#40 - ETE 2007 le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS !
Entretien exclusif avec
BASHUNG
THE YOUNG YOUNG GODS GODS .. RIEN RIEN .. PROTOTYPES PROTOTYPES .. TREPONEM TREPONEM PAL PAL .. MANU CHAO THE
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SOMMAIRE ON Y CROIT ! BB Brunes, Constance Verluca, Montgomery, Mr Roux, Kim Novak, Monsieur Lune
8 à 15
ON Y TIENT ! Señor Holmes, L’Attirail, Livin’ Soul, Poncet, Coup d’Marron, Jil Caplan, X Makeena, Kid Chocolat, Wax Tailor, Nelson, Aïwa, Kafka
RENCONTRES 16 Le Prix Olivier Chappe / Alexandre Varlet 19 Mass Hysteria 20 Treponem Pal 22 The Young Gods 24 Prototypes aux USA 26 Rien 28 Manu Chao 33
EN COUV
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Alain Bashung 40
K COMME KÉBEC Mes Aïeux Daniel Bélanger
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PLANÈTE Suzanne Vega
Eté 2007
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ZONE LIBRE
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Les Forces Motrices 66
EDITO
MARCHE OU BRÈVES FESTIVALS BRUITAGE IMAGES CA GAVE ABONNEMENT
N’EMPÊCHE…
A
ndrée était une architecte âgée et veuve. Elle vivait seule dans sa belle maison. Sa vie se déroulait entre écriture, livres et conférences. Elle avait bâti autour d’elle un mur de distance qui laissait aux autres peu de place pour s’infiltrer et venir lui tendre la main. Elle est morte d’une rupture d’anévrisme. Belle mort fulgurante. N’empêche… elle est restée sur le sol de son salon une semaine avant que l’on ne trouve son corps. Anne était une artiste proche de la quarantaine, célibataire. Ecorchée vive, rebelle, insaisissable, elle peignait, écrivait ou créait sur son ordi au son de Mano Solo, Camille ou Noir Désir. Elle adorait la fête et les gens aussi, elle sortait pas mal dans des clubs rock pour écouter de la musique et connaissait le tout Bordeaux branché musique. N’empêche… personne ne s’est inquiété d’elle pendant quinze jours avant qu’on la retrouve chez elle, suicidée.
LA FICHE SIGNALEE... T OC
Christophe était un éducateur autour de la cinquantaine, marié et papa comblé. Beaucoup de monde dans sa famille recomposée ; il était jeune grand-père par procuration. Toujours souriant et prêt à aider son prochain, c’était un être réconfortant et très entouré d’amis. N’empêche… à cause d’un problème au boulot, un soir, en catimini, il s’est pendu. Andrée, Anne, Christophe, trois néo-solitudes. Trois désespoirs de vies. Nous sommes tous bourrés de problèmes à résoudre, nous sommes tous égocentriques et plus ou moins mal dans nos peaux. N’empêche… nous faisons tous partie de la même fourmilière. Alors, avant de pleurer et de regretter, jouissons de la vie, de nos parents, de nos amis autant que l’on peut. Soutenons-nous, pardonnons-nous, parlons-nous, écoutons-nous, aidonsnous, et prouvons-nous notre amour les uns les autres. Sans attendre ! Parce que, n’empêche... il est déjà si tard. Serge Beyer
Anne Sérès (autoportrait) était collaboratrice du magazine depuis des années.
Prochain numero le 26 septembre 2007 SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57 www.longueurdondes.com http://myspace.com/longueurdondes longueurdondes@tele2.fr
100 000 EXEMPLAIRES Publicité : SergeBeyer@aol.com LEQUABEL EDITIONS 5 rue André Messager 75018 Paris (sur RDV) I.S.S.N. : 1161 7292
Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Responsables infos / com’ : Cédric Manusset, Bruno Aubin Direction artistique et conception : Cédric Manusset Responsable com’ Québec : Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et les librairies Renaud-Bray. Rédacteurs : Rafael Aragon, Bruno Aubin, Patrick Auffret, Alain Birmann, François Boncompain, Bastien Brun, Béatrice Corceiro, Caroline Dall’o, Samuel Degasne, Sylvain Dépée,
Jean-Luc Eluard, Sylvain Fesson, Yann Guillou, Fred Huiban, Jacques Kasbi, Isabelle Leclercq, Aena Léo, Sarah Lévesque, Cédric Manusset, Stéphane Martel, Guillaume Marty, MarieHélène Mello, Vincent Michaud, Eric Nahon, Elsa Songis, Jonathan Tabib, Martin Véronneau, wqw.
Couverture : Photo © Pierre Wetzel
Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. Imprimerie : MCC Graphics Dépôt légal : Juin 2007 Photographes : Remerciements : Patrick Auffret, Thomas Béhuret, Alain Dodeler, DaFont.com Robert Gil, Raphaël Lugassy, Nicolas Messyasz, Philippe Noisette, Michel Pinault, Yannick Ribeaut, Pierre Wetzel. Ne pas jeter sur la voie publique
Pierre Wetzel
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Simeo Après un passage remarqué au Printemps de Bourges dans la catégorie “Découvertes chanson”, l’ami Siméo ira bourlinguer sur la route des festivals d’été : Décibulles (67) le 08/07, Musilac (73) le 14/07, Terre de Sons (37) le 15/07, Cap Festival (12) le 11/08, Java dans les Bois (22) le 19/08, Cabaret Vert (08) le 01/09…
MARCHE OU BREVES SALADE NICOISE Le collectif des Alpes-Maritime “Une salle de Concert à Nice”, composé de passionnés et de professionnels de la musique, a enfin été entendu pour créer un complexe de musiques actuelles comprenant salle de concert, locaux de répétition, studios d’enregistrement… L’asso est aujourd’hui en pourparler avec les acteurs locaux et nationaux de la vie culturelle pour voir aboutir leur projet. MAJOR À VENDRE Le 22 mai, EMI a été racheté par le groupe Terra Firma, dirigé par l’homme d’affaires britannique Guy Hands. L’offre était de 2,4 milliards de livres (environ 3,6 milliards d’Euro) mais le rachat réel s’élève à 3,2 milliards de livres (4,8 milliards d’Euro), compte tenu du déficit d’EMI. La Warner, longtemps sur le coup, a donc été évincé. Guy Hands ambitionne de faire d’EMI le plus grand groupe musical du monde. A suivre.
DOCU ROCK Pourquoi les vrais groupes de rock ne seront jamais célèbres ? Après avoir suivi de près le parcours de trois groupes français sur une période d’un an et demi, Grégory Gomez et Alexis Magand finalisent le documentaire “La route est longue”. Au cœur d’expériences concrètes vécues par Kunamaka, Kafka et Géraud (soit trois projets artistiques distincts en voie de professionnalisation), il interroge des problématiques vitales pour un groupe qui cherche à percer aujourd’hui dans l’industrie musicale : quels obstacles et quelles aides deviennent le quotidien d’artistes qui frappent à la porte des labels, tourneurs, média et du public ? Un témoignage tangible qui montre comment certains s’organisent. Les réalisateurs travaillent à une diffusion télé et dans des festivals, et envisagent aussi des projections-débats à la rentrée. www.myspace.com/larouteestlongue CAMPING CAR Le groupe déjanté plus que festif La Caravane Passe, au générique de la compile “Zic de Rue” (Wagram), va tracer la route pour des concerts “fiesta”, avant de sortir leur second album en octobre. Infos sur www.lacaravanepasse.com
Y’A 20 PIGES N°20 / Eté 1987
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Pour son numéro de l’été 87, Longueur d’Ondes mettait sur sa couverture un transat (!), cependant à l’intérieur, ça chauffait pas mal autour de la nouvelle scène rock qui émergeait… Si Thiéfaine affirmait que “la chanson-rock française, ce n’est rien ! En ce moment, il y a trop de dose de débilité dedans pour que je revendique d’en faire partie”, Noir Désir affinait : “Il y a 90% de merde, et s’il y a une vague rock, c’est uniquement le commerce qui l’a créée. On trouve quand même de bonnes choses comme les Bérurier Noir ou Bashung…” Justement, les Béru eux, n’étaient pas d’accord : “On a enfin un rock du niveau de celui des pays étrangers. Une
scène s’est créée parce que les gens en avaient ras-le-bol de certaines choses. Et puis ce gouvernement de droite donne la rage a pas mal de monde !” François, des Garçons Bouchers surenchérissait : “Il n’y a aucune référence vis-à-vis du punk anglais dans notre rock, mais un aspect rentre-dedans qui correspond bien à la société dans laquelle on vit. On va à l’essentiel, à l’urgence.” William Sheller, lui, constatait : “Faut voir que, musicalement, la France a été occupée par les Américains de 45 à 63 ! Il a fallu du temps pour s’y adapter dans un premier temps, puis reprendre notre indépendance.” Quant aux Rita Mitsouko, ils reconnaissaient : “Nous sommes un peu les loups dans la bergerie, rockeurs dans la variété. Le rock est une manière différente d’être et de faire les choses, c’est tout !”
Massilia Sound System annonce un nouvel album pour octobre. Avant la parution à la rentrée de son troisième album, Kwal s’est envolé en juin au Mali ou il y publie un second opus en bambara. Cette sortie s’est accompagnée de concerts. Tout en travaillant à son quatrième album, Bertrand Louis vient de terminer celui de Séverine (www.myspace.com/justeseverine ) et devrait signer la réalisation du prochain disque de Thibaut Derien. Dix ans après son tube iconoclaste Je t’aime le lundi, Edouardo revient en septembre avec
un album signé chez Bimbo Records (www.bimborecords.com). Le fameux chanteur italien romantico-kitsch est en écoute sur www.myspace.com/edouardopisani Disparition de Nicolas, le guitariste de Rue Rouge Pascale Kendall, chanteuse de My Concubine (nouvel album paru en mai) s’est invitée sur un titre du nouvel opus de Barry Adamson (Magazine, Nick Cave) Sonia Bricout, la chanteuse de Superflu a pris la plume pour un recueil de nouvelles intitulé Sept filles en colère, aux éditions des Petits Matins.
Serge Beyer
D.R.
MARCHE OU BREVES
CANNES I ? Limousine à l’aéroport, badge “all access”, le Vernonnais Wax Tailor était invité à jouer pour le soixantième anniversaire du festival cannois pendant le feu d’artifice. Du grand art pour celui qui s’est fait connaître en intégrant à sa musique des extraits cinématographiques et qui va désormais entamer une véritable carrière pour le 7ème art. Plusieurs de ses morceaux constitueront en effet la bande-son de “Paris”, le prochain film de Cédric Klapisch (“L’auberge espagnole”, “Le péril jeune”…) avec Albert Dupontel, François Cluzet, Juliette Binoche et Romain Duris. ET JE COUPE LE SON… Radio Dio, radio Férarock de St Etienne, active depuis plus de 25 ans, dépose le bilan. Plateforme importante de la vie culturelle stéphanoise, menée par des bénévoles passionnés, elle est acculée par les dettes de l’ancienne équipe associative. Elle continue à émettre jusqu’au dernier souffle et organise un concert de la dernière heure.
Soutien : Radio Dio - BP 51 - 42002 St Etienne ou bobdio66@yahoo.fr. www.ferarock.com …ET JE RECOUPE LE SON… Le CSA a statué le 10 mai dernier sur les fréquences radiophoniques en Ile de France et a refusé à Néo la pleine fréquence qu’elle souhaitait. Cette décision menace à long terme la radio associative, tout comme ses cinq salariés qui ont beaucoup donné au cours de ces dernières années. Soutien : www.radioneo.org …ET JE REMETS LE SON ! Punk, rock, emo, “Joining the circus” couvre principalement une scène française bruyante et débrouillarde. Chaque vendredi de 18h à 20h (rediff lundi à 10 h) sur la radio indé montpelliéraine L’Eko des Garrigues (88.5 MHz ou via Internet, contact : joiningtheradio@free.fr)
Elle a également co-fondé les éditions La Machine à Cailloux dont les trois premières parutions sont des livres où Xavier Plumas (Tue-Loup), Albin de la Simone et Bertrand Betsch parlent de leur rapport à l’écriture. Le distributeur Rennais, Overcome Records, spécialisé dans la distribution des petits labels rock dur français et étrangers cesse ses activités. Après six années de concerts, Prajña a mis fin à son activité. www.prikosnovenie.com Kitchen, le label monté par le groupe Un Homme et Une Femme et Nicolas B sera
DURABLE… L’ENSIATE, l’École d’Ingénieurs & de Managers au service du développement durable a une newsletter intitulée “News la Terre” qui traite de sujets importants concernant notre planète, l’écologie et le rôle citoyen de chacun pour la protéger. Des postcasts d’entrevues d’acteurs du développement durable sont téléchargeables. Une newsletter “écocitoyenne”: news-la-terre@ensiate.fr
ment fait remarquer : Antiquarks, Triste Sire et Siméo. www.tagadatsointsoin.free.fr SUBS… Dans la lettre du CNV d’avril 2007 (n°12), on apprend que les subventions pour les résidences de musiques actuelles ne seront plus versées désormais par le Ministère de la Culture et de la Communication, mais directement par le CNV, avec une enveloppe identique. Plus d’infos sur www.cnv.fr
…CITOYEN… En Belgique, la Région Wallone et la Médiathèque ont créé une compilation de 20 chansons d’artistes belges sur le thème de l’Environnement. Un livre accompagne le CD, comprenant les paroles de chanson et quelques idées d’écoutes pédagogiques amusantes et écocitoyennes. Un projet ambitieux mêlant écologie et musique. www.lamediatheque.be
…ET SOUTIEN La SACEM organise depuis 2006 des soirées / journées concert en partenariat avec des grands festivals, afin de renforcer son soutien aux nouveaux artistes et de leur offrir une médiatisation nationale. www.sacem.fr LAROUSSE NO FUTURE Un dictionnaire du punk, de surcroît raisonné ! Voilà la grande escroquerie réussie par Pierre Mikaïloff, l’auteur de “Some clichés”. Le classement alphabétique s’apparente ici à un joli pied de nez fait à ce mouvement iconoclaste. Pas question de relecture savante, cette somme d’articles truffée d’humour et illustrée, alterne l’anecdotique (soit l’es-
…ET CONCERNÉ ! Le groupe québécois Les Cowboys Fringants, actuellement en tournée en France, a également créé une fondation pour la protection de l’environnement. magazine@france-québec.asso.fr AIDE À LA HAUSSE… En 2006, les musiques actuelles ont été soutenues par l’Adami à une hauteur de 3 638 305 Euro (catégorie “variété, musiques actuelles, du monde et traditionnel”), soit 31% de son budget annuel. Plus de détails sur www.adami.fr
sentiel !) aux faits historiques (désormais anecdotiques !). Filiations et origines musicales, oripeaux et disques piliers, à vous de rentrer par les différentes portes pour saccager la mémoire comme il se doit ! “Dictionnaire raisonnée du punk”, dans la collection de Patrick Eudéline (Editions Scali)
URBS-TICAIRE 6 mai 2007 : la victoire en chantant !
…ET HAUSSE DES VENTES Selon la Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (l’IFPI),120 millions de lecteurs MP3 portables ont été vendus dans le monde en 2006. 795 millions de titres ont été téléchargés légalement (traduisez, auprès des services de musique en ligne : ici, ne sont pas répertoriés les achats aux artistes en licence libre, labels ou artistes vendant pour leur propre compte), soit une augmentation de 89% par rapport à 2005. www.ifpi.org CA POUSSE ! Le micro label devient grand : Another Record passe à la distribution nationale. Le prochain Odran Trummel sera distribué par Anticraft dés octobre. Plus nerveux que son premier opus, il affirme un songwriting singulier et talentueux. www.myspace.com/trummelodran TAGADA L’association “Tagada Tsoin Tsoin”, antenne Rhône Alpes du Printemps de Bourges, a sorti sa compil’ de talents 2007 présents au festival, où trois groupes se sont particulière-
distribué en France par Pias. Le premier à en bénéficier est le jeune groupe folk Coming Soon, dont l’album devrait sortir en septembre. www.kitchen-music.com. Le prochain album de Calc sortira à l’automne. www.viciouscircle.fr Pour vouloir renouveler le paysage de la presse musicale, est-on condamné au règne de l’instabilité ? Versus, magazine de rock indé/metal, créé sur les cendres de Velvet, en a déjà fait les frais. Il a pourtant bel et bien amené du sang neuf, une nouvelle génération de rédacteurs à contre-courant
des rédactions bien installées. En conflit avec l’éditeur, le magazine devient mensuel et change - encore - son nom pour Noise. Premier numéro en kiosques, avec les Young Gods, Dinosaur Jr, Blonde Redhead au sommaire Tohu Bohu gratuit du “Réseau d’information des musiques actuelles des Pays de Loire”, format A5, pratique, est un magazine en noir et blanc, qui offre des infos complètes sur les activités musicales de la région. Des interviewes avec des groupes confirmés ou en développement (Lo’Jo, Kwal,
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Nouvel R, etc.) sont au centre de chaque numéro. L’équipe met également en lumière des sujets sensibles et actuels concernant les professionnels de la musique. Enfin, news et chroniques de CD donnent un aperçu des nouveautés musicales. www.trempo.com Le magazine Fumigène d’obédience hip hop est un recueil complet de sujets d’actualités, mais surtout de belles rencontres avec la scènes française (Leeroy, Soprano…) agrémentées de superbes photos sur papier glacé. www.fumigène.net
Patrick Auffret
Nicolas Messyasz
ON Y CROIT
Montgomery
“Blonde comme moi”- Warner www.myspace.com/bbbrunes Adrien (guitare chant), Félix (guitare) et Karim (batterie) balancent une musique entre pop et rock. Leur premier album, Blonde comme moi, est une vraie bonne surprise. A 18 ans à peine, Adrien y chante en français sa vie en rock : “Ce style de musique m’a parlé dès l’âge de 11 ans. J’ai découvert Jimi Hendrix, Chuck Berry, mais aussi MTV. L’idée d’un groupe m’a séduit. Cette sorte d’union, de communauté, avec une musique libre, spontanée et énergique, me correspondait mieux que le piano classique ou la variété…” Car contrairement à leurs petits collègues de Naast ou Plasticines qui “ont appris à jouer sur Internet”, les BB Brunes connaissent la musique. Adrien et Fabien ont fait leurs gammes en apprenant le piano classique, Karim, un copain d’enfance, a intégré une école de batterie. Pour eux, la question de la légitimité ne se pose pas, moins en tout cas que l’expression aujourd’hui consacrée “bébés rockeurs” : “Je trouve ça un peu con. En Angleterre, des tas de groupes commencent très tôt. Personne ne dit des Artics Monkeys, qu’ils sont trop jeunes… Notre nom, c’est aussi une manière de se foutre de cette expression.” Sûrs de vouloir à leur tour suivre la voie ouverte par les frères d’outreManche, les BB Brunes brûlent les planches et les étapes. Ils ont trouvé un producteur, réalisé une démo et signé chez Warner. Vite, presque sans réfléchir, un album très brut a été enregistré. Personne n’est venu leur dire quoi faire, car ils le savaient parfaitement. En onze titres de braises, le trio, qui devient quatuor sur scène, évoque les Cramps, les gangs, les filles, blondes de préférence, et leurs soirées de débauche. Le résultat, frais et enthousiasmant, swingue comme pas permis. L’avenir du rock français ? Une fois le bac en poche, ils compte en tout cas tout lâcher pour la musique. Patrick Auffret
“Montgomery” - Phantomatik / Naïve myspace.com/chezmontgomery “Nous sommes avant tout des gars qui s’amusent vachement. Là où l’on prend le plus de plaisir, c’est quand il y a émulation, quand il se passe un truc où l’on rigole et où l’on crée quelque chose.” Partir explorer les étoiles, à la recherche d’”ornicar”, ou concocter la formule pour disparaître ? Bienvenue dans l’univers récréatif de Montgomery, un terrain de jeu sonore et visuel, animé par cinq jeunes Rennais. Les mélodies sont reines au milieu de textures diverses, avec une patte rock, ou nimbées de claviers rêveurs. Benjamin, Cédric, Thomas, Yohann et Mathieu ont souhaité “raconter une histoire, planter un univers avec des intros, des moments agressifs, d’autres plus doux, comme dans un conte pour enfant”… Dans l’atmosphère ludique de leur premier album, les mots en français rebondissent sur les sons avec finesse et malice. Sur scène, le groupe s’adapte aux lieux qu’il visite, installant son décor, invitant ses potes artistes de Vitrine en Cours à animer l’espace avec des projections de diapos, de petits films en 16 mm : “On essaie de placer des dessins sur les chansons. On a toujours aimé faire les choses par nous-même, Yohann est aussi graphiste. Avoir ces possibilités au sein du groupe, c’est pratique et ça amène vraiment beaucoup de choses parce que nous contrôlons l’imagerie. Le côté bricolage nous correspond dans le sens où l’on n’a jamais eu beaucoup d’argent pour faire tout ça… Ca donne un truc qui nous ressemble plutôt pas mal au final.” Et d’idées spontanées naissent des projets tels que L’album de Noël : initié en octobre dernier, la bande a fait appel à des amis pour composer des morceaux inédits. Une compilation de 24 titres a été réalisée rapidement pour être sous les sapins le 25 décembre, au profit des Rockeurs ont du Cœur. Des rêves à partager… Béatrice Corceiro
Thomas Béhuret
BB Brunes
Constance Verluca “Adieu pony” - Warner www.myspace.com/constanceverluca Elle débite des horreurs avec une douce voix de première communiante. Un peu comme si Joan Baez chantait du Didier Super. Ce cocktail de folk subtil et de paroles à se faire popo dessus est offert par une (plus toute) jeune fille de 31 ans. Pour la deuxième interview de toute sa vie, Constance Verluca mange une pomme et revêt un T-shirt tellement troué que l’on hésite à dire “qu’il a vécu”, vu qu’il doit être mort depuis longtemps ! Poser le personnage nécessite une petite explication de texte. Dans sa première chanson qui s’appelle C’est faux, elle explique que l’on ne se remet pas d’une rupture avec une fille comme elle. Tout en égocentrisme et en vitriol : “Franchement, ça m’embarrasse un petit peu depuis que je fais de la scène. J’étais en première partie de Miossec, les gens ne me connaissaient pas. Je commence avec C’est faux, j’enchaîne avec Vive le chocolat, l’héroïne et la vodka, puis avec une chanson d’amour sur l’argent… ça me met légèrement mal à l’aise de balancer autant de choses dans la tête des gens.” C’est pourtant sur ce terrain qu’elle est la meilleure. Voix, texte, musique, tout est parfait. Constance est capable de rire de tout et avec n’importe qui… Mais attention, son humour peut faire très mal. Ce dommage collatéral à fragmentation porte le doux nom de C’est le moment de mourir. Sur un air pop yé-yé choubi dou wah, elle explique que c’est le moment d’y aller et que ce n’est pas la peine de se plaindre… Ce texte est drôle, mais tellement juste et cynique, qu’il vous colle un frisson, un mal à l’aise assez unique. Constance semble bien partie pour être le pendant français d’Adam Green, le pape de l’anti-folk new-yorkais. En cette période sombre qui s’annonce, ces chansons politiquement incorrectes n’en deviennent que plus salutaires.
Eric Nahon 6
Francis Vernhet
ON Y CROIT
Mr Roux
Monsieur Lune
Nicolas Messyasz
Une chanson-poésie moderne, des histoires du quotidien bien tournées, un univers tragicomique, pas mal ironique, c’est ce qu’offre Mr Roux, avec un certain recul sur lui-même, une belle autodérision et de la simplicité. Porté par rythmes bucoliques, il séduit autant sur scène que sur disque (son album autoproduit ressort sur un grand label ces jours-ci). Rencontre avec un gars tout simple : “Je voulais être explorateur ! En fin de collège, j’ai commencé à gratouiller Renaud et les Beatles sur une guitare. Puis de la pop anglaise. Au lycée, j’avais un groupe où j’essayais de faire des chansons genre Noir Désir… triste ! Puis j’ai été éducateur pour me payer des voyages.
Raphaël Lugassy
“Ah si j’étais grand et beau” - Atmosph. www.monsieurroux.com
J’alternais travail et évasion. Je suis allé dans l’océan Indien, au Maghreb, en Afrique noire… Toujours seul et à l’aventure. Partir en voyage, en rupture. Ne pas avoir de billet retour, découvrir foncièrement un autre univers, ça t’amène vite à faire le tri entre les vraies valeurs et les artifices ! Le soir, je composais. Etrangement, c’est à La Réunion que j’ai rencontré un musicien de Rennes, ma ville d’origine, qui m’a proposé de faire sa première partie…” Le voilà seul sur scène en février 2004, là où tout démarre. Le patron de l’endroit (Le Sablier) apprécie et l’aide à enregistrer. “C’est aussi chez lui que j’ai rencontré mon groupe.” Depuis, le baroudeur compose : “La plupart du temps je pars d’un thème que j’ai envie de traiter. Quand j’ai l’angle d’attaque, j’ai besoin d’y réfléchir longuement. Je souhaite sortir des chemins de la chanson française et je me forge en écoutant de la musique anglaise. Avec le groupe, nous travaillons beaucoup les morceaux sur scène, car on veut qu’ils sonnent vraiment bien avant de les enregistrer. Nous sommes en train de passer du statut d’amateur à autre chose. Ca fait un peu peur ; tout prend une autre dimension…” Finalement, Mr Roux a réalisé son rêve : celui de devenir un explorateur ! Serge Beyer
“C’est pas moi” - Papaluna / Productions Spéciales - www.monsieurlune.com
Kim Novak “Luck & accident” - Talitres / Differ-Ant myspace.com/kimnovakk Incarnation d’une beauté glacée, le nom de Kim Novak prend une tout autre dimension et se réinvente sous les traits de quatre jeunes hommes. Cette nouvelle entité crée un rock sombre qui souffle le chaud et le froid avec un timbre de voix ténébreux, des guitares tranchantes, des suites d’accords caressants et des rythmiques mouvantes. Jérémie chante “des textes écrits pour la plupart par des trentenaires qui se posent des questions. Ca se traduit par ce genre de paroles, où rien n’est affirmé, mais où surgissent les peurs…”. Le groupe caennais décline ses histoires d’amour tour à tour avec romantisme et détachement. Outre les musiciens eux-mêmes, des collaborations extérieures ont apporté des sources d’écriture distinctes : “C’est la même thématique à un ou deux morceaux près, mais c’est intéressant que ce soit appréhendé par des écritures différentes”, explique David, guitariste. Les familiers de Joy Division et Interpol reconnaîtront une certaine patte que les protagonistes ne revendiquent pas, citant d’autres influences qui leur ont permis de rebondir sur la création de leurs propres compositions. In the mirror pourra évoquer le Velvet Underground, mais pour Jérémie, “il y a un côté Jolie Louise de Daniel Lanois. Je voulais du folk, en fait. C’est un morceau qui peut se jouer guitare-voix…” Avec Ugo à la basse et Cyrill à la batterie, chacun apporte un bagage musical de choix. “On a tous été marqués par des albums que j’appelle “best of”, que tu écoutes du début à la fin et où il n’y a que des pépites… L’idée était de faire des morceaux courts, sans forcément des refrains interminables. Certaines chansons n’en ont pas, comme Turn the rabbit.” Au lieu de ployer sous de fières références, ce premier album s’affirme beau et troublant. Béatrice Corceiro 7
A l’écoute des chansons de Nicolas Pantalacci, que l’on connaît depuis maintenant sept ans sous le nom de Monsieur Lune, certains seraient tentés de le voir comme un pessimiste irrécupérable. Sa réponse : “Léonard Cohen dit que les pessimistes sont ceux qui attendent la pluie, tandis que chez lui, il pleut toujours !” Ainsi pourrait-on donner une première piste de compréhension de ce Monsieur jamais vraiment sombre qui aime jouer avec les mots et les mettre en musique. Dans son univers, des maris mangent leurs femmes, des singes philosophent, la mort est omniprésente, tout comme l’amour… ou son absence, mais avec une réelle fraîcheur. Côté musique, les histoires que nous content violon, contrebasse, claviers, mélodica, guitare sèche et batterie sont aussi hautes en couleurs ! Adeptes des arrangements subtils et de la nuance, les musiciens offrent à son troisième album, C’est pas moi, l’envergure de leurs talents. On y trouve notamment un duo avec la printanière Austine sur S’il vous plaît, chanson retrouvée sur une vieille cassette qui dormait dans les fonds de tiroirs : “J’ai toujours utilisé un dictaphone pour enregistrer les mélodies qui me passent par la tête. Je peux les laisser reposer et les réécouter ensuite”, explique Nicolas. Pour les textes, c’est au cœur du quatorzième arrondissement parisien et de ses cafés qu’il trouve l’inspiration. Qu’est-ce pour lui qu’une bonne chanson ? “C’est le lien entre les mots et la mélodie. Si l’on considère les chanteurs qui ont marqué les mémoires ces trente dernières années, on s’aperçoit que ce sont ceux dont le phrasé était original. Par exemple Renaud, qui n’a jamais eu une grande voix, a su s’imposer par sa manière très personnelle de chanter.” Et il y a un peu de cela chez Monsieur Lune : une manière inattendue de nous emmener dans des fantaisies funèbres avec sa voix claire, ses instrumentations élaborées et son imagination débordante. Un conteur musical…
Caroline Dall’o
SEÑOR HOLMES
Alain Dodeler
ON Y TIENT
L
e duo, né en 1994 de la rencontre entre Allisio Henri dit “Quito” et Harry Baruk dit “Tuko”, sillonne les routes avec entrain et détermination pour donner des concerts chaleureux, hauts en rythmes et en couleurs. Le public, largement féminin, ne résiste pas longtemps à l’envie de danser et de faire la fête ! Le DVD Live au Poche, enregistré à Béthune en octobre 2006, donne une bonne idée de l’ambiance qui se dégage de leur spectacle. Leur musique, résolument tonique, énergique, se construit autour de la guitare espagnole de Quito et du djembé de Tuko. Leurs chants respectifs se répondent et se superposent au gré des morceaux, sur des textes en français. On reconnaît aisément le sympathique accent méridional du premier et la voix grave, puissante et modulée du second, Guadeloupéen d’origine. Souvent drôles, bien enlevés, avec l’amour comme source d’inspiration, les mots se font plus tragiques, plus critiques, quand sont abordés des thèmes de société. Le Niçois affirme : “Dans un spectacle, tu peux faire danser les gens avec des chansons légères, et de temps en temps leur parler d’un truc plus sérieux. La scène, c’est un peu la vie, et la vie n’est pas faite que de choses gaies.” Son complice rajoute : “Il y a les cris, les pleurs, il y a la joie…” S’il a appris la guitare sur le tas et joué dans le groupe rock alternatif Crème de Marrons, Quito est aujourd’hui un mordu de musiques cubaines. Tuko, lui, transmet la culture de ses ancêtres : “Les percussions, d’abord j’aime ça ; et en plus, je suis né dedans ! J’aime tous les styles musicaux, du moment que ça groove.” Et du groove, ils en ont à revendre ! Leur musique est basée sur le “gwo ka” : joué autrefois par les esclaves africains en Guadeloupe, il est composé de sept rythmes distincts. Le percussionniste en utilise deux : le “toumblak” qui appelle à la révolte et à la séduction, et le “kaladja” qui s’assimile au blues. “Avec ces deux rythmes traditionnels, on crée des harmonies et des chansons en français.” Hablaaa (2000) et Autour de moi (2005) sont toujours d’actualité. Señor Holmes adorant la scène, ce duo sympathique, généreux et passionné est à retrouver lors de sa tournée estivale. Elsa Songis “Live au Poche” - Senor Holmes Prod www.quitomusic.com
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LIVIN’ SOUL
L’ATTIRAIL
Alain Dodeler
Raphaël Lugassy
ON Y TIENT
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ermez les yeux. Des cuivres s’énervent puis se calment pour laisser le saz, sorte de luth turc, danser une mélodie orientalisante. Un bouzouki, guitare grecque, installe une tension haletante sur laquelle un doukou, hautbois utilisé dans les orchestres arméniens, tresse une ballade hypnotique. En arrière fond : les bruits d’une distillerie de raki, des klaxons, des grillons… Vivez des déambulations dans un bazar turc, une valse sur les pavés de Yalta, une partie de pêche sur la mer Noire… Tout le talent de L’Attirail est là : reconstituer un voyage imaginaire du côté des Balkans et de l’Orient à l’aide d’instruments glanés çà et là. Et d’une sacrée dose de créativité. Le groupe est né sur les routes, en 1994. Xavier Demerliac (cuivres) et Stéphane Brosse (accordéon, piano) composent alors dans les chambres d’hôtel la journée et testent leurs morceaux le soir, dans la rue : “Dès le départ, l’idée était de recréer la sensation du voyage, ce moment magique où l’on part sans savoir ce que l’on va trouver.” Rapidement trio puis quintette, le groupe rôde son répertoire dans les bars et enregistre ses premiers disques. Gammes balkaniques ou ska, musique de cirque ou de film, leur folklore imaginaire est un joyeux bordel passionnant de bricolage : “Les rythmes impairs et le son débridé de l’Est nous fascinent, mais on ne s’attache à aucune culture en particulier.” Ils ont conçu leur sixième album, 100% instrumental, comme un pont entre l’Est et l’Asie. Les six premiers morceaux, composés fin 2005, évoquent plutôt les Balkans, avec leurs cuivres “fanfarisants” : “On s’inspire autant d’aventures complètement imaginaires que de choses très concrètes, notamment historiques : la première révolution russe, la révolte de Schamyl…” Mi2006, le groupe a fait une pose de plusieurs mois pour travailler avec Patrice Leconte sur la bande-son de son film Mon meilleur ami : “A notre retour, on a voulu que les morceaux suivant soient plus orientaux, avec des cordes, des violons, des instruments de là-bas.” Ils ont baptisé le tout Kara Deniz, la traduction de “mer Noire”, en turc, “ce lieu fascinant qui fait le lien entre les deux continents”. Encore un peu de voyage ? Aena Léo “Kara Deniz” - Fairplay / L’Autre Distribution chantiers.sonores.free.fr
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n pourrait les croire directement venus de l’île de Zion tant les vibrations qui émanent de leur musique sont authentiques. C’est pourtant en Poitou-Charentes qu’est apparue la comète Livin’ Soul. Première rencontre discographique en 2003 avec Sweet lane, un album résolument tourné vers le son old-school jamaïcain, qu’ils ne cesseront dès lors d’explorer sur disque et sur scène. Avec la sortie, en mai dernier, de leur troisième opus The bridge, le groupe mené par Sébastien Daugas, au chant et à la guitare acoustique, impose son style : “Il me semble que notre son n’a jamais été aussi proche de ce que l’on pouvait entendre entre 1960 et 1970 car il a été réalisé avec la technologie de cette époque. L’évolution que l’on constate est due à notre curiosité. Il faut dire que le reggae est tellement vaste et il y a tellement d’influences que l’on s’y perd avec plaisir !” Enregistré de manière analogique sur bandes comme à la grande époque, Livin’ Soul s’est adjoint pour The bridge l’écoute attentive de Serge Faubert, multi-instrumentiste et producteur indépendant : “C’est la première fois que l’on travaille avec un réalisateur, ça nous a été bénéfique sur bien des points.” Une façon d’aller toujours plus loin dans la recherche musicale qui est la leur. Issue d’une époque où le reggae français se cherche davantage du côté originel que de son adaptation hexagonale, la formation a opté pour un chant exclusivement en anglais. Quand on demande à Stéphane s’il n’a jamais été tenté de chanter dans la langue de Molière, il répond avec sincérité : “Si, bien sûr, mais je ne suis pas sûr que cela s’y prête.” Textes en anglais donc, reste à connaître la teneur du propos… Livin’ Soul serait-il un groupe militant ? “Il n’y a pas de fil conducteur, commente Stéphane, les textes sont là pour mettre en exergue toute sorte de sentiments afin d’imager et de se mettre au service de la musique, qui elle-même est au service de la mélodie. On ne parle jamais aussi bien que des choses que l’on connaît. Donc pas de ghettos pour Livin’ Soul, pas de militantisme, sauf peut être musical !” C’est ainsi, à l’assaut des festivals et des salles de concerts, qu’ils prêcheront les bonnes vibes… Caroline Dall’o Active Sound / Mosaic - www.livin-soul.net
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PONCET
Serge Beyer
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e n’ai jamais commencé la musique, c’est elle qui m’a commencé. J’ai réclamé un violon à trois ans et demi. A 7 ans, je suis entré au Conservatoire. A 16, je ne supportais plus de ne jouer que de la musique millimétrée et j’ai commencé à assumer ce que je ressens depuis le début : la musique est d’abord un langage ! Je me suis alors évadé vers le rock et le jazz…” Voilà le décor planté. Le reste du chemin, YannGaël Poncet l’a poursuivi au fil des rencontres et des voyages : “L’Inde a été extrêmement importante pour moi. Elle a changé le son de mon violon et a éthéré la musique dans ma tête. Aux USA, pays difficile, tellement injuste, tellement humain, où la musique est organique, j’ai appris l’enthousiasme qui nous fait tant défaut à nous Français. Au Québec, je me suis servi de leur énergie folle au travail, qui nourrit la création et les envies !” Résultat, un premier album emballant. Et sur scène, il habite ses chansons comme personne, les fait vibrer, les transmet avec grâce et générosité, empoignant de temps à autre son violon pour quelques coups de tonnerre. On pense aux esprits indiens qui le hanteraient pour certains titres, mais il sait aussi se faire candide, naïf et poète lunaire. Ses chansons ont toujours des portées humanitaires, véhiculent des réflexions profondes, des images marquantes. Elles approchent le mystique, mais la religion n’est pas le sujet. D’ailleurs, il est agnostique : “Je crois à la laïcité, je pense aussi que les religions sont un sujet tabou. Moins on en parle, plus on va vers les extrêmes. Je crois au contraire au dialogue, à la main tendue et au débat.” Raphaël (contrebasse) enchaîne : “Yann apporte un terreau à réflexion. Il n’est pas dans l’immédiateté. Il faut se poser deux secondes pour comprendre le message.” Nico (percus) surenchérit : “Je suis rentré dans la beauté de ses textes. Ensuite il y a plusieurs lectures.” Jean-Paul (guitare) conclut : “Côté musique, c’est un peu pareil : il invente des accords non conventionnels ! C’est particulier, pas simple à faire, mais c’est ce qui fait son univers.” Bruno, manageur, mais cinquième membre du groupe, précise : “Je suis très fier de ce disque ; comparé à tout ce qui sort, il sonne 2010 !” En effet, cet artiste a une belle longueur d’avance ! Serge Beyer “Celui qui dit qui est” - Neômme www.yannponcet.com
JIL CAPLAN
COUP D’MARRON
Pierre Wetzel
Raphaël Lugassy
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es vagues de mélopées rock chaloupent, mais une houle revient épisodiquement sur la mer musicale de ces cinq larrons. Le folk flirte avec l’accordéon, les ambiances maritimes succèdent au tonnerre électrifié. On navigue entre chanson à texte et pop-rock inspirée. Coup d’Marron revient avec un Emporte mûrement travaillé, et des concerts pour le mettre à flot. DEPUIS ATOLL À TERRE, QUE S’EST-IL PASSÉ ? Will, chanteur : Beaucoup de concerts, puis retour à la composition en 2006. Je propose une base paroles / musique que le groupe s’approprie ; le travail se fait en commun. On a enregistré à Bruxelles : trois semaines de prises et quinze jours de mix dans une ambiance très décontractée. On dormait dans le studio et on se faisait des méga bouffes ! Ca fait sept ans que l’on est ensemble et le groupe va de mieux en mieux, on s’accepte les uns les autres. Pierre : On sait qui est capable de quoi ; ça fait gagner du temps. SUR EMPORTE, VOUS VOUS ÊTES ENFIN DÉCIDÉS À ENREGISTRER ORLY DE BREL QUE VOUS JOUEZ EN CONCERT DEPUIS DES ANNÉES… W : C’est un titre que l’on adore et il se passe toujours quelque chose quand on le joue. Il a bien failli ne pas être sur le disque, à cause des ayants droits, mais finalement ils ont accepté quand ils ont entendu mon chant a capella. VOUS NE SEMBLEZ PAS PRESSÉS… W : On a toujours pris notre temps. Nous avons tous démarré avec Coup d’Marron. On a appris beaucoup de choses depuis. Et même s’il est plus difficile de retrouver la spontanéité du début, on a toujours l’envie. Nous fonctionnons sur le long terme. On avance et on vit cette aventure au jour le jour, avec beaucoup de plaisir. VOUS AVEZ TOUJOURS DES POCHETTES ORIGINALES… SUR LA DERNIÈRE UN HOMME S’ÉLOIGNE ALORS QU’IL A MIS LE FEU À SA VALISE… W : On cherche toujours quelque chose qui marque. Ici on a demandé à notre graphiste de travailler sur le thème : on emporte l’essentiel de nos vies sans avoir de valises… P : Nos souvenirs sont dans nos têtes, mais on n’a pas brûlé tous nos bagages ! Serge Beyer “Emporte” - L’Autre Distribution wwwcoupdmarron.com
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n grande cinéphile qu’elle est, Jil Caplan, née Valentine… (elle ne dévoile jamais son vrai nom de famille) a choisi son pseudo en hommage au personnage de Cary Grant dans La mort aux trousses : “Ce qui me vaut quelques amitiés ou inimitiés artificielles”, s’amuse la belle quadragénaire… Comme le temps passe… Mais ce qui est rassurant c’est qu’il ne fait que cela : il passe, le temps, c’est tout. A peine 21 ans se sont écoulés depuis l’apparition de cette brune primesautière et nature, à la voix envoûtante et dont le Pygmalion s’appelait déjà Jay Alansky. Certains de ses morceaux ont connu un franc succès populaire, notamment Oh, tous les soirs, Tout ce qui nous sépare, Natalie Wood. Après des collaborations avec des compositeurs du haut du panier (trois avec Jay, mais aussi Franck Eulry, JP Nataf et Jean-Christophe Urbain), elle revient, avec son septième disque, à ses amours originelles, puisqu’il marque ses retrouvailles avec l’orfèvre Alansky. “Un disque est avant tout un projet affectif, humain et passionné, mais aussi le fruit du ping-pong entre mes textes, ou mes ébauches, et les trouvailles musicales de mon acolyte, à tel point que je serais incapable de faire appel à plusieurs compositeurs.” Le résultat, signé par Hervé Defranoux, le patron du label mythique Odeon (celui des Beatles, d’Higelin, etc.), est une réussite éclatante. Intime et intimiste, celle qui, sur son précédent album, constatait qu’en âge on “va de dizaine en dizaine”, nous fait part de ses bonheurs, ses craintes, ses doutes, bref des inévitables questions existentielles que l’on s’impose à l’heure des bilans : “Jay et moi étions pour des raisons différentes dans un même état de fragilité et de vulnérabilité. L’élaboration de ce disque a agi comme un baume mutuel. Nous avons voulu aller à l’essentiel.” Les onze chansons nous touchent par la beauté et l’honnêteté des textes, denses et sans tabou, auxquels sont offerts des écrins pop lumineux. On a hâte de voir Jil sur scène (en octobre à l’Européen et en tournée) où son goût pour le cinéma l’incite à créer des spectacles avec une belle valeur ajoutée. Jacques Kasbi “Derrière la porte” - Odéon / EMI www.jilcaplan.fr
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X MAKEENA
Pierre Pougnand
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e la machine au service de l’humain ! Entité hybride située entre hip hop, brisures électroniques, drum’n’bass et autres vibrations sonores, ce groupe de la région rennaise nous offre une deuxième intervention musicale dans la langue de Molière. L’album est dans les bacs depuis le 10 avril. Bien loin de la techno festive connue sous le même nom (ou presque : la maquina), ils en ont déjà surpris plus d’un avec leur premier album Death on the wax paru en 2004. Quand le timbre de voix des deux MC’s, Vicking et Says, la beat-box et les personnages de Karlton rencontrent une rythmique qui claque, celle de deux frères - Stef et Nico, respectivement à la basse et aux machines -, Instinctive dérive prend corps. Son contenu nous téléporte au-delà de notre prise de terre et dénonce l’humain qui “toujours recentre l’univers sur le nombril de l’humanité”. Outre le son, enregistré, mixé et masterisé par Seb Lorho au studio Passage à Niveaux à Rennes, le visuel explose la scène, aidé du collectif d’éclairagistes Light FX et de Gildas Puget (scénographe / Cie Qualité Street). Jeux d’ombres et de lumières, machines en mouvement, expression corporelle, costumes accompagnent et respectent à merveille l’atmosphère sombre et enivrante de cette bande dessinée de science-fiction sonore. Les X Makeena (prononcer comme en latin : “deus EX machina”) ont déjà propagé leur univers en Norvège, Chine, Belgique, Québec et lors d’un récent tour d’Hexagone avec ce nouveau formatage. Ils participeront en septembre au cinquième anniversaire du Festival des Musiques Emergentes à Rouyn-Noranda au Québec et seront, dès cet été, sur de nombreux festivals belges. De voyages en rencontres, les invités se succèdent : Ronan Pellen (violoncelle, saranghi) Robert le Magnifique, Powskij, (scratch) ou encore Bleubird au chant, pour un futur maxi. En constante mutation, on peut s’attendre à ce que les cinq éléments du groupe réalisent un de ces jours leur projet personnel. Pour le moment, de nouveaux morceaux sont en route, et sur scène, des captures d’images sont prévues pour un DVD. Comme le souligne Stef (basse) : “La persévérance est avantageuse.” Annick Gargadennec “Instinctive dérive” - Mekkis / Foutadawa www.xmakeena.com
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WAX TAILOR
KID CHOCOLAT
Fred Huiban
Patrick Auffret
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n pourrait les situer entre Kid Loco et Kid Koala. Enfin presque, si l’on se réfère à leurs productions swinguantes, parfois plus lentes ou à l’opposé remuantes, mais toujours un peu tripantes et mentales. Mais en fait, c’est bien plus que ça ; on pourrait crier au génie et dire qu’il s’agit d’une petite révélation dans le domaine des musiques électroniques. Dans le quatuor genevois : Philippe incarne davantage le projet et s’occupe du mix, Fabio crée des instrumentations, Olivier fait les pochettes fluorescentes (il a remporté le 1er prix aux Qwartz Awards Electronic) et réalise les projections scéniques, enfin Caroline chante (parfois) et les accompagne en concerts. Après Life and death of Romano Poal (2002), leur deuxième album The Peter Sellers remix (2003) est le premier CD réalisé avec des samples de films de Peter Sellers. Envoyé comme une bouteille à la mer, il fait l’objet de plusieurs articles dans la presse musicale française… Pour autant, leurs auteurs ont encore aujourd’hui conservé leurs boulots : “On ne vit pas de notre musique et on n’a pas de manager. On reçoit des demandes pour aller jouer ou faire des DJ sets, donc on les fait, mais on ne cherche pas à faire des tournées en tour bus avec 40 dates en un mois.” De toute façon, il n’y a pas de statut d’intermittent chez eux : “Le marché suisse fait que tu es dans les charts à partir de mille disques vendus. C’est donc vraiment une chance que d’être distribué en France et en Allemagne, car les ventes suisses… c’est plutôt de l’anecdote ! Et même s’il y a une scène assez vivante, c’est vrai que l’on n’est pas aidés…” Vous avez dit dilettante ? “Le studio, c’est chez nous ! On improvise. La musique électronique, aujourd’hui, avec une petite mixette, de bons écouteurs et un endroit sympa où répéter, c’est possible d’en faire. Souvent on fait ça dans les appartements des uns et des autres… Celui de Fabio est parfait et bucolique : par la grande baie vitrée, on voit des vaches…” Alors à vous de ne pas passer pour des moutons : le dernier album Zombiparti ! est une vraie réussite et le groupe est également à découvrir sur scène. Fred Huiban “Zombiparti !” - Poor Records / La Baleine www.myspace.com/kidchocolatmusic
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ax Tailor est de retour avec Hope & sorrow, album aux nombreux invités. “La part vocale est plus importante, convient Jean-Christophe Le Saout, alias Wax Tailor, mais l’idée reste la même : mener le projet en studio avec des gens qui interviennent dessus.” Ainsi, Sharon Jones, Ursula Rucker, Voice, The Others, le collectif anglais A State of Mind ont apporté leur contribution en mettant souvent en avant des influences rap. Mais c’est surtout Charlotte Savary, la complice des débuts et désormais omniprésente, qui attire l’attention. Elle est la voix de Wax Tailor sur la tournée : “Nous avons anticipé les choses avec notamment de la vidéo pour pallier l’absence des invités lors des concerts. Cela donne quelque chose de différent.” Tous les morceaux ont été retravaillés pour la scène. Charlotte interprète plusieurs titres, dans une atmosphère irréelle. Autre fille de l’aventure, Marina Quaisse joue du violoncelle. Indispensable aux concerts, elle intervient essentiellement sur les arrangements, tout comme la flûtiste Marine Thibault : “C’est intéressant d’avoir des instruments sur scène. Le live n’est qu’une déclinaison de l’album qui justifie leur présence. Cela donne une autre dimension.” Car le disque a été enregistré à domicile, dans un home studio, sauf pour quelques prises (celle de Sharon Jones notamment) : “Ce n’était pas nécessaire d’aller dans un gros studio. Le mastering a quand même été réalisé chez Sterling Sound à New York, qui est pour moi la Mecque du genre.” Les 20 000 exemplaires écoulés de Tales of the forgotten melodies ont permis à Wax Tailor d’avoir les moyens de mettre en lumière son hip hop orchestral à sa guise. Une indépendance artistique revendiquée qui lui permet aussi de travailler à son rythme. Et malgré d’incessantes tournées, Jean-Christophe a pu trouver le temps d’écrire de nouveaux morceaux : “Tout s’est fait dans la continuité. J’écris toujours dans des blocs-notes, je fais des maquettes en permanence…” Hope & sorrow à peine dans les bacs, le voici de nouveau sur les routes en compagnie de ses trois muses. Le spectacle mêle, dans une séduisante french touch, images vidéo, samples et instruments. Un must. Patrick Auffret “Hope & sorrow” - Lab’Oratoire / Atmosphérique - www.waxtailor.com
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NELSON
Pierre Wetzel
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evolving doors, c’est une porte tournante. On est quatre dedans, autour d’un centre qui nous unit. Et s’il y en a un qui bloque, les autres n’avancent pas…” Frappant de réaliser à quel point JB, Thomas, Greg et David, la vingtaine et des idées très claires en tête, s’inscrivent ensemble dans leur univers propre. “On fait beaucoup tourner les instruments, pour casser régulièrement les automatismes que l’on peut avoir.” Pas de place prédéfinie et la cohésion en point fort, pour ce groupe qui est parvenu très vite à compacter des thèmes et des sons puisés dans un panel passionné, de Joy Division à des groupes actuels tels Liars. “Le mariage de toutes les influences ? C’est parce que l’on a une vraie culture commune, on s’est formés ensemble”, raconte JB. Après de belles esquisses sur le EP Bangkok riot, le premier album présente une œuvre aboutie et remarquable. Réalisé l’an dernier dans un studio du sud de la France réaménagé à leur goût, ils le défendent à présent sur scène devant un public large et exigeant, fasciné par leur approche électro-rock, par leur esthétique sombre et littéraire. Pour l’écriture, JB parle du refus de ce qui les entoure : “On n’est pas des gens tristes, mais par contre, sensibles à la tristesse environnante ! Ce n’est même pas de la tristesse, mais de l’énervement, en fait. Chaque chanson a son univers.” Thomas explique le processus : “Personne n’arrive avec une chanson au départ. On se retrouve en répète et on essaie de construire des chansons à partir de jams. C’est une approche sensible où chacun donne ce qu’il a à ce moment-là…” Des frustrations, des ambiances souterraines, de l’amour, des visions poétiques voire romanesques, l’expression d’un monde actuel, physique et sensitif. Greg résume : “On n’est pas dans une démarche de songwritting pur, personnel. Non, ça vient tout seul. On met nos paroles en commun, alors forcément les thèmes ne sont pas précis, mais d’une humeur un peu noire.” Thomas met le doigt sur leur énergie créative : “Finalement, on fait de la musique parce que c’est le vecteur que l’on a trouvé, mais on est aussi sensibles à des films ou à des livres…” Autour de ces télescopages, les portes pivotent, convergeant vers une lumière et un son incandescents. Béatrice Corceiro “Revolving doors” - Diamondtraxx / Discograph www.nelsonrock.com
KAFKA
AÏWA
Robert Gil
Thomas Béhuret
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ientôt dix ans pour ce combo rennais ! C’est à l’occasion de la sortie, début mai, de Remixed vol.1 que nous avons rencontré les deux frères à l’origine du collectif, Naufalle (rap, guitare, percus) et Wamid (basse), pour discuter du passé et de l’avenir d’Aïwa. Et il est vrai que leur trajectoire a de quoi surprendre. Adulés par nos voisins britanniques, signés par un label électro canadien (Wikkid Records), l’actuel septet est plus sollicité à l’étranger qu’en France, où il reste relativement méconnu. Cette situation peut s’expliquer, en partie seulement, par le caractère universel du groupe : “J’ai l’impression qu’en France, on a besoin de pouvoir décrire un groupe en seulement deux ou trois mots.” Véritable rencontre entre l’Orient et l’Occident (une thématique récurrente dans leurs textes), leur musique télescope folklores du monde arabe ou asiatique (du gnawa au maqâm, en passant par le Vietnam), sur un mode musiques actuelles en tous genre (hip hop, funk, jungle). Ajoutez à cela la nature véhiculaire des langues employées : l’anglais, mais aussi l’arabe dialectal irakien, proche de la langue classique et donc largement compris. A défaut de pouvoir les étiqueter, on les a souvent comparés à Asian Dub Foundation, rapprochement flatteur, mais imprécis : “C’est une vulgarisation récurrente. Ils ont pourtant une base rock que nous n’avons jamais eue…” Quoi qu’il en soit, Aïwa continue son aventure humaine et artistique. Humbles et visiblement passionnés, leur tournée estivale les verra traverser le Venezuela, l’Angleterre, la France et le Maroc ! Leur actualité passera également par un second volet de remixes et une flopée de maxis, plutôt orientés dancefloor et donc plus proche de l’identité du label qui les héberge. Ces publications compileront des réinterprétations de leur deuxième opus, El Nar, paru l’an passé. Au générique, citons notamment Transglobal Underground (“les vétérans anglais de la scène “global sound”, on est fan depuis plus de dix ans !”) qui en retour, les invitent sur leur dernier album aux côtés de… Natacha Atlas ! En attendant un troisième disque, en cours de composition, l’ascension se poursuit. Rafael Aragon “Remixed vol.1” - Wikkid Records / Fairplay www.aiwamusic.com
L
à où le rock progressif et l’imaginaire fusionnent avec un pouvoir exaltant : là est né Kafka. O est leur deuxième autoproduction. A rencontrer sur scène absolument. SUR QUOI VOUS ÊTES-VOUS CONCENTRÉS DANS LA CONCEPTION DE CE NOUVEAU DISQUE ? Nous avons cherché à rester au contact de nos émotions les plus personnelles, d’être à l’écoute de nos évolutions respectives. Ainsi, en alliant la notion du temps et du travail, nous avons pu fusionner et délivrer cinq espaces sonores narratifs aux couleurs expressives et extrêmement variées. Par ailleurs, les directions artistiques sur O nous sont venues naturellement, en créant une relation forte avec ce que nous écrivions. L’équilibre, dans tout ce qui constitue cet album, a été une démarche majeure, notamment avec de longues plages aériennes qui contrastent avec des moments brutaux, tout en gardant l’essence rock propre à Kafka. Le son de Nosfell au chant et de Pierre Lebourgeois au violoncelle, montre que nous avons gardé une volonté d’ouverture vers d’autres entités musicales. QU’EST CE QUI VOUS A RAPPROCHÉ DE NOSFELL ? Nous avons d’abord été fortement touchés lors d’un concert au Tamanoir, à Genevilliers, où nous jouions en première partie. Après, nous nous sommes rencontrés humainement et le contact a été tout de suite naturel et chaleureux. En ce qui concerne son univers musical, beaucoup de valeurs sont communes à notre démarche : l’implication personnelle, la volonté de communiquer un imaginaire, l’envie d’être sincère envers le public… En outre, les différences entre les deux projets favorisent la rencontre car nos deux natures peuvent être complémentaires. LE VISUEL DEVIENT INDISPENSABLE. VOTRE PERSONNAGE EST LÀ POUR VOUS REFLÉTER EN MÊME TEMPS QUE VOTRE MUSIQUE ? Le personnage sans bouche est un concept qui nous suit depuis le début. Il est là pour imager la nature de notre projet instrumental et pour susciter une réaction. Il renvoie aussi au fait que nous voulons partager un voyage intérieur. Concernant l’album O, nous avons choisi d’utiliser l’œuvre Mike du collectif d’artistes américains aziz+cucher dans le cadre d’une coproduction entre Vintage Corp et le FRAC Auvergne. Béatrice Corceiro “O” - Vintage Corp - kafka.vintagecorp.free.fr
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Raphaël Lugassy
Le Prix
Remise du prix, le 14 avril 2007
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lexandre Varlet remporte la première édition du Prix Olivier Chappe, récompense remise à l’artiste des mains de Mathias Malzieu au cours de l’émission La Bande Passante sur RFI, le 14 avril dernier. Olivier Chappe, journaliste collaborateur pour RFI et Longueur d’Ondes, a aussi initié l’hebdomadaire en ligne MusiQualite.net, trois média aujourd’hui partenaires de ce prix. Ses proches ont créé l’association suite à son décès pour agir en faveur des malades du cancer et des personnes qui les
Alexandre
Varlet C
iel de fête voyage dans des paysages, visités ou fantasmés, avec des feux d’artifices pour toute lumière. Des explosions fulgurantes, le calme, la tempête. Son auteur cavale, laissant les nuages gris dans son dos. Gamin fasciné par la new-wave, il découvre le folk un peu plus tard, grâce à une réédition française de l’intégrale de l’Anglais Nick Drake : “J’habitais un petit village, j’ai pris mon vélo un samedi soir pour aller me l’acheter. Ca coûtait 350 balles, mais j’en avais envie. J’avais lu dessus un papier tellement dingue ! Ensuite, j’ai découvert des gens comme Tim Buckley, Cohen, Dylan… Tout d’un coup, j’ai réalisé que j’aimais aussi cette musique-là. Ca tombait bien parce que j’ai toujours travaillé avec une guitare en bois. Même si au départ, et justement parce que j’aimais la new-wave, j’avais dit à mes parents que je voulais un synthé. Pas de bol, ils m’avaient offert une guitare.” Depuis, elle est son instrument de prédilection, fidèle outil qui dessine ses chansons : “Toutes les musiques sont enregistrées dans ma tête, je n’écris que les textes…”, confie-t-il. A partir d’une base acoustique, il cherche la matière la plus malléable possible.
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Raphaël Lugassy
Olivier Chappe
Olivier Chappe
Le jury, réuni le 11 avril 2007
Marc-Olivier Jaudel. En mémoire du courage d’Olivier et de ses passions communicatives pour la musique et les textes, ils ont choisi ensemble de distinguer les qualités littéraires et musicales de plusieurs artistes présélectionnés (Alexandre Varlet, C++, Charlotte Etc., Fleur Offwood, Jacarandaa, Jibs, Le jury a réuni l’écrivain Dominique Bona, Charles d’Olympic Julie B. Bonnie, Les Notaires, Lulu Borgia, Pablo Krantz, Untel, Tour, l’éditeur musical Rodolphe Dardalhon, le directeur de Yasmina Pieds Nus), avant de se mettre d’accord sur l’univers l’IPJ (Institut Pratique du Journalisme) Pascal Guénée, les personnel d’Alexandre Varlet. journalistes Danièle Heymann et Eric Nahon, le communiquant Eric Tong Cuong et un membre de la famille d’Olivier, www.myspace.com/asso_olivierchappe
Raphaël Lugassy
accompagnent dans l’épreuve de la maladie. Le prix entend faire émerger un artiste qui s’engagera à jouer dans l’amphithéâtre de l’Institut Curie. L’idée de jouer “en concert contre le cancer” s’impose pour partager des élans de vie.
Sur son nouveau disque, il passe un nouveau cap : “Il y a des titres où l’on peut presque danser dessus et ça me fait plaisir. J’ai voulu essayer et ça marche. J’étais sensible à ça, parce qu’au fond, j’ai toujours écouté une musique assez dansante. Chez tous les groupes post-punk début 80, la new-wave, des groupes comme Depeche Mode que j’adore, ou même Cure, il y a toujours un bon rythme pour danser. Je voulais donc un disque brut, assez blues, sensuel, et qui tende vers une certaine forme plus instinctive.” Ses onze nouveaux titres explorent cette veine avec une sensibilité percutante dans les effluves grisantes, les arpèges intimistes, comme dans des faces plus nerveuses et tranchantes. “Il y a aussi le désir d’être un peu plus barré, plus dissonant”, déclare celui qui a trouvé en Nicolas Leroux, la voix d’Overhead, un parfait confident. “Il m’a mené vers ce travail sur le son, sur l’énergie, et sur le grain… Ca s’est fait simplement, à quatre mains. On était juste en face, avec l’envie de faire un disque assez indé, le moins policé possible.” Deux morceaux instrumentaux épousent complètement une atmosphère imagée, aussi émouvants que ceux sur lesquels il chante : “Je pense que si j’aime les mots, c’est parce que j’ai lu pas mal plus jeune. J’aimais les livres. En ce moment, je suis dans une période où j’ai envie de simplicité, sans qu’elle n’empêche l’imaginaire de se développer. J’ai toujours aimé les textes à tiroir, mais pour ce troisième album, je tenais à ce que la chanson soit peut-être plus facile d’accès à l’écoute, que le texte soit lisible et assimilable d’emblée.” Des évidences pop au fond desquelles collent encore des bouts de mystère. Oui, il laisse ses chansons papillonner allègrement. Mais Varlet ne se dévoile jamais tout à fait, juste assez pour nous renvoyer à notre propre réflexion. Béatrice Corceiro “Ciel de fête” - Fargo / Naïve - www.alexandrevarlet.com 17
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Robert Gil
Réjouissonsnous, le Mass Hysteria nouveau est arrivé. Après un détour pop mal (di)géré, le quintette revient avec un album clair et puissant, soigné sur le fond comme sur la forme…
Mass
HYSTERIA D
’une trace indélébile, ils ont marqué la scène hexagonale en 1999 avec leur deuxième effort Contraddiction, “l’album metal qui a ravagé le plus d’oreilles à ce jour”, aux dires de certains. Rarement un groupe français aura atteint une telle puissance, un mur du son qui fait tout vrombir sur son passage et qui interpelle et élève les esprits. Depuis dix ans, Mass Hysteria détonne et creuse son trou à coups de murs de guitares, de riffs aiguisés et de discrètes programmations électroniques, un subtil dosage qui a façonné son identité et continue de faire sa particularité. Un équilibre musical donnant une superbe assise aux textes, véritable ciment entre son et sens, pilier d’un savoir-faire qui s’illustre plus que jamais sur ce nouvel album.
Le chemin parcouru depuis 1997 n’aura pas été sans embûches. La mauvaise passe de 2005 marque un tournant pour la formation : le mauvais accueil que reçoit l’album noir Mass Hysteria (jusque dans nos pages !) met en péril la cohésion de ses membres, au bord du clash. Le public ne se reconnaît plus dans leur musique, desservie par une production tape-àl’œil. Et eux non plus, au final. “On a un peu trébuché sur l’album précédent. Je pense que l’on a déçu dans la différence musicale que l’on a voulu imposer, ça se respecte. Mais ça correspond à nos parcours personnels, on a eu besoin de ça”, relativise aujourd’hui Mouss, auteur et chanteur charismatique. Une période de doute indispensable pour revenir plus grand, plus sûr de ses désirs artistiques et humains. Traduisez un récent changement de label (l’album a d’abord été produit à leurs frais), pour retrouver une liberté de choix et une nouvelle motivation. Ce qui donne à ce nouvel album des airs de renaissance : “Il fallait que l’on enregistre coûte que coûte, on était tellement contents de nos nouveaux morceaux ! Cet album nous correspond totalement, avec ce que l’on est et ce que l’on a été. Ca remet les choses à leurs places.” Et si ce titre, Une somme de détails, évoque la richesse de leur musique, il fait aussi écho à leur histoire : “Une somme de détails, c’est ce qui fait une vie, personnelle et de groupe, ce que nous sommes.” C’est donc en grande forme que Mass revient : “On a repris le bail et on a re-signé pour dix ans !” Espérons même davantage…
“Avoir la force de renoncer à la force pour enfin élever le débat !”
Il serait pourtant bien réducteur de les ranger sous l’étiquette étroite du metal français, ses chants gutturaux et son imaginaire morbide. Une somme de détails, cinquième opus du groupe, se déploie justement dans la finesse et la précision : un son “moins brut et plus élaboré”, révélateur d’une volonté de porter des textes engagés et lumineux. Un message d’où émane une foi en l’humanité et un espoir de changement, un besoin viscéral de faire bouger les choses sans violence… grâce à la raison. Evitant à la fois le fatalisme ou l’hédonisme béat, le langage est intime, sans être intimiste, simple et fluide. Morceaux choisis : “Dieu s’en fout c’est une chose, Force est de croire d’abord en soi. Avoir la force de renoncer à la force pour enfin élever le débat !” ; “On ne peut pas cultiver seulement le plaisir d’exister, Seulement le plaisir d’exister comme substance à positiver”. Témoin de cette envie de toucher les esprits, le mixage (superbement réalisé par Fred Duquesne) fait la part belle à la voix, tout en conservant la puissance et la dynamique du groupe. Un joyau de profondeur, aux ornements subtils, que l’on ne cesse de (re)découvrir, notamment à travers les breaks de batterie. Sans renier une Yann Guillou & Rafael Aragon orientation “rock à texte” amorcée dès 2001 avec De cercle en cercle, le cru “Une somme de détails” - At(h)ome / Wagram 2007 renoue avec l’énergie folle des débuts. www.surlabreche.com 19
tReponeM paL L’un des meilleurs groupes de la scène française du métal industriel est de retour avec du sang neuf dans ses rangs. Avant la tournée des festivals d’été, petit tour de chauffe avec Marco et Didier, les fondateurs du groupe.
S
i certains ne retiennent que la fameuse “stouquette” exhibée à Nulle Part Ailleurs, d’autres s’étaient arrêtés au nom du groupe, jeu de mot sur la bactérie responsable de la syphilis. Pourtant, le combo a réussi quelques coups de maîtres, plus souvent salués en dehors de nos frontières : une signature chez Roadrunner (Fear Factory, Sepultura), la tournée Lollapalooza avec Ministry et les premières parties des Young Gods ou de Nine Inch Nails… Dix ans après son dernier album, Treponem Pal relance ses machines et part tester en live ses récentes compositions. Finies les ambiances reggae de l’expérience Elephant System, la nouvelle équipe retourne à la source, mélangeant musique industrielle, metal, hardcore et quelques envolées dub.
20 ANS DU ? MARCO : Ca va. De toute façon, c’est que de l’envie. 20 ans ou 50 ans, ça ne change rien. Ca ne nous choque pas. Le temps passe. Les gens m’appellent “monsieur” (rires). Un jour où j’étais DJ, on m’a même dit : “C’est ce qu’écoutait mes parents”. Ca m’a tué ! Mais no soucis. On est trop branché punk. A ce propos, je conseille l’émission Punk’D sur Bittorent. Ils donnent des interviews CA
VOUS FAIT QUOI DE FÊTER LES
Thomas Béhuret
GROUPE
incroyables comme Crass ! Rotten (NDLR : Sex Pistols) drive le truc avec sa gueule de vieux à casser tout le monde. Il a peut-être toujours joué un rôle, mais ce que je retiens de lui, c’est sa phrase : “Le son de la colère n’a pas de mélodie”. Je suis assez d’accord.
EN TANT QUE PRÉCURSEURS, QUEL REGARD POR? MARCO : Ca ne m’impressionne pas. Bud, le batteur, nous fait écouter des trucs. Ils jouent bien, mais je m’en fous. Par exemple, Kool Kiss est peu connu, pourTEZ-VOUS SUR LE MOUVEMENT INDUS
tant il fait un rap sauvage assez terrible avec une vraie personnalité. Ou bien Queen Adreena ; la chanteuse est capable de s’enfiler des caisses de blanc et tout casser après ! Je me reconnais plus là-dedans. AUTANT
D’INFLUENCES, C’EST UN SURPLUS
? DIDIER : Le fil conducteur, c’est la spontanéité ! Le groupe, c’est un peu un hybride. MARCO : Sur le futur album, il y aura Ted Parsons à la batterie (Swans, Prong, Godflesh, Jesu) et Paul Raven à la basse (Killing Joke, Prong, Ministry). Les featurings rap, c’est juste du biz’ ; une garan-
CRÉATIF OU DE LA NOSTALGIE
tie de ventes. Ce sont avant tout des potes fans du groupe ! On prévoit aussi de se refaire une petite rencontre avec Les Tambours du Bronx. 17 mecs autour de toi, des copeaux de bois qui volaient dans tous les sens, ça donnait ! Et pourquoi pas monter une mini tournée… DIDIER : Moi, j’étais là en tant que spectateur. C’était massif ! C’EST DIFFICILE DE RECRÉER UNE COHÉSION ? MARCO : Au bout d’un moment, il y a l’unité. Mais le duo créatif reste le même : Didier et moi. Aux autres de s’adapter à l’envie de faire. Et c’est pas une question d’âge ! Là, les mecs déchirent…
DIDIER : Oui, on a vu pas mal de gens. C’est vraiment quatre lascars qui envoient à fond et qui assurent. Enfin, disons, autant que nous, quoi ! (rires) POUR LA CRÉATION, AVIEZ-VOUS FIXÉ UNE LIGNE ? DIDIER : Faire quelque chose qui n’existe pas. Et si on jette un titre, c’est juste qu’on n’est pas dedans, c’est tout. Et on aime toujours le reggae, mais le prochain album sera plus dur avec quelques morceaux en marge. Pour l’instant, c’est un successeur d’Excess & overdrive. Higher était trop “machines”, mais on découvrait le truc. C’était incroyable toutes ces possibilités ! Non, je crois vraiment que c’est l’album le moins en rupture. À SUIVRE
POURQUOI TESTER LES MORCEAUX SUR SCÈNE ? MARCO : Besoin de prouver qu’on a la niaque, qu’on est un groupe de scène. Le mec du festival de Dour nous fait confiance, c’est cool ! On vise aussi l’étranger. Donc, pas d’appréhension : la cohésion se fera sur scène. On a pris le temps de répéter et les mecs sont à bloc. Côté chant, j’essaie d’autres choses, mais ça gueule toujours autant. De toute façon, pas de règles, que de l’instinct. Les règles nous font chier ! Samuel Degasne www.myspace.com/treponempal
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
Fer de lance d’un courant indus, après 22 ans de carrière, une douzaine d’albums et des incursions électro-ambiant, le trio suisse revient aux fondamentaux avec Super ready / fragmenté, album trempé dans le rock. Retour sur ce parcours, avec son homme de proue : Franz Treichler.
TheYoungGods L
A FACTURE MUSICALE PROPOSÉE
(BATTERIE,
BLOC D’ACIER !
GUITARE SAMPLÉE,
CLAVIERS, VOIX) RESTE TOUJOURS D’ACTUALITÉ.
QUELLE
ÉTAIT
L’INTENTION DE DÉPART ? J’ai toujours voulu faire de la musique pour essayer de communiquer des choses qui ne se communiquent pas autrement. Ado, j’ai reçu l’influence de groupes qui m’ont fait comprendre qu’il existait des choses, hors du quotidien ou de la rationalité, qui pouvaient motiver leur propre langage. J’ai commencé par la guitare, classique et électrique, de 12 à 22 ans. L’arrivée du sampler a été une révolution. Je pouvais balayer tout le rationalisme de la musique appris au conservatoire - la tonalité, les accords, etc. - et passer d’une sonorité à une autre : orchestre classique, guitare électrique metal, cabaret ; le son de marque des Gods de l’époque…
laborations, d’abord à un niveau individuel (NDLR : musiques chorégraphiques pour Franz Treichler, album solo pour Al Comet, musiques de film pour Bernard Trontin), puis ensemble, on a fait Amazonia ambiant project, conférences musicales de l’anthropologue Jérémy Narby. C’est à ce moment que j’ai décidé d’arrêter les collaborations externes au groupe, réalisant son importance. Une identité forte comme celle-ci, trois personnes qui partagent une alchimie, il faut la chérir et en profiter tant qu’elle est là. Ce nouvel album, on l’a commencé en 2004 avec la réalisation de cinq morceaux en vu de démarcher. Mais c’est seulement début 2005 que l’on a trouvé un nouveau management, puis un label. Avec Pias, on a alors pu se mettre d’accord sur la compile anniversaire, ce qui a permis de resituer le groupe et d’aboutir à Super ready. D’un côté on n’a pas eu l’impression d’être moins actifs, mais on était moins présents sur les scènes. Et de nos jours, les gens t’oublient très vite.
DANS SON HISTOIRE, LE GROUPE A CONNU DES CHANGEMENTS DE MUSICIENS. QUELLE EST LEUR LIBERTÉ DANS CE LANGAGE MUSICAL “CODIFIÉ” ? Il a été différent à chaque période. Au moment du premier album, Caesare Pizzi (sampler) et Franck Bagnoud (batterie) n’avaient pas la volonté de s’impliquer dans la compo. Ca a changé avec les arrivées d’Use Hiestand (batterie) et d’Alain Monod (sampler). Alain a amené des idées pour T.V. sky en 91, alors que la composition n’intéressait pas Use. Quand Bernard (Trontin) a remplacé Use en 97, ça a encore été différent. Alain était déjà bien établi comme co-compositeur et Bernard regorgeait d’idées, situation que l’on n’avait pas connue jusqu’alors. Enfin depuis Second nature (2000), la composition se passe à trois : Al (Comet), Bernard et moi. Chacun amène ses idées, on enregistre des jams, puis on retravaille ce qui nous plaît.
COMMENT PRÉSENTER SUPER READY / FRAGMENTÉ ? Il y a une tendance forte, un retour vers une couleur rock, avec des morceaux courts, une grosse unité de son… Ces conférences, c’était super, mais ça manquait de sueur et de décibels ! C’est aussi la raison qui nous a fait revenir à des choses plus compactes, en plus du contexte sociopolitique. C’est notre manière de réagir au monde contemporain, car c’est toujours ce dont il s’agit au fond… dans la motivation ! ON RETROUVE UNE CONSTANCE DANS VOTRE UNIVERS : L’ÉVOCATION, DANS LES TEXTES ET LES VISUELS, DU TEMPS, DE L’ESPACE, DES ÉLÉMENTS…
EN 22 ANS DE CARRIÈRE, DE QUELLE MANIÈRE A ÉVOLUÉ VOTRE MUSIQUE ? Du fait des tournées, elle est devenue plus rock. Les textes ont intégré l’anglais, car le français nous isolait dans pas mal de pays. Ensuite, elle a évolué avec les gens, par période, assez naturellement. Après Play Kurt Weill (89), cet espèce d’effet de surprise où chaque morceau avait son univers, devenait un cliché. On a voulu rompre avec ce côté cabaret-metalorchestre-classique et faire un album possédant une unité de son, une palette de couleurs plus choisies, rock en l’occurrence. Quand les guitares samplées sont devenues à leur tour un cliché, on les a mises de côté pour renouveler l’approche, ce qui a donné Second nature, un album plus électronique, et Music for artificial clouds, totalement ambiant, quasi sans beat ni vocaux.
Les Young Gods, c’est toujours un peu les pieds sur terre et la tête dans les nuages ! Faire en sorte de toujours avoir pied dans le contexte dans lequel on vit, tout en conservant une fraîcheur créatrice, un positivisme, un imaginaire vivant. C’est notre langage. Il repose sur nos rapports avec les gens et la nature, mais on aime évoquer l’abstraction, plutôt que d’exorciser nos problèmes personnels. DANS LES TEXTES, LES MOTS SEMBLENT ACCOLER, POUR JOUER AVEC LES SONS, LES SENSATIONS, LES PERCEPTIONS, PLUTÔT QU’AVEC LE SENS. Cela dépend si j’écris en anglais ou en français, ce qui permet autre chose. En plus, là, je mélange un peu les deux. Ca facilite un peu plus l’établissement de notre langage. Ma technique est assez simple. J’écris des petites choses sur des carnets des titres de chansons, des sujets de réflexion… - et c’est à partir de ces notes que je mets en place, que les textes se forment. Toutes les chansons ont un thème, qui n’est pas toujours évident à saisir pour l’auditeur. Mais ça m’importe peu. C’est moins limpide, mais ça va plus loin, ça donne une possibilité de développer sa propre interprétation. Ce que je trouve
DEPUIS 2002, LE GROUPE SEMBLAIT ENTRE PARENTHÈSES… Cela tient à une problématique de maisons de disques, de management et une espèce de paravent face au music-business, suite à de mauvaises expériences. On a voulu retrouver un profil indépendant, en autoproduction, ce qui prend plus de temps. Dans cette même période, on avait des envies de col22
Pierre Wetzel
très fort en général en musique, c’est le pouvoir de suggestion… Par exemple, j’ai écrit I’m the drug suite à la lecture d’un article scientifique, qui expliquait que les sensations sont produites dans le cerveau par une sécrétion d’enzymes, aux noms proches des substances illicites. Quelque part, la réalité que l’on connaît, est ou pourrait être interprétée comme une expérience psychédélique à part entière. Je trouve que c’est un sujet très intéressant, mais comment traduire ça en mot, sans passer par le redondant et le scientifique ? Pour suggérer une idée pareille, il fallait un titre fort. Le reste du texte s’appuie sur des choses plus oniriques
que j’ai vécues. Le deuxième sens de la chanson peut s’appliquer à une relation amoureuse : l’addiction à l’autre. Au final, qu’est-ce qui fait que les drogues sont drogue ? C’est un véritable sujet. Mais mettre des points d’interrogation, c’est plus important que d’affirmer et penser que j’ai des solutions. Un pouvoir de suggestion qui depuis mai dernier retentit en Europe, en Amérique du Nord et au Japon où l’album est paru. Bruno Aubin “Super ready / fragmenté” - Pias www.younggods.com 23
“Toujours un peu les pieds sur terre et la tête dans les nuages !”
Prototypes, qui termine actuellement son troisième disque, a sorti en 2006 aux Etats-Unis un album éponyme compilant ses deux premiers opus français. Le groupe y est parti défendre ses chansons sur scène, en mars dernier : douze jours qu'Isabelle, la chanteuse, nous relate. Une expérience hors du commun…
C
a commence par Los Angeles, dont nous découvrons l’étendue gigantesque et phénoménale à travers le hublot de l’avion : tel un énorme microprocesseur posé sur une vaste et plate plaine… Nous y restons trois jours, visitons en voiture les principaux quartiers et donnons nos deux premiers concerts de la tournée. Nous en garderons le sentiment d’une ville assez insaisissable… Nous la quittons au petit matin pour Seattle. Curieusement, les innombrables palmiers emblématiques de la ville du soleil, sont remplacés par une variété surprenante de conifères. Seattle : la ville du sapin ? C’est aussi la ville du gris, sous toutes ses variantes, une sorte de Manchester à l’américaine. Pour notre première venue, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à ce cher Kurt… Comme s’il y avait laissé planer un voile. Ce que nous confirme l’une des animatrices de la radio KEXP où nous donnons un live en direct dès notre arrivée. Elle nous explique que la ville a beaucoup de mal à se défaire de son passé grunge, même si les choses commencent un peu à évoluer… Heureusement, le soir même, au concert, nous constatons qu’il y a bel et bien une énergie nouvelle prête à en découdre avec cet héritage, puisque nous jouons devant une salle remplie d’un public jeune, dansant et totalement désireux de nouveautés… Un très bon moment, qui se poursuivra à la pizzeria d’en face, où plusieurs nouveaux fans viennent nous saluer. Départ le lendemain pour Chicago. Sans doute l’une des plus belles villes que nous traverserons ! Le passé y a laissé de belles traces architecturales qui côtoient parfaitement les constructions contemporaines. Le quartier des affaires et ses merveilleux buildings n’a rien à envier à Manhattan. Et il semble y faire bon vivre, les gens paraissent en forme, sympathiques. A l’image de ceux qui assistent à notre concert au Schubas, ancienne taverne toute en bois avec une très belle scène (et un ingé son français en prime… quel bonheur pour les balances !). Là encore, un très bon moment. Nous donnons un concert dynamique et fusionnel devant une foule on ne peut plus chaleureuse. Ca groove, ça danse et ça sue autant sur scène que devant. Et c’est bon ! Les gens viennent nous voir après le concert pour nous glisser quelques mots gentils, et curieusement font tous l’effort de parler un français, écorché certes, mais c’est tellement mignon ! Après deux heures de sommeil (le quota de cette tournée !), nous reprenons l’avion avec ce que cela implique à chaque fois : le temps interminable passé à l’aéroport pour l’enregistrement des instruments, les contrôles, etc. Nous quittons la fin de l’hiver du Michigan pour gagner le Texas, où nous retrouvons un climat beaucoup plus chaud et aride. Je laisse ma doudoune et ressort les minijupes ! Cette fois, nous nous posons quelques jours à Austin où se tient le très grand et très réputé festival South by Southwest, autrement dit : SXSW. La ville est envahie de rockers de tous styles, de verres de bières qui circulent dans toutes les rues, des sonos qui émettent de toute part créant un brouhaha incessant ; enfin un joyeux bor-
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Photos © Prototypes
A short american tour
del rock’n’roll qui investit le centre-ville (et il n’est pas petit !), autour de la mythique 6th Street, bordée de clubs. Ici, pas de grandes scènes, mais plutôt un principe de showcases, de petites scènes dans des party de jours ou des scènes moyennes dans les clubs. L’idée est donc de jouer court (entre 20 et 30 minutes), mais souvent, et dans plusieurs endroits durant les quatre jours du festival. Nous y faisons d’ailleurs jusqu’à trois concerts par jour… C’est un peu le marathon, mais c’est très drôle ! Tu commences le matin par un live radio en public à 11h avec une tasse de café, puis tu files pour un concert sous tente dans une barbecue-party, et tu repars pour un concert de fin d’après-midi sur une scène extérieure, dans la cour d’un club branché. Une vraie journée de travail bien remplie ! Cela offre l’avantage d’y rencontrer des publics différents à chaque fois et de capter l’attention d’un maximum de gens. Le contact a été très bon sur tous les concerts et nous finissons en beauté le samedi soir à l’Exodus, un club de la 6th, par un concert énergique devant un public joyeux, dansant… certains reprenant même nos paroles en français ! Nous savourons brièvement l’after-show, car nous devons repartir très vite pour l’aéroport où un avion nous attend pour décoller
au petit matin, direction New York. Nous devons y donner notre dernier concert de la tournée, dans un Mercury Lounge déjà sold out ! Enfin c’est ce que nous croyons, car à l’aéroport les choses se gâtent… Des complications sur New York empêchent le décollage. Comme nous sommes six et que les avions sont tous bondés, impossible de nous trouver de la place. Nous resterons avec bon nombre de voyageurs bloqués en plein Texas, sans avoir dormi de la nuit. Je porte encore mon maquillage de scène du dernier concert ! Surtout, nous réalisons au bout de sept heures d’attente et de plusieurs vaines tentatives, que nous ne serons jamais à New York ce dimanche soir. Notre dernier concert va devoir être annulé. La tournée se termine ainsi, en queue de poisson, dans un hôtel d’aéroport au Texas… Une fin étrange, mais qui n’enlève en rien tous les bons souvenirs qui ont alimenté ces dix derniers jours passés d’une ville à l’autre, à jouer devant des “crowd” bien sympathiques et bien chaleureuses… USA bye, bye & see you soon ! Isabelle Le Doussal protoypesonline.com, myspace.com/prototypes 25
Rien “La musique de Rien, on ne sait pas ce que c’est, mais on sait ce que ce n’est pas.” Une voix introduit ainsi le concert de ce groupe grenoblois, un soir de janvier. Quelques minutes d’une plongée magique dans un rêve hypnotique halluciné.
C’est Rien, tout va bien…
S
ur scène, cinq garçons un peu timides ne parlent pas, préférant laisser tourner des messages plutôt délirants et préenregistrés. Yugo et dos.3 jouent assis, leurs yeux décollent rarement de leurs guitares. Au fond de la scène, le batteur {aka} et le percussionniste Francis Fruit ont de grands sourires béats. Et au milieu, Goulag à la basse, partage son regard tour à tour amusé et inquiétant. Ils ne remporteront pas la palme du groupe le plus charismatique, mais qu’importe ? Sûr que personne n’est là pour voir la nouvelle tendance hype. Par contre, tout le monde dit oui au trip que propose Rien. Et pour ne rien manquer de leur univers bien particulier, il faut revenir quelques pas en arrière. En 2003 arrive ce disque intitulé Requiem pour des baroqueux, signé Rien. Perplexe, on observe d’abord l’objet, le retourne dans tous les sens. On ouvre la pochette qui se déplie en plusieurs parties pour construire un cube, dans lequel il y a… Rien. Déjà à cet instant, on est forcé d’admettre que c’est génial. Le disque, posé sur la platine, n’en ressort pas avant… longtemps. C’est ce qui s’appelle un choc. Et croyez-moi, ça vous marque. Pourtant, ces gens débarqués de nulle part avec un truc aussi novateur, tels des ovnis devant lesquels la presse s’est inclinée, sont passés quasi inaperçus du public. En effet, on ne sait pas bien ce que c’est la musique de Rien. Sans doute un mélange de modernité et d’inspiration classiques, de traditions rock et de divagations psychédéliques. Mais Rien, c’est aussi du cinéma et de la poésie, des créateurs de décalages passionnants. Yugo revient sur le premier disque : “Il y avait un univers, un esprit un peu particulier, à la fois la pochette et les textes à l’intérieur y contribuaient, du coup les gens trouvaient ça assez marrant… Ils écoutaient le CD et puis ils découvraient aussi une autre facette un peu moins drôle.” Un mythe s’est propagé plus vite que leur ombre : les notes de la première moitié du disque se reflèteraient à l’envers dans la seconde partie… “Disons qu’au-delà de la musique, c’est l’envie de construire, d’échafauder des sortes de théories. En tout cas, c’est ce qui me plaisait dans
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les grands disques : il y a toujours des histoires énormes qui dépassent beaucoup plus la musique. Ce sont encore des pistes que l’on lance et puis après, ça mord ou pas… Pareil pour les notes de pochettes : ce sont des trucs plus ou moins vrais, en fait.”
ne lui avait pas plus parlé que ça parce qu’on ne se comprennait pas trop. J’avais bien accroché sur leur disque, du coup on a échangé quelques conneries par mail. On lui a envoyé le morceau, il a posé sa voix, et ça donne B.A.S.I.C.. Ce qui est marrant, c’est que ça donne un morceau un peu à part de ce que l’on fait d’habitude : plutôt catchy, avec aussi un son de batterie un peu différent, qui tend vers fin 70 / début 80, avec une basse jouée au clavier, une voix entraînante, donc plutôt tubesque on va dire…” Ils ont du mal à l’admettre, mais oui, Rien a réussi, sans le vouloir, un morceau de génie, chaloupé, transcendant, qui attirera allègrement l’attention des pousseurs de disques en soirée. D’autres voix remarquables sont l’œuvre de leurs amis, Appoline (Humpty Dumpty was pushed) et Herr Braun (Dieu du Seigneur).
Il fallait à leur nouvel album un titre qui claque, alors voilà : Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir. Yugo précise : “Le premier disque n’était pas tant absurde musicalement. Il était absurde dans le nom du groupe, un peu dans les notes de pochette, mais pas vraiment la musique en elle-même… On a revendiqué quelques passages un peu second degré musicalement, quelques samples aussi, mais sinon on l’assume au premier degré. Le nouvel album est peut-être un peu plus sérieux, encore que… je ne sais pas.” On sent une âme de perfectionnistes chez ces musiciens. Ils ont voulu pousser les choses plus loin, être irréprochable au niveau du son, multiplier les pistes d’enregistrements, pour finalement réaliser une œuvre plus proche encore de ce qu’ils ont en eux. “On souhaitait mettre de la voix sur ce disque-là et on ne savait pas trop comment, parce qu’on n’aime pas trop qu’il y ait de chanteur, et puis on n’est pas trop sûrs de nous à la voix… Du coup, on a fait appel à beaucoup plus de personnes qui chantent réellement. Il y a donc plus de membres investis qui ont fait des voix dans ce disque-là, Goulag fait des voix sur L.S.D., moi sur Cowboys don’t cry. Même si ça reste majoritairement instrumental, c’était une volonté. Car ce qui ressortait sur Requiem, c’est que dès qu’il y avait une voix, c’était assez rassurant, c’était presque les meilleurs passages. La voix est assez importante finalement dans la musique que l’on fait…”
L’album répercute aussi de nombreux ponts avec Requiem pour des baroqueux, comme si certaines parties se répondaient. On retrouve aussi le talent d’écriture de Jull, poète qui déclamait déjà l’inoubliable Stare Mesto et qui ici se permet, avec Se repulen, une clôture de disque toute en finesse et en profondeur. Pour le graphisme, on poursuit le jeu de construction avec une pyramide : “On s’est dit que ça pouvait à la fois compléter le cube, pour faire une petite maison, mais aussi entrer un peu plus dans un concept de morceaux shamaniques qu’il y a dans cet album. On voulait une théorie du grand complot, de grand symbole, l’œuvre qui dépasse le contenu.” Ce disque raconte aussi l’histoire d’un vagabond et vous en saurez plus en le savourant jusqu’au dernier souffle… Béatrice Corceiro “Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir” (Autoproduit) - myspace.com/rienrienrien
Une rencontre percutante marque aussi ce disque : “On avait croisé Damon Locks au Confort Moderne à Poitiers, c’est un Américain qui joue dans un très bon groupe qui s’appelle The Eternals, de Chicago, et dont on faisait la première partie… On
Robert Gil
Le CD contre un chèque de 12 euros à : L'Amicale Underground, 4 rue Béranger, 38000 Grenoble. Le premier album est en téléchargement libre sur www.amicale-underground.com
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MANU CHAO The Chao must go on !
H
ier soir, Manu Chao La Radiolina, son prochain teur. Pas étona triomphé à Los nant alors de album, fait le lien entre les Angeles devant retrouver certains 10 000 personnes, en majori- flamboyantes prestations thèmes de manière té hispaniques. Aujourd’hui, avec Radio Bemba et la récurrente : “Je déstructure dimanche 3 juin 2007, il est tristesse mélancolique de pour faire d’autres chansons, pour trouver déjà à Tijuana. Il savoure son d’autres textes, d’autres musiques.” Ainsi, Clandestino. Carnet de bonheur avant son unique les paroles de Besoin de la lune existaient concert au Mexique dans le voyage engagé et ensoleillé : déjà avec une autre orchestration sur cadre de cette grande tournée c’est le disque que l’on Sibérie m’était contée, le livre-disque réaqui passe pour l’essentiel par espérait… Un pur bonheur ! lisé avec Wozniak ; le dessinateur a cette l’Amérique du Nord. Une fois la charge des visuels de l’album. Et la grosse vingtaine de dates est au programme : de Vancouver le musique sert de support au titre d’ouverture, 13 dias, chanson 25 mai à Ottawa le 8 juillet ! Dans un même temps, il apporte en espagnol. De même pour Siberia : ce texte sur un couple une dernière touche à son nouvel album, attendu depuis six qui ne s’entend plus existait déjà. “Siberia, c’est un peu ces ans. “Là, il faut surtout que j’arrête de faire des chansons, longs moments de silence entre deux personnes dans une rigole Manu. Au moins que je me dise que ce n’est pas pour cet pièce, entre quatre murs. Ils peuvent être très “sibériques”, album, qu’elles seront sur un autre…” Car l’homme est bouli- même si le mot n’existe pas…” Déjà dans le livre-disque, deux mique de musique. Il ne s’arrête jamais. Composer et jouer : versions existaient. Il y en aura deux autres sur La Radiolina, son art de vivre ! “cela ne fera jamais que quatre…”
© Because Music
Ces dernières années, Manu Chao a beaucoup enregistré, mais jamais spécialement pour un album : “J’ai toujours mon petit studio dans mon sac à dos. C’est vraiment important pour moi, c’est mon petit bonheur. Ensuite, les finitions, je les fais à Barcelone, où j’ai un peu plus de matos pour travailler. Mais même les mixages n’ont pas été réalisés dans de gros studios.” La Radiolina, c’est le nom de l’album, est déjà mixé, mais pas encore terminé, loin s’en faut. Pour Manu, c’est le meilleur moment : “Après le mixage, c’est là que tout commence : je peux couper dans le tas, mettre des coups de ciseaux, faire des boucles, refaire les chansons. C’est passionnant. Cela a été pareil pour Clandestino et Proxíma estación Esperanza.” Un travail sans idées préconçues, ni fil conduc-
Très rythmé, porté par de grosses guitares et une batterie qui martèle, Rainin in paradize est le premier single. Son texte, en anglais, pointe de nombreux points chauds du globe. Avec ses paroles en espagnol, Mama Cuchara, est plus ensoleillé. La musique est la même pour les deux titres, mais le texte évoque dans le second un quartier de Quito, en Equateur. La version originale de cette chanson est présente dans le film Infinita tristeza, réalisé par Manu, que l’on peut voir sur le DVD Babylonia en guagua, sorti en 2002. “Le texte de Rainin in paradize fonctionnait bien dessus, je me suis tapé un petit délire. Cette chanson me plait beaucoup, c’est la deuxième de l’album.” El kitapena est construite elle aussi sur la même base, mais le texte vient cette fois d’une rumba “chantée très souvent dans les bars de Barcelone”. Manu a pris une boucle musicale de Rainin in paradize, collé le texte dessus et fait évoluer la mélodie. “C’est un petit bout de texte qui est sorti sur la musique d’une autre chanson. Il y avait beaucoup ça déjà dans Clandestino : deux chansons avec le même fond sonore. Travaillées différemment, mais avec la même base. C’est ma manière de faire.” Difficile d’envisager le mot “fin”, puisque chaque chanson peut servir de point de départ à une autre. Il revendique “10 000 versions différentes” de Politik kills, un titre très fort, déjà bien rodé dans les bodega barcelonaises. Mais à un moment donné, il faut bien figer les choses… “Stop ! C’est exactement ce que je me suis dit il y a trois jours. La suite, ce sera juste après. C’est aussi ça le concept de la petite radio. L’idée, c’est de continuer d’envoyer une carte postale derrière l’autre et de mettre les chansons “à cul” les unes après les autres, dès qu’elles seront finies. Dans six mois, cet album aura 22, 24, 26 chansons.” Les enregistrements ont souvent eu lieu dans la capitale catalane, les musiciens de Radio Bemba, le groupe qui tourne avec Manu, se sont impliqués ; 28
La puissance collective héritée de la Mano Negra brille également de tous ses feux, particulièrement sur El hoyo, un titre qui évoque Mexico City avec passion. Joué en live depuis des années, c’est un hymne au Mexique. La partie en français, d’abord rajoutée, est finalement devenue une chanson explicite à part entière : Panik, panik (“C’est la panik sur le périphérique, c’est la panik dans la France d’aujourd’hui, vraie panik, trop de trafic…”). Politik kills, un reggae véritable, dresse le constat d’une triste réalité. La description est aussi choc que dépouillée : “Je n’ai jamais aimé tartiner du texte dans mes chansons. C’est ma thérapie personnelle pour accepter le monde dans lequel on vit, pour canaliser ma rage. Dans les mois à venir, il va falloir être fort et attacher sa ceinture. En étant un peu lucide, les dix, quinze prochaines années risquent de ne pas être toutes bleues. C’est un constat mondial, c’est la crise.” Alors il se prend à rêver et emprunte à Clandestino, pour le titre Otro mundo, un texte “sur l’état du monde et sur l’espoir de voir un jour moins de barrières, moins de guerres, loin de la réalité d’aujourd’hui, qui n’est que crispation sur crispation…” Véritable compilation des humeurs de l’artiste, l’album alterne chansons engagées, ballades romantiques et tranches de vie. Les rapports humains y tiennent une place primordiale. C’est flagrant sur A cosa : cette chanson, écrite en Italien, est chantée avec Tonino Carotone et Flore, une amie italienne. “En plus virulente, cela pourrait presque être une scène de ménage… “Qu’est ce que tu veux de moi, qu’est ce que tu veux de plus ?” Tous les couples du monde se sont dit cela une fois ou l’autre. Ce passage est le point de départ. J’ai demandé comment cela se disait en italien et j’ai commencé à délirer avec ma guitare. Le genre de moment rare où la musique apparaît magique…C’est très difficile de savoir quand tu auras de tels moments d’inspiration. Parfois, tu ne trouves que deux ou trois petites phrases et après tu bloques. Moi, ma technique, c’est de ne jamais forcer. Si tu
BIENTÔT
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Gambeat, le bassiste, David Bourguignon, le batteur et Madjid Fahem, le guitariste, sont souvent passés. Roy Paci a ajouté ses cuivres. Il intervient notamment sur Mala fama, une chanson sur la rumeur et les gens qui parlent sans savoir. Le titre est chanté en duo avec son ami de Pampelune, Tonino Carotone. Manu retrouve son style joliment mélancolique, mais pas les petits gimmicks, comme le son du porte-clés, qui garnissaient ses premiers opus.
bloques un quart d’heure pour trouver la phrase d’après, il faut arrêter. Tu trouveras le lendemain, dans quinze jours ou dans dix ans !” Reste que, si prendre le temps peut être une solution, écrire d’une seule traite une chanson est un grand moment. Me llaman Calle (NDLR : une chanson qui figure sur la bande originale du film Princesas, dont Manu a composé la bande son) a été écrite comme ça, en deux minutes : “J’ai encore le brouillon. A deux mots près, c’est la chanson de l’album. A ce moment précis, tu te rends compte que tu t’es fait du bien, que le robinet s’est ouvert, que c’est sorti de toi. Tu le sais car quand tu relis, cela te provoque ou t’interpelle. Quand une chanson entière sort d’un coup, comme ça, c’est magnifique, un vrai bonheur…” Histoire de patienter, Rainin in paradize, le premier extrait de l’album, est disponible en téléchargement gratuit sur le site de Manu. Les dix-neuf autres sortiront tous ensemble le 27 août prochain. Proxíma estación : Radiolina ! Patrick Auffret “La Radiolina” - Because Music www.manuchao.net
LES CONCERTS…
L’AMI MARADONA… Lorsqu’il a écrit Santa Maradona avec La Mano Negra, les deux hommes ne se connaissaient pas : “Je n’avais eu comme seul écho de sa part qu’une lettre ouverte diffusée dans un journal argentin. Il disait avoir d’abord été assez fâché, à deux doigts d’envoyer ses avocats. Mais après avoir bien écouté la chanson, il l’avait trouvée bien et il nous invitait à venir le voir chez lui. J’ai toujours gardé cet article avec moi, mais je n’ai jamais osé franchir le pas, me pointer chez lui...” La première rencontre a eu lieu il y a deux ans en Italie, à l’occasion d’une rencontre organisée par Emir Kusturica. Le réalisateur avait demandé à Manu de venir afin d’écrire la musique d’un documentaire qu’il faisait sur Diego Maradona (le film pourrait sortir à la fin de l’été)… La chanson La tómbola, dédiée au “Pibe de Oro”, a été écrite lors de cette rencontre : “Nous avons sympathisé. C’est un gars de quartier, avec les codes d’honneur du quartier. Quelqu’un que je respecte énormément.”
Cette année, Manu Chao sera sans doute un peu à la bourre pour les grands festivals d’été. D’autant que plusieurs musiciens de Radio Bemba vont être papa ! Mais il reviendra bientôt. En mai dernier, il s’est même produit quasi-incognito dans un petit bistrot kabyle de Ménil-montant : “Je ne fais pas ça au quotidien car jouer dans les bars veut aussi dire finir un peu arsouille. Et j’évite de m’arsouiller tous les soirs !” Reste qu’avec la sortie de l’album, c’est une nouvelle énorme tournée qui pourrait se mettre en place : “L’idée, c’est plutôt d’aller traîner à droite à gauche, dans des petits endroits… Notre technique, c’est de faire des concerts sous de faux noms. Nous procédons beaucoup comme ça en Espagne ou en Amérique Latine. Cela permet de remplir des clubs de 500, 1000 personnes.” Manu Chao et Radio Bemba n’ont pas joué officiellement en France depuis longtemps, toutes les options sont donc possibles… “Une tournée organisée, des sorties commandos, on ne sait pas encore…” 29
POLITICO-CHAO C
hanteur engagé, l’ancien leader de la Mano Negra est aussi une figure emblématique du mouvement alter-mondialiste. Membre fondateur d’Attac, proche des Zapatistes mexicains du sous-commandant Marcos, cet adepte du métissage livre derrière sa musique, souvent festive, une vision lucide du monde actuel. Toujours prêt à donner de la voix pour défendre les opprimés, son parcours de globe-trotter lui permet de porter un regard juste sur la situation économique mondiale. Et il ne se prive pas de diffuser sa pensée, tant à travers sa musique que lors de ses rares interviews. Alors qu’un nouveau sommet du G8 se tenait début juin en Allemagne, il revient sur son engagement. Et affirme ses convictions.
TU SERAIS PRÊT À REFAIRE DES ACTIONS SYMBOLIQUES COMME À GÈNES, EN 2001, OÙ TU AS JOUÉ PENDANT LE G8 ? C’est l’occasion qui fait le larron ! Cela dépend de l’endroit où tu es. L’an passé, nous étions en Argentine pour travailler avec les gens d’un hôpital psychiatrique et faire un concert, et au même moment, Bush est venu se réunir avec des présidents à Mar del Plata. On s’est retrouvé dedans. En tant que citoyen, évidemment, on est partis à la manif pour ne pas lui souhaiter la bienvenue. En ce moment, nous sommes en tournée aux USA, alors je demande aux Américains s’ils se rendent comptent à quel point leur président est haï dans le monde entier. Il ne peut pas sortir du pays sans être encerclé par 100 000 manifestants qui lui disent : va-t’en ! Mais est-ce que les Américains en sont conscients ? Je ne crois pas… TU ES À TIJUANA AUJOURD’HUI, LE PROBLÈME DE L’IMMIGRATION CLANDESTINE Y EST CRIANT ? C’est le même problème qu’en Europe, entre l’Afrique et l’Italie ou l’Espagne. Ils disent vouloir lutter contre l’immigration clandestine avec des méthodes fortes mais, et c’est assez surréaliste, une grande partie de l’économie vit de cela. C’est absurde et hypocrite. Si l’on sort tous les clandestins de Californie, toute l’industrie liée à l’agriculture tombe par terre. Pareil en Espagne et dans beaucoup de pays d’Europe. Je les soupçonne même de ne pas vouloir d’étrangers avec des papiers. Tout ça est parfait pour l’économie ; pour les grandes entreprises qui peuvent utiliser les gens comme des esclaves. Car ces gens-là
TU VIS À BARCELONE DEPUIS HUIT ANS. C’EST LA ? Barcelone, ce n’est pas le paradis. Il y a des choses qui me plaisent, d’autres qui ne me plaisent pas. En ce moment, c’est blindé de flics. On n’arrête pas de se faire contrôler dans la rue à longueur de journée, c’est assez insupportable. La mairie de Barcelone vend sa ville comme étant très cool, mais il y a, là aussi, une immense hypocrisie. Il y a huit ans, quand je me suis installé, il y avait une très grande vie de rue, c’était très facile d’y jouer. En ce moment, si l’on joue dans la rue, on se fait confisquer les instruments… Dans mon cas, ce n’est pas AS-TU SUIVI LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES très grave, mais pour un musicien de rue EN FRANCE ? qui gagne sa vie de cette manière, se Je suis venu pour voter. Mon grand-père faire confisquer sa guitare, c’est se a quitté l’Espagne et risqué sa vie pour retrouver dans la merde. le droit de vote. Rien que pour ça, je voterai toute ma vie. Et j’ai pris dans la RAINING IN PARADIZE EN TÉLÉCHARGEMENT gueule la photo de Sarkozy le 6 mai à GRATUIT, C'EST UNE VOLONTÉ DE TA PART ? 20h ! En Espagne, mais aussi en Italie Oui, en accord total avec ma maison de avec Berlusconi, ce côté “droite très rigi- disques. Vu l'évolution, et toutes les de” que représente Sarkozy, on l’a vécu stats le disent, les ventes de disques se pendant des années. Et on a tous senti portent de moins en moins en bien. C'est les morsures du loup. Cela n’a pas été une réalité du présent, du monde d'auune partie de rigolade, on a vraiment jourd'hui. Les choses ont juste changé. subi des tensions, des pressions. Après, on parle de piratage ; c'est sûr, Surtout à travers la presse. Dans mon les gens piratent beaucoup, mais je me quartier, à Barcelone, il y a toujours des rappelle que quand j'étais vieux qui pensent, alors qu’ils me voient ados, c'était pareil. Pour passer tous les jours, que mon discours un vinyle qui rentrait est une apologie du terrorisme. Tout ça dans le quartier, on parce qu’ils l’ont lu dans des journaux et était bien 80 à enreentendu sur certaines télés ou radios. gistrer une cassette ! Après, tu peux faire tous les démentis Le jour suivant, que tu veux dans la presse qui veut bien c'était un autre qui les diffuser, les gens, ils lisent le journal achetait un vinyle et 80 mecs le piraqui est sur le bord du comptoir… taient… Maintenant LA CHANSON EL KITAPENA COMPARE LA COCAÏNE évidement, À LA LIBERTÉ… c'est plus Ma drogue à moi, c’est la liberté. Je suis massif et accroc, j’en ai besoin. Mais je suis très plus facile. lucide, la liberté dans le monde d’aujour- Mais moi, ado, d’hui, elle s’achète. Si j’ai cette liberté de je ne pense pouvoir voyager, c’est parce que j’ai le pas exagépouvoir économique de m’acheter des rer si je dis billets d’avion. Celui qui n’a pas de quoi que 90% payer, n’a pas la liberté de partir de chez de ma discolui. Or, le voyage est la plus belle des uni- graphie était piratée. On versités. Tu apprends beaucoup ; et enco- n'avait pas les tunes re plus sur l’endroit où tu vis. Les gens pour aller acheter de la qui restent trop dans leur quartier, ils musique tous les trois manquent de recul par rapport à leur jours, mais on était friand propre vie. Si tu peux sortir voir d’autres de musique et on avait gens, voir d’autres choses, quand tu envie d'en écouter ! rentres chez toi, tu as une vision beauPatrick Auffret coup plus claire de ce qui s’y passe. n’ont pas le droit d’avoir un syndicat, pas le droit de se plaindre. Si les pays forts laissaient les pays en voie de développement se développer vraiment par eux-mêmes, il n’y aurait pas ce problème. Les gens n’immigrent pas par plaisir. Mais il y a toujours ce néocolonialisme économique, qui fait que la plupart des entreprises et des usines qui travaillent dans le tiers-monde sont des entreprises du premier monde. L’argent ne reste pas dans le pays, ne sert pas à le faire fonctionner. Le premier monde envoie des pansements, des ONG… Des pansements, mais pas de solution.
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VILLE OÙ TU TE SENS LE MIEUX
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“Dans mon quartier, à Barcelone, il y a toujours des vieux qui pensent que mon discours est une apologie du terrorisme.” 31
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B A S H U N G
Acte généreux, Alain Bashung nous reçoit à son domicile, hors promo, pour disserter de sa carrière et du rapport à son art. On l’avait quitté sur un ombrageux “L’imprudence”, il nous apparaît apaisé, disponible, toujours empreint d’envie. Un appétit à partager, ici et maintenant. 33
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l’aune de ses albums, il n’existe pas un, mais des Bashung. Artiste caméléon empli de mystère(s), l’homme a connu plusieurs destinées artistiques selon les décennies : les tentatives avortées de s’imposer dans les sixties, un premier album renié en 77 (Roman-photo), le rocker perfecto de Gaby, des années 80 synthétiques alimentant une nouvelle vague fondatrice, un retour Osez aux origines du blues, enfin trois albums (Chatterton, Fantaisie militaire, L’imprudence) qui l’ont hissé au sommet de l’exigence et de l’unicité. Bashung est devenu un maître étalon de la création, une référence suscitant respect et admiration, tout en conservant une aura de chanteur populaire, entretenue à grands coups de tubes non formatés. Quelque soit son degré d’accoutumance, on aime Bashung entre paradoxe et évidence. Trente ans que dure cette histoire d’amour. Trente ans que Bashung Malaxe les mots, les sons, les talents. Les siens, mais aussi ceux d’auteurs, de musiciens, d’ingénieurs du son, venus d’ici ou d’ailleurs. Pourquoi chercher une raison promotionnelle à le rencontrer, quand seul le plaisir se justifie. Cela ne comble en rien l’attente du prochain album, mais c’est un bonheur que de l’entendre se raconter. Dis Alain, c’est comment qu’on créé ?
“Dans la Bible, on ne parle pas de plaisir charnel. Peut-être que si on l’avait fait, on n’aurait pas besoin du porno.”
QU’AVEZ-VOUS RETIRÉ DE LA SÉRIE DE CONCERTS DONNÉS CES DERNIERS “AVENTURIERS” (TOURNÉE AVEC KOLINKA, AUBERT, RAPHAËL, CALI, DARC, ETC.), DE L’INVITATION LANCÉE PAR LA CITÉ DE LA MUSIQUE OU DE L’INAUGURATION DE LA SALLE PLEYEL ? Les “Aventuriers”, c’était le plaisir de faire une tournée ensemble et si ça rapportait de l’argent, de le donner à des associations. Le lien, c’était de se présenter en tant que fans qui interprétaient leurs premiers chocs musicaux. Ceux qui nous ont poussés un jour à prendre une guitare ou à faire le clown devant une glace. Soit, la musique anglo-saxonne. Car la chanson française à l’époque, on la voyait un peu comme un meuble. Il y avait bien des chansons qui nous touchaient, mais ce n’était pas comparable au choc reçu à l’adolescence par l’arrivée du rock. Tout le monde avait donc des hommages ou des madeleines à raconter. Ca a été une semaine très dense où l’on a fait quasiment que des Zénith. L’opposé de Pleyel et de la Cité de la Musique… C’est une chance fabuleuse que de pouvoir passer de l’un à l’autre ! Avec “Les Aventuriers”, nous étions dans une dynamique de gros spectacle, très extériorisé, populaire. Les autres salles me permettaient de raconter mes côtés un peu plus biscornus, mes tentatives de recherche… que j’espère ne jamais trouver afin de continuer à chercher. Cela implique un rapport plus intime avec le public et d’autres possibilités. Par exemple, j’ai pu jouer plusieurs titres du dernier album avec des atmosphères et des tempos qui ne sont définis… presque que dans ma tête ! Avec des silences : chose inenvisageable dans une grosse salle. MOIS DANS LE CADRE DES
tiques. Car on est aussi passé par du sacré. Ca avait sa raison. Cette notion me paraît intéressante à souligner. Ces problèmes de religion et d’identité sont encore difficiles à conjuguer. Or chacun peut avoir ses choses sacrées ! Je n’aborde pas le sujet pour prétendre répondre à une question. En revanche, la poser m’intéresse. En faisant Le Cantique, on psalmodie un texte qui est profane pour les uns, sacré pour d’autres. Ce n’est pas une chose admise. Ce texte a à voir avec la sensualité. Or dans la Bible, on ne parle pas de plaisir charnel. Peut-être que si on l’avait fait, on n’aurait pas besoin du porno ; ça aurait été réglé. Mais là, on parle encore du plaisir comme d’un truc qui nous travaille, qui n’est pas naturel… Et puis Le Cantique, avec cette boucle de guitare jouée par Rodolphe, offre une expérience musicale qui rejoint la musique répétitive. J’en ai beaucoup écouté à une époque : Steve Reich, Moondog, toutes ces musiques qui racontent une notion de temps, d’infini… VOS DERNIÈRES TOURNÉES SE NOMMAIENT CONFESSIONS PUBLIQUES ET LA TOURNÉE DES GRANDS ESPACES, DEUX APPELLATIONS ANTINOMIQUES… QUELLE EST VOTRE APPROCHE DE LA SCÈNE ? C’est déjà le besoin de me déplacer, de ne pas rester figé. J’aime la musique répétitive, mais j’ai beaucoup de mal à répéter des choses que j’ai déjà racontées. Pour La tournée des grands espaces, j’avais fait appel à Dominique GonzalezFoerster pour réaliser un film montrant un inconnu errant à travers le monde. Pour moi, c’était une sorte d’illustration de ce qui peut se passer dans un cerveau, des voyages de l’imaginaire. Pour Confessions publiques, je me basais sur la teneur des mots. L’intention était de dire : “J’ai plus ou moins réussi à faire quelques chansons. C’est ce que je peux faire de mieux. Je me suis livré profondément dans ces chansons parfois biscornues et je ne peux pas aller au-delà.” Il y a des artistes qui sont plus limpides que moi. Mais est-ce qu’ils vont chercher dans ces méandres-là ? Je n’en suis pas sûr. J’ai essayé, quitte à me perdre des fois. Mais aller plus loin… on cognerait à la paroi de l’estomac ! Maintenant, il existe des petites caméras que l’on vous met dans le ventre, mais vous ne verrez peutêtre pas un estomac, vous aurez l’impression d’être sur Mars. Ca donne tout de suite un film de science-fiction, pas un film d’intérieur !
QUI VOUS A REJOINT POUR CES SPECTACLES ? Pour la Cité de la Musique, j’avais dans l’idée d’inviter le plus de guitaristes possible qui m’avaient aidé à faire mes albums. Donc un soir, je me suis retrouvé avec Arto Lindsay, Link Wray, Sonny Landreth et Rodolphe Burger bien sûr, mon ami alsacien… J’avais envie de raconter ce qui m’a construit : les musiques que j’ai aimées, ceux qui m’ont aidé. Par exemple, à l’époque où j’ai connu Arto Lindsay, il devait être avec Lounge Lizards. Je découvrais là des disques fabuleux. Alors qu’il venait du punk expérimental, d’un seul coup il faisait de la musique brésilienne aux harmonies très complexes. Il a parfois mélangé les deux ; c’était à tomber. J’entendais là la musique du XXème siècle ! Sinon, il y avait aussi des garçons que j’adore comme Christophe, Dominique A, ma compagne Chloé (Mons) bien sûr, avec qui j’ai fait Le Cantique des can34
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VOUS AVEZ FAIT DE GRANDS SUCCÈS POPULAIRES, MAIS QUI NE REFLÈTENT COMMENT LES GENS VOUS ABORDENT-ILS DANS LA RUE, COMME UN CHANTEUR POPULAIRE OU UN ARTISTE À L’UNIVERS PLUS COMPLEXE ? Il y a ceux qui ne connaissent que quelques titres, (Osez Joséphine, Ma petite entreprise), et d’autres qui connaissent parfaitement certains albums, jusqu’à la petite chanson planquée… Je trimbale une sorte de truc assez bâtard. Pour certains je suis plutôt populaire, pour d’autres un artiste marginal. Ca peut être fabuleux et fatigant. Pas pour les gens que je croise, mais pour moi. Je me suis retrouvé à Pleyel, premier artiste de variétés à jouer après des compositeurs comme Beethoven… C’est trop d’honneur. En même temps, jouer Gaby à Pleyel, c’est de l’ironie pour moi ! Je me souviens lorsque j’essayais de démarrer, je n’associais pas l’idée de faire un disque à une notion de qualité. Mon envie, c’était le contrepied. Mon rêve, c’était d’être discutable. J’ai réussi parfois… J’aimais des artistes comme ça, qui étaient capables de se montrer brillants, tout en maniant l’humour avec sérieux. A un autre niveau bien sûr ! Zappa par exemple, ce n’est pas seulement sa musique qui m’intéressait, mais toute son attitude. Parce qu’à l’époque, le virtuose se devait d’être sérieux. A côté de ça, j’aimais des artistes qui pour moi n’étaient pas contestables : des voix comme Ray Charles, des compositeurs comme Bacchara, Carlos Jobim… Ensuite, il y a eu des types comme Dylan. Sur ses premiers disques, j’avais l’impression qu’il chantait comme un salopard, n’importe comment, avec l’air de s’en foutre. Mais justement, c’était génial ces valeurs qui basculent ! J’ai essayé de raconter ces nuances-là : être touché par un truc qui a l’air pourri, se méfier de la beauté pure… J’avais parfois les idées en tête, mais comment conduiPAS VOTRE RÉPERTOIRE.
une mélodie… Tout ça avec une orchestration hallucinante. On aurait dit une musique de film, tellement il décrivait des pics de calme et de colère. En face de ça, je voyais sur MTV des groupes avec des looks “rebelles” et leur petite chanson de trois minutes. A se demander qui est le rebelle ? Ca remet les choses en place. Quand c’est fort, c’est très fort la chanson française ! Mais c’est quand on écrit que l’on s’aperçoit à quel point il est difficile de fabriquer de telles chansons. Et les écrire est une chose ! Mais ensuite il faut qu’elles soient comprises, qu’elles touchent des gens profondément… C’était en tout cas intéressant d’aimer d’autres musiques, après avoir aimé le rock, car je les écoutais autrement, avec un filtre. Même la musique classique ! Je ne voyais plus un musicien qui compose la commande de son mécène, la bougie dans la mansarde, mais un type aussi barge qu’Hendrix. Regardez Amadeus, c’est bien plus fou que la biographie de Jerry Lee Lewis ! C’est instructif de faire des comparaisons d’époques et de styles… DANS LE MÊME ORDRE D’IDÉE, DEPUIS FANTAISIE MILITAIRE, VOUS COLLABOREZ DAVANTAGE AVEC DES MUSICIENS FRANÇAIS (RODOLPHE BURGER, LES VALENTINS, MIOSSEC, ZEND AVESTA, MOBIL IN MOTION, ETC.), ALORS QUE PAR LE PASSÉ, VOUS NE FAISIEZ APPEL POUR L’ESSENTIEL QU’À DES ÉTRANGERS… C’était souvent des musiciens qui aimaient le rock et étaient beaucoup appréciés en Europe. Ce n’était pas Clapton ou “machin”, mais Marc Ribot, Blixa Bargeld (Einstürzende
“Je trimbale une sorte de truc assez bâtard. Pour certains je suis plutôt populaire, pour d’autres un artiste marginal.” re concrètement ces chansons, avec ce rêve-là ? Comme je suis à moitié autiste, je me suis fait aider de paroliers. Chacun a fait au moins une cinquantaine de chansons… avant que je ne les fatigue, ou inversement. On cherchait à avancer sans cesse, ne croyant pas du tout en une recette toute faite.
Neubauten / Nick Cave), Colin Newman (Wire), Link Wray… En fait, je rêvais de contribuer à fabriquer le rock européen. Je trouvais qu’il y avait quelque chose à faire. Aujourd’hui j’ai l’impression que ça existe, tout le monde a les ingrédients pour. Mais là, on était encore à une époque où une collaboration pouvait aider à avancer… ou tenter du moins ; c’est toujours une tentative et une tentation d’ailleurs. On sentait qu’ils avaient survolé pas mal de choses : le rock, le jazz, le bruit… Ca ne se traduisait pas seulement dans le bruit, mais dans le choix des notes. Parfois ce n’était que trois notes, mais dans ces trois notes, avec ce son, il y avait toute l’insolence qu’il fallait… Mais je vous parle d’instrumentistes qui jouent sur des morceaux déjà établis. Très vite, ils peuvent proposer des choses. Ribot par exemple, il fait trois prises et on est même embêtés pour choisir. Mais je ne pourrais pas forcément fabriquer la base avec lui, parce qu’il ne saura pas forcément traduire mon envie de pourquoi ce doit être expliqué de telle manière. Pour ça, j’arrive mieux à communiquer avec des Français. J’ai bossé avec de très bons guitaristes français, certainement les meilleurs, sinon je n’aurais jamais pu aussi bien tourner. C’est stimulant d’entendre un musicien qui n’est pas seulement là pour vous suivre, mais qui vous précède, vous galvanise. Un moment donné, j’avais un groupe (NDLR : le KGDD présent de Pizza à Novice) ; on se mettait derrière le micro, on branchait les amplis et ça sonnait tout de suite. Il y avait une espèce de magie. Play blessures, on a dû faire ça en deux nuits ! Tout était là, c’était habité. Car ça peut vite tomber à plat ce genre de musique à la Joy Division, si ce n’est pas
TOUTES VOS INFLUENCES SONT ANGLO-SAXONNES. MAIS PEUT-ON VRAIMENT ÉCHAPPER À SA PROPRE CULTURE ? VOUS-MÊME, CES DERNIÈRES ANNÉES, AVEZ REPRIS BREL, FERRÉ, CHRISTOPHE, NINO FERER… Quand j’étais gamin, Brel me faisait peur. Je comprenais très bien ce qu’il disait, mais je n’avais pas assez de vécu pour saisir le degré de douleur. Je l’ai redécouvert par Scott Walker. Mort Schumann l’avait traduit pour un spectacle à New York, en arrondissant parfois les textes. Ne me quitte pas par exemple : c’est une chanson terrible, qui pour moi exprime la perte de dignité chez un homme : “Laisse-moi devenir l’ombre de ton chien”… Dire à une femme “Ne me quitte pas”… mais elle se sauve en courant ! En anglais, ça devenait If you go away : “Si tu t’en vas” ou “Si tu t’en allais”. Il n’y a plus ce problème de dignité. Sinon, il y avait aussi des chansons de Bécaud par les Everly Brothers, Dylan, Sinatra… Ce sont donc les Anglo-Saxons qui m’ont fait redécouvrir à quel point la chanson française pouvait être forte. Eux n’avaient pas ça. Il n’y a pas de Léo Ferré chez eux. Plus tard, je me suis retrouvé à écouter un coffret de Ferré, notamment un album d’une chanson de trois quart d’heure. Alors que l’on parlait beaucoup de formatage, je regardais cette chanson faite de cassures, où il parle, où tout d’un coup il crie, puis repart dans 36
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me suis déjà tellement exprimé… Je pense qu’en ce moment, plus qu’autre chose, je recherche le plaisir de chanter. Mais pour y arriver, il faut trouver la chanson qui peut aider à le faire de telle ou telle manière.
“Quand j’étais gamin, Brel me faisait peur.” PENSEZ-VOUS QUE C’EST UNE RÉACTION À L’ALBUM PRÉCÉDENT, L’IMPRUDENCE, QUI ÉTAIT BEAUCOUP SUR LE MODE NARRATIF ? Peut-être. J’ai souvent fait des disques avec une petite part de réaction. Dans L’imprudence, il y avait de belles lignes qui, chantées, pouvaient devenir grandiloquentes ou littéraires. Il valait donc mieux les parler ou les installer dans un décor musical. En tout cas, il ne fallait pas chanter à tue-tête quelque chose qui était censé imprimer un mental, ou qui a à voir avec le fonctionnement psychologique, ou encore des bilans sentimentaux… Et puis j’étais obsédé par les silences. Je voulais entendre une note de piano, puis le silence qui continue… Steve Nieve, qui n’est pas un petit pianiste, quand il fait une note, le silence d’après c’est encore de la musique… J’ai des lubies comme ça. Là, il m’est arrivé plusieurs fois de prendre ma guitare, juste pour chanter. Certainement que je le fais conscient des expériences passées et donc avec le désir de voir le problème autrement. J’ai fait beaucoup de chanson où je fabriquais le décor et posais la chanson dessus. J’avais l’impression de faire de la peinture…
Patrick Auffret
UN ARTISTE PEINTRE JUSTEMENT ME DISAIT QUE VOS AMBIANCES STIMULAIENT SON INSPIRATION LORSQU’IL PEIGNAIT… J’ai rencontré pas mal de peintres qui m’ont dit ça. Ou même des cinéastes qui m’ont raconté : “Quand j’écris, j’écoute tes trucs ; ça me fait du bien.” Ou d’autres qui font de la BD, des mecs comme Bilal. C’est fabuleux d’inspirer quelqu’un. Ca, ça peut me rendre fier ! Parce que c’est le but d’évoquer des choses, des sentiments. C’est assez intime ; ça a l’air de ne s’adresser qu’à une seule personne à la fois. Ce n’est pas comme dans un discours où l’on est dans le général, dans un sentiment de masse. Ca peut venir après, si le tube est fédérateur, s’il vous dépasse. Il y a des gens qui me parlent de Ma petite entreprise et me disent des choses auxquelles je n’aurais pas pensé : “Elle est marrante ta chanson sur les accros !” Ca m’amuse, parce que j’aime aborder une question, sans en emprisonner le sujet. Il reste ouvert. Ca me fait toujours peur ces histoires de manque de liberté, d’être dictatorial dans la proposition. C’est d’autant plus difficile d’être nuancé dans le peu de temps que l’on a pour s’exprimer.
joué avec intensité. L’instant où on le fait est très important, on ne peut pas le dissocier des notes… Ensuite je me suis posé d’autres questions. J’avais envie de me déplacer. Des fois pour des raisons très curieuses. Je suis allé à Memphis car je cherchais un studio où l’on pouvait enregistrer live, pour de vrai et pour pas cher. En une semaine, on y a fait Osez Joséphine. BEAUCOUP TÉMOIGNENT DE LA LIBERTÉ QUE VOUS LAISSEZ AUX MUSICIENS QUI S’ACCAPARENT VOTRE MATIÈRE ET LA MALAXENT À LEUR GUISE. CE QUI VOUS SÉDUIT CHEZ UN MUSICIEN, CE N’EST PAS SA VIRTUOSITÉ, MAIS SON LANGAGE… La virtuosité, on n’en parle même pas. Ces musiciens disent quelque chose quand ils jouent. Ils racontent le prolongement de mes textes. Il y a une part de superposition du conscient et de l’inconscient, de question-réponse. Si je prenais d’autres musiciens, ça tomberait à plat. Généralement, je leur précise : “Ce qui m’intéresse, c’est ce que tu fais de plus particulier, ce que tu fais de mieux.” Ca se repère rapidement, car avec le temps, ils se sont spécialisés. Ils jouent dans un certain style et le font de manière exceptionnelle. Mais si vous leur demandez autre chose, ils n’y arriveront pas. J’ai voulu enregistrer une chanson de Piaf, avec les musiciens de Memphis. Gentiment, ils m’ont répondu : “On ne peut pas faire ça, c’est pas notre truc.” Je leur ai quand même fait jouer, car ça me touchait de faire une chanson de Piaf à Memphis !
GAINSBOURG : “LA CHANSON COMMENT VOYEZ-VOUS CE MODE D’EXPRESSION ? Pour beaucoup, c’est certainement encore une sorte d’artisanat, dans sa fabrication je veux dire. D’un côté il y a des talents tellement fabuleux, que ça relève de l’art. Ensuite, il y a d’autres artistes qui sont davantage dans l’échange affectif ; là, c’est le public qui vous aime, qui fait que ça devient un art.
ON
SE SOUVIENT DE LA PROVOCATION DE
EST UN ART MINEUR”.
AU VU DE VOTRE EXPÉRIENCE, PENSEZ-VOUS QUE ÇA RELÈVE D’UN DON OU ? Je ferais un album des Beatles tous les jours, j’estimerais que j’ai des facilités. Mais ce n’est pas le cas ! Donc je suis obligé d’avouer que ça prend du temps. Des fois je réfléchis pendant trois mois sur une ligne, c’en est presque misérable. Ce qui est beaucoup plus important pour moi, c’est le désir de faire, raconter quelque chose à l’autre, toucher certaines couches
QUE C’EST JUSTE UNE QUESTION D’APPRENTISSAGE
POUVEZ-VOUS LEVEZ LE VOILE SUR VOTRE TRAVAIL DU MOMENT ? Je n’ai pas vraiment avancé. J’ai essayé de bricoler des trucs, mais je ne sais pas encore vers où ça va… J’ai fait des essais avec des musiciens pour fabriquer des bases. Mais là, je vais demander à d’autres d’essayer d’écrire avec moi, parce que je 38
de sensibilité. C’est le désir qui pousse. Ou qui tire, je ne sais QUEL PLAISIR, TROUVEZ-VOUS À VOUS METTRE AU SERVICE D’UN AUTRE pas… Et ensuite, essayer d’avoir des moments de plaisir. Mais CRÉATEUR ? je n’analyse pas trop ça. J’ai davantage peur de ne plus avoir Ca m’aide à ne pas être trop obsédé par mes fantasmes et à ne d’excitation. pas me mordre la queue. Cela me libère un peu. Et si en plus l’histoire est excitante… D’EXCITATION À CRÉER, À PARTAGER ?… Oui, il me faut les deux ! Des fois j’arrive sur scène, je dis deux CELA VOUS PERMET SÛREMENT DE DÉCOUVRIR D’AUTRES FACETTES DE mots et les gens sont debout… Des fois hein, pas tout le VOUS-MÊME ? temps ! Vous vous rendez compte le plaisir que ça procure Absolument. Et mes limites aussi. d’être compris avec des choses biscornues. Si on est assez clair dans son langage et que l’on essaie de faire le show, il est MÊME DANS LE DOMAINE MUSICAL, LORSQUE VOUS TRAVAILLEZ AVEC normal de penser qu’on peut connaître une réaction, mais RODOLPHE BURGER PAR EXEMPLE ? quand c’est basé sur des couches un peu sinueuses, ça relève Certainement. Mais je crois que l’on ne s’en rend pas compte du miracle. Quand c’est réussi, ça donne un plaisir bien plus tout de suite. En premier lieu, j’aime être avec lui. Il a un fort que celui qui consiste à faire chanter et taper dans les contact humain très fort : il aide, il n’est pas envahissant, il ne mains. Des fois, il y a le désir de montrer un petit peu l’idée dicte pas tellement, il renvoie la balle, il donne de l’énergie, il que le public se fait de vous, mais j’éprouve un certain plaisir vous met dans une situation positive, il essaie de sortir le à faire découvrir une approche qu’il ne connaît pas, pour qu’il meilleur de vous-même, il analyse bien, il est très sensible. se dise : “Tiens, ce type avec cette dégaine, il fait ça… Ce n’est J’ai souvent passé de très bons moments avec lui, que ce soit pas raisonnable.” C’est une attitude punk quelque part. Mais sur des concerts ou des enregistrements. Car un enregistrec’est du punk… dans le silence ! Je suis quelqu’un qui aime ment, ça peut être mortel ; il ne se passe rien parfois. Mais pas profondément des choses qui dérangent et d’autres très sen- avec lui. Dès qu’il prend sa guitare, c’est magique. Il parle timentales. Il me faut les deux ! Seulement, ça ne peut plus avec. On peut se retrouver pour des choses complexes ou très être dans les décibels. En même temps, l’autre jour j’enten- naïves : des disques un peu bizarres, mais aussi des disques dais à la radio Black Rebel Motorcycle Club et je me disais : pour enfants. Et c’est toujours un égal plaisir. Je vois en “Qu’est-ce que j’aimerais jouer dans ce groupe !” Je suis tou- Rodolphe un être à l’esprit très ouvert et c’est très agréable. jours un peu tiraillé : je fais un truc et j’aimerais faire l’opposé. Alors des fois, je case toutes ces envies dans un même Un compliment qui s’applique à Bashung lui-même… concert. Je vais dans les extrêmes. Je fais Tel et après What’s Bruno Aubin in a bird. Mais ça m’aide. Parce que je chante ces titres à la suite différemment et que je me retrouve dans ces oppositions. Ca montre que l’on est très nuancé en tant qu’individu.
“J’aime aborder une question, sans en emprisonner le sujet.” POUR
TERMINER, IL Y A UNE ACTUALITÉ QUI SE PROFILE
JANVIER
2008,
DU FILM DE
SAMUEL BENCHETRIT, J’AI
:
LA SORTIE, EN
TOUJOURS RÊVÉ
D’ÊTRE UN GANGSTER, DANS LEQUEL VOUS JOUEZ AU CÔTÉ D’ARNO.
C’EST ? On s’est souvent croisé à des moments où il avait bu un coup, et moi aussi… On se regardait comme ça, on se saluait, puis il rentrait se coucher. C’étaient des rencontres dans le brouillard… Donc je ne le connaissais pas. Mais je connaissais les ingénieurs du son avec lesquels il a travaillé. Et puis j’ai emprunté son guitariste. C’était assez marrant de se retrouver à tourner ensemble. On a fait trois nuits de tournage. Benchetrit a été d’une patience incroyable. Il nous a beaucoup aidés. Faut dire qu’il se retrouvait à diriger un bègue et un autiste à 50% ! Et il l’a fait jusqu’au bout avec enthousiasme. Ensuite Arno, il m’a fait marré. C’est un type qui a bien vécu, il a goûté à tout. Moi aussi. Enfin… pas à tout, mais pas loin ! Il faisait froid, on était fatigué et à quatre heures du matin on nous a servi une décoction pour nous réchauffer. Moi j’étais en train de fumer encore et de boire du coca. Et là, Arno me dit : “C’est très mauvais tout ça. Faut que t’arrêtes le coca light et les cigarettes. Moi j’ai arrêté, parce que ma fille m’a dit : “Tu vas mourir papa”. Essaie le thé vert, ça s’est bien !” Voir Arno me vanter le mérite du thé vert à quatre heures du matin, je ne pensais pas que ça m’arriverait un jour ! Et voilà, c’est arrivé !
Pierre Wetzel
ÉTONNANT QUE VOUS NE VOUS SOYEZ JAMAIS CROISÉS ARTISTIQUEMENT
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UN K COMME KEBEC
DANIEL
ALFA ROCOCO “Lever l’ancre” (Tacca / Select) Nouvelle coqueluche des radios québécoises, le duo s’est fait connaître en se rendant à la demi-finale des très courues Francouvertes et remportant les honneurs du concours “Le plus beau Rythme du Québec”. Malgré qu’ils en soient à leur premier enregistrement ensemble, ils ont un parcours individuel intéressant : David est le guitariste attitré de DobaCaracol, il a fait parti de la tournée européenne du Cirque du Soleil et joue au sein du groupe André. L’autre moitié du duo, Justine, est choriste pour Ève Cournoyer en plus de faire des voix à la télé. Leur pop-rock incorpore une touche d’électro qui groove et colle parfaitement aux textes poétiques remplis d’images magnifiques. Une trame sonore parfaite pour un été ensoleillé. www.alfarococo.com Martin Véronneau
BÉLANGER
D.R.
CAIMAN FU “Les charmes du quotidien” (Voxtone) Belle évolution depuis leur premier rendez-vous en 2003. La chanteuse Isabelle Blais, comédienne de formation, et ses acolytes Nicolas Grimard, Yves Manseau et Igor Bartula ont enfin produit le beau disque riche en univers (rock surtout, mais aussi pop, jazzy, néos tcha-tcha ou tango) que l’on attendait d’eux ! Même si ce CD n’est pas tout récent, Longueur d’Ondes se devait de saluer leur performance décapante. www.caimanfu.com Serge Beyer
S
ix albums. Des milliers de copies vendus. Et un style. Des airs qui font peau, des mots pour rêver mieux, bref une signature reconnaissable entre toutes. Comme Daniel Bélanger a l’habitude d’emprunter de nouveaux chemins à chaque enregistrement, son tout dernier disque, L’échec du matériel, signale inévitablement des préoccupations renouvelées. Le titre indique bien la direction prise, plus sombre et plus réaliste : “Quand j’écris, je suis en général pas mal abstrait. Alors, je me suis demandé, après Rêver mieux, comment faire pour écrire de la poésie tout en parlant du quotidien et en restant intéressant. Je voulais affronter la réalité poétiquement et éviter les multiples analogies, une manière d’écrire qui m’est très propre.” Aussi Bélanger n’hésite pas à raconter la fermeture d’une usine, finement, sans esprit revanchard ou prise de position politique. Les sujets abordés questionnent avec justesse l’apport du matériel dans nos vies, bien qu’aucune véritable solution ne soit énoncée devant ce constat d’échec : “Il y a une véritable conclusion à cet album où, à la dernière chanson, Relié, j’affirme que toutes ces observations ne concernent que moi. C’est mon voyage dans cette société d’aujourd’hui, le témoignage d’un gars de mon âge. C’est tout.”
CAMIONNETTE “Jouer dans les airs” (Iconoclaste Musique) Un girl band à la sauce sixties avec des histoires de nanas (Cheveux longs, Poule de luxe, Les hommes, non, non, non), parfois écrites par des gars, comme Moyen (“Y pensais à jamais m’émoustiller / Sérieusement j’doute de ses capacités”). On pense aux Runnaways, aux Gogo’s, c’est fun, dansant, parfait pour les pistes de danse de cet été ! www.myspace.com/camionnette Serge Beyer
Questionné sur son processus de création, Bélanger admet qu’il trouve toujours délicat d’en parler. Les raisons ? L’auteur-compositeur-interprète se sent absorbé lors de la composition, pris dans un procédé organique, voire même artisanal : “Dans le pire des cas, je suis à la guitare ou au piano et je me lance dans un franglais sans signification. Ça pose beaucoup de problèmes car je m’oblige à garder le rythme et les sons. Je colle alors des mots sur les sons initiaux. Résultat : je peux écrire quatre textes pour une même chanson. Je suis mes intuitions, j’élimine les sons que je n’aime pas faire. Dans les meilleurs des cas, la musique et les mots arrivent simultanément. Dès la première phrase, je connais le reste de l’histoire. Alors là, l’équilibre est parfait.” C’est cette impression d’une beauté imparfaite, à l’image de cette planète terre, que nous transmet L’échec du matériel.
PAUL CARGNELLO “Brûler le jour” (Disques Anubis et Outside) Après trois albums, le premier effort franco de cet Anglo de Montréal est une totale réussite ! Assez rageur tout en restant positif, assez rock urbain, mais blues-groovy également, avec un soupçon de reggae, bien écrit, c’est un vrai souffle d’air bienfaisant qui déboule. Un disque qui donne la pêche ! Son clip Une rose noire est visible sur son MySpace. www.paulcargnello.com Serge Beyer
Sarah Lévesque “L’échec du matériel” - Audiogram / Select www.danielbélanger.com 40
URBAIN DESBOIS “La gravité me pèse” (Audiogram) Héritier des chansonniers d’antan et précurseur de cette poésie déjantée qui réussit si bien aujourd’hui à Damien Robitaille, Urbain Desbois, le multi-instrumentiste, démarre son nouvel opus par une affirmation : “Mes chansons ne servent à rien, c’est comme les ailes de maringoins” ! Et, même s’il s’énerve en rock sur Cannibale et Gentil, son album est musicalement plutôt cool piano / guitare folk. Côté textes, ça décape toujours autant : “Ô Québécor veux-tu m’acheter une TV en couleur / J’va rester ben tranquille, je ferai pas de vagues”… “Comment veux-tu qu’on survisse / On est toute au salaire minimal / Y’a pas de danger d’overdose / Avec des miettes !” www.urbaindesbois.com Serge Beyer CHARLES DUBE “Sor tir de soi” (Tacca) Deuxième album de cet enfant caché de Claude Dubois et Marc Dery qui rêve d’“être bien pour de vrai”, qui “espère enfin la paix” et reste “plein d’espoir pour vivre heureux longtemps”… Le problème, c’est que sa pop-folk tiède à guitare glisse sur nous. Il est plus convaincant au piano, alors que chez lui “il faisait froid à rendre fou” et qu’il est parti à “l’étang”, “seul sous l’eau” pour attendre “le temps qu’il faut, qu’il fasse beau” ! Ou encore quand il s’énerve et lance un “SOS” : “Mon corps me serre, je dis que j’ai peur, là vraiment je suis perdu.” Charles, les blessures te vont finalement mieux que le bonheur ! www.charlesdube.com Serge Beyer
MICHEL FAUBER T “La fin du monde” (Tribu) Alliant son amour du conte traditionnel, de la chanson et de l’électronique, en solo sans ses Charbonniers de l’Enfer, Faubert propose sa fin du monde à lui en version électro-trad ! Epaulé pour l’aventure par le prolixe Jérôme Minière, il boucle ainsi la boucle de sa carrière : avant-gardiste qui sait regarder en arrière pour en retirer les profits. Son meilleur disque assurément, et la Genèse de sa prochaine carrière… celle d’après l’Apocalypse ! Son clip d’animation sur Le poison est à voir sur www.michelfaubert.com… Serge Beyer JOHNE 5 “JohnE 5” (J5 Prod) Jonathan, Charles et Yannick ont pour mission de “rebâtir l’Empire Q et ramener les valeurs saines dans le cœur des jeunes et moins jeunes”. Leurs armes ? “Des signaux sonores à haute intensité textuelle qui stoppent un peu plus chaque jour la progression de l’envahisseur !”
UN K COMME KEBEC
MARIE-ANNICK LEPINE “Au bout du rang” (La Tribu) Country, ballade, on sent l’influence du trad, du folk et du rock… forcément, la demoiselle violonne et chante dans les Cowboys Fringants ! Sa belle voix douce porte ses textes touchants et délicats, faisant souvent écho à l’enfance. On pense à un croisement de l’univers de Chloé Sainte-Marie et de celui de Mara Tremblay, mais on conscience de voir naître avec ce premier disque, une carrière solo durable ! www.marieannicklepine.com Serge Beyer LOUIS ET LE VOYAGEUR “Quelle grande comédie” (Jajou Prod / Select) Louis se nomme Larivère et le Voyageur, c’est Sylvain Poirier. A l’instar de Fiori et Seguin à la fin des seventies, ces deux-là s’unissent pour un album assez intemporel. Ici le rock harmonique flirte avec le folk et les ballades acoustiques, la pop avec la chanson à texte. Quelques effluves électros bienvenues (Les plaintes d’un Icare) indiquent sûrement la voie à suivre pour la suite des aventures du duo… www.louisetlevoyageur.com Serge Beyer
MISTEUR VALAIRE “Mr Bian” (Mr. Label / Local) “Misteur Valaire vous offre gratuitement sa musique en échange d’un petit coup de pouce pour joindre vos amis”, déclarent-ils sur leur site (www.misteurvalaire.ca), pauvre graphiquement, mais riche en vidéos. Goûter leur électro teinté de jazz progressif et de word est alors aisé, puisqu’on les découvre live, alors que Sam, leur porte-parole, nous dévoile que dans leur cou, ils ont des branchies ! Plus sérieusement, Misteur Valaire a remporté le Prix Étoile Galaxie de Radio Canada, dans le cadre de la Bourse Rideau 2007, événement où les producteurs de spectacles viennent choisir leurs spectacles à venir. Un gage de qualité, non ? Serge Beyer RICHARD PELLAND “Finance-fictions et autr es réalités” (Mille Pattes) Pour son deuxième opus, le p’tit gars de Lanaudière à la voix langue de chat navigue entre chansons d’amour bien troussées mais pas indispensables (Comme ça,
MES
Virtuellement enlacés), et portrait social nettement plus intéressant (Manif, Finances-fictions, Jouer d’la musique, China). Son pop-folk-rock dans la droite lignée québécoise qui marche (Vallières, Déry…) ne révolutionne rien, mais accroche bien l’oreille, ce qui n’est déjà pas si mal. A confirmer sur scène. www.richardpelland.com Serge Beyer
MAX PLANCK “Y’a ceux qui lisent, y’a ceux qui se r ongent et y’a ceux qui font l’amour” (Disques XX-21 / SRI) Max Karl Ernst Ludwig Planck (1858 - 1947) physicien allemand, Prix Nobel de physique en 1918, père de la physique quantique, a inspiré, soixante ans après sa mort, Marc-André Pilon, Nicolas “Nicotine” Bednarz (Caféïne, Le Nombre) et Bruno Lamoureux pour un projet entre prise de tête et innovation musicale. Parfois planant, le disque s’envole vers des distorsions à la Breastfeaders ou vers du post-rock-bluesy aux grattes efficaces et intenses. Cependant, les textes alambiqués, juxtaposition d’images incompréhensibles, dégagent un complexe qui laisse l’auditeur sur le bord de la route. Pur délire poétique ? A vérifier avec le prochain… www.maxplanckmusique.com Serge Beyer
AÏEUX
Michel Pinault
Nous voilà prévenus ! Sinon leur électro-punk dansant dévaste tout et leur Monde galactique qui ne se prend pas au sérieux est des plus rafraîchissants ! Mention spéciale au tubesque Aimer d’être cons ! www.myspace.com/thejohne5 Serge Beyer
D
epuis quelques mois, le groupe Mes Aïeux prend une pause de spectacles, loin des médias québécois, pour concevoir son cinquième album. C’est la première fois en dix ans de carrière commune que Stéphane, Marc-André, MarieHélène, Frédéric, Éric et Benoît s’offrent le luxe de souffler un peu, même si cet arrêt ne rime pas nécessairement avec vacances. Rencontrés dans leur local à Montréal, ils discutent avec passion (et une bonne dose d’humour) de leurs projets estivaux, avant de mettre le cap sur l’Europe pour participer à une dizaine de festivals, dont les Francofolies de La Rochelle et de Spa.
ZACHARY RICHARD “Lumière dans le noir” (Exclaim) Le Louisianais cajun est de retour, toujours à vif, avec des chansons militantes qui évoquent autant son pays que le Rwanda, Beyrouth ou la pollution du fleuve Saint-Laurent. Cet écologiste qui s’est largement engagé au moment des ravages causés par l’ouragan Katrina, se bat aussi pour la cause acadienne ou le droit des animaux. Toute son humanité transparaît au long de ces 14 morceaux de poésie folk qui viennent nous parler à l’âme. www.zacharyrichard.com Serge Beyer
Leur première expérience outre-Atlantique, aux Déferlantes de Capbreton et à Villers-sur-Mer en 2006, s’est avérée très positive : la musique “néo-trad” festive de Mes Aïeux, où le folklore québécois se marie au funk, au reggae et au rock, y a suscité l’enthousiasme. “C’était un feeling super agréable que de jouer devant un nouveau public. Les commentaires que l’on a reçus après le spectacle, nous ont fait penser à l’engouement de nos débuts, évoque Frédéric. On a eu envie de repartir !” Leur remarquable présence sur scène, leur énergie contagieuse, l’éclectisme de leurs costumes, qui - tout comme les textes des chansons - sont inspirés de contes et légendes du Québec, ont assuré la réputation de leurs spectacles. Le succès populaire, Mes Aïeux l’a rencontré bien avant leur premier hit radiophonique de 2006 : “Aucune radio commerciale ne nous a appuyés pendant dix ans. Ce sont vraiment les shows et le bouche-à-oreille qui nous ont fait connaître”, soutient la violoniste Marie-Hélène. Disponibles en France depuis septembre 2006, les albums Ca parle au diable !, Entre les branches et En famille leur ont valu plusieurs nominations de l’ADISQ. Le dernier en date, le CD-DVD live Tire-toi une bûche, vient couronner en beauté une décennie de fêtes endiablées… et de travail. “A force, on en vient à se connaître très bien musicalement. On s’écoute beaucoup plus et toutes les décisions se prennent en groupe, explique Éric, le guitariste. On a énormément de fun à renouveler ensemble le show et les chansons.”
BEN RUSTY “6969 coin des Pins” (Productions Halpin / Local Distribution) C’est à la suite d’une tournée des bars en Australie avec ses chansons en anglais que naît le projet Ben Rusty. Il revient à la maison avec le désir de composer en français et il concocte un album-concept sur sa ville natale, Montréal. Dix des pièces ont d’ailleurs comme titres des noms de rues de la métropole. Relatant avec justesse les aléas de la vie urbaine, sa pochette propose même plusieurs références à l’histoire du Québec. Un pop-rock à surveiller assurément de près. www.benrusty.com Martin Véronneau
Marie-Hélène Mello “Tire-toi une bûche” - Disques Victoire / Socadisc www.mesaieux.qc.ca 41
PLANETE
Suzanne VEGA La New Yorkaise la plus racée de la planète est de retour. Nouveau disque et bientôt en tournée : que du bonheur !
B
eauty & Crime, qui sort ces jours-ci, est incontestablement son meilleur album depuis le mythique 99.9°. Certes un peu moins barré (dommage), mais assez rock et poétique à la fois, assez violent et violon. Avec son sens inné de la mélodie qui accroche instantanément, sa pop urbaine et moderne, ses arrangements majestueux et son inimitable timbre de voix, Suzanne nous embarque vers des contrées angéliques ! Cependant, ses onze nouvelles chansons ont mis du temps à mûrir : “Cela m’a pris six ans pour tout achever et certaines chansons ont été assez douloureuses à accoucher, pénibles à composer. Cela dit, je pense qu’un sentiment d’espoir se répand tout au long de l’album.” Les séances d’enregistrement se sont déroulées entre New York et Londres. Textuellement, on y croise des fantômes, un graffeur du centre ville, mais également la petite famille de Suzanne (son mari, sa fille). Avant de pouvoir croiser la belle sur scène pour sa tournée, nous lui avons posé quelques questions…
DANS SOLITUDE STANDING, EN 1997, LUKA PARLAIT D’UN SUJET GRAVE : UN ENFANT MALTRAITÉ. CROIS-TU AVOIR FAIT ÉVOLUER LES MENTALITÉS GRÂCE À CE TITRE ? Je pense avoir aidé à éveiller les consciences sur le sujet et peut-être ai-je aussi apporté ma petite contribution pour que les lois changent dans l’état de New York… IMAGINAIS-TU LE DESTIN DE TA CHANSON A CAPPELLA TOM’S DINER ET DU REMIX DE DNA ? Non, je n’aurais jamais imaginé que cette chanson puisse avoir une telle destinée. C’était une chanson de rien du tout à propos d’un petit-déjeuner dans un tout petit restaurant… J’ai pris beaucoup de plaisir avec le remix, d’ailleurs, je suis toujours en contact avec DNA. DEPUIS 1985, TU AS ÉTÉ INTRONISÉE CHEF DE FILE DES SONGWRITERS FÉMININES, ÇA TE FAIT QUOI ? ECOUTES-TU TES CONTEMPORAINES ? AVEC LESQUELLES AIMERAIS-TU TRAVAILLER ? J’écoute KT Tunstall (NDLR : le fameux “woo hoo” d’une certaine Alice), Dido, Amy Winehouse, Corinne Bailey Rae… J’ai déjà travaillé avec KT Tunstall et c’est un amour. Je ne serais pas contre recommencer ! NEW YORK, TA VILLE, EST UNE FEMME D’APRÈS L’UN DE TES NOUVEAUX MORCEAUX ; QUEL GENRE DE FEMME ÉTAIT-ELLE DANS TON ENFANCE ET QUI EST-ELLE DEVENUE AUJOURD’HUI ? Quand j’étais gamine, dans les années 70, c’était une pétasse 42
D.R.
PLANETE
“C’était très amusant d’être un avatar qui joue de la guitare…” avec des problèmes de fric. Aujourd’hui, elle est un peu plus respectable, mais elle aime toujours prendre du bon temps. DANS LE MONDE VIRTUEL, EN 2006, TU AS ÉTÉ L’UNE DES PREMIÈRES ARTISTES À DONNER UN CONCERT SOUS FORME D’AVATAR, DANS SECOND LIFE… C’était très amusant d’être un avatar qui joue de la guitare et de voir le public, lui aussi représenté par des avatars. Quel groupe étrange ! Drôle également de pouvoir voler comme dans un rêve ! J’espère bien faire d’autres concerts dans Second Life. LA SCÈNE : THÉRAPIE, BESOIN, DÉFI ? Une “thérapie” ? Non, ça ne serait pas honnête envers le public. Une nécessité, sans aucun doute. Et toujours un challenge car je suis naturellement portée sur l’introspection. QUELLE
EST TA VISION DU MONDE ACTUEL, QUELLE EST TA FAÇON DE LE
? ET TA VISON DE L’AMÉRIQUE ? Nous vivons une époque tourmentée : c’est toujours la guerre et beaucoup de gens ne peuvent plus l’accepter. Chez nous, la prochaine élection présidentielle (en novembre 2008) sera très importante. Cela dit, je pense que la bonté et les valeurs morales sont toujours présentes en Amérique. CHANGER
Serge Beyer “Beauty & Crime” - Blue Note www.suzannevega.com 43
PLANETE
APOSTLE OF HUSTLE “National anthem of nowhere” (Arts & Crafts / Coop Music) Déjà sur son premier album en 2004, Folkloric feel, le premier titre ouvrait les hostilités de façon très entraînante. Whiteman, guitariste de Broken Social Scene, s’est pris au jeu de l’exploration sans frontières. Des rythmes hybrides et des sonorités variées affluent dans sa musique. Cette richesse foisonnante, il est parvenu à la coordonner pour lui donner des atours pop. Une pop où vit le jazz, la bossa-nova et les sonorités cubaines, où les cuivres caressent les traditions, où les percus font ressentir plus fortes certaines vibrations. Contrairement à Calexico et leurs mariarchis, Whiteman ancre de vieilles recettes dans une atmosphère urbaine et tournée vers la modernité. Et les ambiances passent de l’aube épanouie au crépuscule d’une fête qui n’en finit plus… www.apostleofhustle.com Béatrice Corceiro
BINDER & KRIEGLSTEIN “Alles verloren” (Essay Recordings / La Baleine) Derrière ce patronyme, manière de clin d’œil à ses fameux compatriotes Kruder & Dorfmeister, se cache l’Autrichien Rainer Binder-Krieglstein. Produit par Shantel, chantre d’un syncrétisme musical mettant en résonance world et électro, Alles verloren creuse le sillon de son mentor. Dans une veine proche des Mexicains de Nortec Collective, B&K conjugue ainsi tradition folklorique (fanfare, polka, accordéon), langue de Mozart et production contemporaine avec une nette influence reggae. Si le disque comporte ses grands moments (le ska enfantin Daddy), le kitch n’est pas non plus absent (Drink all day et son vocoder malheureux). Une confirmation de la difficulté inhérente à maîtriser, sans écart de goût, ce genre de fusion (presque un gros mot aujourd’hui). Sympathique malgré tout. www.mikaella.org François Boncompain
HELP SHE CAN’T SWIM “The death of nightlife” (Dad Records / Pias) Ca en deviendrait presque vexant, mais il faut s’y résoudre : c’est une fois de plus un groupe anglais qui rafle la mise du meilleur album rock de la saison. Bien que son statut d’indé le “préservera” à coup sûr des vertiges du haut des charts, il serait dommage voire tragique de passer à côté. Sans inhibitions ni contraintes, cette troupe se dissipe parmi des styles hautement énergiques dont elle connaît les ficelles. Si le rock’n’roll est son principal terrain de jeu, c’est du côté du hardcore qu’elle va chercher ses pulsions, c’est de l’emo que lui vient cette façon de flirter avec l’explosion, c’est le punk qui la rend crâneuse… On pense parfois à Monochrome ou Gomm (pour la parité vocale), on pense aussi à de vieilles connaissances : les Sonic, Joy, Pistols, etc. A l’aise dans le grand bain britannique, HSCS a même quelques longueurs d’avance sur ses concurrents. www.helpshecantswim.com Cédric Manusset
DANIEL HIGGS “Atomic yggdrasil tarot” (Thrill Jockey / Pias) Daniel Higgs, en congé de Lungfish, a vu la lumière sortir de sa guitare et se fait désormais le chantre de la distorsion psychédélique. Le bonhomme ne s’apparente cependant pas à un hippie retardé et emprunte un créneau bien sonique. Ses montées à la guitare saturée se ressentent aussi en profondeur, même sans absorption de substances chimiques. Evidemment les amateurs de musique de chambre à l’apéritif n’apprécieront guère cet été avant le barbeuk… Les autres reconnaîtront dans ces volutes électriques des sonorités proches du sitar et se mettront à communier comme de bons païens en mal de cuite. Cette cacophonie bonne enfant, pas agressive pour un sou confère même à de la poésie… Si, si, relisez Bukowski. Pour poursuive la lecture du bonhomme, Daniel Higgs dessinateur à ses heures écrit également des poèmes. Atomic yggdrasil tarot sort ainsi accompagné d’un livre. www.thrilljockey.com Vincent Michaud
HOLLY THROSBY “Under the town” (Spunk / La Baleine) Deuxième album très alléchant pour cette jeune Australienne originaire de Sydney. Entourée de Bree van Reyk à la batterie, du violoncelliste Jens Birchall qui s’adonne également à la basse et à la mandoline, et de l’arrangeur Tony Dupé, Holly Throsby crée des ambiances intimes presque feutrées. D’une guitare, d’un piano, elle élabore de fines ballades, chaudes et fragiles, qui laissent sa douce voix légèrement cassée nous envelopper d’une délicatesse qui n’est pas sans évoquer celle de Shannon Wright ou de Joanna Newsom. Déjà croisée en tournée en compagnie d’artistes aux univers marqués comme Bonnie “Prince” Billy, Eels, Low ou Devendra Banhart, la poésie à la force tranquille qui se dégage de Under the town élève Holly Throsby dans le ciel étoilé de la scène indé. www.hollythrosby.com wqw…
DAWN LANDES “Fir epr oof” (Fargo) A l’écoute de sa musique, comme pour The National, on sent très vite que cette jeune femme n’est New Yorkaise que d’adoption. Elle vient du Kentucky et son folk s’en ressent. S’il évoque la ville où il fut couché sur bande (en un jour) c’est plutôt ses hauteurs, là où le champ de vision s’évapore. Fluette comme les pattes d’un chat sur les toits, sa voix est cousine de Cat Power pour le velours, enfant de Joni Mitchell pour les envolées graciles. Tout cela confère à son deuxième disque une atmosphère peace de country 70’s. Le travail climatique de celle qui a déjà enregistré Philip Glass et Ryan Adams relève chaque fibre, chaque fêlure et laisse chant et mélodies au banjo filer à l’air libre. On les déguste sur Twilight, drapé de guitare slide, sur I’m in love with the night, vêtu d’harmonica, ou sur le bucolique et céleste Dig me a hole. Un trou ? On le lui creuse : à gauche dans notre poitrine. www.dawnlandes.com Sylvain Fesson
THE NATIONAL “Boxer” (4AD / Naïve) Après leur Alligator de 2005, les New Yorkais voient toujours les choses en grand. On a la preuve que la grandeur n’est pas toujours accouplée avec une vilaine grandiloquence. La musique a pris du poids depuis les débuts du groupe, mais elle n’oublie pas son premier pouvoir : faire rêver. Et l’on peut s’extasier dans cet album qui offre ses pépites atmosphériques, de précieux instants de slowcore hypnotiques, d’une ballade au piano intense et troublante, des arrangements de cordes capiteux. Un rock ardent s’inscrit en fil conducteur. Avec la mélancolie brûlante qui traîne au fond de la voix de Matt Berninger, la passion finement ciselée dans ses écrits, Boxer confirme cette aura de plus en plus consistante autour du quintette. www.americanmary.com Béatrice Corceiro
SINEAD O’CONNOR “Theology” (Keltia Musique) La belle Irlandaise a toujours fait dans la démesure (premier single à 14 ans ; en 1992, outrée par les preuves accusant les écoles cathos irlandaises d'abus sexuel sur des enfants, elle déchire la photo du pape en direct a la télé), alors sortir un double CD là où on ne l'attendait pas… rien d'étonnant ! Elle a aussi toujours fait dans le mystique (son premier tube, reprise de Prince Nothing compare 2U, n'était-il pas déjà dédié à Dieu ?), alors écrire des chansons où il est question de psaumes, de Judas, de Jah, d'amour ou de spiritualité… pas surprenant ! Elle déclare chanter des choses profondes qui parlent à l'âme… Mais elle ajoute : "Je ne prêche pas, je veux seulement faire quelque chose de beau." Nous voilà servis avec ce double enregistré à Dublin (version acoustique) et à Londres (version électrique) mettant en lumière toute sa grâce et sa fragilité ! Sublime. www.sinead-oconnor.com Serge Beyer
POR TASTATIC “Be still please” (Acuarela / Abeille Musique) Formé en 1989 et irréductible du DIY, Superchunk est toujours resté un peu dans l’ombre. Il a pourtant fait les preuves d’une power-pop délirante, proche de Pavement et Dinosaur Jr. Le projet parallèle de son leader écume les scènes depuis 1994. Les initiés reconnaîtront sans peine la voix de McCaughan et ses accents d’éternel adolescent. Les autres y découvriront des parentés avec Elliott Smith et Neil Young. En se penchant encore plus près, on saura apprécier sa plume généreuse. Sa pop pêchue mêle ici morceaux orchestrés avec des cordes et titres de rock euphorique pas avares de solos électriques affûtés. Au moins un tube évident : I’m in love (with Arthur Dove). La reprise acoustique du tube électro-pop de Hot Chip est une pure merveille d’attraction amoureuse. www.portastatic.com Béatrice Corceiro
TRAVIS “The boy with no name” (Sony BMG / Independiente) Sans vraiment se réinventer ni se détacher de la grande tradition pop britannique qui imprègne leur musique depuis maintenant une décennie, les trois ans de réflexion nécessaires à Travis pour façonner cet album auront apporté une fraîcheur bénéfique, presque indispensable, à leurs compositions. Les mélodies douces-amères qui ont fait la renommée des quatre de Glasgow bercent toujours notre oreille, chaleureuses comme un coucher de soleil. Le pessimisme qui enserrait le précédent 12 Memories laisse désormais place à une pop plus positive, toujours gouvernée par l'émotion, la délicatesse et le romantisme. Simples mais jamais fades, d'une finesse naturelle, les onze titres habilement arrangés de ce cinquième opus donnent un nouveau souffle au groupe, prêt à repartir pour dix ans. www.travisonline.com Yann Guillou
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BJÖRK “Volta” (One Little Indian / Polydor) C’est bien connu, le froid conserve. Et même parfois régénère ! La plus célèbre des Islandaises le prouve : pour son huitième album (BOF incluses), la jeune quadra a retrouvé ses instincts primaux, à la grande joie des fans du même âge. On ne l’avait plus vue dans cet état depuis son Debut ! La tribalité et l’insolence qui définirent alors son caractère ont à nouveau le dessus ; Björk a mis de côté les expériences à 99% vocales - et à peu près chiantes - de ses dernières productions pour rebondir sur l’autre matière qui l’a consacrée : le rythme. Les percussions, dont l’habillage électro-ethno fait l’objet d’une attention maximale, se propagent à travers un œcuménisme mélodique fait de sino, d’afro, d’indien, d’inouï, d’ovni… La signature de la cyber-diva reprend ici sa forme génétique et une averse d’éloges est annoncée. Se pose alors un dilemme : disquaire ou download ? www.bjork.fr Cédric Manusset
CAMERA OBSCURA “Let’s get out of this country” (Elefant Records) Perfusé par l’Amérique des années soixante, ce nouveau disque de la bande à T. Campbell pourrait facilement faire passer les Beach Boys pour un groupe de garage rock. Dix morceaux qui surfent entre les plages de la BO du film American Graffiti et la vague de nonchalance (et non d’ennui) d’un Belle & Sebastian traumatisé par la discographie des Supremes. Leur pop douce, subtile (If looks could kill) et délicatement amère (Lloyd, I’m ready to be heartbroken) a déjà charmé pas mal de monde (J. Peel, B. Anderson…). A vrai dire on comprend aisément cet engouement même si ce disque souffre du trop fréquent syndrome “Aussitôt écouté, aussitôt oublié” ! Tant pis, profitons de l’instant présent alors. www.cameraobscura.net Rémi Laffitte
PLANETE
ELK CITY “New believers” (Astro Discos / Abeille Musique) On a découvert le groupe en tant que trio via deux albums accueillis chez Talitres. Renee Lobue et Ray Ketchem ont ensuite vu leur guitariste prendre le large. Le guitariste Sean Eden (Luna) et la bassiste Barbara Endes viennent donc aujourd’hui renforcer le duo originel pour un troisième album différent. La voix de Renee Lobue, sorte de crooneuse héritière des traditions country-folk, s’affirme. Ses propos doux-amers traduisent un caractère vif et sincère. Un dynamisme manifeste tourné vers une indie-pop électrique, où piano, orgue Hammond et pedal steel ont toujours leur place. Dans une ambiance plus ou moins légère, les mélodies entendent une efficacité brute. Derrière, la basse ronronne et les guitares se font tantôt orfèvres, tantôt rugissantes… www.elkcity.net Béatrice Corceiro
EMILY HAINES & THE SOFT SKELETON “Knives don’ t h a v e y o u r b a c k ” (Grönland / Differ-Ant) Chanteuse de Metric, membre de la nébuleuse Broken Social Scene, Emily Haines livre son premier effort solo. Loin des schémas indie rock de son combo d’origine, la canadienne déploie sa voix diaphane sur des arrangements emprunts de classicisme (piano, cordes, cuivres) et des climats éthérés. L’influence de Robert Wyatt est ici prégnante sur certains des plus beaux titres. Pas étonnant alors que le vénérable musicien se fende des notes de pochette pour un hommage sibyllin. De la belle ouvrage, en effet, que cette pop sinueuse tout en caresses et subtile mélancolie, même si les esprits chagrins pointeront une certaine monochromie sur la durée. Une linéarité, toute subjective, qui embarque cependant l’auditeur pour 52 minutes de balade en apesanteur. www.emilyhaines.com François Boncompain
MAI “Still need a kiss” (Nacopajazz / Discograph) Jeune chanteuse d’origine suédoise et parisienne d’adoption, Johanna Wedin aka Mai déroule une agréable pop downtempo vaporeuse. Signée sur l’exigeant label Nacopajaz, la demoiselle se distingue par sa voix tout en langueur, pas si loin de Hope Sandoval et des atmosphères chères à Mazzy Star ou Mùm. Seule la mélodie enlevée de Silly, en milieu d’album, sort l’auditeur de sa douce torpeur comme pour mieux le replonger ensuite dans ses rêveries. Production léchée (Stéphane “Alf” Briat est aux manettes), profondeur de champ, ambiances tout en cliquetis et parasites électronica, Still need a kiss séduit par ses paysages sonores contemplatifs et son chant “slow motion”. Un sens de l’espace idéal pour faire des volutes de fumée les yeux rivés au plafond. www.nacopajaz.fr François Boncompain
PADDY MILNER “Based on a true story” (Bronze Records / Rue Stendhal) Jamie Cullum, le crooner en basket, a sans aucun doute ouvert la porte à une nouvelle génération d’interprètes qui tentent de dépoussiérer le jazz vocal en le croisant avec les codes de la pop. C’est le cas de son compatriote Paddy Milner, qui après un premier opus encensé, est bien parti pour faire la passe de deux avec ce nouvel album. Pianiste dont le jeu se fait avec les tripes, sa voix habile sait aussi se faire charmeuse dans l’ambiance plus feutrée d’une ballade. Il ne faut pas pour autant s’exciter, car sous de bonnes influences qui vont de Nick Drake au blues de BB King (avec lequel il a joué) en passant par le boogie des 40/50’s ou la Motown, l’Anglais demeure dans un cadre par trop souvent conventionnel, qui donnent un peu d’amertume à cette fraîcheur revendiquée. www.paddymilner.com wqw…
VIBRONICS “Heavywieght scoops selection - Chapter II” (Sounds Around / Pias) Créé en 1995, à l'initiative de Steve, ce groupe de Leicester a débuté avec peu de moyens, dans une chambre, avec une table de mixage 16 pistes et un Atari. Depuis, douze années productives ont passé, au cours des desquelles ils ont forgé de nombreuses amitiés et collaborations tonitruantes avec la scène UK (Iration Steppas entre autres). Le label parisien Sounds Around a sélectionné une nouvelle fois le meilleur dans leurs dernières productions. Ces nouveaux titres "sismiques" qui existaient uniquement en vinyle sont donc dorénavant plus accessibles. Artisans authentiques et humbles de cette musique, le groupe jette les bases du futur de ce genre très vibrant. Aucune mauvaise piste sur cet album qui comblera les dub addicts. Seize titres et 62 minutes de bonheur. www.myspace.com/vibronicsdubmusic Fred Huiban
THE ZINCS “Black Pompadour” (Thrill Jockey / Pias) Anglais expatrié aux Etats-Unis depuis 2000, Jim Elkington, membre de Sophia et Elevate, se lance dans le songwriting en solo, guitare à la main, et une bonne partie de la discographie de John Cale dans la tête. Ce n’est qu’après l’enregistrement de son premier album Moth and marriage, que The Zincs devient réellement un groupe. Tentant de lier culture anglaise et sonorité américaine, il est difficile de ne pas penser à Morrissey, à l’écoute de ce troisième opus. Evoluant dans un registre plus grave, Elkington joue les crooners tout en conservant un côté charnel un peu brut, quelque part entre Cousteau et Morphine, maniant l’humour… même à ses dépends. Le résultat entre ballade folk et soft rock’n’roll sixties accompagnera idéalement cet été les apéritifs… en bord de zincs ! www.thezincs.com wqw…
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FESTIVALS
Electro Alternativ
Festivrac
Du 5 au 7 juillet 2007 - Toulouse (31) www.electro-alternativ.com
Du 5 au 7 juillet 2007 - Pont-de-Vaux (01) www.festivrac.com
epuis cinq ans, l’association Reg’@rts veut promouvoir les activités liées à la musique ainsi que les créations graphiques et audiovisuelles. Elle produit et organise des spectacles dans la région Midi-Pyrénées, ainsi que ce festival qui se déploie à l’intérieur de la ville de Toulouse à travers un programme transdisciplinaire d’expositions, de concerts, de spectacles, de projections et de conférences. A l’image des éditions précédentes, la programmation réunira plus d’une vingtaine d’artistes dans des esthétiques musicales très variées : hip hop, électro, jazz, techno, expérimentale… Seront présents des artistes français et internationaux, représentants les labels les plus emblématiques de la scène européenne : Teenage Bad Girl, Agoria, Busy P, Sebastian, Jee, Noir de Gout, Daryl Corn, Flexx, Ez3kiel présente “Naphtaline”, DJ Vadim, Chris de Luca vs Phon.O, Audiounit aka Le Lutin, DJ Brooks, DJ Youthman, Alec Empire vs Nic Endo, Kap Bambino, Interlope, Electrobugz aka Beuns, Clark aka Chris Clark… Mais outre ces prestaions, sont aussi prévus des conférences-débats. L’un des thèmes abordés : “Ethiques et pratiques numériques actuelles”, comment aborder les diverses utilisations des outils numériques ? Tout un programme !
e festival est né de l’envie de promouvoir les différentes formes d’expression artistique sur le canton de Pont de Vaux. L’organisation est assurée par l’association Festivrac, composée à 100% de bénévoles sur-motivés : une vingtaine de personnes passionnées, et lors de l’événement, 150 personnes ! C’est un peu comme une grande famille… Démarré il y a 15 ans, ce sont aujourd’hui plus de 6000 spectateurs qui se donnent rendezvous tous les étés ! Particularité ? “Nous sommes un festival qui se veut éclectique avant tout ; dans Festivrac il y a le mot “vrac” qui est notre mot d’ordre. C’est à dire qu’à chaque édition, nous essayons autre chose et nous voulons qu’il y en ait pour tous les goûts. D’autre part, ce qui compte chez nous c’est l’ambiance chaleureuse et conviviale. Cette ambiance que nous avons créée, déjà entre nous, est communicative à notre public, aux personnes et aux artistes avec qui nous travaillons !” Et les soutiens financiers suivent ? “A l’année, nous nous autofinancions à plus de 96%… Nos recettes proviennent essentiellement des entrées, buffet, buvette et du sponsoring. En 2007, on prend les mêmes et on recommence, car malheureusement, même si cette année nous fêtons nos 15 ans, nous n’arrivons toujours pas à sensibiliser le Conseil Régional…” Le menu : Higelin Feuh !, Two Tone Club, Skarface, Les Suprêmes Dindes, Les Beautés Vulgaires, Natty Sauvage, Gloryhole, Domb, Les Tambours du Bronx…
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ette année encore, les Francos vont multiplier le concept “Fête à…” et les créations originales. Les fêtes de Miossec, à Jamait, aux Ogres de Barback, à Loïc Lantoine ou à Bratsch viendront se frotter aux créations de Laurent Voulzy & Friends ou des Têtes Raides (création pour le jeune public). De son coté, DJ Zebra et ses amis transformeront l’Esplanade St Jean d’Acre en un immense dance floor. Evènements : le retour d’Yves Simon, absent de la scène depuis 25 ans, ou encore Cassius et Jean-Louis Murat au Club Cosy, un lieu intime. Styles et genres se mélangent sans préjugés ni a priori ; de JoeyStarr à François Morel, d’Abd Al Malik à Didier Super, de Tryo à Superbus, six jours durant, de 11h à 5h du matin. Mais les Francos, c’est avant tout le festival des découvertes, notamment celles du Chantier des Francos (qui, depuis 1998, a accompagné plus de 250 formations) : Amédée Colère, Ina-Ich, Jonaz, Alexandre Kinn, Florian Mona, Céline Ollivier, Ours, Lisa Portelli, Jean Racine, Scotch & Sofa et Thérèse. Le Chantier des Francos propose tout au long de l’année, des ateliers de perfectionnement scénique. Il s’adresse, gratuitement, à des artistes émergents francophones : chanson, pop, rock, slam, hip hop… Objectifs : faire opérer au groupe un recul sur sa prestation scénique et lui faire gagner en autonomie (savoir organiser seul ses démarches artistiques ou professionnelles, apprendre à les déléguer, etc.).
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n festival décalé à taille humaine sur un site atypique au cœur de la Mayenne : situé en pleine campagne, à une heure de Rennes et du Mans, le parc de St Denis de Gastines (petite bourgade de 1700 habitants) est transformé tous les ans par une trentaine de plasticiens bénévoles, qui travaillent toute l’année afin de mettre sur pied des créations en bois, métal et autres matériaux qui leur tombent sous la main. De la mise en lumière aux nombreuses installations éphémères, des bars à thèmes au tonneau à vin géant, sans oublier tout le mobilier, le site est intégralement fait maison et son univers est réinventé à chaque édition du festival. A ce dépaysement scénographique s’ajoute l’esprit convivial transmis par les 450 bénévoles de tous âges qui mettent la main à la pâte pour accueillir 9 000 festivaliers dans de bonnes conditions : différents espaces détente sont aménagés (bar à thé, chapiteau avec groupes, DJ’s et interviews d’artistes…), un tri des déchets est mis en place pour sensibiliser le public et garder le site propre, la jauge est restreinte pour éviter d’être noyé dans la masse, les habituels sandwiches saucisse froids sont troqués pour un bœuf bourguignon accompagné de frites maison… Côté scène : Mano Solo, Emily Loizeau, Adrienne Pauly, No One is Innocent, Bikini Machine, Zita Swoon, Java & Winston Mc Anuff, Bumcello, Nosfell, Neneh Cherry, CirKus, Wax Tailor, etc. www.aufoindelarue.com Les 6 et 7 juillet 2007 - St Denis de Gastines (53)
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www.francofolies.fr Du 11 au 16 juillet 2007 - La Rochelle (17)
Au Foin de la Rue
Francofolies de La Rochelle 46
FESTIVALS
Déferlantes Francophones
Au Pont du Rock
Du 18 au 21 juillet 2007 - Capbreton (40) www.deferlantes-francophones.com
Les 27 et 28 juillet 2007 - Malestroit (56) www.aupontdurock.com
i-juillet, la ville de Capbreton (Landes) au bord de l’Atlantique, va faire résonner des accents et de couleurs d’ailleurs pendant quatre jours et quatre nuits sous le slogan : “Rapprochons nos différences”. Une invitation à la découverte (et à la danse, dans une ambiance chaleureuse, comme tous les ans après les concerts !) de musiques lointaines, d’artistes de grand talent. De plus, vous ferez une étrange expérience : celle d’une même langue (ou presque) qui court de Montréal à St Boniface, d’Ottawa à Lafayette, de Moncton à Québec… En effet, la majorité des artistes viennent d’Acadie, du Québec, bref de la “Nouvelle France” ! Avec les Québécois Pierre Lapointe, Plume Latraverse, Karkwa, La Chango Family, mais aussi Damien Robitaille (Ontario, lauréat du Tremplin Découvertes de la 9ème édition), la soirée fête acadienne “L’Ordre du Bon Temps” avec Vishten (Ile-du-Prince-Edouard), Fayo, Roland Gauvin, Dominique Dupuis, Jac Gautreau (Nouveau-Brunswick), le spectacle-concept “Dans un monde poutt poutt” mêlant chansons, théâtre et cirque avec Edgar Bori et plusieurs artistes de la relève québécoise (Gaële, Josianne Paradis, Jean-Philippe Dalpé), les Tremplin Découvertes avec Anique Granger (Saskatchewan), Geneviève Toupin (Manitoba), Frédric Gary Comeau, Ryan Leblanc (Nouveau-Brunswick), JF Moran, Pierre-André Côté (Québec), Alexandra Hernandez (StPierre-et-Miquelon)… Seule exception à la règle : Jacques Higelin !
eux associations dynamiques, Les Enfants du Rock et Malestroit Art et Culture, nées du désir de plusieurs amis de faire “bouger les choses” dans leurs communes (le Roc St André et Malestroit) organisent régulièrement depuis plusieurs années déjà des concerts rock, des expositions, des soirées ciné ou théâtre... Elles soutiennent également les groupes locaux, aident à la production et à la réalisation de supports de communication en partenariat avec d’autres acteurs, mais aussi participent à la réflexion sur les besoins des musiciens et facilitent l’accès à pas mal de groupes aux locaux de répétition. De plus, elles organisent un tremplin, soutiennent les initiatives des jeunes et des associations (informations, conseils, aides aux montages de projets...), mettent en place un point info rock… et organisent un festival ! Au Pont du Rock accueillera cette année 19 groupes ou artistes qui se produiront sur deux scènes : Horace Andy & Dub Asante Band, Mademoiselle K, Eiffel, Riké, DJ Champion et ses G String, Ezra, Bikini Machine, François HadjiLazaro, Calibistrixe (vainqueur du tremplin), Tété, Da Silva, Mass Hysteria, Jehro, Zenzile, Les Caméléons, Burning Heads, Missill, L’ Opium du Peuple, Cloudy…
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haque année, au mois d’août, tous les chemins mènent à... Budapest ! Des dizaines de milliers de jeunes Européens venus en camion, en train, en bus, en avion ou en stop, débarquent sur l’île d’Obudaï qui sera, durant toute une semaine, le théâtre d’une gigantesque fête pluri-culturelle et muti-réjouissante. Hétéroclite et démesurée, cette manifestation n’a pas d’équivalent en Europe, il suffit d’observer les chiffres pour se faire une idée : 350 000 festivaliers vont assister à plus de 400 concerts répartis sur une trentaine de scènes, quasiment toutes thématiques, offrant ainsi une infinité de combinaisons pour passer des soirées inoubliables. Bien qu’encombrant, le programme de 150 pages (version hongroise) distribué sur place se révèle vite indispensable... et ce, jusque dans les Toi-Toi. Malgré un public français en constante augmentation depuis deux ou trois ans (qui, au passage, s’est plusieurs fois fait remarqué des organisateurs pour ses petits écarts : vols, bagarres, “vin mauvais”…), le dépaysement reste intact et le plaisir des yeux prend autant de place que celui des oreilles. Parmi les artistes les plus attendus cette année sur le Danube : Dobacaracol, Fun Da Mental, !!!, Gogol Bordello, Juliette & the Licks, Killing Joke, Madness, Nine Inch Nails, Razorlight, Sinead O’Connor, Skinny Puppy, The Chemical Brothers, The Good The Bad & The Queen, The Killers, The Rakes, Tinariwen, Tool, Unkle, Beat Assailant, Cassius, Ministère des Affaires Populaires (MAP), Rachid Taha…
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’asso Courte Echelle Prod a pour objectif de concevoir, produire, réaliser, diffuser, exploiter et promouvoir des œuvres culturelles, dans les domaines de l’audiovisuel, de la musique et du multimédia. Radio Blagon diffuse sur Internet un bouquet de radios et une télévision. Ses auditeurs ont le choix entre sept canaux 100% musicaux sans publicité : rock français, scène française, festif, électro rock, hard, ambiance, reggae / musique des îles (www.radioblagon.org). Les deux se sont associées pour l’organisation du festival A Fleur de Rock. Programmé en pleine période estivale sur le bassin d’Arcachon (à Lanton), il propose sur deux jours une sélection de six artistes de la nouvelle scène rock et chanson francophone. Les spectales ont lieu dans une salle couverte de 600 places + une scène extérieure. Une mission : “Nous sommes persuadés qu’il est important de s’inscrire dans une démarche de soutien aux jeunes groupes débutants du bassin d’Arcachon qui souvent n’ont pas les moyens financiers de réaliser un album. Donc la scène est pour eux l’unique moyen de se faire connaître et d’améliorer leur jeu. Nous avons donc décidé de réaliser un live ! Quatre groupes seront ainsi sélectionnés sur écoute de maquettes ou sur audition, et se produiront chaque soir, dés 18h.” Une initiative a suivre… Le reste du programme : Nosfell, Mademoiselle K, La Blanche, Léopold s’affole, Le Clandestin, Nicogé.
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www.szigetfestival.com Du 8 au 15 août 2007 - Budapest (Hongrie)
www.afleurderock.com Les 9 et 10 août 2007 - Lanton (33)
Sziget Festival
A Fleur de Rock 47
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FESTIVALS
Les Nuits Secrètes
Tribuzical
Du 10 au 12 août 2007 - Aulnoye-Aymeries (59) www.lesnuitssecretes.com
Les 7 et 8 septembre 2007 - Stade de L’Arbresle (69) www.tribuzical.fr
es Nuits Secrètes sont nées il y a six ans d’une utopie collective : offrir un grand événement culturel, à la fois populaire et exigeant, original et accessible, ambitieux et proche de tous. Vivre la nuit est un paramètre constitutif du projet esthétique du festival ; c’est la clé d’entrée qui permet d’initier une inversion des sens et du temps. La nuit comme décor propice à un voyage inédit. Trois nuits où le temps, l’espace et le mouvement sont bouleversés. Trois nuits pour se surprendre, se rassembler, découvrir, s’émerveiller, voir, écouter, chanter, danser… Vous l’aurez compris, ce festival est une énigme et pervertit les règles traditionnelles du genre. Aulnoye-Aymeries, 10 000 habitants au compteur, accueille 37 000 festivaliers ! L’art investit rues, places, jardins, lieux inconnus et inédits… Quand les ténèbres se font lumières, les silences mélodies, rythmes, rires et rimes, que les visages s’animent et s’éclairent dans la moindre ruelle, l’aube pointe souvent son nez… Un secret qui se veut bien gardé est aussi fait pour être partagé : les spectacles de La Grande Scène s’offrent à 12 000 spectateurs. Autres scènes, autres guet-apens : Le Jardin et sa pépinière de talents, La Bonaventure (salle des fées où l’on s’encanaille) et les Parcours Secrets (invraisemblable, ces artistes qui attendent le public au milieu de nulle part…). Aperçu de la prog : Arno, Archive, The Bishops, Tinariwen, Sharko, Laurent Garnier, Izabo, Detroit Grand Pubahs, Missill, Architecture In Helsinki, Mansfield Tya, Champion…
a Maison des Jeunes et de la Culture de l’Arbresle (ouest lyonnais) présente la huitième édition d’un festival éclectique, rugissant et sonore : Tribuzical. C’est toute une tribu d’une centaine de bénévoles qui va organiser l’espace d’un week-end, l’un des plus grands tremplins musicaux de la région. Les jeunes pousses locales et régionales pourront ainsi se produire devant 5 000 spectateurs par soir et à côté de têtes d’affiche de renommé nationale voire européenne ! Mais, outre ce rendez-vous incontournable, Tribuzical est aussi un lieu d’échange : on y croise de joyeux saltimbanques, des jeunes vidéastes, des artisans, des associations qui mettent en avant leurs initiatives citoyennes. Le public, très hétéroclite, ne vient donc pas uniquement pour la musique… L’organisation du festival se prépare une année à l’avance, et en deux jours, les 150 bénévoles gèrent près de 150 musiciens, 250 repas, 30 professionnels pour la sécurité, 3 000 litres de bières et 40 tonnes de matériel… Rien que ça ! L’affiche de cette année sera composée des Frères Zébulon, Les Iguanes, Prohom, No One is Innocent, Broussaï, La Mine de Rien, Marcel & son Orchestre, Tasmaniac.
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réé en 1987, à l’initiative du Conseil Général du Val-deMarne et d’une rencontre avec Jean Ferrat, la première édition du Festi’Val-de-Marne s’est déroulée sur un week-end, uniquement sous chapiteau, à Ivry. La participation des villes a régulièrement augmenté : 14 en 1990, 20 en 2000, pour atteindre 28 en 2006. Des thèmes sont apparus, avec des soirées Jacques Prévert, Boris Vian, Francophonie… Ce sont les prémices des thématiques des éditions à venir : Aragon (aimer à perdre la raison), Du Québec dans l’Air, Eclats Franco-Belges, la programmation Courant d’Air (Rock, Rap, Raï, Reggae…), Les Refrains des Gamins… La chanson est restée une partie importante de la programmation du festival, et le souci de soutenir et de diffuser des artistes en découverte grâce aux premières parties est toujours bien présent. Mais les “musiques actuelles” tiennent également une belle place, avec le désir de décloisonner les genres et d’amener le public vers d’autres sons, d’autres mots. Pour cette 21ème édition, le festival joue les prolongations en passant de 12 à 17 jours. Avec : Pierre Lapointe, Adrienne Pauly, Vibrion, Jacques Higelin, Sansévérino, Debout sur le Zinc, Gojira, Uncommonmenfrommars, Gomm, Rachid Taha, Constance Verluca, Magyd Cherfi, Mick est tout seul, etc.
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u départ, l’absence et le désintérêt des grands médias et des maisons de disques pour “la chanson à texte” ont incité à la création du Festi’Val-de-Marne. L’événement a donc accompagné, depuis sa première édition, des projets musicaux qui très souvent ne bénéficiaient pas d’une attention pourtant méritée, et a imposé des jeunes artistes en première partie, quitte à se passer des “têtes d’affiches” lorsqu’elles ne les voulaient pas ! Pour cette 21ème édition, le Festi’Val-de-Marne souhaite aller plus loin. Désormais, une journée sera consacrée à tous ceux qui participent à la pluralité et à la richesse des expressions musicales. Intégré totalement dans la programmation du festival, cet évènement invitera tous ceux qui, dans le secteur musical, sont d’abord mus par leur passion de la musique. Tous les passionnés qui, par leur engagement aident à la découverte, à l’accompagnement, diffusent les nouveaux talents, bref, ceux que l’on qualifie d’indépendants et parfois d’alternatifs, et qui, avec souvent peu de moyens, mais beaucoup d’énergie, d’idées et de folie, créent, gèrent ou participent à des projets dont le principal objectif est de faire exister au mieux les artistes et les musiques qu’ils soutiennent. Et parmi eux, bien entendu, Longueur d’Ondes sera présent !
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www.festivaldemarne.org Du 5 au 21 octobre 2007 - Val-de-Marne (94)
www.festivaldemarne.org Journée des Initiatives Musicales Indépendantes
Festi’Val-de-Marne
Festi’Val-de-Marne : JIMI 49
FESTIVALS
Le Mans Cité Chanson
G. Moussé & D. Lemaitre
DU 11 JANVIER AU 25 MARS 2007 - LE MANS (72)
Tire-Larigot
Sanseverino
Imbert Imbert
Durant trois mois, concerts, tremplins et ateliers ont animé la ville, avec pour devises : diversité (des genres et des lieux), convivialité (de l’équipe), fidélité (aux anciens lauréats reprogrammés dont Sanseverino, Gérald Genty, Semtazone). Manifestation populaire, le Mans Cité Chanson n’en demeure pas moins un rendez-vous prisé des professionnels (Jeanne Cherhal, Les Elles, Nicolas Jules y furent découverts). Avec son prix en “Chanson francophone”, Imber t Imber t (Mathias et sa contrebasse) renforce son statut de révélation 2007, ici talonné par le Toulousain déjanté AEL et le Lyonnais Her vé Lapalud. N a n a l i n é a s’est distinguée dans la catégorie “Interprètes” et les Caennais Tir e-Larigot, au Tremplin Electric’Cité. Enfin, inaugurée cette année, la sélection slam, par la qualité des candidats et le succès public, a placé Le Mans Cité Chanson comme le festival n°1 du genre sur l’échiquier national. www.lemanscitechanson.com Bruno Aubin
Paroles & Musiques
Caroline Dall’o
DU 5 AU 12 MAI 2007 - ST ETIENNE (42)
Rocé
Lab°
Prohom
Seizième édition pour le festival stéphanois qui a investi le centre-ville pour la première de son village associatif. La programmation, signée Simon Javelle, fait toujours la part H i g e l i n , L o ï c L a n t o i n e , Les Ogr e s d e B a r b a c k , A d r i e n n e P a u l y , belle à la chanson (H Nér y, Romain Didier) et s’ouvre au rap métissé (O Oxmo Puccino, Syrano, Rocé) ainsi Wax Ta i l o r, L’Œuf Raide, Lab°). Et toujours paroles et musiques en liberqu’à l’électro (W té, soit cinq artistes qui se produisent devant les femmes et hommes incarcérés de la maison d’arrêt de La Talaudière, les lectures de paroles sans musiques, et la programmation parallèle des apéros crescendos. Soit plus de cinquante artistes et une vingtaine d’animations sur les huit jours de festivités dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Encore une belle année… www.paroles-et-musiques.net Caroline Dall’o
Nuits Sonores D. Chaussende & P. Guyennon
DU 15 AU 20 MAI 2007 - LYON (69)
Master Mike
Certains festivals sont des marathons. Celui des Nuits Sonores, l’évènement lyonnais devenu un rendez-vous incontournable de la culture électronique, est plutôt ardu. Surtout sous la pluie ! D’un abri à l’autre, on est passé de la lunaire mécanique du compositeur Pier re Bastien au charisme rock mêlé à un rare talent de chansonniers paillards du duo allemand (très francophile) Stereo Total. Vêtements essorés, Little Louie Ve g a a servi des réminiscences funk, bien au chaud. Mais c’est à la troisième nuit que les Violent Femmes ont asséché le ciel, ravissant les porteurs de tiags. A côté, les Allemandes de Chicks on Speed ont fait résonner des cris défouloirs, éloignés du set intime et suspendu des deux Parisiens de Fuckaloop. Enfin, une mention spéciale est attribuée à la leçon de mix de Master Mike, le DJ des Beastie Boys, ratissant large dans le répertoire rock. Malgré les heurts de cette édition, plus laborieuse que les précédentes, les Nuits Sonores avancent toujours avec aise sur le fil ténu de la nouveauté pointue et du flashback instructif. www.nuits-sonores.com Dalya Daoud
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FESTIVALS
Les Autres Prods
Nuit Curieuse - Birdy Nam Nam Session
LES 26 ET 29 MARS - L’AÉRONEF, LILLE (59) / LE BATACLAN, PARIS 11
LE 21 AVRIL 2007 - LA FERME DU BUISSON, NOISIEL (77)
Marie Cherrier
Clarika
Elsa Songis
Fantazio
Oxmo Puccino
Birdy Nam Nam
Troublemakers
Le quartet électro a investi la Scène Nationale de la Ferme du Buisson pour une Nuit Curieuse exclusive, invitant de nombreux artistes et musiciens amis, comme le graphiste plasticien Dran (signalétique et scénographie du site). L’équipement culturel, à la grande superficie, se prête bien à ce genre de fête. Après le jazz funk de S.Mos Quintet sous l’Auvent, nous verrons le film The party en plein air, avec la bande son des Troublemakers. “Hot pots” (baquets d’eau chaude) et transats sont à disposition. Le concert des Bir dy Nam Nam, ces scratcheurs incroyables, se passe à la Halle. Oxmo Puccino et Vi t a l i c les rejoindront sur scène. ZUR projette des images mouvantes, A u d i o p i x e l, à la façon des lanternes magiques. Outre les expériences musicales (A Paradiscount, 10LEC6, DJ Genjini…), on peut profiter des espaces détente (massages, cartomancie…) ou jouer à “La pieuvre”, fascinant domino humain. www.lafermedubuisson.com Elsa Songis
Musiques de R.U.
Alors Chante
LES 9 ET 10 MAI 2007 - PESSAC (33)
DU 15 AU 20 MAI 2007 - MONTAUBAN (82)
Òai Star
R.A.S.
Salerderien
Serge Beyer
Trente minutes pour convaincre. C’est le concept des Autres Prods de la Sacem, dont la deuxième édition s’est tenue cette année à l’Aéronef de Lille et au Bataclan, à Paris. L’occasion pour la société des auteurs de mettre en avant l’une des ses activités moins connue : le soutien à l’autoproduction. Les Doigts de l’Homme ont entamé la soirée parisienne, enchaînant les swings manouches avec une vivacité ébouriffante. Leur a succédé Marie Cher rier et ses chansons portées par des textes sensibles inspirés de Renaud et Brassens. Les Petites Bour ettes ont envoyé d’emblée leur rock festif : poubelle basse, accordéon, guitare électrique ou flamenca. Presque aussi délirant que Fantazio, contrebassiste aux doigts ravagés à force de frapper les cordes de son instrument. C l a r i k a est montée sur scène pour le final. Une jolie soirée découverte, même si on aurait aimé voir chaque groupe plus longtemps… www.lesautresprods.fr Aena Léo
Renan Luce
Lait Yaourt Brothers
Vibrion
Tremplin musical dédié aux étudiants, originellement développé en région par le service culturel du CROUS Bordeaux, Musiques de R.U. offrait sa première édition en national. L’initiative relayée par le CROUS, a vu y postuler des formations venues de 23 villes. Après une sélection sur écoute, six prétendants aux demies finales (pour seulement quatre places) rejoignaient le domaine universitaire de Pessac. La qualité n’attendant pas le nombre des années, les quatre finalistes ont livré des prestations de fort belles tenues : S a l e rderien (Montpellier) et sa chanson aux accents “breliens” ; Mar vin Hood (Lille) et sa pop rock anglo-saxonne tendance ; Ina Cesco (Nancy) et son électro-dub accompagné de projections ; R.A.S. (Lyon) et son hip hop rehaussé d’un DJ inspiré. En final, les Marseillais Òai Star saupoudraient l’assistance de bonne humeur, avec son rock guinguette taillé pour la guinche. www.crous-bordeaux.fr Bruno Aubin
A Montauban, le plus étonnant, c’est presque pas les artistes, mais le public ! Un nid de connaisseurs, amateurs de chanson. Des vrais ! Et cette année encore, ils ont été gâtés… Mick est tout seul a su établir une belle connexion simple, évidente et chaleureuse. Eif f e l a mis la gomme avec son rock sans concession, brut et énergique. Poncet a su transmettre avec grâce et générosité ses chansons à portée humanitaire. Imber t Imber t, roi des mots crus et beaux à la fois, a su mettre beaucoup d’humanité dans ses historiettes écrites au scalpel. La Suissesse Yoanna, gouaille sympathique et accordéon en main, a joué la carte de l’ironie, de la provoc’ et du second degré. M e l l a été rentrededans et écorchée vive à la fois. Jean-Louis Murat a choisi l’énergie rageuse d’une formation basique (guitare, basse, batterie). K a t e l, racée et rebelle a su être proche de la chanson, avec un esprit rock. Les Québécois de Karkwa ont défié toute la “québéquitude” déjà entendue, de leur énergie explosive. Vibrion a slammé métaphores et essais littéraires intelligemment et poétiquement. Et Mano Solo, Jeanne Cher h a l, le Suisse K, Ar no ont aussi triomphé… www.alorschante.com Serge Beyer
Primavera Sound
Musiques à Pile
DU 31 MAI AU 2 JUIN 2007 - BARCELONE, ESPAGNE
DU 1
Girls vs Boys
The Good, The Bad & The Queen
ER
Architecture in Helsinki
Des monstres sacrés en pleine forme : Patti Smith, The Melvins, T h e F a l l, The Buzzcocks, Girls vs Boys et la palme à Sonic Youth. Le meilleur des indés : Modest Mouse, Black Lips, P e l i c a n… La crème de la scène actuelle : Blonde Redhead, The Whites Stripes, Justice. Quelques atypiques : The Good The Bad & The Queen et son accueillant piano-bar, Jonathan Richman, taquin à souhait dans l’auditorium, ou les affolants multi-instrumentistes du collectif Architecture in Helsinki… Le Primavera Sound a fait plus que tenir ses promesses ! Dans de grandes robes blanches, les Smashing Pumkings se sont montrés terrifiants sur les anciens titres mais guère convaincants avec les nouveaux. Plus de 100 groupes ont joué sur six scènes. Le record de fréquentation a explosé : plus de 60 000 personnes en trois jours. La convivialité hispanique, l’air de la mer… l’un des plus beaux festivals de la saison, un pur moment de bonheur rock’n’roll ! www.primaverasound.com Johann Pasquier & Patrick Auffret
Serge Beyer
Patrick Auffret
Pierre Wetzel
Philippe Noisette
E
AU
3 JUIN 2007 - ST DENIS DE PILE (33)
F. Hadji-Lazaro & Les Voisins d’en Face
M. Martino
Près de la mythique St Emilion, Saint-Denis de Pile fête sur trois jours les 10 ans de son festival ! Une bonne humeur parcourt le public qui n’est pas là pour se prendre la tête ! Les Rageous Gratoons font voyager les esprits vers les pays de l’Est ; Per cubaba saute du rock-ska au reggae et au ragga avec une même dextérité ; Eif fel sort l’artillerie lourde ; Les Voisins d’en Face offrent un rock festif sous amphétamines plein d’énergie et d’humour décalé ; Edgar reprend quelques-uns de ses grands tubes de quand il était “de l’Est” ; Monsieur Martino effectue un retour euphorisant ; Babx, mi-guitares lourdes, mi-piano solo, emballe tout le monde avec son flow de fou digne des meilleurs rappeurs ou son chant maîtrisé ; le grand François Hadji-Lazaro délivre de vraies poésies romantiques et touchantes ; Kaolin offre un show très rock, lourd et efficace ; l’exubérant Hot Stuf f nous rappelle que le disco, en live, c’est tellement mieux. Quel anniversaire ! www.musiquesapile.fr Serge & Marco
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BRUITAGE
ALCAZ’
ARPAD FLYNN
“Live in Saarbrück”
ANGIL
“Never-ending déjà vu”
2KILOS &MORE
(Autoproduit)
“Ouliposaliva”
(Autoproduit)
“8floors lower”
Pour les plus âgés, imaginez Marie Laforêt en duo avec Jacques Higelin, vous aurez là, dans l’oreille, la sonorité des timbres qui vous attendent dans Alcaz’. Pour les plus jeunes, pensez au mariage d’une voix de velours (Viviane) et d’une plus rugueuse, éraillée (Jean-Yves Lieveaux / ex-Lieveaux-Transfo). “La Princesse d’argile” et le “Chat botté”, comme ils ont l’habitude de se surnommer eux-mêmes, offrent des ballades acoustiques et dépouillées saupoudrées d’une poésie sensuelle.Sorte de havre de paix dans un monde survolté, il est ici question d’échanges humains, d’amour à fleur de peau. Les deux reprises de l’album en disent long à ce sujet : C’est extra de Léo Ferré et Quand un soldat de Francis Lemarque (sur lequel Nilda Fernandez intervient). Guitares, violon, banjo, violoncelle, habillent sobrement, mais efficacement les mélodies qui pourraient tenir la route a capella (La vie va, Cher amour). C’est délicat et rocailleux à la fois, du papier de verre entouré dans de la soie… www.alcaz.net Serge Beyer
(Unique Records / La Baleine)
Après le temps du folk mélancolique, place à la prospective personnelle. Voici résumé le cheminement d’Angil, alias Mickaël Mottet, dont la fine écriture joue ici l’ouverture tous azimuts. Aidé en cela par son orchestre omniprésent, les bien audibles Hiddentracks, il pratique désormais plus les arrangements soigneux et les riches ambiances que les mélodies pop imparables. Question d’âge et d’ambition, sûrement. En tout cas, ce deuxième disque impressionne par son goût de l’aventure, déjà entrevu sur la collaboration avec le groupe trip hop B R OAD WAY pour le projet The John Venture. Sur Ouliposaliva, c’est le fantôme du Duke Ellington, grand producteur devant l’éternel, qui plane, rejoint par le psychédélisme onirique d’un Robert Wyatt. Bref, vous l’aurez compris, ils ‘agit bien là d’un grand disque internationaliste, dont l’inspiration et l’énergie intrinsèques n’ont pas fini de vous porter. www.angil.org
Avec un nom emprunté au fils du top model d’Elle Mac Pherson, le quintet new wave de St Etienne s’offrait déjà une affiliation marquée avec les 80’s. L’opus est ici dominé par l’ombre de Depeche Mode, Talking Heads, Joy Division ou encore The Cure. L’ensemble rend évidement hommage à une époque : lunettes de soleil, pantalon moulant et guitare fracturée au sol. Mais l’album sait également ne pas se restreindre au pastiche. Les rythmes sourds sont martelés avec insistance, bataillant ferme avec une guitare des plus métalliques. Le synthétiseur taillade les arpèges comme seul un jeu vidéo de l’époque pouvait le faire, tandis la voix oscille entre note perchée et résonance caverneuse. L’unité est respectée grâce aux ambiances saturées de cordes grinçantes ou d’orgue en guise d’écho. Enfin, les envolées sont maîtrisées avec justesse au moyen d’un son massif. Une excellente découverte pour les nostalgique du genre. www.arpadflynn.com
Vincent Michaud
Samuel Degasne
(Jeans Records)
Attention voici bien un poids lourd de l’électronique semée d’acoustique. 2kilos &More déplace une solide machinerie néanmoins emprunte de finesse. Des sons tranchants, mais oniriques la guide dans son entreprise d’humanisation du monde industriel. Chacun apporte sa juste note, subtilement rassemblés par Fred Norscq l’éminence défricheuse de The Grief ou Von Magnet. L’auditeur se laisse guider dans cette déambulation synthétique, sans préjuger des détours à venir. Des phases très mélodiques viennent même pigmenter l’affaire, à tel point que (I hear) A wolf in your belly se rapproche des Boards of Canada par exemple. Logique qu’après un projet très dark baptisé 1 Kilo of Black Bondage, 2Kilos &More renforce la donne. L’avenir devrait conforter la marche vers la lumière de ce duo et dissiper les derniers relents de claustrophobie. www.2kilosandmore.com Vincent Michaud
AXE RIVERBOY
SAMIR BARRIS
BAZBAZ
LES BELLES MUSETTES
“Tutu to tango”
“Quel effet ?”
“Le bonheur fantôme”
“Madame”
(Atmosphériques)
(Stakhanova / Bang !)
(Sony BMG)
(Warm Up / Mosaic)
Depuis 1999, les Rouennais de Tahiti 80 battent le rythme de la pop anglo-saxonne ; une passion déjà déclinée sur trois albums. A l’heure de la récréation, Xavier Boyer, guitariste et voix du combo, écrit toujours des chansons et choisit de les signer de son nom, mais sous forme anagrammatique. Cet artifice ne brouille pas les pistes bien longtemps, sa patte est inscrite dans le flot de ses mélodies. Arrosé par sa guitare acoustique, sa pop croît bien sous le soleil et se faufile entre les Beach Boys et Big Star. Des histoires d’amours et des fantasmes d’adolescence en sont donc les principaux acteurs. Il leur faut forcément un décor coloré et des rythmes qui tanguent pour coller à la sensualité. Les chansons suivent un chemin sans piège, où l’acoustique d’une guitare est aussi heureuse que l’électricité qui s’engouffre plus loin. Xavier joue sur les versants intimistes et dansants de la pop qu’il affectionne. www.axeriverboy.com
Voici le genre de disque avec lequel on a tout de suite envie de faire copain-copain. Ca tient à peu de choses : une voix blanche à la Boggaerts et chaude à la Daho, des textes qui épinglent les états d’âme, mais pas trop, des mélodies tantôt pop-folk qui filent à l’anglaise, tantôt tristounes, jazzeuses germanopratines. Cette variation des plaisirs, cet élégant équilibre, Samir Barris le réussit comme il faut ! Et si l’on ressent urgence et audace derrière ces douze morceaux et que l’on croit tenir là une sorte de “Bénabar indé”, c’est qu’avant de se lancer en tant qu’auteur-compositeur-interprète, ce jeune Belge (Kabyle par son père et Flamand par sa mère) a été batteur et guitariste chez Melon Galia et Bright Eyes. Très accroche-cœur, Le fossé, et plus encore L’invitation, témoignent de ce passé. Cerise sur le gâteau : sa reprise de Je voudrais pas crever de Boris Vian est un petit délice d’hédonisme fredonné à craquer. www.samirbarris.com
Ancien membre du Cri de la Mouche, ce Parisien s’est également illustré en prêtant ses chansons aux films de Pierre Salvadori, Jacques Audiard ou Diane Kuris. La raison ? Une chanson française précieuse sur fond de références luxueuses et non dissimulées aux années 70. De nouveau seul et affranchi de ses expériences avec Winston McAnuff et Sandrine Kiberlain, Camille Bazbaz continue donc son bout de chemin, dopé par son précédent CD Sur le bout de la langue (disque d’or en 2004). La mélodie est fine, sensuelle et dans la retenue, mettant en avant cette voix aux accents nasillards et romantiques. L’album, enregistré à Kingston, Jamaïca, conserve cet esprit particulier du savoir à l’ancienne et cette ambiance décontractée. Guitare wah-wah, basse légère, orgue épuré, percussions roots… Tout y est. Et cerise sur le gâteau : l’animal sera aux Eurockéennes et aux Vieilles Charrues cet été pour une création originale… www.bazbaz.fr
Ce quatuor féminin pourrait être plutôt banal s’il n’était pas relevé de délicieux instants acoustiques : violoncelle mélancolique, piano tango ou flûte traversière lumineuse. Un accordéon apporte une coloration traditionnelle à ce premier album sans le faire totalement basculer du côté de la musette : on apprécie. Ces musiciennes venues du LanguedocRoussillon piochent tout en nuances dans le jazzy, le folk, le latino ou les rythmes de l’Est pour sortir de leur besace des textes rieurs ou acides. Entre enthousiasme et gravité, leurs rimes enfantines et ironiques sont nourries d’un romantisme pétillant jamais fleur bleue. Toutes chantent et jouent dans d’autres groupes, mais c’est ensemble qu’elles semblent le plus à l’aise. Sur ces onze titres, elles parlent d’amour bien sûr, des amants qui passent ou horripilent et des regrets amers. Du 100% filles plein d’énergie gouailleuse et de clowneries sensibles. www.myspace.com/bellesmusettes
Béatrice Corceiro
Sylvain Fesson
Samuel Degasne
Aena Léo
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BRUITAGE BELONE QUAR TET
BLACK STROBE
BŒUF
LE CHAMEAU
“Les prémices de la béatitude…”
“Bur n your own chur ch”
“Au-dedans”
“A poils”
(Kythibong)
(Play Louder / Naïve)
(Productions Spéciales)
(Drôle d’idée)
Faux quartet, mais association de deux Nantais, l’un entendu autrefois chez Margo, l’autre traînant depuis quelques temps son ombre de cow-boy avec son projet folk The Healthy Boy. Derrière un titre étrange, voilà un disque en forme de virée nocturne et psychédélique. The same, superbe berceuse empoisonnée donne le ton d’entrée. Des thèmes hypnotiques tournent en boucle, des sonorités spatiales prennent leur envol, la distortion traverse l’espace avec élégance. Effets de guitares et claviers nourrissent des morceaux qui décollent tout en baignant dans une noirceur quelque peu ironique, branlante… Quand l’électronique met son grain de sel, les rythmiques restent inlassablement captivantes. Les voix se transforment d’états de transe, en quiétude, en nervosité. La dernière plage instrumentale, faite d’arpèges de guitare et de plaintes mystérieuses, s’éteint trop vite. Swords & roses, album réalisé en 2005, est disponible librement sur le site du duo. www.belonequartet.org
Premier long format du duo phare de l’électro underground, Burn your own church va prendre son monde à contre-pied. Si la touche dark caractéristique reste omniprésente, guitares et musiciens apportent une couleur rock inédite à la signature habituelle du binôme. Goûtant visiblement peu le virage artistique amorcé, Ivan Smagghe, moitié du projet, est parti depuis se consacrer à sa seule activité de DJ… Seul aux commandes de ce “duo en solo”, néologisme de circonstances, Arnaud Rebotini (Zend Avesta) laisse libre court à ses obsessions, au chapitre desquelles on peut signaler le death metal, les drones, voire le blues. Emaillé de francs succès, affranchi du tout dancefloor, varié, même si pas exempt de faiblesses, Burn your own church fait corps avec son titre manifeste. Foin de chapelles, Black Strobe livre un opus électro-new-wave-metal à l’éclectisme volontaire. Une prise de risque salutaire en ces temps de frilosité. www.myspace.com/blackstrobe
Venu du pays de la Chalosse, le Landais Fabien Bœuf sort de son cahier une grosse douzaine de chansons gaies chantées avec beaucoup de plaisir d’une voix mélodieuse. Bœuf, chanteur solitaire, s’est entouré de plein de copains pour concocter ce premier album solo. On y trouve des musiciens de Kaligare, des Touffes Krétiennes, de POC ou des Couzins. Et de fait, on ressent dans ces morceaux les fruits de bons délires entre potes. Tout est en place, fluide et harmonieux. Ca sent les côtelettes et les chipos qui grillent dans le jardin, les clopes, les bons mots et les moments où l’on raconte ses histoires persos. Le mix musique joyeuse/paroles mélancolique est remarquablement efficace, avec une mention spéciale à la trompette qui donne envie de bouger la tête et le reste. Ce Bœuf vaut des dizaines de grenouilles et mérite sans conteste, d’être reconnu au même niveau que Cali, Rodolphe Testut ou Florent Marchet. www.boeuf.free.fr
Béatrice Corceiro
François Boncompain
Eric Nahon
L’ancêtre Brassens a dû influencer ce Chameau (consciemment ou pas), tout autant que les mythiques VRP, qui décidemment ont fait beaucoup d’enfants ! Guitare minimaliste, basse et balalaïka, voix en avant, plein feu sur les textes poético-humoristes (“Une couverture à la fenêtre / Aimait un vieux vélo”… “Barbé d’être déçu, un vieux chat gris n’en pouvait plus / C ‘est chez l’armateur qu’il se rendit de bonne heure / De la corde, du bois, un bateau en atelier / Voilà le chat-luthier“), voire sarcastiques (“Tant que la connerie sera chez nous toujours bien établie / Autant la distiller et en tirer profit”). Bastien, Choum et Hadrien roulent leur bosse (!) depuis quatre ans, proposant leur univers farfelu à la Prévert sur une foultitude de scènes ; ils partent cette année en Pologne et en République Tchèque distiller leur sensibilité entre gravité et légèreté. Cet album, successeur à l’autoprod Parce que… pourquoi, vite épuisé, devrait pouvoir leur ouvrir encore plus grandes les portes des salles de concerts… www.le-chameau.fr Serge Beyer
DES FOURMIS DANS LES MAINS “Route 595”
DINNER AT THE THOMPSON’S DON NINO
FEDAYI PACHA
“Lifetime on planet earth”
“Mentors menteurs !”
“The 99 names of dub”
(Quai 4 / Label Folie)
(Earth at Work / 2Good)
(Prohibited Records / Differ-Ant)
(Hammerbass / Nocturne)
L’évocation est inévitable, sûrement injuste, réductrice, facile ou écrasante, mais dans un sens, tout le monde ne la mérite pas, alors à quoi bon hésiter ! Le duo Des Fourmis dans les Mains en appelle un autre : Loïc Lantoine et François Pierron. Chez Les Fourmis, Arnaud Guibert donne dans la voix, Laurent Fellot dans l’instrumentation (mais aussi dans le chant, les textes, le graphisme, la prod, la promo…). Tels des partenaires de jeu, de rythmes et de maux, ils disputent en huit manches une partie de ping-pong : les mots contre (tout contre même) les notes. Chanson, jazz, slam, scat, poésie s’y frottent et s’y percutent, ricochent et rebondissent. Verbe et musicalité sont d’une égale précision, tour à tour âpres et caressants. Pour sûr, cette Route 595 n’est en rien dallée de briques jaunes, mais guidé par ce duo d’illusionnistes réalistes, en l’empruntant, le quotidien s’enjolive. www.labelfolie.com
Ce duo offre un premier opus agréable, loin des facilités du genre. La première accroche vient de la voix de Lucille, claire et mutine : mélange de voix enfantine et d’accents jazzy telle une Billie Holiday blanche. Cependant, c’est grâce à une instrumentalisation inventive et variée que l’alchimie se crée, car si l’album s’ouvre sur des breakbeats trip-hop rappelant Portishead, il se poursuit ensuite avec des titres aux arrangements fouillés. On passe aisément du jazzy blues à une soul funky en passant par des grooves afro-beat. Les influences sont diverses : sur Soaking blue, l’ambiance acoustique rappelle les clubs de jazz américains des années 30, alors que Corner store dinner est un intermède délicieux scandé par des clappings. Lucille module sa voix pour nous pousser sur les dancefloors. Un CD parfait pour qui souhaite s’imaginer les routes du sud des Etats-Unis, entre clubs et motels… www.collectif-gazolina.com/datt
Bruno Aubin
Isabelle Leclercq
Ces petits riens font tout. Cette chanson perfide de Serge Gainsbourg (1964) ouvre opportunément l’album de reprises de Don Nino. Cet hommage pour “des morceaux qui m’ont marqué entre 7 et 17 ans” s’approprie en effet le matériau sans complexe et avec autorité. Le Don envoie paître les propriétaires des lieux : Mentors menteurs ! évite le piège de l’hommage inutile ou bouffi. Certains emprunts pop/folk s’avèrent évidents chez le bonhomme, tel le magnifique Dominoes de Syd Barrett ou les Beatles de A day in the life. Plus surprenant, le Kiss du Prince “blanchit” et s’avère moins hot que l’original, disons qu’il vient après la séduction et s’étale langoureusement… Porque te vas, que tout le monde reconnaîtra, prend du poids et évoque le traitement des Lemonheads pour le Luka de Suzanne Vega. Like a virgin a perdu sa virginité et s’en voit tout tristounet. Enfin un blind test pas bête à savourer sans ébriété. www.myspace.com/donnino
2007 : année de l’Arménie. Fedayi Pacha ne pouvait y rester insensible. Membre du collectif Bangarang, l’homme s’exprime par le dub, qu’il soit sur ce second opus, ambiant, steppa ou secoué de drum’n’bass. Plus largement, Fedayi Pacha profite de cet hommage pour dépasser les frontières, toutes les frontières, qu’elles soient géographiques ou matérielles. Machines, programmations, voix et instruments traditionnels se mêlent de concert pour évoquer l’étendue des musiques orientales, qu’elles retentissent en Inde ou dans les pays Balkans. Séparés d’interludes, il se dégage de ces titres, dont la durée épouse le format pop (parfait pour les radios et les soirées !), une cohérence et une énergie prégnante. Si dans le fond, on compte nombre d’antécédents (de Jah Wobble à DuOud, en passant par le catalogue du label On U Sound), The 99 names of dub recèle une fraîcheur et un savoir-faire qui n’appartiennent qu’à son auteur. www.hammerbass.fr
Vincent Michaud
Bruno Aubin
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CHUPA CHUVA
BRUITAGE
“Sauvage”
ODILE CLOSSET & MANU M A R K O U “Démantibulés”
(Ici Label)
(Autoproduit)
Les sept musiciens picards se sont rencontrés en 2003 à l’Université Technologique de Compiègne où ils poursuivaient leurs études d’ingénieur. Après un premier album de sept titres qui tenait plus de la maquette, ils sortent Sauvage, aux dix chansons swing et cuivrées, riches en bons mots. Les structures culturelles sont dynamiques en Picardie : Ici Label a réalisé l’album avec un grand professionnalisme et se charge actuellement de sa distribution ; Crémerie Prod, qui fabrique les supports de communication du groupe, est à l’origine de cette magnifique pochette au fauteuil rouge qui se transforme en inquiétant animal ; Ici Live assure la promotion et la diffusion du projet. Le son est velouté, les compositions avenantes et dansantes, les textes très “écrits”. On est séduit par la virtuosité verbale de Sauvage et par le groove de Pour profiter. On aime la guitare manouche sur Saoul et Les petites notes. chupachuva.free.fr
Sur le titre d'ouverture, Odile, voix à la Charlotte Gainsbourg, chuchote : "Je veux me vider de toi et je continue les deux doigts dans la bouche", ça vous plante un décor, non ? Juste après, c'est du Baudelaire que récite Manu avant d'enchaîner sur un Bateau ivre électro digne des Paradis perdus de Christophe et sur un Miroir gainsbourrien… D'ailleurs, une reprise de La nostalgie camarade est présente sur cet opus. Plus loin, le symphonique et dansant It's wonderful ("Entre deux apnées volontaires / Je prends quelques bouffées d'éther / Passés les effets délétères / Survient la descente aux enfers") évoque les Sparks. Les voix séparées ou entrelacées, le duo poétise entre des talk over entrecoupant ce concept-album pour le moins original. "Y'en a qui se rebiffent / Nous on avale nos comprimés / Y'en a qui se rebiffent / On ravale ce qu'on a gerbé"… ainsi la boucle est bouclée ! On ne peut qu'adorer… ou détester. www.demantibules.com
Elsa Songis
Serge Beyer
FRUITKEY
MARC GAUVIN
“Chevaline”
“Nadja”
(T-Rec / Anticraft)
(Fairplay)
On est d’abord vaguement irrité. De quel droit ce sextet bizarre mélange country et électro, folk et rock garage, et laisse tous ses musiciens chanter, même ceux qu’on préférerait ne pas entendre ? Gonflé. Et puis zut, on se laisse contaminer par sa foldinguerie pour se dire que Jason Glasser, l’Américain exilé en France depuis quatre ans et fondateur du projet, sait vraiment s’amuser. Egalement plasticien, le bonhomme s’y connaît en bricolage. Sur ce deuxième album, son groupe explore ses idées dans tous les sens. Un air de folk lumineux est épicé de bip bip électro rose bonbon, des guitares électriques refont le portrait d’une mélodie country, les chœurs donnent des allures de communauté babacool… Il y a aussi des orgues, des cordes aux accents vaguement orientaux ou latino, on n’est pas sûr, des chansons un peu d’amour, surtout new-yorkaises. On se croirait presque sur une BO de Kill Bill, pour le déjanté. www.fruitkey.com
Les onze titres de cet album offrent des mélodies agréables et simples sur lesquelles la voix douce de Marc se pose en douceur sans susurrer ni forcer. Ses textes font sourire car il a le bon goût d’y mettre juste la dose d’ironie nécessaire pour rendre ses chansons attachantes. Les nombreux instruments qui habillent l’opus comme la guitare, le saxo, et le mélodica, permettent à l’auditeur de prêter autant d’attention aux arrangements qu’aux paroles. Marc a des accents un peu surannés comme sa pochette d’album un brin kitch et rétro, non sans rappeler l’imagerie des candybox des années 50. Sur Le chanteur qui s’taille, la mélodie accroche direct et l’air décalé du chanteur rend ce titre irrésistible ! Quant à Dors bien darling, aux sonorités plus dures et plus froides, on y retrouve des accents gainsbouriens. Nadja est un album qui ronronne facilement dans la chaîne du salon. www.myspace.com/marcgauvin
Aena Léo
Isabelle Leclercq
55
BRUITAGE GENERAL ALCAZAR
LES GROSSES PAPILLES
HEY HEY MY MY
“Les singulières”
“Dans la langue”
“Hey Hey My My”
HOT FLOWERS
(Le Chant du Monde / Harmonia M.)
(Postillons & Crachouillis / Pr. Spéc.)
(Sober & Gentle / Discograph)
“Naked in the garden”
Patrick Chénière, franc tireur de la chanson métissée, poursuit inlassablement sa quête musicale, si personnelle, avec un septième album on ne peut plus abouti. Le style si particulier qui est développé depuis une bonne vingtaine d’années par cet orfèvre, complice musical de Pascal Comelade, est avec Les singulières élevé au rang d’art. La manière heurtée dont il place ses mots sur des musiques subtiles, empreintes de sonorités enjouées, fait ici des merveilles. On se laisse happé par sa poésie décalée, son alchimie musicale vertueuse qui satisfait nos désirs d’exotisme, son phrasé si marginal qui séduit même s’il peut déconcerter l’auditeur non averti. Général Alcazar a gagné ses galons sur la durée, sans concession à la facilité, animé d’une véritable vision artistique. Ce nouvel opus, peut-être le plus accessible, possède des atours enclins à élargir son audience. Ce ne serait que justice, et une très bonne nouvelle pour la chanson hexagonale. www.lechantdumonde.com
Le quatrième album autoproduit du quatuor toulonnais, prolixe et fort en gueule, est distribué nationalement : qu’on se le dise ! Pour ceux qui ne le sauraient pas, les papilles gustatives sont situées sur la langue et permettent la reconnaissance des saveurs (sucré, salé, amer, acide). Avec Les Grosses Papilles, ça se passe carrément Dans la langue : l’album contient quatorze chansons généreuses, truffées de bons mots. Chez ces quatre-là, on sent l’amour de la poésie et du travail (d’écriture) bien fait. Les textes, à l’humour vif, jouent sur les rythmes et les sonorités, collant parfaitement à des compositions musicales lumineuses, dynamiques, colorées. La contrebasse, l’accordéon, la guitare et la batterie sont agrémentés de sympathiques bidouillages électroniques. On pense à Java (Je sexy), aux Têtes Raides (La soupe aux opinions), aux VRP (Attack panik). Mon Côté Punk les accompagne sur Les mots. www.lesgrossespapilles.com
Les cœurs de deux Julien s’emballent pour des mélodies au parfum de soul et de folk. Premier atout : le charme nonchalant de leurs chansons, et pour nous mettre en verve, ils nous invitent d’abord à boire un verre. On accepte alors forcément de les suivre dans leurs aventures de cow-boys sur les traces du cheval fou. Un passage par l’Ecosse avec Belle & Julian, la mélodie alerte et le petit solo de guitare électrique élégant. Retour dans le désert pour traîner son désespoir (Poison) ou jouer la country pop ensoleillée et éraillée de Want it more. On surprend leur mélange de vacherie et de tendresse sur Your eyes when we kiss. La valse de Morricone autour d’une porte laisse planer le suspens. Les vapeurs froides émanant d’In the lake envoûtent autant que la chaleur moite de Too much space. Sur ce premier album, quatorze petites perles rebondissent allègrement, pour amoureux de pop & folk. myspace.com/heyheymymyband
(La Baleine)
Alain Birmann
Elsa Songis
Béatrice Corceiro
Isabelle Bernaleau
Plus de son, plus de bruits, plus de mélange, plus de diversité, plus de monde, plus déjanté, ce deuxième album est “plus” que le premier, voilà tout ! Plus proche des live aussi : un enchaînement non-stop d’énergie, de fureur, de déflagrations soniques, à savoir qui de la voix, de la guitare ou de la batterie dégainera le plus fort et le plus vite ? Difficile à dire… A la pointe du rock, du garage, du blues explosion, les compos agrémentées de bidouilles électriques, d’orgue, de chœurs, déstructurent les sons, les recomposent ; les rythmes sont comme accélérés. On saute, on se déhanche frénétiquement sur ce power électrique, full of high voltage ! Waouh ! On ressort un peu fracassé à l’écoute de ce disque, tourneboulé, la tête déposée à l’envers par un final noisy-grunge ; on titube d’avoir perdu la tête avec eux… Un joli but dans la vie, non ? www.hotflowers.online.fr
LEWITT
LEZARD MARTIEN
OLIVIER LIBAUX
MADEMOISELLE SANE
“Lewitt”
“Loin du milieu”
“Imbécile”
“La petite boîte en fer”
(Autoproduit)
(WTPL / Pias)
(Discograph)
(Underdog Records / Rue Stendhal)
Ami depuis la fac, le duo parisien livre ici un premier essai surprenant. La production est avant tout lo-fi et binaire, laissant entendre quelques bricolages sonores ou craqûres involontaires. L’auditeur semble véritablement au cœur des compositions. On imagine sans peine les protagonistes répétant sous les combles ou s’enregistrant sur cassette, avant de reprendre le chemin de l’amphithéâtre. Les voix, timides, sont presque étouffées, s’autorisant de rares fausses notes qui ne dénaturent pas l’ensemble pour autant. Et si les paroles peuvent en premier lieu paraître innocentes, elles participent au décalage et à la singularité de l’œuvre. Avec boîte à rythmes, guitare et synthé, le groupe installe son univers préfabriqué dans une ambiance au goût de bonbon industriel acidulé. Impossible de dater les chansons, coincées dans un espace temps entre expérimentations, esprit kitch et naïveté. Idéal pour un concert en appartement. www.lewitt.tk
Sax and roll, ce combo de Valenciennes fait dans le festif intelligent. Après leur DVD Ze cosmic tour, le septet, dont trois cuivres, est de retour avec quatorze titres qui swinguent (“Les gens faits l’un pour l’autre / Selon toutes probabilités / Ne se rencontrent jamais”… “Kan C Kon remue la tête ? / Kan C Kon se nettoie les idées ?”), mais pas uniquement (“Les petits hommes craquent / C’est des petites machines et des cœurs / Qui se détraquent à l’intérieur”), car ces nostalgiques des “années Colargol” parlent de leurs “fraîches colères” avec des mots simples, où chacun peut se retrouver. Et même si le CD se termine sur une reprise vitaminée de La petite Tonquinoise, On nous dira de sourire est peut-être le titre qui résume le mieux l’album : tempo middle, cuivres rutilants, voix écorchée et texte fort : “Mais parlons d’autre chose, un peu de nos blessures / Un peu de l’air du temps, ou bien ne parlons pas / Sourions à la caméra / Oh oui, contentons-nous de ça”. www.lezardmartien.com Serge Beyer
A l’initiative de plusieurs projets depuis une bonne vingtaine d’années, dont les Objets avec Ignatus et Nouvelle Vague avec Marc Collin, Olivier Libaux est l’auteur en 2003 d’un premier album solo ambitieux, L’héroïne au bain, conte musical fantastique qui, encensé par la critique, n’a pas connu le succès mérité. Avec Imbécile, spectacle musical dont on découvre en primeur la bande son, il confirme son goût pour les chemins de traverse. Délaissant pour l’occasion les sonorités anglo-saxonnes qu’il affectionne, il opte pour une instrumentation dépouillée, acoustique, proche d’une certaine chanson française traditionnelle. Katerine, Helena Noguerra, Barbara Carlotti et JP Nataf endossent les rôles des personnages avec aisance, et donnent corps à ces personnages, quatre amis évoquant, lors d’un dîner un rien déjanté, leurs blessures intimes et leurs espoirs. Longue en bouche, cette proposition a de l’allure et du contenu. On attend le spectacle…
Après un premier album éponyme en 2003, cette “chanteuse de textes” au caractère bien trempé présente sa “petite boîte en fer” aux onze titres grinçants, grimaçants, parfois provocants, comme Le tango des cocus ou Dans ton cul. Autoproduit à l’origine, ce CD de “nouvelles chansons françaises”, coréalisé avec Yvan Malherbe, bénéficie à présent d’une distribution nationale. L’orchestration fait appel à de nombreux instruments acoustiques (cuivres, cordes, percussions) et explore des genres musicaux traditionnels (musette, cabaret, valse, tango…) sur lesquels viennent se greffer des textes actuels au langage cru et direct (Folle dingue, Marie-Rose, L’alcool). On y trouve aussi des morceaux lents et mélancoliques, à la guitare électrique (La petite boîte en fer) ou au piano (Octobre). Mademoiselle Sane trace pas à pas son chemin, se produit sur les scènes parisiennes ou plus loin, comme récemment à Hong Kong. www.mllesane.com
Alain Birmann
Elsa Songis
Samuel Degasne
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BRUITAGE INTERLOPE
LENA
“Petits arrangements entre amis”
“The uncer tain trail”
(Expressillon)
(Sounds Around / Pias)
Le bon, le break et les truands. Cela faisait trois ans que nous n’avions pas revu les deux trublions de la scène drum’n’bass française accoucher d’une nouvelle production. Rimshot et Dragongaz ont marqué la fin des années 90 par leurs lives énergiques lors de nombreuses rave parties, et le début des années 2000 par trois albums (Talk to the beat - 2002, Chip jockey 5 - 2003, Electrified - 2004). Sur ce quatrième opus, les petits arrangements contenteront les amateurs des musiques électro ; entre un big beat assez proche de Prodigy et une drum’n’bass radicale, ce disque prend des chemins de traverses, plus légers. Deux morceaux retiendront leur attention : Guestlist, le plus clubbing, et Break it down like this, beaucoup plus hip hop électro. Deux pistes avec la participation du MC SK (Meyer Rotchild). www.myspace.com/interlope
Mathias Delplanque, le créateur du projet, a rassemblé sur son troisième album des compositions inédites produites entre 2004 et 2006. Il nous entraîne sur une piste inconnue et donc follement intrigante. “The uncertain trail est une nouvelle errance, notablement plus urbaine que les précédentes. Elle se déroule le long des voies express, du côté des périphériques, des gares, des zones de transit.” Ambiances crépusculaires… Le titre Periphery est noir ; Black Sifichi y pose sa voix très profonde. A troll’s trail surprend par des sonorités liquides et son dub chaloupé. Bonne vibration également sur Saint-Urbain… Notons la participation de Ghislain Poirier (A 5th step) et de Hopen (Déjà vu). Un très bel album de dub atmosphérique dont le label Sounds Around peut être fier. Dubwiiiiiiiise ! www.soundsaround.net
Fred Huiban
Fred Huiban
LA MINE DE RIEN
MORRO
“Idées vagues”
“Des scènes”
(Médiatone)
(Errances / Musicast)
Deux ans après la sortie de Y’a plus de saison, le sextet lyonnais continue sa percée. Si les chevauchées tziganes et festives constituent toujours la base de leurs compositions, elles se sont également enrichies avec le temps. Big band en ouverture, accordéon populaire, ambiance feutrée jazzy ou swing… La Mine de Rien prouve qu’elle possède plus d’une corde à son manche. Le ton virevolte au gré des terrasses de café d’un été en devenir, autant qu’il fait la part belle à la douce mélancolie amère. Les paroles ne narrent plus la vie du chanteur (Yannick), mais prennent davantage de recul pour s’atteler directement à un personnage imaginaire. Exit la Roumanie, Ste Foy les Lyon et le caractère initiatique des voyages. Place désormais à la sédentarité et à la maturité à travers un véritable bestiaire : le mythomane, le fils et la fille du vent, ou encore l’ami Brillant. Autant de héros dans ce touchant cirque de la vie. www.laminederien.com
Après cinq années à tourner dans les bars avec son groupe de rock café, Morro explore une veine plus chanson et intimiste avec ce premier album solo. Une chanson métissée de rythmes bluesy et soul : il confie s’inspirer de Keziah Jones pour l’accompagnement. Il y a du Tété dans sa voix chaude et les mélodies boisées qu’il dresse derrière une guitare chaloupée, accompagné d’une batterie et d’une contrebasse. Mais c’est surtout ses textes qu’on prend le plus de plaisir à décortiquer. Peintre par ailleurs, il joue avec les mots comme il pose les couleurs sur ses toiles. Il les sculpte et peaufine jusqu’à décrocher la nuance parfaite. Les idées trop lentes du matin, le parfum d’Elise dans les draps, le gamin trop timide… Les morceaux de vie qu’il croque ont une saveur particulière, les mots claquent sur la contrebasse comme s’ils les avaient conçus pour la séduire. Un disque à savourer comme un bonbon au miel. www.myspace.com/morromusic
Samuel Degasne
Aena Léo
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BRUITAGE
NOT FOR CAPTURE “People”
OUEZOE
MY CONCUBINE
(La Mante / Nocturne)
“S’il ne se passe rien”
(Naïve)
“Les belles manières” (Happy Home / Nocturne)
Ca commence comme une chanson tombée du ciel, échappée de l’univers d’Higelin (Classe tout risque, single efficace). Derrières ces trompeuses apparences se cache un groupe pop dandy, gentiment décalé, aux paroles décapantes. On savoure les insultes chantées sur un morceau à propos du syndrome de Gilles de la Tourette. On se marre quand le groupe parle des méfaits du botox sur des swings typiquement pop. My Concubine alterne ainsi régulièrement entre pop mélancolique superbement ouvragée et gentille déconne à la Lady Palavas ou La Position du Tireur Couché. Le point de vue est cependant toujours décalé et singulier. Mais à trop hésiter, on ne sait plus sur quel pied danser. En même temps, tant que les chansons sont bonnes (et elles le sont), pourquoi mettre la musique dans des cases ? Qu’importe de flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! www.myconcubine.fr
L’expression ne veut plus dire grand-chose, mais on ne peut pas résister : ce collectif est un ovni sur la scène pop-rock. D’abord parce qu’on a du mal à savoir combien de musiciens / écrivains / artistes y participent : une bonne dizaine, venus de France, Italie, Suisse… Ensuite, parce que chaque titre explore une ambiance différente, dominés par deux lignes directrices. Une ligne masculine et frenchy d’abord, avec la voix un poil maniérée de Bidge. On pense à un Miossec dopé à la brit pop. Un fil féminin et anglo-saxon ensuite, avec la chanteuse écossaise Jenny Lewis, qui colore de soul et de glam les morceaux. Leur deux voix flirtent doucement sur certains titres. Pour le reste : basse, batterie, guitares et claviers électro donnent un son entre rock british énergique, balades sensorielles et pop électro. On croise même un contre-ténor italien venu apporter une touche de baroque à ce bazar made in Europe. www.myspace.com/notforcapture
(OEZ / Funny Tools)
Le Libanais Mouzanar est un compositeur de tout premier plan ; remarquable cet art de la production au service de mélodies envoûtantes, remarquable ce talent d’écriture qui cisèle les mots pour donner à ses textes des atours poétiques, remarquable enfin, ce chant qui, quoique limité, sait se rendre attachant par sa sensualité feutrée. Rarement, depuis Biolay, il nous a été donné de fréquenter un tel luxe, une telle volupté. Mouzanar vénère la chanson française et lui rend avec ses Champs arides un hommage des plus pertinents. Paris est le lieu de tous ses fantasmes, il lui consacre trois de ses plus jolis titres. Barbara Carlotti , invitée de marque, pose son timbre si particulier sur Alcools, ensorcelante et délicate chanson, véritable poésie amoureuse. Ian Caple, très courtisé par la chanson française ces temps-ci, a contribué à la réalisation et au mixage de l’album. www.myspace.com/mouzanar
Premier album réussi. Alors oui, ça sonne beaucoup comme du Noir Désir, mais ce n’est pas une pâle copie du groupe bordelais. Leur rock est brut, les riffs de guitare bien efficaces et les paroles empreintes de poésie ce qui amène ce groupe au niveau supérieur des sempiternels combos rock qui fleurissent en ce moment. Les arrangements sont soignés et la voix jamais énervante passant sans mal du rock énergique à la balade plus pop. Il est assez facile de laisser tourner le CD jusqu’à la fin sans se lasser. S’il ne se passe rien est un single en puissance réunissant tous les ingrédients d’une bonne chanson rock, mais des titres moins attendus tel que Chanson sans raison, à la mélodie aérienne subtilement mise en relief par le violoncelle, égrènent sur cet album autoproduit de beaux moments musicaux. Seul bémol : une personnalité à affirmer un peu plus… www.ouezoe.com
Alain Birmann
Eric Nahon
Aena Léo
Isabelle Leclercq
MOUZANAR “Les champs arides”
RISKE ZERO
SASHIRD LAO
SAYAG JAZZ MACHINE
SH 747
“Riske zéro”
“Watsois”
“No me digas”
“Brand new times”
(Autoproduit)
(E-motive / Nocturne)
(UWe / Discograph)
(Slackness / 2 Good)
On n’a pas tous les jours l’occasion d’écouter un groupe de rock basé à la Réunion ! Le quatuor, formé en 2004, a enregistré et mixé son premier album avec Claude Emsallem, éminent spécialiste du son, installé sur l’île depuis vingt ans. Les guitares de Xavier (également au chant) et d’Alexis Napoléon dégagent une énergie dense, lourde et puissante. Les riffs, tendus, rageurs, jouent avec nos nerfs, relayés par la basse d’Olivier et la batterie de Luc, à la précision métronomique. Les textes, chantés principalement en français, mais aussi en anglais et en espagnol, s’inscrivent dans la grande tradition du rock et vont à l’essentiel. Même si les influences (Noir Désir) sont (trop) clairement exprimées, on apprécie la force vive de titres comme Malentendus ou Que faistu de tes nuits ?. Et si, pour découvrir Riske Zéro, les DOM, c’est loin, on pourra, au mois d’août, voir le groupe en tournée dans le Languedoc-Roussillon. www.riskezero.com
Dans ce bar enfumé de ces années 50, sous une lumière tamisée, on croise un gigolo à cicatrice, quelques habitués en goguette, whisky en main, un couple d’amoureux, une bande de jeunes étudiants… La barmaid blonde et bouclée sourit mécaniquement aux histoires pas drôles d’un client passablement éméché. Le patron, cigare en bouche, planqué sous son feutre noir, ne quitte pas des yeux la belle brune du trio jazzy qui swingue sous l’unique projecteur cheap de la salle. Il tape du pied en se disant qu’il a bien fait d’engager ce groupe, que les clients de ce soir ont de la chance et qu’ils ne le savent pas… Les onomatopées scat du saxophoniste l’emballent. Sourire en coin, il essaie de le suivre sur l’envolée free de Tout en dodelinant où la chanteuse miaule et feule en harmonie. Il est hypnotisé par l’arabisant Kalam, et se dit que ces Sashird Lao (trois voix, deux sax, un trombone, percus), sont vraiment trop en avance sur leur époque. Peut-être dans 50 ans… www.sashirdlao.com Serge Beyer
Le septet francilien, véritable collectif multimédia, franchit un cap avec ce troisième album studio (sans compter les disques de remixes). Malgré les consonances latines de son titre, la nouvelle galette abandonne un peu le credo jungle-bossa-jazz pour recentrer ses inspirations, diverses et variées, autour d’une forte base électro hip-hop. Plus puissant et vertical dans le son, le groupe y invite rappeurs de tous horizons à s’emparer du micro. Le phénomène Angelino Busdriver, la Chilienne Anita Tijoux, les Allemands de Broke Gringos ou le Parigot Soklak, pour un feu d’artifice sonore et linguistique. Beaucoup plus cohérents et consistants que sur les opus précédents, sans s’interdire d’heureuses digressions inattendues ; la scène reste le terrain privilégié du groupe, où ils donnent autant à voir qu’à entendre. Une rencontre harmonieuse entre hommes et machines, son et image, programmation et improvisation. www.sayagjazzmachine.com
Prenez Shalom, Dj et producteur ayant roulé sa bosse avec la bande à Bumcello, -M- et consorts. Mettez-le dans un studio avec Andrej 747, chanteur découvert par R-Wan (Java). Vous obtiendrez un mélange (d)étonnant, vos oreilles recevront des informations contradictoires, mais au final cohérentes sur la plupart des titres. Des productions très urbaines, du grime à la house en passant par la techno hardcore, un son industriel au possible. Pas d’instruments, pas de samples. Sur ces bases, on pourrait s’attendre à un MC ragga du genre Dynamite ou Jamalski, mais Andrej 747 nous déroute en posant son chant parfois soul, parfois pop, jamais stéréotypé. On se croirait dans une fête déjantée avec pour décor un hangar de banlieue londonienne, pourtant cette production du label de Shalom nous vient de Paris. Attendons donc qu’une tournée française vienne confirmer cet album d’excellente tenue, malgré certains titres un peu faciles. www.slacknessrecords.com
Rafael Aragon
Guillaume Marty
Elsa Songis
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PSYKICK LYRIKAH
REZA
BRUITAGE
“Acte”
“Br oken kite”
(Idwet / La Baleine)
(French Toast)
Le rock est-il soluble dans le hip hop ? Ou l’inverse qu’importe. Voici en tout cas la tentative conjointe d’Arm et d’Olivier Mellano, l’homme aux multiples projets, sous la baguette de Dominique Brusson, ayant entre autres œuvré pour Dominique A. Cet Acte fondateur ou pas, constitue une nouvelle étape dans le parcours du rappeur atypique Arm, désormais sans Mr Teddybear. Mellano l’électron libre ne pouvait qu’apprécier de donner une suite aux concerts réalisés ensemble. Le disque présente de nombreuses réussites, dont la plus belle en introduction Près d’une vie. La guitare de Mellano y accroche la rage contenue du flow d’Arm. La poursuite rattrape sans mal le tempo précédent. On se prend néanmoins à regretter l’absence de séquences électros dans cette conversation minimaliste entre guitare et voix. Histoire d’acter plus en profondeur le mélange des genres ou plutôt de l’enrichir. www.psykick-lyrikah.com
Après deux EP prometteurs, le quintette affiche une classe certaine sur son premier long format. De belles envolées, un peu bancales parfois, sont au menu de ce “cerf volant brisé”, un titre parfaitement en phase avec le propos. On retrouve les quatre morceaux popfolk de Flying girl, le dernier EP en date, augmentés de nouvelles compositions s’inscrivant dans une même veine, alternant ballades (Wishful thinking, Frail happiness) et électricité contenue (Last night). L’album se clôt sur le sublime et entêtant Cunning plot, véritable bijou d’écriture pop à la Go-Betweens, sur lequel s’exprime un violoncelle virtuose. L’atout majeur du groupe, outre son indéniable talent à créer une atmosphère chaleureuse, est la voix de son leader Reza, grave et quelque peu indomptée. Après New Pretoria, compagnon de label, et son élégant The backyard’s legacy, Reza et ses mélodies en suspension, satisfont pleinement nos attentes. www.reza-music.com
Vincent Michaud
Alain Birmann
SHEEDUZ
SISTER IODINE
“A fr ozen moment”
“Helle”
(Autoproduit)
(Textile Records / Differ-Ant)
Trois Audrey pour une version féminine d’un rock abrasif et dépouillé. Ce premier album en impose par sa noirceur. On pense aux premiers albums de PJ Harvey ou même à Queen Adreena. Une chanteuse, une batteuse, une pianiste guitariste, mais pas de bassiste ; les trois jolies filles jouent un rock jusqu’au boutiste. Sur des textes en anglais, elles s’imposent avec des montées en puissances maîtrisées sur lesquelles se collent des lignes mélodiques vraiment séduisantes, jouées au piano ou à la guitare. On est rapidement pris (Fair fight) par l’aura singulière de ce trio visiblement habité par sa musique. Le plus souvent, les ambiances se figent langoureusement alors qu’on aimerait qu’elles explosent vraiment dans une rage électrique. C’est finalement le cas sur le très bon Sick boy. Certes, le disque semble parfois manquer de relief, mais cela n’empêche pas les filles soniques de Sheeduz (pour “she does” ) d’avoir de sérieux atouts à faire valoir. www.sheeduz.com
Retardé pour cause de conflit avec le fabriquant qui trouvait la pochette originelle non conforme à sa morale, voici enfin le poison idéal pour votre été. Dix ans après le dernier album, Sister Iodine perpétue la tradition du rock bruitiste made in France. Compères dans les années 90 des Bästards sur le label Zeitgeist, le combo s’illustre dans une veine post nowave new-yorkaise, filiation qui les a d’ailleurs conduits en première partie des Sonic Youth. Si Helle commence avec force de violence, il se promène ensuite dans une veine plus expérimentale, mais toujours tranchante. Un fin ouvrage ciselé aux manettes par Nicolas Vernhes (Animal Collective, Black Dice). Ces plages de rêve industriel s’avèrent suffisamment corrosives pour couler tous les yachts et autres accessits du bonheur estival. Cette tension sous-jacente s’écoute idéalement la nuit par temps d’orage. On vous prévient cependant : tant d’électricité finira par tout faire sauter ! www.sister-iodine.net
Patrick Auffret
Vincent Michaud
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BRUITAGE THE SNOC
“Chasse spleen” (La Belle Ex / Nocturne)
Sur une musique largement influencée par l’Angleterre des mods, dont ils reprennent l’emblème à leur manière, les Snocs assument leurs références irréprochables (voir l’inventaire de Z comme Zombies). C’est une ode à Sandrine Bonnaire qui donne le ton. Entre phantasme et réalité, on s’amuse à lire entre les lignes. Jofo, le chanteur, balance avec désinvoltures des textes très chics, mais jamais chocs. La voix, rocailleuse à souhait, ajoute au charme dandy. Et les efficaces riffs de Charles, entre rock et rythm n’blues, assurent le tempo. The Snoc touche souvent au but. Malin, le groupe s’est inspiré de titres de Libération dans la chanson du même nom. Le journal a été séduit. Mais il serait réducteur de réduire ces joyeux drilles à ce coup d’éclat ! Chacun des treize titres multiplie les clins d’œil et l’ensemble s’impose sans lasser. Du rock arty, mais à la française. Accrocheur, cultivé, sexy et enjoué. the.snoc.free.fr
Des paroles en français qui s’imprègnent totalement de l’air du temps, de ses incertitudes, ses frustrations et ses imbécillités. En résulte une peinture d’aujourd’hui à revers des paillettes promises par la télé et l’ère du divertissement omniprésent. Au milieu du chaos, Le monde se trompe laisse gronder un certain ras-le-bol, Con comme un manche exulte en rébellion. Sur un ton rageur et pas très optimiste, clamant le refus d’un monde trop futile, ces jeunes hommes d’Evreux emploient un rock spontané avec des passages clairs et pêchus, d’autres plus sombres et plus chargés. Suite d’un EP et du premier album 42 sorti en 2003, ce disque impose une ligne tendue, où le sentiment d’urgence l’emporte. Une ode à la liberté et à des aspirations simples, alors que l’électricité est prête à exploser… spygroupe.free.fr
Patrick Auffret
Béatrice Corceiro
RUTH TAFEBE
(Autoproduit / Mosaic)
LES TOUFFES KRETIENNES
“Holy warriors”
“ F a n f a r e pas très katholique”
(Comet / Nocturne)
(ID Records / Mosaic)
Tandis que Seun, le plus jeune rejeton du grand Fela Anikulapo Kuti, commence à se faire un (pré)nom sur la scène afrobeat internationale, quelques formations hexagonales s’essaient à ce genre musical extrêmement exigeant. De par la difficulté à réunir les “bons” musiciens pour monter un groupe suffisamment rigoureux, les challengers sont rares… Ruth Tafebe et ses Rockerz en font partie. Ivoirienne exilée à Montpellier à l’âge de 15 ans, c’est sur les disques de Peter Tosh, Afrika Bambaataa ou encore Nina Simone, qu’elle s’initie. Voyages et rencontres révèleront son dessein : ce sera l’afrobeat. Inévitablement, elle y intègre ses propres nuances, surtout soul puisque sa voix s’y prête, mais aussi rock et reggae puisqu’elle les a dans le sang. Un don du métissage qui lui permet de donner un sens cosmopolitique à son message… Le Black President serait fier : une “petite sœur” a pris le relais ! www.myspace.com/theafrorockerz
Si vous n’avez pas encore croisé la moins catholique des fanfares, faites un détour, quitte à vous fâcher avec belle-maman, sur l’itinéraire de vos vacances ecclésiastiques. Car c’est évidemment live que ces Touffes délivrent toute la chaleur de leur ska-punk diabolique. Cette “plus grande escroquerie du rockfanfare” est composée, selon les concerts, de membres des Fils de Teuhpu, Pellos, Chevals, Hurlements d’Léo, Ouiches Lorène, Babylon Circus, Coonska, Sleeppers… Enregistré par Chinoi, le “pape du rock” en personne (Mano Negra, Négresses, Rageous, etc.), ce dix titres est un mélange de reprises des Kinks, des Clash, de Mardi Gras B.B. et de compos groovy-funky-punky qui vous feront passer l’abus de “sex, drugs, rock’n’roll & milk”. Depuis, le révérend Ludo Van Der Kraats, alias “Magic Ludo”, électron libre et chanteur emblématique du groupe, nous a quittés pour aller discuter avec les anges… Une pensée à ses enfants, sa famille et ses amis. www.lestouffeskretiennes.com Pierre Wetzel
Cédric Manusset
60
& THE AFRO ROCKERZ
SPY “Sur les lignes à haute tension”
BRUITAGE
THIERRY STREMLER KARL-ALEX STEFFEN
“Je suis votr e homme”
“Le grand écart”
(Dièse / Harmonia Mundi)
(Popkin Music)
Cela fait déjà bientôt cinq années que ce projet s’épanouit du côté d’Orléans. Après deux autoproductions sur format court, Karl-Alex Steffen franchit enfin le cap du premier album. Enregistré sur ses terres, il offre un mélange qui fait Le grand écart entre des textes en français et des influences musicales anglosaxonnes riches, synthèse de pop, noise, post-rock, voire d’électro. La plume est fine et pourrait se ranger sans rougir aux côtés de Quaisoir, Encre, Jérôme Attal, Dominique A et Diabologum. Une mélancolie qui fait la part belle aux amours, aux copains, aux souvenirs, et se ressent grâce à de subtils arrangements (cordes, clarinette, voix féminine) qui viennent illuminer des mélodies à l’essence rock. C’est donc non sans plaisir que nous voyons Karl-Alex Steffen s’affirmer en toute simplicité comme artiste de caractère… et de qualité ! www.blog-art.com/karlalexsteffen
Le sympathique chanteur des Vercoquins (avec Seb Martel et la bande à -M-) continue à planquer ses sombres interrogations derrière un pop faussement détachée. Thierry Stremler accentue ici son dandysme avec des arrangements élégants de cordes et pourrait brandir en étendard la chanson de Chamfort : Souris puisque c’est grave. L’étonnant Jean-Louis Murat lui offre le texte d’une jolie chanson d’amour, mais n’est pas le seul à l’accompagner sur ce troisième album. Les potes sont là : Albin de la Simone, Fixi (Java), Seb Martel et les Matthieu (Chédid et Boogaerts)… Avec eux, Stremler s’amuse à jouer sur la notion d’amour, offrant autant de pistes de réflexions que de rêveries éveillées. Si l’album tient largement la route, il lui manque peut-être une chanson qui se détache. Mais ça ne nous empêchera pas d’apprécier sa musique en live ; sa présence scénique et sa proximité avec le public garantissant une excellente soirée. myspace.com/thierrystremler
wqw…
Eric Nahon
ARNOLD TURBOUST
VENTURA
“Toute sortie est définitive”
“Pa Capona”
(Encore Merci / Prod. Spéciales)
(Get a life ! Records / La Baleine)
Sa collaboration avec Etienne Daho durant les années 80 a contribué de façon remarquable à l’envol du Rennais. Dans le même temps il a accouché, en duo avec Zabou, du tubesque Adélaïde qui reste gravée dans la mémoire collective. Il aurait pu alors surfer sur la vague d’un succès naissant, cependant, après Let’s go à Goa son premier long format, il s’effaça du devant de la scène pour œuvrer, dans l’ombre, à des projets d’artistes conquis par la sophistication de son travail. Son second album, Mes amis à moi (1994), ne trouva pas le succès escompté, et après une éclipse studieuse de plus de dix années, le revoilà aux commandes d’un inespéré nouvel opus. Arnold Turboust possède un sens de la mélodie infaillible, un art distingué de l’écriture pop qui s’exprime à merveille sur ces onze nouveaux titres qui reprennent l’histoire où elle s’était arrêtée une décennie plus tôt. On ne lui en demande finalement pas plus. www.arnoldturboust.com
D’abord, graphisme et couleurs composent un très joli packaging. On y découvre à l’intérieur un groupe suisse gravitant autour de la scène indé romande (Marvel, Shovel, Illford, Iscariote). Philippe, Diego et Mike lorgnent du côté du rock noisy américain. Ca monte d’abord graduellement en distinguant les contrastes, et la force de frappe promet de se laisser enthousiasmer. La voix légèrement écorchée transmet de la rugosité en même temps que les guitares qui préparent des parties claires avant de s’extasier dans le bruit. Les mélodies jouent donc au jeu de piste. Progressif (Limits), heavy (The question), sombre (Violent, all the time), post-rock (I keep starting), rêche (I keep position). Les trois larrons multiplient les approches et donnent ainsi beaucoup de saveur à ce premier disque. Let yourself go emploie même une guitare folk, preuve des ouvertures dont leur musique puise sa force. www.vntr.net Béatrice Corceiro
Alain Birmann
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BRUITAGE MAXIS
BELLEGARDE “Telefon EP” (Autoproduit) Après deux ans d’existence, ce quatuor pop indé de la capitale sort enfin son maxi “best of”. En 4 titres, il révèle leur style incomparable : des ritournelles pop subtilement immédiates de Telefon et I’m gonna bite aux tentations krautrock nichés dans les batteries métronomiques de I can’t breathe et Demons of Monday, Bellegarde swingue et pique comme du Cure avec un stetson sur le crâne. www.myspace.com/bellegardemusic SF FLYING DONUTS / JOYSTIX “This machine makes loud records” (Kicking Records / Season of Mist) Quand les Flying Donuts crient leur amour du rock’n’roll dans un punk virant heavy, on adhère tout de suite. Parce que c’est vivant, que leur pêche hargneuse a quelque chose de contagieux. Les Nancéens s’acoquinent ici avec un trio hongrois : The Joystix partage la mélodie punk saignante et les refrains remuants. Forcément, ils sont faits pour s’entendre bruyamment. www.kickingrecords.com BC
CONSTANCE AMIOT “Fairytale” (Tôt ou Tard) Si elle a été élevée aux EtatsUnis, marquée par la culture anglo-saxonne, c’est pourtant essentiellement dans notre langue que Constance Amiot dévoile ses premières chansons sur l’un des labels les plus exigeants en la matière. Le résultat : des folk-songs sans prétention entre Keren Ann, Carla Bruni et Joni Mitchell avec même un brin de bonne humeur. Un frais conte de fée ! www.constancemusic.com wqw…
EN BREF
JEAN-GUY COULANGE “Plus envie de travailler” (Rue Stendhal) Quatrième album déjà pour ce si talentueux underdog de la chanson française. Il semble appartenir à la famille de René Aubry, Jean Guidoni et Jean Bart (autre injustice criante). Très belles mélodies, arrangements sophistiqués, phrasé délicat et suave : ses ballades saturniennes envoûtent. Et si Alice était une des chansons de 2007 ? (06 64 2012 88) JK
MINITEL (Control Tower) Le quatuor bordelais sort son premier maxi. Au début, le son ultra kitch des claviers laisse perplexe, mais très vite le rythme se fait planant, la guitare titille l’oreille laissant les premières impressions à la porte ! Des voix d’autres planètes se greffent insolemment tandis que les nappes de synthé se font de plus en plus hypnotisantes. Vite on en redemande ! www.myspace.com/minitelmusic IL
EDDY CRAMPES “En concert au Localypso” (A tant rêver du roi) Edition limitée d’un digipack original, il protège les chansons d’un certain Eddy, auteur de morceaux folk insouciants sur guitare acoustique. Un enregistrement sans artifice et en public, avec les grésillements et les paroles manquantes, des reprises de Daniel Johnston, Lee Hazlewood au ukulélé, et A day in the life des Beatles. www.myspace.com/eddycrampes BC
NEPTUNE / ONE SECOND RIOT (Distile Records) Rencontre privilégiée et hautement grisante pour un split vinyle inspiré, face à face entre des Bostoniens et un duo lyonnais. Expérimentations violentées, chemins faussement chaotiques. La tension explose dans des sons nerveux, brutaux et incisifs. Ces méandres souterrains noirs et hurlants, vifs et percutants, rappellent au bon souvenir de Bästard. www.distilerecords.com BC OBJECT (Autoproduit) Cinq titres s’imbriquent dans une identité bien définie, où l’atmosphère s’enfonce sombre et oppressante, où la voix parle plus qu’elle ne chante. Le trio joue sur une froideur urgente, accentuée par les mots en français et des guitares noires et intenses. C’est une vague électrique, dense et mouvante, un pont intéressant jeté entre Joy Division et Diabologum. www.object.fr BC SONS DES DISCO “Electrostar” (Parklife Records) Le premier titre de ce maxi est un vibrant hommage à une demoiselle : Miss Kittin. Refrain et riffs accrocheurs sur fond de techno minimale. Un exercice de style plutôt réussi et prometteur. Un son électro teinté, de sueur et de rock’n’roll. Une curiosité ambiguë, kitsch à souhaits et finalement efficace… www.myspace.com/sonsdesdisco FH
LA CASA “Les trucs abîmés” (Autoproduit) Les deux trompettes de la pochette ne trompent pas : elles soufflent, façon mariachi, sur des compositions aux accents hispaniques, mêlant guitares et rythmes électroniques. Dommage que la voix éraillée de Pierro nous fasse penser à celle d’un Cali ou d’un Da Silva perdu dans le désert mexicain, car le projet mérite l’attention pour ses textes touchants et ses fins arrangements. www.lacasamusica.com ES
BOULE ET CAILLOU “Chansons vaches” (Vache à Lait Prod / Prod. Spéc.) Boule, chanteur et guitariste, joue avec Caillou, percussionniste. Boule, au regard critique, écrit des chansons cyniques, puisant son inspiration chez les animaux et / ou dans la réalité proche. Caillou propose des illustrations sonores fraîches et subtiles, au xylophone, au glockenspiel. Treize Chansons vaches attachantes, lucides, acides, plus un Freaks émouvant en morceau caché. www.sitedeboule.com ES
THE DELILAHS “This is it” (Jexed Records / Fish Food Music) Trio de minettes sexy suisses extraverties originaires de Zoug. Elles ont toutes moins de 21 ans, mais le minimum légal pour nous en envoyer dans les oreilles : This is it est un titre sans pitié qui fait a une entrée fracassante dans la play-list de la radio Couleur3. Quelque part entre Pretenders, Blondie et The Breeders. www.thedelilahs.com FH
s’en détacher et finit par laisser l’impression d’une identité pas encore tout à fait aboutie. www.hebus-legroupe.com BC
LIEUTENANT FOXY “Dub & vocals… In my central station” (Soulbeats Records / Nocturne) Troquant les vinyles contre des machines, Lieutenant Foxy offre sur cette galette un dub profond… et chanté ! On le retrouve d’ailleurs au micro sur deux titres, partageant l’affiche avec rien de moins que Winston McAnuff, Poupa Claudio, Seyni & Yéliba ou Aymeric Hainaux. Une surprise que cette sortie française à une époque où l’on avait presque oublié que le dub n’est pas qu’instrumental ! www.myspace.com/lieutenantfoxy CD’O MANIPULATORS (Vision Alternative / Ozore Age) L’électro-dub “à la française” a beau avoir été revisité en long, en large et en travers, quelques énergumènes tentent encore de se démarquer et parfois même… y parviennent ! C’est le cas des Manipulators qui adaptent avec un certain tact l’héritage des jeunes anciens (Impro Dub, High Tone, Zenzile) et mettent l’accent sur la dimension céleste du genre. Vintage dans l’âme, cet opus ravira les puristes. www.manipulators.fr CM ARNAUD MICHNIAK “Poing perdu” (Ici d’Ailleurs / Differ-Ant) A l’étroit dans son costume de musicien, l’exDiabologum poursuit sa mutation multidisciplinaire. Ce dernier projet s’épanouira ainsi dans des concerts/performances de 35 minutes, mêlant vidéos, musique et poésie, accompagné du guitariste R (Nonstop, DJ R). La galette audio de référence pour ce nouveau projet s’inscrit dans la lignée de son précédent Bogue, écriture automatique et sensible sur l’envers du slam BCBG, bordée de musique tortueuse. VM
THE DIVERGENTS “A blast from the past” (Blue Veins Rec) Plutôt percutant ce trio auvergnat. Dans la voix hargneuse et les guitares bruitistes, on reconnaît les fréquentations grunge de Nirvana aux Smashing Pumpkins. Il y a aussi des passages planants dignes des rockeurs hippies. Au final, ce premier album respire assez d’authenticité sans pose à deux balles, si bien qu’il nous donne envie d’y croire… A voir sur scène donc. www.myspace.com/thedivergents BC
MONSIEUR BIDON “Force de SOS” (Les Idiots Carburent / L’enfant et la Pluie) Ces chansons réalistico-utopiques sont loin d’être bidon même si elles manquent un peu de force sur disque. On imagine le potentiel qui se dégage de ces morceaux enjoués et engagés dès lors que les instruments jouent pour de vrais et que l’écoute est favorisée par un ou deux demis (ou trois). Amis limonadiers, n’hésitez pas à booker ces jeunes gens ! monsieurbidon.free.fr EN
GANESH EKB “Dernier 1” (Autoproduit) Après trois belles démos, ces Rouennais donnent à leur premier album une orientation très funk. C’est pourtant un titre rock (Haut parleur) qui sort du lot et fait parler Nicolas Sarkozy. Ganesh EKB s’affirme en puisant du côté de Sinclair ou de FFF, mais la voix de Yan est au contraire très pop. Le challenge de chanter en français des textes intelligents est réussi. www.myspace.com/ganeshekb PA
MY BROKEN FRAME “Chapel Hill” (Drunk Dog / Differ-Ant) Sur un disque empreint d’un certain recueillement, des arpèges et une voix fragile évoquent une sensibilité à la Nick Drake, tendre et triste à la fois. Guillaume y compacte des histoires courtes. A la lueur d’une bougie, les mélodies pop et le timbre folk adoptent guitare et piano. Les cordes ajoutent à la douceur ambiante, comme une caresse. www.myspace.com/mybrokenframe BC
HEBUS “Something in the air” (Autoproduit) Ce quatuor d’Alençon cultive une pop-rock mélodique et sait faire preuve d’une certaine habileté dans la composition de ses morceaux. Sur ce premier album, on reconnaît une efficacité sur la trace de ses modèles (Muse en tête), mais il peine à 62
NOÏD “Sleepless night” (Syncope / Season of Myst) Premier long pour ce quartet normand délivrant un rock hardcore tendu et néanmoins mélodique. Servi par un mixage puissant et précis, réalisé par Guillaume André au Loko Studio, des références dans le milieu du rock musclé, Noïd convainc surtout quand il tend vers un son métal, où leur pronfondeur et leur sensibilité culminent. Un album rock très calibré, un peu trop peut-être ! www.noid-music.com RA RAGTALA MUSIC SYSTEM (Autoproduit) Voici un prometteur trio électro-jazz. D’une base classique basse/batterie/rhodes émergent des couleurs surprenantes, puisant dans une énergie rock d’inspiration mystique. Empruntant son nom à la musique classique indienne, le groupe en extrait plus la trame progressive que les sonorités, pour un résultat original, pêchant seulement par la qualité modeste du mixage. kapunao@yahoo.com RA RAVI “Wreck the compass” (Opposite Prod / Codaex) Refrains accroche-cœurs, rythmiques puissantes et guitares nerveuses. Sur leur deuxième album, l’emo-punk des Caennais trace toujours dans le sillage des Get Up Kids. Alternant aspects speed ou mélancolique, deux voix s’escriment avec hargne. Après une bonne mise en jambes, il manque quand même quelque chose pour hausser le ton. www.ravi.fr.st BC SINED “Bruit roux” (Old School) C’est le cinquième album de Denis Scheubel, figure incontournable de la scène mulhousienne avant-gardiste (groupe Bigmini dans les 80’s). La voix traînante, à la justesse imprécise, louvoie sur des morceaux trip hop, jazzy et rock sombre, lorgne du côté de Bashung (L’otarie), de Suicide (I want you now), de Dead Can dance (You too). www.myspace.com/sinedmusic ES ULAN BATOR “Ulaanbaatar” (RuminanCe) Fans archivistes, ce premier volume de morceaux inédits enregistrés entre 1993 et 1998 devrait vous combler. Versions rares, démo ou live s’alternent chez ce groupe sans chapelle, à part de la scène française. Quelques belles sessions sont rassemblées ici, issues d’un groupe toujours plus pertinent lorsqu’il s’écarte de la voie rock, lorgnant vers la noise hypnotique ou le post rock acéré. www.ulanbatorarchive VM VIBRAFINGERS “They vibrate !!” (Autoproduit) Les inventeurs du “vibraslip” frappent fort avec un nouvel album encore 100% punk rock. Eh oui, ils vibrent encore et toujours, branché sur nucléaire. Alors, c’est comment ? Ben au début, ça pique un peu les yeux, après on s’habitue et parfois, on aime ça ! Des tonnes de trucs à voir, écouter et télécharger sur leur site. Oh yeah ! vibrafingers.free.fr EN ZYCLIF “Le guide” (Autoproduit) Le farfelu Zyclif, bête de scène, héritier du déjanté Alain Kan, est aussi un excellent auteur ; il suffit d’écouter le décapant Je déconnais pour en être convaincu, mais il sait aussi, mine de rien, fabriquer des tubes comme J’suis VN’R. Son Guide funke autant qu’il rocke, va vous mettre la tête à l’envers… et c’est ça qui est bien ! www.zyclif.com SB
IMAGES
COPINAGES.COM TRANS. Les comparses de Delpech Mode ont eu la bonne idée de s’amuser avec Nivarna et Annie Cordy pour un Smells like Tata Yoyo d’anthologie. Ils nous la jouent aussi Serge Lamadness dans le délicieux One step Pigalle. Tout ça sur le transgénique lesogm.com ITOU. Le site du groupe Idem (idem-kzfp.com) est superbement esthétique et complet, mais on a du mal à y naviguer. Par contre leur dub métissé rock est hypnotique et tendu comme il faut.
WWW
QUOI MA GUEULE ? Comment résister à un site qui s’appelle hektordanstagueule.com ? On écoute ? La pop punk et électro 80’s de ce quatuor est ironique et entraînante. Des cousins de Pravda, Prototypes et Vive la Fête. Existe aussi en version MySpace : myspace.com/hektorinyourface A SERVIR : neo-luddite.net. J’y suis allé parce que le nom me plaisait bien. Ça représente un “mouvement” qui s’exprime contre la domination des machines. Le groupe qui s’est baptisé ainsi n’en s’en laisse pas compter non plus. Ce mélange malicieux de rock emo et de machines serait presque dansant et donne envie de bouger la tête. WOW !!! Des disques gratuits apparaissent parfois dans les bacs des disquaires. Ceux qui déposent leurs CD-R parlent de “dons à l’étalage”… Ils prennent parfois leurs œuvres en photo, c’est excellent. Tu veux jouer ? Toi aussi apprends la subversion rigolote sur le forum : www.dae.infos.st MOON BOOTS. C’est barge et mignon, donc ça me plait. Le sieur Garzynski nous propose son voyage askisurlalune.com. Dans ses poésies mignonnes perce une certaine noirceur, comme chez Syd Barrett ou Nino Ferrer. Il a un truc, c’est sûr. Le site recèle plein (mais vraiment plein) de bons morceaux en écoute. ENFANTS D’SAO. Sao60 réussit à faire de la chanson world sans être mièvre. Un chanteur zaïrois anime cette formation où se côtoient électro, acoustique et machines. Un peu trop confortable pour moi, mais très bien fichu. (sao60.free.fr et myspace.com/saomusic) CHAMPIGNON. Hir*shima m*n am*ur (myspace.com/hmonamour) est une formation intello emo-électro de Fumel. Si les textes sont biens, le chant n’est pas encore super en place. Musicalement, ça le fait… PC RADIO : inde-radio.com est dédiée aux artistes indés en manque de diffusion et majoritairement de production. Bonne nouvelle : y’a pas d’animateur, les groupes peuvent mettre en ligne. 100% musique, il permet à chacun de se faire connaître et de diffuser les titres qu’il choisit. Aucune restriction de style n’est appliquée, donc des fois on aime, des fois on aime pas, et dès fois… ben, ça chante vraiment faux ! On y trouve certaines pépites ou des boudins… Qui tente sa chance ? EN VRAC… Je pars bientôt en vacances, je suis à la bourre (et je vous emm…) alors j’ai pas eu le temps d’écouter ces sites, mais je vous les recommande quand même : ohmwork.com : une Unité de Création Musicale et Sonore : musiques vraiment originales, graphisme chiadé. www.myspace.com/ccilsanseuxmusic Ketsekop : One Man Band Rock Folk Blues Expérimental (si, si) www.myspace.com/bnazmusic …celui ou celle qui me fait les meilleures chroniques de ces deux sites (en 300 signes !) je lui offre un abonnement d’un an à Longueur d’Ondes ! On en reparle à la rentrée. Néric
copinages@longueurdondes.com 63
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ZONE LIBRE ILS NE FONT PAS DE MUSIQUE, MAIS ILS EN VIVENT
daviD
WeBeR Bien implanté dans sa Genève originelle, le producteur roi de la scène noise française des années 90 a gardé intacte sa foi envers les musiciens. Certains l’apprécient au point de séjourner dans son studio des Forces Motrices et d’y enregistrer un bœuf.
Raphaël Lugassy
Depuis, David Weber a œuvré pour des artistes “chansonrock”, tels Les Acrobates. Mais comment passe t-on de la noise à Mickey 3D ? “Comme Mickey est passé de 3DK (groupe hardcore) à Mickey 3D, j’évolue dans mes goûts musicaux et j’enregistre la musique que j’aime. Je n’ai pas envie de me cantonner à un style, mais je continue à enregistrer des groupes noise ou metal (Wok, Neurotic Swingers, etc.). Si je n’enregistrais qu’un style de musique, j’aurais peur de tomber dans la routine et de perdre le plaisir. Et sans ce plaisir, j’arrêterai ce métier !” Lequel ne peut se concevoir sans feeling partagé : “J’aime connaître l’artiste avant le studio et qu’il me connaisse aussi. J’ai besoin de savoir quel son et quelle ambiance il veut donner à son album. Cela décide de la façon d’enregistrer. Rien n’est figé, je m’adapte constamment. Si l’ambiance au studio est bonne entre les musiciens et moi, c’est bien parti pour faire un bon disque… Et le contraire est vrai !” Le plaisir demeure donc LA force motrice de David Weber, celle qui a impulsé le projet Motrices session. Cette session d’enregistrement, étalée sur plusieurs jours, a rassemblé des musiciens de tous horizons pour accoucher de compositions inédites. Ian White (Gallon Drunk, Lydia Lunch), Xavier Bray (Virago, Eiffel), Fred Douret (Fred K), France Cartigny, Manu Monet (Dolly), Laurent Bruzy (Jerry Spider Gang, Zoomen), entre - nombreux - autres, ont vu la lumière et ont chanté, joué de la batterie, de l’accordéon ou tout simplement fait du bruit. Ca se passe comme ça chez David Weber ! Qui sait, après avoir fait appel à lui pour votre prochain disque, peut-être ferez-vous partie des convives d’une Motrices session n°2 ?
C
a ne s’invente pas : David Weber, producteur réputé de la scène européenne, a ancré son studio Place des Volontaires à Genève. Pas étonnant que ce Suisse n’a pas cherché à ralentir les rythmes musclés des groupes pour qui il a œuvré à ses débuts dans les années 90. La liste est longue et comprend entre autres Treponem Pal, Portobello Bones, Lofofora ou les Young Gods. Franz Treichler, mentor de ces derniers, l’a en quelque sorte initié lors de l’enregistrement d’un disque des Treponem Pal. Drive Blind, Tantrum et Virago ont parachevé de le convaincre de s’investir totalement dans cette voie, après ses premières expériences d’ingénieur du son. Voilà comment s’est mis en branle le studio Forces Motrices au cœur de l´Usine, haut lieu de la culture alternative suisse. Quels souvenirs garde-t-il de cette scène française ? “D’excellents souvenirs, il y avait vraiment une “scène noisy” effervescente. C’était plus facile pour les groupes de tourner et d’enregistrer. Ils n’étaient pas obligés de chanter en français pour se faire signer et passer à la radio. Et les disques se vendaient encore ! Mais je vois avec plaisir que beaucoup d’anciens musiciens de cette scène sont toujours actifs.”
Vincent Michaud “Motrices session n°1 - Waiting for Michael…” MVS Records / Anticraft - www.forcesmotrices.com
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
"LA BANDE PASSANTE", la plus grande scène mondiale offerte aux artistes français et francophones : 44 millions de spectateurs chaque vendredi, samedi et dimanche à 15h40 heure française et 24h/24 sur www.rfi.fr 65
CA GAVE HUMEUR & VITRIOL
P
araît que c’est l’événement musical de l’année. Du moins, c’est ce qu’en disent les crétins patentés qui squattent les antennes de la bande FM à grands coups de fautes de français et de prononciations hasardeuses des mots de plus de deux syllabes. Le retour de Police au printemps 2007, ce serait donc l’évènement de l’année. Les mauvais esprits y verront un signe des temps, une conjonction de dates assez symboliques entre l’arri-
moment du huitième rappel de Smoke on the water. Et que l’on ne me fasse pas accroire (c’est exactement le même sens que “croire” mais comme on ne le retrouve jamais dans la bouche d’un animateur radio, sauf au Québec, ça fait plus propre) que c’est la nostalgie de l’heureuse fraternité grégaire des millionnaires du rock’n’roll sous analgésique qui fait s’agiter encore ces anciens jeunes vermoulus, encore moins le besoin irrépressible de “tout don-
C’est sans doute la même pulsion nécrophobe qui pousse Bernard K., piaffant d’impatience depuis toutes ces années passées dans le trio de tête des personnalités préférées des Français où il peut enfin déboulonner l’Abbé Pierre par abandon à la 95ème reprise, à vouloir de nouveau redevenir chef de rayon avant d’être atteint par l’Alzheimer qui pourrait lui faire oublier qu’il était soixante-huitard. Parce que ce n’est pas en attendant le retour des
Mourir sur scène (et vite !) vée d’un brigadier-chef à la tête de l’Etat et le retour de Police sur tous les écrans : Police partout, justesse nulle part. Conjonction qui ne s’arrête d’ailleurs pas à un hasard de nom de groupe, mais se retrouve aussi dans l’exhumation concomitante de vieilles gloires avariées, tirées de leur quotidien grandiose d’inaugurations de supermarchés et de galas à la foire au gras et à la tripe molle par les aléas du suffrage universel et sponsorisé par Martin Bouygues. La question se pose alors de savoir si Stewart Copeland et Andy Summers ont croisé Mireille Mathieu et Jeane Manson au Leclerc de St Gougnard en Gâtinais, où la Foire au Porc bat son plein.
ner pour notre public” (j’ai entendu ce genre de faridondaines…) : en 86 déjà, alors qu’ils remixaient Don’t stand so close to me, l’un des castrats peroxydés formant l’inénarrable “groupe culte des années 80” avait claqué la porte du studio en braillant que “Sting est décidément toujours aussi con et prétentieux”, ce que l’on veut bien accroire (encore un que les gougnafiers radio-diffusés n’auront pas). D’ici à ce qu’ils claquent carrément sur scène, il n’y a qu’un pas qu’ils risquent franchir… en déambulateur.
Que l’on soit bien d’accord : il n’est nullement dans mon intention d’empêcher les sexagénaires d’avoir C’est devenu la mode de refaire jouer ces pathé- encore leurs petits plaisirs s’ils ont encore quelque tiques groupes de vieillards extirpés manu-militari chose à dire, tout comme je comprends parfaitede leur maison de retraite, taraudés par une prosta- ment que Jeane Manson inaugure avec brio le te récalcitrante et le tiers provisionnel qui s’annonce rayon triperie-volaille des magasins Incontinent et qui, des Who aux Floyd, de Deep Purple à ceux pour arrondir ses fins de mois et payer son mou, que l’on avaient oublié, genre Wham (non ? si !), mais quels besoin ont-ils de s’humilier comme des viennent agiter leurs rhumatismes articulaires sur animaux de foire, insultant le souvenir presque flatdes scènes qu’ils ont d’autant plus de mal à arpen- teur que l’on pouvait avoir d’eux avec le recul ter qu’ils doivent y enjamber les macchabées qui (même si pour Wham et Jeane Manson…), lorsparsèment leur histoire et qui avaient parfois plus de qu’ils étaient jeunes, beaux, sémillants, frétillants talent qu’eux tous réunis (sauf pour Wham) ; tous du bulbe et hurlant méthodiquement, comme les escortés d’une escouade de médecins urgentistes Who en 65 : “I hope I die before I get old” ? La prechargés de s’assurer qu’ils ne clamseront pas au mière idée est souvent la bonne, mon garçon.
Compilation du MILA 18 17 titres : 1 artiste par label !
Compilation du label Grönland 12 titres - Pop et ses déclinaisons (folk, électro, lounge…)
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socialistes gâtifiant leur bréviaire d’enfants de choeur qu’il aurait pu à nouveau caler ses hémorroïdes dans le velours des sièges ministériels. Déjà qu’il ne peut plus porter un sac de riz sans se déboîter l’épaule, il voulait sans doute refaire un tour devant ces caméras qu’il aime tant avant d’en être réduit à faire des publicités pour les monte-escaliers électriques. Alors même que la place est libre depuis la mort de Jean Lefebvre… Mais il est certain qu’avec les nouvelles dispositions pour les chômeurs, après avoir refusé de prendre le poste de Jean Lefebvre, il n’aurait plus eu d’autre solution que de remplacer Jacques Balutin aux colles pour dentier si on lui avait proposé un autre job. Cette dérisoire envie d’être encore sous les spots, de s’enquiller encore quelques liasses dans la poche en comptant davantage sur celui que l’on a été que sur ce que l’on est, montre bien à quel point notre monde est aussi sclérosé que ceux qu’il admire. On ressort de grotesques pantins du formol des souvenirs pour les agiter un peu tant qu’ils peuvent encore rapporter et eux-mêmes ne demandent pas mieux que de s’accrocher à ces poussières de gloire qu’ils ont connues. C’est sans doute pour cela que l’on réussit à faire (ac)croire à la rupture. Avec des idées qui, elles aussi, ont à peine plus de 65 ans.
Jean-Luc Eluard
Compilation “FAITES ENCORE PLUS DE BRUIT !!!” De la chanson au rock français…