement de 100 % d’aggloméré auto-fondant après broyage de l’entièreté des minerais, il y avait un juste milieu à trouver ! Ce juste milieu, pour moi, consistait : • d’une part à calibrer et simplifier l’enfournement, c’est-à-dire de n’enfourner comme minerais crus que des minerais débarrassés de leurs fines et ramenés à un calibre plus serré par concassage des trop gros morceaux et ceci à l’exclusion du minerai lorrain dont la déshydratation et la décarbonatation devaient être réalisées non pas dans la cuve des Hfx où elle entraînait une forte production de fines (éclatement) et consommait du coke, le plus cher de tous les combustibles, mais à l’agglomération. • d’autre part à produire avec toutes les fines un bon aggloméré. L’expérience seule devant définir les calibres à retenir comme « définitifs ». « Définitifs » étant évidemment relatif essentiellement à la productivité à atteindre et à la nature des minerais utilisés. Dans l’aggloméré devait aussi être inclus un maximum des additions de mise à nuance du lit de fusion permettant de produire un laitier ad hoc : bonne fluidité, bon pouvoir désulfurant, ... et de réduire le nombre de matières enfournées puisque : au plus on enfourne de matières différentes au plus se produisent des réactions secondaires entre elles, au plus le passage de l’état solide à l’état liquide se fait via des états pâteux très nocifs à la perméabilité de la charge ... perturbant gravement la distribution des gaz réducteurs. Revenons à la situation de l’époque. Les poussières de rideaux étaient des fines composées de poussières ultra fines hyper-calcareuses, essentiellement de la chaux vive, accompagnées de projections d’acier et de fonte éjectées hors des convertisseurs Thomas en quantité d’autant plus grande que la fonte fournie par les Hfx à l’aciérie était plus (trop) chaude chimiquement (silicium excessif essentiellement). Pour le directeur
17
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
18
Hf6. Vue plongeante sur les 8 cribles à minerai et les 2 cribles à coke, 5 pour desservir le skip gauche, 5 pour desservir le skip droit.
2. Le HF6 Pour ce qui est du HF6, j’avais personnellement prévu le recriblage de toutes les matières juste avant leur déversement en skips pour leur montée au gueulard. Cela figurait comme un impératif à remplir par le futur constructeur dans le cahier des charges de la demande de prix que j’avais rédigée en 1970.
Cette innovation pour l’époque (1972), le constructeur retenu : S.A. Paul Wurth, restait suffisamment fier de l’avoir réalisée (pour la première fois à Clabecq) pour, en 1995, la faire figurer en bonne place à côté de l’évocation de sa plus grande prouesse de constructeur, le fameux gueulard sans cloche (qui s’est imposé dans le monde entier). Tout cela figurait dans le chapitre « une percée à l’échelle mondiale » dans la brochure sortie en juillet 1995 pour fêter le 125e anniversaire de la société S.A. Paul Wurth et en relater l’histoire. La vue en plongée de cet équipement réalisé pour le Hf6 de Clabecq, mis en service en 1972, est extraite de cette brochure. [Voir photo, p. 18] Cette photo montre la disposition des huit cribles à minerais et des deux cribles à coke, alimentant chacun une trémie peseuse recevant en séquence automatique les poids désirés de minerais ou de coke criblés. Trémies peseuses se vidant également en séquences automatiques dans l’un ou l’autre des deux skips d’alimentation du Hf. Ainsi sous le contrôle d’un automate programmable, gérant l’ensemble des opérations de chargement, le Hf6 était dès sa première mise à feu alimenté par 100% des matières recriblées à son pied. Le Hf6 a été le premier et longtemps le seul à être équipé de la sorte. Dans une troisième note, je ferai l’historique de l’introduction de la technique de pelletisation de fines de minerai à Clabecq et de ce que j’ai pu faire pour en limiter les inconvénients. Cette technique, certes intéressante, et permettant de produire un aggloméré de grande qualité (réductibilité élevée, résistance mécanique élevée et de calibre très resserré : 100% 5-25mm), n’était malheureusement pas la meilleure ni la plus économique pour traiter le type de minerais disponibles à Clabecq. C’est une triste histoire qui a pesé lourd dans la fin prématurée de la phase à chaud des Forges de Clabecq disposant alors encore d’un fourneau très bien équipé et performant, mais privé et de sa cokerie arrêtée depuis 1986, et de son agglomération après l’arrêt
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
technique de l’époque, Monsieur Collin, exaciériste, les Hfx devaient manger cette cochonnerie puisque les hauts-fournistes étaient responsables de leur production ! Les hauts-fournistes de 1961, dociles, les enfournaient et défendaient leurs Hfx comme ils pouvaient ... notamment en maintenant une allure assez chaude : le cercle vicieux par excellence. J’ai fait arrêter ce cirque et fait mettre les poussières de rideau en stock. Elles finiront, après déferrisation, par être incorporées aux scories Thomas qui devenaient rares avec la diminution de production de fonte phosphoreuse. Lors de leur traitement pour en faire de l’engrais au broyage à scories, on a donc ajouté ces poussières déferrisées en quantité proportionnelle à la teneur en P2O5. de celle-ci jusqu’à rester juste au-dessus des teneurs garanties. Opération win-win comme on dirait aujourd’hui, mais sans abus de langage dans ce cas. Je parle ici des Hfx et de l’aciérie, pas de l’agriculteur acheteur, bien entendu, car win-win ou pas, il faut bien, comme toujours, que l’argent vienne de quelque part. Finalement, pratiquement 100% de l’enfournement des petits Hfx a été débarrassé des fines par implantation de deux ou trois petites installations de criblage des additions. Mais que de temps perdu et que d’argent gaspillé qui un jour manquera cruellement. En fait, ce qu’il faut bien admettre et comprendre, c’est que la modernisation des petits Hfx et l’assainissement progressif de l’enfournement ... auraient déjà dû être faits par d’autres que moi avant mon arrivée. Tout cela aurait dû être entamé dès l’après-guerre et terminé avant 1960.
19
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
de la pelletisation en 1992. Dès 1993, Clabecq n’ayant plus d’installation d’agglomération a été amené à réduire l’utilisation de l’équipement du criblage au pied même du Hf ne sachant plus trop quoi faire des fines. Quelle misère ! Et dire que ce fait essentiel n’a été mis en évidence par aucun auditeur. Laplace Conseil se contentant de souligner : « la principale incertitude provient du prix de revient du coke et des pellets achetés à l’extérieur » (voir annexe 1 de ma première note). A noter que, vu le coût des pellets extérieurs, on a alors enfourné beaucoup de minerais crus avec leurs fines jusqu’à provoquer évidemment une marche chaotique particulièrement dangereuse avec un HF seul en marche pendant ses derniers mois de vie de l’ère Duferco. Le HF6 est lui aussi arrivé beaucoup trop tard. Il aurait dû être construit en 1956 et s’appeler le HF5. Celui-ci aurait pu et dû être le premier HF moderne blindé et équipé de 3 cowpers capables de délivrer du vent à une température régulée (stable, constante) de 1100° aux tuyères du Hf et non pas un cinquième petit Hfx de 4 m 50 de diamètre au creuset équipé de cowpers ne permettant pas de dépasser 800° régulés. Le Hf4 aurait pu et dû être modernisé et agrandi au même diamètre de creuset au
20
plus tard à sa reconstruction de 1970. Il était en effet possible de construire de nouveaux cowpers durant son fonctionnement. La place nécessaire existait. Je l’ai proposé à l’époque, mais l’idée ne fut pas retenue par les autorités dont l’attention était focalisée sur la pelletisation qui allait démarrer très péniblement fin 1969. Aujourd’hui je pense que cette idée ne fut pas transmise à la Direction générale, certes je n’en ai pas la preuve, mais étant donné les économies évidentes d’investissement qu’elle aurait permises, la Direction ne pouvait que s’y intéresser si elle en avait été informée. Dans ces conditions, Clabecq aurait pu marcher dès fin 1970 au plus tard avec deux Hfx moyens (les Hfx 4 et 5) au lieu de 5 dont 4 petits (Les Hfx 1, 2, 4, 5) plus le Hf6. Il faut cependant bien se rendre compte de l’énormité relative des investissements qu’aurait nécessité la modernisation indispensable de toute l’usine depuis la cokerie jusqu’au laminoir et leur aval encore à créer. Si tout n’a pas été réalisé, le montant des investissements des modernisations réalisées a été très important. Dans une prochaine note, je ferai part du fruit des visites que, dans le but de l’estimer, j’ai effectuées en 2011, grâce à Madame Jacquemin, aux Archives Générales du Royaume où se trouve un dépôt important concernant les Forges de Clabecq.
Première approche du coût de toutes ces lenteurs et retards
Pour en terminer avec ces problèmes et bien qu’actuellement je ne dispose d’aucun prix de minerais et de coke pour aller plus loin dans l’estimation des coûts comparés de production, je dirai simplement : 1° Puisque, comme tout le monde le sait, le coût de toutes les énergies et donc plus encore celui du coke (de fabrication très coûteuse en énergie) a continué à croître depuis 1974 (premier choc pétrolier), tout le monde comprendra qu’avoir une mise au mille de coke trop élevée est devenu de plus en plus grave. 2° Puisque tout le monde peut d’autre part comprendre que lorsque le prix de revient d’un produit que l’on fabrique s’élève fortement, avec le coût de l’énergie par exemple, il est très important d’améliorer la qualité du produit fabriqué pour obtenir, plus facilement ou moins difficilement, un meilleur prix de vente. Pour tout sidérurgiste, il était clair qu’il fallait non seulement passer de l’acier Thomas (handicapé par des résidus de phosphore et d’azote) à l’acier LDAC (gardant le handicap phosphore), mais surtout à l’acier LD par alimentation de l’aciérie en fonte non phosphoreuse, appelée aussi fonte hématite. Ce passage de LDAC à LD à Clabecq n’a été décidé par la Direction que beaucoup trop tardivement. C’est de ce seul fait que la production n’a pu en démarrer qu’en 1992.
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Les documents techniques chiffrés des années ‘60-’70 sont devenus rares. Pour permettre au lecteur d’imaginer ce qu’à pu provoquer comme pertes financières cette évolution trop tardive et trop lente je m’appuierai sur deux documents chiffrés d’époque. Le tableau 1 chiffre l’incidence sur la mise au mille (consommation de coke à la tonne de fonte) de toute une série de variables. Ces valeurs sont celles recommandées en 1970 par le Centre de Recherche Métallurgique. Le tableau 2 est la photocopie du tableau manuscrit établi fin 1970 ou début 1971 par Mr Louis Mathieu à la demande de Mr Joseph Collin, directeur général. Il compare des chiffres d’exploitation du premier semestre 1970 obtenus alors par les Hfx de Clabecq à ceux de ses concurrents directs. Il est accompagné d’un tableau 2bis reprenant le texte du tableau 2 complété en 2012 à l’occasion de la rédaction de la présente note par les trois colonnes de droite. Mr Mathieu s’est servi des recommandations du tableau 1 pour établir ses mises au mille corrigées. L’examen de tout cela est édifiant ! La mise au mille des Hfx de Clabecq (coke + fuel = la consommation en kg de coke + fuel par tonne de fonte produite) est la plus élevée de toutes. 97 kg de plus par rapport à la moyenne des autres, soit 97/572 = +17% et + (677-492)/492 = +37% par rapport au meilleur. Les causes sont claires : Si Clabecq a : l’enfournement le plus pauvre (mais d’assez peu), Clabecq a surtout : la température du vent la plus basse : 135°C/935 = -15% par rapport à la moyenne de ses concurrents. [-258/1063 = -24% par rapport au meilleur] ; le plus faible pourcentage d’aggloméré dans la charge, 20% de véritable aggloméré de qualité (pellets) contre 54% en moyenne, soit -34/54 = -63% ou -54/74 = -72% par rapport au meilleur puisque l’aggloméré
Smidth n’est pas digne de porter ce nom ni d’être pris en compte. Enfourner de l’aggloméré Smidth, c’était pire que d’enfourner du minerais suédois criblé cru. En 1970, on avait beau calculer que si les autres travaillaient dans nos conditions ils ne feraient pas mieux que nous, ce qu’établit la ligne de mises au mille corrigées calculées par Mr Mathieu à la demande de Mr Collin, établir l’alignement inverse sur le meilleur aurait mieux souligné ce que Clabecq avait à gagner et comment. A savoir en relevant la température du vent chaud et en renforçant la qualité et la quantité de l’aggloméré enfourné.
21
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Tableau 1 : Corrections recommandées en 1970 par le CRM
22
- -
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
23
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Tableau 2 : premier semestre 1970
24
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
25
Tableau 21 bis bis Tableau
er
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
1970 1 semestre Fonte Phospho. Rendement > 42
26
Clabecq Providence Ougrée Espérance Couil
Kg coke sec + fuell / t fonte % fer dans enfournement t° vent chaud Indice laitier teneur en cendre du coke (%)
677 49,6 805 1,31 10
572 57 876 1,29 9
605 53,8 930 1,16 10
598 53,6 895 1,27 9
548 56, 884 1,2 11
Analyse fonte % Manganèse % Silicium % Soufre
0,42 0,64 0,071
0,38 0,035
0,78 0,52 0,044
0,66 0,58 0,044
0,5 0,3 0,06
% aggl. (1) % pellets
10 20
64 0
40 0
60 0
39 0
corrections*
-29
65
45
35
61
Kg coke sec + fuell / t fonte corr. (2) Idem + coor. cendre coke à 10% (3)
648 648
637 646
650 650
633 642
609 600
* Corrections pour amener tout le monde à un % en fer dans l
llet Montignies Arbed Burback Voelklingen Moyenne gén
Moyenne sans Clabecq
écart - bon meilleur
-185 7,4 258
8 ,5 4 28 1
609 52,8 880 1,19 10
492 56,4 1063 1,19 8
582 52,5 1019 1,22 6
585 54 919 1,24
572 54,65 935 1,23
5 35 67
0,4 0,54 0,097
0,39 0,45 0,093
0,37 0,57 0,116
0,5 0,5 0,071
0,44 0,45 0,071
-0,29 -0,081
9
40 0
74 0
59 0
49,5 _
53,7 0
>64 20
1
23
99
52
_
_
_
9 0
632 632
588 605
634 669
629 636
626 635
-62 -64
-4
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
l'enfournement de 50% et t° vent chaud de 9 00°
27
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
28
Je ne possède actuellement (2012) que quelques documents CRM donnant les caractéristiques et résultats de marche des Hfx européens : ceux relatifs aux années 88, 89, 90, 91, 92 et 95, et je n’ai pu consulter jusqu’à aujourd’hui aucun de ces documents CRM antérieurs à 1978. Cette base est néanmoins suffisante pour me permettre d’affirmer, preuves à l’appui, ce qui suit : Malgré tous mes efforts visant à améliorer toujours l’enfournement des Hfx de Clabecq, et donc notamment pour en exclure le minerai lorrain cru entraînant une forte production de fines dans la cuve des Hfx lors du départ du CO2 et de l’eau de constitution et en consommant pour ce faire du coke sidérurgique, le plus coûteux de tous les combustibles, alors que cela peut être fait à l’agglomération avec un combustible ne dépassant, au pire, pas la moitié de son prix : • Clabecq a été la dernière usine sidérurgique à encore enfourner de la minette crue. Elle l’a fait jusqu’en 1982 quoique en quantité toujours décroissante alors que même en France (pays de la minette!), plus aucun Hfx n’enfournait de la minette crue depuis 1979. • Dès 1985, Clabecq restait seul en Belgique à produire de l’acier à partir de fonte phosphoreuse et cette situation s’est prolongée jusque fin 1991. Je pense que certaines personnes avaient un intérêt financier personnel à la poursuite de la consommation de minette. Alors • qu’en Angleterre, Italie, Hollande, toute la production était en non phosphoreux en 1978 déjà ; • qu’en Allemangne en 1978, seuls 5 Hfx sur 17 produisaient encore de la fonte phosphoreuse ; • qu’en 1983 aucun des Hfx allemands n’en produisait plus ; • que la Suède, pays producteur de minerai constitué essentiellement de magnétite phosphoreuse antérieurement, s’est avéré marcher en fonte hématite dès 1985, première année d’entrée dans
les statistiques CRM. (Plus sera dit à ce propos dans la note traitant de l’histoire de l’agglomération aux Forges de Clabecq). En Belgique, si en 1978, seuls Ougrée et Sidmar étaient producteurs de fonte non phosphoreuse, en 1982, seuls restaient en phosphoreux Clabecq et Charleroi-Ouest. Le mouvement de passage à la production de fonte non phosphoreuse s’est amorcé avec le démarrage des usines sidérurgiques maritimes : Dunkerque en 1960, Sidmar en 1962, Fos ne démarrant que dans les années 70 je pense. Toutes ces usines ont démarré immédiatement en fonte non phosphoreuse à partir des minerais exotiques riches et non phosphoreux. Seule la sidérurgie luxembourgeoise a maintenu l’exploitation de ses Hfx en phosphoreux jusqu’à la fin. Elle a abandonné ses Hfx un à un pour passer à la filière électrique basée sur la mitraille pour produire exclusivement des produits longs et non des tôles.
III. Amélioration progressive des performances des Hfx de Clabecq. Comparaison avec celles des Hfx belges et européens Dans les tableaux 3, 4 et 5, on trouvera la preuve que, malgré tout ce qui vient d’être souligné, tous nos efforts ont fini par amener les Hfx de Clabecq au meilleur niveau ... mais seulement après avoir enfin quitté la marche phosphoreuse en 1992. Ces efforts, ce sont ceux des jeunes ingénieurs civils de terrain que nous avons tous été, moi comme tous mes successeurs qui les ont poursuivis jusqu’au dernier jour dans des conditions de plus en plus difficiles. Ces tableaux ont été créés pour mettre en évidence cette preuve en nous référant aux documents suivants :
Tableau 3 : Petit historique permettant de situer les Hfx de Clabecq par rapport aux autres Hfx européens sous forme de 3 tableaux se rapportant aux années 1988, 1992 et 1995. Ils donnent les caractéristiques moyennes nationales de marche des Hfx de 10 pays européens élaborant de la fonte phosphoreuse ou non-phosphoreuse et la marche moyenne réalisée à l’époque par Clabecq avec ses Hfx à feu à l’époque. Tableau 4 : Petit historique permettant de situer Clabecq par rapport aux autres Hfx
Tableau 5 : Ce tableau constitue un premier historique plus étendu. Celui des résultats des Hfx de Clabecq de 1919 à 1998 se limitant à confronter les résultats moyens obtenus pendant la période 1919-1942 à ceux réalisés au cours des années 1958, 1970, 1988, 1992, 1995 et 1998, périodes pour lesquelles existent encore des sources fiables suffisamment précises auxquelles nous avons eu accès. Plus sera fait dans l’avenir, si possible, pour atteindre une couverture plus dense de la totalité historique des Hfx des Forges de Clabecq de 1911 à 2001 : 90 ans. On trouvera en annexe 2 des réductions A4 des documents, retrouvés récemment, nous permettant de couvrir la période 19191942. Ces documents DD244 indices 1 à 7 donnent les dimensions et profils des Hfx 1, 2, 3 et 4, seuls à exister jusque fin de la dernière guerre. Sur ces plans figurent aussi les résultats des campagnes réalisées de 1919 à 1942. Ces documents très précieux pour nous, les anciens des Hfx, ont été retrouvés récemment en effectuant, avec Luc Delporte, un premier survol rapide de ces fonds d’archives du bureau de dessin des Forges de Clabecq concernant les Hfx. Ces archives, rassemblant les plans anciens de la Division Hfx, ont été sauvées par JeanMarie Crockaert avec l’autorisation du responsable de Duferco. Qu’ils en soient remerciés.
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
• pour la période antérieure à 1958, à la série de plans DD244 indice 1 à 7, récemment retrouvée. Voir annexe 2, les copies commentées de ces documents essentiels. • pour 1958, au rapport de stage rédigé par Cl. Pacqué à l’époque • pour 1970, au tableau 2 bis • pour 1988, 1992 et 1995, aux publications annuelles par le CRM des résultats des Hfx européens et de leurs caractéristiques • pour 1998, à un document Duferco. Tous ces documents sont en dépôt au Musée de la Porte à Tubize.
belges pendant les mêmes années 1988, 1992 et 1995. Une colonne supplémentaire donne les résultats obtenus par le Hf6 en 1998, première année de gestion Duferco, année pendant laquelle le Hf a été alimenté en pellets et coke de bonne qualité, ce qui a permis d’obtenir de très bons résultats pendant quelques mois seulement hélas.
29
Tableau 3 Dans ce tableau, les Forges disposent de 2 colonnes, une pour le Hf6 seul et enfin en marche non-phosphoreuse et une pour la marche globale à plusieurs Hfx en marche phosphoreuse. Le fait de pouvoir survoler d’un seul regard les résultats de trois ans permet de détecter rapidement les différences et leurs évolutions.
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
1. Le tableau met immédiatement en lumière qu’en très forte majorité les Hfx européens élaborent de la fonte nonphosphoreuse. Leurs résultats occupent les 10 premières colonnes à partir de la gauche. Les Hfx élaborant encore de la fonte phosphoreuse n’occupent que 3 colonnes. Celle dévolue à la marche Clabecq Hf6 + Hf4 + 0,56 Hf2 de 1988 est ensuite vide, les petits Hfx n’étant plus employés. Les Hfx français restés phospheureux sont encore 7 en 1988, 2,3 seulement en 1992 et ont totalement disparu en 1995. Les Hfx luxembourgeois seront éteints un à un en restant en marche phosphoreuse, ils ne sont déjà plus que 2 en 1988.
30
2. La colonne consacrée à la Hollande attire l’attention au premier regard par la concentration qu’elle détient des meilleurs résultats. Il faut cependant noter que les Hfx hollandais n’ont jamais la meilleure mise au mille globale. La meilleure mise au mille globale appartient toujours à la Finlande, bien que les Hfx finlandais soient beaucoup plus petits que les hollandais. Le diamètre moyen des Hfx finlandais varie entre 6,6 et 7,75 m de diamètre intérieur au creuset. Mais ils atteignent des productivités de 54,7 à 63,8 tonnes par jour et par m² de surface de creuset. Le Hf6 de Clabecq, avec ses 7,9m de diamètre
n’est donc pas si petit que cela. Il atteindra d’ailleurs (voir tableau 4) une productivité de 64 avec une mise au mille globale de 498 en 1998 alors bien alimenté uniquement en pellets et coke de bonne qualité. Autriche Allemagne
GB
Type de fonte 1988 Nbre Hfx en service Diam creuset en service VU en service Productivité (t/j x m²) Mise au mille coke sec Mise au mille fuel Mise au mille charbon Mise au mille globale (1) T° vent Laitier kg/t fonte
NPh 6 8 1294 40,4 451 28 0 479 1063 333
NPh 25,9 9,9 1829 49,5 415 24 42 481 1106 258
NPh 10 9,33 1655 52 432 40 22 494 1030 275
1992 Nbre Hfx en service Diam creuset en service VU en service Productivité (t/j x m²) Mise au mille coke sec Mise au mille fuel Mise au mille charbon Mise au mille globale (1) T° vent Laitier kg/t fonte
3,3 8,4 1375 46,8 425 35,6 0 461 1122 315
20,9 9,58 1688 50,2 371 36 71 478 1162 259
7,24 9,87 1883 55,9 407 37,2 36 488 1087 286
1995 Nbre Hfx en service Diam creuset en service VU en service Productivité (t/j x m²) Mise au mille coke sec Mise au mille fuel Mise au mille charbon Mise au mille globale (1) T° vent Laitier kg/t fonte
4,6 8,4 1392 46,6 426 49 0 475 1097 304
17,35 10,2 1988 54,8 359 51 63 473 1168 267
7,2 10 1941 56,2 394 54 43 491 1084 288
(1) Mise au (2) à la première ligne
3. La lecture successive rapide pour les années 1988 , 1992, 1995 de la première ligne des deux colonnes des moyennes permet de saisir la régression du nombre de Hfx encore exploités alors que déjà avant 1988 beaucoup avaient disparus. De 11,58 + 78,3 = env. 90 en 1988, on tombe à 3 ,92 + Italie NPh 7,1 10,56 2089 51 466 25 5 496 1126 280
Hollande Finlande Suède Belgique France sauf Clabecq NPh NPh NPh NPh NPh 2,9 3 4 9,44 10 10,8 6,66 7,63 8,2 8,5 2472 784 964 1229 1579 52 59 49,2 49,3 45 399 404 402 448 416 0 50 5 21 10 113 0 62 36 48 512 454 469 505 474 1179 1046 1027 1070 1113 259 257 182 317 345 2 12,42 3059 60 338 0 146 484 1227 241
2,97 6,97 746 63,8 368 78 0 446 1071 236
3,43 7,6 964 51,4 386 0 77 463 1075 157
7,06 8,9 1525 52,1 384 3 126 513 1125 281
7,1 10,2 2041 50,5 359,4 3 120 482 1171 311
4,73 10,75 2196 61,8 352,8 15,3 129,5 498 1177 303
1,96 12,42 3059 70,5 357 0 141 498 1195 223
2,64 7,35 821 54,7 375 74 0 449 1070 203
3,57 7,6 971 54,2 383 0 80 463 1079 153
7,29 9,1 1570 53,4 382 2 123 507 1109 271
9,34 9,2 1716 52,4 351 3 126 480 1184 297
Clabecq Clabecq France Luxemb. Moyenne Moyenne écart -bon HF6 global meilleur seul NPh Ph Ph Ph Ph N Ph 2,58 7 2 11,58 (2) 78,34 (2) 6,4 8,56 10,2 8,38 8,84 815 1317 2123 1418 1543 34,3 31 43,7 36,33 49,71 28 543 477 452 490,7 425,9 144 24 43,5 68 45,2 17,1 50 0 2 0 0,67 36,44 113 567 522 520 536 484,9 113 1015 1100 1198 1104 1084 171 347 618 598 521 278 436 1 7,9 1200 47 396 0 109 505 1080 211
7,9 1200 52,2 407 0 101 508 1070 211
2,3 8,3 1306 39,8 446,8 32,4 53,2 532 1140 661
1,62 10,2 2135 44,7 450 74 0 524 1177 513
3,92 (2) 58,34 (2) 9,25 9,41 1740 1714 42,25 54,3 448 378 53 23 26 76 528 478 1158 1134 587 264
24 112 78 146 86 146 504
0,95 9,2 1790 44,2 462 59 0 521 1128 509
0,95 (2) 59,63 (2) 9,2 9,44 1790 1739 44,2 56 462 375 59 28,5 0 78,5 521 481,5 1128 1129 509 256
26,3 111 74 141 72 125 346
u Mille globale = coke + fuel + charbon sans correction, c'est la somme de ce que l'on paye e de ces deux colones ont trouvera le nombre total de Hfx exploités et non une "moyenne" sans objet
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
4,34 10,75 2145 58 363 15,5 108 489 1166 287
58,34 = env. 62 en 1992 et à 0,95 + 59,68 = 60,5, en 1995. Un tiers des Hfx encore exploités en 1992 ne le sont plus en 1995 et la part de phosphoreux recule encore de 12,58/90 = 12,8% en 1988 à 0,95/60,6 = 1,5% en 1995.
31
Tableau 4
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Dans ce tableau, Clabecq seul et en 1988 seulement produit encore de la fonte phosphoreuse. Tout le reste du tableau concerne la production de fonte non phosphoreuse, y compris pour Clabecq. Clabecq accumule donc fatalement, inévitablement, les moins bons résultats en 1988. Mais dès que, en 1992, le Hf6 des Forges produit en fonte non-phosphoreuse, comme tout le monde, il se porte immédiatement au niveau des meilleurs : Sidmar. Sidmar truste les meilleurs résultats, première usine belge à injecter du charbon de manière significative. La dernière colonne de droite donne les résultats du Hf6 de Clabecq en 1998, première année de marche de la reprise par Dufeco. En 1998, le Hf6 a bénéficié d’un enfournement presque parfait composé de pellets suédois et de coke de bonne qualité et a joué jeu égal avec les meilleurs.
32
1988 Diam creuset en m Vol utile en m³ Productivité (t/j x m²) Minerais cru kg / t fonte agglo kg / t fonte pellets kg / t fonte addition kg / t fonte % fer charge coke sec kg / t fonte fuel kg / t fonte charbon sec kg / t fonte total combustible kg / t fonte Laitier kg / t fonte T° vent chaud 1992 Diam creuset en m Vol utile en m³ Productivité (t/j x m²) Minerais cru kg / t fonte agglo kg / t fonte pellets kg / t fonte addition kg / t fonte % fer charge coke sec kg / t fonte fuel kg / t fonte charbon sec kg / t fonte total combustible kg / t fonte Laitier kg / t fonte T° vent chaud 1995 Diam creuset en m Vol utile en m³ Productivité (t/j x m²) Minerais cru kg / t fonte agglo kg / t fonte pellets kg / t fonte addition kg / t fonte % fer charge coke sec kg / t fonte fuel kg / t fonte charbon sec kg / t fonte total combustible kg / t fonte Laitier kg / t fonte T° vent chaud
Boel 6
Clabecq 6
6,5 837 46 117
7,9 1200 39,6 710
1553 98 117 57,2 489 46 0 535 ND
0 802 219 58,2 517 29 0 546 345
1090 6,5 837 45,8 0
1090 7,9 1200 47 163
1595 154 80 55,3 486 52 0 538 380
0 1305 167 60,3 396 0 109 505 211
1095 6,5 837 47,5 3
1080 7,9 1200 52,2 67
9 1574 130 59 482 39 0 521 272 1100
0 1410 121 63,6 407 0 101 508 211 1070
* non compris
Providence 5
Seraing 6
Ougrée B
Sidmar A
Sidmar B
Moyenne sans Clabecq
Clabecq 6 1998
9 1490 49,3 140
8,6 1361 43,45 188
9,3 1680 51,54 118
9,75 1667 48,69 125
10 1764 60,22 0
9,2 1632 57,53 0
8,9 1490 51,4 82
7,9 1200 64 28
1376 109 39 60,6 444 50 0 494 310
1407 40 44 60,6 483 25 0 508 326
1526 0 53 58,9 452 46 0 498 336
1513 0 48 59,3 469 0 0 469* 334
1515 109 5 61,9 392 0 108 500 304
1523 114 3 60,5 419 0 87 506 304
1467 67 43,4 60 449,7 27,8 28 505,4 319
0 1436 149 62 386 0 112 498 241
1049 9 1490 50,8 145
1027 8,6 1361 44,7 132
1115 9,3 1680 51,8 164
1063 9,8 1767 51,3 201
1177 10 1775 56,4 0
1020 10,5 2087 57,5 0
1077 9,1 1571 51,2 92
11 34 7,9 1200 64 28
1325 127 31 62,2 390 1 121 511 261
1334 140 25 62,4 415 0 118 533 268
1195 219 33 62,7 386 3 134 523 270
1195 185 29 62,7 371 0 140 511 268
1498 130 10 61,5 367 0 139 506 302
1533 104 4 61,3 356 0 147 503 303
1382 151 30 61,1 396 8 114 518 293
0 1436 149 62 386 0 112 498 241
1096 9,75 1779 50,8 175
1046 8,6 1361 42,6 155
1123 9,75 1755 50,4 161
1159 9,75 1767 52,2 142
1133 10 1776 63,7 7
1176 10,5 2087 57,3 5
1118 9,26 16,23 52,1 92,6
11 34 7,9 1200 64 28
1292 141 32 61,9 407 2 97 504 273 1068
1265 191 37 61,8 447 0 82 529 275 1006
1262 189 36 61,5 370 0 149 511 280 1114
1282 179 38 61,4 362 0 157 519 280 1187
1483 113 5 62,4 328 0 164 492 279 1191
1479 118 2 62,6 370 0 125 495 278 1067
1344 155 18 61,5 395 0 129 510 277 1105
0 1436 149 62 386 0 112 498 241 11 34
+ 25m³/T de fonte de gaz de cokerie pratique qui ne s'est pas poursuivie
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Thy 4
33
Tableau 5
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
34
Ce tableau constitue une première ébauche d’historique des résultats des Hfx de Clabecq de 1919 à 1998. On s’est limité à rassembler ceux réalisés pendant sept périodes, à savoir la période 1919-1942, et les années 1958, 1970, 1988, 1992, 1995 et 1998 pour lesquelles existent encore des sources fiables suffisamment précises. Ces sources ont déjà été citées en tête du chapitre III. Pour chaque période figurent les résultats de Clabecq et ceux de la moyenne des Hfx belges autres que Clabecq à la même époque s’ils nous sont connus. Cette petite synthèse partant de l’aprèsguerre 14-18 met bien en lumière la progression particulièrement forte des Hfx des Forges à partir de 1970, moment où elles sont encore fortement en retard malgré les efforts déployés depuis 1966. Du point de vue des mises au mille, si 1000 kg de coke par tonne de fonte c’était tout à fait normal en marche basée sur le minerai lorrain tout venant, en 1970, Clabecq a 105 kg de mise au mille et 130° de température de vent chaud dans la vue par rapport aux Hfx de ses concurrents directs. En 1988, le handicap vent chaud à disparu (grâce au Hf6, en fait dès 1972). Et en 1992, Clabecq a une meilleure mise au mille que la moyenne de ses concurrents et fait jeu égal en productivité avec les meilleurs. Le Hf6 seul étant enfin passé en fonte hématite (non-phosphoreuse). Sur l’ensemble de la période couverte par le tableau, la mise au mille à Clabecq a été divisée par deux et la quantité de coke a été réduite de 62% (de 1003 à 386). Du point de vue rendement (% de fer dans l’enfournement), on constate pratiquement son doublement. Du point de vue de la quantité de laitier
19191942 (moyenne) 1 2
Clabecq=1 Moyennedesautresbelges =2 Typedefonte Ph Kgdecokesec/t.fonte Fuelkg/t.fonte 0 Charbonkg/t.fonte 0 Totalcombustible/t.fonte 1003* ∆ T°vendchaudrégulé 835*** ∆t°ventchaudrégulé %ferdanslacharge 33 Productivitét.fonte/jour ±15,3 &m²creuset (1) Laitierkg/t.fonte En19..parrapportà19.. Gainmiseaumilleà Clabecq Idemconcurrents
Ph 0 0 185
19 1 Ph 0 0 818**
±1000 (3)
750 44 ±22,4 (2) ±750 (4) 58/19 à42 185
*min.884Hf3(19371939)max.1157Hf3(19401942) **min.794Hf4Max858Hf1 *&**Toutescesconsommationdecokesontexpriméesen toujoursrelativementbiensec. ***Pasderégulationdeventchaudavantlaguerre40d’où chiffresnondisponiblesactuellement (1)base200T/jourdefonteparHf,diamdecreuset4,125 (2)base300T/jourparHf,diamdecreuset4,125m. (3)marcheenminerailorraintoutvenant,sansadditionsau (4)pondérationde3(inversementproportionnelleàl’enrich
par tonne de fonte, on constate une réduction par un facteur 4 voire même 5. Du point de vue productivité, la conjonction de la hausse de rendement, de la baisse de quantité de laitier et de la mise au mille de coke amène le quadruplement de la productivité.
958
1970
1988
1992
1995
1998
2
1
2
1
2
1
2
1
2
1
2
Ph 0 0
Ph 677
Ph 572
Ph 517 29 0 546
NPh 450 28 28 506
NPh 396 0 109 505
NPh 396 8 114 518
NPh 407 0 101 508
NPh 395 0 129 510
NPh
±660
105
40
1070 1105 35 63,6 61,5 52,2 52,1
NPh 386 0 112 498 1134 62 64
39,6
51,4
13 1080 1118 38 60,3 61,1 47 51,2
345
319
211
293
211
277
241
70/58
88/70
92/88
98/70
98/58
141
131
41
320
66
53
179
65
98/19 à42 505
805 935 130 50 54,5 33
1090
1077 13
12
2
ncokehumide,lanotiondecokesecn’existaitpasencore,maisc’étaittoujoursducokedefraîcheproduction,
ù900°endébutdepériodedesoufflage,700°àlafin!
ufquelquesfontesrepassées hissementdelacharge)
J’espère que l’on pourra un jour éliminer les trop nombreux signes « - » marquant l’absence de données connues, ce qui permettra de mieux toucher du doigt le long effort qu’a constitué cette longue course poursuite de Clabecq. Lorsque les deux dernières lignes, en bas du tableau, seront complètes, cela deviendra éclatant. On y
voit déjà qu’entre 1970 et 1988 un gain de mise au mille de Clabecq de 131 kg de coke par tonne de fonte ne se soldait que par un rattrapage de 65 kg par rapport à la mise au mille des concurrents qui avaient eux aussi progressé, mais seulement de 66 kg de coke durant cette période.
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
m.
35
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Pour aller plus loin en partant de l’analyse du tableau 5
36
Il est certain que des documents CRM existent permettant d’explorer la période 1970-1988. Il en existe aussi antérieurs à 1970. Depuis quand ? Je ne le sais. Pour ce qui est de la période 1910-1945, madame Madeleine Jacquemin, historienne, prépare une thèse de doctorat sur l’histoire des Forges de Clabecq. Elle couvrira la période allant des origines à 1939. J’en attends les résultats avec impatience. J’espère que l’un ou l’autre des anciens des Forges voudra s’intéresser activement à tout cela, car pour ma part, je me sens vieillir de plus en plus vite. Je vais encore essayer de rédiger une troisième note : un historique de l’agglomération aux Forges de Clabecq. Pour les hauts-fourneaux, pas mal de points importants restent à traiter. Par exemple celui des alcalis dont la nocivité n’a été comprise et maîtrisée que tardivement. Monsieur Louis Houdart est certainement le plus qualifié pour traiter ce sujet. Ces problèmes d’alcalis ont guidé, dans le plus grand secret, toute l’évolution de la préparation appliquée à ses minerais par la L.K.A.B. (Société d’exploitation des mines de fer suédoises). Grâce à quoi de productrice de minerais phosphoreux elle est finalement devenue productrice essentiellement de pellets non phosphoreux débarrassés aussi de leurs alcalis initiaux. Autre problème qui fut essentiel et sur lequel je ne possède aucune informations :
comment a-t-on procédé pour mettre à feu le premier Hf en novembre 1910 ? On ne devait disposer que d’une soufflante entraînée par moteur à gaz de fourneau. A-t’on démarré au tirage naturel ? A-t’on démarré au vent froid ? S’est-on contenté d’un gaz épuré sommairement par le laveur à claies pour démarrer la soufflante ? ... Autre problème, comment a-t’on géré la marche avec le seul Hf1 de novembre 1910 à novembre 1911, puis celle du Hf2 seule du 8/12/1919 au 20/11/1921 ? L’historique du Hf6 est aussi à écrire. J’ai déposé au Musée de la Porte toutes mes archives personnelles. Je suis en train d’en assurer un meilleur classement. Elles contiennent des ébauches d’historique. Je laisse à d’autres le soin de les exploiter, restant disponible pour donner un avis, un conseil éventuel, dans les limites de mes moyens. Autre exemple des problèmes à traiter : ceux de la connaissance du prix de revient, du cercle très (trop) restreint des initiés et de la pertinence, voire de la motivation, de ses structures de calcul. De mon temps, ni le chef de service, ni même l’ingénieur principal n’y avait accès, pas même à celui de leur division. Il y a énormément à dire la-dessus. Le secret est certes nécessaire, voire indispensable parfois, mais trop de secret engendre la méfiance, sape la crédibilité et démotive par usure ou rend enragés les plus obstinés!
Nécessité de la vérification des sources Pour un historien, c’est une évidence, l’ABC du métier. Pour un historien amateur, sérieux, cela devient aussi très vite une évidente nécessité. En ce qui me concerne, pour explorer le passé des Hfx (celui que je n’ai pas vécu), j’ai d’abord cru posséder un document fiable, le tableau ci-joint établi par les Forges des Clabecq en 1970. Ce tableau figurait au nombre des documents de base réunis dans un petit classeur que j’ai eu près de 20 ans en poche. La découverte du
plan DD244 indice 1 à 7 datant du 9/7/1942 et du plan DD116A, datant du 21/4/1932 m’a amené à constater que le documents Clabecq de 1970 comportait des erreurs : les dates de première mise à feu sont exactes, mais pas les diamètres de creuset. Mais qu’en est-il de la fiabilité des plan DD244 ? En ce qui concerne la température du vent chaud, d’abord, dont la mesure n’a pas toujours existé. A partir de quand a-t’on mesuré la température du vent chaud ? On sait
aussi que très longtemps la température du vent chaud n’a pas été régulée (rendue constante par adjonction d’une quantité variable de vent froid au vent chaud venant du réchauffeur cowper dont la température fléchit au cours du temps). Que penser dès lors de toutes les températures du vent chaud fournies par les documents DD244 ? D’autant qu’en 1958, en vent chaud régulé, on ne réalisait que 750° (rapport du stage effectué par Clément Pacqué en 1958). Le rapport de stage établi par Paul Ghigny en
1947 précise sur le même sujet : «la température de vent chaud est enregistrée automatiquement par un appareil enregistreur électrique. Les écarts extrêmes de température sont de 700° centigrade pour la fin de la période au vent et 900° centigrade pour la fin de la période de chauffage». Ce qui est donc certain, c’est qu’en 1947, si on connaissait la température du vent chaud, elle variait constamment et fortement. Quand est-on passé de la situation de 1947 à la situation de 1958 ? ...
principales 68
9
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
6
37
La progression technique des Hfx de Clabecq en quelques chiffres De deux Hfx alimentés en minette de Lorraine non cliblé à 30-33 % de fer, produisant chacun environ 150 tonnes de fonte par jour, et la même quantité de laitier en poids (1 t. de laitier par t. de fonte, mais 3 fois plus de laitier en volume - différence de densité), on en est arrivé finalement avec le Hf6 seul à une production journalière moyenne de
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
38
Au • • • •
3200 tonnes de fonte par jour et même de 3500 tonnes de fonte par jour pendant des mois, soit plus de 20 fois la production d’un Hfx d’avant la première guerre. Ceci en ne produisant plus que 240 à 210 kg de laitier par tonne de fonte, à partir de pellets riches et de coke de bonne qualité recriblés au pied du Hf.
cours de la vie de la division des Hfx des Forges : la productivité a donc été progressivement améliorée jusqu’à être multipliée par 4,33; la consommation du combustible a été réduite jusqu’à la moitié de la consommation initiale; la consommation de coke a finalement été réduite de près de 2 tiers; et la production du seul Hf6 a été équivalente à celle de 23 petits Hfx initiaux.
ANNEXE 1 : Causes du maintien des techniques archaïques de bouchage de la fonte à la main et des « stoupas ». Première cause : l’absence de mélangeur
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Le mélangeur est un réservoir chauffé garni d’un revêtement intérieur réfractaire conçu pour garder une masse importante de fonte liquide à disposition de l’aciérie qui peut y prélever la fonte dont elle a besoin au moment précis où elle en a besoin et permet de tamponner les écarts temporaires entre production des Hfx et consommation de l’aciérie. Ce n’est qu’en mars 1960 qu’un tel engin est venu compléter l’équipement de l’aciérie Thomas de Clabecq. Sa capacité n’était que de 1.000 tonnes, ce qui est peu puisqu’à l’époque la production journalière de fonte était déjà d’environ 2.000 tonnes / jour et que l’aciérie arrêtait pour 24h tous les dimanches. Mais la place manquait pour faire mieux. Avant cela aux Hfx le dimanche, on arrêtait 2 ou 3 Hfx sur 5 pour entretien mais moins longtemps, et la fonte produite était intégralement coulée en halle et réenfournée dans les Hfx la semaine suivante. En semaine, les Hfx s’efforçaient de couler au bon moment pour l’aciérie tout en veillant à ne pas retenir trop de fonte dans les creusets. Le danger était en effet que le niveau de fonte atteigne celui des tuyères d’évacuation du laitier. C’était un danger mortel pour le personnel : explosion de la tuyère à laitier et de la tympe, avec projection de matières liquides et solides incandescentes : coke, fonte et laitier à environ 1.500°, sur le plancher de travail. C’est arrivé, il y a eu deux morts carbonisés sur place au Hf2, peu avant mon arrivées aux Hfx. Bien sûr des calculs simples permettaient d’estimer la production théorique d’un Hf durant un temps donné en fonction du nombre de charges enfournées sur ce laps de temps. Mais, sans même parler des dégarnissages de cuve parfois brutaux et importants, que
connaissait-on de l’état d’engorgement ou, au contraire, d’usure du creuset : Rien. Juste avant une percée de creuset, sa capacité dépassait les 100% normaux, au plus fort d’un blocage, cette capacité tombait à 0%. Et entre temps, quelle était-elle ? Cette pratique dangereuse a pourtant été possible très longtemps de 1910 à la fin des années 1950 parce que la marche des Hfx était très lente en marche 100% de minerais crus dont 85% de Lorrain calcareux cru, donnant une production par Hf de plus ou moins 180 tonnes/jour + éventuellement 50 tonnes/jour à partir de mitrailles, soit 230 tonnes/jour, soit moins de 10 tonnes/heure, donc coulée d’une poche de 20 tonnes toutes les deux heures. Dans les années 1960, on produit déjà 2000 à 2500 tonnes/jour, 400 à 450 tonnes/jour par Hf, soit 16 à 21 tonnes à l’heure, donc plus du double de ce que l’on produisait dans les années 1950. Par la suite les mêmes Hfx produiront jusqu’à 800 tonnes/jour. La fonte était coulée dans des poches de 20 tonnes, capacité d’enfournement des convertisseurs alors au nombre de 6. Pour ne pas prendre de risques excessifs aux Hfx, on coulait souvent et il y arrivait fréquemment que l’on coule une demi, voire un quart de poche, pour envoyer à l’aciérie uniquement des poches pleines. Dans ces conditions, pas question de procéder au bouchage des Hfx à la machine à l’aide d’une masse plastique thermodurcissable comme cela se pratiquait couramment dans bien d’autres usines depuis longtemps : pas question de réouvrir un trou de coulée avant le délai de cuisson nécessaire. On a donc maintenu la technique de bouchage à la main, même après mars 1960 car, le mélangeur étant trop petit, l’excès de fonte disponible le dimanche, jour d’arrêt complet de l’aciérie, serait resté d’environ 1.000 tonnes sans le secours des
39
arrêts des Hfx, dus essentiellement au renouvellement des plages de bouchage à la main qui, faute d’être renourries, s’usaient très rapidement. Mais cela a continué à coûter de l’argent et a faire prendre des risques car :
ports : « A partir de cet instant, j’interdis formellement de retenir de la fonte sur les Hfx. On coulera toujours au moment prévu, soit en poche, soit en halle. Cet ordre formel ne pourra être annulé que par un ordre écrit d’un supérieur, signé et daté. » Personne ne s’y est risqué.
Deuxième cause : l’absence de volonté de se servir du mélangeur
Pour que le bouchage de la fonte à la machine soit possible, il a cependant fallu attendre le démarrage de la nouvelle aciérie LD en 1964 disposant elle aussi d’un mélangeur de 1.000 tonnes. Le premier Hf a être bouché à la machine a donc été le Hf5, après sa modernisation de 1966. Les autres Hfx ont alors suivi.
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
Le mélangeur ne suffisait pas, il fallait d’abord la volonté de s’en servir
40
Tout ce que je viens d’expliquer, tout le monde peut le comprendre. Je le comprenais à l’époque, et je suppose que tous les ingénieurs le comprenaient aussi, aciéristes, haut-fournistes ou directeur. Pourtant, pour les Hfx, la présence du mélangeur n’a d’abord apporté aucune amélioration de sécurité car les aciéristes préféraient consommer la fonte fraîchement coulée. Bien sûr, si une poche coulée est immédiatement enfournée au convertisseur, c’est l’idéal. Mais laisser traîner des poches au pied du mélangeur sans les enfourner, estce l’idéal ?! Oui pour le pontier qui n’a rien à faire et évite les manutentions. Non pour la disponibilité des poches pour les Hfx. Non aussi pour la perte de température qui est beaucoup plus rapide dans des poches de 20 tonnes sans chauffage que dans un mélangeur chauffé. Cette pratique devait cesser. Je me souviens parfaitement des faits. Il fallait couler à deux Hfx et les poches ne revenaient pas. Je me suis rendu au mélangeur avec la loco des poches à fonte : 7 poches pleines y traînaient. Du sol, j’ai expliqué par gestes au pontonnier du mélangeur que je demandais fermement de vider les poches d’urgence. Pour toute réponse il a pris une poche, l’a soulevé légèrement, et est venu me repousser avec la poche puis l’a reposée, l’a décrochée et à relevé ses crochets à vide. Je suis rentré aux Hfx et ai immédiatement fait couler en halle aux deux Hfx en cause puis j’ai rédigé la note suivante que j’ai écrite dans le livre de rap-
Pour en savoir plus sur le mélangeur de l’aciérie Thomas de Clabecq, je renvoie qui s’y intéresse au rapport de stage effectué en 1961 par Pierre Dauby page 73 et suivantes et aux figures 12 et 13. Pour ce qui est de la technique des stoupas et des bouchages des Hfx à la main, au même rapport page 38 et figure 10 et au rapport de stage de Clément Paqué, effectué en 1958, pages 45, 46, 47.
ANNEXE 2 : La série des plans DD244 Brève analyse de ces documents essentiels à la connaissance de l’histoire des Hfx des Forges de Clabecq ou agrandissement, loin s’en faut ! Si l’arrêt du Hf1, du 27 mars 1930 au 11 janvier 1931 peut éventuellement s’expliquer par sa reconstruction en passant de diamètre 3,60 m. à 4 m., celui du Hf3 du 24 août 1933 au 14 avril 1937 ne peut évidemment pas s’expliquer par une reconstruction pour passer de diamètre 3,75 m. à 4 m. C’est la crise des années ‘30. De même l’arrêt du Hf4 du 27 septembre 1937 au 19 juin 1939, sans modification du diamètre du creuset, n’a d’autre explication plausible que la crise. D’un examen attentif de la série DD244, on peut tirer les conclusions suivantes : Sauf du 8 décembre 1919 au 21 novembre 1921, période pendant laquelle le Hf2 a marché seul, il y a pratiquement toujours eu au moins 2 Hfx à feu. Du 14 mai 1940 au 9 septembre 1940, tous les Hfx étaient arrêtés. La marche à 2 Hfx a repris dès le 12 septembre 1940. Il y a eu des périodes de marche à 3 Hfx, Hfx 1, 2, et 3 ou Hfx 1, 2 et 4. Rares ont été les périodes de marche à 4 Hfx, la plus longue s’est déroulée du 5 septembre 1929 au 27 mars 1930. La prudence sur la fiabilité des sources nous incite à rechercher l’objectif poursuivi par la réalisation de ce document en pleine période d’occupation. Nous le considérons cependant fiable pour ce qui concerne dates et dimensions, car il n’est pas en contradiction avec les renseignements fournis par un autre plan plus ancien de 10 ans : le plan DD116A du 21/04/1932. Reste une question : pourquoi, dans quel but, ce document a-t-il été établi d’un seul jet en 1942 ?
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Datée du 9 juillet 1942, la série des plans DD244 indices 1 à 7 constitue à elle seule un historique. On y trouve, en effet, les profils successifs qu’ont eus les Hfx des Forges depuis l’immédiate après-guerre 1914-1918 jusqu’au 30 juin 1942. Chaque profil est accompagné d’un bref résumé des résultats moyens obtenus durant la ou les campagnes réalisées avec des Hfx de telles caractéristiques. On sait d’autre part qu’avant l’arrêt total de l’usine durant toute la guerre 1914-1918 seuls existaient les Hf1 et Hf2. Cette situation est magnifiquement illustrée à la page 12. De l’examen attentif des 7 documents DD244, on peut conclure qu’après la guerre 1914-1918 : • Le Hf2 a été le premier à être remis à feu le 8 décembre 1919, avec un diamètre de creuset de 3,75 m. qu’il avait donc très probablement déjà en 1914. • Le Hf1 n’a été remis à feu, pour sa part, que le 21 novembre 1921, avec un diamètre de creuset de 3,60 m seulement. • Le Hf2 a donc marché seul durant 2 ans, du 8/12/1919 au 21/11/1921. • Le Hf3 a été mis à feu pour la première fois le 16 août 1925, avec un dimaètre de creuset de 3,75 m. • Le Hf4 a été mis à feu pour la première fois le 5 septembre 1929, avec un diamètre de creuset de 4 m. C’est le Hf4 qui a été le premier Hf de 4 m à Clabecq, puisque le même document DD244 nous apprend que pour être exploités au diamètre de creuset de 4 m., les Hfx 1, 2 et 3 ont dû attendre : • le Hf1 le 11 janvier 1931 • le Hf2 le 5 mars 1934 • le Hf3 le 4 avril 1937 Durant toute cette période difficile de l’entre-deux-guerres les arrêts des Hfx ne se sont pas limités à des arrêts pour entretien
41
42
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
43
44
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
45
46
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
47
48
La Mémoire des Forges - témoignage de Claude Brohée
La Mémoire des Forges : témoignage de Claude Brohée
Coulée d’un petit Hf et poche de 20 T pour l’aciérie Thomas
49