Longueur d'Ondes n°38 (Février-Avril 2007)

Page 1

#38 - fev. / AvR. 07 le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS !

no one is innocent mano solo la blanche syd matters

Ne pas jeter sur la voie publique

GOMM CONCOURS

PARTEZ AU QUEBEC Festival de Tadoussac (p.33)

valerie leulliot ` rencontre babet guerebou ` ` kounkan red



ON Y CROIT !

8 à 13

ON Y TIENT !

ToM, Zut !, Gülcher, Thierry Chazelle, Clyde, Familha Artús Tchen Tchen, Mulet Mulet, Imbert Imbert, Jamika, Vincent Eckert, Les Fatals Picards, Pravda, Spy, Thibaud Couturier, N&SK

RENCONTRES 14 17 18 20 22 24 30

Guérébou Kounkan La Blanche Syd Matters Red Valérie Leulliot & Babet Mano Solo No One is Innocent

26

EN COUV Gomm

32

K COMME KÉBEC Galaxie 500

34

PLANÈTE DJ Kentaro, Izabo

36 37

FESTIVALS CONCOURS FESTIVALS Partez à Tadoussac

49

ZONE LIBRE

Février - Avril 2007

Le Bijou

O

4 40 48 50 50

ui, c’est vrai, je suis insaisissable. Tu peux faire ce que tu veux, tu n’arriveras jamais à me capturer. Pourtant, je te vois venir, je sais que tu essaies ! Au départ, quand tu étais enfant, tu m’ignorais royalement, je n’existais pas pour toi. Peu à peu, tu as entendu parler de mon existence et je suis passé d’une simple question à une réelle préoccupation, qui n’a cessé de grandir en toi. Rappelle-toi, le jour où tu es tombé amoureux, tu as même voulu m’arrêter ni

SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57

MARCHE OU BRÈVES BRUITAGE IMAGES CA GAVE ABONNEMENT

plus ni moins ! Ca m’a bien fait rire. Ce que sert à rien de me courir après, d’essayer j’ai fait ? J’ai fui… Je ne sais faire que ça ! de m’éliminer, d’autres y ont passé leur vie et ont perdu la bataille, c’est irréméMais tu n’es pas le seul à vouloir me stop- diable, je file entre les doigts, il faut t’y per. Regarde, tes parents regrettent déjà faire. Par contre, si tu apprenais à reconcelui que j’étais avant, tes grands-parents naître mes qualités, à comprendre la ont carrément peur de moi. Pire, l’humani- sagesse que je t’apporte, peut-être finité entière me déteste et essaie de m’arrê- rais-tu par mieux me supporter, je pourter. En fait, même si tout le monde me rais devenir ton allié et, qui sait, tu pourconnaît, je reste une énigme pour chacun. rais m’aimer un peu… Allez, pour une fois, Je vais te dire un secret : arrête de me com- prends-moi : prend le Temps ! battre et apprends à vivre avec moi ! Ca ne Serge Beyer

Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Responsables infos / com’ : Cédric Manusset, Bruno Aubin Direction artistique et conception : Cédric Manusset Responsable com’ Québec : Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et les librairies Renaud-Bray.

Yann Guillou, Fred Huiban, Jacques Kasbi, Aena Léo, Sarah Lévesque, Cédric Manusset, Stéphane Martel, Marie-Hélène Mello, Vincent Michaud, Eric Nahon, Elsa Songis, Jonathan Tabib, Martin Véronneau.

Couverture : Photo © Raphaël Lugassy

Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. Imprimerie : MCC Graphics Dépôt légal : Photographes : Patrick Auffret, 100 000 EXEMPLAIRES Thomas Béhuret, Alain Dodeler, Michel Pinault, Février 2007 Remerciements : Robert Gil (www.photosconcerts.com), Publicité : SergeBeyer@aol.com Raphaël Lugassy (www.raphael-lugassy.com), DaFont.com LEQUABEL EDITIONS Rédacteurs : Rafael Aragon, Bruno Aubin, Nicolas Messyasz (www.nicographie.net), 5 rue André Messager Patrick Auffret, Alain Birmann, Seb Broquet, Philippe Noisette (www.noisette.fr), 75018 Paris (sur RDV) Bastien Brun, Arnaud Cipriani, Béatrice Corceiro, Yannick Ribeaut (www.homepage.mac.com/yannickribeaut) I.S.S.N. : 1161 7292 Caroline Dall’o, Jean-Luc Eluard, Sylvain Fesson, Pierre Wetzel (www.e-photographie.net). Ne pas jeter sur la voie publique

www.longueurdondes.com http://myspace.com/longueurdondes longueurdondes@tele2.fr

Yannick Ribeaut - El Inca (Bordeaux)

6

Avant d’aller voir Chloé en première partie de Bashung début avril, vous pouvez zieuter deux clips sur son site Internet : Bill & Jane, réalisé par la plasticienne Dominique Gonzalez-Foerster et Marrietti, réalisé par Delphine Kreuter. www.chloemons.com


Dans la sphère rock’n’roll, le masochisme est une posture reconnue. Chez “l’électroïde” Monsieur Connard, en revanche, point de posture, tout concourt à décourager, du nom d’emprunt jusqu’au titre d’album : “Les rêves ont mauvaise haleine” (appréciez !) ont été conçus selon ses propres dires “dans un état d’esprit plutôt défaitiste suite à la lecture de “La France contre les robots” de Georges Bernanos et à la découverte de certaines vérités touchant autant à ma vie intime qu’à ma vie artistique.” Dans la continuité, son micro-label “de musiques incertaines pour un futur incertain” a pour but premier “l’exploration des sentiments humains : vice, frustration, bonheur furtif, rejet, etc.” Pourtant, promis juré, son électro poisseuse et maligne mérite le détour. A visiter en toute indiscrétion et disponible en téléchargement libre. www.monsieurconnard.com

4

Diffuz 2 plus structuré, Damien reste optimiste, mais a conscience du chemin à parcourir : “On aura bien travaillé si le grand public connaît l’alternative que l’on propose et si chacun s’engage personnellement. Les questions sont nombreuses, à commencer par l’intrusion de la publicité dans les plateformes de libre diffusion. Quel sens y a-t-il à faire un tel pari social en partageant sa musique librement et estimer, en même temps, que la seule source de revenus envisageable serait celle générée par une publicité envahissante ? Je crois que le grand enjeu pour 2007 sera de s’affranchir de ces “interfaces” commerciales et mettre enfin en relation directe les créateurs et leur public, jusqu’au niveau financier. Les artistes assimilent le propos sous-jacent dans la culture libre dont un marché finira par émerger.” festival.diffuz.org Le deuxième album de Wax Tailor “Hope & sorrow” sortira le 2 avril chez Atmosphériques. Enregistré en France et aux Etats-Unis, il s’annonce plus “vocal” que son prédécesseur avec de nombreuses participations : la reine soul Sharon Jones, la grande prêtresse du spoken-word Ursula Rucker, la nouvelle diva du rap US, Voice, le collectif anglais A State of Mind, le groupe de rap The Others et la sensuelle chanteuse Charlotte Savary. www.waxtailor.com

La culture libre se diffuse gratuitement en toute légalité. Diffuz, festival dont la première édition a eu lieu fin décembre à Montpellier s’en fait l’écho. Damien Issaad, son coordinateur, en tire les conclusions : “Notre propos a touché toutes les classes de public. Les artistes donnent et se donnent sans arrièrepensée, uniquement pour établir le contact. Le don, de nos jours, ça a de quoi choquer.” En attendant un

En congé d’Encre, Yann Tambour accouche d’un folk sensitif débarrassé des clichés du genre sous le pseudonyme de Thee, Stranded Horse. il y utilise un instrument africain aux sonorités magiques, la kora, dont il parle avec dévotion : “C’est une sorte de harpe / luth comportant une vingtaine de cordes en fil de pêche, composée d’un manche, d’un chevalet en bois et d’une demie-calebasse recouverte d’une peau. Il y a, dans la kora, une fluidité et un rapport à l’instant qui me fascinent.” Yann traduit ici son attiran-

Un album de Daniel Darc apaisé et plus mélodique que sombre est annoncé courant 2007 www.danieldarc.com  Après quatre ans de tournée et deux albums, AS Dragon appuie sur pause. Le split n'est pas officiel mais chacun vaque à différentes occupations. David et Michael ont joué avec Murat sur sa dernière tournée, RV et Stéphane on monté un sideproject : Control  Distribué gratuitement, le Guide des musiques actuelles, édité par Le Jardin Moderne (association culturelle rennaise), recense 400

contacts utiles du secteur des musiques actuelles en Ille-et-Vilaine. www.jardinmoderne.org  Lezarder est un projet francophone et québécois de promotion des artistes émergents, indépendants et autoproduits. C'est aussi une communauté où trouver des infos culturelles, des livres électroniques, audio… www.lezarder.ca  Le prochain album de Calc sera produit par Tahiti 80 et sortira à l'automne 2007. calcmusic.free.fr  Tender Forever, la petite Bordelaise qui monte, déjà signé sur le mythique label lo-fi


ce pour le continent berceau du monde : “Mon disque de kora favori est “Nouvelles cordes anciennes”, de Toumani Diabaté et Ballaké Sissoko, disque hommage des deux fils aux fascinantes “Cordes anciennes” enregistrées quelques décennies plus tôt par leurs pères respectifs. J’aime également beaucoup la musique éthiopienne, notamment “The harp of King David” de Alému Aga, volume n°11 de la collection Ethiopiques.” “Churning strides” sortira fin mars grâce à Talitres Records pour la France. www.myspace.com/theestrandedhorse

EZ3kiel sortira le 14 Avril ‘’Naphtaline’’ (Jarring Effects / Pias), projet multimédia et suite logique d’un parcours où images, lumières et sons ont toujours fait bon ménage. 13 titres audio font office de BO pour cet ovni dans l’industrie musicale. Yann Nguéma bassiste et graphiste du groupe détaille cette déambulation où l’on crée son propre spectacle : “Pour accompagner une vidéo, nous avions composé une berceuse : “Le lac des signes”. Cette approche intimiste et minimaliste nous a donné envie de prolonger l’expérience sur un album. “Naphtaline” puise dans ce qu’EZ3kiel a de plus serein, onirique et éthéré, avec une très grande part

K Records, jouera en première partie de Katerine au printemps. Prochain album programmé pour septembre. www.takemybreathaway.net  La nouvelle version du site www.les-independants est en ligne depuis janvier. Dédié à “l'Autre scène française”, il se propose d'assurer un échange équitable entre artistes et auditeurs  DV's Records label associatif, a produit une compilation DV's anthems vol.1. Favorisant les contacts transfrontaliers, il développe un réseau rock au sens large. www.dvsrecords.org

faite aux instruments acoustiques et classiques. Nous avons toujours associé le travail du son, de l’image et des nouvelles technologies. Ce qui est nouveau, c’est de déplacer le champ d’investigation de l’espace scénique à celui d’un écran d’ordinateur. En concert, nous accompagnions musicalement des images enregistrées. Les contraintes de ce procédé nous ont fait envisager de concevoir des images interactives évoluant en fonction de la musique, d’un signal ou d’un geste. La première étape pour appréhender ces nouvelles techniques était de les mettre en œuvre dans un projet multimédia.” A suivre : la concrétisation sur scène de ces nouveaux acquis.

puisqu’il a participé à un projet instrumental réunissant Serge TeyssotGay et Marc Sens. Enfin, au printemps, vous découvrirez “Le goût du bonbon”, nouveau projet de Xavier et Thierry de Tue-Loup, auquel participent Rom Liteau, Thomas Fiancette et Thomas Belhom. www.t-rec.org Debout les Mots, 2ème édition, c’est maintenant ! Jusqu’au 16 avril, écrivez des textes sur le thème de cette année : le temps, à accoler aux musiques originales à disposition sur Internet. Un jury composé de créateurs et de professionnels de la musique retiendra 12 plumes dont les textes seront dits ou chantés à l’occasion de rencontres à l’espace Jemmapes le 2 juin prochain, dans le cadre du festival Mai Paris Mai. deboutlesmots.free.fr

L’association du Chien à Plumes ouvre le 17 février à Dommarien (52) sa salle de concert de 375 places : La Niche. Porté par la Mairie, ce projet concrétise six ans d’activisme local. Delphine Cuenin, salariée polyvalente de l’administratif aux relations presse, en détaille l’esprit : “La Niche se veut multi-générationnelle : consacrée le plus souvent aux musiques amplifiées, mais également aux spectacles pour enfants ou à la musette… Elle peut accueillir des résidences d’artistes ou être louée à des associations culturelles. Il y aura aussi une salle de répétition pour les groupes locaux. Notre but est que ce lieu vive au maximum pour des spectateurs de 1 à 101 ans ! Nous gardons espoir de voir s’épanouir ce petit bal perdu au milieu du cadre d’une campagne merveilleuse…” www.chienaplumes.fr

Envoyez vos infos à : newslo@cegetel.net

Altermuzik, plateforme indépendante de téléchargement, entend faire gagner de l’argent aux artistes et… aux audiophiles activistes ! 50% des gains pour les premiers, jusqu’à 20% pour les seconds qui promeuvent des œuvres sur blog ou site de peer to peer, en toute légalité ! Ce site communautaire s’adresse aux artistes indépendants en manque de moyens financiers pour se faire connaître. Le choix est encore limité, mais bientôt, qui sait, un autre monde sera possible ! www.altermuzik.com

URBS-TICAIRE Pendant que les ventes de CD ne cessent de diminuer (-11,7% pour les neuf premiers mois en 2006), la musique dématérialisée fait son trou (+54%).

Le label T-Rec fondé par JeanCharles Versari (ex-chanteur des Hurleurs) et Cyril Bilbaud (ex-Sloy), est désormais distribué par Anticraft. On y retrouve le premier album de Versari, soit les deux comparses et Jason Glasser (aka Fruitkey et ex-Clem Snide). A venir, une compilation de Sloy, “Off”, avec notamment des titres live. Cyril Bilbaud se montre décidément très productif

 Music Blog, du blog gratuit comme s'il en pleuvait. Et il y a aussi de la vidéo… Début février, cela donnait 10 285 blogs et 5 848 vidéos au compteur. www.musicblog.fr  Jamendo plateforme de téléchargement de musiques libres partage ses revenus publicitaires avec les artistes. www.jamendo.com. Plus de 2 100 albums déjà disponibles  Le webzine rock métal indus W-Fenec s'est offert un petit lifting et une radio : www.w-fenec.org  Le Lavoir Moderne Parisien, ancien lavoir de quartier, désor-

mais théâtre et galerie d'exposition et sa comparse salle de concert Olympic-café sont menacés de fermeture. Pétition sur www.rueleon.net  L'indispensable association bordelaise organisatrice de concert ALF, plus connue sous le nom d'Allez les Filles, est en péril. Fondée par l'illustre programmateur Francis Vidal, elle attend vos chèques à l'ordre de ADMAA, 9 rue Teulère, 33000 Bordeaux. www.allezlesfilles.com  Appel au soutien également pour les structures Pôle Nord et Chato'Do de Blois qui ont

5

cessé leurs activités suite aux baisses de financement public. www.myspace.com/ soutienpolenordchatodo  Groupes de la région Nord-Pas de Calais, Belgique, Luxembourg ou Paris, postulez pour la compile Les éclectiques d'Absynthetic vol. III. www.absynthetic.fr  Les Talents Détours de l'Adami 2007 (Herman Düne, Stuck in the Sound, Katel, Peter Von Poehl, Beat Assaillant) se produiront au Printemps de Bourges, au Paléo Festival, aux Nuits Botaniques, etc. www.adami.fr


D.R.

Gülcher

Caroline Dall’o

“Rue Breteuil” - La Baleine www.tom-sound.com Après Marilou et Melody Nelson, Luna va à son tour hanter votre imaginaire. ToM est l‘auteur d’un concept-album, où les plaisirs faciles d’un noctambule (musique, drogue, sexe) illustrent la bataille de l’être sur le paraître. Cette histoire pourrait rejoindre celle bien réelle de Thomas Luraschi : “Il y a une part de vérité et de vécu dans les textes, mais c’est enjolivé de manière à ce que l’auditeur amène sa part de fantasme…” Son parcours de musicien, Thomas l’entame par les platines, alors DJ à St Trop’. Lassé de ce monde et de l’utilisation des machines, il se tourne vers les musiciens. Après une formation d’ingé son, son appartement rue Breteuil devient le Tom Sound Production, par lesquelles passeront les formations marseillaises Nicholson, Nacimiento et Sweet Rosetta. Par ailleurs, le son trip hop et la forme littéraire de l’album rejoignent deux anciennes gloires locales : Fred Berthet (Troublemakers) pourrait bien en signer des remixes, quant à Doodads (Di Maggio), il pose son harmonica sur MDMA, adapté des Nouvelles sous ecstasy de Beigbeder. “Il est de bon ton de ne pas aimer Beigbeder. Du fait que j’ai travaillé à St Tropez, je le vois différemment. Je retrouve cet univers de la nuit sur lequel il crache, mais toujours avec beaucoup d’humour.” Actuellement, Thomas bouquine Djian, dont la crudité dans le sexe le fascine, tout autant que les poètes du romantisme… ToM n’est pas à un paradoxe près. Son Rue Breteuil évoque Gainsbourg, alors que L’homme à tête de chou est absent de sa discothèque. Parents oblige, il connaît mieux la période reggae. Ce goût des rythmes chaloupés se retrouve dans sa production, mais rayon influences, Tricky s’impose d’avantage. Accouché en studio, Rue Breteuil va à présent gagner la scène. A défaut du plaisir des yeux, Luna comblera toutes les oreilles…

Robert Gil

ToM

Bruno Aubin

(Prochainement en tournée : 10 dates en France)

Zut ! www.coucouzut.com “Parce que c’est possible de chanter pour les enfants tout en emballant les parents”, Zut ! enregistre des disques et se produit en concert depuis plus de cinq ans. Le trio star des cours de récréation averties est devenu au fil du temps un groupe de scène à cinq têtes : avec l’arrivée de Gilles et Thierry à la basse et à la batterie, les compositions plutôt enlevées de Fred, Francis et Philippe ont trouvé leur pleine expression sur scène. Voyageant au cœur des musiques actuelles, du ragga au rock en passant par le jazz manouche, Zut ! montre que l’on peut séduire nos chères têtes blondes tout en accordant de l’importance à la qualité musicale. Mais dites-nous, pourquoi avoir choisi de vous adresser au jeune public ? “Ça nous paraissait important que des musiciens s’intéressent aux enfants d’aujourd’hui. On avait l’impression que la chanson pour enfants existante ne s’adressait pas vraiment à eux. On voulait faire quelque chose de moderne. Dès que l’on a commencé à faire des concerts, le retour a été tellement fort, que l’on a décidé de ne plus faire que cela, explique Francis ! Il y a aussi une liberté incroyable : si on a envie de faire un morceau reggae, puis d’en faire ensuite un rock, rien ne nous en empêche ; dans un groupe “pour adultes” ce serait impossible” renchérit Fred. Sur scène, une chose est sûre, petits et grands ne s’ennuient jamais ! On chante, on rit beaucoup, tout en écoutant de la vraie musique avec des instruments “classiques” (guitares, contrebasse, batterie, harmonica), parfois insolites (sèche-cheveux, casseroles…) et des textes drôles jamais gnangnan. Ils sont actuellement en tournée un peu partout en France et investiront La Cigale de Paris le 1er avril. Allez les voir en famille, bons moments garantis !

Caroline Dall’o

6

“After nature” - Coming Soon /Prod. Spéc. www.gulcher75.com C’est une histoire d’élégance. Celle d’une intro de piano fantomatique qui vous reste en tête. After nature, l’album inaugural de Gülcher est à la fois surprenant et familier. Les sonorités sont connues, on pense à Syd Barrett, Grandaddy, Bowie jazzy, avec aussi un petit côté Robert Wyatt dans la voix. Mais on y découvre surtout un univers original : “Notre démarche est celle des Bads Seeds de Nicks Cave, nous voulons inventer musicalement”. Le groupe est érudit, pas pédant. Ces trentenaires n’ont rien à voir avec les jeunots qui veulent faire rockers parce que c’est cool. Non, Ils veulent tout simplement créer une musique inédite qui s’inscrit dans une démarche artistique. Un truc que l’on entend de moins en moins : “C’est quand même la moindre des choses pour un groupe que d’essayer d’inventer quelque chose. Nous sommes partis pour au moins dix ans ensemble. D’ailleurs, nous prévoyons notre deuxième album pour 2008, après avoir tourné.” Coté carrière, le groupe est donc également adepte d’une méthode à l’ancienne : un disque, une tournée, un disque… Cet état d’esprit se retrouve à tous les niveaux : le son est chaleureux (“Nous avons tout enregistré en analogique…”), les textes en anglais (normal c’est la langue maternelle de LR, dont la voix feutrée fait merveille). “Ce sont des histoires d’amour, quotidiennes, sexuelles, souvent ambiguës. J’aime quand il y a plusieurs niveaux de lectures, lorsqu’on ne comprend pas tout.” Enfin, et pas des moindres, la pochette, les photos et le clip (en pantalons de golf des années 30) sont aussi chiadés que possible. Tout concourt à rentrer dans un univers dandy décalé et attachant. Eric Nahon


Thomas Béhuret

Thierry Chazelle

L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com

Elsa Songis

Familha Artús Autoproduit - familha.artus.free.fr

D.R.

S’il n’est venu que récemment à la chanson (son premier album, Avis de tempête, étant sorti en 2003), cet artiste de 43 ans a derrière lui une riche expérience musicale et une solide culture classique. S’écartant un temps de la musique pour travailler dans l’informatique, il y revient en 1998, après sa participation aux Rencontres d’Astaffort. Conscient d’avoir pris des directions contraires à ce qu’il était, il veut désormais faire de sa vie “une création permanente”. Il multiplie les nouveaux projets : édition et écriture musicales, conférences, création d’un label… Sur Un monde meilleur, il a laissé s’exprimer toutes ses envies de production et d’arrangements, car il aime jouer sur les mots : “Ce qu’il y a de bien avec la langue française, c’est que dans une même phrase, il peut y avoir un ou deux sens cachés. Dans mes chansons, il y a deux façons de voir une même chose. Le malheur et le bonheur ne sont jamais très loin l’un de l’autre.” Si ce deuxième album sonne très électro-pop, Thierry propose en concert une formation plus rock, en trio : “Je veux donner une version instantanée, immédiate de mes chansons, de manière à pouvoir me concentrer sur l’émotion et la profondeur du texte.” Lui-même au chant et à la guitare, il est entouré de Johanne Mathaly au violoncelle et Pascal Zanetti à la batterie. Thierry Chazelle sera à Paris du 19 au 21 mars à l’Espace Jemmapes, pour la sortie nationale d’Un monde meilleur : sûr, il le sera pour ceux et celles qui écouteront cette œuvre subtile, sensible et profondément humaine.

D.R.

“Un monde meilleur” Sofia Label / Prod. Spéc. www.thierrychazelle.com

Clyde “Le jardin zoologique” - Daruma Productions www.myspace.com/clydebarlo L’histoire a commencé il y a cinq ans, lors d’une banale soirée bercée par le ronronnement de la radio. “Je suis tombé sur une émission parlant du trafic d’animaux, qu’on brinquebale d’un pays à l’autre. J’ai commencé à imaginer des éléphants voyageurs…” Des animaux, il y en a sur ce premier disque. Du voyage aussi. Dictaphone en poche, Clyde a traversé l’Asie, d’où il a ramené des milliers de sons. L’étrange instrument qui ouvre l’album, par exemple, est l’enregistrement de la longue corne que jouent des moines bouddhistes en Chine… “L’idée était de mélanger les évasions, culturelles, sonores, imaginaires.” Résultat : onze titres de pop douce et bariolée à la Daho, innervée de rythmes reggae, orientalisants et rock. Un dosage bien balancé grâce auquel on oublie vite les quelques faiblesses des textes, dont l’humour parfois naïf peut dérouter. Il faut dire qu’avant de se lancer en solo, Clyde a déjà roulé sa bosse dans la musique. Batteur et guitariste autodidacte, il a accompagné pendant plus de dix ans des groupes de sa ville, Marseille… “Jusqu’au jour où le besoin de créer mon propre univers s’est imposé.” Alors, pendant des mois, il a concocté dans son grenier une quarantaine de morceaux et en a enregistré une dizaine, seul, jouant tour à tour de chaque instrument, travaillant les textes avec sa complice Hortensia, aux chœurs. Sur scène, il joue en solo avec sa guitare, ou le plus souvent avec sa bande de potes musiciens : “Basse, guitare, batterie… J’aime l’idée qu’avec eux, les morceaux prennent un tour plus électrique”. Les prochains mois, Clyde les passera à jouer son album dans les bars et cafés de Paris, où il vit désormais à mi-temps, et à Marseille, où il retrouve ses instruments et son “grenier d’enregistrement”, quelque part… boulevard du jardin zoologique. Aena Léo

7

Entre tradition et modernité, ce groupe étonnant revisite une partie peu connue du paysage musical français : le folklore gascon. Les chœurs en dialecte local croisent guitares énervées, vielle à roue, piccoli et autres guimbardes sur fond de rythmiques électroniques. Le mariage est sobre et réussi, loin d’être contre-nature, évitant un écueil rétro-futuriste de mauvais goût. Actuellement au studio des Milans (le QG du groupe Gojira et temple du gros son français) pour l’enregistrement de leur deuxième long, Orb, la famille présente aujourd’hui, par un maxi, un avant-goût des hostilités à venir. Entretien avec Tomàs alias Hrair… COMMENT JUGEZ VOTRE ALBUM À VENIR AU REGARD DES PRÉCÉDENTS ? Une évolution majeure. Nous sommes aujourd’hui sur une musique percussive et engagée. Le message est direct, terrien, explosif, et le maxi annonce cela. COMMENT EXPLIQUES-TU LE RELATIF ANONYMAT DU FOLKLORE GASCON ? Pour certains, la Gascogne n’est qu’une image d’Epinal : Félicien et Maïté en sont les fers de lance. Que faire face à cela ? Continuer à travailler ! UN GROUPE FAMILIAL ? Même si on est trois de la même famille, le mot “Familha” ne se réfère pas à cela : c’est une notion de collectivité forte. Nous sommes cinq musiciens visibles, mais il y a évidemment beaucoup plus de gens qui travaillent quotidiennement pour que nous existions. VOUS DÉFINISSEZ VOTRE SON COMME “MUSIQUE RADICALE DE GASCOGNE”, POURQUOI ? Radical vient de “racine” et nous sommes ancrés dans notre culture. Etre radical, c’est provoquer un changement, sortir des clichés, des sentiers battus, pour affirmer sa différence. Notre musique est basée essentiellement sur le répertoire tribal Gascon, c’est notre prétexte artistique, notre terreau culturel. Il est riche, vaste et complexe. Nous n’en ferons jamais le tour ! Rafael Aragon


TCHEN TCHEN

Thomas Béhuret

hris, alias Tchen Tchen, est un artiste un brin schizophrène, à la fois auteur, compositeur, interprète et producteur ! Son premier album So messed up a toutes les qualités pour être diffusé en radio. Nova, Ouï FM, le réseau de la Férarock ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Les 12 titres chantés en anglais sont particulièrement soignés et assemblés à la façon d’une mosaïque. On y découvre de l’électro-rock, de la pop, du down tempo (on se laisse tranquillement bercer sur le morceau Ridin) et même du dub en espagnol sur le titre Los olvidados. Cette habileté à transporter l’auditeur dans différentes ambiances vient sans doute de ses collaborations avec Sporto Kantes, Williams Traffic, ou encore Gangz. Il y a aussi sur cet album un travail intéressant de l’échantillonnage et la volonté d’avoir un rendu un peu brut pour mieux révéler des aspérités. “J’ai collaboré avec Ben Sam Nickman, l’ancien bassiste des Wampas, qui est dans Sporto. J’ai surtout retenu sa façon de donner un côté vintage aux sonorités, car il a une vraie culture vinyle et emploie un grain particulier. Cela modifie beaucoup la production. Ceci pourrait paraître anecdotique, mais au final cette technique rajoute beaucoup de chaleur” explique Chris. Côté influences, il cite Bowie, The Clash, Air (un groupe qui, bien que français, assume pleinement le fait de chanter en anglais) et les Rita Mitsouko dont il a connu l’un des membres fondateurs : “C’est tout simplement l’un des meilleurs groupes français. Quand j’ai commencé la chanson à 16 ans, j’ai débuté avec le chanteur des Rita qui était un mec très destroy : Jean Neplin, mort il n’y a pas très longtemps d’ailleurs. C’était une figure du punk français. Au commencement du groupe, ça explosait déjà. Je l’ai rencontré par hasard dans une boîte de nuit pourrie où je jouais un soir. Il est venu s’incruster puis a commencé à bazarder le micro sur le mur ; et c’est comme ça que tout à commencé… Il m’a marqué et j’en garde un souvenir incroyable. Mais c’est un Iggy Pop qui n’a pas réussi. C’était tout lui, trait pour trait.” Nul doute que ce genre de rencontres a de quoi transformer une approche artistique !

C

Fred Huiban “So messed up” - Good Company / La Baleine www.tchentchen.com 8


Raphaël Lugassy

d

IMBERT IMBERT

MULET MULET

Raphaël Lugassy

errière ce nom animalier qui n’est autre que le dédoublement patronymique de Stéphane, chanteur et guitariste, se cache un groupe aux allures intrigantes. Imaginez une guitare électrique et un accordéon en goguette avec une basse célibataire, ne s’autorisant que quelques frasques avec des percussions toujours discrètes, pour un tour de valse ou un air de tango. Et cette voix qui raconte des histoires de vies de traviole et de culture amoureuse… On comprend pourquoi Yves Jamait s’est laissé charmer par ce quatuor qui rappelle l’atmosphère étrange d’un Tom Waits en vacances au pays de Rimbaud. “Mulet Mulet a deux ans d’existence. Ca a commencé comme une blague : on a croisé Yves qui appréciait ce que l’on faisait et nous a permis de faire des premières parties dans des endroits très sympas comme l’Européen, l’Olympia ou La Vapeur à Dijon. Et puis les choses se sont enchaînées : on a rencontré Pixscène qui souhaitait nous produire… Tout s’est fait un peu par hasard”, explique Stéphane, venu spécialement de Dijon pour nous rencontrer. “C’est le premier album de Mulet Mulet, même si j’ai déjà un disque solo derrière moi : Es os, que j’avais fait en 91 avec Franck Fallone (bassiste) et un chanteur anglais. Sur l’album qui va sortir, il y a une ou deux chansons qui datent de cette époque-là… Depuis 1990, je considère que la musique est mon métier, même si cela ne m’a pas toujours permis de vivre. Je bossais en intérim à l’usine, je galérais un peu, mais je continuais à écrire. Il y a ce problème de reconnaissance qui est toujours là : pour beaucoup, la musique n’est pas un “secteur d’activité” sérieux. Même si tout le monde en écoute, quand tu dis que dans la vie, tu écris des chansons, les gens te regardent de travers. Pour ceux-là, il faut être célèbre pour être crédible.” Sélectionné par le Printemps de Bourges pour les “Découvertes 2007”, Mulet Mulet taille sa route dans l’univers de la chanson française avec originalité. Son premier opus éponyme sortira au printemps, et pour sûr, si la célébrité est relative, la reconnaissance sera elle nécessairement au rendez-vous. Caroline Dall’o “Mulet Mulet” - Pixscène muletmulet.blog4ever.com

n nom en miroir pour un couple atypique : Mathias Imbert et sa contrebasse âgée d’un siècle arpentent les routes depuis 2005. Une escapade solo pour le bassiste du groupe De Rien, aujourd’hui séparé, comme une aventure impromptue mais non moins essentielle : “Je me suis retrouvé comme ça, avec ma contrebasse, assez rapidement, et ça c’est imposé comme une évidence. Il y a deux ans, nous étions en résidence au Zèbre avec De Rien et je suis tombé sur un mec qui voulait me programmer en première partie. Il avait entendu dire que j’avais des chansons, mais à l’époque je m’accompagnais d’une guitare et je ne prenais la contrebasse que pour une seule. Je lui ai fait écouter et il a vraiment craqué sur ce titre-là. Du coup, en une semaine, j’ai adapté mes chansons pour toutes les jouer à la contrebasse.” Loin de se résumer à cette particularité, les chansons d’Imbert Imbert fuient la variété (“pour laquelle je n’ai aucun intérêt”, précise-t-il), et assument une tonalité mêlant noirceur et humour : “Dans mon enfance, j’ai pas mal écouté Renaud ainsi que beaucoup de chanson française. Mais la vraie raison pour laquelle je me suis mis à écrire c’est que je me suis fait larguer par ma copine. Je lui ai écrit des lettres d’insultes qui se sont transformées en textes…” Avec un second album autoproduit qui sortira au printemps, sur lequel s’invitent une batterie et une guitare à l’occasion, Mathias va plus loin dans l’exploration de cet univers : “Je m’aperçois que mes textes sont de plus en plus sombres, pourtant dans la vie je suis quelqu’un d’assez joyeux et ouvert. Mais sur scène, j’ai envie de faire prendre conscience aux gens de l’état des choses. Je n’ai jamais voulu faire du divertissement. Au contraire, j’essaie à mon humble niveau de montrer ce qui se passe. Je le ressens comme un débordement : je suis atterré par le contraste entre nos vies pépères et l’existence de certains. Chanter ces textes est le seul moyen que j’ai trouvé pour culpabiliser un peu moins.” Sur scène, c’est donc une véritable expérience que vous pourrez vivre dès le Printemps de Bourges (auquel il participera en tant que “Découvertes”), ou lors de la tournée qui s’en suivra…

U

Caroline Dall’o “Débats de boue” - Autoprod. / L’Autre Distribution www.imbertimbert.free.fr 9


Francis Vernhet

O

VINCENT ECKERT

JAMIKA

Thomas Béhuret

n la connaît en France pour ses collaborations régulières avec Zenzile, offrant depuis plus de six ans, à quelques-unes de leurs plages dub, la force de ses mots et la profondeur de sa voix. En Angleterre, où elle a immigré en 94 depuis son St Louis natal, elle publie des textes et autres poèmes sur l’identité, travaille sur des courts-métrages expérimentaux et s’amuse à brouiller les pistes pour qui voudrait la ranger dans une catégorie bien précise. Car Jamika Ajalon est une artiste aux multiples facettes dont le talent d’écriture s’incarne aujourd’hui dans un premier album solo, Helium balloon illusions. Soit douze titres entre électro, hip hop et blues, produit par Vincent Erdeven et JC Wauthier, respectivement clavier-guitariste et batteur de la formation angevine : “Cela faisait quelques temps que j’avais dans l’idée de faire un album solo, mais je ne savais pas quand ni comment. Je tourne avec Zenzile depuis 1999, parallèlement à mes autres activités, et je n’avais pas le temps de me poser pour y penser concrètement. Mais on en parlait souvent et Vince m’a proposé de m’aider le jour où je serais décidée. Finalement avec JC, ils ont produit la totalité de l’album et signé la plupart des musiques à l’exception de Travel bag blues et The beat que j’ai moi-même composées avec l’aide de Nicolas Gaillard.” Au final, cet opus ressemble à son auteur : on y ressent cette volonté de fusionner les genres pour rendre la parole plus libre. Moins politiques que ce à quoi on aurait pu s’attendre, les textes de Helium balloon illusions s’inscrivent dans une tonalité plus personnelle où se mêlent ironie et regard sur un monde où “les hommes se sentent encore obligés d’être ce qu’ils ne sont pas”. Reste cette énergie particulière que l’on devine intacte sur disque et que l’on constate aussi vive sur scène. Dès mars, Jamika assurera sa première tournée en tant que front-woman, accompagnée par un trio basse (Laurent Audouin) / batterie (Nicolas Gaillaird) / machines (Franck Berger) : “Nous sommes actuellement en train d’adapter les morceaux pour la scène. La présence d’instruments donne un côté plus groovy et free au répertoire. We’ll sure have fun !” Caroline Dall’o “Helium balloon illusions” www.jamika.net

n an. Cela fait un an que Vincent Eckert a finalisé son album. Un an à chercher un distributeur à la hauteur de son intégrité artistique. Loin de s’apitoyer sur son sort, ce musicien strasbourgeois livre une vision malicieuse et éclairée de son art et de son métier. Morceaux choisis… “J’ai toujours l’impression de débuter, à chaque nouveau morceau, chaque concert. Surmonter le doute, trouver la sensibilité. C’est en 99 que j’ai décidé d’aborder la musique de façon plus créative, de m’attacher à la recherche de la profondeur. J’ai donc pris ma guitare et j’ai joué dans des bars, histoire de confronter une ambition à la réalité… et d’apprendre également !” COMMENT SE PASSE LE PROCESSUS DE CRÉATION ? On part de mes chansons en guitare / voix avec une ébauche d’arrangement pour indiquer l’esprit du titre. Collectivement, il y a adhésion, appropriation, puis restitution. Et beaucoup de répétitions, en conservant cet esprit dont nous essayons de garder le sens. TU SEMBLES ÊTRE FASCINÉ PAR BERTRAND CANTAT… Je ne dirais pas fascination, parce que c’est un terme dangereux et qui englobe des choses trop éphémères et dépersonnalisantes. J’aime profondément les textes et la musique de Noir Désir. Après, je ne fais pas de la musique par mimétisme mais parce que la résonance et l’impact que peuvent avoir une œuvre artistique est vecteur d’émulation. Il y a une reprise de Si rien ne bouge sur l’album, mais juste par émotion et spontanéité ! Y A-T-IL UN ARTISTE AVEC QUI TU AIMERAIS COLLABORER ? Avec tous ceux qui veulent ! On ne peut préjuger de rien quant à la fécondité d’une collaboration. Mais j’ai forcément un besoin vital de partage et d’expérimentation. LE DISQUE NE SORT QUE MAINTENANT, QUE S’EST-IL PASSÉ ? Nous l’avons enregistré, mixé et masterisé il y a un an de cela. Cette année nous a permis de multiplier les contacts, mais sans aboutir encore à une signature. Aujourd’hui, entre celui qui écrit et celui qui écoute, il y a énormément d’intermédiaires (société de consommation oblige). Sans eux, c’est plus difficile, plus long, mais cela n’empêche aucunement d’avancer, tant que l’exaltation et la foi nous portent !

U

Rafael Aragon “Nos ombres” - Autoproduit - douest.com 10


PRAVDA

Patrick Auffret

B

L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com

LES FATALS PICARDS

Robert Gil

on, par quoi on commence ? Les Fatals Picards n’habitent pas en Picardie. Ils ne sont pas les fils spirituels des Wampas ou des VRP, mais leurs cousins éloignés. Les points communs sont évidents : une ironie farouche, sans concession, mise au service de textes fignolés aux petits oignons confits dans un savoureux jus de Pamplemousse mécanique. Ils récusent le terme “punk”, mais leur ironie l’est incontestablement. Rendez-vous dans le “salon Claude François”, une salle de réunion chez Warner Music, avec aux murs des portraits de Franck Michael, K-maro et Véronique Sanson. L’occasion idéale pour les attaquer de front sur leur nouveau titre intitulé… Bernard Lavilliers. “On s’est attaqué au personnage, pas au musicien, c’est beaucoup plus drôle, expliquent les deux chanteurs. Nous sommes partis de l’idée que si on avait besoin de quelqu’un pour remplir un volcan de lave, c’est à lui qu’il faudrait s’adresser !” Et le baroudeur qui a fait tous les métiers sert de prétexte à un nouvel hymne des concerts, qui va certainement détrôner le Manu Chao des Wampas. Et si certaines chansons sont de la pure gaudriole (“Goldorak est mort”… on verse une ou deux larmes de rire), d’autres sont plus nostalgiques sous leurs atours rigolos : “Un titre comme Mon père était tellement de gauche est moins joyeux, il parle de la fin des idéaux et des valeurs…”. Le son de ce quatrième album est peaufiné comme jamais : “Nous avons construit nous-mêmes notre studio. C’est la continuation de notre démarche”. Encore une analogie avec le punk ? Ben oui, “Do it yourself ” ! Pour finir, ne manquez pas de passer faire un tour sur leur site Internet. Non seulement on peut écouter une bonne partie de leur album, mais les Picards pas bégueules nous offrent une quantité d’extraits de concerts (et ça donne) et de saynettes à se faire pipi dessus quand ils demandent aux peoples de la musique de dire que leur Pamplemousse mécanique est nul à souhait. Encore ! Eric Nahon “Pamplemousse mécanique” - Adone / On Music www.fatalspicards.com

e retour de Londres après huit années d’exil avec sa guitare pour bagage, Mac rencontre Sue, étudiante bordelaise installée à Paris (elle finit juste Sciences Po !) et l’initie au rock’n’roll. “Pas besoin de jouer super bien, il faut de bonnes idées et un ordinateur.” Pour cette pianiste classique de formation, c’est la révélation : “J’ai trouvé bon esprit de faire de l’électro-rock avec ma basse sans savoir en jouer. Mac m’a donné confiance.” Elle craque pour son côté “hyper-space” : “Nous étions réunis par une même haine de la musique de supermarché, indique Sue. Nous avons fait des reprises des Buzzcocks.” Un nom, Pravda (“la vérité” en Russe), affirme l’identité du duo. “Ce mot a du sens. Il est comme nous : très sincère et sans compromis.” C’est aussi le nom du quotidien officiel bolchevik et… celui d’une bande dessinée psychédélique de la fin des années 60 dont l’héroïne ressemble étrangement à Sue. “Pravda la Survireuse a fait pencher la balance car le côté révolutionnaire nous faisait un peu peur : nous ne sommes pas extrémistes non plus !” Pourtant, What did you expect ? et People unite dénoncent bien l’avachissement devant la télé et la passivité des gens… Antagonique, Tu es à l’ouest, leur tube, est plus autobiographique. A la recherche du plaisir, le duo revendique un rock très dansant. Et une bonne dose de provocation… sexuelle : “Nous en jouons carrément” confirme Mac. “Nous avons tous besoin de sexe, c’est un peu anti-morale judéo-chrétienne, ajoute Sue. J’ai besoin de m’extirper de ces carcans de mon éducation.” Etudiante plutôt conformiste le jour, elle est, la nuit, l’égérie sans tabou de la scène électro-clash parisienne : “Cela ne me dérange pas de me mettre à moitié à poil en concert. Je fais du racolage actif car le rock’n’roll, c’est du sex-appeal. Enlever son T-shirt et avoir une pauvre bande de scotch sur les seins, c’est vraiment punk. Parce que c’est du scotch, et que l’on s’imagine que j’ai super mal quand je l’enlève. C’est une image trash et graphique. Cela va dans le sens de notre album : simple, efficace, fun et sexy.” “On fait le contraire de l’artiste introverti qui raconte sa vie, conclut Mac. Le grand artiste qui souffre, fait chier quoi !”

D

Patrick Auffret “A l’ouest” - Le Chinois / Pias - pravdaplanet.net 11


SPY

Robert Gil

es pieds chahutent sous les tables, les têtes balancent et les corps vibrent sous la puissance de la basse. Ce soir, les quatre musiciens originaires d’Evreux jouent dans un bar parisien. L’occasion de présenter leur nouvel album, dont la sortie est prévue en avril. Le speech ? Verbes effrontés, riffs tapageurs et tension électrique où ils dévoilent leurs états d’âme et crises de nerfs. Le tout en français, s’il vous plaît : “On se situe entre le rock indie à l’anglosaxonne côté son, et la tradition française de la chanson côté texte” expliquent-ils. Une veine audacieuse qu’ils explorent depuis la création du groupe en 2003. “Nos références vont de Cure à Jacques Brel en passant par Noir Désir.” Mais depuis leurs débuts, leur rock s’est affiné. 42, leur premier opus, était habité d’histoires d’amour déçues, de Christina Ricci, mais aussi d’une peur vaguement obsessionnelle de grandir. Le groupe multipliait les breaks, s’éparpillait parfois en lançant sa rage rock dans toutes les directions : “Thomas venait juste de rejoindre le groupe qui existait depuis peu de temps. On était encore dans l’exploration de nos possibilités.” Plus direct et précis, Sur les lignes à haute tension est bercé par une énergie nouvelle dans la ligne guitare / basse, plus électrique, mais aussi dans les textes. Traversés par un pessimisme doucement rebelle, ces derniers lancent le rêve d’un monde meilleur tout en appelant au chaos. Une ambiguïté que Spy revendique : “Les paroles n’imposent rien. Elles évoquent assez d’idées pour que chacun y trouve son interprétation, explique Laurent, auteur des textes. Les morceaux naissent souvent autour d’un mot, d’une idée, ou encore d’un riff : il n’y a pas de règle. Dans tous les cas, on se pose des questions. On redoute le monde que l’on s’apprête à laisser à la génération suivante.” Un parti pris sombre qui contraste avec l’énergie fraîche et explosive que les musiciens insufflent à leurs morceaux sur scène. Look d’ados dandy, vestes en velours et jean, Laurent, Thomas, Fabrice et Cyril font d’abord du rock pour s’amuser. Et suivre leur rêve : vivre un jour pleinement grâce à la musique. On leur souhaite qu’il se réalise.

L

Aena Léo “Sur les lignes à haute tension” Out of Time / Mosaic Music - spygroupe.free.fr 12


Pierre Wetzel

C

N&SK

THIBAUD COUTURIER

Francis Vernhet

’est le genre de personnage qui plairait à JeanPierre Pernaut. Thibaud Couturier est un dentellier verbal, un roi du point de croix, un maniaque du mot juste, de la rime sur mesure, du vers sculpté comme une miniature sur ivoire. Un artisan comme on n’en fait plus depuis les Brel ou Higelin auxquels on a pu le comparer pour donner une vague idée de sa production. Après trois albums qui lui ont juste permis d’avoir assez de notoriété “pour que des gens me demandent de leur écrire des chansons”, il travaille à la sortie d’un DVD, éventuellement accompagné d’un CD en fonction des finances. Fini l’artisanat, on passe au modernisme, à la machine-outil, “parce que dans les cinq ans qui viennent, tu ne vendras plus un disque sans images dessus.” Et si le petit Couturier est habile pour écrire des textes élégants et fins, d’une nostalgie à tirer des larmes à des pierres de taille, ambiance qui habite L’ivresse des vaincus (Mosaic, 2005), il n’a pas non plus sa langue dans sa poche pour tailler des costards à ses petits camarades, surtout s’ils sont estampillés “nouvelle chanson française” : “Ils sont insipides et inodores, ça frôle l’insupportable. Et les gonzesses, j’en parle même pas. Elles ne sont pas encombrées par le talent. De toute façon, j’écoute que France Info. Je vais quand même pas écouter de la musique !” On l’aura compris, Couturier n’est pas du genre à jouer les doublures pour se faire bien voir. Le carriérisme se limite chez lui à vivre de sa plume, “et c’est déjà un luxe”. D’où l’intérêt du DVD, enregistré en public le 11 novembre dernier, dont la sortie est programmée au 8 mai : on y retrouve cet esprit acéré en concert, allégeant un répertoire d’une énorme densité textuelle où le jeu de mot est rarement innocent (cf. le très habile Gasconnades, sorti en 2001 chez Mosaic), même si le bonhomme se défend d’avoir des choses à dire. Y défilent aussi tous les habits du Couturier, de la version seul en scène à celle rehaussée par La Fabrik’, rockeurs toulousains attirés eux aussi par la ciselure de ses textes. Le nom du DVD ? Couturier fait du sur-mesure… C’était cousu de fil blanc. Jean-Luc Eluard “Couturier fait du sur-mesure” - Mosaic Music www.thibaudcouturier.com

epuis 1998, ces Stéphanois enflamment les scènes de France avec leur musique festive et métissée. D’abord Nomades puis Nomades & Skaetera, c’est désormais floqués de ces mystérieuses initiales que le groupe nous revient avec son quatrième album studio, Non alignés, enregistré à la maison. AVEC CE DERNIER ALBUM, VOUS SEMBLEZ QUITTER UN PEU LE FESTIF POUR GLISSER DANS LE CONTESTATAIRE. A QUOI EST-CE LIÉ ? A LA PÉRIODE ACTUELLE ? C’est vrai. Certes, les concerts de N&SK restent des moments de pure énergie, mais l’ambiance musicale globale de cet album s’est durcie. Je ne sais pas si “contestataire” est le mot juste. On ne peut, en tous cas, que réagir face à l’actualité qui nous entoure. On essaye de provoquer la réflexion, de prendre le contrepied d’un système qui enferme chacun dans la peur de l’autre. Mais chacun reste libre de ses conclusions. DE MÊME LES GUITARES SEMBLENT SE FAIRE PLUS AGRESSIVES, LA BATTERIE PLUS TRANCHANTE. A QUOI EST-CE DÛ ? La prise en main complète de cet enregistrement par notre ingénieur son de concert nous a permis de trouver LE son, celui que l’on cherchait ! AVEC CET ALBUM, ON EST LOIN DU SKA PROMIS PAR VOTRE NOM… Notre musique est à la rencontre de nos influences, c’est à dire riche et variée. Un vrai son rock qui croise des réminiscences orientales ou reggae. A nos débuts, on utilisait beaucoup la rythmique ska pour son énergie imparable. Mais même si cette composante est toujours présente, le son s’est fait plus tranchant et le groupe s’est ouvert à des sonorités plus électroniques. C’est un défi pour nous d’évoluer à chaque album ! VOUS AVEZ BEAUCOUP TOURNÉ CES DERNIÈRES ANNÉES, NE REGRETTEZ-VOUS PAS CE RYTHME DE VIE ? Nous revendiquons le fait d’être en tournée permanente. N&SK, c’est avant tout de la musique live. La création et la tournée ont toujours été imbriquées dans le temps, nous n’avions ni le temps ni l’envie de nous poser réellement, car c’est la rencontre avec le public qui donne toute son énergie au groupe ! Nomadisme, quand tu nous tiens !

d

Rafael Aragon “Non alignés” - Sony / BMG www.nomadesetskaetera.net 13


Chimène Denneulin

GUEREBOU

L’histoire de Boussam et Hadi-Ba, deux enfants du Mali, qui ont croisé la route du rappeur français Kwal à Bamako… Depuis, leur vie se joue sur scène.

G

uérébou Kounkan en bambara, c’est “la voix des enfants des rues”. C’est aussi “le respect et l’amitié” ou “un talent qui éclôt”. A l’origine, il y avait les Ruffans, groupe monté grâce à un projet d’animation hip-hop initié par une Angevine à Bamako. Kwal a travaillé avec eux sur un titre qui s’est retrouvé sur son album Mogo ya. En 2004, le rappeur français et son équipe partent retrouver les jeunes Maliens, mais les Ruffans se sont séparés. De nouveaux ateliers donnent alors naissance à Guérébou Kounkan, soit la rencontre d’Hadi-Ba et Boussam, environ 9 et 14 ans à l’époque… Ils écrivent ensemble de nouveaux morceaux composés par Kwal et un fameux musicien local, Adama Yalomba. HB et Boussam chantent ce qu’ils ont sur le cœur, un témoignage poétique et vibrant. Produit par Mali K7, le jeune duo rencontre le succès, un clip passe en boucle sur la télé locale. Tiken Jah Fakoli leur fait l’amitié d’introduire leur cassette… Il y a un avant et un après Guérébou Kounkan. Le quotidien d’HB dans la rue, c’était la mendicité, la colle, l’argent à se distribuer entre enfants défavorisés. Boussam, rejeté par sa famille et par les enfants des rues, souffrait d’un énorme manque d’affection. Ce projet, dans lequel il s’est totalement investi, l’a transformé. Aujourd’hui, le jeune garçon partage à nouveau le même toit que son père, et son copain HB vit avec son tuteur, Atmo, le manager du groupe, un jeune et grand Malien, animateur passionné de l’“Atmo show”, à la radio, qui diffuse le hip hop libre et conscient issu de tous les horizons.

14


KOUNKAN Guérébou Kounkan était en France cet automne pour des ateliers et des concerts. Nous les avons rencontrés lors de leur résidence au Run ar Puns, lieu convivial situé à Châteaulin (29). L’équipe de Kwal forme une famille, avec son manager et fondateur du label Créer C’est Résister, Fred Guyomarc’h, et le technicien son Nicolas Houssin. Vincent “Kwal” Loiseau parle d’HB et Boussam comme des “rayons de soleil”. Avec eux ont aussi débarqué Adama Yalomba et Atmo, ainsi que trois jeunes danseurs dynamiques (Papoo, Djigui et Abdulaye) et le peintre Oumar Maïga. On est assez vite bluffé par HB qui possède un don naturel. Quand il parle, on dirait qu’il rappe et si on lui pose la question, il sourit en baissant timidement la tête. Mais HB est loin d’être impressionné, il sait aussi ce qu’il veut. Même s’il est le plus jeune de la bande, ses attitudes de chef ne trompent pas. Il puise peut-être une partie de sa force dans les litres de lait qu’il engloutit chaque jour… Quand Kwal veut le conseiller, il l’écoute avec respect. Ils se concertent avec Boussam pour des idées de mise en scène pour le spectacle qu’ils doivent donner à la fin de la semaine. Les trois danseurs infatigables essaient des figures sous les yeux du chorégraphe Herwann Asseh. Sur scène, au Mali, les artistes sont peu habitués à jouer live, mais plutôt en play-back. Vincent raconte qu’au départ les deux jeunes rappeurs avaient tendance à imiter les stars US, mais ils reviennent de plus en plus à leurs propres traditions… On surprend souvent Boussam pensif. Il peut se renfermer très vite sur lui-même, mais Fred, attentif, parvient tout de suite à le dérider. Et quand Boussam rit, c’est de tout son cœur. De retour au gîte après une journée de répétitions, les Maliens scotchent devant Incroyable talent sur M6 et enchaînent avec Toy story avant d’aller dormir. Le concert donné le samedi soir fut une vraie réussite : HB et Boussam, arborant fièrement leurs tenues brodées à leurs initiales, enflammèrent le public et accueillirent Kwal le temps d’une chanson. Ces petits prodiges en herbe goûtent au bonheur. Un deuxième album est prêt à sortir et leur prochaine venue en France est programmée au festival Babel Med (Marseille) : deux rendez-vous à suivre.

Béatrice Corceiro

Béatrice Corceiro www.creercestresister.org

15


16


Thomas Béhuret - Marlusse & Lapin (Paris 18e)

La Blanche C

ross-over, c’est toujours mieux La Blanche n’est pas un que de dire “enjambante” et si nom d’emprunt mais celui Fort de cet élan littéraire et subversif, il on emploie ce terme c’est était temps de sortir un disque pour aussi pour se moquer des étiquettes” de deux frères : Eric (chant) partir à l’assaut du show-biz. Le preet Christophe (guitare et reconnaît Eric. Il est vrai que leurs mier album Michel Rocard est un compositions sont à la fois littéraires, vibrant hommage au créateur du RMI, basse). En trio acoustique foutraques, dansantes, contemplatives ou en quintette électrique, sans qui rien n’eût été possible. Il sort et qu’elles mélangent différentes en octobre 2002 et dans, le même le groupe fait de la influences : rock, disco, pop ou électro… temps, le groupe remplace son batteur, Un titre de leur première démo, enregistrée “chanson cross-over”. puis accueille Mlle Murer (Raphaële de son sans grands moyens, mais immédiatement prénom), la charmante, la déroutante, la captirepérée par les médias va les propulser sur les vante violoncelliste (et caution féminine) du groupe. ondes : Bart à la pêche aux coquillages. Le nom de La Blanche Les débuts sur scène sont très encourageants (Printemps de commence à circuler. “Ca nous a donné envie de continuer. Bourges, Francofolies de La Rochelle, Chorus, etc.) et La Ensuite le groupe a évolué, on a appris notre boulot comme Blanche prend ses repères, s’affirmant comme un groupe de tout le monde. Certes, on avait des articles, mais il fallait com- scène dans la lignée de Mickey 3D, Louise Attaque ou mencer à faire des concerts, à se faire connaître…” Dominique A. Une invention lumineuse leur permettra d’acquérir la notoriété ultime : le “splog”. A mi-chemin entre le spam et le blog, leur “Niouzelettre” tire à peu près sur tout ce qui bouge. La popularité de ce courriel deviendra telle qu’il passera du rang d’objet promotionnel à celui de création littéraire aboutie… A tel point qu’ils décrocheront un contrat avec un éditeur pour la voir publiée sous forme de recueil : “Au début, j’annonçais les concerts et je me disais, mais qu’est-ce que c’est chiant, raconte Eric. Je reçois plein d’emails de gens qui me disent “venez me voir en concert” ; généralement je ne les connais pas et je m’en fous. Donc petit à petit, à force de raconter des conneries et de faire rire les gens, le bruit s’est répandu et certains internautes se sont inscrits alors qu’ils n’avaient jamais écouté notre musique. On les a inscrits aussi parfois nousmêmes… Quand le groupe a pris connaissance de la loi informatique et libertés qui oblige à désabonner les gens s’ils le demandent, on a pris un malin plaisir à leur dire que c’était impossible et que, de toutes façons, on ne le ferait jamais et qu’ils pouvaient toujours nous dénoncer…”

L’année 2004 sera marquée par le départ de Stéphane, le batteur, qui sera remplacé par un homonyme, mais surtout, Bart, bassiste historique du groupe, quitte la formation. Ces événements n’empêcheront pas La Blanche d’être lauréat du Fair (www.lefair.org) et durant l’hiver 2004-2005 d’enregistrer Disque d’or, son deuxième album. Entre temps, Universal les contacte et leur fait part de son intérêt. Cela n’aboutit qu’à faire perdre six mois au groupe qui finit par refuser la proposition pour remixer quelques morceaux avec Gilles Martin (Zita Swoon, Miossec, Dominique A). “On s’en fout d’être disque d’or puisqu’on l’est déjà ! C’est une façon de souhaiter bonne chance au disque et puis vu qu’on en a déjà vendu dix, on est déjà disque de diamant et je pense qu’on va éclater tous les records. Donc on va peut-être vendre plus de disques que Johnny et faire les Vieilles Charrues cette année”, conclut Eric. Fred Huiban “Disque d’or” - La Manufacture du Disque www.lablanche.org

L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com 17


Philippe Noisette

Syd Matters

Fin 2006 : Syd Matters est en studio depuis dix jours en prévision de son troisième disque autour des compos de Jonathan Morali. Flash-back…

L

a Frette-sur-Seine, dans la banlieue nord de Paris, abrite un studio d’enregistrement réputé, dont le propriétaire est le musicien et producteur Olivier Bloch-Lainé. A l’adresse indiquée, on découvre une grande maison entourée d’arbres. Jean-Yves Lozac’h, bassiste de Syd Matters, nous accueille : “Ici, on est tout tranquille…”, sourit-il. On suit un petit chemin dans le jardin pour descendre à la cave réaménagée en studio et y trouver Jonathan Morali, penché sur la console avec le guitariste Olivier Marguerit. Face à eux, Clément Carle (batteur) et Rémi Alexandre (guitariste), paisiblement enfoncés dans le canapé. Ils avouent avoir veillé tard avec leurs amis violonistes. Une journée de prises de sons s’achève, ils réécoutent ensemble les cordes qui viennent d’être jouées. Hochements de tête, sourires. Avant de s’éclipser, Lionel, technicien de la maison, laisse quelques indications à Yann Arnaud, l’ingénieur du son qui accompagne la bande parisienne depuis ses débuts. Les musiciens privilégient tout simplement la possibilité de partager cette aventure musicale “entre potes”. La fidélité et l’amitié, deux raisons d’être du groupe qui font ce qu’il est aujourd’hui : une valeur sûre. C’est la première étape de studio pour l’enregistrement du nouvel album, successeur de Someday we will foresee obstacles (2005) et A whisper and a sigh (2003). Olivier explique

18


que c’est la première fois qu’ils se retrouvent vraiment tous en groupe. Ils occupent les lieux depuis une semaine et demie, Rémi leur cuisine de bons petits plats et ils travaillent souvent très tard le soir. Les objectifs sont : “Avoir un son âpre, expérimenter des choses, toucher à des instruments dont on n’est pas maîtres…”. Les sessions se complèteront ensuite au studio de leur label indé Third Side pour deux ou trois semaines. Petite visite guidée de la maison, spacieuse et confortable tout en gardant une nature campagnarde. Certaines pièces ont des configurations particulières, moquette ou sol froid offrent des configurations acoustiques différentes. Les instruments et les outils techniques habitent l’espace, des patchs de micro sont collés jusque dans la cage d’escalier… Olivier et Rémi décrivent chaque salle comme un terrain d’exploration différent. La nuit tombe lorsque l’on recueille quelques échos de Jonathan : “C’est assez énorme, on a l’impression de se perdre un peu. Mais on ne voulait pas se retrouver dans une pièce de 10 mètres carrés, avec un mur où le planning est accroché devant nous… On travaille surtout les bases des morceaux. Ca va encore évoluer, peut-être vers l’épuration.” Pour l’heure, le groupe se préoccupe de créer une atmosphère sans se laisser emporter par la profusion d’instruments et d’opportunités. Pour cela, changer de lieu va aussi leur permettre de prendre du recul : “On passe deux semaines à ne faire que ça, l’important est de ne pas se tromper sur ce que l’on veut faire.” Il ne s’avoue peut-être pas serein, mais il est conscient de l’approche qu’il veut donner à ses chansons. Après une petite séance photo, on laisse le groupe à ses occupations. Olivier teste des sons sur un clavier pour une basse analogique, et chacun met la main à la patte autour de lui. Syd Matters a fait la différence en France avec sa musique puisée dans le folk, la pop atmosphérique. Jamais loin des arpèges délicats de Nick Drake, de l’intimité d’un Sparklehorse, des volutes de Pink Floyd, ou de la folie extravertie de Gorky’s Zygotic Mynci. Autour de Jonathan Morali, orfèvre musical et poète confirmé, une énergie fiévreuse et soudée, délivrée sur scène, ont fait du groupe sa renommée. Un talent décelé instantanément en 2003 dès l’écoute des chansons End and start again et Black & white eyes et qui n’a fait que croître depuis. Le troisième album attendu verra le jour au printemps. Béatrice Corceiro Third Side Records - www.sydmatters.com 19


rEd

Robert Gil

Le divin rouquin voit rouge et revient avec son album le plus rock’n’roll. Ce ton ne surprendra cependant pas ceux qui le visitent en concert.

C

hez Red, alias Olivier Lambin, se mêlent rage et passion exacerbées, définitivement indissociables. Cette constante lui fournit le carburant nécessaire, en plus des pots partagés sur le zinc. Red suit son grand bonhomme de chemin et mature disque après disque. Son cocktail a pris du muscle ; Social hide and seek emprunte une veine très brute. Ce cinquième album colle ainsi aux prestations scéniques du bonhomme, toujours enfiévrées. Red y met à bas un des poncifs qui lui sont accolés : il serait le blues réincarné. La faute à sa voix, qui vous le colle à fleur de peau. Tout en confirmant son attrait pour Howlin’Wolf ou Robert Johnson, il affirme se sentir plus proche de Lou Reed et des Pixies. Il sait aussi se faire aussi séducteur : des morceaux comme Scarecrow et

20


surtout Six women craquellent la rudesse de l’édifice où l’énergie se met au service de la sensibilité. Pour nous, Red met au jour son “cache-cache social”, sa petite planque bâtie autour de la musique pour survivre au monde. A quand le remboursement des disques par l’Assurance Maladie ? C’EST TON ALBUM LE PLUS ROCK, AVAIS-TU UN REGAIN DE TENSION ? De tension oui, et de colère face la masse incalculable dans l’univers qu’est la connerie. Il a fallu que je rebranche la guitare électrique… elle me faisait envie dans son étui, alors on est tout énervé sur scène. Pour le public qui me connaît un peu ce n’est pas trop une surprise. L’énergie de l’album vient du fait qu’il est enregistré presque entièrement dans des conditions live. IL SONNE AUSSI “COMME UN VRAI GROUPE”… LE FRUIT D’UN PARCOURS COMMUN ? C’est le même groupe qui me suit depuis la tournée de 33, on a donc fait évoluer le bazar tous ensemble. Lorsque je joue avec des musiciens, c’est leur sensibilité qui m’intéressent. Je laisse beaucoup d’amplitude pour qu’ils puissent s’exprimer. Ils ont donc tous participé à la construction des morceaux et tous les titres sont co-écrits par les membres du groupe. TES TEXTES SE RANGENT-ILS PAR THÉMATIQUE ? Sur cet album, ils sont indépendants les uns des autres, comme quelquefois les phrases. Ils sont beaucoup plus simples que précédemment. J’ai plus joué avec les sons qu’avec la langue. J’avais envie de moins de débit et plus de groove, c’est ce qui donne le côté rock de l’album. Même si les sujets sont parfois graves, je garde beaucoup de recul lors de l’écriture. Ma vie, et même chanter, ne sont pas des sujets sérieux ! Il y a aussi pas mal d’humour, comme l’histoire du squelette qui entre dans un bar et qui commande une bière et une serpillière. LA SCÈNE TE VA SI BIEN. COMMENT VIS-TU UN CONCERT ? Comme un gamin, j'adore ça, c'est le lieu où les chansons peuvent prendre toute leur mesure. Quand j'étais môme, je rêvais de faire ça. Maintenant j'y suis et c'est trop cool ! Il se passe pas mal de choses pendant un concert, tu peux passer de la jubilation à la colère en une seule chanson. Surtout on se sent très bien dans le groupe. On adore jouer et tourner ensemble. Ca dure depuis quatre ans, je trouve ça assez génial ! MUSIQUES DE FILM, PROJETS PONCTUELS, TU FOURMILLES DE PERSPECTIVES… J’aime rencontrer d’autres horizons musicaux que les miens. C’est important d’avoir des plates-formes d’expérimentation, H5N1 par exemple avec Phil Minton (ex-Roof ), Jean-Mi Berthier (Bästard), Cyril Darmedru (Miss Goulash) et Segi (Keji Haino). C’est le genre de rencontre que j’affectionne particulièrement. En quatre jours, il faut faire un disque avec des gens que tu connais pour la plupart très peu, alors tu vas chercher des choses en toi qui ne viendraient peut-être pas normalement. Le disque devrait sortir au printemps, le son repose surtout sur la matière, le bruit peu parfois être très musical. Je travaille aussi avec Thomas Belhom et Volker Zander (Calexico), mais nos agendas respectifs ne nous permettent pas de nous voir souvent. Ce sera un disque de chansons en français à partir de mes carnets de voyage… pas forcément faits d’ailleurs ! Vincent Michaud “Social hide and seek” - Universal Jazz www.red-lesite.com 21


Nicolas Messyasz - Le Point Ephémère (Paris 10e)

“La musique est à la traîne de la société car le milieu est encore bien macho.”

22


Valérie

Babet

LES ECHAPPEES BELLES

L

a blonde, c’est la tête chantante d’Autour de Lucie, un rendu compte que ça figeait la musique. Comme je veux être collectif qui a brillé dans la pop française entre 1994 et libre de faire évoluer les morceaux, nous serons donc six sur 2004. Valérie Leulliot s’est ensuite enfermée dans un scène !” Une sacrée bande qui comprendra notamment un surstudio pour concocter la suite de ses aventures musicales prenant touche-à-tout vocal. sous son propre nom. La brune, c’est Babet. Vous avez certainement remarqué cette petite boule d’énergie, maltraitant On évoque alors le fait de défendre sa musique sous son gentiment son violon sur scène avec Dionysos. Son premier propre nom. Valérie est impatiente et assure ne pas voir de difalbum est venu de l’envie de “savoir qui elle était”. férence entre l’avant et l’après Lucie. “C’est normal, L’une La réponse tient en 15 morceaux étonnants. elle a déjà dit “Bonsoir !” aux gens, plaisante Babet à moitié rassurée. Je n’ai pas encoest douce comme Tout le monde est là à l’heure prévue, re fait de concert entier toute seule…” la lave, l’autre pétillante au Point Ephémère sur les bords du Elle voyagera plus léger avec deux comme un oiseau coloré. Canal St Martin. “J’ai 29 ans, et musiciens dont un DJ, et sait déjà après dix ans de tournée avec Valérie Leulliot, ex-Autour très bien ce qu’elle veut faire : “Je Dionysos, je me suis enfermée un vais attaquer par un morceau inconde Lucie, rencontre Babet, nu. mois en studio, où j’ai joué de tous les Ensuite ça sera très rock, puis on égérie du groupe instruments, sauf la basse” commence calmera le jeu.” Comme elle aime être en Babet, tout en finissant une salade. Valérie bande, elle est surtout impatiente de présenDionysos. enchaîne : “C’est ma rencontre avec Sébastien ter ses nouveaux copains de jeu lors d’une tournée Lafargue qui a tout déclenché. Il était présent pour le dernier perso calée sur ses jours de repos avec Dionysos ! “Je passe album d’Autour de Lucie et je sentais qu’il se passait un truc ma vie en concert, ça me semble normal, explique Babet. musical avec lui. Nous avons fait ce disque à deux, avec l’idée D’ailleurs, il se passe un truc en ce moment ; le public change. d’aller vers l’épure, de dépouiller les chansons pour ne garder Depuis quatre ans, on voit des jeunes de 14/15 ans dans les que l’émotion essentielle.” Son titre, Caldeira, évoque le festivals. Ils sont là pour découvrir de la musique et la partachaudron du volcan, là où tout bouillonne. Babet, pour sa part, ger. On les retrouve sur MySpace. Et ça marche dans les deux a choisi de se définir en un Drôle d’oiseau, passant d’un uni- sens, ils me font découvrir d’autres artistes en m’envoyant des vers à l’autre à chaque morceau. Sur Le marin elle chante clips et des liens…” Avec Internet et les nouveaux réseaux comme… Olivia Ruiz. Babet lève les yeux au ciel, anticipant la sociaux, on peut aussi sortir des titres tout seul, avant même question : “C’est ma voix dans Dionysos. Mathias fait chanter un album, et connaître des retours immédiats. Artistes et les filles ainsi. Il aime les voix un peu haut perchées, il nous public se sentent plus proches. “Oui, c’est un peu le retour des demande d’être maniérées. C’est comme ça qu’il utilise les 60’s, reprend Valérie. On m’écrit, on me laisse des commenvoix. D’ailleurs quand je chante avec Dionysos, ce n’est pas taires pour me dire ce que l’on pense de mes chansons. C’est dans ma tonalité. Sur mon disque, je laisse un peu plus aller réconfortant avant d’aller sur scène.” Babet reprend à la ma voix…” volée : “Les gens ont besoin de proximité. A la Star Ac’, les “stars” chantent leur chanson en descendant de l’escalier Alors si on définit Babet comme une alternative à Olivia Ruiz entourées de lumière, comme des êtres divinisés descendant qui s’affranchit de son statut de “voix de Dionysos”, peut-on vers nous, pauvre public ! Ceux qui viennent nous voir ne sont définir Valérie comme l’anti Carla Bruni ? Le procès est un peu pas dupes, ils veulent de vraies rencontres humaines.” facile (même grain de voix, même dépouillement dans la musique), mais si l’Italienne a choisi de se planquer derrière Les deux filles vont certainement se croiser sur la route. Et aux des textes de poètes contemporains anglais, Miss Leulliot vues du paysage musical francophone de 2007, elles croiselaisse couler ses mots et ses sentiments sans fard ni artifice. ront aussi pas mal de filles. Plus qu’il y a dix ans ? “Au début, “Carla Bruni a choisi de se tourner vers des poètes plutôt que dans le rock, je croisais Françoiz Breut ou Babet de temps en de refaire deux fois le même album. C’est compréhensible, temps, et c’était à peu près tout, se souvient Valérie. réplique-t-elle. Moi, j’ai une voix naturellement feutrée et je Aujourd’hui le paysage est plus diversifié, c’est comme parvoulais aller dans cette direction.” On la qualifierait volontiers tout, le monde se féminise.” Babet continue : “Cependant, la de Miossec au féminin, la pudeur en plus : “C’est flatteur musique est à la traîne de la société car le milieu est encore d’être comparée à lui. Pour la chanson Mon homme blessé, je bien macho.” En tout cas, avec des Emily Loizeau, Barbara n’arrivais pas à trouver de texte qui colle à la musique. Carlotti, Pauline Croze, Anaïs, Jeanne Cherhal, Nadj ou Christophe Miossec nous a envoyé une liste de mots dans Mademoiselle K sur les routes, le machisme du milieu va être laquelle nous avons piochés. Sa sensibilité collait parfaite- obligé de mettre un bémol. Et tant mieux pour la musique. ment.” Et cette histoire de blessures sentimentales colle tout Eric Nahon aussi parfaitement à son écriture, naturelle et sensuelle, Valérie Leulliot - “Caldeira” - Village Vert / Wagram qu’elle s’apprête à défendre sur scène : “Nous devions être www.valerieleulliot.com deux, avec un ordinateur, développe Valérie. Je voulais une Babet - “Drôle d’oiseau” - V2 www.myspace.com/babetmusic structure légère pour pouvoir jouer partout. Mais je me suis 23


MoAmNplOètement c SOLO Mano nous reçoit chez lui, à Pantin, pour parler de son septième album. Toujours réaliste et plein de verve, il avance, se marre et partage ses envies sur douze titres.

S

on rez-de-chaussée est en bordel. Sur une table, un pistolet de paint-ball. Des micros, des guitares, un piano, des accordéons, quelques toiles, une table de mix et un gros ordi sont plus ou moins rangés là. Si on observe un peu, on remarque quelques disques d’or jetés dans un coin. Plus étonnant, un “Sept d’or” (gagné pour la musique du téléfilm La maison d’Alexina en 99) est dissimulé sous la paperasse. Cette pièce dans la pénombre donne sur un jardin en friche où pousse du bambou. On y trouve une petite balançoire, du bric, du broc, une moto et des bouts de fer et autres matériaux qui ont toutes les chances de finir en sculpture. Bienvenue chez Mano Solo. Le maître des lieux arrive tranquillement et m’accueille en bleu de travail. L’idée, c’est de parler de son septième album qu’il a prévendu par souscription sur son site manosolo.net. Ce septième disque, intitulé In the garden, Mano Solo l’a voulu plus resserré : “J’ai eu l’impression de me gourer avec Les animals. C’était une grosse machine bien faite, mais c’est chiant les grosses machines. A dix sur scène, tu ne peux pas faire évoluer le spectacle au long de l’année. C’est figé. J’en ai eu marre de tout ce que ça impliquait : faire des grosses salles pour rentabiliser, jouer devant un public qui pour la moitié n’en avait rien à foutre. C’était pénible.” Ces grosses salles étaient-elles dictées par sa popularité ? “Qu’est-ce que tu crois ? Rien ne m’est dicté. J’arrêterais tout de suite si on me dictait quoi que ce soit. C’est juste que j’en avais marre de tout.” Mano a donc gardé les trois musiciens avec lesquels il avait envie d’avancer. Ensemble, ils enregistrent chez lui des chansons à géométrie variable qui lorgnent du côté du tango, du jazz et du tzigane : “Ce que je voudrais c’est arriver à peindre ou dessiner en chantant et le projeter sur scène, explique-t-il enthousiaste. On s’entraîne à le faire et ça marche super bien. Je chante, je dessine et les musiciens commencent à rentrer dans mon dessin pour partir dans des directions différentes. La musique que j’ai aujourd’hui nous le permet.” Pourquoi un titre en anglais ? Il se lève pendant que la lumière du jour baisse et que l’on se trouve dans la pénombre, puis regarde son jardin par la fenêtre : “Je raconte juste ce que je suis. Where is Mano ? Mano is in the garden.” On devra se contenter de cette réponse aussi simple qu’énigmatique. Et peut-être que tout Mano Solo est contenu dans cette chanson qui ouvre son quatrième album : “Un bout d’jardin / Au-delà du périph’ / C’est là que je me sens bien.” 24


Mano vit au jour le jour, fait ce qu’il veut comme il veut et il le chante. Le refrain de ces Endurants qui s’amusent à être “enfantins du soir au matin” n’est pas qu’une déclaration d’intention : “Je suis un endurant, je me marre tout le temps. Je suis complètement irresponsable et c’est pour ça que je dure. Je n’ai pas de soucis. Et quand j’en ai, je ne m’en rends pas compte parce que je suis un gamin. Autant je suis responsable de ce que je fais, autant je suis irresponsable de ce que je suis.” Le temps, Mano affirme ne pas le voir passer. Tout glisse. Un peu comme le philosophe zen qui n’en a rien à foutre de rien : “Mine de rien, les fous furieux sont les plus zen, musarde Mano Solo. Demain je peux exploser, mais je m’en branle totalement.” On sait tous bien sûr que c’est un petit plus compliqué que ça. Tout comme l’est sa relation avec le web. De part son implication dans son site, le chanteur nous prouve sans long discours qu’un autre Internet est possible. Mais attention Mano n’est pas un baba cool et ne croit pas que l’art doive être gratuit : “Tu crois que Van Gogh se serait suicidé s’il avait vendu des toiles ? J’ai monté cette opération de prévente pour montrer qu’Internet c’est un leurre total. Si j’avais attendu après les internautes pour financer mon album, il ne serait toujours pas dans les bacs. Le public recherche la gratuité avant tout, mais ça tue les artistes et réduit la diversité !” Aujourd’hui par les réseaux généralistes de peer to peer, on trouve surtout le Top 50. Dénicher des morceaux obscurs et indés est devenu mission quasi-impossible ; le contenu des disques durs s’uniformise lui aussi. “Peut-être que le jour où le disque va disparaître, les artistes disparaîtront avec lui ? Quand la licence globale sera adoptée et que les chanteurs toucheront un salaire chaque mois, est-ce que les maisons de disques vont s’enquiquiner à signer de la diversité ?” Un peu moins de 2000 internautes ont cru si fort au projet de Mano qu’ils ont donné 17 euros avant même d’avoir entendu quoi que ce soit. Pendant six mois, ils ont eu accès à tous les titres en version numérique (à raison de deux par mois) et vont recevoir le

“Tu crois que Van Gogh se serait suicidé s’il avait vendu des toiles ?” disque “définitif ” à sa sortie. Le public a ainsi aidé à financer l’album. Ca laisse quand même un peu d’espoir. Et de l’espoir, il y en a aussi dans In the garden qui est une réponse à ceux qui veulent mettre le chanteur dans des cases : “En réponse à un torchon paru dans Libé, je ne suis pas le chanteur qui va crever ; je fais de la chanson, je deviens un chanteur, je raconte ma vie et je m’améliore. Avant je montais sur scène pour frapper, pas pour séduire. C’était de la peinture expressionniste que je n’avais plus le temps de peindre.” Cette urgence brutale a laissé la place à des rêveries amoureuses, des introspections forcément glauques, mais vraiment pas désespérées. Dans Les petits carrés blancs, il se retourne sur son adolescence sans pleurer : “C’est ma chanson préférée, car elle n’est pas dramatique. Je parle des habitudes qui changent, du monde qui avance sans qu’on y puisse rien. C’est de la nostalgie qui ne fait pas chier, ça me permet de repenser à mes potes qui ne sont plus là.” Après un petit silence pesant, Mano Solo repart dans son jardin tripoter de la ferraille et nous on se repasse en boucle son Garden, de plus en plus beau à chaque écoute. Robert Gil

Eric Nahon “In the garden” - La Marmaille Nue www.manosolo.net 25


GOMM 4 Les

uatre Fantastiques

4, le nouvel album des Nordistes, souffle le chaud et froid avec la même intensité. Avant sa nouvelle tournée, le groupe revient sur un processus de création très carré mais renforcé pour la première fois par un cinquième élément. C’est la décharge électrique et émotionnelle du moment !

M

ai 2004. Après quatre années d’existence souterraine, Gomm est la découverte Nord-Pas-de-Calais du Printemps de Bourges grâce à un premier album autoproduit, réalisé “juste pour tourner davantage”… Le disque, bientôt repris par Pias, ouvre de nouvelles portes. 60 concerts et 8 000 albums vendus plus tard, c’est l’inévitable remise en question du deuxième disque. “Ce n’était absolument pas une commande, mais il fallait créer des morceaux très vite, indique Olivier, puissant batteur-chanteur. Ce n’était pas notre façon habituelle de fonctionner, nous aurions pu très mal le vivre !” Le groupe avait eu plusieurs années pour bâtir Destroyed to perfection, véritable perle alchimique mélangeant les langues (anglaises, allemandes et françaises), et les influences (soniques, post-punk et électroniques). Ils n’ont eu que quelques mois pour construire la suite : “Dès que quelque chose ne plaisait pas à l’un de nous, on laissait tomber, rapporte Mathieu, guitariste et bassiste. Parfois, rien ne sortait. Puis tout s’est débloqué, le stress a disparu. En deux mois, c’était réglé !” SUPER-TENDU, VOIRE ÉNERVÉ…

Nouvelle contrainte : pour l’enregistrement, il y a un réalisateur artistique, Peter Deimel, le cinquième élément. Il a travaillé pour Chokebore, dEUS, Sloy… Il doit canaliser les énergies d’un groupe habitué à l’autarcie. “Nous avions des réticences à mettre, pour la première fois, notre musique entre les mains de quelqu’un d’autre, précise Marie, chanteuse et organiste. Mais avec lui, ça s’est fait naturellement.” Tous trouvent au Black Box Studio, près d’Angers, le matériel analogique apte à étancher leur soif d’expérimentations sonores. Avec des bandes, à l’ancienne. Peter Deimel, derrière les manettes, favorise l’enregistrement live. “Nous avons tout donné directement”, souligne Olivier en rappelant que “le mieux est l’ennemi du bien”. “Carrément” dans la continuité du précédent opus, 4 reprend presque sans le vouloir les choses là où les avait laissées l’obstiné Sorry, dernier titre de Destroyed to perfection. “Il y a la correspondance du riff, 26


Robert Gil


indique Mathieu. Nous avons juste poussé plus loin le côté répétitif, les boucles. Nous avons pu assumer réellement des trucs qui n’étaient que suggérés auparavant.” La musique est venue d’abord, les textes ensuite pour sublimer la rage intérieure. “Peter nous poussait dans nos derniers retranchements. Je me souviens de journées de six heures de suite à la guitare. A la fin, tu deviens super-tendu, voire énervé. Cela se ressent… et c’est vachement bien !” Les prises sont rapides et collectives : “Tout de suite, on a voulu être à quatre dans la même pièce car sur le premier disque, pour des raisons techniques, il n’y avait eu que les garçons ensemble”, remarque Marie. D’où le nom du disque. “J’insufflais dans la batterie des choses que Mathieu reprenait, explique Olivier. Et lui envoyait un truc encore plus méchant… C’était de l’énergie qui rebondissait. Avec Peter qui mettait bien la pression derrière, ça donnait un truc très chargé.” Le groupe vit l’enregistrement comme “une sorte de live découpé”. Une guitare ou des voix sont bien refaites par-ci par-là, mais le principe est de coller à la réalité en restant

“Il envoyait un truc encore plus méchant… C’était de l’énergie qui rebondissait.” concentré et solidaire : “Tu ne vas pas jouer ta vie chaque fois que tu joues une partie de guitare, mais des choses importantes se passent, précise Mathieu. Personne n’est resté seul pour enregistrer, il y avait toujours quelqu’un derrière la table, à la rescousse, pour dire : “Je suis présent pour voir ce que tu fais, je suis là pour toi”. Ca a été physique car on voulait quelque chose de vivant. Du coup, on n’a jamais fait vingt prises, juste trois ou quatre au maximum. Nous exploitons au mieux ce que nous savons faire. Rien de pire que de mettre la barre plus haut que ce que tu es capable de faire.” Ce qui n’empêche pas l’audace. Gomm prend le temps d’imposer ses convictions : certains morceaux dépassent les sept minutes ! “ET NOUS QUI PENSIONS ÊTRE HYPER EXIGEANTS…” Derrière la console, Peter se montre très pointilleux, oblige souvent le groupe à recommencer. “Et nous qui pensions être hyper exigeants et hyper rigoureux…” soupire Mathieu. La bande des quatre se plie avec docilité aux remarques, “toujours faites à bon escient”, de leur réalisateur artistique. “Parfois, on voulait recommencer, et lui disait : “Non, là, garde ton erreur car il se passe quelque chose”.” Gomm s’attache à attraper les émotions au vol et à les capturer. Leur album met en relief des sentiments à fleur de peau, toujours au bord de la rupture avec ses redondances intenses et entêtantes. Les textes évoquent les moments intimes de la vie quotidienne, des situations tendues que la pudique chanteuse rechigne à exposer ouvertement. Les mots apparaissent en coups de poing, aussi essentiels, précis et répétitifs que la musique : “Dans la vie, c’est dur de s’entendre, confie Marie. Au quotidien, on est assez zen, on essaie de trouver des solutions mais à un moment, ça rejaillit. Le titre I feel off, c’est carrément ça.” Elle y exprime avec conviction (“Get out !”) sa lassitude et son exaspération face au paraître et à la représentation de l’autre. Les voix se complètent dans une hystérie jouissive, voire colérique. “La base, c’est la compréhension et l’incompréhension, ajoute Olivier. Ce qui se passe entre deux 28


personnes. Nos textes sont engagés dans un sens humain. Nous vivons ce que nous chantons. Nous essayons d’exploiter tous les méandres d’une situation qui pourrait être simple, mais qui devient n’importe quoi.” “Ce n’est pas forcément une confrontation, précise Marie. Dans la vie, il y a beaucoup de non-dits, de silences, de choses envoyées subrepticement…” Et la vraie vie, sociale, ils peuvent en parler : tous avaient une situation professionnelle avant de devenir intermittents du spectacle. Guillaume était formateur en insertion sociale, Mathieu brocanteur, Olivier décorateur, Marie prof… Ils ont vécu la musique comme un loisir passionnel avant d’en vivre. “Nous ne sommes pas rock’n’roll !”, rigole même Olivier.

L’écriture est assez simple pour permettre de multiples interprétations. “Tout est vécu, confirme Guillaume. Après, en parler n’est pas forcément intéressant et fermerait des portes. Le sens est celui que tu comprends, même si nous, nous savons exactement à quoi se rapporte ce que nous chantons.” Lorsque l’on tente d’en savoir plus, les quatre se recroquevillent sur eux-mêmes, refusent de se livrer. “C’est un exutoire de balancer toutes ces situations, reconnaît néanmoins Marie. En société, nous sommes des personnes courtoises et très sereines.” En lisant les paroles, on comprend vite que les textes touchent effectivement à l’intimité des deux chanteurs, mais on ne peut qu’imaginer des histoires de cœur conflictuelles (Fiction), des rencontres insatisfaites (No disappointement), des mensonges (It’s not easy) et souvent des relations qui se dégradent. De quoi attiser les rancœurs, renforcer l’amertume et finalement faire monter la pression musicale.

Raphaël Lugassy

MÉCHAMMENT JOYEUX

“Rien de pire que de mettre la barre plus haut que ce que tu es capable de faire.”

Sur scène, ils sont toujours tirés à 4 épingles. En cravate. Peu à peu, la rythmique, enflammée par des riffs répétitifs, ravivent les souvenirs. Les musiciens de Gomm déversent leur abrasive furie musicale avec la volonté d’en découdre. Comme s’ils avaient refoulé leurs frustrations quotidiennes jusqu’à ce moment précis : “C’est d’autant plus énergique que la violence, en général, c’est frustrant de la garder en soi, confirme Olivier. La scène nous rend méchamment joyeux. Nous y avons le sourire car c’est un vrai plaisir. Un plaisir intense.” Debout devant son synthé, Marie provoque sans cesse Olivier du regard qui lui répond droit dans les yeux, à l’autre bout de la scène. Il donne parfois de la voix et toujours martèle sa batterie. Marie ouvre de grands yeux exorbités. Mathieu et Guillaume, à la basse, au clavier ou à la guitare, servent alors de fil conducteur à cet arc électrique qui irradie le rock de sa généreuse lumière. Patrick Auffret “4” - Pias www.gomm.fr 29


NO ONE

is in studio ! Quatrième album prévu pour le 26 mars avec un Kemar très confiant sur la proximité et les affinités humaines de sa nouvelle formation. Un retour qui devrait ravir les fans de la première heure.

A

vec Revolution.com en 2004, No One is Innocent faisait son retour après sept ans de silence discographique. La formation autour du chanteur charismatique Kemar se confirme aujourd’hui : K-Mille (ex-UHT°), Shanka, Djules et le petit dernier Yann (Doppler et exProhom). L’auteur de La peau en 94 raconte le besoin de remettre le couvert très vite résultant de l’entente complice entre les musiciens. Rencontre en studio où des paroles résonnent : “Si la peur fait bouger, elle fait rarement avancer”. Entre doutes et déclics, huit mois pour mettre en boîte l’album…

DE QUOI AVAIS-TU ENVIE DE PARLER DANS L’ALBUM ? Déjà, il y a un an, ça commençait à ruminer pas mal autour des échéances électorales de 2007… Et puis, se rendre compte qu’il y a toujours des mecs qui font la manche dans le métro, des clodos par terre, des politiques irresponsables… Laissetoi aller est un morceau que j’ai fait quand j’étais un peu au fond. Je n’étais vraiment pas content de ce que j’écrivais, je jetais pas mal de trucs et ce morceau est arrivé. C’est une espèce de constat ironique sur un mec qui écrit sur tout, sur l’injustice, la misère, les utopies, la révolution par Internet… Il dit aussi : “Même la guerre, je l’ai déjà faite…”. A un moment donné il n’arrive plus à écrire là-dessus parce qu’il a l’impression que la boucle est bouclée, qu’il a écrit sur tout. C’est très autobiographique. TU AVAIS PEUR DE TE RÉPÉTER ? Oui, et à un moment donné, tu essaies d’écrire sur quelque chose de plus léger. Seulement, ça peut peser trois tonnes la légèreté, donc si tu veux écrire des chansons d’amour, laisse

30


ça aux autres, ce n’est pas pour toi. J’ai passé un été un peu est toujours là à faire ça, c’est parce que l’on continue de hardos. Je n’étais pas content de moi. Et même sur les thèmes rêver… Dans la musique, mais aussi dans ce que l’on raconte ou dénonce par une attitude subversive. Ca fait que l’on a que j’avais envie d’aborder, j’avais du mal à démarrer. peut-être toujours 19 ans dans la tête… En même temps, on est un peu la génération chômage, et depuis que l’on est en EN LIVE, C’EST LÀ QUE NO ONE A TOUTE SA PLACE ? âge de comprendre les choses, on nous annonce que le chôVOUS FAITES LE DISQUE POUR ALLER LE DÉFENDRE SUR SCÈNE ? Oui. Et si à un moment donné j’ai arrêté, c’est parce que je sen- mage baisse… Total, on n’y croit même plus. Mais au-delà de tais que j’allais faire des albums avec des gars avec qui je ne ça, effectivement faire des chansons, faire des concerts… j’ai pouvais pas les défendre, autant artistiquement, humaine- l’impression de rêver à chaque fois. ment, que dans ce que je racontais. Et puis je trouve que le groupe mûrit bien. Sur le morceau Laisse-toi aller, on arrive SI LE PUBLIC DÉFEND NO ONE, ÇA N’EST PAS UNIQUEMENT DU FAIT DE justement à se laisser aller, à ne pas forcément coller un texte L’ÉNERGIE QUE DÉGAGE LE GROUPE, MAIS AUSSI DE SES IDÉES… NON ? revendicatif sur une musique subversive. On l’avait un peu Nous sommes aussi un divertissement, car quand on est sur esquissé avec Revolution.com, à part le texte qui est un peu scène, on est là surtout pour se lâcher. Ca n’est pas une tribuironique et amer… Pour Salut l’artiste, quand François m’a fait ne non plus. En même temps il y a des choses qui sont dites, écouter ce qu’il avait trouvé, genre “bon, tu vas rigoler”, j’ai on peut lever le poing, on peut gueuler, on peut faire un doigt trouvé ça mortel et j’ai rapidement eu l’idée d’écrire sur d’honneur… C’est un bon défouloir. Je me dis souvent que si je Chirac. Parfois, j’ai l’impression que quarante ans de politique n’avais pas fait ça, j’aurais peut-être aussi cramé des bus dans de ce mec, ça a été une blague infernale. Disons que ça m’a ma jeunesse… Avec tout ce que j’avais à l’intérieur, je serais plus fait marrer de dire “Salut l’artiste” que “Chirac en prison” mal parti. par exemple, même si je n’ai rien contre les Wampas, mais moi c’est plus mon style… L’intérêt pour moi n’est pas de faire un LE RETOUR AU ROCK, C’EST QUELQUE CHOSE QUE VOUS SENTEZ, OU AU truc polémique qui va être censuré et qui va faire de la pub. Ca CONTRAIRE VOUS NE VOUS SENTEZ PAS CONCERNÉS PAR CE PHÉNOMÈNE ? n’a jamais été mon créneau. Bien sûr, quand on a fait Ce que tu évoques est surtout un retour au rock anglo-saxon. Nomenklatura avec Dantec, on savait pertinemment qu’on Aujourd’hui, faire du rock reste un truc subversif, je ne parle allait passer à la trappe (“Aujourd’hui les politiques n’ont plus pas de pop-rock, soyons clairs…. Je considère qu’un groupe que le pouvoir de nuire et de ralentir les mutations”). comme No One est toujours sur le fil et que rien n’est gagné. L’important, c’est que ce soit audible et que tu fasses passer Si on ne fait pas de bonnes chansons, c’est dehors… Dégagé ! Ce n’est pas tant lié au fait qu’il y a du monde, c’est plutôt tes idées, comme ces escrocs le font ! d’arriver à faire des morceaux vraiment rock et rester dans le EN 94 IL Y AVAIT DES URGENCES ET PUIS RIEN N’A VRAIMENT CHANGÉ… paysage, sortir des albums… Ceux qui y parviennent en ce Non, hélas. Je me marre des fois quand je présente La peau en moment sont à mon avis des héros. concert : “Un morceau que l’on aimerait arrêter de jouer”… Béatrice Corceiro & Fred Huiban Derrière tout ça, il y a l’utopie de changer des trucs avec la Photos : Raphaël Lugassy, Fred Huiban musique. Elle reste toujours là, parce que de toute façon, si on AZ / Universal - www.nooneisinnocent.net

31


TREMBLAY 73 pond une album complètement foutraque où comptines punk jouxtent chant mâle grungy et voix d’hôtesse de l’air ou robot en délire dans une ambiance seventies. Plume Latraverse sous acide ? Francœur à l’hôpital psy ? Un zeste de chaque. (“Abracadabrun” - Local / www.myspace.com/tremblay73) Les guitares post-rock de PAWA UP FIRST recherchent la clarté dans l’instrumental. La beauté et l’onirisme se rejoignent, conviant aussi piano et programmations. (“Introducing new details” - Dare To Care Records) Deux titres en 27 minutes, [NARA] prend son temps pour instaurer des ambiances sombres, des amplitudes délicates et mystérieuses où gravitent des arpèges de guitare. (Cell Art Rec.ords / www.nara.mu) Jazzant à la Prince, seventisant à la sauce Beatles ou guitarisant à la Keziah Jones, minaudant à la Rufus Wainwright, BAPTISTE invente un univers riche et chaud qui ne peut que séduire. Son six titres laisse présager un album important ! (“Entrée” / www.baptiste.fm) Réminiscences Marjo, voir Louise Forestier psyché, ANICK, pour son deuxième album, se frotte au rock progressif et hargneux. L’ensemble reste un peu brouillon, mais intéressant. (“Katarak” - Local /www.anick.net) Avec son rock entre progressif folk et punk, SAS-31 propose un nouvel opus tout à fait prometteur, enregistré live, mais en studio. Tube en puissance : Queen de Montréal. (“Invertébré” - L’autre terre / www.myspace.com/sas31) Serge Beyer

GATINEAU “IntegraLLL” (Autoproduit / Local)

Nouveau rap en joual intégrant une forte dose de recherche sonore rock-électro, Gatineau est propulsé par Sba273 (seba…), un MC-poète-slameur en voie de créer un nouveau type de “flow” francophone morteLLL ! Ce EP de cinq pièces contient déjà suffisamment de TNT pour faire exploser une scène déjà bien préparée par Loco Locass. Prêter attention à la reprise du “Freak de Montréal” du groupe Aut’chose. www.myspace.com/gatineau Bob Liederman

32

NICOLAS HUART “Le visage dans les mains” (Autoproduit / Local) Secret trop bien gardé de la nouvelle scène chanson-folk montréalaise, Nicolas Huart déroute. Sobriété et classe digne d’un classique Claude Gauthier ou Sylvain Lelièvre, Huart évolue en circuit atypique tournant le dos aux tremplins et réseaux balisés de la chanson pour plutôt travailler avec la scène rock-indé. Sa voix étranglée nous fait craquer, un peu comme l’avait fait Monsieur Mono. Les lueurs de vérité qui nous habrillent est un titre de plus de 6 minutes littéralement génial, porté par un piano à la mélodie obsédante… www.nicolashuart.com Bob Liederman NULSIDECOUVERT “Yé où le hip hop ?” (NSD / Local) Nouvel opus d’un groupe qui n’a été formé qu’en 2003. Ce qui frappe à la première écoute, c’est la musique, la force des instrus, qui se déplacent autant du côté de la old school, de l’électronique que du sampling. D’ailleurs, leur style n’est pas sans rappeler Loco Locass - en plus trash tout de même - par la structure des textes et des jeux de mots d’abord, mais surtout par cette façon de construire la musique. Intéressant, le groupe devra pousser un peu plus loin son propos ; côté musical, ils ont déjà un point de plus que la moyenne. www.nulsidecouvert.net Martin Véronneau OK.VOLCA s/t (Slam Disques / Local) Nouvelle incarnation du groupe Haang Upps passant ici entièrement au français. Hybride très convaincant de prog-métal-hardcore. Les thèmes sont très noirs et la décharge sonore totale. On a affaire ici à la face obscure d’un Vulgaires Machins qui aurait croisé Ministry sur son chemin, ce qui est peu dire… Puissance, maîtrise instrumentale et excellentes images poétiques : Industrie hell, L’humanité court à sa perte, Lourd silence. Ca vous donne l’idée ? www.okvolca.com Bob Liederman ONE NIGHT BAND “Way back home” (Stomp / Outside) ONB est de ces groupes au plaisir communicateur. Nous avons ici affaire à la réponse québécoise du Jim Murple Memorial, intégration maîtrisée des sonorités rocksteady d’origine, au bénéfice d’un nouvel hybride suave, chaud et très festif conservant néanmoins un sens de la retenue lui évitant de tomber dans le cirque. Right on est un petit bijou chanté en français, très réminiscent des Colocs, mâtiné de cuivres dignes de Van Morrison. www.onenightband.net Bob Liederman


Michel Pinault

Galaxie 500

C’est l’un des groupes phares du Québec. Leur deuxième album cartonne ; il arrive enfin en France ! Rencontre avec la tête chercheuse du quintette…

D

ans une taverne de Montréal, Olivier Langevin, bière à la main, ne manque pas de feu pour expliquer son deuxième album. “Avec un titre comme Le temps au point mort, je trippais sur l’idée de prendre le polaroïd d’un moment… 3h44 : y’en a un qui se tue pendant qu’un autre tombe en amour pis qu’un troisième est en dépression. C’est la preuve que la notion de temps, qui passe parfois rapidement, des fois lentement, est toujours vécue différemment. On peut même se questionner sur l’existence réelle du temps. Le temps au point mort, c’est aussi le moment où le piston du moteur de ta voiture est écrasé, parce qu’il vient tout juste d’exploser.” Le lien avec la mécanique est loin d’être banal, car

“Y’a rien de mieux pour écrire que d’avoir la tête dans le cul.”

Galaxie 500, avant d’être un groupe de rock brut et sale, s’avère être l’une des voitures américaines des années soixante les plus consommatrices d’essence ! Rien à voir, donc, avec son homonyme américain de la fin des années 80. Au volant de Galaxie 500 se trouve le guitariste et chanteur Olivier Langevin, l’homme de mille et un projets, connu au Québec pour sa guitare inspirée aux côtés de Fred Fortin, Mara Tremblay et Mononc’ Serge. Alors que sur le premier disque éponyme, la voix de Langevin était si distorsionnée que les mots étaient inaudibles, la voilà plus claire, empreinte de chaleur, capable, à travers un rock tout feu tout flamme, d’une certaine douceur. L’album révèle

aussi des textes en français impressionnistes, teintés par les humeurs, les virées alcoolisées, le spleen d’un jeune musicien : “Je suis passé de l’adolescence à l’âge adulte en deux albums. Car le rock et la distorsion peuvent facilement devenir une façon de se cacher. Maintenant, je m’en fous de

33

jouer la guitare comme un malade. Je veux faire des bonnes chansons, c’est tout.” Les déboires de la veille deviennent souvent le carburant, la matière première des textes de Langevin qui invite à des prises de conscience ou bien, à sortir le diable en soi et de partir sur une déroute. Deux pôles, somme toute opposés appuyés par un groupe de musiciens d’expérience, des rockeurs étoiles qui mangent la scène, et qui carburent à… l’alcool : “C’est bizarre, mais y’a rien de mieux pour écrire que d’avoir la tête dans le cul, le lendemain d’une soirée bien arrosée.” Sarah Lévesque “Le temps au point mort” C4 - www.g500.net


L’électro made in Japan

ALAMO RACE TRACK

AMON TOBIN

(Fargo / Naïve)

(Ninja Tune / Pias)

Ces quatre Hollandais ont "d'abord (été) envisagé(s) comme une réponse de l'Europe continentale au post-punk initié aux Etats-Unis et en Angleterre" (dixit leur maison de disques). Faute d'être une véritable alternative aux Strokes et consorts, Alamo Race Track n'en reste pas moins un groupe surprenant. Parfois décevants sur scène, ils réussissent un joli coup avec Black cat John Brown, un deuxième album tendu qui emprunte autant au folk qu'au rock "branchouille" de ce début de millénaire. Pour le chant, imaginez ce qu'aurait pu être John Casablancas (le chanteur des Strokes) s'il avait donné dans la country, et pour les arrangements, un groupe en "the" en plus bruitiste. Un mélange un rien alambiqué mais décapant. www.alamoracetrack.com

Le Grand Maître de la métaphysique du son et de la science du rythme revient avec un opus exauçant les espérances de ses fidèles. Pourtant, pas de surprise de taille, le design sonore reste identifiable avec ses structures complexes et massives, mais la conception semble obéir à des exigences plus mélodiques, voire plus "musicales". Un magnéto en bandoulière, Tobin part chasser la matière auprès de sources improbables, de quoi fournir tout un catalogue de samples qu'il pourra ensuite décortiquer à sa guise. Ainsi, rugissements de fauves, fouet de cuisine, onomatopées, casseroles, bruissements d'insectes et autres, se voient recyclés en un amalgame orné çà et là de violons, de harpes et de pianos purificateurs… Avec ses liaisons antagonistes entre mécanique et organique, ses cadences folles ou quiètes et sa dimension futuriste, Foley room décrit l'histoire d'un art à son sommet. www.amontobin.com

Fred Huiban

“Black cat John Brown”

Bastien Brun

Dj KenTaRO C

e Japonais de 25 ans fait partie du club très fermé des DJ à avoir remporté le championnat DMC (en 2002). Lors de cette compétition internationale, une quinzaine de pays sont représentés et chaque prétendant a 6 mn pour convaincre un jury composé de champions des années précédentes. Le “scratch” est tout un art : à la base se trouve la musicalité, qui doit être alliée à une bonne dose de technique, le tout dans un environnement ou l’originalité et l’exécution comptent énormément. En 2002, lorsqu’il participait aux “battles” en vue du titre suprême, Kentaro reconnaît s’être entraîné jusqu’à dix heures par jour, le nez sur le sillon, pour assembler, mixer, scratcher, inventer de nouvelles passes. Sa première date en France, aux Trans Musicales de Rennes 2003, le fit connaître des journalistes et du public, littéralement sous le choc de sa prestation. Lors de sa venue récente au Batofar, à Paris, il expliquait : “Maintenant je préfère expérimenter en studio et composer des rythmes. J’ai toujours beaucoup de plaisir à scratcher, mais je ne m’entraîne plus autant. Il faut une grande discipline et de la disponibilité pour arriver à ce niveau. Par contre, je peux rester enfermé toute une journée en studio. A présent, j’emploie mon temps différemment. Je pensais faire un album de turntablism en collaboration avec d’autres musiciens, mais au fur et à mesure que la production avançait, j’ai préféré m’orienter vers un côté plus musical, en gardant à l’esprit de lier les parties instrumentales jouées live par des scratches pour donner l’aspect que je souhaitais.” Au niveau des apparitions citons : The Pharcyde, MC Spank Rock, New Flesh, Little Tempo, Hifna et Fat Jon. En France le phénomène DJ est comme aux Japon ou aux USA, très lié à la culture hip hop, et lorsque l’on évoque Birdy Nam Nam, DJ Netik ou C2C, son oreille se dresse, il les connaît, évidemment ! Ils ont tous été vainqueurs dans la compétition DMC, où chacun a sa catégorie, mais aussi son style et son identité. Celle de Kentaro est vraiment forte. Passer de la drum’n’bass au hip hop tout en mixant des vidéo calées sur le tempo ne semble pas poser problème à ce Ninja des temps modernes.

FIELD MUSIC

“Tones of town” (Memphis Industries / Coop)

Dis-moi ce que tu absorbes comme nourriture musicale, céleste s'entend, et je te dirai ce que tu produis. Chez les Anglais de Field Music, le champs s'étale entre pop baroque et rock doucereux. Les Beach Boys, mais surtout les Beatles et le chant de Mac Cartney y ont été abondamment cultivés. Pour autant, les jeunes pousses se débrouillent fort bien et ne se contentent pas de faire fructifier ce patrimoine. Cette opportune entreprise peut se rapprocher de celle des Earlies, plus versée cependant dans l'introspection. Sur Tones of town, l'instantané mélodique et l'énergie priment. Cette bonne cure d'à peine plus de trente minutes va a l'essentiel et ne se perd pas en rallonges superflues. Ce deuxième album ravira aussi sans peine les inconditionnels des High Llamas. www.field-music.co.uk Vincent Michaud

RALFE BAND “Swords”

34

Cédric Manusset

GET THE PEOPLE (RuminanCe / 5ive Roses)

Cette nouvelle formation new-yorkaise est le résultat d'une échappée du batteur Kevin Shea (ex-Storm & Stress) avec le guitariste Ben Simon (ex-Great Lakes) et la bassiste Kyle Forester. Le trio dévoile sur ce disque joliment fourre-tout des explorations loufoques et chaotiques, conservant aussi des bruits extérieurs façon lofi. 17 plages décousues partent dans des directions indie-rock ou folkisantes. Aucune règle, certains titres complètement épurés, d'autres plus étoffés ; la douceur du piano ou d'instruments à vent surgit parfois au milieu des mélodies pop. On débarque dans une mini galaxie désaxée entre rêveries nonchalantes et escapades fulgurantes. Parfait pour s'évader dans une fantaisie lunaire. www.myspace.com/getthepeople Béatrice Corceiro

PAUL ST-HILAIRE

“A divine state of mind” (False Tuned / Nocturne)

Le groupe londonien traverse le monde à coup de valse folk allègrement portée par le vent. Le voyage promet son lot de surprises et de réjouissances pour dessiner un joli sourire indélébile sur les lèvres. Mené par Oly Ralfe, un troubadour inspiré par ses rêves de chevaliers, il brasse des folklores divers avec une poésie burlesque délicieuse. Une multitude d'instruments (du xylophone à l'accordéon) emplissent ses chansons, fruits d'une imagination fertile. Il répond quelque part aux Palace Brothers sans la pesanteur sombre, mais plutôt avec le côté lumineux du folk et de la country s'unissant en rythmes élancés. Ce disque en forme de récit d'aventures est passionnant. www.ralfeband.com

La voix mythique des chefs d'œuvres de Rhythm & Sound s'échappe en solo : l'atmosphère reste la même, seule la présence plus marquée de cet organe unique que possède Paul St-Hilaire, plus connu sous le nom de Tikiman, impose une différence. Evidemment. Et tout ici est fabriqué et assemblé par l'auteur, de la production à l'interprétation, en passant par la composition, et c'est même sorti sur son propre label. Un travail d'orfèvre. Les aficionados du dub berlinois vont s'y retrouver sans problème, dès l'inaugural Little song jusqu'à Black moses, et les dingues de roots ne seront pas égarés. Rien à redire, ces riddims sont ciselés à merveille et cette voix se propulse dans l'espace comme aucune autre. A acheter et écouter les yeux fermés. www.false-tuned.de

Béatrice Corceiro

Seb Broquet

(Talitres / Differ-ant)

Fred Huiban “Enter” - Ninja Tune - www.djkentaro.com

“Foley room”


DUKE SPECIAL

THE EARLIES

(V2)

(Secretly Canadian)

Il est Irlandais. Du Nord. Un peu excentrique. Surtout romantique. Duke Special porte bien son nom. Duke, pour son côté jazzy orchestral. Mais surtout Special pour sa pop ambitieuse, "hippie-chic", qui fait penser à Divine Comedy, un autre Irlandais (du Sud). Chacune de ses chansons, écoutée attentivement, est un univers de poche qui vous transporte. Ici une pointe de aubois, là une base rock, là encore un chanson "cabaret". Le Duke Peter Wilson chante fièrement, comme si sa vie en dépendait. Et l'émotion vous pend les tripes au détour d'un piano entouré de cordes encore plus limpides que celles de Damien Rice. Oui, ce crooner coiffé de dreadlocks est un petit secret de plus en plus mal gardé. Les amoureux de lyrisme anglo-saxon ne vont pas s'en plaindre. www.dukespecial.com

Alors que "l'indietelligentsia" n'en pince que pour le rock sauvage et primitif, un quatuor anglo-américain s'illustre dans la pop alambiquée. The Earlies alternent montées instrumentales psychédéliques et mélodies pop boisées, avec une pointe d'électronique cheap. On les devine bercés tout petits par les complaintes tortueuses d'un Brian Wilson. Loin de viser la grandiloquence, The Earlies remet au goût du jour le principe de la complexion éclairée. The enemy chorus alterne organisation mélodique et escapades atmosphériques. Ici se retrouveront ceux qui désespèrent de tirer profit de leur trop plein d'émotion et d'indécision. Toutes ces couches sonores nous éclairent par leur opiniâtreté, merci pour elles ! A conseiller à ceux que l'ordre guette. www.theearlies.com

Eric Nahon

NORTEC COLLECTIVE

“Tijuana sessions vol. 3” (National Records / Because Music)

Depuis le Mexique, le quintette charrie un esprit ancré dans la tradition musicale du pays, marié à un traitement plus universel, dont il tire son nom : contraction de Norteno (du nord) et de techno. Le raccourci est toutefois insuffisant. Aussi, essayez d'imaginer Mardi Gras BB, Calexico (présent sur Esa banda en dub), Beck (pour qui ils ont signé un remix de Guero), P18 et Boyz from Brazil tapant le bœuf ! Sonorités fanfares, instruments acoustiques (accordéon, trompette, basson, guitare classique…) et bidouilles électroniques s'entrechoquent, tour à tour lounge ou groovy. Un melting-pot musical réjouissant qui donne raison au titre Tijuana makes me happy et propage une nonchalance contagieuse… www.myspace.com/nortec Bruno Aubin

Vincent Michaud

POP LEVI

"The return to form Black Magick Party" (Counter / Pias) En découvrant cet album, la question que l'on se pose spontanément est : comment ai-je pu passer à côté d'une telle perle du rock des années 70 ?! Tout y brille tellement d'authenticité ; les sons, les mélodies, les arrangements sont si profondément marqués du sceau seventies que la confusion est inévitable. Pourtant, il s'agit bien d'une œuvre 100% contemporaine, réalisée par un Anglais aux inspirations louables qui a dû s'imaginer, lors d'une expérience de transposition nostalgique, tapant le bœuf avec Dylan, Led Zep, et des Beatles barbus en patte d'éf', accompagnés d'un Hendrix transpirant le blues… Les guitares revêtent une saturation vintage, cette voix grisante donne le tournis, le groove en devient palpable. Avec une facilité déconcertante, Pop Levi nous sert une pop saisissante, artificiellement millésimée, mais relevant bien plus de l'hommage admiratif que de la pâle copie. www.poplevi.com Cédric Manusset

THE SUNSHINE UNDERGROUND

JESSE SYKES

(City Rockers / Sony BMG)

Ce groupe de quatre jeunes Anglais réussit un disque passionnant du début à la fin. Des penchants tubesques se dessinent, mais le plus évident reste la nature dansante de ces chansons indie-rock. Des merveilles de morceaux terriblement entraînants et poussés par un chant qui exhorte à se lâcher. La fraîcheur de la voix, les mélodies grisantes des guitares et ces rythmes qui groovent comme il faut… aussi intense que The Rapture, avec des petits gimmicks émoustillants et des constructions propices à alimenter l'énergie. Au milieu du disque, une très belle ballade trouve aussi sa place : Somebody's always getting in the way envoûte doucement avec son charme irrésistible… www.thesunshineunderground.co.uk

Jesse Sykes c'est d'abord une voix captivante. C'est aussi un groupe qui s'est entouré d'Eric Eagle, un batteur de la scène de Seattle (Bill Herzog, Victor Noriega, Willie Blair), pour réaliser son troisième disque. Deux ans après Oh, my girl, ce nouvel opus propose des ballades pop folk à vous faire frissonner. Un timbre de voix si profond qu'il oscille entre Cat Power sur How will we know?, et Skin de Skunk Anansie (Hard not to believe)… Troublant. Douze titres indispensables à tout amateur de country folk qui aimerait découvrir de bonnes chansons et placer ses oreilles dans un environnement sonore fort respectable. Une artiste à suivre. L'album est disponible à la vente depuis février, une tournée en France est plus qu'attendue. www.jessesykes.com

Béatrice Corceiro

Fred Huiban

“Raise the alarm”

Le rock made in Israël

“The enemy chorus”

L. Clément

“Songs from the deep forest”

IzaBo

D

’Israël, on connaît les oranges, le Mur des lamentations, un conflit qui n’en finit pas, Dana International qui gagna l’Eurovision en 1998 avec un tube europop et, last but not least : Rika Zaraï. Oui, nous aussi on préfère les oranges. Mais Izabo est d’une autre trempe. Ce quatuor de Tel Aviv nous enflamment en 12 titres aux joyeuses vibrations funk, rock, disco orientales. Ce qui est plutôt inhabituel, non ? “C’est vrai, reconnaît leur chanteur Ran Chem Tov. Ma musique est un mélange entre l’Est et Ouest. Enfant, j’écoutais des musiques arabes, indiennes et du Moyen-Orient à la maison. Au lycée, j’écoutais du funk, du rock’n’roll et de la disco 70’s. Ces huit dernières années, ces influences se sont naturellement mélangées en moi, sans que j’y pense…” A en croire le dossier de presse, la musique d’Izabo serait “un savant mélange de Led Zeppelin, des Talking Heads et d’Um Kalsoum”… Y’a de ça, mais il y manque la dimension festive et psychédélique du combo qui rend le public totalement dingue. Comme si King Crimson rencontrait Queen… D’abord il y a la ligne de basse, frondeuse mais groovy, la guitare délicieusement sensuelle et aérienne, et surtout cette voix totalement originale. Ran Chem Tov serait-il le héraut d’une nouvelle génération de musiciens israéliens ? “Ces dernières années, la scène israélienne anglophone prend de l’ampleur ; beaucoup commencent à tourner en dehors du pays, comme Rockfour (www.rockfour.com) qui est en ce moment au Canada.” Pour sa part, Izabo est adoubé par les magazines anglais comme Uncut et ne va pas manquer d’imposer sa marque sur le paysage musical mondial, comme il l’a fait dans son pays. Car depuis dix ans, Ran, Shiri, Jonathan et Nir déplacent les foules de Jérusalem ou Tel Aviv et composent tous azimuths, aussi bien pour des musiques de films, des pubs ou d’autres groupes. C’est ce travail de fourmi qui paye aujourd’hui. Vous pourrez vérifier leur originalité et leur fraîcheur dès le mois de mai : ils seront en tournée dans toute la France. CQFD.

& THE SWEET HEREAFTER

“Like, love, lust and the open halls of the soul” (Fargo Records)

Eric Nahon “Fun maker” - Roy Music www.myspace.com/izaboband 35


Planètes Musiques De février à juin 2007 05 49 95 99 90 - www.famdt.com

P

lanètes Musiques est une opération du réseau FAMDT qui regroupe les acteurs des musiques et danses traditionnelles en France, pour la promotion et de diffusion des artistes de cette scène. Elle est produite sous la forme d’une mutualisation de moyens et de savoir-faire entre les lieux de diffusion et la FAMDT. Toutes les musiques se nourrissent de leur rapport à l’histoire, à la tradition, à la création. Les musiques traditionnelles particulièrement. La sélection des artistes présentés dans Planètes Musiques privilégie de façon délibérée, le talent de l’interprète et la liberté de la création plutôt que le respect de formes soidisant authentiques. En réalité, dans les musiques traditionnelles, la connaissance du passé nourrit la créativité de l’interprète d’aujourd’hui. Ces musiques ont la mémoire longue… Elles se souviennent des vallons, des plaines, des montagnes et des rivières. Elles ont mûri à l’ombre des grands fracas de l’histoire des hommes… Elles accompagnent des quotidiens invisibles, des rencontres improbables et le bruissement des conversations ordinaires… La mer n’a pas d’âge et le vent pas d’adresse : les instruments “immémoriaux” contiennent l’inouï contemporain des silex qu’on a longtemps frottés, la modernité oblique des musiques sans âge… Les artistes accueillis dans Planètes Musiques sont un peu tout cela. A chacun son singulier chemin de liberté et d’innovation, émergé de la marmite bouillante des traditions, réelles ou imaginées. Olivier Durif

A

fin de compléter et renforcer son action en faveur de la création et du spectacle vivant, la Sacem est à l’initiative de ce festival. Deuxième édition avec, le 26 mars à Lille, quatre formations (Les Petites Bourrettes, Fantazio, Marie Cherrier, Les Doigts de l’Homme) et Loïc Lantoine en invité exceptionnel. Le 29 à Paris, les mêmes groupes, mais c’est Clarika qui sera la marraine de la soirée. Ces quatre jeunes talents ayant bénéficié de l’aide attribuée par la commission autoproduction de la Sacem, ont été choisis autour de la thématique des “musiques actuelles”. Issues de cultures et de styles différents, chaque artiste jouera 40 mn pour faire découvrir son univers. Mais “l’aide à l’autoproduction phonographique”, c’est quoi ? “L’action culturelle de la Sacem accorde un soutien financier aux jeunes auteurs et compositeurs, membres de la Sacem, qui envisagent de produire un enregistrement dans le domaine des musiques actuelles (variété, jazz, rock, chanson française, musiques électroniques...). Le soutien, de 3 000 euros, est destiné aux créateurs désireux d’autoproduire leur premier ou deuxième enregistrement. La commission d’aide à l’autoproduction, composée d’auteurs, compositeurs et éditeurs permet chaque année à une cinquantaine de groupes d’être repérés et soutenus dans leurs projets.” Et c’est ainsi que depuis trois ans, vous pouvez voir fleurir le petit logo “Autoproduction Sacem” à côté des artistes dont nous parlons dans la revue et qui ont été soutenus par cette commission (exemples : Tom Poisson, Lycosia, Presque Oui, Mr Lab !, Watcha Clan, ToM…)

www.lesautresprods.fr Les 26 et 29 mars 2007 - Lille (59) et Paris (75)

Les Autres Prods 36


Le Quesnoy en Chanteur(s) Du 17 au 27 mars 2007 - Le Quesnoy (59) www.lequesnoyenchanteurs.com

D

epuis sa première édition au printemps 1996, le festival Le Quesnoy en Chanteur(s) est au centre d’une politique régionale de découvertes, de sensibilisation et de réseaux. Le cœur du festival c’est le Théâtre des Trois Chênes, l’un des plus beaux du Nord de la France, amphithéâtre à l’antique. La ligne éditoriale est claire : valoriser les artistes dans une relation d’intimité avec le public. Ce qui passe par une politique de fidélisation assumée ; à savoir, en plein pays rural, une programmation en doubles plateaux destinées à proposer des découvertes à un public plutôt soucieux de valeurs sûres. En amont, un travail de sensibilisation s’appuie sur des ateliers d’écriture et d’échanges entre les élèves du lycée du Quesnoy et les artistes programmés, ainsi que des rencontres avec les étudiants de l’Université de Valenciennes qui proposent chaque année à un ou deux chanteurs une analyse de leur œuvre en leur présence, lors de séances ouvertes à tout public ; une politique tarifaire très basse (abonnement à 39 euros pour les 10 spectacles, et 27 euros à tarif réduit ; plusieurs soirées à 4 et 6 euros !). Pour résumer, un seul projet : partage d’émotions, de plaisir, de curiosités. Le Quesnoy en Chanteurs, c’est le printemps de la chanson, le moment des rencontres encore au chaud, avant les tournées de diffusion estivales. Au programme : Véronique Pestel, Agnès Bihl, Emmanuelle Bunel, Anne Sylvestre, Presque Oui, France Léa, Fabiola Toupin, Paule-Andrée Cassidy, Béa Tristan, Mano Solo…

Du 14 au 17 juin 2007 Tadoussac - Québec Pendant 4 jours, vous découvrirez une cinquantaine de spectacles , répartis sur 11 lieux, avec entre autres : Richard Desjardins, Stephen Faulkner, Pierre Flynn, Eve Cournoyer, Agnès Bihl, Khaban, Dorémus, Mononc’ Serge, ainsi que des ateliers d'écritures, des conférences, etc.

www.chansontadoussac.com Pour participer, c’est très simple, il vous suffit d’envoyer une carte postale avec vos

NOM, PRÉNOM, ÂGE, ADRESSE COMPLÈTE et TÉLÉPHONE

Avant le 20 avril 2007, à : Longueur d’Ondes Concours Tadoussac 2007 BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon cedex

C

e festival, qui a vu le jour en avril 2006 à Besançon, est né du constat suivant : aucune manifestation n’était encore consacrée aux musiques électroniques pourtant si présentes dans la création artistique locale. Cet événement propose donc de les présenter dans toute leur diversité : électronica, break beat, drum’n’bass, transe, hardcore, électro hip hop, etc. Avec une programmation regroupant 60 artistes (locaux et internationaux), près de 5 000 personnes se sont déplacées lors de la première édition. Bonne nouvelle, cette année le festival s’étend à toute la Franche-Comté, avec des dates à La Poudrière (Belfort), au Moulin de Brainans (Poligny), à La Vapeur (Dijon), au Cylindre (Larnod) et à Micropolis (Besançon). Aux côtés des jeunes pousses, se produiront une quinzaine d’artistes internationaux, parmi lesquels : Matt Cantor (Freestylers), Future Prophecies feat. MC Navigator (UK), Krazy Baldhead (Fr), Otto Von Shirach (US), David Green (Fr), Speed Freak (All), D.Fek Dub One (Fr), Scratch Massive (Fr), Maniacx (Fr), Sam Gust aka Noisebuilder (Fr)… Plusieurs activités auront également lieu à Besançon, cœur du festival, dont des cours de mix au Bastion ainsi qu’une conférence/débat sur les musiques électroniques. Le 12 avril, plusieurs bars de la ville ouvriront leurs portes aux musiques électroniques avec les soirées “Baratek”. Un pan de mur du centre-ville sera dédié aux arts numériques avec la projection de vidéos et de courts-métrages… www.myspace.com/festivalelectroclique Du 31 mars au 15 avril 2007 - Franche-Comté

Electro-Clique

UNE SEULE PARTICIPATION PAR FOYER !

Photo : Lise Gagnon

PERSONNES : A GAGNER, POUR 2 depuis Paris . Transport en avion el ôt l’h . Hébergement à stival fe le . Passes VIP pour s ne lei . Croisières aux ba rs. ou . Safari visuel aux

La participation est limitée à une participation par foyer fiscal. Le bulletin de participation doit comporter le nom, le prénom, l’âge, l’adresse complète et le numéro de téléphone du participant. Les bulletins illisibles, falsifiés, raturés, incomplets, les bulletins remis après le 20 avril 2007 (cachet de la poste faisant foi) ou prouvant une participation multiple ou interdite, seront éliminés. Le tirage au sort aura lieu dans un délai d'une semaine à compter de la clôture du jeu, sous contrôle de Maître Lenoir Sébastien, Huissier de Justice associé à Bordeaux. Il sera tiré 1 gagnant. Le présent règlement est déposé en la SCP Hubert & Sébastien Lenoir (33 rue de Ruat - 33000 Bordeaux) Huissiers de Justice associés à Bordeaux et peut être consulté sur Internet via le site : http://membres.lycos.fr/lenoirh, rubrique "Réglements Jeux-concours".

37


38


Maroq’n’Roll

Panoramas #10

DU 10 AU 12 JANVIER 2007 - LA MAROQUINERIE, PARIS 20

ÈME

www.printemps-bourges.com Du 17 au 22 avril 2007 - Bourges (18)

Printemps de Bourges

Boogers

Doppler

Bars en Trans

DU 6 AU 9 DÉCEMBRE 2006 - RENNES (35)

Shrink

Nadj

Barbaro

Kid Congo

Plus de monde, bonne ambiance et bon esprit festoyaient à tous les coins de rue, à tous les comptoirs. Faut dire que la rave rennaise, interdite depuis deux ans, cette année, c’est joyeusement déroulée dans la boue. Plus de filles aussi, avec entre autres, Mell, Katel, Nadj, Bless, Onili, Pamela Hute, DJ Dasha Rush. Ouverture cette année sur la musique du monde avec Barbaro. Autre nouveauté : Thomas Vandenberghe pour un conte humoristique sur la musique du diable ! Plus de bars, plus de groupes (du souvenir à l’émergence) : Kid Congo (Gun Club), The Hop La (Sheriff), Free’s B, Imbert Imbert, Karlit et Kabot, Signal Electrique. Avec 75 groupes offerts sur quatre jours, il y en avait pour tous les goûts. On en redemande ! www.barsentrans.com Annick Gargadennec

“L

Tilt Festival DU 1

ER

Vincent Michaud

e Printemps de Bourges doit devenir, pour tous ceux qui s’intéressent à la chanson, un lieu de création, d’expression et de confrontation sur la chanson d’aujourd’hui.” C’est par cette phrase que Daniel Colling présente, fin 76, un concept nouveau : un festival de chanson, en plein coeur d’une ville moyenne de province, et qui doit se dérouler pendant les vacances de Pâques. Cette phrase, on peut la conjuguer au présent, alors que s’annonce la 31ème édition. Il suffirait de changer le mot “chanson”, trop restrictif aujourd’hui, par “musiques actuelles” et on retrouverait presque à l’identique l’esprit et la forme du premier Printemps de Bourges tel que l’entendaient son fondateur et ses complices, Maurice Frot et Alain Meilland. Depuis que cette phrase a été écrite, 3229 artistes et groupes sont passés à Bourges. En 1999, avec sa nouvelle équipe de programmation, Daniel Colling décide de revenir à des valeurs fondamentales : la découverte et l’audace. Rock “pointu”, créateurs les plus féconds de l’électro, nouveaux chanteurs français. C’est là que se confirment ou se dégonflent les “buzz”, que se révèlent les valeurs scéniques, que se réévaluent les hiérarchies. Le format du festival est désormais volontairement cadré autour des 50 000 places, avec un taux de remplissage qui dépasse les 95% : plutôt que sur des jauges énormes, le Printemps mise plus sur l’excellence et la pertinence de sa programmation. Seront présents cette année : Sanseverino, Mano Solo, Ridan, Jacques Higelin, Feist, Dub Inc., Sly & Robbie, Bunny Wailer, Impros Dub & Iration Steppas, Mademoiselle K, Maximo Park, Bloc Party…

Generic

Après une première édition réussie l’année dernière, La Maroquinerie remet le couvert pour un festival dédié aux indés. Avec une programmation principalement française, c’est l’occasion de voir sur scène des artistes qui présentent un nouvel album en cette rentrée hivernale (Gomm, Green Lizard, Le Nombre), mais aussi de jeter un coup d’œil sur des promesses pétillantes (Generic, Justin(e), Doppler) et de ravir les nostalgiques du rock alternatif des années 80 (Warum Joe). Une deuxième édition un poil moins impressionnante que la première, mais un bel événement à soutenir. www.lamaroquinerie.fr Béatrice Corceiro

Annick Gargadennec

D

ix ans déjà que le festival Panoramas existe et anime le Pays de Morlaix aux sons des musiques actuelles. L’association Wart a décidé de fêter son dixième anniversaire en conviant des artistes de renommée internationale tout en continuant de mettre l’accent sur les découvertes. Le festival a toujours privilégié la mise en avant d’artistes émergents et cette dixième édition de dérogera pas à la règle. Ainsi, plus d’une vingtaine de formations se succéderont en différents lieux de la ville, dont le parc des expositions de Langolvas, le club Coatélan, le Tempo et la Renaissance avec Public Enemy (US), Jacques Higelin, Joeystarr, Asian Dub Foundation (UK), Laurent Garnier (live), Yelle, Peter Von Poehl (Suède), DJ Assault (US), Boys Noize (All), [T]ekël (live), Jeanne Balibar & Poni Hoax, Modeselektor (All), Abstrackt Keal Agram, Joakim (live), Rubin Steiner & Robert Le Magnifique (DJ set), Zeena Parkins (US), Brodinski, Stuck in the Sound, Tahiti Boy & The Palmtree Family, Izia, Revo… Les festivités débuteront dès le samedi 31 mars avec le festival du film “Court mais bref ” qui s’inscrit dans le off de Panoramas. A cette occasion, “Substitute”, le film de Vikash Dhorasoo et Fred Poulet, sera diffusé. Des concerts gratuits auront lieu avant chaque soirée, avec notamment Bastet, 39 & Stoned, John Trap solo, Savate, Rotule… Enfin, à noter que des transports à petits prix seront mis en place (10 euros le billet TER pour se rendre à Morlaix).

Robert Gil

Du 5 au 8 avril 2007 - Morlaix (29) www.panoramas10.com

AU

3 FÉVRIER 2007 - PERPIGNAN (66)

Jack de Marseille

Laurent Garnier

Da Fresh

Dans le monde de la culture, faire se croiser les disciplines et dresser des passerelles avec le public font partie des poncifs souvent évoqués mais pas toujours appliqués. Au coeur du doux hiver perpignanais, le Tilt Festival s’y emploie. Veejays, “clipeurs”, DJ’s, artistes plasticiens, danseurs et musiciens participent à l’évènement. Pas un débutant, l’ex-partenaire de Sydney sur l’émission “H.I.P. H.O.P.”, Frank II Louise exerce désormais en tant que chorégraphe. Muni de capteurs de mouvements, ses danseurs jouent de leur corps pour offrir une musique électro très sensitive, à fleur de peau ! Changement d’univers : Azian Z fait découvrir la porn-pop aux Frenchies. Ces nipponeries joyeusement régressives mélangent euphorie juvénile et funky discoïde sur sonorités Bontempi. Tarwater accueille, dans un stoïcisme germanique, l’intérêt tout relatif du public, venu pour le Lolo national. Le duo s’en tire fort bien, son électro pop subtile a fait de nouveau adeptes. Depuis ses premières expériences, Laurent Garnier a resserré la formule. Certains passages laissent septique, mais l’ensemble a gagné en profondeur. Derrière sa console, il prend autant de plaisir que derrière ses platines. Da Fresh prend ensuite le relais dans l’exercice plus classique du dee-jaying ; tech/house principalement, son set privilégie l’exercice cool du pas dancefloor. Après cette hypnotique session, le Jack de Marseille monte logiquement les BPM ; son set nerveux et très changeant assied définitivement le public… enfin, façon de parler, car personne n’avait envie que cette électro night cesse. Contrat rempli, cette cinquième édition a bien fait “tilt” dans nos têtes ! www.tilt-festival.org Vincent Michaud

39


AARON “Artificial animals

ANA M

(Discograph)

(Autoproduit)

Révélé en septembre 2006 avec U-Turn (Lili), chanson du film Je vais bien, ne t'en fais pas de Philippe Lioret, le duo parisien se distingue aujourd'hui avec un premier album particulièrement abouti et réussi. Simon Buret (chanteur, auteur, compositeur) et Olivier Coursier (compositeur, arrangeur) commencent leurs créations en 2004, dans le home-studio de ce dernier, musicien de métier. Simon, par ailleurs comédien, de père américain, écrit en anglais des textes autobiographiques. La musique, pop mélancolique, mélange avec délicatesse piano classique ou guitare sèche, et plages rythmiques électroniques. S'y pose une voix habitée, aérienne ou rocailleuse. L'univers d'Aaron, proche de celui de Radiohead ou d'Archive, fait vibrer nos cordes sensibles. Les internautes anglophones peuvent lire les textes sur le site web, les 13 titres sont vendus sur les plates-formes de téléchargement. Tournée française en mars 2007. www.aaronwebsite.com

riding on Neverland”

ARNO

“Histoires sans fin”

BERTRAND BELIN “La perdue”

“Jus de box”

(Sterne / Sony BMG)

Découverte sur MySpace, cette chanteuse à la voix acidulée dépense beaucoup de temps et d'énergie à se faire connaître. Heureusement elle en dépense encore plus dans sa musique. Voici son premier effort après un maxi de 8 titres remarquable. Et si cette brune piquante ne montre jamais son visage, ça ne l'empêche pas de nous montrer sa poitrine, ses lèvres fines et sa langue coquine. Le charme et la sensualité sont indissociables de sa musique. Proche parente d'une Emily Loizeau ou d'une Tori Amos, la Lyonnaise déploie une amplitude vocale impressionnante qu'elle met au service d'un texte volontiers tranchant et ironique, parfois cru dans l'impudeur des sentiments dévoilés. En cherchant le sens caché des choses, cette rockeuse dans l'âme aime jouer avec nos nerfs. Elle bascule les ambiances d'une chanson à l'autre avec une fausse candeur irrésistible. Scotchant dès la première écoute. A s'en lécher les babines. www.ana-m.com

(Capitol / EMI)

L'homme à la voix de cendrier souffle sur les braises et rallume les guitares. C'est un bon gros son heavy et poisseux qui sort des enceintes. Arno revient au rock mais n'oublie pas d'être ce poète funambule que l'on aime. Si ses textes sont toujours en équilibre sur le fil, ses musiques envoient le pâté et le contraste est saisissant. Lui, il chante, il s'arrache les amygdales, pose ses tripes sur la table, s'amuse en malaxant français, anglais et ostendais. Au détour d'un couplet ou d'un refrain, ses aphorismes tapent dans le mille : "C'est mieux d'être avec une moche souriante / Que d'être avec une femme belle / Et chiante", explique-t-il au détour de Miss Amérique, l'un des sommets pub-rock du disque. Il musarde aussi : "J'aime pas les filles faciles / J'aime pas les difficiles", dans Les filles de mon quartier. Et vous expliquer le texte de Mourir à plusieurs vous gâcherait le plaisir de la découverte… www.arno.be

En 2004, un premier enregistrement est venu imposer une écriture. Le guitariste Bertrand Belin se révélait à l'occasion chanteur subtil et arrangeur hors pair, ses chansons ne sonnant comme aucune autre. Ce nouvel opus confirme avec brio ces qualités, et impose définitivement cet auteur-compositeur iconoclaste. Son propos, mélange d'humour et de romantisme, est tout ouvert de perspectives inédites et déconcertantes, d'une grande modernité tout en s'appuyant sur un vocabulaire un rien suranné. Son chant lascif, nonchalant à la manière d'un Marcel Kanche, est pourvu d'une grande sensualité. Crooner approximatif, il use de sa diction envoûtante sur des chansons savamment orchestrées, et arrangées avec ce brin d'excentricité qui définit une patte, un style. La couleur musicale, savant cocktail de pop et de folk déjantés, s'affranchit avec brio des chapelles. La poésie de Belin se savoure comme un bon vin, elle est rare et précieuse. www.myspace.com/bertrandbelin

Elsa Songis

Eric Nahon

Eric Nahon

Alain Birmann

BLONDEL “Mes intentions sont pacifiques”

BEN BORN

BRG

LOS CHICROS

(Autoproduit)

(Autoproduit)

(Le Grand Manitou)

(Mélodie / Abeille Musique)

Nous attendions un long format de La Chaleur du Ventre, combo parisien auteur de trois maxis qui avaient trouvé grâce à nos yeux, et c'est en solo que Dimitri Blondel exauce nos vœux. Il ne faut certes pas le déplorer, car c'est dans la continuité de l'œuvre précitée que ce nouvel opus s'invite. Mes intentions sont pacifiques est un recueil de chansons pop métissées de sonorités orientales, captées en direct lors de séances studio (et studieuses !) sur l'île d'Oléron. Le chant prégnant est mis en valeur par un mixage au cordeau, les mélodies addictives font forte impression. Des titres comme Trafic dans les Andes ou A ta bouche évoquent la chanson de Paravel, même phrasé, même sensualité du chant. Les autres titres sont du même acabit et esquissent un univers chaleureux, un écrin des plus accueillants. Il est urgent que le travail de cet artiste soit connu du plus grand nombre ! www.myspace.com/blondelmusic

Les ambiances sont celles d'une folk pop et nordique, celui qu'on prend plaisir à écouter en hiver parce qu'il réchauffe, en été parce qu'il rafraîchit, et en fait tout le temps parce qu'il donne le sourire. Ben Born tisse ses mélodies en jouant des sonorités acoustiques et électriques et en mariant sa voix douce à celle de Mari, qui officie aussi à la guitare sèche. Les chœurs, aériens, sont méchamment tripants. On pense à l'évidence pop d'un Syd Matters pour le chant en anglais (et sans accent) ainsi que pour les mélodies précieuses. Another day, c'est le disque idéal pour surfer sans fin, pour faire un barbecue au bord de la plage, ranger ses affaires chez soi, faire la vaisselle aussi… Non, sérieux, ce disque peut accompagner tous les moments de votre vie… et les rendre plus beaux ! C'est rare et précieux. Un grand moment de rêverie à découvrir absolument sur scène. www.myspace.com/benborn

C'est taillé dans le rock que Yannick Berger alias BRG, découverte des Francofolies 2001 et 2002, nous revient avec cet album sincère et énergique. D'un habillage classique, la musique reste variée et prenante, compromis réussi entre son brut et contours mélodiques brillants, à grand renfort de chœurs et de batterie puissante. Abandonnant parfois les murs de guitares pour venir épouser l'intimité d'un piano-voix émouvant, BRG s'inscrit dans un répertoire rock sensible et éclectique. Le dernier jour, au même titre que d'autres, n'est pas sans évoquer un lointain cousin francophone de Pearl Jam, par son intensité émotionnelle. Le chant, sobre au premier abord, n'en est pas moins un des atouts majeurs du disque. Portés par un sentiment d'urgence écologique (représentée par la Bird Company et son oiseau vert), plus fougueux que moraliste, les textes sont poignants, bien écrits, et savent aussi se faire légers. brg.org.free.fr

Après les maxis Back in the wild et Too cool for school, on reconnaît l'écriture parfaite de Philippe Monthaye et Mathieu Warsky, mélange sensible et accrocheur d'un savoir-faire anglo-saxon. L'utilisation d'une instrumentation riche amène des trouvailles sonores qui personnifient leurs histoires d'amours brisés relevées par des lendemains qui chantent. Dans une atmosphère sentimentale, la trame mélancolique ne plombe jamais. Ils affichent leur vision grand angle d'une pop aérienne, dansante, noisy, folk, psychédélique et tourmentée. Avec un sens de la mélodie gracile, le duo a trouvé l'astuce pour des chansons aux facettes multiples et des retournements de situation bien sentis. Approche calme ou percutante, refrains chaloupés, fulgurance rock, élégance planante. Ce disque fait tourner les têtes autant que les cœurs. La glace fond peu à peu et des lumières heureuses s'allument là où l'abattement ployait. www.loschicros.com

Rafael Aragon

Béatrice Corceiro

“Another day”

“L’esprit de l’oiseau vert”

Eric Nahon

Alain Birmann

40

“Sour sick soul”


BERURIER NOIR

THE BLACK ZOMBIE PROCESSION

(Folklore de la Zone Mondiale)

(Vampire / Kicking Rec. / Overcome)

Après leur séparation brise-cœur en 1989 et un retour sur les planches en 2003 pour une courte série de concerts électrisants, revoilà les Bérus avec du matériel tout neuf, à l'exception de deux titres parus en 2005 (aujourd'hui repris en studio). Toujours à l'affût et de tous les combats, ils n'ont rien changé à leur message d'espoir et de liberté, et ont encore des choses à dire et à partager avec la jeunesse soucieuse de se prendre en main. Les textes sont très actuels et fortement inspirés par le contexte socio-politique international. Le son, pour sa part, a connu une nouvelle évolution, tout en restant strident et fidèle à ses origines (guitare, saxo, chant, sans oublier la boîte à rythme). Même leur fascination pour l'Extrême-Orient ne s'est pas dissoute. Sur des titres comme La pluie ou Liberté, une chaleur nostalgique se dégage, portant à réfléchir et à se conscientiser sur un monde en plein changement. Un retour en force ! www.fzm.fr

Voilà un nouveau projet avec des musiciens de feu Second Rate. En l'occurrence, ce sont Sylvain Blombed et le batteur des Flying Donuts Ben Dalstein qui rejoignent la procession initiée par Nasty Samy depuis les entrailles de la terre. Qui aura fait un tour sur le webzine de ce dernier (Everyday is Like Sunday : www.likesunday.com) n'aura aucune surprise quant à la thématique vampiresque de son nouveau bébé. Intarissable en matière de films ou BD envahis de zombies et autres créatures chelous, il dévoile ici sa flamme en musique. Connaissant le bonhomme, il y a forcément du punk et du hardcore là-dessous. La voix de Sylvain donne parfaitement corps à cet imaginaire diabolique. Monstrueusement plus vrai que nature, avec un visuel qui fait honneur à cette culture, des guitares électriques à faire danser les morts et un petit coup de surf-music pour la route… Mortel. www.myspace.com/blackzombieprocession

Jonathan Tabib

Béatrice Corceiro

CORNFLAKES HEROES

CRËVECŒUR

(Greed Recordings / Cod&S)

(Drella Records / Differ-ant)

Biberonnés à la culture indie-rock américaine, ces quatre jeunes Français sont tombés nez à nez avec des personnages bizarres dans leurs bols de céréales. Du coup, ils en ont fait des chansons et elles forment ici leur premier album. Energiques et joueurs, ils savourent sans complexe leurs riffs de guitare tour à tour tortueux, élancés, tourbillonnants. Sonic Youth, Pavement, Sebadoh auront pu leur souffler le goût d'un rock biscornu, empreint de paroles plus ou moins anti-héroïques, où l'esprit caustique gratte quelques travers avec à propos. Adoptés au format lo-fi, ces morceaux passent de transe noisy à des mélodies épurées de tout artifice, un titre de pure pop ambiance à la cool, un interlude a capella et une vraie mélancolie qui s'immisce. www.cornflakesheroes.com

Elle est facile, alors autant la sortir tout de suite : Crëvecœur porte bien son nom. Wouah ! Ou plutôt… snif ! De combien de nostalgies cette musique a-t-elle bien pu s'imprégner ? Avec son chaloupement au rythme des vagues à l'âme, cette pop douçâtre brise l'indifférence et fait fondre toute insensibilité. Piochant dans la folk, le rock et même l'americana, les bases de sa composition, elle se diffuse comme un agréable venin. Ses guitares et leur jeu aride, la plainte lascive du violon, la touche céleste du xylophone, la rengaine solennelle des trompettes mariachis, plongent l'auditeur dans des ambiances tragi-héroïques, sortes de BO de western hantées par de vieux fantômes tex-mex… Entre un 16Horsepower sans chant et moins immaculé, et un Ennio Morricone en mode lo-fi, Crëvecoeur trouve une place. Tristesse et mélancolie trouvent, quant à elles, de nouveaux songwriters. www.crevecoeur.fr.vu

“Invisible”

“Off with your heads !”

Béatrice Corceiro

“We have dirt under our nails…”

“#1”

Cédric Manusset

41


DM TSI

“Break in day” (Autoproduit)

ENIGMATIK

DOCTOR FLAKE

“Un nouveu souffle”

FAYA DUB

“Paradis dirtyficiels”

(Ugop / 2Good)

(New Deal / Differ-Ant)

“World wide reggae”

Caroline Dall'o

La pop gracile et expérimentale de ce sextet montpelliérain est déroutante. Et terriblement emballante. Le groupe est né en 2001 de la rencontre d'une chanteuse lyrique et de musiciens punk acoustique. Depuis, Dm Tsi mêle habilement trip hop, pop électrique et samples rock, élargissant sans cesse le cercle de leurs sources d'inspiration. La délicate voix enfantine et jazzy de Sophie est tantôt portée par une vague planante, tantôt par des guitares rock et électrisantes, ou bien acoustiques et folk. Des rythmes africains et scratches hip hop viennent semer une petite pagaille, colorant un peu plus l'univers polymorphe et éclectique de ce premier album dont les textes sont essentiellement en anglais. La diversité des instruments (violon, banjo, guitare…) comme la qualité des arrangements a de quoi faire pâlir d'envie n'importe quelle maison de disques. Touchant, fragile, prometteur, on y croit très fort. www.dmtsi.com

Dans la rubrique "Mets d'hiver", voici le retour de notre jeune "chirursicien", un an et demi après son premier opus. Malgré un ton légèrement plus sombre, l'ordonnance reste la même : sampling à foison, basses bourdonnantes et rythmiques trip hop. La construction est basique et réfère au rock, laissant le soin aux reverb, distorsions et autres effets d'instaurer une Hypnose électrique (titre d'un morceau du premier album). Une musique truffée d'extraits de films, brodés de plage en plage en un véritable fil conducteur. Utilisées à outrance, les leçons de relaxation et autres recommandations thérapeutiques finissent par lasser et parasiter l'ambiance cotonneuse des instrumentaux, par ailleurs fort délicats. Il n'empêche que cet album enchante, bercé que nous sommes par ces mélodies neurasthéniques. Les flocons du docteur pourraient bien fonctionner comme un placebo. doctorflake.free.fr

Trois femmes unies pour l'amour du rap et R'N'B. Non, il ne s'agit pas du dernier groupe produit par TF1 ou M6 ! Les trois demoiselles d'Enigmatik sont de vrais zulettes : Salima, Faty et Aïcha ont débuté en 1997. Après différents maxis, elles sortent enfin un véritable album. Issues du quartier Barbès à Paris, les trois jeunes filles n'évoquent pas les thèmes habituels des rappeurs masculins. L'amour et les relations de couple prennent une dimension importante dans leurs vies et cela se reflète dans les textes. Les productions sont à leur image, douces et pleines d'espoirs, bien que parfois tristes aussi. Les instrus sont très classiques, ce qui donne un coté old school pas désagréable à l'album. Les flows de nos trois ladies ont le mérite d'être clairs, mais manquent parfois de précision. Mokless, Diam's et Sir Samuel viennent leur donner un coup de main appréciable pour un résultat très encourageant pour un premier album. www.myspace.com/enigmatikugop

Aena Léo

Rafael Aragon

Arnaud Cipriani

INTERZONE “Deuxième jour”

KHABAN’

LADY PALAVAS “Agent secret”

ROBIN LEDUC & THE PACEMAKERS

(LMD / L'Autre Distribution)

(Demain La Veille)

(Autoproduit)

Après leur magnifique premier album, les quatre Lyonnais n'ont rien trouvé de mieux que de s'enfermer avec matériel et hommes de mains dans une maison froide et isolée pour continuer à expérimenter et rechercher leur Graal à eux, ou comment traduire leurs émotions en musique le plus sincèrement possible et sans jamais se répéter ! Mission largement accomplie puisque l'émotion tant convoitée est plus que présente et puisque le groupe a largement élargi son répertoire musical : on peut même entendre un peu de pop et d'électricité au milieu de ces ambiances acoustiques et raffinées, tirant vers le jazz, qui font leur marque de fabrique depuis le début. Stéphane Balmino a toujours le don de nous raconter l'humanité à travers des personnages croisés çà et là, qu'il nous donne envie d'aimer dés la première écoute, ou bien à travers sa vision du monde, ultra-sensible et porteuse, à l'image de sa force d'interprétation sur scène. www.khaban.com

"Il est agent secret mon homme, c'est pour de vrai." Le ton est donné. Une petite disco rétrofuturiste qui donne une furieuse envie de twister. Sauf que l'on a du mal à twister quand on est secoué par des crises convulsives de rire. Si vous avez aimé les groupes comme La Position du Tireur Couché, Stereo Total ou les Matchboxx, vous savez dans quelle cour on joue. C'est une pop joyeuse, une disco-bossa déconnante, des paroles fantaisistes chantées avec beaucoup de sérieux et de sensualité (Cuisine actuelle). Dès la première écoute, on est conquis. A la deuxième, on danse. A la troisième, on enquiquine tous ses amis avec cette Lady Palavas qui amène un arc-en-ciel sucré dans notre pâle hiver. Quant à ce morceaux qui clôt l'album, Palavas Police d'Etat, j'en connais quelques uns qui vont le piquer pour leur MySpace ! Furieusement réjouissant. www.ladypalavas.com

A l'image de ce nom où se mélangent connotations françaises et anglophones, les compositions de Robin Leduc et des "stimulateurs" évoquent la rencontre réussie entre la chanson, le folk US et les influences plus exotiques. Avec leur banjo, wurlitzer, scie musicale et orgue, les compositions électriques du groupe trouvent une respiration originale qui offre aux textes une véritable ampleur. On connaissait déjà les talents de compositeur du monsieur pour avoir écouter un premier maxi, Tout devient fou, en 2003, ainsi que son travail sur l'album d'Austine (invitée ici sur Sans trace). La présence de Jean et Romain, section rythmique de l'excellente formation rock Hopper, peut surprendre. Mais très vite s'impose la fraîcheur d'un jeu sans étiquette et s'installe dans nos esprits le ton très personnel de Mr Leduc. Un beau voyage ludique et atypique au pays de la chanson française ouverte sur le monde. www.robinleduc.com

Eric Nahon

Caroline Dall'o

(Barclay)

ZONE LIBRE “Faites vibrer la chair” (T-Rec / Anticraft) L'oud de Khaled AlJaramani et la guitare de Serge Teyssot-Gay poursuivent leur dialogue interculturel en InterZone, entre le mode traditionnel oriental et les dissonances électriques du rock. Si avec cette deuxième livraison, l'effet de surprise s'estompe, le sentiment de plénitude (chez les musiciens comme chez l'auditeur) reste intact. Un sens du jeu et de la recherche que le duo étend à ses invités, vecteurs de nouvelles sonorités (cordes, chants, percussions). Teyssot-Gay conforte son goût de l'expérimentation, ou de l'expérience tout simplement, chez Zone Libre, trio formé avec Marc Sens (guitariste chez Tiersen, Red, etc.) et Cyril Bilbeaud (batteur de Sloy). Le ton y est plus sombre, rugueux, entre urgence et lyrisme. Dans les deux cas, l'abandon est absolu, le voyage sans retour. www.sergeteyssot-gay.com Bruno Aubin

“Un autre émoi”

PP

42

(No Format / Universal Jazz)

Il existe en France plusieurs approches du reggae : pour le meilleur parfois, pour le pire souvent, la transcription des messages jamaïcains en français donne lieu à de la naïveté coulante difficilement supportable. Reste l'universalité de cette musique, par définition cosmopolite. Et ça, Faya Dub l'a bien compris ! Ce troisième opus instrumental est tout simplement un régal que l'on soit friand de délicatesses techniques ou tout simplement de vibe chaloupante. Revenant à la source de cette musique, quand jazz et reggae ne faisaient qu'un, les huit Parisiens nous embarquent à bord de compositions au sein desquelles flirtent tradition et originalité, à l'image du magistral Bosnia où l'Europe de l'Est, avec le violon et l'oud, rencontrent l'île de Zion. Un beau voyage au cœur de l'essence de cette musique intemporelle. www.fayadub.com


LA HURLANTE s/t

(Autoproduit)

IMPROVISATORS DUB

Vous qui depuis trop longtemps faites la sourde oreille, La Hurlante devrait vous aider à rétablir le contact. Le contact avec la réalité, celle peu glorieuse de ce début de siècle, qui ternit l'existence et s'acharne sur le sort de toute une génération. Ecœurés par l'état des lieux, ces Grenoblois s'insurgent contre les injustices à travers des textes "coups de poing" où la colère prend part à la dénonciation. Leur prose, lucide et amère, dépeint une société dévorée par le ver mercantile, en proie aux effets pervers de l'argent, et remet en question les rapports humains et leurs hiérarchies. Musicalement, le groupe opte pour un rock finement métallisé où guitares et violons font bon ménage (quelques riffs rappellent les premiers dEUS), mais il sait aussi rendre l'atmosphère plus vaporeuse, lorsque le propos le requiert. Un vent de révolte souffle sur cette œuvre prometteuse, attention : avis de tempête ! lahurlante.free.fr

“Rrummmble”

Cédric Manusset

Bruno Aubin

(Uncivilized World)

Déjà treize ans de carrière pour les Impros, dont l'histoire et les différentes formations ont influé sur le parcours et la création. C'est désormais à quatre que le groupe se présente. Forcément, Rrummmble s'en ressent et s'appuie sur les qualités intrinsèques de chacun : l'assise de la basse, ce toucher aérien à la batterie, le goût des sons électroniques, le bidouillage au mixage. Après l'ouverture aux autres (Russ D au mix de Dub & mixture, les vocaux de Ras I et Humble I sur W.I.C.K.E.D., Highvisators avec High Tone…), retour donc aux fondamentaux, pour un dub brut, minimaliste, modeste, voire vintage, plus en rapport avec la scène anglaise que la tradition jamaïcaine. A défaut d'innover (mais ils ont déjà tout fait, livrant des albums à chaque fois différents), les Impros jouent la carte de la valeur sûre, ce qu'ils incarnent assurément ! www.improvisatorsdub.net

CLAIRE LISE

MAAT

(Tacet / Mosaic)

(Maat Music / Mosaic)

Cette jeune femme de 27 ans, auteur compositeur interprète, n'en est pas à un coup d'essai : C'est pas grave, son premier album, a été enregistré en 2000. Puis est sorti, en 2003, le 4 titres Je suis blonde. Voilà qui est dit ! Dans la même veine qu'Agnès Bihl ou Zoé, autres blondes pétillantes de la chanson, voici donc Claire Lise et son univers fait de drôleries, de sentiments, de tranches de vie. C'est dimanche ! nous narre avec humour la triste journée de l'épouse d'un pêcheur alcoolique, L'ogresse décrit le quotidien d'une femme laide vivant avec ses chats, en attendant l'amour qui ne vient pas. Tralala est une réécriture au féminin du Je bois de Boris Vian, L'état des choses est chanté en duo avec Georges Moustaki. Sur une musique jazzy ou cabaret, vive ou lascive, joyeuse ou plus mélancolique, Claire Lise nous donne à écouter quinze belles chansons. En tournée française dès mars 2007. www.myspace.com/claireliseband

D'entrée de jeu, ça frappe et ça cogne, avec un titre rageur et incisif, qui donne son nom à ce premier album fébrilement rock. Le quatuor, originaire de Besançon, s'est formé en 2003 et a dû affronter la mort brutale de Manu, son batteur. Fre intègre le groupe, où officient Cyril au chant et à la guitare, Laurent à la guitare et aux chœurs, Ghis à la basse. Un 5 titres, La France, sort en 2005. Avec On m'a dit, Maat va à l'essentiel, jouant une musique efficace, énergique, sans concession. Les textes sont vindicatifs, engagés, écorchés, parfois désespérés. La mort, comme une menace, y plane souvent. Laissant de côté, de temps en temps, les gros sons et les rythmes alertes, Maat nous propose des chansons plus confidentielles, au chant et à la guitare, comme Abstinence, Les anges ou Souffre douleur, qui clôt l'album sur une note triste et touchante. Le groupe est en concert actuellement. www.myspace.com/maatrocksite

“Champagne et tralala”

Elsa Songis

“On m’a dit”

Elsa Songis

43


LAURENT MADIOT

FLORENT MARCHET

“Le bal des utopistes” (T’inquiète Prod. / L’Autre Distrib.)

“Rio Baril”

MALIBU STACY

MINIMAL ORCHESTRA

(Barclay / Universal)

“MO”

(Ozore Age / Pias)

Du bol, sa voix ne rappelle personne. Chance, son style n'est pas non plus calqué sur quelqu'un de connu. Bref, voilà un original dans le sens noble du terme. Déjà assez rare pour être souligné ! D'ailleurs, l'énergumène est un échappé des Fouteurs de Joie, quintette humoristique. Il est également l'auteur d'une comédie musicale : Le petit monde de Georges Brassens. Mais en solo, Madiot fait des chansons entre pop et rock, à la guitare, s'entoure de fins musiciens pour les habiller et d'un bon réalisateur (Alain Cluzeau) pour les enregistrer. Tout à tour, il est rêveur écolo, bête de sexe, amoureux éconduit ou voyeur ; et quand il propose une berceuse, il nous chante : "Fais ton rot citoyen, tu vas tout avaler, il faut pas recracher". Plus loin, il évoque une pratique d'antan ("Laissez couler, faîtes chabrot") et se fait philosophe : "La vie est une cadence ; on n'est fait que de sexe et d'eau, grosso modo !". www.laurentmadiot.com

“G”

Serge Beyer

Patrick Auffret

Attention : grosse claque dans la tête ! Non seulement ce petit moineau à la voix souchonnante évite "l'écueil du second album", mais il nous offre une œuvre ambitieuse, littéraire et musicale. En deux mots : totalement emballante ! Avec Rio Baril, Florent Marchet nous plonge dans un village de la campagne française. C'est un western filmé par Chabrol. On y parle des aléas de la vie moderne et notamment de la vie en appartement (J'ai 35 ans, superbe), ou d'une lecture fantasmatique de notice de médicament qui glace le sang (La chimie). A travers tout ça, une histoire. Celle d'un homme qui revient dans le village où il a grandi. Il y est aussi question d'un flingue et de l'ouverture du journal de France 3. Faits divers et sentiments se confondent, de même que les textes de haut vol se confondent avec des musiques aux rythmiques bétons et aux orchestrations soyeuses. Evidemment, tout ça finit mal. Pour notre plus grand bonheur. www.florentmarchet.com Eric Nahon

ON S’FAIT UNE BOUFFE

GERARD PALAPRAT

THE PENELOPE[S]

PETIT VODO

(DBC / A Rebrousse Poil)

(ABS Music)

(Citizen Records / Nocturne)

(Lollipop Records / Pias)

On ne vous le cachera pas : les premières notes de ce deuxième album font beaucoup penser aux Têtes Raides : même voix déclamatoire et poésie du quotidien tendance néo-réaliste. Le truc ? Le groupe, né à Marseille il y a cinq ans, s'en éloigne vite et surprend. Les textes sont au centre de leurs compositions, habillés essentiellement de chanson avec quelques accents rock. Pourtant, c'est surtout dans l'instrumentation que la poésie se cache, et c'est leur tour de force. Tour à tour, l'accordéon, le piano, les percus et le xylophone ont leur part du rêve, s'accordant des envolées pétries de lyrisme, qui prennent littéralement aux tripes. Comme si les musiciens, en leur laissant plus de place, avaient fait un pas de côté pour regarder la vie avec plus de distance. Les percus s'africanisent, les rythmes changent, flirtent avec le jazz, s'éloignent des codes de la chanson pour y revenir avec une maturité bienvenue. www.onsfaitunebouffe.com

Oui, le nom vous évoque les années 70 / 80 et c'est logique : c'est bien le même Gérard que l'on retrouve aujourd'hui avec bonheur (d'ailleurs, l'entêtant Fais moi un signe est ici revisité en bonus). Loin d'avoir jeté l'éponge, notre homme n'a jamais abandonné la musique (si vous pouvez dénicher l'épuisé S'aimer davantage d'il y a cinq ans, vous ne serez pas déçus !). La voix est intacte, aérienne, angélique, et les nouveaux titres imparables : les mélodies ciselées, efficaces, savent se faire punchy et les textes sont souvent forts et profonds (Confession tolérante, L'unique lueur, I shin den shin : de mon âme à ton âme), mais aussi tout à fait actuels (La milice), voire en forme de clin d'œil (C'est pas la fin du monde). Une excellente nouvelle que ce retour ! Petit cadeau Longueur d'Ondes : pour télécharger gratuitement un titre de cet album, rendez-vous sur www.absmusic.fr/longueurdondes.

C'est la curiosité du moment sur le label de Vitalic. Il y a tous les ingrédients : un nom original, une biographie qui sent le soufre pour deux gars issus du nord de Paname. Sur Demian, le son est assez proche des dernières productions de Roÿksopp. Instruments analogiques et guitares. Le premier EP, enregistré en condition live, fut joué à la BBC ! Et puis Helmut Geier le boss d'International Deejay Gigolo, vétéran de la techno allemande toujours à l'affût des bons coups, les prend sous son aile et les signe suite à leur démo. Début des hostilités en Europe et en Amérique du sud. On y trouve Dierdre Dubois, la chanteuse de feu Ekova sur le titre Demian et Samy Birnbach, aka DJ Morpheus et chanteur de Minimal Compact, sur le titre In a storm. Basse et harmonica absolument scotchants. Avec en prime un remix par The Hacker ! www.thepenelopes.com

Dix ans que l'homme-orchestre arpente les chemins du blues déjanté et expérimental. Aujourd'hui ouvert aux autres, il peut compter sur une pléiade d'invité, dont Guillaume, l'un des deux The Film, formation avec qui Petit Vodo partage un même port d'attache, à savoir Bordeaux. Musicalement parlant, ce disque triture les racines du blues, notamment en samplant quelques-uns de ses plus vénérables représentants (RL Burnside, T-Model Ford…). A l'écoute, on est d'abord surpris par l'entraînant et classique Updownday puis séduit par Please sister, un titre à la Frank Black. L'identité de Petit Vodo tient beaucoup à sa voix profonde. Elle fait ressurgir les fantômes du Mississipi. On tape du pied à l'américaine, sur des rythmes très country, ou l'on écoute, avec une once de frayeur, les incantations inspirées de ce surprenant petit Tom Waits à la française (Skip James at paradise). vodo.free.fr

Serge Beyer

Fred Huiban

Patrick Auffret

“Un pas d’côté”

(62TV Records / Atmosphériques)

A la manière d'Actarus pour Hollywood Porn Star ou de Do you read me pour Ghinzu, ces Belges peuvent s'appuyer sur un titre énorme, Los Angeles, fourni ici avec son clip tourné en ville, pour imposer leur musique. Avec son nom emprunté à une poupée (une parodie de Barbie pour les Simpson !), son côté arty implacable et ses mélodies imparables, Malibu Stacy est même la frite de l'année ! La production est italienne, les compositions power voire brit-pop, fourmillent de trouvailles mélodiques et entraînantes, la rythmique est toujours enjouée. Bref, la mayonnaise prend indéniablement. Parfois, cela touche même à l'hystérie (VHF-UHF). Quelques bémols cependant, ce sentiment de trop bon élève de l'école belge, une identité sonore peu originale, mais efficace. Un disque néanmoins largement au-dessus du lot. www.malibustacy.com

“I shin den shin”

“The arrogance of simplicity”

Aena Léo

44

La plus grande qualité de ce premier album du trio toulousain, et ce n'est pas la seule, est de nous surprendre : usant de leurs machines pour (dé)construire des rythmes tantôt groovy, tantôt free, Minimal Orchestra a choisi de s'amuser a nous égarer dans le labyrinthe stérile des étiquettes. Si le style électrojazz vient à l'esprit lorsque l'on considère le line-up (machines, contrebasse, batterie) et la liberté d'aborder la composition, l'atmosphère générale de cet album de douze titres nous fait davantage penser à un grand terrain de jeu pour amateurs de sons insolites, entre drum'n'bass et électronica, où se rencontreraient Bugge Wesseltoft et Aphex Twin. Avec des plages qui dépassent souvent les six minutes, Minimal Orchestra offre sur cet opus une expérience musicale à laquelle il faut accorder le temps nécessaire pour en savourer les délicatesses. www.myspace.com/minimalorchestra Caroline Dall'o

“Paradise”


MIRO

“Le vainqueur jaloux” (Chromatic Production)

MATT MOERDOCK

Groovy, crazy, avec ses petites intonations vocales qui rappellent un peu Mathieu Chédid, Miro déboule avec son disque le plus ambitieux à ce jour. Entre orchestrations épiques et ambiances envoûtantes (le musical Autostrada, est une sorte de blues chamanique bluffant), ce petit bonhomme n'oublie pas ses premières amours : les chansons bricolées (en apparence !) avec trois bouts de ficelles et des rythmes décalés parsemés de sons électro-pop. Sans oublier les aphorismes tutoyant le génial sur la pochette ou en intro des chansons : "Tout ce gâchis d'efforts et d'études pour apprendre qu'à la fin, il ne faut pas penser". Parfois, il chante en anglais comme sur le très bon Poverty, un folk mutant éclairé de saxo en folie. Et si vous possédez le CD, vous pouvez télécharger la deuxième face, avec onze chansons supplémentaires, comme ça, rien que pour vous. Miro vainqueur, ça va faire des jaloux ! www.miromaispasourd.com

“D’art de ville”

Eric Nahon

Arnaud Cipriani

OLIVIER SAVARESSE

SCRATCH MASSIVE

(Autoproduit)

(Chateaurouge / Nocturne / Kompakt)

La caresse des vagues sur le sable. Un klaxon au milieu de la rumeur urbaine. Le bruit de fond de France Inter… Pendant des années, le musicien a collecté des sons quotidiens qu'il a parsemés au fil de ce troisième album en forme de road-movie. Celui d'un personnage dont on suit, d'un titre à l'autre, la déchéance sentimentale, l'ennui au travail, la vie "de petit spleen en petit spleen". Une mélancolie par laquelle on se laisse happer, captiver par la guitare hispanisante, l'enchaînement des ambiances sonores diverses et cohérentes, tantôt rock, électrico-planantes ou nuageuses. Pas tout à fait ici, ni vraiment ailleurs, les morceaux naviguent entre les genres, ouvrant la porte à l'imaginaire. La voix de Savaresse, calme et triste, parfois soutenue par un chœur féminin, rappelle Dominique A. Comme lui, il déroule une suite de parenthèses de vie, un voyage introspectif à la fois familier et dépaysant. www.myspace.com/osavaresse

Ce duo mixte et parisien n'a jamais aussi bien porté son nom : leur second opus décape, râpe et s'avère redoutablement tranchant ; mais c'est un disque tout aussi délicieusement mélancolique. Prenez Girls on top, ce micro tube sorti précédemment chez les Allemands de Traum, situé entre électro, breakbeat et new beat, une véritable tuerie pour dancefloor malin. Et ces retours de noisy pop, avec réminiscences de My Bloody Valentine sur Soleil noir, ou la cover néo romantique du Three imaginery boys de The Cure… Subtil. Le tout calé sur des beats implacables, car leur son est irréprochable ; pas étonnant quand on sait que Moritz Von Oswald (Chain Reaction, Maurizio…) assure le mastering : précieuse présence. Ca n'arrive pas souvent, mais impossible de choisir si l'écoute sera plus agréable en version domestique ou en club. Optez pour les deux. www.myspace.com/scratchmassivegroup

“Au milieu de nulle part”

(Hillmouse Music)

Voilà un MC qui n'a pas vraiment sa langue dans sa poche avec ses "frères" rappeurs (sortez des rangs). S'il ne s'est pas fait que des amis, il l'a toujours assumé, notamment en sortant son précédent album en kiosque à prix bas. Résultat, il passait à l ‘époque un peu inaperçu, Matt Moerdock en profite donc aujourd'hui pour le rééditer. Le nom de son album est inspiré par le monde des comics américain (Daredevil), qui donne une dimension fantastique et originale plaisante. Willy Wizz à la production vient confirmer ce parti pris d'originalité avec des morceaux variés et léchés. Matt Moerdock nous livre un album homogène de 27 tracks (!) ponctués de rares featuring. Son flow clair oscille entre rap dur, ragga et même Saïan Supa style. Etonnant, Matt rappe aussi bien en français qu'en anglais. Un disque à ne pas laisser passer… www.mattmoerdock.com

“Time”

Seb Broquet

Aena Léo

45


YANN SEUL

SUKI BROWNIES s/t

JON SMITH

SONIC ANGELS

“Times are changing”

(Autoproduit)

(Odette Productions)

(Speed Records / Mosaic)

Il vient de Bordeaux et a tous les attributs du faiseur de pop made in Gironde. Un disque sorti chez Odette productions, label bien connu des Bordelais, mais pas des autres, des collaborations avec les orfèvres étiquetés "bords de Garonne", Calc et Pull, un goût revendiqué pour les orchestrations de bric et de broc. Ces orchestrations approximatives, c'est justement ce qui fait le charme de ce troisième album. Mais, c'est aussi sa plus grande faiblesse. En clair : on est séduit par le timbre du garçon et de sa comparse, Déborah, par son chant en français mais pas niais, par ses orchestrations pop "à l'anglaise". Mais il y a des fois où le tout laisse comme un goût de cru déclassé. Un coup, c'est une ligne de piano trop lourde, un coup c'est une guitare qui fait cheap, un coup c'est une chanson dont on se demande ce qu'elle fait là (Je pars). Gentiment inégal, mais pas inintéressant. www.jonsmith.raspage.com

Marc-Angel, chanteur guitariste et Sylvia Angel, bassiste choriste, forment depuis 2004 l'ossature de cette formation punk-rock à batteur(s) variable(s). Melody a d'abord remplacé Pascaline, et Tibo est venu pour l'album. Depuis, les deux jouent parfois ensemble ! Mais pas d'ambiguïté, les anges soniques ne sont pas là pour tenter une expérimentation à la Sonic Youth. Au contraire, tout est parfaitement maîtrisé dans la grande tradition énergique des Ramones et autres Stooges. Enregistrés à Madrid par Norah Findlay, ces douze titres ne laissent guère le temps de souffler, si l'on excepte un Why don't you see ? tout en retenue, sans pour autant devenir lancinant. Le combo va à l'essentiel. Du rock garage à l'ancienne, avec perfecto et jupes en cuir, qui vient du Sud (ils sont de Montpellier) et qui a déjà tourné en Espagne, Italie, Allemagne, Hollande… www.sonicangels.com

Il suffisait d'une chanteuse venue d'outre-Manche pour écrire des textes dans la langue de Shakespeare et voilà Suki Brownies prêt à marcher sur les plates bandes de la pop anglo-saxonne. Echappé de la région lyonnaise, le trio officie depuis 2004 pour mettre au point son premier album éponyme, délice pop rock aux sonorités british. Là où beaucoup de groupes français se sont cassés la gueule à vouloir imiter les Anglais, la formation réussit à créer sa propre personnalité et à se détacher d'un modèle usé par le temps. Les guitares tranchantes du rock 90's et les riffs acérés du grunge enrichissent encore les compositions sur lesquelles l'exquise demoiselle pose sa voix sucrée et mélodieuse, pour nous parler d'enfermement, de liberté, de crise de l'identité et d'aliénation, thèmes récurrents tout au long des dix pistes. Valeur montante de la scène rock indépendante française, Suki Brownies va faire parler de lui ! www.sukibrownies.com

Eric Nahon

Bastien Brun

Patrick Auffret

Yann Guillou

JONATHAN VERLEYSEN “Si j’étais sympathique”

VERSARI “Jour après jour”

LOUIS VILLE “A choisir”

ZO ET LES DENTS DE SCIE “Sous mon pébroque”

(Les Disques en Chantier / Musicast)

(T-Rec / Anticraft)

(Autoproduit)

(Anolis Music)

Un filet de voix est, la plupart du temps, un handicap. Concernant Verleysen, à l'instar d'un Jean Bart ou d'un Mathieu Boogaerts, il participe à esquisser une chanson aigre-douce, exigeante et raffinée. Pour ce premier album, le choix de mélodies pop et souvent guilleret est bienvenu, et accompagne idéalement un propos flirtant avec la dérision, voire l'autodérision. Un tel postulat n'est pas sans conséquence, à une époque où il est de bon ton de se présenter sous son meilleur jour, où il est nécessaire de se la jouer pour fédérer. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Jonathan Verleysen n'a pas le profil du compétiteur, on ne succombe pas d'emblée au charme de ses chansons délicates, il est indispensable de prendre son temps, de procéder à une écoute attentive, sous peine de passer à côté de textes savoureux. Mais une fois que le charme opère, Si j'étais sympathique monopolise la platine. www.jonathanverleysen.com

Né sur les cendres de feu Les Hurleurs, le trio (du nom du leader Jean-Charles Versari) publie un premier opus aux saveurs capiteuses. Creusant le sillon d'un rock atmosphérique et mélancolique cher à nos cœurs, ces onze titres, au spleen élégant, rayonnent de mille feux. Ce résultat est l'œuvre conjuguée d'une écriture érudite et sous hautes influences (Tindersticks, Mark Eitzel, Mazzy Star, Joy Division…), et d'une production raffinée signée Ian Caple. Le trio, composé, outre le chanteur précité, de l'ex-Sloy Cyril Bilbeaud (batterie) et de l'ex-Clem Snide Jason Glasser (violoncelle, basse), en impose par sa capacité à donner chair à ces chansons chargées en émotion. Des invités talentueux ont apporté leur pierre à l'édifice : Jean-François Pauvros (guitares), Pascale Daniel, Joseph d'Anvers (chœurs), etc. Avec un tel album, Versari est assurément sur le bon chemin. www.versari.org

Il y a du Arno chez ce type-là. Mais pas seulement. Ca commence avec un hymne à l'amour, porté par des guitares orientalisantes et des violons charmeurs. Ca continue avec des envolées rock où s'invite un jazz rieur, des banjos troublants, une contrebasse et des percus expressives. Mais c'est d'abord la voix de Louis Ville que l'on prend comme un coup de poing en pleine face. Une voix rauque, gitane, enfumée, qui clame une poésie incandescente et raffinée. Louis aborde sans détour la vie, sa noirceur, ses tempêtes… et les femmes. Jouant avec les mots pour dessiner une ironie fine et jamais frontale, il gueule, crie, exhorte, s'adoucit parfois pour une ballade à vif, où il dévoile ses fêlures. Son charisme évident et torturé rend le personnage d'autant plus attachant. L'accompagnement rock est parfois mâtiné de cordes apaisantes, qui apportent encore à la diversité de ce troisième album brut et direct. www.louis-ville.com

Alain Birmann

Aena Léo

Mais qu'est-ce que c'est que ces deux lettres ? Zoo, zoolithe, zonard… Ou peut-être, la contraction de Zouave Observateur. Quand il évoque une fille qui se fait la male au matin, Zo parle en fait de la grimace d'un clown. Ses casses-têtes chinois se mettent à la chanson d'amour, et la vie prend avec lui le look d'un vieux vélo. Vous l'aurez compris, le pari de cet album est de mettre de la folie dans le quotidien, du fantastique sous les parapluies et du surréalisme dans les insomnies. Julien Belliard, auteur des textes, y parvient haut la main. Le groupe est né de sa rencontre avec une bande de musiciens qui partagent le même goût de la mélodie pop. Guitare, contrebasse, swing, jazz et autres sons cristallins colorent la voix à la Gérald de Palmas de Julien, qui s'en trouve sublimée. L'osmose de leur accompagnement coloré et des textes foutraques donne un premier disque extravaguant, mélancolique, et prometteur. www.zomusik.com

“Bonnes manières, mauvaise haleine” (Linoleum) Il avait sorti un premier disque chez Pop Lane. Une crise du disque et un dépôt de bilan plus tard, Yann Seul revient en artisan d'une chanson pop fine et travaillée (encore, oui c'est la saison). Il a une petite voix sympathique qui fleure bon la nostalgie. Impression renforcée par ces mélodies oscillants entre le folk d'Elliott Smith et celui de Voulzy (non, ce n'est pas un gros mot). Ces musiques, on les retient immédiatement grâces aux petites trouvailles scintillantes (le son d'orgue, les chœurs discrets…). Si l'on plonge dans les textes, c'est pour se retrouver dans un spleen plein d'ironie distanciée. Des petites vignettes charmantes en diable qui parlent à tous les amoureux de musiques anglaises (notamment sur "le syndrome de Pete Best"). A noter : vous pouvez vous procurer son disque en lui écrivant via son MySpace. 10 euros, frais de port inclus. Ca c'est de l'indépendance. www.myspace.com/yannseul

“Les oiseaux migrateurs”

Aena Léo

Alain Birmann

46


AEL “Un chien zadopeter je veux” (Autoproduit) Enfin un artiste vraiment drôle, original, doté d’une forte personnalité et avec une réelle valeur ajoutée sur scène. Ce guitariste ACI, entre l’excellent Wally et la très gracieuse Anaïs, entre stand up et chanson, explose sur scène et épate par sa virtuosité : jongleur de mots, mélodiste et saltimbanque né. Son CD est une réussite, mais c’est sur scène qu’on l’apprécie à sa juste valeur. www.aelmusic.net JK

Manset, en plus rock. Pour son sixième disque, Daran se remet une nouvelle fois en cause. Un album-ovni comme on n’en fait plus depuis des lustres ! www.daran.free.fr SB

EN BREF

FRED ALPI “Se reposer ou être libre” (Nidstäng / Fairplay) Troisième album pour le Franco-Suédois “libertaireamoureux”, qui propose en plus des 14 morceaux du CD, une vidéo mêlant live et interview. Assagi le Fred ? Certes pas ! Même si la formule choisie ici est duo acoustique (avec Gilles Fegeant), l’énergie rock est toujours là et les mots saignants aussi ! www.fredalpi.com SB LES BELMONT “Bijou” (Autoproduit) Amateurs de garage foutraque et costumé, Les frères Belmont maltraitent leurs guitares avec conviction. Au-delà des riffs, une nappe d’orgue psychédélique vient contrebalancer une section rythmique prise de convulsion. Sur scène, c’est paraît-il encore un peu approximatif, mais pour sûr inoubliable quand on aime le punk, la bière, l’énergie et la sueur. En tout cas, sur disque c’est bingo. www.myspace.com/lesbelmont EN BERTRAND BETSCH “La chaleur humaine” (Pias) Il n’a jamais été joyeux et se prend un peu au sérieux. Ca ne l’empêche pas de faire de jolis disques aux rythmes lents, parfois lancinants. Les paroles, pas gaies, sont de celles que l’on évitera d’écouter un dimanche en fin d’après-midi, quand la lumière baisse et qu’il pleut. Sinon, c’est beau et sa voix y est pour beaucoup. Ainsi que les arrangements de cordes. Mention spéciale pour J’aime bien, une déclaration d’amour très sexe ! www.myspace.com/bertrandbetsch EN BLOODY OLD CHAP (Autoproduit) Originaires de Strasbourg, Matthias Girbig et Julien Ruhl se retrouvent à Paris en 2003. Influencés, entre autres, par Radiohead et Tom Waits, ils créent une musique électro-rock hybride, fruit de “la rencontre fortuite d’un singe et d’un robot au beau milieu d’un désert texan.” On baigne dans un environnement sonore hétéroclite, aux climats très cinématographiques. www.myspace.com/bloodyoldchap ES DARAN “Le petit peuple du bitume” (XIII Bis Records) Amis de la zapette, oubliez ce CD. Auditeurs d’NRJ, c’est pas pour vous non plus. Ici les titres oscillent entre 5’21” et 9’29” et ils s’écoutent enchaînés comme une entité ; on y plonge, on s’y perd, on en ressort plus riche et heureux, mais on ne peut pas juste les survoler. Un univers de qualité proche de

(CO)-PILOT “Future is rock ?” (Autoproduit) On est immédiatement dans le vif du sujet avec The new pulp, titre new-wave enlevé et précieux. En cinq titres très différents, ce duo méridional parvient à imposer une atmosphère en rupture noyée de nappes synthétiques et souvent enjouée. La voix de Vincent, moulinée à l’ordinateur, monte haut et se répond parfois ; chacun de ces cinq titres résonnant finalement comme un petit hit à l’anglaise. www.copilot-music.com PA

MAXIS

HIDE PARK CORNER “Hotel Slavija” (Megaphone / Anticraft) Le combo grenoblois s’enflamme pour un rock virulent chanté en français, descendant de Noir Dez, Eiffel & co. Dans ce premier album brûlant, la poésie laisse place à des passages instrumentaux où la guitare s’illustre. Il y a aussi quelques évasions plus calmes s’inscrivant au final dans une unité de ton constante. hpc.lesite.free.fr BC

DAISYDUKE (After Before) Fondé en 2004, ce quatuor joue un rock dense et sombre, alliant force des guitares et puissance des machines. L’univers musical est ouvert et multiple, faisant se côtoyer riffs hardcore, rythmiques pulsées, sons synthétiques et chanson pop. On pense à des Thugs électro ou à un Mecano techno, ils se réfèrent à The Notwist et Nine Inch Nails. 4 titres en écoute sur le site du label. www.after-before.org ES

KALIMBAZAR “Kalimbazar” (Autoproduit) Plus doux que le rap, plus lyrique que le slam, le talk over est à l’honneur sur ce disque très original, aux 8 titres étonnants et contrastés. Yasmina livre des textes personnels, engagés, posant et rythmant sa voix sur les illustrations sonores d’Olivier et de Victorio. Se jouant des genres, Kalimbazar met nos sens en éveil, nous fait nous révolter, nous émouvoir. www.myspace.com/kalimbazar ES

GLASNOST “Boomerang” (Autoproduit) Les étoiles de Saintonge brillent toujours sur ce maxi 4 titres édité en vinyle, capté au Black Box. Une merveille de rock écorché, excité et explosif. Les mélodies vont droit au cœur, les trouvailles sonores procurent d’agréables surprises (le piano survolté de “Parasite”). Un talent d’écriture sans complexe à découvrir d’urgence. www.glasnost.fr.st BC

KANKA “Alert” (Hammerbass / Nocturne) Deuxième album pour le Français qui, après Don’t stop the dub, revient avec un opus plus hypnotique mais toujours attaché au style stepper cher aux Anglais. A noter la présence de Brother Culture, le MC de Brixton, sur cinq des dix titres, ainsi que celle de MC Olivia, tous deux déjà présents sur l’album précédent. www.kankadub.com CD’O PHIL PACE “There’s a place” (Codaex / Daruma) Ce rockeur marseillais pourrait presque être anglais. Ses chansons folk-rock sont sympathiquement pop, assez pour passer sur les ondes sans déranger. Les guitares, acoustiques et électriques, sont bien mises en avant et sa voix, légèrement veloutée, fait des merveilles sur certains titres. Encore meilleur à la deuxième écoute. www.myspace.com/philpace EN

THE GRASS WIDOWS (French Toast) L’Anglais Chris Bartlett a posé les pieds en France et nous sert une jolie folk-pop enivrante. Amoureux de la musique de Dylan ou Neil Young, bien entouré par des musiciens de la scène parisienne (Jonathan de Syd Matters), il propose son regard introspectif ou une invitation alerte sur des tons plus électriques. Il chante notamment la nostalgie de sa maison natale… www.frenchtoast.org BC

RODRIGUE “Le jour où je suis devenu fou” (Autoproduit) Un petit côté Cali pour la ferveur, un soupçon de Brigitte Fontaine pour le grandiloquent et la sensualité, mais surtout une grosse influence Higelin pour l’écriture poético-barrée, pour les compos au piano déjanté, jusqu’à la voix éraillée qui évoque le grand Jacques. Mais certains morceaux s’en éloignent et c’est sûrement la voie à suivre : Etre humain, 69 degrés ou Sexy fix. www.rodrigueweb.com SB

IKU “Urban’s crack” (Autoproduit) Deuxième maxi pour ce groupe de rock fiévreux qui enflamme les clubs indies de la capitale depuis 2004. Ces quatre nanas cultivent une veine grungy sur laquelle planent des mélodies rageuses. Les riffs saturés s’entrechoquent, la voix bouillonnante d’Akasha chahute furieusement nos oreilles en taquinant les aigus. Une plongée dans le son garage des années 90 brute et rafraîchissante. www.iku.fr AL

UZUL PROD “Travelling without moung” (Expressillon / Discograph) Oriental dub, quand tu nous tiens ça donne des envies de voyages. Uzul y ajoute un sens industriel de l’entêtement, où viennent quelquefois se frotter des airs d’EZ3kiel. Stéphane alias Uzul est aussi le machine man du groupe Kaly Live Dub et membre actif de Hybrid Sound System. www.myspace.com/uzulprod VM

LADYBIRD “In a sky made out of gold” (Stitch Stitch) Les battements d’ailes de cette coccinelle conduite par Victor ont plus d’un tour dans leur sac. Sa pop bucolique et intime est un trésor à passer à son

47

voisin pour le rendre heureux. Un partage charmeur et enjoué sur 45 tours et CD maxi. www.myspace.com/ladybird00 BC

MICHIKO 66 “Septembre” (Autoproduit) Au virage de la quarantaine, Jean-Michel Marchand, programmateur du festival Nevers à Vif, ressent le besoin de créer sa musique. Ravivant les influences folk-rock américaines de sa jeunesse, il compose à la guitare des complaintes simples et touchantes, qu’il fait chanter par Doris Noël. Envoûtants et intemporels, les 6 titres prennent aux tripes et nous font voyager. www.myspace.com/michikoforever ES SEMYORKA “In my room” (Autoproduit) Le trio parisien frappe dans la diversité : brûlot power-pop, ballade sensible, secousses pop-punk nourrissent ce premier EP. Adeptes d’un rock énergique à l’américaine avec un penchant pour les mélodies persuasives, les musiciens peuvent faire mouche aussi bien en puissance qu’en délicatesse. www.semyorka.com BC SLEAZY DAYS “Evolution” (Autoproduit) Cet EP aux couleurs électro-pop boostées par des sonorités new wave annonce le meilleur pour le second album du groupe, prévu mi-2007. Prenant une direction plus rock, les six titres unissent synthétique et électrique sur fond de mélodies pop, dans une atmosphère sombre et mécanique. Un mélange des genres envoûtant et décomplexé, à l’image de l’excellent A job. On attend la suite avec impatience . www.sleazydays.com YG WEACE “Emergency supply kit” (Autoproduit) Ce trio tout neuf n’est pas composé d’inconnus : se réunissent sous l’étiquette Weace les trois larrons bien inspirés nommés Boris Kulenovic (Meï Teï Shô, Susheela Raman), Black Sifichi, voix poétique et très sollicitée, et David Sztanke (Mike Ladd, Spontane). Le Peuple de l’Herbe les a repérés, et placés sur la nouvelle compilation Supadope. Un maxi démo circule, les concerts débutent, et leur solution électronica hip hop exulte : à suivre de très près. www.myspace.com/weaceweace SBr YEP (Autoproduit) Premiers pas discographiques pour ce duo originaire de la région de Perpignan, premiers échos d’une électro qui lorgne du côté de Goldfrapp. Le chant d’Anne-Erell, par sa capacité à épouser le tempo langoureux, est séduisant, notamment sur Remember. Ensuite, seconde facette du projet, le chant s’efface, laissant libre cours à un enchevêtrement de sonorités expérimentales aux vertus psychédéliques. A découvrir ! anne_erell@hotmail.com AB


COPINAGES.COMChère MOTIVÉS ? Comme Musiqualité.net, comme M-la-music.com ou comme… Longueurdondes.com, Hexalive.com défriche les “petits groupes” qui arpentent les scènes de France. Au menu : Les Notaires, Riké, Bistalanque… Y’a aussi une webradio et la possibilité d’écouter les morceaux dont ils parlent. Mon petit doigt me dit qu’ils recherchent des bénévoles. La plume vous démange ? Y’a plus qu’à !

WWW

Adélaïde, DVD

DÉCALÉS ? Sur MySpace, Delpech Mode fait des émules. Parmi les dizaines de “Marcel Amont Tobin” (si si, ça existe), mon préféré c’est Métal Matthieu, un barbu satanique avec la coupe de Mireille. Un tube en puissance : Débile métal, aux sonorités vraiment 80’s ! Yeah. www.myspace.com/mtalmathieu

Pour entamer ma sélection du moment, voilà un groupe à son Zénith : de tout temps, Dionysos a pris pour habitude de remanier son répertoire, livrant de nouveaux arrangements. Avec son projet symphonique, le sextet est allé au bout de ses fantasmes : faire se rejoindre l’acoustique et l’électrique, les genres rock, cabaret et western, l’intensité d’un Nick Cave, le lyrisme d’un Ennio Morricone. Bêtes de scène, joueurs invétérés, musiciens accomplis, éternels ados, Dionysos ne s’est jamais montré aussi subtil et intense. Du coup, le concert de l’Olympia (car oui, tu auras deux shows pour le prix d’un !) passerait presque pour secondaire (comme si l’un des leurs live pouvait l’être !). Dans les bonus de ce double DVD, clips d’animation, duos avec Cali et Louise Attaque, sessions acoustiques, passages télés et film rétrospectif confirment la générosité artistique et la dimension humaine du groupe. Des monstres vivants !

BÉARNAIS ? Gaspard le Fervent vient de Pau et c’est son droit. Gaston fait de la chanson réaliste mélangée à du ska et de la musique de cirque sous influence Mano Negra. Quand je l’écris ça fait bizarre, mais quand on l’écoute, c’est vachement bien ! Ce groupe est taillé pour le live et pour bouffer de la route ! www.myspace.com/gastonlefervent METTAY ? Fabien Mettay nous fait croire que ses chansons sont entre Shakespeare et Collargol. Son site est sympa, mais c’est finalement sur son MySpace que l’on se rend compte que ce Perpignanais a ses fans… Ses compos sont entre chansons électro-glauques et jeux de mots acoustiques. Dans la famille Cali, Polar, Fabien Martin & co. www.fabienmettay.com RUINÉ ? Pablo Krantz nous explique que les chansons d’amour ont ruiné sa vie. C’est le titre de son premier album. Sur son site www.pablokrantz.com, on apprend qu’il est chanteur, écrivain et Argentin. Le site est juste informatif avec tout de même de beaux visuels. Passage obligé pour écouter : www.myspace.com/pablokrantz. Et là, son petit accent latin et ses influences gainsbourgiennes ne pourront que vous séduire. Petit coup de cœur. RESSUSCITÉS ? Doc Pilot m’envoie un lien vers ses espaces : myspace.com/docpilotxraypop, x-raypop.com et myspace.com/xraypopfreaksarmy. Il y développe avec ses petits camarades, une pop à guitares toujours aussi aventureuse. Si vous avez 20 ans, vous ne pouvez pas connaître X Ray Pop. C’était un groupe bien côté dans l’underground. Pour les trentenaires : ils ne sont pas morts ! Venez donc découvrir et redécouvrir ces vrais indiens de la pop made in France. AIR FRAIS ? Aller, un peu d’art dans ce monde de brute. Chez Azimuth 2007, on mélange danse, musiques concrètes et projections vidéos. Vous trouverez au choix (et selon vos points de vue) des performances jouant sur la pluralité des supports et des médias, apportant une réflexion importante sur la notion de temps réel ; un truc d’artistes subventionnés aussi chiant que les programmes de nuit d’Arte ; un moment poétique intrigant et hors du temps. Pour faire votre choix, une seule adresse : www.lehublot.net/azimuth

Encore une autre légende du rock, anglaise cette fois-ci. Festival 2005 revient sur quelques dates européennes de The Cure, en formation resserrée autour de Robert Smith ; une version trio qui voit le retour du guitariste Porl Thompson. De Play for today à The end of the world, The Cure, délaissant la caravane à tubes, compile trente titres d’une carrière exemplaire, qui vogue vers son trentième anniversaire... Eternels !

Néric

Retour à l’intimité de la chanson française. Avec son dernier spectacle capturé aux Francofolies de Montréal et à l’Olympia, Arthur H joue dans la sobriété d’un cabaret rock où les miroirs réfléchissent les silhouettes et les couleurs bleu, jaune, mauve, rouge des costumes scintillants des musiciens. Toujours aussi bien entouré, on l’a toutefois connu plus aventureux dans les arrangements. Le DVD vaut surtout le coup pour ces duos que seuls quelques spectateurs privilégiés ont pu apprécier : outre le ren-

Envoyez vos liens,mais pas vos pubs !!!

copinages@longueurdondes.com

48

fort au clavier d’Albin de la Simone, Jérôme Goldet, Lhasa, -M-, Maya Barsony, Brad Scott, Pauline Croze, Jacques Higelin partagent la scène le temps d’une chanson ou deux. Mais quid d’Ariane Moffat à Montréal ? Enfin, groupe incontournable autant qu’inclassable, au fil de la dernière décennie, Meï Teï Shô percuta nombre de certitudes musicales en fusionnant afrobeat, punk, jazz, hip hop, dub et autres sonorités dans une mixture en forme de dynamite. C’est sur scène que le théorème trouvait sa solution la plus juste, la mèche étant allumée par le charisme de Sir Jean, l’explosion décuplée par une rythmique implacable. Ce DVD retrace la première partie de l’aventure, avec l’enregistrement du dernier concert donné par Meï Teï Shô dans cette formation, final d’une tournée européenne mémorable avec les potes des pentes du Peuple de l’Herbe et High Tone : tout cela transparaît en filigrane de ce show ultime ayant enflammé l’assistance du Transbordeur à Villeurbanne. Les bonus sont multiples : clips, reportages sur les périples en Egypte avec Ganoub et sur le Lyon Calling Tour, CD live et surprises. Un DVD vital, en attendant la suite, dans une autre formule. Ton DVDvore préféré

DIONYSOS “Monsters in live” (Barclay) THE CURE “Festival 2005” (Geffen) ARTHUR H “Show time” (Polydor) MEÏ TEÏ SHÔ “Dance & reflexion” (Jarring Effects)


ILS NE FONT PAS DE MUSIQUE, MAIS ILS EN VIVENT

S

a salle est un vrai vivier pour les amateurs curieux de toutes les musiques et particulièrement de chanson. Vu l’exigence du taulier, on peut y aller les yeux fermés. La surprise et l’émotion sont forcément au rendez-vous. Membre du réseau “Chaînon Manquant” (dont le festival aura lieu à Figeac du 21 au 25 mars prochain), Le Bijou est avant tout un lieu animé par l’esprit de son directeur et de son équipe, pour qui le côté humain prime toujours : “Il m’est impossible de programmer quelqu’un que je n’estime pas également au niveau humain”, reconnaît-il. On sent chez lui une passion pour la découverte et la transmission de ses coups de cœur. Il fouine, furète et semble aussi avide qu’insatiable : “Je considère mon lieu comme un médium destiné à promouvoir des talents méconnus ou inconnus. Susciter la curiosité des spectateurs est un formidable moteur. Au gré des auditions, des festivals, des

Thomas Béhuret

A l’occasion d’un de ses rares passages parisiens (comme quoi il est possible de faire de la qualité sans faire de Paris une base) rencontre avec Philippe Pagès, le sémillant directeur du Bijou à Toulouse. Curiosité et authenticité sont ses marques de fabrique.

Un Bijou

en or…

semaines à venir, pour 5 euros le spectacle, c’est possible !

voyages, j’ai rencontré des artistes passionnants. Chacun d’entre eux crée un univers personnel : c’est bien de découverte dont il s’agit.” “Laissez-vous guider par la curiosité et vous aurez de belles surprises”, mentionne le programme. Et son prosélytisme passe tout autant par une politique tarifaire qui donne envie de rejoindre illico la ville rose : la carte Découverte permet, pour 20 euros, d’assister à quatre spectacles. Oui, apprécier Ü, Mell, Les Singes Savants ou Laurent Madiot dans les

L’aventure a commencé en avril 1989 et nombreux sont ceux qui ont fait leurs premiers pas au Bijou : “Ma récompense suprême c’est qu’un artiste programmé à ses débuts ne puisse plus revenir au bout de quelques années, faute de places ; la jauge est d’environ 100 personnes…” Parmi ses révélations, on peut citer Bénabar, -M-, Cali, Têtes Raides, Juliette, Emily Loizeau, Nosfell ou Zebda. L’étique et

49

la qualité du lieu, ouvert de 10h à 1h30, se retrouvent à tous les plans : on y mange très bien (“Nous tenons à la qualité des repas”) et la ponctualité y est de mise, marque de respect à laquelle les artistes et le public sont très sensibles. Enfin, les programmes sont truffés de détails et d’informations qui traduisent bien la philosophie locale et donnent envie d’aller pousser la porte pour rencontrer notre homme et son équipe. On y trouve, par exemple, la ville d’où est originaire l’artiste, mais aussi des rubriques aussi drôles que “Le doigt sur la couture” pour donner le numéro de la licence d’entrepreneur de spectacles, etc. Bref, il se passe toujours quelque chose au Bijou et il faut saluer l’énergie et le talent que Philippe déploie depuis presque vingt ans pour faire de cette “maison” un passage incontournable de la chanson de qualité en France. Un travail de fourmi mais récompensé… au bout de dix ans, quand un client lui confia : “Je ne sais pas qui joue ce soir, mais je vous fais confiance.” S’il revient dans les semaines à venir, ce spectateur curieux aura peut-être la chance de tomber sur… Bijou (oui, le groupe de rock : ça s’imposait !) les 29 et 30 mars, ou bien sur les Duponts Electriques, le trio d’Eric Caséro qui signa en 1987, sous le pseudo Kazéro, le tube Thaï nana ! Vive l’éclectisme, l’ouverture d’esprit et l’audacieuse exigence de Philippe Pagès. Jacques Kasbi www.le-bijou.net


HUMEUR & VITRIOL

L

ŒIL

POUR ŒIL

es procès ont fait d’impressionnants bonds techniques ces dernières années. Après des siècles d’obscurantisme crasse, de bricolage judiciaire miteux où le pitoyable inquisiteur en était réduit à un travail préparatoire épuisant, peu aidé par des instruments à faible productivité comme la tenaille à dents, le marteau à os ou la scie égoïne mal affûtée, il parvenait à peine à soutirer quelques maigres aveux à un accusé à peine compréhensible tant il était en mauvais état à la fin de l’enquête. Une fois que le bougre avait péniblement avoué avoir sciemment sodomisé un bouc qu’il avait pris pour Sainte Alphonsine, ce qui faisait de lui un suppôt de Satan, il ne pouvait compter, outre sur ses six doigts restants, que sur un avocat qui proposait éventuellement, si le budget n’était pas dépassé, de lui couper la tête pour abréger ses souffrances après le pal. On en rit encore au ministère de la Justice. Cela nuisait fortement à la crédibilité de la sanction, d’autant que la famille du bouc n’était pas invitée à assister à l’expéditive mais juste sanction.

GOMM “4” Album 10 titres Un rock sonique et électrique, une po racée et puissantep . TOM “Rue Breteuil” Album 12 titres Chanson aux accents rock, reggae, électro… COMPILE l.2” “ZIC DE ZINC vo 36 titres de Tournée générale ! chanson française

Joseph Staline, grand protecteur des animaux de compagnie, avait nettement perfectionné le processus tout en laissant un peu tomber les histoires de bouc qui avaient fini par lasser dans les chancelleries : finis les instruments contondants ou dangereux pour des enfants de moins de trois ans qui rendaient l’accusé peu présentable, voire méconnaissable, d’où parfois d’amusantes confusions où l’on n’était plus trop certain d’avoir brûlé la bonne personne, surtout qu’à l’époque, l’analyse ADN n’était pas très utilisée, privant au passage les candidats au titre d’enfant naturel d’Yves Montand d’une publicité fort appréciée. Passons… Chez Joseph donc, les accusés étaient également passés aux nécessaires aveux sans lesquels il n’y a pas de joli procès, mais au moins, ils le faisaient à haute et intelligible voix - bien qu’en russe -, ce qui faisait quand même moins désordre. Et plutôt qu’un laconique “couic” explicitement assorti d’un mouvement longitudinal du pouce dressé courant de la base gauche à la base droite du cou pour les droitiers et inversement pour les gauchers, les avocats se fendaient d’un léger discours d’où il ressortait que leur client était une belle ordure : mais qu’est-ce qui m’a donc pris de vouloir défendre cette raclure putride dont les parents ne sont même pas venus assister à ce charmant et juste procès si bien mené, occupés qu’ils sont à déterrer des tubercules dont ils feront leur délicieuse soupe hebdomadaire dans le camp de vacances légèrement nordique où ils cueillent aussi la tuberculose ? C’était plus propre, mais des esprits chagrins attachés à des détails sans importance, s’étaient mis à contester l’indépendance de la justice, causant à Maurice Thorez et Aragon de légers embarras gastriques soulignant leur contrariété. Ils en sont morts, les pauvres. Fort heureusement, ces temps obscurs sont révolus et l’on trouve désormais davantage de prisonniers sans jugement à Guantanamo que de prisonniers mal jugés en Sibérie. Au moins, la justice n’y est pour rien. Surtout qu’avec les Américains, elle a fait de considérables progrès. D’abord, plutôt que de s’en prendre bassement à quelque quidam boucophile, elle ne se nourrit que de chefs d’Etat déchus, à l’occasion de complexion légèrement dictatoriale, mais c’est secondaire et en tout cas pas plus marqué que chez d’autres qui ont la chance d’être encore des amis de la famille Bush et d’aimer le libreéchange. Ensuite, puisque, hormis la cacahuète grillée et salée, le veau aux hormones et quelques chanteuses de même type, l’avocat est l’une des principales sources de richesse économique du pays : l’accusé, qu’il soit barbu ou non, hérite d’une myriade de ces gastéropodes bre50

?

douillant leur bréviaire juridique pour donner l’illusion d’une justice qui serait juste. Le résultat est le même que depuis l’Inquisition : couic ! Mais au moins, on respecte les formes. A moins que quelque satrape fort peu courtois, du genre Milosevic, n’aie le mauvais goût typiquement non américain de clamecer avant que ne sonne l’heure du joyeux verdict (couic, je le rappelle pour les distraits). Autrefois, lorsque le monde était moins à la merci de vagues tartuffes dont la respectabilité de façade remplace l’humanité véritable, lorsqu’on envahissait un pays, soit on laissait son dirigeant en place en lui glissant un joyeux “A la prochaine !”, soit on l’expédiait sans façons au Walhalla ou en exil, où il avait le temps de faire pousser ses varices en regrettant le bon vieux temps où on l’appelait Majesté, voire Raoul 1er si tel était son nom ou son bon plaisir. Désormais, comme dans un carnaval permanent où l’on charge une figure de carton-pâte de tous les péchés du monde avant de la brûler joyeusement dans une ronde bon enfant, on fait un procès impitoyable où l’on feint de découvrir avec des cris d’effrois les atrocités inouïes dont se serait rendu coupable l’accusé à l’époque même où on le recevait dans la meilleure société en déroulant le tapis rouge devant ses bottes maculées de l’hémoglobine des innocents dont on se préoccupait autant que de la vie sentimentale des boucs. Tout ceci parce que le botté en question a eu la malchance de perdre une guerre et que, comme le disait Napoléon qui n’était pas la moitié d’un Corse : “L’histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord”. De Torquemada à Bush en passant par Staline, la qualité esthétique formelle des procès s’est beaucoup améliorée. Celle de la justice, non. C’est qu’aujourd’hui, les procès servent à tout. A faire parader les vainqueurs dans les habits clinquants du bon droit international dont ils se sont autoproclamés les gardiens, mais aussi à assurer le bien-être moral de ceux qui ont besoin d’un coupable pour mener à bien leur petite vengeance personnelle. Plus serviles qu’un député sarkozyste en campagne, les tribunaux se couchent désormais devant les volontés des victimes de tout et n’importe quoi, et leur fournissent à grand coup de Code Pénal les vengeances légales dont elles ont besoin pour ce qu’il est désormais convenu d’appeler leur “travail de deuil”. On savait déjà qu’il n’était pas bien amusant d’être en deuil, mais était-il utile de préciser qu’il s’agit d’un travail pour bien souligner le côté désagréable de la chose ? “J’ai confiance en la justice de mon pays” beuglent à l’unisson les adeptes de la loi du talion, les yeux injectés du sang qu’ils espèrent tirer du coupable qu’ils se sont choisis. Car le concept d’accident n’existe plus : il faut un coupable que les tribunaux se chargent de charger pour mieux le châtier. “C’est la faute à pas d’chance” est une expression révolue. Au monde du judiciaire omniprésent, “pas d’chance” a toujours un nom, un pauvre type qui eut la malchance d’être là au moment où le panzer de la justice passait pour rafler son lot de victimes expiatoires. Le droit consistait autrefois à juger les coupables pour protéger la société de leurs agissements. La justice le fait maintenant pour satisfaire le plaisir mesquin de soi-disant victimes qui se transforment en bourreaux sous couvert d’une bienséante légalité. Si je cherche un coupable à l’envie de vomir qui me prend lorsque je vois les masques enfarinés de ces pleureurs patentés qui n’ont que l’envie de briser l’autre pour retrouver leur sommeil de cadre repus, je pourrai toujours leur intenter un procès.

Jean-Luc Eluard




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.