le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS ! # 42 - hiveR 07 / 08 ETIENNE DAHO . MORIARTY INA-ICH . PAULINE CROZE SEMTAZONE . LES VEDETTES DIONYSOS . BRISA ROCHÉ
SOMMAIRE
6 à 9
ON Y CROIT !
10 à 13
ON Y TIENT !
Sna-Fu, Domb, Resistenz, Yerban Kuru, Suki Brownies, Ed-Äke, Amédée Colère, Monsieur Z, Uminski, Benoît Dorémus, Sarcloret, Tétard
French Cowboy, Deportivo, Les Blaireaux, Samarabalouf, Brisa Roché, Tue-Loup, Ina-Ich, Amélie-les-Crayons
A. Dodeler
42
Nadj
On Music, le jeune label de Warner qui avait signé Nadj ferme boutique… Du coup la belle ne sait pas encore si elle restera chez la major. Mais elle reste “à bloc” : “On vient de faire deux shows avec Queenadreena : énorme ! On enregistre la semaine prochaine notre nouvel album, à la maison.” En attendant, ne la ratez pas sur scène, c'est géant !
RENCONTRES 15 16 18 20 22 24 27 30 32
Moriarty Pauline Croze Semtazone au Japon Etienne Daho Dionysos Crise du disque : solutions ? KATERINE Les Vedettes Pas vu à la TV #2
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K COMME KÉBEC Les Cowboys Fringants, Dumas & Marie-Annick Lépine
Hiver 2007 - 2008
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PLANÈTE
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The Wedding Present
40
ZONE LIBRE
49
Chez Paulette Labels d’Aquitaine
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EDITO
“C’ÉTAIT
MARCHE OU BRÈVES FESTIVALS BRUITAGE IMAGES CA GAVE
LA FICHE SIGNALEE... T OC
UN HOMME”
“Marcia”, “Andy”, “Sacha”, “Marc et Robert”, “Harpie et Harpo” sont orphelins. Ils se remémorent la “Cool frénésie” des “Nuits d’ivresse” du temps de “La belle vie” où “Les Amants”, “Les guerriers”, les “Communiqueurs d’amour” les empêchaient de “Forget the nite”… Et “Même” s’ils étaient “parfaits l’un pour l’autre”, “L’amie ennemie” vient de faire son œuvre : “c’est le cancer que tu as pris sous ton bras”, Fred. Te voilà parti pour “Ailleurs” par le “Le petit train, le train de la mort”. Et en ce “Soir de peine”, franchement “on n’a pas que d’l’amour, ca non, y’a d’la haine” ! On n’arrive pas à se dire “C’est comme ça”, on pense juste “Tu me manques”, et c’est le “No comprendo” total ! Serge Beyer Pour toute demande d’abonnement, veuillez consulter notre site Internet : www.longueurdondes.com/magazine.php
Prochain numero le 13 fevrier 2008 SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57 www.longueurdondes.com http://myspace.com/longueurdondes longueurdondes@tele2.fr
100 000 EXEMPLAIRES Publicité : SergeBeyer@aol.com LEQUABEL EDITIONS 5 rue André Messager 75018 Paris (sur RDV) I.S.S.N. : 1161 7292
Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Responsables infos / com’ : Cédric Manusset, Bruno Aubin Direction artistique et conception : Cédric Manusset Responsable com’ Québec : Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et les librairies Renaud-Bray.
Yann Guillou, Fred Huiban, Jacques Kasbi, Isabelle Leclercq, Aena Léo, Sarah Lévesque, Cédric Manusset, Stéphane Martel, MarieHélène Mello, Vincent Michaud, Eric Nahon, Elsa Songis, Jonathan Tabib, Martin Véronneau.
Couverture : Photo © Thomas Béhuret
Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. Imprimerie : MCC Graphics Photographes : Dépôt légal : Patrick Auffret, Thomas Béhuret, Alain Dodeler, Décembre 2007 Robert Gil, Raphaël Lugassy, Nicolas Messyasz, Remerciements : Michel Pinault, Yannick Ribeaut, Pierre Wetzel. DaFont.com
Rédacteurs : Rafael Aragon, Bruno Aubin, Patrick Auffret, Alain Birmann, Bastien Brun, Béatrice Corceiro, Caroline Dall’o, Samuel Degasne, Jean Luc Eluard, Benoit G. Gerbet,
Ne pas jeter sur la voie publique
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R. Gil
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MARCHE OU BREVES QUE LA FORCE SOIT AVEC EUX Kiemsa et Mass Hysteria ont décidé de collaborer sur un titre intitulé “La force”. Forts de leurs influences et différences, les deux groupes s’allient pour un single teinté d’ambiances “Star Wars”. Plus d’infos sur www.kiemsa.com et www.surlabreche.com. Dans le même état d’esprit, c’est Mick est tout seul qui a prêté sa voix au “Vertige” du groupe québécois Karkwa, dont le premier album (une merveille) est enfin dispo en France (depuis le temps que l’on vous parlait de ce quintette) : “Les tremblements s’immobilisent” PBox / Boxson / Anticraft. www.karkwa.com, myspace.com/karkwa
CLICHÉS Sortie du livre “Un œil sur la musique” de Richard Bellia. Un beau livre de photographies sur la musique rock des années 80 à aujourd’hui. Clichés de stars (Bashung, Radiohead, Wampas, The Cure, Siouxsie…) et de foules en délire. Un espace d’exposition sera consacré au photographe lors des Transmusicales de Rennes. Pour se procurer l’ouvrage, aller sur : www.richardbellia.com
SYMPHONIE SANS GLUTEN C’est le nom que portera le concert unique réunissant Marcel et son Orchestre et Les Symphonistes Européens au profit de l’AFDIAG (Association Françaises Des Intolérances Au Gluten) pour la recherche contre les maladies coeliaques (intolérances au gluten). Treize chansons de Marcel et des grands morceaux classiques seront revisités durant cette représentation le jeudi 20 décembre 2007 au Nouveau Siècle à Lille. Toutes les infos sur : www.marceletsonorchestre.com
NOUVEAU NÉ…
ENFONCE LE CLOU, MAN ! Il est chanteur-compositeur certifié label AB, soit… Artiste Biologique ! Il vient de Villefranche-sur-Saône et son album se nomme “Clouman se lance et tout le monde s’en fout”. S’il a un petit côté Gotainer déconnant par moment, ne ratez pas son beau clip “Le peu de toi” qui ne fait pas franchement rire, mais plutôt réfléchir… www.clouman.com
AS HAPPY AS… Les Thugs en remettent une couche, le temps de quelques concerts (au moins…), notamment un à Seattle pour les 25 ans du label Sub Pop. Du coup, quelques dates en France devraient suivre…
Tof et Ben, respectivement auteurcompositeur-accordéoniste et batteur du groupe N&SK, s’associent à Michel à la basse pour créer un projet parallèle : Altam. Ce trio, emmené par la voix slamée ou chantée de Tof, explore des sonorités électro-rock. Le premier 6 titres sera dispo en janvier. La formation recherche un label… myspace.com/altam
…ET MORT ANNONCÉE ! Après 13 ans d’existence, Matmatah a décidé de mettre un terme à l’activité du groupe à la fin de l’été 2008. Une décision collective prise pour des raisons aussi bien artistiques que professionnelles, chacun d’entre eux ayant pour désir de continuer différemment son aventure musicale. La tournée d’hiver se poursuivra comme prévu jusqu’au 15 décembre et le groupe remontera sur scène l’été prochain pour quelques concerts exceptionnels.
INFRASTITION Ce label spécialisé dans la réédition des groupes français indépendants des années 80 rajoute des références prestigieuses à son catalogue déjà bien fourni, dont l’album culte “3” de Charles de Goal (New Rose, 1984) qui sort pour la première fois en CD dans une version remasterisée avec 5 titres en bonus. Prochaines parutions sous forme de compilation, avec des inédits : Tanit (duo Elsa Drezner / Pascal Humbert) et L’Enfance Eternelle. A (re)découvrir absolument ! www.infrastition.com
“NYARK NYARK !” …était le célèbre cri de guerre des Bérurier Noir, qui ont lancé, lors de leur dernier concert en 1989 : “Formez des groupes de rock libres !”, sorte d’épitaphe du rock alternatif. En 2007, paraît “Nyark Nyark !, fragments
des scènes punk et rock alternatif, 1976-1989” (FZM / La Découverte). Arno Rudeboy (célèbre activiste et guitariste du groupe Bolchoï) y retrace en 260 pages l’histoire orale, graphique et sonore des scènes punks et rock alterno en France, de la naissance de Metal Urbain, jusqu’à ce concert d’adieu des Béru. Des dizaines d’interviews inédites, des centaines d’images d’archives et un CD bandeson originale.
PAS DE BLAH, BLAH ! “Blah ! Une anthologie du Slam (19972007)”, c’est un livre + un CD 10 titres qui regroupe une quarantaine d’auteurs en y présentant leurs textes. On y trouve des paroles d’artistes émergents et d’autres plus connus comme Abd Al Malik et Grand Corps Malade. 17,90 euros, Spoke Editions.
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MARCHE OU BREVES TCHAD & CO
NECTAR
Le nouveau maxi du rappeur toulousain classieux Tchad Unpoe est en téléchargement libre sur www.tchadunpoe.net. Fruit de la rencontre avec Keny Arkana, ce morceau figurera sur son prochain d’album, prévu pour le printemps 2008. Seront aussi invités Insight, Cassidy (X-Men), DJ Trouble & Grems, Supermicro, Sept, Soklak et bien d’autres encore. Le premier album “Emcique furilla” a été réédité en vinyle.
Les soirées “I love jungle” organisées par Hugabass se sont arrêtées en plein apogée… C’est pourquoi les organisateurs ont décidé de poursuivre en s’alliant avec Faya Reflex, structure organisatrice de concerts jungle en Avignonnais, pour créer les soirée “Jungle Juice”. Les deux premières éditions auront lieu au Glaz’Art et à la Bellevilloise (Paris). myspace.com/junglejuiceparty
ENREGISTREZ DANS VOTRE SALLE DE BAIN L’enregistrement à domicile devient possible sans matos ! Sur demande, Jean-Michel Cotard, ingénieur du son formé à Londres, après avoir travaillé au Drop Studio et son “Home Studio Services”, débarque chez vous avec une station audio numérique performante pour capter votre prestation ! www.homestudioservices.com
A L’AFFÛT L’association Sourdoreille, créatrice de plateformes multi expressives (webzine, émission radio hebdomadaire, émission télé mensuelle et site MySpace) soutient les artistes et groupes en développement ne trouvant aucun écho auprès des moyens de diffusions classiques. Une belle attitude pour une association qui se veut un média relais. Les artistes choisis pour la saison sont : The Sugar Plum Fairy, Depth Affect, Revo, Sheer-K, Dialect et Selar. Faites de la résistance et aller surfer sur www.sourdoreille.net.
ON MET LA GOMM
OUF !
De nouvelles versions inédites de “No disappointment”, “Call me” (reprise de Blondie), “Don’t take a chance” et “Why can’t I relieve you” sont à écouter sur le MySpace de Gomm. Assez différentes des originales, elles ont été créées à l’origine pour être jouées en session radio, en utilisant des petits amplis et une boîte à rythme… myspace.com/myspacegomm
La petite salle de concert lyonnaise, Le Bistroy, avait été traînée devant la justice pour des infractions hélas propres aux structures de musiques amplifiées. L’équipe a été relaxée en septembre dernier grâce au soutien du SMA et de nombreuses autres associations musicales. La vigilance reste de mise car les différentes procédures sont loin d’être terminées. www.sma-syndicat.org
URBS-TICAIRE Radiohead s'est passé d'intermédiaires pour son dernier album en téléchargement libre. Aux visiteurs de payer le prix qu’ils souhaitent. Problème : comment généraliser une telle initiative ? Le groupe étant au préalable mondialement connu… Solution : des micros réseaux proches de la scène musicale…
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Robert Gil
ON Y CROIT
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
Resistenz
Pierre Wetzel
“Tonnerre binaire” Ladilafé / Anticraft www.snafu.com On devine instinctivement les belles motivations qui poussent ce groupe à se défoncer à ce point. On écoute la musique, violente, sans compromis, on voit les cinq musiciens soudés, complices. Une générosité qui ne peut être feinte. Ces jeunes Franciliens qui ont creusé leur trou, ont été repérés sur quelques scènes enflammées où l’on a pu apprécier leurs prestations remuantes. Charles (batteur) raconte : “On aime bien quand c’est le bordel et forcément, ça se retranscrit un peu quand on joue… C’est pas hyper poli, on ne se pose pas la question de savoir si on va vraiment bien jouer : on donne toute l’énergie que l’on a, et après, ça passe ou ça casse…” En 2004, un EP annonçait leurs velléités hardcore. Ils ont dû prendre leur mal en patience avant la sortie officielle de Tonnerre binaire, ce qui leur a finalement permis de peaufiner l’ensemble de bout en bout. Résultat, un premier album devant lequel il est impossible de ne pas s’incliner : puissance, rapidité, nervosité, rage, sans omettre quelques respirations subtiles. Il y a de l’adresse instrumentale dans les gros riffs hard rock, de la personnalité dans le chant exalté. “On aime bien ce côté sans concession, tout à blinde, tout le temps…” Un bien bel objet, fignolé jusqu’à sa pochette flamboyante. Le titre Dorian s’offre même un superbe clip animé où des personnages évoluent dans des décors en “carton de synthèse”, entièrement réalisés en 3D. Les garçons ont fait des choix bien réfléchis : “On essaie d’être le plus neutre possible dans la démarche, de réduire au maximum la possibilité d’être catalogué.” Sna-Fu a l’intelligence de conjuguer talent et attitude saine… Des qualités qui engendrent les plus grands. Béatrice Corceiro
Ludovic Failler
Sna-Fu
Domb “Pamalalarache” - Alarrashasso / Rue Stendhal www.domb.fr Depuis l’aube de ce siècle ce drôle de quartet parcourt l’Hexagone avec son impressionnant attirail instrumental, fait de fûts et d’instruments aux racines lointaines. Une demi-décennie d’appel à la danse ou à la transe, de pogos et de salles en sueur. Cinq ans à distiller leur fusion worldmetal, une batucada accompagnée de guitares distordues et de basses énormes, souvent fiévreuses, parfois rêveuses. Et pourtant leur premier album vient tout juste d’atterrir dans les bacs : “Ce sont les aléas de l’autoproduction ! Il a fallu s’y prendre à deux reprises pour l’enregistrer. Sitar, berimbau, derboukas, la diversité des instruments utilisés rend très long et délicat ce processus. Sans parler du défi de poser sur disque une musique de scène !” Après un premier essai avorté, leur manager les oriente vers l’ingénieur du son Stéphane Buriez, de Loudblast : “Il a déjà fait ses preuves dans le “gros son” et il a très bien saisi notre problématique de groupe de live. On a donc eu droit à un vrai premier album et non une simple maquette.” Ce premier opus accouché, il était temps de retrouver les routes et le public. “Le disque est déjà loin derrière nous. Il nous a permis de redécouvrir notre répertoire, de rechercher l’efficacité dans chaque morceau. Depuis on a aussi travaillé notre jeu de scène, dans le cadre d’une résidence, et intégré de nouveaux instruments comme la guitare jouée à l’archet et d’autres surprises. A présent, on en est presque à penser au prochain album !” En attendant, on s’arrache Pamalalarache parmi un large public rencontré lors de leurs incessantes tournées. D’ailleurs, les notes de pochettes invitent directement l’auditeur à se joindre à leurs grand-messes festives et percussives… “Pour un meilleur rapport qualité / bruit !”
Rafael Aragon 6
“Le bal folk moderne” - Thermogène myspace.com/resistenz Rencontre avec Ana Igluka, initiatrice du sombre duo nantais qui provoque le buzz depuis sa sélection au tremplin Découverte du Printemps de Bourges en avril dernier. Ce projet polymorphe mélange “post-rock, poésie contemporaine et catharsis”. Le réalisme est troublant, entre Bertrand Cantat, André Breton et Brigitte Fontaine. Car à la manière des surréalistes, Résistenz résulte d’un accident. La rencontre tout d’abord avec El Motou Grosso, puis “le rejet des structures classiques guitare/basse/batterie et des textes en français.” Il en découle des “lectures poétiques”, quelque fois illustrées par le cinéaste Charlie Mars. Et à ceux qui trouvent le spectacle pessimiste, Ana répond : “C’est le principe même de l’écriture. Une fois écris, les mots ne nous appartiennent plus. Et être pessimiste, c’est justement garder les choses pour soi. Il y a ici une lueur d’espoir et les gens s’identifient. Il s’agit de domestiquer ses angoisses.” Pour autant, le processus créatif n’en est pas plus difficile. Au contraire, il en devient salvateur : “Ce qui est difficile, c’est la rigueur technique. J’essaie de décrire les sensations, ce qui donne au final des images oniriques avec des couleurs et des odeurs.” Un thème est récurrent à toute cette œuvre musicale et théâtrale : l’histoire de l’attachement et de la fidélité, d’où l’utilisation d’un chien rouge comme logo. “L’animal est le symbole de l’engagement et de la stabilité mentale. Il est très hiérarchisé et seul l’esprit civique importe.” L’artiste a aussi cette mission. Dire aux autres : “Vous n’êtes pas seul”. Samuel Degasne
D.R.
ON Y CROIT
Yerban Kuru
Ed-Äke “In loving memory…” Wicked Music / Discograph www.myspace.com/edake
D.R.
Voilà maintenant trois ans que nous parviennent les échos de ce quartet franc-comtois au nom exotique, à grands coups de premières parties mémorables et de maxis prometteurs. Voilà un groupe singulier, aux confins de l’électro et du rock dur. Leur musique est difficilement définissable, sans parler d’invoquer d’interminables listes d’influences ou d’inventer une obscure terminologie stylistique à base de “post-” et de “néo-” quelque chose. Proche par la démarche des défricheurs dub “à la française”, Lab° en tête, Yerban Kuru puise aussi son inspiration dans la tradition rock locale et la scène britannique : “Le Royaume-Uni a une longueur d’avance niveau ouverture musicale, ce genre de fusion punky-dub y existe depuis vingt ans, par exemple avec Inner Terrestrials. C’est à mon avis la découverte de ces groupes qui insuffle du sang neuf à la scène française. Quant à la Franche-Comté, c’est une terre de metal, de post-rock et de noise, où on fait un peu office d’ovni. Cependant les salles nous ouvrent leurs portes avec confiance.” Ce mélange de machines et d’instruments n’exclue pas les textes, samplés ou déclamés, discrets, mais centraux : “Leur place est celle d’un instrument à part entière. Plus qu’une ligne directrice, ils sont un élément de relief dans notre musique. C’est elle qui est source de texte et non l’inverse.” Repérés par l’équipe de Trollsprod, qui a trouvé leur mixture audacieuse, Yerban Kuru se prépare à sortir son premier long format à la fin de l’hiver : “On continue de planifier la sortie de l’album, musicalement et administrativement. Ce n’est pas toujours facile, mais on a la niac et une équipe sérieuse nous suit, ce qui est très motivant ! Parallèlement, on rentre dans une période assez calme qui nous permettra de nous concentrer d’avantage à l’écriture.” Eclosion prévue début mars !
Caroline Dall’o
“Yerban Kuru” - Trollsprod / Anticraft www.yerban-kuru.com
Rafael Aragon
Suki Brownies “Suki Brownies” - LaFolie Records www.sukibrownies.com Il ne leur aura fallu que trois ans pour se forger une véritable personnalité, dotée d’un son brut et poignant qui pioche dans leurs influences et leurs propres expériences, pimentée d’une bonne dose d’originalité. Les Suki Brownies naissent en région lyonnaise avec l’arrivée de Suki, chanteuse anglaise à la voix douce et sauvage, toute disposée à poser son timbre et ses mots sur les compositions de Jo et Romu : “Il y avait chez chacun de nous une pulsion d’écrire et de faire de la musique. Aussi a-t-on laissé parler l’inconscient.” L’alchimie est parfaite, entre les références américaines des années 90 des garçons et la sensibilité de la belle Anglo-saxonne. Les mélodies pop se laissent tenter par les riffs grunge pour accompagner des textes personnels interprétés en anglais : “Suki s’inspire de l’individu et de son rapport avec l’espace qui l’entoure. Elle se sert du quotidien ainsi que du rêve ; le réel et l’irréel se côtoient. L’angoisse, l’aliénation et la crise de l’identité sont des sujets récurrents.” Leur rencontre avec Jean-Baptiste Ayoub marque le début d’une démarche professionnelle et la construction de leur premier album. Le producteur canalise leur énergie créatrice jusqu’à ce qu’ils soient enfin prêts à entrer en studio : “Il nous a encouragés, c’est quelqu’un qui a toujours cru en nous et en notre univers musical. L’enregistrement s’est déroulé dans une tranquillité débordante. On a pris le temps de se connaître soi-même, avec un maximum d’écoute, tout en respectant le teatime !” Sorti en septembre, le disque ne pouvait que porter leur nom, tant il leur ressemble! Une belle façon de se lancer sur la scène rock indépendante française… Yann Guillou
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Ed-Äke, ce sont cinq garçons de la banlieue parisienne qui font du rock au sens large, mêlant esprit metal et acoustique, accroches pop et puissance électrique. Tout commence en 2000 et la réunion de plusieurs amis de longue date. Dym assure le chant aux côtés de son frère Nico à la batterie, de Fred et JB à la guitare et de Julien à la basse. En 2003, le groupe sort son premier maxi Stade kritik, davantage orienté néo-metal : “Au début, on ne savait pas trop si on devait chanter en français ou en anglais. Puis après le maxi, on a commencé à trouver notre voie”, explique Dym. Elle s’exprime tout au long de leur premier album In loving memory of a dead rock band, d’approche résolument anglo-saxonne et décomplexée de ses origines françaises : “C’est un objectif que l’on a depuis le début : ne pas faire de la musique franco-française ! On souhaite qu’elle plaise à toutes les populations… et aux Anglo-Saxons évidemment ! On reçoit parfois des messages sur notre MySpace de gens qui nous croient anglais ou américains ! Ca fait plaisir de ne pas être jugé sur notre nationalité, mais sur notre musique. On trouve qu’artistiquement, les Français sont souvent timides, comme s’ils avaient peur de faire vraiment du spectacle et d’essayer de s’exporter. Quand on voit l’exemple de Gojira, on se dit que l’on ne s’est peutêtre pas trompé et que tout peut arriver. L’avenir nous le dira…” Leur disque paru en France et en Belgique, c’est à la scène que les membres d’Ed-Äke accordent aujourd’hui toute leur attention. Un retour à la source pour ce groupe qui a taillé sa réputation dans le bois de ses sets rageurs. Ils entendent bien ainsi imposer leur style et prouver que le rock ne connaît pas de frontières…
Caroline Dall’o
Alain Dodeler
ON Y CROIT
Uminski Robert Gil
Monsieur Z “Propagande de l’hybride” - Autoproduit www.monsieurz.org Z comme zélé. Electro sensible ciselée sur une base de guitares : ce quatuor de Besançon ne laisse rien au hasard et travaille ses morceaux en véritables “orfèvres du son”. Après un premier album électro-ragga-féroce, ils reviennent avec une nouvelle galette résolument rock : “On a réalisé qu’il y avait une rupture entre le son du disque et celui sur scène, plus puissant. On a travaillé les nouveaux titres dans ce sens, avec plus de basse et de batterie.” Résultat : un son habilement manœuvré pour paraître brut d’énergie et subtilement bigarré. Z comme zig zag. Le groupe navigue entre les genres, brassant groove, ragga, électro. Une étendue de références empêchant les comparaisons hasardeuses. “Nous croyons fermement aux mélanges des styles, des humeurs et surtout des gens. C’est une source d’élévation.” Leurs titres métissent également poésie et de politique. Guillaume, autour de qui s’est formé le projet, façonne des textes coups de poing, corrosifs et révoltés : “J’ouvre les yeux, je regarde le journal, les gens. Je couche tout sur un cahier, l’accompagnement avance en parallèle.” Z comme zone. “Le 21 avril 2002, le pays a franchi une ligne. C’est le règne de la peur et du chacun pour soi.” Vindicatif, Monsieur Z frôle souvent la crise de nerf, il dénonce : “On ne veut pas se la jouer donneur de leçon. On dresse simplement un constat.” Chantés ou rappés, les textes frappés aux riffs de guitare appellent à tout foutre en l’air, mais pas pour rien : “Plutôt pour construire de nouvelles bases, un monde meilleur.” Z comme Zorro ? Un peu. “On ne changera pas la face du monde, mais si une ou deux personnes sont touchées, c’est déjà pas mal.” A vérifier dès janvier, où débute leur tournée.
Aena Léo
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L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
myspace.com/amedeecolere Présence scénique détonante, textes fins et émotions à la pelle : ce quintette a trouvé la bonne équation pour un rock qui envoie. A l’époque de leur rencontre, en 2005, Fanch, l’auteur des textes, cherchait des musiciens pour l’accompagner dans son projet solo. Mais la complicité qui va naître entre eux donnera naissance à un nouveau groupe, Amédée Colère : “Nous venons d’univers très différents : jazz, rock, chanson, reggae. Il nous a fallu un moment pour digérer ces influences”, expliquent-ils. Un éclectisme qui fait aussi leur force : “Nous l’avons travaillé jusqu’à donner à nos instruments une couleur inédite.” En quelques mois et deux passages par le Chantier des Francos, c’est chose faite. “On se reconnaît à peine dans ce que l’on jouait il y a six mois ! Nous sommes allés vers plus d’électrique et de rock, moins de chanson.” L’audace de leur répertoire doit beaucoup au vibraphone, qui colore leur rock d’accords cristallins et jazzy. Mais pas seulement. L’alchimie de la contrebasse menée avec dextérité, de la batterie et de la guitare aux riffs définitivement rock est tout aussi puissante. L’accompagnement, nourri d’influences anglosaxonnes, laisse la part belle aux mélodies et aux textes héritiers d’une veine plutôt chanson. Ils explorent une poésie intime et subtilement engagée. Sur scène, elle est incarnée par la voix de Fanch qui susurre, s’énerve, habite les mots avec une énergie haletante. Le groupe tourne actuellement avec une quinzaine de titres qu’il continue de peaufiner : “Ils évoluent en fonction de nos rencontres, des réactions du public…” Objectif : garder les meilleurs pour leur premier album, courant 2008. D’ici là ? “Du live, encore du live, toujours du live !” Aena Léo
D.R.
Amédée Colère
“Les curiosités” - Warner myspace.com/uminski Après deux albums solo où il laissait s’exprimer sa passion pour le rock garage sixties, cet artiste complet, fondateur du groupe Montecarl dans les 90’s, revient avec douze titres en français, orchestrés façon cabaret. Quelle a été la démarche pour concevoir Les curiosités ? J’ai eu très envie d’écrire des chansons de mon âge, d’enlever la patine du rockeur et d’être au plus près de moimême. J’ai beaucoup travaillé les textes, m’interdisant d’enregistrer une seule note avant que la chanson ne tienne la route en guitare / voix. A l’enregistrement, nous avons joué intégralement en live, sans accordeurs et tempos électroniques, dans ce même souci de vérité. Je crois pouvoir dire que ce fut un beau moment pour tous ceux qui y ont participé. Pour moi, c’est un album de libération. Les textes ont un ton assez désabusé, mais gardent une confiance en la vie, la destinée. C’est un état d’esprit ? Absolument ! On me décrit comme un dépressif optimiste ! J’ai un regard un peu dur, un peu sec sur le monde, mélangé à une grande joie de vivre. Pourquoi avoir introduit des cuivres et des cordes ? J’adore écrire pour orchestre ; j’ai étudié au conservatoire assez longuement. Je le fais souvent pour des productions auxquelles je participe. Pour la première fois, mon style était en accord avec ce genre de pratique, alors je ne me suis pas privé ! Quelle est la chanson que tu as le plus de plaisir à chanter ? Celles que j’ai écrites me conviennent vocalement, dans un registre où je suis bien, sans essayer d’imiter machin ou truc (ou alors pour m’amuser). Du coup j’aime toutes les chanter, avec une mention spéciale pour Lola Lola, dont j’apprécie le côté décadent et tendrement misogyne du texte. Elsa Songis
Raphaël Lugassy
ON Y CROIT
Benoît Dorémus
Tétard
Alain Dodeler
Dans Génération X, l’écrivain canadien Douglas Coupland évoque ces gens “morts à 20 ans et enterrés à 80”. Le moins que l’on puisse dire c’est que Benoît Dorémus, Parisien d’origine messine, est loin d’en faire partie. A l’écoute de son premier album et après l’avoir côtoyé, on est marqué par son extrême sérénité, qui cohabite avec une rage évidente. Il avoue son amour des mots : “J’ai toujours voulu écrire, hésitant entre chanson et littérature. J’ai même écrit un livre, qui heureusement n’a jamais été publié.” Après quelques années de galère, à 27 ans, son histoire ressemble à un vrai conte de fées : “Fais bien attention à ce que tu te souhaites car cela va finir par t’arriver”, a prévenu Max Gelbstern. Notre homme explique : “Depuis tout petit, je vais chercher mon destin. Je savais que, tôt ou tard, je croiserais la route de Renaud.” L’homme providentiel s’appelle Sarcloret (voir article même page) qui demande à Benoît de récupérer sa femme à la gare et… une guitare destinée à l’auteur de Mistral Gagnant. La rencontre a lieu. Deux jours plus tard, son téléphone sonne : “Bravo, p’tit salaud !”. Renaud est enthousiaste à telle enseigne qu’il veut produire l’album. Ce contexte a donné des ailes à celui à qui on reprochait souvent de faire du Renaud… Impossible désormais de chanter comme son maître. Aidé d’Aymeric Westrich, brillant réalisateur, il a réussi à s’émanciper de cette référence tutélaire en allant vers un son hip hop, tout en conservant des ballades, traditionnelles dans la forme, mais très efficaces, comme lorsqu’il se montre caustique : “Eh, m’oublie pas quand tu seras une star ! Je t’aurai oublié bien avant ça, connard”, écrit il dans L’enfer. L’album se termine par un très bel instrumental : “C’est une piste pour mon deuxième album auquel je pense déjà.” On a hâte d’écouter et on se demande si, entre chanson et hip hop, Benoît Dorémus n’aurait pas ouvert une brèche. Et s’il était l’alpha d’un courant qui n’existe pas encore ?
Fred Huiban
“Jeunesse se passe” - Capitol www.benoitdoremus.com
Jacques Kasbi
“Faudra faire avec…” - Booster / Pias www.tetard.fr
Sarcloret “A tombeau ouvert - Chansons posthumes vol.1” Côtes du Rhône / Kiuiprod - www.sarclo.com Nouvel album, nouveau spectacle pour Sarcloret, le plus “chantiste” des architectes helvètes. Déjà 37 ans qu’il fait de la chanson son propre théâtre “comme une façon personnelle d’enquiller 23 tragédies, comédies ou observations de mœurs sans être emmerdé par des metteurs en scène.” Tout en étant une référence de la chanson francophone reconnue parmi ses concitoyens et ses confrères (encensé par Renaud, Richard Desjardins ou encore Vincent Baguian…), il dérange souvent par son franc-parler. “C’est mon côté intègre. Les simagrées, je ne sais pas faire.” La demi-teinte, ce n’est pas son truc…et ça le rend terriblement drôle et attachant. “Les grossièretés, elles sont justement là pour censurer le flot de la tendresse ou de la chaleur, elles viennent comme des espèces de ponctuation pour empêcher la mièvrerie d’assaillir l’auditeur et le locuteur.” Il s’arrange tant bien que mal entre ses origines, “cette chape de bourgeoisie suisse à la con”, le monde qu’il s’est construit et vers lequel il tend. Qu’il soit question de politique ou d’amour, il n’a pas la langue dans sa poche. “Je ne suis pas du tout anarchiste, je suis bordélique ! Je suis social démocrate à fond, juste rose / vert gentil, mais quand je suis poète et que j’écris des chansons, je vais dire des horreurs, faire de la pochade, du noir / blanc. Je dis que je voudrais zigouiller Blocher, parce que je trouve que la plume doit faire plus que le bulletin de vote…” Le folk singer suisse romand à l’humour féroce, celui qui a repris son pseudo initial, Sarcloret, au détriment de son abréviation, Sarclo, pour éviter tout amalgame fâcheux avec une politique à laquelle il n’adhère pas, avoue aimer ‘gratter les croûtes, pas les siennes, celles des autres’ et ne laisse personne indifférent. Sarclo, c’est juste une belle personne qui séduit les sensibles et les intelligents sans s’encombrer des pénibles et des suffisants. Sur scène, il ne fera pas semblant non plus, ni de vous bousculer, ni de vous émouvoir… Valérie Bour 9
Voici déjà cinq ans que l’on suit de près David Tétard. Dès son premier album, 12 pures chansons, autoproduit, autodistribué et édité à quelques 1500 exemplaires (puis réédité en 2005), quelque chose en nous vibrait à l’écoute de ces chansons simples, efficaces et sensibles. On découvrait alors un artiste qui, sur des compositions pop subtilement arrangées, livrait ses errances amoureuses tout en évitant l’écueil de la facilité. Repéré alors par Philippe Almosnino, guitariste des Wampas, David s’entoure de Pierre Dubost (bassiste de Tarmac) et de Gérard Gacoin (batteur de Vegomatic) pour s’attaquer à la scène où Tétard devient un groupe à part entière ; le même qui enregistrera un second album, Mes dix doigts, toutefois intégralement encore écrit par David : “L’album le plus rock que je ferai”, pense l’intéressé. Car Tétard, c’est avant tout de la chanson, une écriture personnelle, des portraits de couples, de femmes, des histoires d’amour qui finissent… mal, en général. On retrouve sur son nouvel opus, paru en septembre dernier, les mêmes ingrédients qui nous avaient précédemment séduits. C’est le retour à une pop aux orchestrations variées, avec à la réalisation deux noms familiers : Gaétan et Robin, chanteur et bassiste de Louise Attaque. Un apport extérieur qui permet à Tétard, le groupe (rejoint depuis par Matthieu à la guitare et Cécile au xylo et voix), une approche différente (la vérification peut s’effectuer gratuitement sur leur site où l’album est disponible dans son intégralité, en streaming). Aujourd’hui, c’est en live que s’épanouissent ces nouveaux titres : “J’ai toujours détesté entendre en concert la même chose que ce qu’il y a sur album. Si c’est la simplicité qui prime sur mes disques, le message n’est pas le même sur scène. Le maître mot y est clairement : énergie !” Faut faire avec et c’est tant mieux ! Caroline Dall’o
DEPORTIVO
FRENCH COWBOY
D.R.
Alain Dodeler
ON Y TIENT
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l en a connu des shérifs scalpés, Federico Pellegrini, quand il sévissait avec sa bande pop The Little Rabbits. Aujourd’hui repenti folk, le pistolero nous refait le coup de l’attaque de la diligence avec quelques anciens compères. Préparez le goudron et les plumes, French Cowboy est en ville… Du nouveau à l’Ouest ? Les Nantais l’ont prouvé toute leur vie. Tout d’abord avec leur pop anglaise, popularisant une reprise de Jazz Butcher et autres comptines innocentes de feu de camp. Puis, avec la fameuse “vague rose” décrite par les Inrocks il y a plus de dix ans où girls américaines, jem’en-foutisme dandy et irrévérence juvénile cohabitaient avec indécence. C’est à croire que les Little Rabbits avaient trop d’avance pour une époque où la pop française faisait dans le mélodrame. A la dissolution du groupe, chacun parti “dans une chevauchée en solitaire”. Les uns sous le nom de Secte Machine, officiant avec Katerine, et de l’autre côté, le chef des petits lapins jouant les duellistes avec Helena Noguerra, aka Dillinger Girl. “Nouveau paysage. Nouveau territoire à explorer.” Le groupe, quasi au grand complet, est de retour dans l’eldorado, non loin de The Married Monk. L’atmosphère folk est marquée au fer, avec quelques portraits d’aïeuls country au contour jauni. L’écriture est “spontanée, sans orchestration ambitieuse”. Ici, les squelettes désossés gisent parmi les bourrasques de sable et attaquent à la gorge les aventureux. “Rien n’est figé.” Sans cesse en mouvement, comme “le bluesman affine sa mélodie” tout au long de sa vie au fond d’un rade noirci par le temps. French Cowboy ? C’est le surnom donné à Federico par le producteur Jim Waters (Calexico, Jon Spencer). “Presque une philosophie”, tant l’artiste et ses desperados ont défriché les paysages. Non pas que les musiciens s’aventuraient en terrain vierge, mais chaque fois c’était à contresens, perdurant dans le hors-pistes. Car Federico est de son propre aveu “boulimique”, concrétisant ses idées sur bande “dès qu’elles arrivent”. Résultat ? Une mélancolie jouée à bâtons rompus jusqu’au générique. Une clameur qui résonne à travers les portes de son nouveau saloon : Havalina Records. Samuel Degasne “Baby Face Nelson was a…” - Havalina Records / Differ-Ant - myspace.com/thefrenchcowboy
A
vec ses riffs arrogants et ses concerts incandescents, Deportivo a imposé un style sans faux-semblants, ni compromis. Le trio de Bois d’Arcy revendique une liberté de ton et d’action pour une musique instinctive sans prise de tête, ni prise de risque. Leur deuxième album confirme leur tendance punk-rock à la française : “On a toujours une guitare, une basse, une batterie et un chant, sourit Jérôme Coudrane, chanteur guitariste. Cela ne pouvait pas être très loin de ce que l’on faisait.” Pourtant, la différence est bien là entre les oreilles : le son est cette fois énorme ! L’aboutissement d’un travail collectif dans leur studio fétiche, à Angers : “Notre ingénieur du son, Yann Madec, a construit le Black Box avec Iain Burgess et Peter Deimel. Il le connaît parfaitement, nous n’avons eu qu’à profiter du formidable matériel de Iain. Là-bas, on était confortable, on dormait à la ferme, on se sentait chez nous…” Gordon Raphaël, l’homme qui a fait le son des Strokes, a rejoint le quatuor pour le mixage. Un choix initié par Nicolas, leur directeur artistique, qui avait, sans mot dire, obtenu l’aval du producteur avant de le proposer aux trois Frenchies. “On est allé passer dix jours chez Gordon, à Londres, avant de venir au Black Box. On a fini quelques chansons… et pris du bon temps !” L’association Yann / Gordon s’affirme pertinente, et la mission est remplie avec ces dix nouvelles chansons qui font plaisir à entendre : entre punk, folk et grunge. Le trio, inspiré pas seulement par Noir Désir, La Mano Negra ou Sloy, électrise à merveille Les bières d’aujourd’hui …, titre de Miossec devenu un classique de leurs concerts. Proche des Wampas ou des Louise Attaque, mais pas vraiment de Luke avec qui ils ont pourtant fait une tournée triomphale, Deportivo paraît apte à reprendre à son compte l’héritage alternatif. Sans se fourvoyer ni se corrompre : “Ne faire que ce que nous avons envie de faire, ce n’est pas évident tout le temps, il faut résister à certains trucs pénibles, mais les maisons de disques avec qui on travaille sont assez conciliantes et nous comprennent. Nous n’avons quand même pas arrêté de travailler en usine pour avoir les mêmes contraintes avec notre passion !” Carpe diem ! Patrick Auffret “Deportivo” - Le Village Vert / Barclay myspace.com/deportivoofficial
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LES BLAIREAUX
SAMARABALOUF
Aena Léo
Robert Gil
ON Y TIENT
v
ous entendrez sur cet album une trentaine de langues. Au détour d’un morceau, il s’y susurre même quelques mots d’amour en langage imaginaire. “Nous voulions travailler les voix d’une façon très spéciale, explique François, guitariste. On s’est construit une bibliothèque de sons dans lesquels nous avons pioché à souhait pour agrémenter chaque titre.” Ces voix, ils les ont mis en boîte lors d’une journée d’enregistrement à Savigny le Temple. “A côté du studio, il y avait un centre regroupant une cinquantaine d’associations du monde entier : on a demandé aux membres de venir, ils ont joué le jeu.” Résultat : des éclats de rire, des bouts de phrases, des bruits de bouche, de baisers, des chœurs foutraques ou encore, des chuchotements à vous coller des frissons tout le long de la colonne. Ce trio guitares-contrebasse n’a plus grand-chose à voir avec le groupe de jazz manouche des débuts, en 1998. “On s’en est éloigné pour construire notre propre genre en s’inspirant de nos voyages. Finalement, notre musique est plus world que jazz”, expliquent ces virtuoses des cordes qui parfument leur swing à la rumba, au flamenco, au rock ou aux rythmes arabisants. Quelques accords se colorent parfois d’accents country, fruits de leurs nombreux séjours aux Etats-Unis, où ils jouent désormais tous les ans grâce à un tourneur qu’ils ont rencontré sur place. En revanche, le groupe a choisi de ne quasiment jamais accompagner ses titres de paroles. Du coup, l’imagination vagabonde sans retenue au fil de ce quatrième album généreux et mélodique, souvent dansant ou drôle. On s’imagine marchant seul sur une falaise venteuse, ou en bas sur la plage avec les sirènes, ou encore au milieu d’un café rigolard et chaleureux… Seule exception de l’album, L’étoile au Sahara, chantée en arabe par Leila d’Orange Blossom, une perle sucrée et sensuelle qui transporte du côté du désert. En concert, les trois musiciens dégagent une énergie presque rock. Ils entrent en fusion avec leurs instruments, laissant exploser la puissance émotive des morceaux. Captivant… Sur scène à L’Européen du 30 janvier au 2 février, puis en tournée. Aena Léo “Bababa” - F2F Music / L’Autre Distribution www.samarabalouf.fr
e
n préparant Parades prénuptiales, les Toulousains ont franchi un palier. Dans leurs chansons, il y a de la mélancolie sans pathos, de la tendresse pas lourdingue et toujours de la fine et franche rigolade. C’était déjà bien avant, mais là, ça sonne mieux. Cette révolution, Les Blaireaux ne l’ont pas faite tout seuls. Pour le live, une metteuse en scène leur a appris quelques “trucs de comédiens” : des manières de se placer, de jeter des regards pour mettre plus d’émotions dans l’interprétation… “Nos saynètes et nos histoires s’y prêtent, mais il nous a quand même fallu deux ans de boulot pour ne plus avoir l’image d’un “groupe festif ”, reconnaît Alexandre. Ca a été difficile pour moi d’assumer les chansons tristes et calmes.” Néanmoins, ça s’apprend ; c’est même un métier ! “A nos débuts, je pensais que le public devait rire tout le temps et applaudir à tout rompre, se souvient le Blaireau chantant, mais depuis quelques temps, je prends plaisir à interpréter les chansons plus sensibles.” L’autre apport est venu du réalisateur-studio Dominique Ledudal. Tout en préservant le groupe cohérent et soudé, il lui a permis de s’ouvrir à des invités : Emily Loizeau, Manu de Tryo, qui joue quelques percus ou Pierre Sangra, guitariste de Thomas Fersen. “Dominique est heureusement sorti de son rôle d’ingénieur du son. Il y a mis du sien pour servir l’album, c’est essentiel.” Et côté textes ? “Les chansons présentes sont celles que l’on a le plus travaillées. De toute façon, il n’y a jamais de premier jet sur disque. Il faut que les textes m’amusent et m’appartiennent pleinement pour que j’y revienne. Balance l’info ou Le gardien de musée m’ont accompagné pendant longtemps.” Pour écrire, Alexandre a besoin de rentrer dans son personnage afin de comprendre comment il agit et ressent les choses. C’est la méthode actor’s studio appliquée à la chanson. Certes, c’est un peu plus long, mais le résultat est là. Les autres membres qui écrivent des textes n’ont pas la même démarche, mais partagent la même obsession : être compris de tous. Foin de vers de mirlitons, les mots sont simples, mais le propos jamais simpliste. Pas mal pour un prétendu “groupe festif ”. Eric Nahon “Parades prénuptiales” - At(h)ome / Wagram les.blaireaux.free.fr
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TUE-LOUP
BRISA ROCHÉ
D.R.
Robert Gil
ON Y TIENT
v
ous aurez lu ici ou là que la charmante Brisa (la Brisa Day Roché pour être exact) ressemblait fort à Björk. S’il ne faut pas tout le temps croire ce que les médias vous disent, vous pouvez dans le cas présent leur faire confiance ! Oui, la ressemblance est troublante : même air mutin, même talent à fleur de peau. Et si les accointances avec l’Islandaise ne s’arrêtent pas là (on pense à cette aisance vocale qui lui fait balader son joli timbre au-delà de nos habitudes harmoniques, jonglant entre graves et aigus avec une facilité déconcertante), c’est davantage du côté d’une autre figure du rock qu’il faut aller chercher sa principale influence : “Quand j’avais 18 ans, je voulais devenir la nouvelle PJ Harvey. Je jouais dans des groupes, mais je n’arrivais pas à trouver des gens qui comprenaient ce que je voulais. J’étais une jeune femme politisée, pas encore très sûre de sa féminité. Les garçons avec lesquels je jouais me voyaient comme une sorte de Sarah McLaughlin (NDR : chanteuse canadienne). Moi je voulais durcir le trait, mais je n’étais pour eux qu’une fille à la voix douce. J’ai été tellement déçue que j’ai fini par vendre ma guitare électrique et me suis tournée vers le jazz. J’ai alors mis totalement de côté cette première envie jusqu’à ces dernières années”, explique la Californienne dans un français impeccable. Résidente parisienne depuis 2002, Brisa signe avec Takes un second opus plus personnel, dans lequel elle s’est totalement investie : “Ce disque est une autre aventure: je savais ce que je voulais, où j’allais. J’avais envie de mélanger tout ce que j’aime, d’y retrouver ce qui me fait vibrer dans la musique.” Plus folk et psyché, Brisa serait-elle nostalgique des années 60/70 ? “Je ne cherche absolument pas à faire référence à une époque quelle qu’elle soit. Mais je voulais que ma musique fasse un effet physique à ceux qui l’écoutent. Et les sons qui ont ce pouvoir viennent souvent d’une autre époque où les logiciels ne rectifiaient pas tout, des respirations aux souffles, en passant par les fausses notes. Je préfère les chansons qui vivent sans artifices”, conclut-elle dans un sourire espiègle.
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e temps passe vite. Deux ans déjà sans nouvelles de Tue-Loup. La précieuse formation Sarthoise nous avait habitués à des albums en constante évolution. Leur “folk rural en français” (ça y est, c’est dit, on n’y reviendra plus) s’agrémentait de variations atmosphériques orageuses à base de rock, rap, trad’ franchouille ou Réunionnais. Le Lac de Fish sonne comme un “retour aux sources”. Si la plume est toujours trempée dans une encre noire et lucide qui ferait passer Miossec pour Jean Roucas, les ambiances country classieuses sont les héritières des Sardines, de La bancale ou La belle inutile, les trois premiers diamants du groupe. Xavier Plumas, auteur-chanteur s’explique : “En fait, ce disque s’est fait à l’envers. Ces chansons étaient destinées à un projet solo guitare-voix que je préparais en même temps qu’un album de Tue-Loup. Et puis, je me suis dit que ça serait sympa que Thierry vienne jouer de la guitare avec moi sur un morceau. Et il a joué sur tout le disque. Après, nous nous sommes dit qu’un peu de batterie ne ferait pas de mal. Evidemment, c’était encore meilleur avec de la basse, surtout qu’Eric venait de s’acheter une basse acoustique…” La bande au complet, Le Lac de Fish avance tellement bien qu’il sort avant le disque originellement pressenti… encore en cours de mixage. Cet album incident, arrivé par hasard et par envie est bien du pur Tue-Loup et du TueLoup épuré. Le groupe n’a pas son pareil pour exposer sa fragilité, fendant l’armure comme jamais au détour d’un trait d’harmonica ou d’une basse fine. “L’album est moins contrasté et plus fluide que les précédents. Nous l’avons mixé comme une session, tous les instruments sont joués au même endroit.” Même entièrement acoustique, Tue-Loup sonne encore beaucoup plus rock que ses congénères. D’ailleurs si on leur cherche des équivalents, c’est du côté de Will Oldham et Calexico qu’on les trouve. Sur scène, le groupe oscille entre tension, électricité et poésie. Ca joue du feu de Dieu et avec une classe folle ! Depuis dix ans, Tue-Loup, cousin de Murat ou de Noir Désir, nous rappelle que la tempête est toujours plus intéressante qu’un ciel bleu sans nuage. Eric Nahon “Le Lac de Fish” - T-Rec / Anticraft myspace.com/tueloup
Caroline Dall’o “Takes” - Discograph myspace.com/brisaroche 12
AMÉLIE-LES-CRAYONS
INA-ICH
Robert Gil
Robert Gil
ON Y TIENT
P
armi les découvertes de cette fin d’année, voici un projet qui s’illustre par sa maturité et son originalité. Les apparences (le single Ame armée et la pochette du disque), trompeuses évidemment, laissent présager d’un énième girl-band metalleux ou d’un rejeton de la culture manga. Fausse piste. Ina-Ich réussit le pari osé de marier deux univers jusque-là éloignés, la chanson à texte et le rock énervé, en se jouant des clichés et avec une forte personnalité. Le soutien simultané d’une certaine presse rock “à guitare” et d’instances de la chanson, comme le Chantier des Francos, en est la preuve. Le pseudo choisi par Kim Thuy est révélateur : “C’est en fait une variation du vietnamien “in-ich” qui signifie “larsen”, mais aussi, étymologiquement, “vacarme utile”.” Une clef pour comprendre l’univers musical et textuel qui s’offre à nous. Les thèmes, tour à tour intimes et universels, sont traités avec brio dans un langage direct et accessible, sans artifices. Comme la musique, ils ont été conçus dans la solitude d’un home-studio parisien : “De formation classique, j’ai suivi une formation pour devenir accordeuse de piano, puis je suis montée sur Paris pour y travailler. Je suis alors devenue choriste dans un groupe local, mais je me suis vite aperçue de la nécessité de m’exprimer en mon nom propre, et c’est ainsi que j’ai commencé à composer, d’abord au piano, puis avec les programmations.” Kim entreprend donc de se promouvoir seule, dans un pur esprit d’indépendance, quand l’équipe de Baïdjan la repère : “Je les ai rencontrés grâce à un ami pianiste, Yaron Herman. J’étais plutôt méfiante envers les producteurs et industriels de la musique, et j’appréhendais l’idée de déléguer. Le label m’a donc suivi pendant quatre mois, à chaque concert, avant de gagner ma confiance ! Je voulais être certaine de pouvoir garder mon univers intact. Cette patience m’a permis de m’entourer des bonnes personnes, qui forment autour de moi une sphère presque familiale.” Face au défilé incessant des gloires éphémères retombant dans l’anonymat au gré des caprices de la mode et du commerce, une telle démarche pourrait bien lui garantir la pérennité, en plus d’une intégrité conservée.
U
n an après la tournée du spectacle Le chant des coquelicots, la chanteuse lyonnaise est de retour avec un nouveau projet. Le personnage sombre toujours dans la douce folie féminine ou virevolte entre obsessions maladives et délires féeriques. Une chanson française théâtrale au goût de bonbon acidulé. COMMENT FAIT-ON POUR NE PAS SE LASSER EN 3 ANS DE TOURNÉE ? C’est dingue, oui ! D’un autre côté, le spectacle est dans l’interactivité… Au départ, il faisait 1h15, à la fin de la tournée il en faisait 2h. Et nous n’avons rien rajouté ! Moi, je viens plutôt de la scène. J’ai mis plus de temps à savoir comment faire un disque. EN QUOI AVEZ-VOUS ÉVOLUÉ DANS CETTE RELATION COMÉDIENNE / CHANTEUSE ? Au fur et à mesure, j’ai de plus en plus accepté ma voix et pris notamment des cours. J’ai vraiment conscience d’être chanteuse désormais. Entre les deux disques, ma technique a évolué c’est évident, mais davantage d’un point de vue des arrangements, des chœurs ou des envolées lyriques. C’est sûr que je n’aurai jamais la voix de Tom Waits. A moi d’en faire le deuil… (rires) QUELLE EST LA TENEUR DE CE NOUVEL ALBUM ? C’est plus posé, plus profond, moins hystérique et anecdotique. Dans le rêve… Il y avait déjà tous les ingrédients dans l’ancien album, mais pas dans les mêmes pourcentages. Oui, Amélie est quand même moins folledingue, elle a juste besoin de se raccrocher à l’enfance. Ribeyron y a fait un travail généreux avec une illustration par chanson. Ca devient ainsi un objet précieux et c’est important à l’heure de la musique virtuelle. VOUS VOUS RECONNAISSEZ DANS LA DÉMARCHE DE CRÉATION DE PERSONNAGES COMME -M- OU ZIGGY STARDUST ? Parfaitement. Cette Amélie me colle à la peau. Elle me permet d’aller dans des extrêmes que je ne m’autorise pas. Elle s’est par exemple mariée 200 fois au cours de la tournée ! Il y a bien sûr des chansons autobiographiques. Mais alors que dans la vie je suis plutôt réservée, Amélie-les-Crayons est moitié nymphomane… Samuel Degasne "Le porte plume" - Néômme www.amelielescrayons.com
Rafael Aragon “Ina-Ich” - Baïdjan / Wagram - www.ina-ich.net 13
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Sur la route de
MoRiaRTY Thomas Béhuret
Sorte de carnet de voyage de l’Amérique traditionnelle, ce groupe cultive un folklore rural et intemporel. Révélation du Printemps de Bourges 2006, il bénéficie des faveurs de la scène indie et en profite pour imposer son esthétisme désuet. Rencontre.
S
’il subsiste autant de mystère autour du groupe, c’est volontaire. “Chacun des membres a vécu plusieurs vies et cultive le mythe pour ne parler que de musique.” Ils sont comme ces peintres qui brûlent leurs toiles : “Ne jamais regarder derrière soi mais puiser dans ses expériences pour avancer”. Le nom Moriarty leur évoquait au début “le côté nomade de Dean”, le personnage du livre de Kerouac. Rien de plus normal pour des fils d’immigrés communistes, vietnamiens ou de nationalité américaine, suisse et française. Mais l’abondance de “significations est ensuite devenue une raison en elle-même”.
“Se mettre en danger et se dépouiller de tout artifice.”
le réalisée pour la pièce de théâtre de leur fille, Juliette. C’est de là qu’est issue la tête empaillée présente sur scène, un cadeau de Macha. Depuis, nous sommes co-produits par eux et non montés comme nous avons pu le lire sur Internet. Nous étions venus jouer deux fois ici, puis finalement on s’est Il existe une esthétique indéniable dans incrustés. Mais ce n’était pas vraiment des l’œuvre de Moriarty que le groupe n’exconcerts. Nous étions en acoustique, de plique que par son côté rationalisé. “Une manière informelle, avec une grande natte zone où les influences se rencontrent, un no africaine et un micro taxi.” Une configuration man’s land où converge plusieurs frontières comme à Bâle ou qu’ils renouvellent de temps en temps en première partie, dans l’Ohio. Et puis, nous essayons vraiment d’incarner nos comme l’a démontre le concert parisien d’AaRON. histoires et nos personnages”, répondent-ils d’une seule voix. Ainsi, aucun des Moriarty ne peut prévoir la direction des mor- Prochaine étape : le Canada. Une halte qui devrait s’avérer ceaux, “fonctionnant par contradiction” et essayant chacun de facile tant leur musique comporte “une dimension outre“tirer sa barque vers la rive qui l’intéresse”. Quant au single atlantique”, avec pour même leitmotiv : “se mettre en danger Jimmy, l’histoire d’un bison, sorte de comptine enfantine réin- et se dépouiller de tout artifice”. Car avoir plusieurs publics de terprétée pour adultes, il s’agit de “la première chanson que nationalités différentes, notamment américaine, n’est pas un le groupe a jouée ensemble il y a dix ans”. Une chanson parmi handicap ou une prétention en soi. Bien contraire… Pour le la quarantaine d’inédits qu’il reste dans les cartons. groupe, “il existe de nombreuses références françaises dans la musique traditionnelle américaine comme le cajun. Dans les Le buzz ? Le groupe ne le ressent pas, à l’exception d’une date Appalaches, on trouve de l’écossais ou de l’anglais. Et comme à la Maroquinerie où le public reprenait en chœur les chan- ce sont des régions retirées, certaines chansons paraissent sons. Une seule chose est sûre : “quelqu’un tente sans succès parfois plus authentiques que celles de leur lieu d’origine. Il de nous rentrer sur Wikipédia”. Car pour l’instant, Moriarty est donc absurde de rejeter la musique anglo-saxonne. Les était plus habitué “au buzz de l’ampli” de leur local de répéti- Etats-Unis ont besoin de notre musique et nous nous nourristion, une cave dont la voisine a été retrouvée morte dans sa sons de la leur.” Avec cet album, la boucle est bouclée. baignoire trois semaines plus tard. Samuel Degasne “Gee whiz but this is a lonesome town” Naïve / Deschamps & Makeïeff www.moriartyland.com
Puis, vient la rencontre avec la compagnie Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff (Cie Deschiens) grâce à “la bande origina15
Pauline
Croze Après le très bel accueil de son premier disque, on retrouve avec un plaisir non dissimulé la charmante Pauline, pour un album aérien, enjoué et mobile.
“P
lus on s’intéresse aux coïncidences et plus elles apparaissent”, écrivait Nabokov. Est-ce un signe ou bien une série de hasards ? Son attachée de presse s’appelle Muriel Valentin, son premier album est sorti le 14 février 2005 et c’est au magnifique Musée de la vie romantique, à Paris, que Pauline Croze donne rendez-vous pour ses press-junkets. Elle n’a presque pas changé : brune, jolie, humble, simple, souriante et talentueuse, mais moins fragile en apparence que lorsqu’on la découvrit avec T’es beau et les autres morceaux de son premier disque, vendu à quelques 130 000 exemplaires. Son très beau succès commercial et l’énorme buzz à oreilles qui l’avait précédé ont dû donner confiance à la nouvelle protégée d’Anne Claverie, ancienne manager d’Etienne Daho. Inévitablement, on l’attendait au tournant en se demandant comment elle allait pouvoir se renouveler. La très belle pochette signée Annabel Salesa donne le ton : cet album est vraiment lumineux et planant ! “Je voulais être plus polyvalente sur ce disque, d’où des influences très vastes : du jazz aux musiques africaines. C’était aussi une remise à zéro nécessaire, car je m’étais progressivement lassée de quelques chansons de mon premier CD. Je voulais aller vers des contrées non explorées”, explique celle qui n’a pas encore 30 ans. Assistée de Jean Lamoot pour la réalisation, Pauline signe tous les morceaux (sauf le titre d’ouverture Faux contacts, cocomposé avec Antoine Massoni, nouveau venu qui prépare son projet perso, et Baiser d’adieu signé Arthur H). Elle confirme ses qualités de mélodistes hors pair et ses textes, entre onirisme et réalités urbaines, sont beaux ; il y est bien sûr question d’amour, de voyages (son hommage à Valparaiso est digne du film que Joris Ivens consacra à cette ville Chilienne au charme légendaire), mais aussi de la beauté du quotidien, comme dans Jour de foule : “J’ai eu un jour une espèce de révélation et compris que ce qui nous paraît souvent banal devrait être reconnu à sa juste valeur : il nous faut faire preuve de plus de discernement et faire plus attention à ce(ux) qui nous entoure(nt).” On retrouve aussi avec grand plaisir sa voix au grain si unique. Elle avoue d’ailleurs : “Si je devais me réin16
Raphaël Lugassy
“Il faut faire plus attention à ce(ux) qui nous entoure(nt).” carner, ce serait en voix que j’aimerais le faire. Si je devais citer une voix qui me trouble, ce serait celle de Dave Gahan, le chanteur de Depeche Mode.” Celle qui reconnaît sortir peu voir des concerts et être volontiers solitaire, affiche avec un bel enthousiasme une découverte bien surprenante parmi ses récents coups de cœur musicaux : Ina-Ich, une jeune femme qui chante du metal en français (NDR : voir article page 13). “J’ai été bluffée par sa rage, sa sincérité ! J’ai hâte de la voir sur scène.” A ce propos, pour sa prochaine tournée (avec notamment le Bataclan les 10 et 11 mars 2008) Pauline sait déjà dans quelle direction elle veut aller : “Ce disque est beaucoup plus fluide et en mouvement que le premier, je veux conserver cet esprit. Je ne m’interdirai pas quelques pas de danse et je suis en train de rechercher des musiciens allant dans ce sens.” Parmi ses autres envies : le désir de composer une B.O., en grande cinéphile qu’elle est, et prendre le temps de se plonger dans la lecture du livre mythique pour les musiciens La partition intérieure de Jacques Siron. Elle y découvrira peut-être de nouvelles pistes, préludes à un troisième album que l’on guettera avec impatience. Jacques Kasbi “Un bruit qui court” - Wagram www.paulinecroze.com 17
Semtazone
AU JAPON Photos © Semtazone
En six ans d’existence et deux albums autoproduits, Semtazone a pu effectuer plus de 500 concerts en Europe et au Maroc, du café concert aux grands festivals, et rencontrant ainsi la majeure partie des groupes de la scène française actuelle. Au gré de ces rencontres, la musique de Semtazone s’est enrichie, affirmée, et a su trouver sa maturité dans un style qui ne se limite ni à la chanson, ni au rock, mais à tous les styles qui les influencent…
O
n nous avait mis en garde : le Japon c’est Mars vu par Tarantino ! Mais une fois de plus, nous voulions aller au bout de notre idée avec pour unique aide, celle des Japonais… Et croyez nous, ça valait le coup de la faire cette tournée !
près de 1500 personnes et face au Mont Fuji. Ambiance. C’était hyper impressionnant et aussi très émouvant de voir les petits vieux au premier rang taper dans leurs mains. Et puis on a quand même joué entre le spectacle de Bioman (et ouais les enfants, le vrai, l’unique !) et la chanteuse certainement la plus kitsch de l’archipel nippon ! Le repas du soir mériterait à lui Après presque 500 concerts en France, en Europe et au Maroc, seul un article : méduses et palourdes crues, poivrons frits à la on avoue avoir un peu de mal à s’arrêter, et puis on trouve tou- panure, cheval cru… le tout à genoux et au thé de riz grillé dans jours une bonne raison pour persévérer. La bonne excuse de un restaurant japonais typique. l’année, c’était la sortie de notre live Trafic intense, en France (Du Goudron et des Plumes / Irfan), mais aussi au Canada et au Lundi 8 octobre. Après avoir visité un temple bouddhiste, un Japon, où il aura même bénéficié d’une édition spéciale. sanctuaire shintoïste, et mangé notre premier repas à l’occiRésultat des courses, nous voilà partis dentale depuis notre arrivée, le concert avec notre chanson rock, de plus en plus du soir se fera à Kofu, au Jazz Club Alone. rock et de moins en moins chanson, sur La salle de concert, à l’étage, est pleine à les routes du monde, pour tout l’automcraquer. Notre pote Hideaki nous dira fiène. Première étape : le Japon ! rement : “C’est complet depuis hier, mais je vends encore des places”. Résultat des Vendredi 5 octobre 2007, trajet : Paris courses : 150 places vendues pour un lieu Moscou - Tokyo - Kofu - Ina, en ayant utide 70 ! Avec nous, Lost Color People, lisé presque tous les moyens motorisés groupe de funk japonais, très très bonne pour se déplacer (voiture, métro, avion, soirée ! Et au fait, y’a pas de limitation du bus), nous voilà arrivés près de 25 volume sonore ? Nan, ici on joue et on heures après notre départ, pour jouer voit après… dans un lieu qui n’aurait jamais pu ouvrir en France : un bar clandestin. L’unique Quatrième journée, direction Tokyo : ça entrée, où l’on passe péniblement à une brille, ça fait du bruit, ça marche en minipersonne, sert de sortie de secours, pas short et en bottes, y’a des milliers de de ventilation, et bien sûr 80 personnes taxis, des télés de 15 m de haut, des mildans une salle de 50. Concert de dingue pour une journée de 36 liers de Patchinko… Tokyo Power !!! Arrivée à Shimokitazawa, heures… Tout le monde est à fond et on découvre le public japo- lieu très estudiantin avec des milliers de boutiques et de salles nais désinhibé et franchement surexcité ! de jeux (si vous vous demandiez dans quoi notre argent était passé…). Concert au Club 440 où nous jouons avec Hinemos et Le lendemain, arrivée à Kaï pour la fête du village ; bon, un vil- Chopin, groupes japonais fans de musique allemande, de lage de 80 000 habitants, qui fait une fête avec 6000 per- jouets pour enfants et de marionnettes. Et un DJ qui passe de sonnes… Après avoir testé presque tous les stands (sauf le lan- la musique bavaroise, c’est pas banal ! Fin de soirée très très cer de botte) et le simulateur de tremblement de terre, on arrosée avec des Japonais survoltés et peu pudiques (ce n’est monte sur scène, en line-check, en milieu d’après-midi devant pas une légende !).
“Ca brille, ça fait du bruit, ça marche en mini-short et en bottes, y’a des milliers de taxis, des télés de 15 m de haut…”
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Mercredi 10 octobre. Le dernier concert de la tournée se fera à Shibuya, quartier survolté, surpeuplé et où il ne fait jamais nuit ! La balade dans le quartier nous scotchera complètement. Avant cela, quelques interviews et rencontre avec Sylvain du Bureau Export, qui se révélera, plus tardivement dans la soirée, être un adepte d’Elmer Food Beat et un incroyable chanteur. Concert au Lush totalement hallucinant : cinq groupes (dont les Oink, mélange entre les Pistols, les Clash, les Pogues et la culture japonaise), à fond, dans tous les sens du terme, et un public qui a décidé de se lâcher au moment de notre concert. Résultat : au lieu de 45 minutes, on joue 1h30 et on finit à une vingtaine sur scène. Ca danse, ça crie, ça chante, ça parle toutes les langues, mêmes celles que l’on ne connaît pas. Dernière soirée mémorable autour de plats toujours aussi exotiques… Avant de partir, on s’engage dans une visite de Tokyo : Akihabara, la Mecque de l’électronique avec trois ans d’avance sur la France (c’est aussi là que l’on croisera ENFIN des filles déguisées en personnages de mangas !), le Tokyo Dome (oasis de verdure au milieu de la ville avec un grand huit qui passe au milieu des bâtiments, une grande roue qui monte à près de 80 m de haut), Asakusa, haut lieu touristique, et pour finir un bon repas à la japonaise avec sushi, sashimi, et plein d’autres trucs, mais on ne sait pas ce que c’est, et peut-être vaut-il mieux ne pas le savoir… On remercie Ryosuke et Shiho, gérants de la maison de disques Taiyo Record, qui a sorti une édition limitée de Semtazone pour le Japon, et qui distribue une grosse partie de la scène chanson (HDL, Grosses Papilles…), Terumi notre interprète, Hideaki, tous les punks japonais qui nous ont fait mourir de rire lors des concerts ou au restaurant… Et pour finir en beauté, on a reçu une invitation pour l’année prochaine ! Sayonara. Domo Arigato, Matané, Semtazone. www.stz.biz 19
étienne
LE SENTIMENT SELON
De son aveu même, L’invitation est un disque ouvert sur les autres. Après 25 ans de carrière, l’occasion était trop belle de questionner l’éternel jeune homme sur l’impact que peuvent avoir ses chansons. Confessions d’un peintre des sentiments.
S
DANS CE NOUVEAU DISQUE, LE RAPPORT AUX AUTRES EST TOUJOURS AUSSI
i on y réfléchit deux minutes, Etienne Daho est l’un des rares survivants des années 80. C’est peut-être même le seul qui a eu un succès colossal et qui continue son chemin avec le même talent. Il se bonifie même. On l’a dit mort, on l’a dit “ressuscité”. Le voilà aujourd’hui apaisé. Le pape de la pop moderne ne cède à aucune mode, mais sonne terriblement actuel. Daho laisse entrer le soleil dans la musique et dans sa tête, mais ça “turbule” toujours. Il n’a pas son pareil pour dépeindre les sentiments : c’est comme s’il vous parlait les yeux dans les yeux. Avec L’invitation, son neuvième album, il va encore plus loin dans l’exploration de l’intime sans oublier de faire dodeliner de la tête. Chapeau.
DIRECT…
L’intimité vient du fait que ce sont des thèmes universels. J’ai l’impression d’être relié aux autres. Au bout d’un moment on arrive à toujours à trouver un lien précis de familiarité. Je pense que ça se retrouve à un moment dans mes chansons. Dans L’invitation, je parle à une personne et donc… au monde ! ON
RETROUVE DES THÉMATIQUES INTIMES, À LA LIMITE DU PSY COMME
L’ACCEPTATION DE SOI…
C’est l’acceptation dans la turbulence. Je n’apprends rien de l’apaisement. L’agitation m’aiguillonne, me donne des forces
“Je suis entré en musique comme on entre en religion.” et une philosophie insoupçonnées. C’est un album très apaisé, car même s’il parle de choses douloureuses, il y est question avant tout de liberté. Pour moi, c’est l’invitation à la vie, au voyage. J’ai voulu mettre de l’énergie de vie dans ce disque. DAHO, C’EST CARPE DIEM ? (sourire) On n’a qu’une vie… QUELS SONT VOS PRINCIPES DE VIE ? D’abord, le respect absolu des autres. C’est la base pour aimer les autres. Et je suis un grand amoureux, dans son sens le plus littéraire. Je suis amoureux de l’amour. Tous les artistes sont dans un mode de fonctionnement érotique. On trempe sa plume dans la passion. J’ai besoin d’intensité… Pour moi le couple ne fonctionne que dans l’intensité. Ou alors je n’ai pas le talent de le faire durer car je suis déjà engagé avec la musique… Je suis entré en musique comme on entre en religion. Mais bon, tout va très bien dans ma vie ! AVEC BOULEVARD
DES
CAPUCINES,
VOUS
D.R.
ABORDEZ LE PARDON…
Ce morceau s’adresse à mon père. Le 20
boulevard des Capucines, c’est l’Olympia. En 1986, mon père que j’avais très peu connu, est venu me voir sur scène. Je n’étais pas au courant. Et quand il est venu me voir backstage, je lui en ai refusé l’entrée. J’étais jeune, je l’ai toujours regretté. Entre temps, on ne s’est pas parlé et je l’ai perdu. Juste avant de faire l’album, j’ai reçu un paquet de lettres qui m’étaient adressées. Dans l’une d’elle, mon père parle de cette soirée-là. Nous portions le même prénom : il a vu son nom en énorme lettres rouges devant l’Olympia… Cette lettre m’a remué. Cette chanson prend son point de vue et devient aussi une chanson sur le pardon et l’apaisement. UNE CHANSON AUSSI PERSONNELLE, C’EST PLUTÔT RARE… En tout cas, ça m’a fait du bien de l’écrire. Je suis heureux de l’avoir fait. Cette douleur est devenue une chanson. Si elle est sur l’album, c’est aussi parce que tout le monde peut se l’approprier. Généralement je n’aime pas expliquer les chansons, car en tant que “consommateur”, je n’aime pas du tout qu’on me dise quoi penser quand j’écoute de la musique. VOUS N’AVEZ JAMAIS FAIT DE CHANSONS RÉALISTES NON PLUS ! Pour moi si ! Parce que je sais tout ce que j’y raconte, même si j’emploie des métaphores, des formules pour planquer tout ça. ET APRÈS, C’EST À CHACUN DE S’IMAGINER SON HISTOIRE ? Mais c’est ça la musique. C’est choisir quelqu’un qui vous parle et grandir avec. Certaines chansons vous font pousser, vous accompagnent. DEPUIS 25 ANS, VOS CHANSONS ACCOMPAGNENT LA VIE DES GENS. CA NE ? Parfois oui. On me parle souvent du Premier jour du reste de ta vie : cette chanson a donné à des gens l’envie de prendre des décisions importantes. C’est fantastique ! Ouverture a eu cet effet-là aussi.
VOUS FAIT PAS UN PEU BIZARRE
COMMENT LE VIT-ON ? Ca me dépasse forcément un peu. Mais quand on a un métier public, il faut l’assumer. J’ai toujours essayé d’avoir un propos adulte, mature. Il y a aussi une part de mystère que l’on ne peut pas expliquer. Les chansons provoquent des émotions différentes pour chacun. Il y a des chansons qui sont plus importantes que n’importe quelle leçon qu’on pourrait vous prodiguer ! L’ARTISTE EST-IL PAYÉ POUR SOUFFRIR ? Il y a très peu de chansons sur le bonheur. Quelle que soit le type d’émotion qu’elle provoque, une chanson parle de l’amour ou de son absence. On ne s’intéresse pas beaucoup aux gens qui vont bien. Nous sommes des tissus de contradiction, alors on est forcément touché par les gens qui l’expriment. Je me sens assez solide dans la vie pour pouvoir parler de ces choses-là. ET LA PUDEUR NATURELLE DANS TOUT ÇA ? L’idée, c’est de la dépasser. Si on ne parle pas des choses qui sont essentielles, on passe à côté de tout. Ou alors, c’est que l’on a une recette et ça n’est pas mon cas. Je n’ai jamais fait de chanson parce que j’y étais obligé. Pour moi, c’est une passionvocation. Mais c’est quand même tellement intime, que parfois j’ai l’impression de marcher à poil dans la rue. Eric Nahon CD : “L’invitation” - Capitol / EMI Livre : “Etienne Daho, Portraits et entretiens” - Ed. Tournon www.etiennedaho.com 21
Nicolas Messyasz
Dionysos réside dans la faculté qu’on a à se surprendre les uns les autres, explique Mathias. Le groupe ne perd pas en entité parce que nous avons des invités. Pas plus que nous ne nous sommes perdus en jouant avec un orchestre symphonique de soixante musiciens…” C’est chez Mike que s’est déroulé l’enregistrement. Tous les membres du groupe ont participé à l’élaboration de cette ambitieuse aventure, dont la création a débuté lors de leur dernière tournée marathon.
dionYsoS
L’orage mécanique Gonflé à bloc comme d’habitude, le gang de Valence joue les horlogers en dopant son rock d’une dose de hip hop. En composant la B.O. du livre de leur leader, les Dionysos restent personnels, inventifs et généreux. Ca tombe bien, on les aime comme ça.
A
vant l’écoute de La mécanique du cœur, on ressent quelques palpitations. Ce disque est la bande originale du livre du même nom, signé Mathias Malzieu, le rouquin sautillant, chanteur et parolier de… Dionysos. Cette belle mécanique est également uniquement composée de duos. Heu, on parle bien d’un album de Dio’ là ? Mathias Malzieu a-t-il “vampirisé” son groupe ? Nous ferait-il un “Soldat Rose” avec Dionysos relégué à
l’aimable fonction de backing band ? Heureusement non (et ouf !) : “Nous nous sommes posés la question, avoue Mike Ponton, guitariste et bricoleur de sons, mais Mathias avait envie de le faire avec le groupe et le groupe avait envie de bosser sur ce projet.” Dionysos est donc un gang d’inséparables et même si Babet, lors de l’enregistrement, était retenue par sa tournée solo, elle participe toutefois au disque et sera, bien sûr, de la tournée. “L’entité 22
L’auditeur est en terrain familier, puisque il y est question de l’enfance de Giant Jack, personnage déjà aperçu dans les plages de Monsters in love. 1874 : Little Jack naît à Edimbourg, le jour le plus froid du monde, d’où son cœur gelé. Seul moyen pour le sauver un seul moyen : lui mettre une horloge à la place. Mais gare à lui s’il tombe amoureux car tout peut se dérégler. Pour transcrire ce postulat, Mike et le gang ont commencé par rendre visite à un horloger à Loche afin d’enregistrer des tic-tac et des coucous. Ce sont ces sons qui servent de base aux rythmes des morceaux. De là à donner une tonalité hiphop, il n’y avait qu’un pas vite franchi par ces fans du Beck de la première heure : “Cette influence était déjà présente sur nos disques précédents, confie Mike. Ici, nous l’avons accentuée en jouant avec le tempo des sons. Et puis, on aime bien toucher un peu à tout, tourner autour de tous les instruments.” La mécanique du cœur est un projet ambitieux, mais plus abordable et cohérent que Monsters in love. S’il y avait une couleur dominante, ce serait la chanson. Mais chez Dionysos, on est toujours dans l’arcen-ciel : pop, rock, psyché, cabaret, il y a toujours de quoi être surpris pour peu qu’on y prête l’oreille. Le groupe mélange les sons tout neufs et les vieilleries des années 1920. Des anachronismes assumés que l’on retrouve aussi dans les pages du livre : “Ca me plaisait de parler de Charles Bronson ou du Tour de France alors que les personnages sont entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, jubile
Mathias Malzieu. Ca piège le conte et le place hors du temps.” Son univers poétique a grandi, mûri. On n’y trouve nulle trace de fée cette fois-ci ; les femmes sont bien réelles. La magie cède la place au surréalisme façon Boris Vian. L’interaction entre le disque et le livre est totale, mais le tour de force, c’est que les deux s’apprécient indépendamment et que l’album n’est pas “concept”. Les chansons aux différentes ambiances peuvent s’écouter individuellement. Evidemment, les plus curieux liront le livre en écoutant le disque. Et ils ne seront pas déçus. Mathias a d’abord écrit l’histoire, scène par scène, avec des incontournables : les personnages et les chansons : “J’aimais l’idée que les personnages viennent chanter leur chanson. Il y en a qui prennent plus ou moins de place dans le livre. Les proportions ne sont pas toujours respectées, mais on s’en fout.” Côté casting, que du beau monde. Par ordre d’apparition : Emily Loizeau, Arthur H, Olivia Ruiz, Babet, Rossy de Palma, Grand Corps Malade, Jean Rochefort, Alain Bashung et Eric Cantona. Si Mathias est allé chercher des voix dans le monde du cinéma, c’est qu’il a conçu son projet musical comme un long métrage. Ce n’est pas simplement une chanson que les artistes viennent interpréter, mais un personnage ! Les duos sont à 20 000 lieues de ce que l’on aurait pu attendre… Ici, tout le monde prend des risques et étonne. Jean Rochefort joue un homme sans trucage sous un déluge de claviers rétro-futuristes rappelant Messe pour un temps présent, le psychérock de Pierre Henry. Emily Loizeau fait du hip hop horloger. Grand Corps Malade se révèle en méchant crédible, alors que Bashung est parfait en Jack l’Eventreur. Les chan-
“Je ne crois pas du tout aux auteurs qui affirment que leurs créations ne contiennent rien de personnel.” sons avec Olivia Ruiz sont d’une tendre beauté, car la Mécanique est avant tout une histoire de cœur. Le disque et le roman sont-ils “à clef ” ? Mathias : “Je ne crois pas du tout aux auteurs qui affirment que leurs créations ne contiennent rien de personnel. Le livre et le disque sont un chant d’amour. J’assume et je sais que je vais subir un peu de curiosité malsaine. J’établis des passerelles entre réalité et imaginaire. Tout est question d’équilibre entre les deux, comme quand on fait les arrangements d’un disque. Trop d’imaginaire tue l’émotion et trop de réel verse dans le pathos.” Plus l’équilibre est fragile, plus il est beau. Ceux qui voudront chercher le vrai du faux auront de quoi faire. Les autres s’en amuseront et apprécieront le roman pour ce qu’il est : une belle histoire d’amour, moteur d’inspiration. “Je ne raconte pas ma vie, je raconte mes sensations…” Quant au disque, il pourra certainement attirer un nouveau public à Dionysos, qui conforte encore sa place au top de la scène française en se réinventant encore sous cet orage sonore et mécanique. Eric Nahon Dionysos : “La mécanique du cœur” - Barclay Mathias Malzieu : “La mécanique du cœur” - Flammarion 23
Crise de l’industrie du disque :
QUELLES SOLUTIONS ? Artistes remerciés par les labels (Eiffel, Alain Chamfort, Lofofora) ou quittant à l’inverse les majors (Madonna, Radiohead, George Michael), fusions / acquisitions castratrices (Atmosphériques, V2, Sony BMG), scène indépendante étouffée, piratage en hausse… Le disque, physique ou virtuel, est en pleine mutation. Sur Internet, un contre-pouvoir s’organise. Rencontre avec les principaux acteurs. MUSIQUE MUSIQUE 2.0 2.0 Borey Sok Borey Sok “Investir “Investir dans dans les les médiathèques” médiathèques.”
dans Reset Junior, une plateforme on-line utilisant les possibilités du digital : exclusivités, pré-écoutes, chats, widget, WebTV… Quant à Universal, la major table plus sur le rachat de catalogues pour contrôler l’accès à la musique et faire monter les enchères. Une stratégie qui devrait être payante.
EXISTE-T-IL D’AUTRES INITIATIVES ? Le champ d’actions des labels indépendants doit être revu, car la configuration actuelle rétrécie leurs possibilités. Par exemple, My Major Company propose de développer des artistes avec l’aide des internautes sous forme de parrainage : mécénat, choix des photos, de la pochette et des titres. Enfin, MyGroovyPod diffuse des concerts sur Internet. On note donc une véritable envie du public de se rapprocher de l’artiste. Oui, il y a une “éducation à la musique” qu’il fallait mettre en place. Et sur ce terrain, les majors ont échoué, car elles ont marteQUEL EST L’AVENIR DES MAJORS ? Elles tentent de s’adapter, même si lé le public à coup de tubes. Je pense qu’il est donc important d’inle CD représente leur plus grand pourcentage de revenus. Ainsi, vestir dans les médiathèques. Warner ou Sony / BMG diversifient leurs activités en s’ouvrant au > sokborey.blogspot.com merchandising, aux live ou aux spectacles. EMI France s’est lancé Ecrivain (Irma), ex-chargé de promotion chez Skyrock et Warner Music France, mémoire de Master Marketing / Communication ISC Paris “Le marketing sauvera-t-il l’industrie du disque de la crise ?”
JAMENDO JAMENDO Romain Romain Becker Becker “Très “Très prometteur” prometteur.”
DEEZER DEEZER Sophie Sophie Samama Samama “Ce “Ce n’est n’est qu’un qu’un début” début !” Ex-BlogMusik, premier site d’écoute de musique à la demande, illimité gratuit et légal contenant 400 000 titres et dont le lancement a été parrainé par Free pendant l’été 2007 ; la fonction Smartlist propose une playlist aléatoire vers des artistes indépendants.
Première plateforme de musique libre avec 5000 albums internationaux, lancée en 2005 ; possibilité de téléchargement, utilisation de tags (mots clés de recherche) et diffusion sur les sites peer-to-peer : eMule et BitTorrent.
QUE PENSEZ-VOUS DE L’AVENIR DES ARTISTES ET DES MAISONS DE DISQUES ? Aujourd’hui, nous évoluons dans un marché en pleine mutation et sommes confrontés au problème du piratage. Deezer est une réponse concrète et efficace au problème, puisque nous sommes passés de 300 000 membres à 1 million, et ce, en un mois. Côté catalogue, nous devrions passer à 1 million de titres à la fin de l’année. La plupart des acteurs du marché commencent donc à “repenser” tout le système d’exploitation. Les derniers accords que nous avons signés avec la Sacem, la major Sony / BMG et la SPPF (NDR : producteurs indépendants) en sont les parfaits exemples. Et ce n’est qu’un début puisque le site souhaite rapidement et activement faire évoluer son offre en passant d’autres accords.
QUE SONT LES LICENCES CREATIVE COMMONS ? C’est une innovation juridique primordiale qui permet des droits d’auteur adaptés à l’environnement web qui est un excellent moyen de promotion pour les artistes. Elles permettent aux artistes de diffuser leur musique sur Internet gratuitement et légalement (sans but commercial), tout en les protégeant.
> www.deezer.com
> www.jamendo.com/fr
QUEL EN EST L’AVENIR ? Très prometteur ! Un projet pilote existe en Hollande. On peut être inscrit à l’équivalent de la Sacem et déposer ses œuvres en Creative Commons, permettant la copie et le partage en cadre privé. Cette initiative donne le “la” aux évolutions des législations, qui sont pour l’instant en phase d’observation.
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RESHAPE MUSIC Jeff Jeff Caly Caly “Des “Des acteurs acteurs qui ne qui ne seront seront plus plus du du métier” métier.”
DOGMAZIC Eric Eric Aouanès Aouanès “Besoin “Besoin de de soutien” soutien.”
Label éthique communautaire, création du concept de la musique équitable en Association militante d’archi2005 sur la base du comve de la musique libre et merce équitable (économie, espace d’information créé en 2000 ; réfractaire à la publici- éducation, politique) en respectant le partage des marges et en laissant à l’internaute le choix du prix d’achat. té, mais ouverte aux labels indépendants. QUEL EST L’AVENIR DES ARTISTES ET DES LABELS ? Nous sommes entrés dans l’ère de la musique fragmentée avec QUEL EST L’INTÉRÊT DES LICENCES CREATIVE COMMONS ? L’auteur gère ses droits selon les clauses de la licence, dont l’at- des “écosystèmes” plus ou moins importants, plus ou moins spétribution ne nécessite aucune démarche spécifique. Dans le cas cialisés, underground, technologiques, légaux ou non. Chaque d’une exploitation commerciale, il peut fixer ses éventuels reve- personne va pouvoir choisir ses prescripteurs et leur lieu de nus, mais aussi refuser tout contrat d’exclusivité ou une utilisa- découverte et d’écoute. C’est la création de son propre univers tion qu’il ne cautionne pas. L’utilisateur a libre accès à ces musical. L’important pour un artiste aujourd’hui, c’est que lui et son équipe (label ou non) devront faire des partenariats intellimusiques et peut contacter les artistes ou les rétribuer. gents avec des acteurs qui ne seront plus forcément du métier : une marque, un réalisateur, un lessivier, une distribution web ou QUEL EN EST L’AVENIR ? L’accroissement du nombre d’œuvres déposées prouve leur dyna- en exclu autour d’un concept, d’un festival, d’un magazine… Il misme. Elles sont plus adaptées aux bouleversements technolo- faudra faire un choix ou un équilibre entre le plus offrant et son giques et aux nouvelles mentalités, et commencent à être recon- système de valeurs. On en revient au métier d’artisan des années nues institutionnellement en France. Ce sont des pistes de déve- 60 (ère post-industrielle) : une diffusion sans frontières et non loppement culturel adaptées aux circuits indépendants souffrant contrôlable. Le verrouillage par les industriels est plus difficile et de la concentration massive du secteur industriel. Mais soyons les DRM (gestion numérique des droits) sont caducs. Le rôle des réalistes, nos projets sont jeunes et ont besoin de soutien pour labels de demain sera donc de personnaliser les moyens en fonction de l’identité des artistes. continuer à exister.
> www.reshape-music.com
> www.dogmazic.net LAST.FM LAST.FM Christian Christian Ward Ward “S’orienter “S’orienter sur sur du du Do Do it It yourself” Yourself.”
THIERRY THIERRY CHAZELLE CHAZELLE Artiste Artiste indé indé “Je prête “Je prête mes mes disques” disques…”
Web radio communautaire, créée en 2002 et traduite en 12 langues, proposant une playlist qui s’adapte aux habitudes d’écoute de vingt millions d’utilisateurs, des événements personnalisés aux goûts musicaux, des vidéos et l’achat de billets.
Auteur de deux albums pop électro rock, parolier d’Isabelle Boulay avec Francis Cabrel (Une autre vie), concepteur multimédia, éditeur musical (Jazzimuth Création), créateur de Sofia Label avec Lili Cros.
QUEL EST L’AVENIR DES ARTISTES ET DES LABELS ? L’artiste va progressivement s’orienter sur du “Do It Yourself ”. Et il existe déjà de nombreux outils disponibles qui lui permettent de créer, distribuer et promouvoir sa musique sans recourir à la voie traditionnelle. Nous avons lancé nous-mêmes la campagne “Now for my band” visant à inciter les nouveaux artistes à prendre le chemin de l’indépendance. La promotion et la distribution peuvent être gérées par les fans et les utilisateurs de réseaux sociaux, même si les labels vont continuer à jouer un rôle crucial en fournissant une expertise auprès des musiciens et de leur promotion vers un public plus large.
QUE PROPOSEZ-VOUS ? Dans mes concerts, en échange d’une adresse, je fournis mon dernier album avec une enveloppe qui sera utilisée pour m’envoyer un chèque ou me renvoyer le disque selon les appréciations… C’est un geste basé sur la confiance et qui affirme mon indépendance. Je mène cette expérience depuis plusieurs mois et 80% des gens ont envoyé un chèque. J’ai eu un seul retour et quelques personnes qui ont “oublié” de prendre une décision… 20% de perte c’est peu finalement quand le système de distribution classique finit par coûter 50% du revenu des disques. L’autre avantage, c’est que le lien entre le public et moi se resserre : la plupart du temps, je reçois un petit mot accompagnant le chèque. Cette idée a aussi séduit quelques journalistes qui ont souhaité en parler : Europe 1, France Inter, Libération, France 3 Aquitaine…
> www.lastfm.fr
> www.thierrychazelle.com 25
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e hon, ell du Coc e r i n e . e é n n a at ait l’ née K e 007 ét u e l ’a n née, d n r e u v o e t e d s est d in n ter e deux a als, Ka iv t s fe Après s e d’or. gro t disqu ant lles en e a r s a t s s e r it rest pet supe uel en urd’hui s n jo e u s a n t si tout es e co , même ore”, it à êtr is s a s u M é r r. o Il ulie J’adooo ner et sing onner “ n d o e d abrasif fr e r t f u r pou de pe s n t o sur n m e é l ic le s rét éjacu e e d r o e t c il res j ’a i e n e-moi “Excus
Thomas Béhuret
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ient appar t e n i r e t Ka live en eux”… de : un v n e o h m c t le tes ble pas ui à tou i ne ressem ’h d r u jo qu au n livre à ncert, u e ses un DVD o , c io e d d u d st DVD lecture nt à un une re orchestre de vraime , t r e v n u ou ion x par u cer vea supervis s. orceau la m t s e r e ie bécil prem edette projet Im raordinaires V st qui t jazz, le x e Et c’e ue des nt-il ? ie v du disq ù ’o t-il ? D ur la photo ? Qui es s s e t t e r jo ces ma
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D’OÙ VIENS-TU MISTER KATERINE ? Le dandy allie l’irrévérence au jem’en-foutisme sur fond d’une imagerie résolument contemporaine. Héritier bâtard et hybride du Pop Art, ce Pygmalion a su s’imposer en maniant le contre-pied, toujours à contre-courant. Pourtant, un seul thème récurrent et méconnu subsiste : son angoisse obsessionnelle.
“La répétition ne m’attire pas énormément. Quand je vais prendre un café, je ne vais jamais dans le même bar, pour la musique c’est un peu pareil.” Né le 8 décembre 1968 à Chantonnay,
Mes mauvaises fréquentations franchit un cap en 96 avec l’emploi de musiciens extérieurs, un retour au chant et une tournée presque thérapeutique. Katerine s’offre ensuite une pause avec les Sœurs Winchester, chanteuses anglo-japonaises, permettant d’oublier ses peurs infantiles. Mais son insatisfaction resurgit et pour tromper le malaise, il édite Les créatures (avec Les Recyclers) et L’homme à trois mains en 99. Rattrapé par le succès de son titre Je vous emmerde, Philippe joue malgré lui le jeu de la promotion.
ur, i)mente n o b ( s i arfo ettes Badin, p anie les pirou se. ieu em Katerin e aisance grac s, il n n chanso ie s avec u s e e u s q i e n u q iro r la v scinant céré su a d r Aussi fa a g tour re un re ’armure au dé f f o s u l no rine fendre ce Kate t r o f t et peut e. s se… Il e ça qu’on l’aim a r h p e d’un pour et c’est
O
Patrick Auffret
n s’interroge. On lui peinturlure le corps, on le met en scène dans un DVD, Gros Cube reprend ses premiers morceaux en mode jazz. Ce type est si singulier que tout le monde a envie de jouer avec lui comme avec une poupée Barbie, à commencer par les photographes. Tout ce(ux) qui touche(nt) Philippe Katerine devien(nen)t du Katerine : “Katerine, c’est eux aussi, explique-t-il. Mes amis, font partie de moi, influencent ce que je fais et donc, deviennent moi. Je suis une éponge, j’absorbe, je digère, je transforme tout, parfois inconsciemment.” Il le chante même sur le fameux Louxor : “Prenez-moi / faites de moi n’importe quoi / pendezmoi la tête en bas / comme la dernière fois.” Sa vision est aussi celle des gens avec qui il travaille. Et jouer les Aimé Jacquet ou les Jim Phelps de Mission Impossible, c’est son dada. Une fois sa team complétée, il n’a plus qu’à s’abandonner : “Pour le meilleur et pour le pire. J’aime m’abandonner dans les bras d’un autre. Mais il faut bien choisir son bourreau.” Katerine se retrouve ainsi à la tête d’un collectif créatif qui parle en son nom. Dans la tête des gens (dont nous), tout ça c’est du Katerine : “Nous avons un esprit commun dans lequel j’ai beaucoup puisé.”
en Vendée, dans une famille catholique traditionnelle, Philippe Blanchard a d’abord pratiqué le basket à haut niveau. La musique ? Il la compose seul dans sa chambre sur un magnétophone 4 pistes, malgré des expériences de groupe. C’est sous la pression des amis qu’il publie Les mariages chinois en 91, mêlant à la transgression paroles morbides ou burlesques, poésie pléthorique et collages audio. Mais traumatisé par sa voix, Philippe délègue le chant à sa sœur Bruno et sa compagne, Anne, sur L’éducation anglaise en 94. Premier émoi de l’intelligentsia auquel il n’appartient pas… et de ses amis nantais : Dominique A, Françoiz Breut, The Little Rabbits.
Il puise aussi dans l’air du temps. Robots après tout colle intimement à l’époque, faisant écho à notre frustration face à la modernité. Le style est très visuel. Katerine manie le stylo caméra, comme on dit dans les écoles de journalisme. Il observe, glane et récolte des saynètes, mais ce n’est pas lui qui invente ces travers, c’est nous ! Lui ne dit pas “trop cool”, “cheesy” ou “bordeline”… Alors, on se reconnaît dans ses chansons ; de là naît le succès. Mais comment gérer un succès aussi énorme ? “Quand je suis déprimé, ça me fait un bien fou que les gens me disent “J’adoooore” dans la rue.” Sacré changement : il y a une dizaine d’année, quand les gens lui chantaient “Je suis dans la merde et je vous emmerde”, il se disait “gêné”, presque honteux. Aujourd’hui, il assume : “C’est un peu comme quand on va à la piscine la première fois, on est gêné d’être en maillot, l’eau est froide… La deuxième fois, ça va mieux. Et après on aime bien.”
Chacun vient alors solliciter son cabaret onirique et nihiliste : Anna Karina (Une histoire d’amour), Héléna Noguerra, sa nouvelle compagne (Azul) ou Kahimi Karie. En 2002 arrive 8ème Ciel et Katerine s’émancipe de Philippe Blanchard. Il s’essaie aussi cinéma. Pas étonnant qu’en 2005, il confie sans crainte la musique de Robots après tout aux producteurs Gonzales et Renaud Letang. Le live qui suit prend alors un contre-pied salvateur et multiplie les approches rock avec les Little Rabbits (Secte Machine) ou fantasques (Les Vedettes). Enfin libre, Katerine se moque de tout et ne respecte rien. Pas même ce qu’il est : une névrose universelle de la paranoïa, des artifices et de l’inconscient collectif.
Le disque électro et la tournée toutes guitares dehors sont difficiles, originaux et abrasifs ; et pourtant, le disque est d’or et les salles combles. Une analyse ? “Ce succès s’est construit petit à petit et beaucoup par la scène. Mais il y a une phrase que je déteste dans le milieu que je fréquente c’est : “Les gens
Samuel Degasne 28
ne vont pas comprendre”. C’est atroce, je ne veux pas niveler par le bas. Les gens comprennent tout. Comme vous, comme moi. On comprend tout, mais pas de la même façon. Les idées de ce disque sont devenues plus compréhensibles et plus abouties grâce à la production de Gonzales et Renaud Letang.” Ce travail de collaboration-abandon a été une révélation. Cette tournée est devenue, au fur et à mesure, du grand n’importe quoi que “les gens” se sont appropriés. C’est bordélique, empirique, mais cohérent. Bref, c’est du Katerine. Il s’en tire par une pirouette : “Les costumes, c’est purement pratique. Quand tu chantes en civil, tes fringues sentent la sueur et sont immettables. Alors j’ai testé d’autres choses : des paillettes, de la peinture sur corps, une tenue de footballeur américain ou des robes. Et puis,
quand on tourne avec des amis, on se sent invincibles, on est en confiance.” Toute la troupe prend goût aux délires. Les ex-Little Rabbits (alias “la secte humaine”) n’y sont pas étrangers. C’est d’ailleurs Gaëtan Châtaigner, le bassiste du groupe, qui a laissé traîner ses caméras partout, sur scène, en coulisse et qui a mélangé tout ça à des saynètes surréalistes pour créer le DVD Borderlive. Le résultat ? Un road movie musical un peu foutraque, à la fois film et bonus en même temps. Encore du Katerine : “Je me retrouve bien dans ce DVD, comme Gaëtan se retrouve chez moi. C’est logique. Etre intégré dans un groupe génère plus d’excitation. On est plus fort.” Lors de cette tournée rock extravagante, une furie sonique a tout emporté sur son passage et a aussi changé le chanteur. De ces restes d’incendie, la
Pierre Wetzel
“Je ne veux pas niveler par le bas. Les gens comprennent tout.” troupe a voulu garder une trace : un CD live s’imposait à côté du DVD. Ce sera Robots après tout joué dans les conditions du live… mais réenregistré en studio ! “Je n’aime pas les disques live, en général. L’idée était de retourner Robots comme un gant. L’humain prenait sa revanche. On enlève les uniformes et on joue sur un tempo qui n’est pas celui d’une machine, mais celui d’un être humain.” On enlève les uniformes et on change les perruques ! La démarche est exactement la même pour la sortie de Doublez votre mémoire, aux éditions Denoël. L’obsédé textuel et capillaire a acheté un livre vierge et l’a rempli pendant sa tournée. C’est un peu le cahier de texte d’une écolière… enfin, dans la démarche. “J’ai fait ce livre comme un journal, avec des collages. C’est un parcours mental, lié à mon histoire, je 29
voyais que j’étais en train de me métamorphoser. Il y a des rêves, des hallucinations, des récits d’enfance, de tournée…” Comme dans un film de David Lynch : on est dans un labyrinthe, mais tout est relié. Et la fin ? “Un luxe inouï… la fin était décidée d’avance : il n’y avait plus de pages !” Heureusement pour nous, le “grand livre” de Katerine compte encore beaucoup de chapitres. Et la suite de ses aventures risque d’être encore radicalement différente de ce que l’on connaît. C’est cela, la Superstar attitude ! Eric Nahon CD : “Studio Live” - Barclay Le Gros Cube Vs Katerine “Le Pax” - Anticraft DVD : “Borderlive” - Barclay Livre : “Doublez votre mémoire” Editions Denoël
“Avec Philippe, c’est une vraie collaboration, mais nous ne sommes pas sa création !”
Thomas Béhuret
(la brune pas platine), ont accepté faire une pause durant l’enregistrement pour s’expliquer devant une vodka glace. Interview d’un vrai groupe d’artistes avec quelques bouts de Katerine dedans…
ais ettes, m par r o j a m oins posé lus ou m s. Ecrit et com pas p t n o s ’est euse Elles n chant des Vedettes n e d’un e i b t e bel ue parl , le disq dettes. Ici on e n i r e t qui Ka es Clau unk et d p e p u o q p s ent re. un di du Maît totalem e e r l c b a m t c spe ns l’o nera sa n o i t c n fo
D
es majorettes ? Ca nous évoque le bâton, les bottes à lacets, les paillettes et quelques fantaisies kitsch. Sauf que ces majorettes-là sont Belges et qu’elles chantent l’amour du gang bang ou la mort de leur papa (et ça ne leur fait pas vraiment de peine). Entre rêves de petites filles à paillettes et fantasmes de pervers pépère, Les Vedettes ont choisi leur camp. Celui du délire surréaliste. Cette joyeuse troupe réunit huit copines comédiennes, danseuses, plasticiennes, stylistes qui se sont acoquinées pour créer un spectacle de rue. Katerine et sa Secte Humaine les ont kidnappées pour faire les zouaves sur scène. Séduit, le K propose de leur écrire un disque et de le produire ! Le premier fruit de cette collaboration se nomme Vive papa ! (plus connu sous le nom de Papa est mort), un des ovni de la présélection française pour l’Eurovision 2007. L’album en préparation sera du même (bon) tonneau. A l’écoute les maquettes, on tape déjà du pied, en pensant à un mix de Gotainer, Lio (période Banana split), des Parisiennes (Il fait trop beau pour travailler, L’argent ne fait pas le bonheur) et Plastic Bertrand ! De la pop très acide donc, jouée vite, avec des paroles délirantes et trashy. Graveleuses, mais jamais vulgaires, et avec cet ineffable aspect majorette : quand elles chantent à l’unisson, elles sont irrésistibles. Les meneuses de revue, Jill (la blonde platine) et Agathe 30
LES VEDETTES, C’EST QUOI ? LES VEDETTES : Nous avons rassemblé une dizaine d’artistes bruxelloises pour les mettre dans la rue, en majorette. Au départ, c’était un happening qui durait 10 minutes. Nous avons poussé le truc en nous amusant à le théâtraliser. On tient aujourd’hui 40 minutes avec nos personnages burlesques. Puis nous avons gagné un concours pour faire la première partie de Katerine à Bruxelles. On a monté une chorégraphie. En plus, nous avions déjà travaillé avec les Little Rabbits… K ATERINE : Eric, le batteur de la Secte Humaine, m’avait parlé de leur spectacle. Nous les avons rencontrées en allant jouer à Bruxelles. Elles ont participé au final et je les ai trouvées divines. C’est un groupe qui nous ressemble avec des personnalités très marquées. Et elles sont toutes en uniformes, ça m’excite énormément ! DES MAJORETTES, POURQUOI ? LV : C’est un rêve de petite fille. Nos Madonna à nous. Et pourtant, personne dans le groupe ne l’a été quand nous étions enfants. Une majorette, c’est une princesse à paillettes. Et puis, si on peut faire plaisir aux petits vieux libidineux, on est contentes ! UN TON SOMME TOUTE PARTICULIER… K : Elles sont comme ça dans la vie : piquantes, trash, parfois sans limites. Mais aussi avec des petites fêlures. Il m’a suffi de les fréquenter pour que les chansons viennent toutes seules. Les Vedettes n’engendrent pas la mélancolie, mais il y a aussi quelques ressorts un peu rouillés, un fond de tristesse. Ce que je cherchais pour elles, c’était la puissance d’un groupe en dosant l’acide et le doux. C’est directement inspiré de ce qu’elles sont, du groupe qu’elles forment… et des uniformes. Ca me rend fou, surtout lorsqu’elles chantent à l’unisson. Comme elles ne chantent pas depuis longtemps, ça nous offre une émotion nouvelle ; je leur donne juste un peu de matière, et après, c’est leur histoire, pas la mienne. Elles
ont une telle force de création, qu’elles n’ont pas besoin de grand monde. Elles peuvent déplacer des montagnes ! LV : Philippe nous a toujours dit que les chansons nous appartenaient et que l’on pouvait tout réécrire si on le voulait. On a adapté des choses à notre univers. On n’est pas des filles qui ont été trouvées dans la rue, comme les Spice Girls. Avec Philippe, c’est une vraie collaboration, mais nous ne sommes pas sa création. Il s’est vraiment adapté à notre univers. Les paroles qu’il nous a écrites ressemblent à ce que peuvent dire des femmes de notre âge, qui ont la trentaine et des enfants. Quand nous les avons écoutées, nous avons éclaté de rire : c’est comme s’il avait entendu nos discussions dans notre camion ! Il s’est vraiment mis à notre place. Les choses sont bien dîtes, c’est du trash élégant. On assume totalement ! LE TRASH, C’EST POLITIQUE ? LV : On ne fait pas ça comme des oies blanches avec des rêves de gloire. Si c’est du féminisme, c’est non réfléchi. Mais aujourd’hui, monter sur scène, à l’âge que nous avons, pour chanter des histoires de fesses, oui, ça tranche avec le discours ambiant… L’image de la femme est tellement stéréotypée. Au départ, on pensait que ça n’allait pas plaire aux filles, mais a priori ça les branche. Nous sommes le plus sincères possible. C’est notre projet et nous nous y retrouvons tout à fait. Dans chaque chanson, il y a des choses à la fois acidulées et cyniques. Ce sont des choses sincères auxquelles les femmes pensent. Il n’y a pas de tabou et on aborde parfois nos doutes ou ce qui se passe quand une amitié féminine dérape. L’une de nos idées fortes, c’est qu’une femme ne doit pas se laisser diriger. On joue avec des stéréotypes sexy, mais nous ne sommes pas des femmes objets. EN SPECTACLE, ÇA DONNE QUOI ? LV : C’est un vrai défilé de fausses majorettes ! Ca commence normalement, mais il y a plein d’accidents qui nous emmènent ailleurs. Voilà le point de départ du spectacle. On ne va pas exister uniquement grâce à cela, on a d’autres costumes vous savez… Mais on aime bien chanter en majorettes ! Musicalement, ça sera rock électro et joué vite : ça c’est sûr !
Pierre Wetzel
Eric Nahon Album en mars 2008 - Cinq7 / Wagram www.vedettesplusoumoinsmajorettes.be
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PAS VU À LA TV #2 En proposant trois CD au prix d’un seul, soit 50 groupes pour moins de 20 euros, Mike souhaite donner au plus grand nombre l’opportunité de découvrir cette scène française audacieuse, éclectique et définitivement talentueuse : “Ces groupes existent par le disque et par la scène. Et cette culture vivante et créative est une richesse à défendre. Mais les grands médias n’ont visiblement ni le temps ni la place pour la présenter à tous…” Partenaire de la compile, Longueur d’Ondes prend le contre-pied : que pensent les artistes des médias et de l’avenir du disque ?
S
econd volet pour Pas vu à la TV, la compilation initiée par Mike d’Inca de Sinsemilia, qui souhaite ainsi défendre et présenter les nouveaux talents qui témoignent de la bonne santé de la scène musicale en France, remplissent les salles, vendent des disques et continuent malgré tout à être ignorés des médias TV qui ne prennent plus le risque de refléter cette immense diversité de talents pour privilégier les sempiternels artistes de prime time…
disques dans un esprit de soutien ou de découverte.” Chair Chant Corps confirme : “Ne confondons pas : l’industrie du disque est en danger, pas forcément celle de la musique. Un nouveau modèle économique, viable pour les artistes, reste à trouver, mais le disque subsistera sûrement sous une forme où une autre, car l’intérêt pour l’objet reste vivace chez une partie du public.” Rémi pour Siméo, précise : “Les mass media, pas seulement la TV, ne donnent une visibilité qu’à une certaine frange d’artistes et ainsi ne permettent pas de rendre le grand public plus curieux et plus cultivé, ce qui le pousserait à être plus acteur dans son approche de la musique et à s’intéresser à des créations moins formatées. En même temps, le sens de la scène indépendante est d’acquérir au fil du temps, à force d’expérience et de travail, la légitimité qui les propulsera sur le devant de la scène, c’est donc aux artistes de faire en sorte que leurs créations les rendent incontournables.” Redbong, auto-défini “groupe électro-hip-hop qui se lève tard”, pense qu’inciter le public à “aller voir des concerts, des spectacles vivants, reste à l’heure actuelle la meilleure façon de découvrir des artistes. Cependant, notre label Facto Records a réussi à mettre en place avec www.cd1d.com, une micro-économie avec des profits à échelle humaine, fédérant de nombreux labels indépendants.” Selon Mes Anjes Noires, “la consommation musicale atteint des degrés de stupidité tels qu’il est difficile d’avoir un avis objectif sur la question. Quand on voit l’argent qui circule dans la musique et qui n’est pas toujours nécessaire, on se dit qu’effectivement, la micro économie est l’avenir des petits groupes.” “Intéressant, sauf qu’un artiste n’est pas un label, temporise Bruno de Néômme (Amélieles-Crayons, Poncet…). Un label est capital. On peut supprimer des intermédiaires, mais
Pour Syrano, “il y a une ligne bien distincte entre la télévision et le concert. C’est le monde du divertissement et celui de la création. Les uns font du spectacle, du show, donnent aux gens ce qu’ils veulent pour passer un bon moment le samedi soir… Les autres explorent, proposent et bousculent un public certainement déjà plus ouvert. La mort annoncée du disque aura deux conséquences : l’obligation pour les artistes de s’adapter au média ultime qu’est Internet, ou bien, cela aura l’effet d’une sélection naturelle où le quantitatif devra trouver son salut dans le qualitatif.” Armens pense que “la télé va évoluer grâce à la TNT où l’offre se diversifie un peu… Cependant, pour “séduire” les médias nous n’avons que le choix d’acheter de la pub ou monter un partenariat.” Pour Spline et la Mauvaise Herbe, “la télé a abandonné son rôle de découvreur de talents pour devenir exclusivement un média de promotion extrêmement coûteux réservé aux grosses maisons de disques qui peuvent se le permettre. Au contraire, Internet, et à une autre échelle les radios associatives, représentent actuellement les uniques moyens de promotion médiatique pour des artistes à la recherche d’une voie alternative de développement. Cette compilation réalise, avec succès, la jonction entre ces deux mondes et prouve à l’industrie du disque qu’il existe un public important toujours prêt à acheter des 32
pas tous. Sinon, on risquerait d’instaurer un paysage d’artistes businessmen qui fermerait la porte à la diversité.” Amélie-lesCrayons justement, insiste sur le live : “C’est le spectacle vivant qui fait la balance. Si les concerts deviennent une habitude et sont accessibles à tous, c’est par là que “le grand public” peut trouver autre chose qu’il n’a pas dans sa télévision ou dans sa radio : le vivant ! Pas de concurrence possible… Alors guider les gens “mal informés” vers les concerts et le spectacle, me semble être la seule solution !” Ce que confirme Domb : “C’est par la scène que nous nous sommes faits. Les deux catégories de personnes qui réagissent vraiment bien à notre musique sont les programmateurs et le public !” Dépités, ils ajoutent : “Pourtant, malgré nos 350 dates et les spectateurs qui vont avec, nous n’avons presque jamais intéressé les médias, ni les professionnels…” Rémingway surenchérit : “Séduire les médias, pour un artiste indépendant ou autoproduit, n’est pas chose facile, vu l’écart énorme entre l’offre et la demande. Il faudrait que les médias (surtout les radios) jouent le jeu de la nouveauté, de la découverte…” Tasmaniac penche davantage pour la responsabilisation : “A nous, individuellement, de nous inscrire dans des démarches alternatives, comme aider à distribuer un fanzine, soutenir une radio de chez soi, tenir une émission… C’est simple et ça peut véhiculer beaucoup de choses, toucher du monde. On peut se montrer, on n’a pas besoin de TF1 ou de NRJ !” Miro, lui, pense qu’il faudrait “permettre à des radios libres d’exister sur des grandes fréquences, laisser de vrais programmateurs passer la musique qu’ils aiment… Il n’existe pas, en France, de grande radio qui permette à des gens d’exprimer leurs goûts musicaux. Forcément, elles sont partenaires de grands groupes / majors, ce n’est pas dans leur intérêt que les gens suivent les vrais goûts musicaux des programmateurs…”
n’est pas loin, c’est pratique, on sait où c’est et on sait à quoi s’attendre…” La Caravane Passe, “le groupe le plus célèbre de tout le village de Plèchti”, pense que “pour guider les gens vers des artistes non marquetés, on peut toujours rêver ! Il ne faut pas confondre la Muzika avec ce qui passe sur les radios pour le grand public, qui veut juste ne pas être seul. Il y a un grand business autour de ça. C’est pas des radios, c’est des pubs avec plein de fréquences qui font mal à la tête !” Amédée Colère est encore plus radical : “Aujourd’hui on peut considérer que la télévision est morte, elle anime encore peut-être la nostalgie des plus âgés, mais elle n’apporte rien aux artistes émergents. Les consommateurs de musiques actuelles font leur marché sur le Net, légalement ou pas.” Mell ironise : “Moi, j’ai pas la télé… mais j’imagine que l’on y entend beaucoup de musique… pendant les pubs !” Nadj, dont la devise est “Jouir, chanter, vibrer à l’infini”, donne un avis tout à fait personnel et pertinent : “L’information n’a jamais été aussi disponible qu’aujourd’hui, mais sous l’apparence du choix délibéré, les médias verrouillent l’esprit des consommateurs en amoindrissant leur capacité à choisir. On anesthésie leurs sensations, leur sens critique ; leurs pensées, même les plus contestataires, sont du pré-mâché. La rébellion se vend bien, et surtout, permet aux gens de se croire dans une expérience de vie plus authentique. Je ne crois qu’au chemin d’éveil intérieur, par soi-même et par volonté farouche. La confusion rock’n’roll a été semée, mais je crois en même temps que cette époque est fantastique car, en ces temps de perte de repères, la seule personne vers laquelle nous tourner pour trouver des réponses, c’est nous-même. Il n’y a pas à guider les gens, il y a juste à s’éveiller individuellement. Le reste, c’est l’univers qui s’en charge…” Photos : D.R., R. Gil, R. Lugassy, A. Dodeler, N. Messyasz.
Jules : “Pour découvrir d’autres artistes que ceux que la TV propose, il faut aller les chercher ! Et on ne sait pas forcément où, ni comment. Personne n’est contre la pluralité et la diversité, c’est juste une question de recherche. Et chiner n’est pas très tendance en ces temps du prêt-à-porter / prêt-à-jeter. Tout le monde aimerait goûter des plats inconnus, exotiques ou aventureux, mais à la fin on se retrouve à la pizzeria du coin, car ce
“Pas vu à la TV #2” - Exclaim / Echo Productions Avec : Aldebert, Amédée Colère, Amélie-les-Crayons, Armens, Babx, Boogie Balagan, Chair Chant Corps, Claire Lise, Coup d’Marron, David Lafore 5 Têtes, Demians, Deportivo, Didier Super, Domb, Emzel’Café, Florent Vintrigner, Gojira, Imbert Imbert, Improvisators Dub, Jack the Ripper, Jules, Karpatt, La Caravane Passe, Le Petit Dernier, Les Doigts de l’Homme, Loïc Lantoine, Maxxo, Medi and the Medicine Show, Mell, Mes Anjes Noires, Miro, Mo’Kalamity, MyPollux, Nadj, No Mad ?, Oldelaf et Monsieur D., Orange Blossom, Rageous Gratoons, Redbong, Rémingway, Rodolphe Testut, Rude Boy System, Semtazone, Siméo, Spline et la Mauvaise Herbe, Swing Gadjé, Syrano, Tasmaniac, Zenzile, Zong.
www.echoprod.fr - www.pasvualatele.net 33
UN K COMME KEBEC Depuis Félix Leclerc, en passant par les opéras rock à la Plamondon, les Québécois ont cherché confirmation en France. Mais cette fois, une nouvelle génération de musiciens voyage avec un style racé, une langue épicée. Est-ce toujours la même chanson?
S
orte de terre promise, la France pour le chanteur ou le groupe québécois ? Après les voix québécoises fabriquées pour la variété, des personnalités plus singulières, à l’image d’une scène montréalaise effervescente, veulent aussi laisser une trace outremer. Et qui s’en plaindra ? Réunis dans les locaux de la maison de disques La Tribu, Dumas, Les Cowboys Fringants et Marie-Annick Lépine connaissent chacun à leur façon prix et reconnaissance dans la belle province. Ceux que l’on surnomme affectueusement Les Cowboys ont occasionné un véritable séisme au Québec, vendant plus de 220 000 albums, remplissant arénas et multipliant les spectacles. Une aventure incroyable pour un groupe connu pour ses chansons folk country qui jouent sur les archétypes québécois, du motel de banlieue au drapeau bleu à fleurs de lys. Marie-Annick Lépine, également violoniste du groupe, débute parallèlement une carrière solo avec un premier disque sorti en France, comme au Québec, le printemps dernier : Au bout du rang. Dumas a quant à lui conquit plus de 50 000 fans avec son deuxième opus Le cours des jours. Sa dernière galette, Fixer le temps, assoit un style personnel, à la fois intime, rock et fragile. Le chanteur Karl Tremblay, le bassiste Jérôme Dupras des Cowboys Fringants, Marie-Annick Lépine et Dumas confient leur expérience hexagonale, un périple excitant, plus complexe que les simples jeux d’apparence. SI LE SUCCÈS VOUS SOURIT AU QUÉBEC, COMMENT RÉAGIT LA FRANCE ? MARIE-ANNICK LÉPINE : Je reviens tout juste de France où j’ai réalisé quatre spectacles. Avec Les Cowboys Fringants, on est rendu à 45 000 albums vendus. A notre dernière tournée, on remplissait des salles de plus 1200 personnes. Il nous reste à décider maintenant si on veut s’y rendre plus souvent. JÉRÔME DUPRAS : Ca a été le même processus, là-bas comme ici. On n’est pas à la télévision, on joue très peu à la radio. Dans le fond, on se fait connaître par le bouche-à-oreille. On y est allé pour la première fois en 2003, à l’Elysée Montmartre. La salle était pleine de gens qui connaissaient par cœur nos paroles alors que notre disque n’était même pas distribué. MAL : On a réalisé que c’était principalement à cause des Français qui venaient en voyage chez nous et qui se faisaient recommander nos disques parce que ça représentait bien le Québec. Les médias français, eux, ne comprennent pas le suc-
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UN K COMME KEBEC
LES COWBOYS FRINGANTS, DUMAS & MARIE-ANNICK LÉPINE LA TENTATION HEXAGONALE racines de la musique des Cowboys. On a un côté très folklorique, les gens ont donc l’impression de découvrir une autre culture.
cès des Cowboys, ils ne savent donc pas comment nous appuyer, puisque tout s’est fait sans eux. JD : C’est aussi grâce à l’Internet. Un site comme “Les cousins fringants” (www.cousinsfringants.asso.fr), des fans qui aiment la musique québécoise, nous a donné un coup de main. DUMAS : Même pour moi, quand je vais en France, “Les cousins fringants” sont une quarantaine dans la salle. Mon premier contact avec la France s’est réalisé grâce à des premières parties pour les Cowboys avec qui j’ai tourné pendant un mois. Fixer le temps vient de sortir cet automne alors je me prépare pour les concerts.
EST-CE QUE L’ON CHANGE ALORS SA FAÇON DE FAIRE, DE SE PRÉSENTER ? MAL : En solo, en France, je m’attarde un peu plus à expliquer mes textes. Par exemple, une “Pontiac Grand Prix”, une voiture américaine, ne suscite pas une image forte en France. C’est donc important d’expliquer la source de l’inspiration. D : Je joue avec le déroulement de mes chansons puisque les succès ne sont pas toujours les mêmes. Par exemple, une chanson comme J’erre qui a eu un impact au Québec, je ne la place pas à la fin d’un spectacle en France. Elle n’est pas assez rythmée. Je mets donc l’emphase sur des chansons plus mélodiques, comme Tu m’aimes ou tu mens, la chanson du film Les aimants. On a aussi revu la jaquette de Fixer le temps qui ressemblait à l’origine à une pochette de… Johnny Hallyday !
Michel Pinault
EST-CE QUE LES COUPS DE MAIN ENTRE ARTISTES QUÉBÉCOIS ET FRANÇAIS EXISTENT ? JD : C’est du cas par cas. Avant, nous étions avec une compagnie de disques, Indica, qui croyait énormément aux échanges de ce genre. Pourtant, ça a rarement été le cas. MAL : On achète beaucoup de disques français. Alors quand des gars comme Bénabar ou Thomas Fersen arrivent au Québec, on va voir le spectacle comme des fans. Mais on n’a pas de dialogue avec eux. D : J’ai eu des rapports charmants avec La Grande Sophie avec laquelle j’ai échangé des premières parties, tout comme avec Calogero. Il faut que l’artiste français soit déterminé à venir au Québec et ce n’est pas toujours le cas puisque le marché est petit. Ca reste quelque chose d’exotique pour eux. JD : Alors que pour le Québécois, on cherche souvent une confirmation de son succès en France, une validation comme ce fut le cas avec Félix Leclerc, et même, Céline Dion. MAL : Mais nous, on n’a jamais senti ça comme un passage obligé. On avait plus le goût de montrer aux Français l’existence d’une scène musicale québécoise diversifiée, pleine d’énergie.
LE PUBLIC FRANÇAIS RÉAGIT-IL COMME LE PUBLIC QUÉBÉCOIS ? D : Je ne sais si c’est en raison de tout l’historique de la France avec la chanson, mais on ressent un respect plus profond du texte. Le public semble en général plus attentif. MAL : Même chose pour les Cowboys, on arrive à placer des chansons beaucoup plus calmes qui ne fonctionnent pas au Québec. On est beaucoup plus agité en Amérique du Nord. On veut que ça brasse tout le temps. KARL TREMBLAY : C’est certain qu’en France, personne ne comprend mes blagues. Mais ils se renseignent auprès d’amis québécois. JUSTEMENT,
EST-CE QUE LA LANGUE, ET MÊME L’ACCENT, PEUT DEVENIR
Sarah Lévesque
UNE BARRIÈRE EN FRANCE
? MAL : J’ai plutôt l’impression que c’est un atout actuellement. Les gens sont intrigués par notre accent, mais aussi par les
Les Cowboys Fringants : DVD Live - www.cowboysfringants.com M-A. Lépine : “Au bout du rang” - www.marieannicklepine.com Dumas : “Fixer le temps” - www.dumasmusique.com (Exclaim en France / La Tribu au Québec)
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PLANETE
ALPHAWEZEN “Fr eeze” (Undercover / Naïve) Voyage intérieur dans des terres d’électro éthéré qui se prélasse volontiers dans une pop doucereuse aux synthés magnétiques, Alphawezen pousse encore plus loin la confusion des genres et cède aux assauts des rythmes club. Sans perdre de vue la chaude mélancolie propre à l’univers en apparence aseptisé du groupe, Freeze s’égare dans des rêves hypnotiques et planants où le sombre n’est jamais loin. Plus pessimiste que les précédents , le troisième opus de ce duo allemand offre quelques perles de noirceur, à l’image de Gun song et de son discret violoncelle. Les quatorze morceaux s’enchaînent et s’unissent dans un ensemble riche où la voix d’Asu Yalcindag surgit au détour de plages instrumentales pour se noyer dans les samples d’Ernst Wawra. Une nouvelle preuve qu’Alphawezen reste digne représentant d’une musique électronique distinguée. www.alphawezen.com Yann Guillou
THE DUST DIVE “Claws of light” (Own Records / Differ-Ant) Nouvelle curiosité soutenue par le label luxembourgeois Own Records, ce trio de Brooklyn débarque avec un disque étonnant, réalisé en collaboration avec Jason Loewenstein de Sebadoh. Dispersant des indices déroutants, il convoque une sorte de folk psychédélique et expérimental pour peindre un paysage rustique et désertique. La radio, le chant du coq, l’orgue, le violon, l’accordéon, la guitare servent de matière à travailler des thèmes narratifs qui s’étalent lentement, délicatement. Il y a un côté un peu mystique et nonchalant, et une certaine mélancolie se diffuse finalement à travers la voix de Bryan Zimmerman. Les sons agencés sur des nappes d’ambiance dégagent une esthétique cinématographique à ce Claws of light. myspace.com/thedustdive
FILKOE “Lost zoo keys and the animal spirits that haunt them” (Endemik Music / Hausmusik) Le hip hop sait sortir des voies toutes tracées. Conscient des mécaniques néfastes misent en route, Filkoe tel un chamane visite les esprits des animaux avec son flow bien enjoué, entouré d’instrumentations vagabondant d’un univers à l’autre, du cinématique au lo-fi midi et acoustique. On prend du plaisir tout au long des 19 titres, comme à bord d’un train fantôme sympathique où rien ne nous effraie, se sachant en présence d’étranges créatures qui nous sont familières. Un album qui résonne comme un grand bal loufoque et ludique, qui dans le monde du hip hop aujourd’hui, est une prise de risque, malgrè le débroussaillage réalisé par les Puppetmastaz. Mention spéciale pour Occle occle in come free usant avec habileté du Moanin’ de Charles Mingus. www.myspace.com/filkoe176 François Justamente
PROMISE AND THE MONSTER “Transpar ent knives” (Imperial / Differ-Ant) Imaginez : perdu au milieu d’une forêt suédoise, vous apercevez une fée jouant à cache-cache avec les fantômes. Vous lui courez après et finissez votre course au pied d’un lac magnifique entouré de montagnes enneigées. Eh bien, écouter cet album vous procurera les mêmes émotions. En charge de pratiquement toutes les instrumentations (guitares acoustiques, violons…), la chanteuse Billie Lindhal qui se cache derrière ce nom étrange dessine un folk mystérieux et épuré. On se laisse envelopper par ses arpèges cristallins, sa voix enfantine, son orchestration lancinante. La formule pop au grand air des fjords n’est pas inédite, mais elle fonctionne ici à merveille : on caresse les secrets de Billie sans vouloir complètement les découvrir, comme on ne touche pas aux ailes d’un papillon pour le laisser voler. myspace.com/promiseandthemonster Aena Léo
EL HIJO “Las otras vidas” (Acuerela / Tremolow) Les noms de Migala et d’Abel Hernandez ne vous diront probablement rien. Ce n’est pas très grave, juste rageant. A la fin des années 90, les Espagnols de Migala avaient porté très haut les couleurs de l’americana “à l’espagnole” : un (post) rock rugueux aux doux accents folk. Le frère jumeau de Calexico ou Will Oldham. Oui, c’était une tuerie, un p… de beau groupe. Indé, confidentiel donc voué à devenir culte (si trois tarés s’en souviennent…). Aujourd’hui, Abel Hernandez, son chanteur à la voix chaudement rauque nous gratifie d’un disque inespéré. Les textes, en espagnol, puisent dans l’imagerie médiévale. Côté musique, c’est du folk acoustique délicatement rehaussé de claviers psychés. Les sentiments clairs-obscurs exhalés par ces belles mélodies ne peuvent qu’émouvoir (même si on ne comprend rien à la langue de Cervantès). www.tremolow.com Eric Nahon
FIGURINES “When the deer wor e blue” (Morning Side / La Baleine) Dans Childhood verse, des chœurs planent haut, The air we breathe flotte littéralement dans l’air et le soleil semble veiller à procurer la chaleur nécessaire aux morceaux de ce nouvel album. La bande danoise peint allègrement une pop en plein épanouissement, le genre de chansons florissantes à la Mercury Rev, où la voix s’exprime avec enthousiasme. Comme la pochette l’illustre, l’ambiance rayonnante s’étend à la ronde dans des compositions en tiroirs bien organisés. Une cascade de mélodies alertes et des harmonies perchées s’inscrivent dans une succession de titres élégants. L’ambiance limpide est contrebalancée par d’heureuses incursions plus tendues (Drunkard’s dream), des passages aux rythmes hachés, à la manière de la tension et la folie qui peuvent émaner de The Shins ou Cold War Kids. www.figurines.dk
JENS LEKMAN “Night falls over Kor t e d a l a ” (Secretly Canadian / Differ-Ant) Le deuxième album du Suédois fait évoluer ses prémices baroques vers une pop aux arrangements luxueux. L’artiste précoce évoque Pulp, Neil Hannon (The Divine Comedy) ou Scott Walker. Et les cordes tirent ici vers l’intemporel. Entre disco, clochettes, production lo-fi ou orchestration élancée, Jens Lekman s’éclectise. Une palette de couleurs optimistes aux histoires simples, mais jamais condescendantes. L’album s’étale, s’étire, prend le temps de vivre ou de respirer comme au réveil d’une sieste amoureuse. Une douceur qui colle au teint de cette voix de crooner omniscient et élégant. Un beat hip hop ou un racolage “à la Lambada” plus tard, revoici l’enfant de Göteborg en prise avec des samples introuvables (voire même de ses propres chansons). Une bande originale 70’s entre regrets nostalgiques et bonheur zen. La vie, tout simplement. www.jenslekman.com Samuel Degasne
PICASTRO “ W h o r e luck” (Polyvinyl / La Baleine) Cordes grinçantes et cuivres poussiéreux pour une musique sombre et minimaliste, tenue par un chant fantomatique à la limite de la plainte. Folk maudit, dépouillé et oppressant, glissant vers le post-rock pour pencher vers le slowcore, le monde de Picastro est froid et sec. Inquiétant et écrasant à la première écoute, Whore luck s’apprivoise peu à peu et laisse entrevoir la lumière qui émaille ses compositions, comme les lueurs d’un espoir trompeur. Ce troisième album, dans la droite lignée de ses prédécesseurs, se mue en expérience déroutante avec pour seul guide la voix toujours aussi fascinante de Liz Hysen. De dissonances en murmures étouffés, les dix pistes invitent à se laisser emporter par une sensibilité presque palpable mêlée à une férocité rampante et voilée qui captivent l’auditeur. Dérangeant et poignant. www.picastro.net
POWERSOLO “Egg” (Lolipop Records / Pias) Question power trio, ces trois-là en imposent. Danois d’origine, ils puisent leur inspiration du côté du rock trad et crad, façon Jon Spencer. Et si l’entame de ce disque se fait dans la retenue, c’est pour mieux faire exploser les guitares. Un détournement du I wanna be a dog d’Iggy Pop affole la machine avec de jouissives rythmiques électro-punk. Un tube pour dance-floor en puissance, tout comme Action, cet autre titre vraiment bien dansant. Plasma crystal dope brouille les pistes en mettant en avant des accents de fusion et des doubles voix. A partir de l’endiablé Rockin’, l’album est plus conformiste. La voix sexy Kim Kix s’impose dans des élans rockabilly. Un titre en français, Dans les rues d’ici, affirme la tendance jusqu’au romantique Gentle on the nards, belle complainte torturée, plus parlée que chantée. www.powersolo.dk
Yann Guillou
Patrick Auffret
PSYCHIC TV / PTV3 “Hell is invisible, Heaven is her/e” (Cargo / Differ-Ant) Depuis 1981, Genesis P-Orridge, chanteur aux gros seins, défraye la chronique tant par ses prises de position que par son comportement outrancier. Sa musique est à l’avenant, et le techno-dub-industriel de cet opus frénétique une invitation à la déca-danse. La pandrogénie, philosophie prônant le dépassement des sexes, voire l’unisexe, est glorifiée en dix titres à rallonge. Une porte d’entrée technoïde (Higher and higher) donne les clés de cet univers fantasmé dont la pochette annonce sans équivoque le concept. Freaks de tous pays, les sonorités fantomatiques de In thee body ou de Hookah chalice sont faites pour vous attirer dans un drôle de pays des merveilles électro-pop et post-punk. Seul regret, Lady Jane, la compagne claviériste du gourou trash, est décédée cet été. La tournée attendue a donc été annulée. Juste un report, espérons-le. www.genesisp-orridge.com Patrick Auffret
SOIL & “PIMP” SESSIONS “Pimpoint” (Brownswood / Coop Music) Après plus de deux ans d’attente fébrile, voici enfin le deuxième album du combo hard-bop tokyoïte. A l’image de leurs voisins du Tokyo Ska Paradise Orchestra, le Japon abrite certains des groupes les plus furieux de notre ère. L’énergie punk est très vivace dans cette société rigoureuse et contamine tous les styles musicaux. Bien qu’ils aient levé le pied depuis le premier opus, leur jazz frénétique évolue toujours à des tempi très rapides. Il emprunte au funk et au rock, lorgnant ainsi vers la sueur du dancefloor. Mais ne nous y trompons pas, c’est souvent le cas pour ce style musical qui doit tout à la magie de l’instantané, aussi jubilatoire que soit le disque, l’énergie restituée ici n’arrive pas à la cheville des prestations scéniques du groupe, qui restent parmi les plus mémorables des dernières années. www.jvcmusic.co.jp/soilpimp
YOU AND ME “The r omantic and the r ealist” (Autoproduit / Local) Inspiré par le regretté Elliott Smith, le groupe folk-pop anglophone parcourt depuis 2003 les hauts lieux de la relève musicale montréalaise pour offrir de petites pièces mélodiques qu’on garde au creux de la main. Un talent pour dépeindre le quotidien et créer des images fortes se manifeste à travers leurs airs acoustiques qui trottent dans la tête. L’harmonie des voix de Sandra J. et de Shawn Donnelly (le couple qui constitue le noyau de You and Me) est omniprésente et appuyée par Danny Roy (basse) et Edmund Lam (guitare). Après un mini CD, il s’agit d’un premier album réussi qui témoigne de la beauté de la simplicité. Epuré, accrocheur et un brin naïf. A découvrir : le planant Head noise pollution, aussi sur la compilation Québec émergent 2007 (Sopref), et la douceur intimiste de March. www.theyouandmeband.com
Rafael Aragon
Marie-Hélène Mello
Béatrice Corceiro
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Béatrice Corceiro
Pierre Wetzel
PLANETE
The
Wedding Present
POUR LE MEILLEUR
G
eorge Best a 20 ans. The Wedding Present rejoue son premier album sur scène en cette fin d’année 2007, poussé par la ferveur des fans. Ce groupe n’a jamais explosé aux yeux du grand public, mais sa réputation s’est forgée dans le circuit indé. Il fait bel et bien partie de la scène britannique symptomatique d’une époque particulière : alors que les Smiths démissionnent, le songwritting pop se joue sur fond de guitares noise. Aujourd’hui, son leader David Gedge, petit sourire en coin, évoque la nostalgie qui l’envahit à l’idée de cet anniversaire. Ironiquement, s’il ne peut choisir un album préféré dans sa discographie, il avoue tout de même : “George Best est celui que j’aime le moins ! Dans le sens où après ce disque, nous nous sommes améliorés. On a appris de nos erreurs…” A Leeds en 1985, les quatre membres d’origine autoproduisent le premier single Go out and get’em boy. John Peel, parmi les premiers fans, les invite dans son émission de radio dès 86, et l’engouement pour ce groupe indépendant se répand. George Best paraît en 87 et consacre sa première tournée conséquente. David Gedge se remémore les concerts en Europe et dans des salles plutôt grandes, surtout en Grande-Bretagne, car sa musique “était dans l’air du temps”. Sous le nom de la star du football anglais, l’album renferme des pop songs à guitares noisy. Rejouer ces chansons aujourd’hui ? Le chanteur sourit au challenge que cela représente (“C’est surtout qu’elles sont très rapides !”), lui qui s’est toujours tourné vers l’avant, travaillant des 37
compositions de plus en plus sophistiquées (en particulier avec son projet Cinerama, à partir de 1997, et dans le renouveau de Wedding Present en 2005 avec l’album Take fountain). Et on n’a pas de mal à croire qu’il est difficile de se replonger dans sa peau vingt ans plus tôt. N’empêche, les fans des Weddoes sont tenaces et à jamais marqués par les histoires d’amour sous forme de conversations cyniques et drôles qui travaillent l’esprit de Gedge à temps plein : “On a commencé cette tournée en Grande-Bretagne, devant de vieux fans. Et puis, il y a cette fille qui est venue me dire qu’elle était ravie de nous voir jouer George Best, car elle n’était pas née quand l’album est sorti. Je me suis senti un peu vieux, mais après tout c’est pas mal : c’est une partie de l’histoire qu’elle n’avait pas connue !” Sur scène en 2007, le chanteur-guitariste communique toujours avec simplicité et arbore son flegme indécrottable. Il taquine son public (“Non, nous ne faisons pas de rappel, vous le savez bien !”) et parvient surtout à interpréter ses vieux morceaux avec fougue et vitesse, comme au premier jour. A l’attention des fans qui ont usé les enregistrements cassettes que le groupe vendait lui-même après les spectacles de l’époque, deux concerts de 87 sont désormais gravés sur un double album distribué par des labels indépendants dans diverses zones géographiques. Il marque un souvenir et non une fin, car Gedge compte enregistrer un nouveau disque dès janvier à Chicago, avec Steve Albini. Ce qui laisse au moins facilement supposer que les guitares seront au premier plan… Béatrice Corceiro “Live 1987” - Talitres / Differ-Ant www.scopitones.co.uk
FESTIVALS
Biennales Internationales du Spectacle Les 16 et 17 janvier 2008 - Nantes (44) www.bis2008.com
’est l’événement des professionnels du spectacle et acteurs culturels. Musique, théâtre, danse, arts de la rue, cirque… les BIS ont pour ambition de permettre à tous ceux qui s’impliquent dans le monde culturel de se rencontrer, de développer leurs réseaux professionnels, d’initier des projets et de trouver des solutions utiles à leurs activités. Et c’est devenu la plus importante manifestation internationale des professionnels des arts de la scène. Elle s’adresse à tous les acteurs de la vie culturelle internationale, des artistes, bien sûr, aux lieux de diffusion de spectacles et collectivités territoriales, en passant par les producteurs, agents artistiques, tourneurs et autres organismes professionnels et institutions culturelles. Des représentations dans les lieux culturels de référence à Nantes seront proposées le mercredi soir aux participants des BIS, avec une programmation exigeante et en phase avec les tendances de la création artistique française. Mais le plus important, ce sont les grands débats quotidiens. Consacrés à l’actualité et à l’avenir du spectacle vivant, cette année ils tourneront autour de ces thèmes : “Démocratisation culturelle : les mythes, les réalités”, “La diffusion peut-elle sauver la production ?” “Politiques culturelles : évolutions, nouveaux modèles ? “Éducation artistique : construire une véritable politique.” Tout un programme !
C
e Réseau 92, association créée en 1994, fédère 16 structures des Hauts-de-Seine dédiées aux musiques actuelles. L’objectif est de développer les pratiques de musiques actuelles du département. Ses missions concernent l’information, la formation, la mise en réseau des acteurs de ce secteur, l’accompagnement d’artistes, et… Träce, qui est un dispositif de repérage, de professionnalisation et de promotion de musiciens qui accompagne chaque année sept groupes autoproduits. Destiné aux groupes et musiciens indépendants du département, Träce met en synergie les éléments nécessaires au développement de leurs projets. Les sept groupes bénéficient, au cours d’une année, d’une formation sur l’environnement professionnel et artistique (suivi en répétition, préparation à l’enregistrement et à la scène), d’une aide au développement de leur projet et d’une distribution de leurs disques dans les médiathèques du département. La finalité est un festival, véritable aboutissement du travail d’accompagnement des groupes de la sélection annuelle. Les groupes sont programmés en première partie de têtes d’affiche, qui, elles, sont programmées en fonction des influences et styles musicaux des groupes de la sélection. Les groupes sélectionnés pour participer à l’édition 2008 du festival sont Ghost Orchid, Mamasaid, Ronysaï Bertivox, Joke et Bazarsonik, et les têtes d’affiche Maximum Kouette, Rike, Parabellum, Elzef, Meï Teï Shô et Misanthrope. www.reseau92.com - 01 47 36 78 23 Du 25 janvier au 15 février 2008 - Hauts-de-Seine (92)
L
Festival Träce 38
LES 20 ET 21 SEPTEMBRE 2007 - STOCKHOLM (SUÈDE) / TURKU (FINLANDE)
LES 15 ET 16 OCTOBRE 2007 - CABARET ET STUDIO “JUSTE POUR RIRE”, MONTRÉAL (QUÉBEC, CANADA)
M. Pinault
M pour Montréal
The (Int.) Noise Conspiracy
P. Wetzel
Baby Shakes
Priestess
We Are Wolves
Airs du Nouveau-Brunswick
S. Beyer
DU 18 AU 20 OCTOBRE 2007 - LA CONDITION PUBLIQUE, ROUBAIX (59)
Christian Kit Goguen
Ryan LeBlanc
En 1902 à Roubaix, l’entrepôt “La Condition Publique” stockait la laine afin de la conditionner avant de pouvoir l’utiliser. En 2007, c’est un gigantesque lieu culturel de 8000 m2 ! Outre une prog pointue à l’année, en collaboration avec Musique Nouveau Brunswick, le lieu se paye une tranche de musique acadienne à l’entrée de l’hiver. Pour l’occasion, la rue principale se transforme en cabane à sucre, caribou et ours compris ! Et chaque soir “ça swingue au pays d’la Sagouine” comme l’écrirait Antonine Maillet ! Ryan LeBlanc propose des morceaux sans chant mais emballants, Christian Kit Goguen, à la voix éraillée, fait du folk mélancolique, Fayo chante en Chiac, ce vieux français acadien qui se frotte a l’anglais omniprésent pour accoucher d’une langue délicieusement bâtarde, Roland Gauvin reste sans rival pour faire “lever le party”. JP Leblanc est un prodige du blues, Hot Toddy un trio de blues mélodique, et Les Païens jazzent-rockent de façon débridée. Trois jours d’immersion qui donnent envie d’aller manger une “chaudrée de poissons” dans les rues de Moncton ! www.laconditionpublique.com Serge Beyer
Désin’Volt
DU 8 AU 20 OCTOBRE 2007 - OUAGADOUGOU (BURKINA-FASO)
LES 26 OCTOBRE ET 8 NOVEMBRE 2007 - PARIS (75)
Faso Komba
Smokey & DJ Awadi
E. Songis
Waga Hip Hop
Pilot
Milestone
Thibaud
Le Waga Hip Hop est dédié aux cultures urbaines. Cette année il s’est étendu de la capitale du Burkina-Faso, Ouagadougou où le siège de l’organisation est implanté, vers les différentes provinces du pays : Pö, Koudougou, Ouahigouya et Bobo Dioulasso. Riche en diversités d’artistes du milieu hip hop, cet évènement d’ampleur internationale doit sa réussite à la forte implication des artistes burkinabés et à l’association Umané Culture assurant d’une main de fer une logistique infaillible. La richesse des spectacles, des programmes, conférences et formations hisse assurément le Waga Hip Hop au premier rang africain des festivals du genre. www.wagahiphop.com
Les studios SMOM (10 rue Boyer, 20e) sont à l’origine de l’événement. Ils se donnent pour mission de soutenir et de faire découvrir des groupes parisiens émergents (sélectionnés par leurs soins) au grand public et aux professionnels. Cette deuxième édition a lieu à la Bellevilloise, également rue Boyer. La première soirée s’articule autour d’un débat ouvert à tous, rassemblant des intervenants issus du monde de la musique. On échange intelligemment sur la problématique : “Le développement et la diffusion d’artistes / Paris : place française incontournable ou ville vitrine inaccessible ?” On écoute ensuite la chanson colorée de JB Manis. La pop élégante de Thibaud ouvre la seconde soirée à la Halle aux Oliviers. Puis on descend au Club pour les concerts de Pilot (rock 80’s percussif), Milestone (rock 90’s harmonique) et Eldia (cabaret rock éclectique). On finit avec Flox, artiste anglais chevronné, et son “reggae-flow” électro. myspace.com/smomdesinvolt Elsa Songis
Courants d’Air
Coup de Coeur Francophone
DU 10 AU 13 OCTOBRE 2007 - SATIN DOLL, BORDEAUX (33)
DU 1
Oldelaf & Monsieur D.
Clarika
ER
Coco Guimbaud
La quatrième édition bénéficiait cette année du parrainage de Clarika. En préambule, la défection des Singes Savants permit à Bastien Lucas d’occuper seul la scène durant deux bonnes heures qu’il remplit de son répertoire alternant humour et émotion. Le lendemain, le festif était de mise, avec au menu la chanson insolente de sensualité de Coco Guimbaud, suivie de l’humour caustique d’Oldelaf & Monsieur D. La soirée de vendredi débuta par la prestation du Bordelais Olivier Gallis. Ses chansons, superbement troussées, en ont séduit plus d’un. Jérémie Kisling, en solo, lui succéda. Son répertoire dépouillé s’offrit d’une manière inédite et la qualité de son écriture éclata au grand jour. Clarika, en trio, a clôturé le festival avec un show énergique à la hauteur des espérances, par contre on regrettera qu’une fois celui-ci terminé l’artiste se soit refermée comme une huître, devenant pour le coup totalement inabordable. Dommage pour les organisateurs, qui se sont une fois de plus surpassés afin de mettre sur pied un festival attractif. www.bordeaux-chanson.org Alain Birmann
M. Pinault
D.R.
Torngat
Nous étions sceptiques quant à l’attraction de cet événement qui se déployait sur deux jours, mais le public, disons l’industrie, s’est déplacé pour voir les espoirs les plus prometteurs de Montréal : du rock lourd à la Priestess, aux joyeux orchestraux Torngat en passant par la bande pop-rock polissonne des Hot Springs, et les électro-magiques We Are Wolves, gagnant d’un prix Galaxie. On avait même invité pour l’occasion des journalistes étrangers, en plus de quelques programmeurs de festivals internationaux. Mais ce qui manquait cruellement, c’est une ambiance, comme des véritables fans surexcités, au lieu d’une petite foule distante, bavarde et pointilleuse. Une question s’impose : pourquoi ne pas jumeler les efforts de M pour Montréal au sein d’un festival déjà existant comme Pop Montréal ? Une histoire à suivre… www.mpourmontreal.com Sarah Lévesque
Il y a des festivals dans des villes, d’autres dans des champs, d’autres encore sur des îles ou en bord de plages, mais jamais encore nous n’avions été conviés sur un bateau (en marche) pour aller festoyer ! C’est donc à Stockholm que nous avons atterri, quelques heures avant de monter à bord d’un ferry en direction de Turku, pour vivre cet événement hors du commun : une “croisièreexpress” de 24h totalement déjantée, rythmée par le roulis des vagues mais aussi, et surtout, par les cadences sauvages du rock garage et du punk. Cuir, clous, jeans, slim, tatoos, piercings, pin up, etc., c’est une foule très “lookée”, qui embarque, et une fois ses paquetages jetés dans les cabines, commence à s’éparpiller à travers les étages. Le magasin “duty free” est immédiatement pris d’assaut par les festivaliers venus faire leurs (larges) provisions éthyliques pour la nuit… C’est au bien nommé Dancing Palace, sorte de mini-dancefloor façon “Love Boat” à la déco kistchissime, qu’ont lieu les concerts. Les Patsy Walkers d’Helsinki sont les premières à se jeter à l’eau (façon de parler), suivies par Baby Shakes, de jeunes et sexy New Yorkaises dont les compos rock / power pop manquent un peu de piment. Pendant que certains immortalisent cette soirée directement sous leur peau au salon des tatoueurs, d’autres s’aèrent sur le pont, respirant à plein nez l’air de la Baltique avant de replonger dans le ventre du bateau pour retrouver UK Subs, The Flaming Sideburns, The Datsuns et Henry Fiat’s Open Sore - les “rois du punk à 13 couronnes” -, tous plus explosifs les uns que les autres (à part Datsuns, peut-être…). La nuit se laisse envahir par les démons du rock, et se déroule ainsi jusqu’au petit matin. Quelques minutes de sommeil plus tard, ça redémarre avec Randy, touche-à-tout du punk, qui “décapitent” une partie du public dès leurs premiers riffs. Toniques les Suédois, mais pas autant que leurs compatriotes de The (International) Noise Conspiracy qui closent le festival en apothéose, devant un public en adoration. Sans hésiter : le meilleur set de la traversée ! 24h chrono après notre départ, nous revoilà déjà à quai, la tête pleine de souvenirs rock’n’roll… Une deuxième édition est déjà en cours de préparation pour 2008, sur un bateau, diton, deux fois plus gros… Mycket bra ! www.rocknrollbaten.se Cédric Manusset
D.R.
FESTIVALS
Rocknrollbåten
AU
11 NOVEMBRE 2007 - MONTRÉAL (QUÉBEC, CANADA)
Geneviève Letarte
Le Husky
Emilie Proulx
L’événement s’étend sur six fuseaux horaires, de St-Jean (Terre-Neuve) à Vancouver. Mais c’est à Montréal que bat le cœur du Coup de Cœur… L’édition 2007 a été marquée par les femmes. MarieJo Thério d’abord, brindille blonde ébouriffée aux yeux allumés de galaxies qui n’existent pas, télescopant le Consort Contemporain de Québec pour une rencontre émotionnelle. Puis la lumineuse Chloé Sainte-Marie qui vide son cœur sur scène dans un spectacle profond et fort. Et l’élégante Geneviève Letarte, “écrivaine”, poétesse et chanteuse de grande classe qui se balade du jazz-rock à la chanson intemporelle qu’elle nomme “poèmes rythmés”. Aussi la frêle Emilie Proulx qui, de son acoustic-folk-ambient marche sur les traces de Suzanne Vega. Puis Moriarty, chant en anglais, beat folkisant, accents des pays de l’Est mâtinés de country. Enfin Watcha Clan et son groove électro qui fait décoller la salle. Explorations musicales et le charisme de la chanteuse qui vous happe littéralement ; l’une des grosses claques du festival ! www.coupdecoeur.qc.ca Serge Beyer
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BRUITAGE A.P.P.A.R.T.
CECILIA::EYES
MARIE CHERRIER
“Digital western”
“Alors quoi ?”
CHOZPAREÏ
(Caroline Prod / L’Autre Distrib.)
“L’autr e bout du soir”
A.P.P.A.R.T est un illustrateur dont le sens de la décoration est particulier. Digital western n’est pas une vraie-fausse bande-son de plus : il y a toujours beaucoup de poussière dans un western et A.P.P.A.R.T. dépoussière justement le genre - il n’y a pas qu’Ennio Morricone dans la vie -, mais pour le resalir aussitôt. Il sait entretenir la curiosité de l’auditeur ; chaque titre ou presque contient sa touche d’insolite : “dirty harmonica” versus synthébass, ou quand la guimbarde rencontre le big beat. Ces pièces rapportées sonores évoquent parfois l’art et la manière du Peuple de l’Herbe ou de Kid Loco, avec cependant plus d’allers-retours entre le rock et l’électro (guitares “ambiance désert” obligent…). Beaucoup de voix sont également présentes, oscillant entre soul et pop (un peu trop soul peut-être). En bref, des objets intéressants et hétéroclites, tel l’intérieur d’une carriole de colporteur, 150 ans après la conquête de l’Ouest. myspace.com/appartdigitalwestern
“Mountain tops are sometimes closer to the moon” (dEPOT 214) Superbe premier album de la part de cette formation belge dont le EP Echoes from the attic, sorti fin 2005, avait laissé de bonnes espérances. Les voici exhaussées en neuf longues plages au cours desquelles le groupe, obsédé par le souci esthétique, prend le temps de peaufiner des ambiances vaporeuses afin de créer une sorte d’apesanteur à la Kubrick, magnifiquement lente et troublante, qui perturbe la respiration et les perceptions. Les guitares, enrichies en reverb, sont la clé de voûte de ces nébuleuses postrock instrumentales, durant lesquelles chaque mouvement est progressivement décomposé, étiré, puis enluminé, à la manière de Mogwai ou Explosions in the Sky. Une approche qui nécessite de grands espaces de jeu et de la minutie dans la préparation, choses que le quatuor sait si bien pratiquer que l’on est tenté de n’en dire que du bien… Ah, que ne ferait-on pas, de nos jours, pour les (beaux) yeux de Cecilia ? www.ceciliaeyes.be (cliquez au centre…)
En concert, elle monte pieds nus sur scène, pour mieux danser autour de ses musiciens. Difficile de ne pas tomber sous le charme de cette fausse ingénue qui signe, à 23 ans, son deuxième album. Moins insouciant que le premier, elle y évoque l’amour, ses chagrins et le goût amer que laisse parfois le monde, avec pourtant une joie de vivre jamais forcée. Elle affiche une maîtrise de la langue impressionnante, dévoilant une poésie qui mêle sans heurt vocabulaire désuet et contemporain. Ca s’écoute comme des histoires au coin du feu, on se laisse bercer par sa voix à la Vanessa Paradis. Marie passe parfois derrière l’accordéon, colorant ses morceaux d’un accent musette-manouche. L’intervention de guitares électriques, basse, banjo et percus lui évite de s’enfermer dans le genre. On craque pour sa chanson hommage à Renaud, où elle ne se prive pas de lui envoyer quelques coups, mais avec tendresse. Il fallait oser. www.mariecherrier.com
(Autoproduit)
Benoit G. Gerbet
Cédric Manusset
Aena Léo
Aena Léo
(Deontologie)
Ces gars-là sont des batteurs de pavés, c’est leur pochette qui le dit : on y voit leurs instruments posés à la va-vite dans une rue mal éclairée. De leurs pérégrinations de villes en villes, ils ont ramené des tranches de vie douces ou dures, mises en mots comme des bonbons entourés d’un joli papier rose. On craque, par exemple, sur Les albatros qui, pour parler des galères des banlieues, prend la métaphore des oiseaux qui ne peuvent plus voler. Le groupe est né en 2001, lorsque les six amis, alors étudiants à Montpellier, ont commencé à jouer ensemble. Sur ce troisième album, ils déploient une belle palette d’instruments : batterie, percus, guitare, sax, basse, clarinette, ukulélé, scie musicale, accordéon… Tous les ingrédients d’un disque de chanson néo-réaliste. Mais les compères s’éloignent du genre un peu trop rebattu en électrisant leurs instruments et en osant des rythmes beaucoup plus rock. www.chozparei.com
COURIR LES RUES
ELEPHANT LEAF
FAMILHA ARTUS
DANIEL FERNANDEZ
“De l’autre côté l’herbe est ver te” (Anticraft) Ce quatuor de Cergy-Pontoise a emprunté son nom à un recueil de poèmes de Queneau. A l’instar de l’écrivain, ils jouent avec les mots avec l’aisance de maîtres jongleurs, comme sur 6 belles, où ils s’amusent avec les sonorités en “elle”, tenant le défi tout le long du titre. Leurs balades empruntent au manouche et au swing musette. On pense aux Ogres de Barback, mais le groupe a su sculpter un son bien à lui, plus intimiste, avec par exemple l’intervention sur un même titre (Intro java), de violons lyriques, d’accordéon java et d’une contrebasse jazzy. Sur une valse de guitare, trombone, trompette et caisse claire, ils chantent tour à tour en duo ou en chœur. Ils y causent de leurs amours bien sûr, plutôt éméchés par la routine, mais aussi de thèmes plus engagés : les sans-le-sou, les maux qui bouffent la planète (la liste est longue), la solitude… Le tout, avec humour et fantaisie : on est d’abord là pour danser ! www.courirlesrues.com
“Emotional power”
“Orb”
“Selon”
(Tutuguri / Cod&S)
(Collectif ça-i / L’Autre Distribution)
(Son de Peau / Rue Stendhal)
Derrière ce pseudo à la signification improbable se cachent les protagonistes du duo Vicious Circle, auteur en 1990 d’un unique disque, remarqué internationalement. Exilés en Belgique où ils participent à divers projets et y fondent leur propre label, Lucie Delhi et Stephan Ink reviennent avec un nouveau projet apaisé, aux confins du post-rock et du triphop. Les caresses des arpèges de guitare et la langueur de la voix féminine nous plongent dans un spleen cotonneux proche de la dépression post-coïtale, dont on sort à de rares occasions, quand la rythmique se fait plus présente et appuyée. L’album est construit comme un long rêve éveillé et diurne, les yeux mi-clos floutant les contours et tamisant la lumière. Depuis l’artwork, magnifique, jusqu’au mixage, tout a été soigné de main de maître par les artistes, permettant une imprégnation optimale dans cet univers onirique et hanté. Une brillante réussite. myspace.com/elephantleaf
La question de l’identité n’est jamais légère, surtout dans une France hyper centralisée qui ignore même sa diversité interne (sans parler des populations immigrées). Le double sens de l’adjectif “radical” n’est donc pas un hasard. L’expression d’une culture minoritaire ne peut être modérée, et son rapport au sang est étroit, comme le rappelaient les Brésiliens de Sepultura. Dans un tout autre registre, le premier long du collectif gascon vibre d’une intensité troublante, réinterprétant un folklore local oublié, avec une puissance et une modernité insolente. Entre électro-acoustique, prog-rock, thèmes et instruments traditionnels, la musique est un pont tendu entre passé et avenir, où le verbe gascon déploie sa charmante phonétique (traductions sur le site). Voilà de la vraie musique populaire française, celle qui s’ouvre à l’extérieur sans s’édulcorer, celle que l’on aimerait inébranlable, et pourtant si fragile. familha.artus.free.fr
Ce musicien s’exile régulièrement à Tanger pour travailler avec des musiciens arabo-andalous. Ajouter à cela ses origines espagnoles et son enfance dans une citée métissée, et vous obtenez un second album en forme d’invitation au voyage et de pont entre les cultures. Fernandez réussit à insuffler toute l’agilité guitaristique et la puissance émotive des chants gitans à ses titres. Les chants, il les emprunte également à l’Afrique (en wolof, dialecte sénégalais), à la pampa sud-américaine, sans oublier la France. Et les instruments suivent : guitares, percus, tama, cajon et accordéon se lancent la balle dans un tourbillon de tango, flamenco, bossa… Sa voix chaude et vibrante empreinte d’une mélancolie douce y évoque les origines, la douleur des déracinés, la caresse du soleil. On se sent quelque part entre une médina bruyante, une plage andalouse et Paris. Et on n’a plus vraiment envie de rentrer… (En concert à L'Européen le 18 février). www.danielfernandez.fr
Rafael Aragon
Rafael Aragon
Aena Léo
Aena Léo
40
BRUITAGE
CLAUDIUS & IOKANAAN
DJ COSHMAR
“ B e a u x t r oubles / Peau courante / Veaux potables” (Autoproduction)
(Compos.it)
Etonnant objet ! Ce duo nous propose un triptyque de maxis, déclinant chacun une formule d’accompagnement différente. La voix de Claudius étant confrontée tour à tour au piano seul, à un orchestre acoustique et à des programmations électroniques, pour quatre courtes fables par disque. Vaste panorama musical pour des textes singuliers, à la fois ludiques et recherchés, contant souvent le désamour et les difficultés à cohabiter. Sur scène, leur univers donne lieu à un véritable cabaret, à mi-chemin entre prestation théâtrale et happening comico-musical, une scénographie omniprésente servant de liant aux aspirations éparses du duo, via le thème de l’eau, auquel les titres renvoient implicitement. Un groupe véritablement inclassable qui convainc par la qualité de ses textes et son exigence mélodique, surtout dans son versant acoustique. Leur beau et original site web n’étant qu’une raison supplémentaire de les découvrir : www.chimeriens.com.
Cet énième DJ ne vous dit peut-être rien, pourtant c’est un personnage omniprésent de la scène hip hop française, multidisciplinaire, comme le prône le mouvement : homme de radio, graffeur et donc poussedisque, comme on dit dans le jargon. S’il n’a rien de révolutionnaire, son électro hip hop est d’excellente facture, dynamique et coloré à souhait. Un brin minimaliste, ses instrumentaux sont parcourus de scratch en pagaille et de traditionnels samples vocaux. Mais son talent de beatmaker atteint son zénith lorsqu’il croise la route des MC’s invités : L2OP et Webbafied en tête. Les ambiances sont assez diverses, du planant au dansant sans oublier les instants plus agressifs où les guitares montrent les dents. Si sa musique est généreuse, l’homme l’est aussi, tous les samples étant isolés dans la version vinyle, au grand bonheur des cratediggers. Les CD-philes ne sont pas en reste, avec un mix bonus de 35 minutes. myspace.com/djcoshmar
Rafael Aragon
Rafael Aragon
“Concr ete or abstract”
VINCEN GROSS
HOT DOG ADDICT
“Demi-deuil”
“Photographic lights”
(Autoproduit)
(Autoproduit)
Un son lourd, oppressant, des textes forts et sombres, chargés émotionnellement, plus scandés que chantés : voici ce que nous propose cet auteur atypique, multi instrumentiste, basé à Besançon. Par ailleurs travailleur agricole itinérant - c’est-à-dire “saisonnier” -, Vincen Gross trouve l’inspiration sur les routes de France et d’ailleurs, ainsi que “dans le calme des champs et du grand air”. Ce premier album, réalisé dans l’urgence, dans le souci “de conclure un cycle, d’expulser au plus vite, de trouver le sens à un désarroi” (c’est présent et palpable dans chacun des 12 titres), mérite toute notre attention. On est littéralement bouleversé par John Merrick, qui donne la parole à l’homme éléphant, égrenant ses souffrances et ses regrets, ou Vénissieux 76, qui narre avec froideur et justesse l’enfer des violences familiales, jusqu’à un point de non-retour. De la noirceur, de la colère, mais aussi de l’espoir. myspace.com/vincengross
Les influences new wave tirent vite vers l’électro pour livrer une alchimie sonore tendance et réussie. Le trio parisien repousse les limites du genre en mâtinant ses accents punks d’une bonne dose d’électronique. Sur ces dix titres inspirés, et un morceau caché, la voix profonde et saccadée, voire épileptique, du chanteur Alain Pannetrat se montre convaincante. Il y a aussi les beat répétitifs d’une section rythmique sans batterie, mais soutenue par les abondants effets d’un clavier omniprésent sur lesquels se greffent des guitares bien triturées. Martini girl impose, à grand coups de structuration/ déstructuration, une ambiance déglinguée qui ne lâche rien. La répétition des boucles sonores s’avère ensuite parfois “gavante”, mais certaines ruptures et l’apport d’une voix féminine donnent un nouvel élan, comme sur Tonight et sa rengaine aux accents de Blur. Un disque sautillant pour réconcilier rock et dancefloor. www.hotdogaddict.com
Elsa Songis
Patrick Auffret
41
BRUITAGE ANAÏS KAËL
KIT THOMAS
K O WALSKI
KING KONG WAS A CAT
“The WA Salute”
“A room for two”
“King Kong was a cat”
(La Cavalerie)
(Autoproduit)
(Unique Records / La Baleine)
Deuxième album pour ces Bretons fans de folk traditionnelle. Kowalski, c’est un son rugueux tout comme ces doigts qui glissent sur la guitare sèche ; c’est une voix nonchalante, traînante et des chœurs enveloppants ; mais c’est aussi des paroles à la poésie subtile dans un anglais parfait. L’opus possède un bel équilibre entre voix et guitare, créant un tout désarmant de cohérence. Night bird nous emporte dans une boîte à musique nostalgique à la mélodie soyeuse alors que le titre suivant plante son décor dans les steppes de l’Ouest américain. Ici les sons sont bruts, simples et râpeux. De temps à autre, un piano s’échappe pour aérer la chanson et des lignes de percussions jaillissent. Cependant, pas de doute, l’élément central de l’album reste cette guitare toute puissante qui vous capture inévitablement d’un titre à l’autre et vous balade délicieusement au cœur de cette bonne vieille folk. myspace.com/aroomfortwo Isabelle Leclercq
“Chansons coquelicot-trash” (Autoproduit)
Sorte de Jeanne Cherral qui aurait lâché le “politicly correct”, ou de Sanson punky, cette amoureuse du piano ne mâche pas ses mots : “C’est la chorale des sans couilles, des minets qui ne se mouillent pas, et moi je me demande si c’est dans votre caleçon que ça bande.” “Viens te faire lécher tes blessures infectées de remords et d’amers regrets, de rancœur et de lâcheté. Viens, prends-moi comme tu me haies ou m’aimeras…” Les mâles en prennent ici largement pour leur grade ! “Mais mon vagin, ça tu l’aimes bien.” “Polie, jolie, obéis au lit ! Rappelle-toi que tu as le choix d’aller pisser sur l’autel de l’autorité.” Mais quelques accalmies pointent ici ou là (“Arrachemoi à mon bunker, même si dehors je risque ma vie.” “Ma sombre bouée s’est crevée et je sombre.”), révélant des fêlures bienvenues. Avec sa voix haut perchée, ses mélodies ciselées et son petit air mutin, Anaïs ébouriffe la chanson française d’un souffle trashy, et ça fait du bien ! www.anaiskael.com
En écoutant Dou you mind, proche des ritournelles d’EZ3kiel, on se dit qu’on est tombé sur une bonne adresse. Et si le reste de l’album se démarque nettement du combo tourangeau, il reste pour points communs l’imagination et la jubilation communicative. Cette électro, tout à la fois débridée et abstract, rallie ainsi les suffrages des cérébraux et des instinctifs. Les aficionados de Reflex et de Boom Bip, par exemple, seront comblés. Les textures sonores là encore ne cèdent pas à la facilité : étoffées, elles habillent pleinement la trame mélodique. King Kong Was a Cat, en bon félin, bondit d’un territoire musical à un autre tout au long de ce disque. Multidisciplinaire, cette quête artistique se poursuit sur le net, avec un site cartoonesque. Pas évident de s’y retrouver, mais on s’y perd agréablement. www.kingkongwasacat.com
L’album s’ouvre sur des accords de guitare folk puis, comme sur la plupart des 14 titres, suit la voix aux multiples harmonies délicieuses façon Beach Boys. Quelques intros au son d’un xylophone rétro illuminent une voix plutôt haute, chaude et mélodique. Cet ancien de la formation 8LPM! offre un beau premier essai avec un amusement communicatif pour l’habillage sonore (clapping, feutre griffonnant, guimbarde, bruits de pas, portes qui claquent). Comme chez la plupart des groupes anglo-saxons, les mélodies sont primordiales, mais les textes sont aussi malicieux et empreints d’humour comme lorsqu’il implore ironiquement “Remind me on the next CD” et, pour sûr, de nombreux le feront. A noter que le titre Hello est déjà diffusé sur Radio Nova. C’est donc un disque empli de soleil qui vous scotche un sourire permanent sur les lèvres. A écouter lors de soirées lumineuses… myspace.com/khenwood
Serge Beyer
Vincent Michaud
Isabelle Leclercq
MADI
MALODJ’
MIAM MONSTER MIAM
NAÏM AMOR
“Car efully”
“Kiéki”
“L’homme libellule”
“Sanguine”
(Autoproduit)
(Autoproduit)
(Freaksville Record)
(Atmosphériques)
Une voix singulière, haute et chaude comme la musique noire, quelques accents à la Tracy Chapman et pourtant, Madi est français. Il manie parfaitement la langue de Shakespeare pour parler d’amour, d’amitié, mais aussi de ses doutes. Il s’accompagne d’une guitare sèche discrète et élégante et de percussions éloquentes pour mettre en valeur ce grain de voix si particulier. Les chansons sont limpides et coulent paisiblement, une belle douceur s’en dégage comme sur Story of a friend. Un peu plus “plugged”, le morceau You are mine revient aux sources du folk américain tutoyant des influences country avec ses chœurs puissants. Un bel album qui distille de jolis moments tout en retenues et langueurs. Seulement voilà, l’album n’est pas distribué à ce jour. Dommage car Madi est un artiste à côté duquel les labels ne devraient pas passer. L’appel est lancé ! Quelques titres en écoute sur : myspace.com/madifik.
Ca fait chaud au cœur et au corps, ça sent le cha cha, les percus des îles et le soleil des tropiques. Après deux maxis, ce quatuor bordelais sort son premier album métissé, au croisement d’influences de plusieurs continents. Les musiciens chantent en français mais mélangent les rythmiques du maloya de La Réunion avec l’esprit festif du pagode brésilien. On s’amuse à pister les instruments du monde qui défilent : cajon, congas, conques, violon, et même quelques animaux de la jungle. Leur invitation au voyage colorée et subtile a déjà séduit Femi Kuti et Israel Vibration, dont ils ont assuré les premières parties. Leurs textes parlent d’amour, de racines, d’espoir et surtout appellent à la tolérance et à l’optimisme. “Même les gens qui pleurent sont tristes par erreur”, chantent-ils. Ca ne vous donne pas envie de sourire ? L’album idéal pour ceux qui n’en peuvent plus des cols roulés et des gelées hivernales. myspace.com/malodj
Benjamin Shoos, artiste belge multi facettes très prolifique, se cache derrière cet amusant pseudo qui en dit long sur sa créativité boulimique et insatiable, un peu comme le Cookie Monster de la Rue Sésame. Il conçoit un monde à son image, délirant, extravagant, farfelu et fantaisiste, empreint de (fausse) naïveté, d’insolence et de poésie. Ce nouvel album, chanté en français, mêlant pop, disco, génériques de séries télé, psychédélisme 70’s, électronique vintage, etc., raconte en treize titres l’histoire insensée de l’homme libellule. Après avoir échappé à ses créateurs et vécu des aventures exceptionnelles jusque sur la planète Plutanus 91 (prononcez “nonante et un”), il répandra l’amour et la paix dans l’humanité. Les références fourmillent, tant sonores que textuelles : à chacun de les débusquer et de les attraper dans son filet. On placera ce petit trésor cosmique et allumé près de Melody Nelson et Fleur de métal. www.miammonstermiam.com
Tucson, Arizona : cette contrée évoque pour beaucoup le lieu où évoluent des chantres de l’americana, à savoir Calexico, Giant Sand, M. Ward, autant de talents qui poursuivent avec brio l’œuvre initiée par leurs aînés. Devenue terre sainte pour nombre d’artistes francophones (Murat, Little Rabbits, Amor Belhom Duo…), elle continue de faire fantasmer, et légions sont ceux qui viennent y enregistrer. Naïm Amor, issu du duo précité, a pour sa part décidé, par amour, d’y vivre et d’y faire de la musique. Ses amis ont pour nom Joey Burns et John Convertino (Calexico), dont la contribution à Sanguine, premier album distribué en France, s’avère essentielle. Outre un talentueux line-up, le disque est une réussite, tant sur le plan musical que textuel. Ainsi, il est permis de savourer jusqu’à plus soif ce délicat nectar, chansons country aux volutes lascives, évoquant, dans un français châtié, un Ouest américain fantasmé. www.amormusic.com
Aena Léo
Elsa Songis
Alain Birmann
Isabelle Leclercq
42
BRUITAGE
LOFOFORA “Mémoire de singes”
LUDEAL
(At(h)ome / Wagram)
“Ludéal”
Reuno, l’intègre chanteur du groupe alternatif phare des années 90, prouve qu’il n’a rien lâché. La chanson Mémoire de singes est un véritable hymne jusqu’au-boutiste qui réaffirme haut et fort les principes fondateurs du combo à la méchante voix. Si l’opus précédent pouvait paraître plus sage, la rage est bien de retour, plus tribale que jamais, avec une batterie à faire s’emballer une boîte à rythme ! Les textes collent à cette musique furieuse, apocalyptique mais surtout concernée, presque citoyenne. Mention spéciale au nauséabond Tricolore, mais aussi au vite dit bien dit Employé du mois ! Bien vue aussi la collaboration avec King Ju, chanteur de Stupeflip. Elle est sonore sur Trop, le morceau de clôture, et picturale avec cette très belle pochette proche d’Armagenon. Ce sixième album poursuit le combat autonome et révolutionnaire avec une hargne intacte. En ces temps troublés, c’est rassurant, à défaut d’être salutaire. www.lofofora.com
(Jive Epic / Sony BMG)
Patrick Auffret
Alain Birmann
Sélection CQFD des Inrockuptibles, le dénommé Ludéal (pseudo et anagramme) présente son premier album enregistré sous la houlette de Jean-Louis Piérot (Bashung, Miossec, Yves Simon) et Frédéric Lo (Daniel Darc, Stephan Eicher) : un recueil de dix titres esquissant les contours d’un talent peu commun. On est d’emblée happé par cet univers cinématographique inédit, bizarre, où évoluent pétroleuses déchues, lycéennes débridées, ange au clair de lune et soupirant déclarant sa flamme dans son costume de nonne. Finement ciselée, l’écriture est inventive, poétique, captivante. Le phrasé évoque Bashung, période Bergman, le timbre de la voix, un certain Frédéric Lo du temps où il s’essayait au chant. Il est des chansons qui s’imposent par leurs vertus mélodiques, d’autres par leur fort pouvoir d’évocation ; celles contenues dans cet album satisfont avec brio à ces deux critères. www.ludealmusique.com
ORBOR
O-RUDO
“Tais-toi et chante”
“ L e p a r fum des étoiles”
(Autoproduit)
(Kick Ass Club)
De prime abord, les chansons acoustiques et dynamiques d’Orbor possèdent une petite gouaille swinguante rappelant Sanseverino. Mais si l’on pousse l’écoute un peu plus loin, la finesse musicale et le mordant des textes s’éloignent des voleurs de poules pour le rapprocher de la butte Montmartre, de Renaud (période XXème siècle) ou Romain Dudek (période XXIème). Le chanteur possède aussi cet esprit rock qui ne se prend jamais au sérieux. “Je ne couche jamais le premier soir, sauf si c’est le dernier…”, avoue-t-il en toute fin d’un morceau. Le Parisien déclare aussi sa flamme au Brésil et au foot avec une saudade tout simplement excellente. L’humour continue sur une “chanson cul-cul”, douce ode à la sodomie (si, si, c’est poétique). Orbor pratique l’intelligence avec humour (et vice-versa, bien sûr). Sa guitare est une Ovation et Orbor mérite largement les vôtres. Sur scène, comme sur ce disque très réussi. www.orbor.com
A quoi ressembleraient aujourd’hui les disques de Air si le duo n’avait pas chaussé ses plus confortables pantoufles pour ne servir, depuis quelques années, que de tièdes bouillies régurgitées ? O-Rudo, sciemment ou pas, apporte en partie la réponse. Trompeur au début tant les sons semblent tout droit sortir d’une prod signée par nos chers Versaillais, la suite est truffée de surprises et d’ingéniosité. L’humain et la machine se confrontent au cours de symphonies spatiales, évocatrices de sensations extatiques comme l’immensité, la vitesse, l’expansion… Certains titres renvoient à des constructions kraftwerkiennes, strictes et souples à la fois, tandis que la voix, très souvent “vocoderisée”, suit des schémas plus pop. On pense à Portishead sur l’intro de In the day, mais aussi à Archive, Death in Vegas, etc. De bien belles influences diluées dans un premier opus suave et enivrant. Serait-ce donc cela, le parfum des étoiles ? www.o-rudo.com
Eric Nahon
Cédric Manusset
43
BRUITAGE ORWELL “Le génie humain”
GHISLAIN POIRIER
POKETT
PULL
“The peak” (Active Suspension /
“The Prawn clown”
(Twin Fizz / Rue Stendhal)
“No gr ound under”
Abeille Musique)
(Autoproduit)
Le génie d’Orwell, c’est sa qualité d’écoute, tant il est évident que pour ce nouvel opus, de nombreuses influences pop ont contribué à enrichir une palette musicale (allant d’un folk intimiste à des orchestrations luxuriantes) déjà bien appréciée sur L’archipel, précédent album du groupe. Gageons que Louis Philippe en est une, tant ce disque semble flirter avec le meilleur de son œuvre. Le combo nancéen déploie ici des trésors de trouvailles mélodiques, la richesse des textures sonores et la virtuosité des arrangements faisant le reste. De nombreux invités, dont JP Nataf et Mérédic Gontier de Tahiti 80 aux guitares, contribuent à enrichir le propos. Flûtes, cordes, vibraphone et voix dialoguent harmonieusement, tissant un écrin du plus bel effet que vient peaufiner à l’occasion, sur les savamment orchestrés Le bon endroit et Le génie humain, l’ensemble Gradus Ad Musicam. www.orwellmusic.com
(Ninja Tune / Outside)
Ce quatrième album explosif confirme le titre de maître des pistes de danse du DJ producteur montréalais et marque son entrée chez l’illustre label Ninja Tune. Oscillant entre des pièces hip hop / dancehall dangereusement contagieuses et des instrumentaux électro minimalistes, on y retrouve les deux facettes de Poirier : celui qui sait s’entourer de MC talentueux (Face-T, Ambitieux, Zulu…) et celui qui sait proposer des beats d’influence world avec basses dominantes, confirmant son efficace polyvalence sur un album de qualité. Hybride et plus soignée que Breakupdown, sa nouvelle bombe fait des malheurs (comme en témoignent, entre autres, les single Blazin’ et Go ballistic). Les titres, qui nous font passer de la fête à l’introspection, forment un tout, mais auraient mérité d’être regroupés par genre pour une meilleure écoute en continu. www.ghislainpoirier.com
Le deuxième album attendu de Stéphane Garry, dit Pokett, est sorti. L’ouverture se fait par une belle ballade au piano où, l’air de rien, le songwriter pose sa voix douce, pour s’achever dans une explosion de cordes. Sur The peak, les guitares jouent à allonger les notes vers une nonchalance pop folk aérienne. Parfois, les morceaux sont plus enlevés, comme Anything today ou Strange. La production est propre mais pas lissée, les sons bien en place et la voix jamais mangée par les arrangements. Le titre Follow fait partie de ces chansons qui vous flanquent la chair de poule avec ses chœurs et sa guitare sèche : dépouillée et poétique. Or quelques cuivres insolents et bruits étranges viennent clore le morceau tel un pied de nez à l’évidence. Le jeune homme réussi un album tout en délicatesse, dans la plus pure tradition folk, procurant un délice pour l’auditeur en mal de sons acoustiques. www.pokett.tk
Bonne nouvelle pour aficionados de pop indie : David Lespès, depuis son exil berlinois, a fait le plein de 32 nouveaux morceaux présentés en trois manches (l’album, des B-sides autoproclamées, et des clins d’œil à quelques influences). Bricolages maison, ces petits concentrés de pop (guère plus de 3 minutes) font office de formidable odyssée où fourmillent héros et légendes, rêveries et souvenirs plus vrais que nature. Hey girl s’impose en parfait tube power-noisy. Les trophées s’enchaînent ensuite grâce à des mélodies animées par guitares et claviers aux intentions plus ou moins légères. David finit son sprint tranquille, tend la perche à ses fétiches Guided by Voices, a aussi l’heureuse idée de déterrer le touchant Power race des Thugs ou de remonter Up the hill des Married Monk. L’autre bonne nouvelle, c’est que le label Parklife éditera cet hiver une version spéciale de l’album. myspace.com/pullorchestra
Alain Birmann
Marie-Hélène Mello
Isabelle Leclercq
Béatrice Corceiro
PUNISH YOURSELF
SHINE
SOLANGE LA FRANGE
SPOKE ORCHESTRA
“Cult movie”
“The Common Station”
“Reykjavik”
“N’existe pas”
(Active Entertainment / Pias)
(Bonzaï Music)
(Poor Records / Namskeîo)
(Basaata / Musicast)
Parenthèse dans une carrière digital-hardcore-électroindustriel-metal-dancefloor - et j’en passe - bien remplie, la dernière production des zombis fluos se présente comme un hommage évident au cinéma de genre et à son univers qui les inspire depuis leurs débuts. Le bien nommé Cult movie pourrait être la bande originale d’un film qui n’existe pas, effroyable et violent, comme un télescopage imprévu entre l’horreur brute et l’angoisse incontrôlable. Véritable brassage musical, l’habillage sonore sans parole appelle les images pour nous plonger au cœur d’un monde hostile: des titres évocateurs (Dead Hills, Blood is the key, 12 toons army, Always hungry) où l’électro-punk se mêle au free jazz déviant, le rock progressif à l’industriel old-school, et le big-beat à un metal poisseux… Tout en restant fidèle au style Punish Yourself, cet album instrumental dévoile une musique plus fouillée et cérébrale qu’auparavant, sans oublier la folie qui les anime. www.punishyourself.free.fr Yann Guillou
Qui écoute encore du trip hop en 2007 ? Si le mouvement à explosé il y a presque vingt ans (déjà !), il n’a su faire éclore qu’une poignée d’artistes influents. L’excellent quatuor parisien Shine a dû manger du Portishead au déjeuner, du Morcheeba au goûter, et du Zero 7 au dîner durant des années pour réanimer cet esprit à la fois doux et groovy qui pourrait refaire le bonheur des publicités pour shampoing à la kératine d’ici quelques mois. L’album présente des compos solides (le tubesque In the midlife zone en tête) et des arrangements qui enveloppent l’auditeur dans une couverture sonore chaude pour dimanche matin cocooning. Le chant caressant et subtil de la souriante Hanane n’est pas en reste, avec un vocable anglais qui sied bien au genre. Et lorsqu’elle s’aventure dans deux titres en français, on pense soudain à la coccinelle Emilie ou à notre divine Vanessa évoluant dans l’électro. Une éblouissante surprise. www.shine-music.net
Avis aux coiffeurs, stewards et hôtesses de l’air, les “So.” débarquent près de chez vous. Ces Suisses passés maîtres dans l’art du “poum tchack” s’apprêtent à ravager les dancefloors avec leur électroclash acidulée et délirante. Des frissons le long de la colonne vertébrale, voici ce que procure cet album “hyper bien” voire même “trop bon”. Créateurs de fringues le jour, DJ la nuit, ils ont un showroom sur leur site (leur journal intime vaut aussi le détour…). Sur l’album, on trouve le titre Reykjavik qui énumère des destinations sur un beat transcendant (remixé par Love Motel) : “This is the flight to… New York, Geneva, Barcelona, Tunisia, Africa…”, à la manière d’un Salut à toi. Entrez dans cet univers people un peu loufoque : Toni Rigatoni, Nico Proscuitto, Eva Mozarella, Bruna Mortadella… Ils revendiquent plusieurs influences, de Matthew Herbert à Roisin Murphy, en passant par DFA. www.solangelafrange.ch
Formé en 2002, le noyau se compose de Nada (expunk toxico), Kabal (rappeur de Bobigny), Abd el Haq (Bouchazoreill), Felix J. (auteur, performer et éditeur). Les compositions, mises en musique par Franco Mannara, créent des univers poétiques déstabilisés et passionnants. L’écriture acide de ce second opus décape et quelques francs tireurs font leur apparition : Serge Teyssot-Gay, Greg Slap, Gilles Coronado. Plus jamais seul raconte le suicide d’un toxico en pleine montée d’héroïne. Forcément ce n’est pas pour toutes les oreilles, mais au moins, on n’est pas dans le consensuel ! Le syndrome du polo vert et marron rayé est un autre exercice de style qui met en scène les souffrances d’un tricard, d’un bouffon naïf. Quant à Kiffe la merde City, un mot sur deux sera bipé à la radio ! D’autres titres lugubres et subtils font de cet album un chefd’oeuvre punk et slam à la fois. www.spokevousparle.com
Ludochem
Fred Huiban
Fred Huiban
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ANDRES ET LES CHIENS GIRAFES “Chut” (Autoprod.) Tout commence avec cette drôle de pochette où un jeune homme au sourire béant est entouré d’animaux bizarres ; mi-chiens, migirafes. Ce groupe aime mélanger cultures musicales et langues (français, anglais, espagnol). Une belle voix grave sur des rythmes de guitares rock dérapant sur des riffs reggae ou des accents latinos. En live, le combo offre une belle énergie à un public réceptif et vite conquis ! www.myspace.com/andreschiensgirafes IL G CASARECCIO “Live” (Autoproduit) Enregistré à Ay (51), fief de Jano, chanteur et guitariste du groupe, lors d’une série de trois concerts, ce CD contient des titres issus des deux albums studio précédents et des inédits. Il retranscrit bien l’énergie dégagée sur scène par le quintette, qui se distingue par son humour et sa bonne humeur. Casareccio mélange avec joie rock, chanson, reggae, jazz, musique espagnole. myspace.com/casareccio ES G DAMIEN “L’art du disque” (Record Makers) “Veuillez applaudir la mort du disque” : Damien nous balance un LP à mi-chemin entre électro-bricolo aux sonorités pas toujours du meilleur choix, et chanson-démo dont les rimes déclencheraient des éclats de rire chez n’importe quel directeur artistique. Un vrai concept, génial : du mauvais goût, certes, mais réalisé avec un talent d’orfèvre. Album cultissime en devenir. myspace.com/damien LC G FLAVIA “La mètis” (Autoproduit / Mosaic) Pas de faute d’accent, mais une référence à un vieux mot grec : la mètis est “une ruse de l’intelligence tout en nuance”. Flavia, armée de sa guitare et de samples de sa voix, en use et en abuse au fil de ses treize chansons qui mêlent jazz et bossa nova. L’humour vif des premiers titres (Matez la télé !, Prolixe appétence) s’essouffle vers la fin, nous laissant un peu sur notre faim. www.lesitedeflavia.com ES G FUTURS EX “Futurs ex” (Futursex Records) Trois briscards de la scène punk new wave française du début des eighties (Oberkampf, WC3, Attentat Rock) ont fusionné leurs expériences pour sortir un bon vieux punk rock francophone dans l’esprit des défunts OTH, sur des sujets actuels (téléchargezmoi !) et des sujets éternels (l’amour, la politique…). Les ex-no future font de très bons futurs ex ! myspace.com/futursex BGG G OLIVIER GALLIS “Session Live à Barbey” (Autoproduit) En ouvrant par le mois de Septembre d’une voix grave et profonde, on pense inévitablement à Novembre de Benjamin Biolay, mêmes saisons nostalgiques et grises inspirant poésie romantique et Jeux incertains. De véritables poèmes ou lettres d’amour posés sur une guitare blues ou sur des accords mineurs de piano doux et moroses, à écouter en toute saison. oliviergallis.free.fr EP G GENERIC “Open city” (Kicking Records / Slow Death / Cryptophyte) Après Second Rate, Fred et Sylvain jouent en basse-batterie une noise noire, hypnotique et tordue. Les deux Bisontins proposent un premier album qui résume bien leurs nouvelles humeurs. Les tournures sont plutôt décapantes, concentrées dans des forces assourdissantes et pesantes, mais éclatées ici ou là autour de décalages extravagants et étonnants (effets électro, violon, dialogues de film). myspace.com/genericnoise BC G LOLY BOAM “Arrghhh” (Boam Record) Quelques reprises de Gainsbourg (encore) façon rock voire hard français de la fin des années 70, en particulier sur le titre La rétine. Pour une fois, Jane B. ne participe pas, c’est Anis Equinoxe qui s’y colle, accompagnée de ses trois musiciens, et sa voix réveille ! Ex-fan des sixties devient fan des eighties et vénère Ian Curtis ou Kurt Cobain… www.lolyboam.net EP G MARIJANE MIRACLE “La vie est dure” (Paramonde) Il m’aime, c’est un problème, La France brûle et Le temps des épidémies siéraient parfaitement à Brigitte Fontaine, La fille de personne, à Buzy, La vie est dure, comment éviter la crevure ou J’ai mal, aux Rita, Où est-ce qu’on va à B.B., Mais je vais bien à Amélie Morin / Elisa Point et Les stars en plastique à Billy Ze Kick… Bref, à défaut de “miracle”, on peut parler de révélation pour cette jeune chanson électro à fort caractère. www.marijane.fr SB G NICHOLSON “Les rastas et les punks” (Les Chroniques Sonores / Cod&S) Un album pop. Mais c’est quoi la pop de nos jours ? C’est de l’électro-pop. Ici, on donne en plus dans le texte français, on fait aussi bien dans la gravité que dans la légèreté sans être dupe. Pop ironique, qui pourrait réserver quelques surprises à l’avenir : avec un titre comme (Et en plus, il faudrait que je m’ habille comme) les Strokes ?!, on a du potentiel. myspace.com/nicholsonfrommarseille BGG G PERIO “The great divide” (Minimum / DifferAnt) Joli album écrit et réalisé entre les deux rives de l’Atlantique, baigné dans des vagues blues, pop et folk, déviant de ritournelles mélancoliques (Lo-Res NYC) en
EN BREF
BRUITAGE effluves beaucoup plus catchy (Leap the frog). L’ambiance nocturne donne une couleur particulière à cet ensemble de onze chansons harmonieuses. www.geocities.com/periomusic BC G SKYSCRAPER “Wasted waves of love” (Autoproduit) L’œuvre de Benoît Cassina, est de celles qui nous rassurent car elle prouve que l’on peut encore s’abreuver d’influences sans forcément condamner sa propre production. D’une main il tripote le trip hop, caresse la pop, flirte avec la cold, de l’autre il gratouille des mélodies avec une sensibilité non simulée et le souci du détail. L’électronique, fracassante ou subtile, selon le besoin, achève un opus rempli de promesses. www.skyscraper.fr CM G BEA TRISTAN “Les palissandres” (Autoproduit) Les vrais connaisseurs la retrouveront comme si ses deux albums parus il y a quasi quarante ans ne les avaient pas quittés. Béa livre un disque majeur, abouti et dense. Des textes intenses, un son unique et une voix exceptionnelle. Une question nous taraude : peut-on lui pardonner de ne pas nous avoir donné de ses nouvelles depuis si longtemps. www.beatristan.com JK G YULES “The release” (Productions Spéciales) Les deux frères à l’origine du projet sont adeptes d’un songwriting vertueux, et leur complicité artistique fait ici plaisir à entendre. Leur enfance a été bercée par les chansons de McCartney et celles de Simon & Garfunkel, deux influences bien présentes sur ce premier opus. La symbiose est parfaite, et leurs pop-songs entièrement conçues à quatre mains, possèdent de forts plaisants atours. www.yules.net AB BRUIT QUI COURT “Réaliste” (Autoproduit) Elle court la rumeur, comme une alarme, un vent de révolte ou un cri de rage, celui que poussent ces cinq musiciens au rock brûlant et militant. Leurs mots coups de poing dressent le portrait d’une société affolante, où les médias parlent de ceux qui dérapent plutôt que de ceux qui s’en sortent. Seule l’imagination permet à certains d’y voyager, même du fond d’un bus de banlieue. myspace.com/bruitquicourt AL G DATA (Autoproduit) Du rock impulsif, métronomique, avançant mesure après mesure sans que rien ne semble pouvoir le faire dévier de sa route. Des samples électroniques et atmosphériques, une base rythmique indéboulonnable laissant place à un chant voletant dans cet univers apaisant comme un rivage. A la fois dans une pop mélancolique et un rock qui procède par nappes, Data dépayse. myspace.com/databand FJ G MINUSCULE HEY “Bananoffe” (DiscoBabel) Toujours accompagné de sa boîte à rythmes, le duo bordelais présente joyeusement cinq nouveaux titres de facture minimale et timbrée. On est séduit par le son lo-fi ou sucré, efficace et heureux. Rock bancal, construit sur des surprises quant à sa structure, on ne peut s’empêcher de songer aux Fiery Furnaces. Une fraîcheur imparable. myspace.com/minusculehey Cl.M G SHARITAH MANUSH (Autoproduit) Western sous substances. Le duo bordelais nous propose une démo audacieuse et un brin déroutante de prime abord. Manu, chaman armé d’une douze cordes, chante et crie à faire frémir les coyotes. Sonia, complice toute en sourires et percussions ingénieuses, l’accompagne en des rythmes hallucinés. Leur musique est grandiose et puissante, terriblement addictive. myspace.com/sharitahmanush Cl.M G SOCIAL SQUARE (Autoproduit) Plusieurs atouts dans les cordes de ce trio power-rock : on ressent de manière évidente la lignée Weezer, Foo Fighters, Pavement, ses compositions avec structures en contrastes, ses passages noise et aérés. Les climats plus évolutifs, post-rock de Wait for more ouvrent aussi d’autres portes. myspace.com/socialsquare BC G SPLEEN VS IDEAL “Souvenirs” (Throne Records) Dans la famille du rock barré et défricheur, voici un nouveau venu, français de surcroît. Le duo envoie du bois dans le plus simple appareil chant / basse / batterie. Proche musicalement des icônes pattonesques avec qui ils partagent l’esprit ludique et l’ingénieur du son (Billy Anderson), le groupe signe un premier maxi, distribué internationalement via le label espagnol Throne. www.spleenvsideal.com RA G VAN DEN LOVE “La bouche” (Mercury / Universal) Le quatuor pop rock, fondé en 2004 entre Nevers et Paris, rassemble des musiciens venus d’horizons divers. Enregistrés dans le studio Et La Nuit à Montreuil, ces quatre titres, au son très travaillé, aux arrangements fouillés, aux rythmiques inventives, sont servis par des textes sensibles et sensés. Les guitares dégagent une saine et vigoureuse énergie. On attend l’album ! myspace.com/vandenlove ES
MAXIS
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BRUITAGE SYD MATTERS
TETES RAIDES
THIEFAINE PERSONNE
THOMASI
“Ghost days”
“Banco”
“Amicalement blues”
“Le bazar du bizar re”
(Because Music)
(Warner)
(RCA)
(Autoproduit)
Syd Matters évoque ces choses Buried in my bedroom sur le premier titre de son nouvel album, toujours pas échappé de ses angoisses, de ses pensées nostalgiques. Ces nouveaux morceaux nés forcément en réaction à des sentiments solitaires, des réflexions sur l’intime. Ghost days resplendit alors dans un noir et blanc filmique, traversé d’une lumière douce. Les nappes musicales flottent et l’ambiance fantomatique imprègne vraiment l’ensemble. Le paysage prend forme avec guitares, piano, cordes, ondes Martenot, cuivres, instruments à vent. La voix traînante n’a jamais autant évoqué les tourments sensibles que peut aussi traduire un Thom Yorke. Il y a aussi des petites surprises et des clins d’œil familiers à son univers musical (Shame on you crazy Jackson). Assemblage de chansons de folk progressif, imagé et lunaire, ce très bel album apporte encore une pièce maîtresse à l’œuvre du jeune musicien. www.sydmatters.com
Le titre Notre besoin de consolation est impossible à rassasier dure 19’34”. La musique oscille entre fanfare et chanson à fredonner, le texte est un long monologue (écrit en 1950 par le Suédois Stig Dagerman), se rapprochant du slam par moments, mais c’est surtout un constat humanitaire sur la liberté, qui nous parle du plus profond de l’être. Une introspection lumineuse qui rejaillit sur l’auditeur : “Sentir que je ne suis pas seulement une partie de cette masse que l’on appelle la population du globe, mais aussi une unité autonome !” Et rien que pour ce superbe morceau, ce Banco est indispensable car il revigore le cœur, parle à l’âme et fait son chemin intérieur qu’on le veuille ou non. Et, comme tous les morceaux demandent une écoute attentive, demandons-nous quels sont les artistes d’aujourd’hui qui sollicitent autant notre réflexion, qui entament le dialogue et nous font nous remettre en question ? En ces temps de superficialité exacerbée et de zapping permanent, ça vous dit pas de mettre sur “pause” ? Serge Beyer
Trois des titres de cet album étaient initialement destinés à un disque en préparation pour Johnny Hallyday, mais son staff n’en a retenu aucun… Qu’à cela ne tienne, le challenge était lancé et les deux compères décidèrent de faire leur propre album ! Ainsi sont nés treize titres épurés, avec une formation réduite (guitare, basse, batterie), mais un résultat impeccable. Les musiques bluesy de Paul sont mises en valeur par les textes ciselés et forts d’Hubert-Félix, le tout nous invitant à verser dans un bain de mélancolie douce-amère mêlée d’histoires et d’émotions partagées… Distance, Photographie d’un rêveur, Le vieux bluesman et la bimbo, des titres évocateurs reflétant tout l’univers qui unit ces deux oiseaux de nuit, bourlingueurs en marge des grands titres de journaux et des plateaux de télés “prime time”. Le bourbon coule à flot, les dentelles, string et nylon ne sont jamais loin, et on trinque à la santé de Robert Johnson, August Strindberg, Bob Dylan, Fender, Marshall et Gibson… David Starosta
Après Lundi dans la lune paru en 2006, voici un deuxième album très abouti, écrit dans la même veine que le premier. Les compositions énergiques, enlevées, virevoltantes, font la part belle au swing, au flamenco, au jazz manouche, à la musette. Guitare, violon, contrebasse, piano, accordéon, batterie, rivalisent d’ingéniosité et de virtuosité. Les chansons, poétiques, réalistes, toujours attachantes, explorent des thèmes familiers (l’univers populaire parisien, l’amour, l’amitié…), mais aussi plus inattendus. Bien inspiré, Thomasi nous fait part de ses joies créatrices dans Moleskine Swing. Il chante avec finesse l’attirance d’un hétérosexuel pour les amours masculines dans Banana Café, raconte la vie du lion rugissant des films de la Metro Goldwyn Mayer dans Mon vieux Léo. Lucie décrit l’existence ratée d’une jeune comédienne. La palme de l’émotion revient à Franck, interprétée sobrement, sans artifices. www.thomasi.net
Béatrice Corceiro
Elsa Songis
VICTORIA TIBBLIN
LE TRIO JOUBRAN
WATCHA
ZËRO
“Victoria Tibblin”
“Majâz”
“Falling by the wayside”
“Joke Box”
(Mercury)
(Randana / Harmonia Mundi)
(Exclaim / Warner)
(Ici d’Ailleurs / Differ-Ant)
La petite Victoria, Suédoise de son état, a grandi a Londres. Et elle a du être bercée trop prêt de la sono de ses parents qui devaient passer les Clash en boucle, voire Siouxie, les Cranberries et les Rita, si l’on en croit l’univers de leur rejetonne de vingt balais, qui, depuis qu’elle vit à Paris, s’est mise à la langue de Molière (et sans accent) pour un titre sur deux de son premier album étourdissant. Dans la lignée de Nadj, Mlle K ou Adrianne Pauly, la demoiselle feule, griffe, hurle (“T’as fait du rêve un cauchemar, tu m’écœures t’es lourd. Va pourrir en enfer.”) ou ronronne (“Ca sera plutôt plus tard !”) suivant ses humeurs… et pour notre plus grand bonheur ! Le son est rock, parfois crade, parfois violent, mais malgré tout souvent sensuel. “Je prends et je jette, eh ouais mec c’est par là” prévient-elle, ben, nous, on garde ! Et on attend de voir le phénomène sur scène. www.victib.com
Ce second opus du groupe palestinien rassemble onze compositions instrumentales, qui sont autant de pièces d’orfèvrerie instrumentales. L’oud, instrument autour duquel s’articule l’ensemble de l’album, n’est pas ici utilisé comme second rôle rythmique ou mélodique, mais tient la tête de l’affiche, et de bien belle manière ! Le trio, emmenée par Samir, joueur émérite de ce luth oriental aux sonorités si particulières, est accompagné par ses deux plus jeunes frères, Wissan et Adnan, ainsi que pour la première fois, par le percussionniste Yousef Hbeitsch. Tout au long de ce voyage musical, les trois frères jouent, s’interpellent, se répondent à l’aide de leur instrument. Chaque plage est une histoire sur laquelle se déclinent les maqamats, gammes de la musique arabe. Si sur le papier la simplicité de la formule peut paraître rébarbative, les mélodies, tout comme le jeu collectif, sont d’une rare intensité. www.letriojoubran.com
Traitement choc pour ouvrir les yeux et les oreilles, les ex-Bästard reprennent dans cette “boîte à blague” le fil interrompu en 97. Entrée sur Big screen / Flat people, où le premier riff semble pleurer en solitaire. Puis les notes se délient, les instruments communiquent avec ardeur, les terreurs s’affolent. Guitares électriques, basse et batterie construisent les sons en imprimant force et liberté. Dans les recoins d’un sous-sol sombre et délabré, le groupe insuffle une noise désolée mais aussi vindicative, du blues fantomatique (Drag queen blues), un rock désarticulé qui ensorcelle. Les emboîtements mélodiques libèrent une fluidité impressionnante alors que la voix scande, déclame, et que l’orage éclate. La richesse des ambiances révèle l’émotion des sons. On en espérait pas moins de la part de ces maîtres artificiers du côté obscur. Un disque admirable de noirceur et d’intensité. myspace.com/zeromusik
Serge Beyer
Caroline Dall’o
Avec ce cinquième album, le groupe revient à un son plus dur et métallique. Un bienfait tant le précédent album était hésitant et avait coûté le départ de membres historiques. Retour aux racines, aux fondamentaux du mouvement quelques années (décennies ?) auparavant, quand l’immolation n’avait pas un goût sucré ou marketée. L’album ouvre les hostilités dès sa première piste avec un brûlot énergique. Même la reprise de Carl Perkins (et non d’Elvis Presley) Blue suede shoes est passé à la moulinette ; un exercice maladroit, mais dont l’effort mérite d’être souligné. Le diptyque Sam constitue la seule parenthèse en français. Car oui, Watcha passe de Molière à Shakespeare, avec pour leitmotiv une œuvre sombre et libératrice. De la rage comme étendard et l’envie d’en démordre. L’unité est d’une grande cohérence entre guitares incendiaires et rythmes appuyés, donnant à l’ensemble une classe américaine dont il ne faut pas rougir. myspace.com/watchamusic Samuel Degasne
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IMAGES
COPINAGES.COMChère SEX ! Quand on demande à Tue-Loup, “Mais, c’est quoi le Lac de Fish ?”, ils répondent en chœur : “Il faut aller voir le projet SexFish pour comprendre”. On fonce donc sur l’espace de leur nouveau batteur, le pas si jazzy myspace.com/thomasfiancette. On clique fiévreusement sur la vidéo Sur les pas de Sex Fish : un document rare. C’est… comment dire… l’enfant mutant du Projet Blair Witch et de la minute nécessaire de Monsieur Cyclopède ? Ou bien plus encore ? En tout cas, c’est unique.
WWW
Adélaïde, DVD
JEU ! La plate-forme www.playlive.fm est en bêta-test. Ca promet d’être un site à vocation musicale (l’avenir de MySpace ?). Pour le moment, ça semble confus et touffu, MAIS leur système de roulette nous emballe déjà ! Il suffit de cliquer pour tomber sur un clip au hasard. Evidemment, que de l’inconnu, de l’autoprod’… Du bon, du moins bon, mais aussi du très bon. Prêts à tenter votre chance ?
Bonne nouvelle, les géniaux frères Sparks sont de retour ! Après l’excellent Hello young lovers, voici enfin le témoignage de la tournée mondiale qui a suivi. La première partie de concert reprend intégralement l’album mis en images sur scène devant un grand écran interactif ; la deuxième partie, en forme de best of, revisite une douzaine de tubes incontournables, dont l’excellent Change proposé ici en piano-voix. Ron reste imperturbable et impassible derrière ses claviers, pétant les plombs juste quand il faut, tandis que Russel vampirise la scène, le jeu est parfait ! Comme toujours, les trouvailles harmoniques sidèrent, le mix entre rock, glam et musique classique emballe et l’interprétation est irréprochable. Les extras expliquent comment les Sparks ont construit ce show, et nous permettent d’assister aux répétitions ou de les suivre au Japon. Bref, LE DVD indispensable !
BÉARN ! Capibara est une petite surprise de MySpace : leur répertoire rock est bien mûri et très efficace (bonnes grosses parties de guitares…). Les musiciens sont vraiment bons et l’écoute de leurs quelques titres donne vraiment envie de les voir en concert (ce qui est quand même rare sur MySpace…). Le groupe a besoin d’un ti’ coup de main d’un tourneur et, probablement, d’un éditeur pour se développer. myspace.com/groupcapibara CALI ! Des nouvelles de Cali ? http://fr.youtube.com/virginmusicfrance où l’on peut voir quelques ébauches de son album en cours. Et quand il dort, on le voit aussi ronfler ? Le principe peut-être bien sympa (le côté “feuilleton intime etc.”), mais si c’est pour avoir 45 secondes de bribes musicales… Non merci ! HEY ! Ils font de l’indie-folk et viennent de Bordeaux. Ils s’appellent Minuscule Hey (.com de rigueur) et leur site est tout mignon. Côté musique, ça s’écoute sur MySpace et c’est drôlement bien. Sur leur site, on peut voir une bien jolie vidéo avec un lapin en folie dans les rues de Bordeaux, ou faire une partie de pong, mais l’ordinateur est trop fort alors c’est pas drôle… Mauvais joueur, moi ? MERVEILLE ! Un bien joli site (alicesemerveille.com) pour cette ACI dans une veine variét’ (ce n’est pas un gros mot) et intimiste. Encore une galérienne de la musique à michemin entre Zazie, Maurane et Pauline Croze. VICTIME ! Une voix haut perchée et une musique gothico-électronique, bienvenue dans l’univers barré et asphyxié de Dixième Victime (myspace.com/dixiemevictime). Sur les quatre chansons proposées, pas une ne ressemble à l’autre. A voir aussi : www.dailymotion.com/lac-v-mengin, une bande annonce rigolote mettant en scène la chanteuse et acteuse, Aurélia Mengin. JAH ! “Lâche les sous ça vaut le coup !” Rien que pour ce beau slogan, on fonce sur le site de Dawta Jena (www.dawta-jena.com). Le site n’est pas pratique, mais il y a plein d’infos sur ce combo raï-reggae bien allumé aux belles mélodies chaloupées. Pour le son, non pas un, mais deux espaces (un pour emmerder l’autre dirait mon grand-père). myspace.com/dawtajenaurbanlions ou fr.youtube.com/dawtajena. On n’arrête pas le progrès.
Restons dans l’originalité avec Katerine qui, surfant sur la vague du “Luxor”, offre un éclaté compte-rendu de tournée ou les publics et les tenues s’enchaînent dans la même chanson, traduisant par là même les ambiances des différentes salles visitées. Mieux que des bonus, les titres sont entrecoupés de tranches de vies toutes aussi farfelues les unes que les autres… à la Katerine, quoi !
Néric
Délirant encore, le show de Champion, le DJ québécois qui s’entoure de guitares en folie pour un show rock qui décoiffe. Les invités de ce live enregistré au
Vos spams, je les méprise. Vos liens, je les prise :
copinages@longueurdondes.com 47
Métropolis de Montréal se donnent à fond devant un public complètement subjugué ! Champion a su faire le lien entre l’électro et le show rock d’exemplaire façon. Amoureux de la terre, inspiré par ses rencontres humaines (autant en Arizona qu’au Japon, ou dans les réserves indiennes), Garlo, musicien nomade, allie rock et ethno-funk aux instruments traditionnels, le temps d’un concert : Earth link. “Le monde est un tambour et toi n’es que poussière sur la peau du tambour”, chantet-il habité. Mais il hurle aussi : “On te demande pas d’être heureux, tout ce qu’on te demande, c’est d’acheter !” Engagé et impliqué, cet artiste éveille les consciences de façon jouissive. Cinq clips retraçant sa carrière sont dispos en bonus. SPARKS : “Dee Vee Dee” - Liberation / Pias KATERINE : “Borderlive” - Barclay CHAMPION & SES G-STRINGS : “Live” - Maple Music / Saboteur GARLO : “Earth link” - Aimv / www.cipaudio.com
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ZONE LIBRE ILS NE FONT PAS DE MUSIQUE, MAIS ILS EN VIVENT
Chez Paulette
Naissance de la compilation Labels d’Aquitaine, 12 morceaux choisis, accompagnée d’un dispositif d’aide aux labels indépendants régionaux éditeurs et producteurs phonographiques.
Pour assurer la réussite du dispositif, une Fédération des Editeurs et Producteurs Phonographiques Indépendants Aquitains (FEPPIA) a vu spécialement le jour, avec un coordinateur de projets. Dans le cadre de la production phonographique, 20 labels (soit une trentaine d’albums) ont ainsi perçu 91 000
Labels d’Aquitaine z quoi vous Vous faisie ? Paulette, 6 en août 196 it son premier a is n a rg o , e ell à Pagney, k c concert ro rine. derrière Ba les it a v e c Elle re n o ’t Carefully D Patient…
Alain Dodeler
D
“C
hez Paulette”, c’est l’histoire d’un café-bal de village devenu salle de concerts rock. Une jeunesse locale habituée aux nouvelles musiques venues d’Amérique, avec les soldats de la base aérienne voisine, une envie de changement d’avec les soirées de toujours et une occasion qui se présente, voilà comment et pourquoi, depuis l’été 66, des groupes de rock se suivent dans ce petit bled près de Nancy. Depuis, c’est concert certains soirs de la semaine et “disco” le samedi ! Paulette (84 ans) et Yves, qui prend sa retraite cette année (tout en restant présent, bien sûr), ont passé la main à Claudine, leur fille, qui continue avec ses enfants. Une belle histoire de famille ! La programmation se fait en partenariat avec deux associations nancéenne (Prodige Music et Station Rock). Ce sont d’abord des coups de cœur qui deviennent pour certains des “histoires d’amour”, débutées avec des artistes il y a bien longtemps : de Vince Taylor à Robert Gordon, le “Dick-Riversavant”, de Calvin Russel - dont les tournées françaises passent presque traditionnellement par là -, à tout récemment CharlElie Couture, qui y a fait sa seule date lorraine en 2006. L’esprit “Chez Paulette” est typique de ces petits lieux (maxi 600 places) : les groupes aiment y passer, le public y revenir, car c’est là que vit la musique. C’est aussi un lieu où elle se crée, puisque s’y déroulent des résidences et des répétitions… Alors si vous passez par la Lorraine, avec ou sans sabots, regardez le programme et rendez vous là bas. Alain Dodeler www.paulettepubrock.com
ans un contexte international de crise profonde de la filière du disque et d’avancée technologique permanente, le Conseil Régional d’Aquitaine a adopté un dispositif intitulé “Aide aux entreprises d’Aquitaine de production et d’édition phonographiques”. Cette idée de soutien est née d’une rencontre amicale entre Frédéric Vilcocq, conseiller régional délégué aux cultures émergentes et Philippe Couderc, fondateur du label bordelais Vicious Circle. Idée suivie par la tenue des premières “Rencontres régionales musiques actuelles en Aquitaine”, dont un atelier était consacré aux labels indépendants. Il en a résulté une volonté commune de résistance, qui s’est traduite par la mise en œuvre d’une analyse partagée du contexte régional de la filière du disque et la coécriture de ce dispositif à vocation double, soit : allier une volonté de structuration économique de filière, tout en garantissant la diversité de la production artistique. Le Conseil Régional est venu compléter cette étude par l’adoption d’un plan de développement des industries culturelles 2007 / 2009, avec un protocole Etat-Région sur le livre et le disque qui s’appuie sur la logique de la Convention de l’Unesco. 49
euros d’aide directe. Et pour encourager la structuration de la filière et la promotion des labels, le Conseil Régional, la FEPPIA et le Réseau Aquitain des Musiques Actuelles (RAMA) œuvrent sur plusieurs champs : la mise en place d’un réseau de distribution physique alternatif, en partenariat avec les librairies indépendantes et le réseau des médiathèques, pour la construction d’un groupement de vente ; l’aide aux commerces culturels de proximité (disquaires indépendants), permettant de sécuriser les lieux existants et de développer un maillage cohérent ; une réflexion sur une plateforme de distribution numérique (servant autant à la promotion des labels qu’à l’écoute et à la vente de titres par téléchargement) ; le développement de liens avec les scènes régionales sur des modèles établis (“Carte blanche à…”, “Labels en scène”, “Labels en résidence”) ; des assises des labels d’Aquitaine, intégrées dans le processus de concertation territoriale des musiques actuelles. Réalisation résultant de ce dispositif, la compilation Labels d’Aquitaine, 12 morceaux choisis (Voices of Praises, Calc, Kim Novak,Bikini Machine, Manufacture Verbale, Jon Smith, 3 Rocks & a Sock, Lieutenant Foxy, Disciples MC’s, Benat Achiary, Hot Flowers, Earth Link) est offerte par le Conseil Régional d’Aquitaine dès le 20 décembre dans les médiathèques, les librairies indépendantes, les agences culturelles (Oara, Arpel, Frac, Aic, Centre François Mauriac), les pôles de ressources artistiques et culturels, ou sur simple demande sur le site… www.jeunes.aquitaine.fr
CA GAVE HUMEUR & VITRIOL
I
artistiques, la Walkyrie au kalachnikov entre les dents ravalait ses mots et son semblant de courage, rongeait son frein et s’aplatissait mollement devant les sondages montrant que 95% des joueurs de mandoline n’en avaient rien à foutre, mais que 75% désapprouvaient ses propos parce que ce sont des choses qui ne se disent pas, même si 83% juraient sur la tête de leur mamma qu’ils les auraient oubliés dans les deux jours.
l s’en est fallu de très peu que nous récupérions enfin une héritière digne de porter le lourd fardeau de la succession d’Arlette L., quincaillière en idéologie au rayon des espoirs déçus et des lendemains qui chantent moins forts, chaque jour que le CAC 40 fait. Une égérie de la cause prolétarienne, une porte-parole des damnés de la terre. Bref, une chieuse héroïque dans la lignée des Olympe de Gouge qui finit plus courte que son nom ne le laisse transpirer parce qu’elle faisait suer les révolutionnaires à vouloir être plus révolutionnaire que nécessaire (note à l’attention des ignares et autres adolescents qui tomberaient par hasard sur ces lignes d’une haute tenue intellectuelle et pour cela même repoussées à la fin de ce noble opuscule : Mme de Gouge finit décapitée pendant la Révolution française, celle-là même qui aboutit deux siècles plus tard à l’élection de l’actuel président, pour avoir voulu défendre la condition féminine. Bien fait pour sa gueule !). Cette âme noble et progressiste, parce que je sens que l’impatience gagne et que le CAC 40 flageole, n’est autre que Fanny Ardant, actrice asinaire remarquée notamment pour son allure grand-bourgeoise qui provoque des érections incontrôlées chez les partisans de la sodomie sociale. www.hafdis.dk
Ce désolant exemple de contrition publique, qui s’apparente à la flagellation des pénitents expiant leurs improbables péchés par l’exposition publique de leur repentir, est malheureusement un exemple en mille d’un phénomène qui s’étend avec plus d’efficacité que le H5N1 : la rétractation publique qui tient lieu de censure a posteriori. Plus triste encore que la détumescence postcoïtale de l’éjaculateur précoce invité à une soirée SM, la rétractation post-déclarative symbolise jusqu’à la nausée une société où l’opinion majoritaire a plus de pouvoir dictatorial que les tribunaux de la regrettée Inquisition et où les intervenants médiatiques ont moins de courage encore que d’intelligence et d’à-propos. Osez, ne serait-ce que du bout des lèvres, proférer une opinion un tant soit peu personnelle, un tantinet à côté du marigot putride où surnagent les morceaux rances du brouet fade de la pensée commune, pour ne pas dire vulgaire parce que je suis poli, et vous êtes aussitôt menacé d’excommunication sondagière. Toute parole doit être contrôlée, ravalée, digérée pour pouvoir ensuite sortir et aller s’entasser sur le fumier aigre de la non-pensée contemporaine.
Interruption volontaire de pensée
Voilà-t-y pas qu’invitée d’une émission télévisuelle transalpine (note à l’intention des ci-dessus mentionnés qui, de toute façon, ont déjà dû passer à des lectures plus aisées comme l’Equipe ou le Journal de Mickey, transalpine veut dire italienne et ne désigne nullement une émission consacrée aux passions automobiles chez les transsexuels), je disais donc qu’à la téloche des Ritals, Fanny Ardant, toutes dents dehors, avoua tout de go son admiration pour le fondateur des Brigades Rouges. En soi, cela n’a rien de gênant, et c’est même plutôt sympathique à l’heure où l’actuel président de la République, né de la Révolution française, n’hésite pas à braire sa dévotion canine et frétillante devant l’immensité de l’œuvre d’un GW Bush, responsable pourtant de beaucoup plus de morts que le modeste embastillé brigadiste dont les idéaux étaient moins vulgaires (du latin vulgus, vulgare, qui signifie commun, et non pas grossier. Je sais être grossier lorsque je le veux, mais le premier qui me traite de vulgaire, je l’envoie ad patres voir s’il maîtrise les pages roses du Larousse aussi bien que moi… même si les pages roses, pour draguer les filles, c’est plus ce que c’était, mais revenons à notre chevaline amazone). Ce qui est plus gênant, par contre, c’est qu’à peine 48 heures après sa fracassante déclaration de politique générale, la passionaria de la révolution indolente se repointait devant les bouffeurs de nouilles pour s’excuser, se désoler, se lamenter comme une carmélite contrôlée positive à l’ecstasy, d’avoir pu dire ce qu’elle avait eu non pas le malheur de penser, mais la maladresse de dire.
Le démenti est désormais un sport de combat où triomphe celui qui sait retirer plus vite que l’autre une parole souvent à peine plus vivifiante que l’odeur d’œuf pourri que répand l’idéologie molle du quotidien. Deux écoles s’affrontent à ce sport de vitesse : celle du “Je l’ai dit, mais je ne le pensais pas vraiment”, plutôt pratiquée par ceux qui n’ont pas honte de ne pas vraiment penser et estiment qu’il vaut mieux passer pour un crétin que pour un original. Et celle du “Les journalistes ont déformé mes propos”, qui préfèrent sauver leur face de rat en accusant les autres de pensée déviante. Et comme les journalistes sont la plupart terrorisés à l’idée de n’être pas les amis de ceux qui comptent et par les armées d’avocats plus ou moins véreux qui contrôlent tout ce qui s’écrit par-dessus leur épaule, ils se gardent bien de faire preuve eux-mêmes d’une volonté de mettre l’anguille rhétorique devant ses contradictions.
Ce sont là deux formes d’une pensée contraceptive qui s’apparente au coïtus interruptus où l’on préfère se finir dans la déception manuelle d’un acte inachevé que dans l’extase charnelle de l’affrontement, de peur d’engendrer un monstre qui vous pourrira la vie en grandissant. Avec Fanny Sans doute aiguillonnée par le remord et un attaché de presse frisant la Ardant, la main n’est peut-être pas la pire des solutions. Mais peut-être crise d’apoplexie, qui voyait là, compromise une intéressante percée sur que je déforme mes propos. un marché porteur en terme de contrats publicitaires et éventuellement Jean Luc Eluard
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