le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS ! #47 - hiveR 08 / 09 DEBOUT SUR LE ZINC MACZDE CARPATE CHET . DANIEL BOUCHER SPLEEN . MORIARTY
LES
COWBOYS FRINGANTS
47 SOMMAIRE 4 6
Denis Barthe a eu une actu plutôt chargée ces derniers temps, du fait de son implication dans de nombreux projets (Festival des Terres Neuves, Les Hyènes, l’enregistrement de l’album de Valhère, celui des Suprêmes Dindes). Il termine actuellement son album solo, dont la sortie est prévue pour le printemps 2009. “A part ça, et avant tout, Noir Désir est au travail !” Mais ça, vous le saviez déjà…
MARCHE OU BRÈVES ON Y CROIT Sire, Le K Morlot, Jade, United Fools, Wine, 21 Love Hotel, The Craftmen Club, Sacha Bernardson, Watine
10
ON Y TIENT Chet, Manu, Daguerre, Ludo Pin, Vladimir Bozar
RENCONTRES 14 15 16 18 21 27
MacZde Carpate Spleen Moriarty Debout sur le Zinc Dossier : “Enchantés de vous raconter !” LES COWBOYS FRINGANTS
32
INITIATIVES Live Boutique Radios libres : ici l’ombre
34
K COMME KÉBEC Misteur Valaire Daniel Boucher
36 38 40
Hiver 2008-2009
50
PLANÈTE FESTIVALS BRUITAGE CA GAVE
EDITO
LA FI C H E S IG N A LE E. .. T O C! LETTRE
À L’ÊTRE
En effet, ça n’est pas simple ! Evidemment que c’est difficile et que tu dois faire des efforts. Pense bien que le Monde ne serait pas dans cet état si c’était facile ! Le problème c’est que tu ne sais pas par où commencer… Forcément, avec tout ce que l’on t’a appris, y’a du ménage à faire. On t’a fait croire que “le bonheur c’est d’avoir, de l’avoir plein les armoires” comme le dit Souchon. Alors, tu essaies toujours d’en stocker davantage. Tu dépenses, tu t’endettes, tu emmagasines un maximum de choses. Et puis ? Ne comprends-tu pas que le principal, ce que tu cherches, n’est pas autour de toi, mais simplement EN toi ! Et puis “on t’a appris à te taire au milieu d’une forêt de gens qui portent les muselières que portaient leurs parents” comme le chante Nilda
P ROCHAIN
NuMERO LE
SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57 www.longueurdondes.com myspace.com/longueurdondes info@longueurdondes.com
100.000 EXEMPLAIRES Responsable publicité, marketing : Benoit Gerbet 01 42 542 116 (sur RDV) publicite@longueurdondes.com I.S.S.N. : 1161 7292
15
FEvRIER
Fernandez. Alors tu caches, tu enfouis tes sentiments. La parade est permanente. Les masques sont parfaits. Mais comment toucher la Vérité en agissant ainsi ? L’unique chose à faire pour vraiment tout changer, c’est apprendre à t’aimer. T’accepter. Connaître tes limites. Te pardonner. Ne plus chercher ailleurs, mais en toi. Ne plus juger les autres. Lâcher prise. Prends donc un miroir et apprends à connaître, à apprivoiser et aimer cet inconnu que tu y vois. C’est un long boulot, difficile. Mais c’est le seul chemin qui peut t’ouvrir les portes vers le bonheur. Ensuite seulement, tu pourras enfin aimer les autres et changer le monde !
Serge Beyer
2009
Pour toute demande d’abonnement, veuillez consulter notre site Internet : www.longueurdondes.com
Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Eluard, Yann Guillou, Isabelle Leclercq, Marion Responsable information & communication, Lecointre, Aena Léo, Sarah Lévesque, Ludochem, maquette : Cédric Manusset Cédric Manusset, Aurélien Marty, Vincent Michaud, Marie-Hélène Mello, Eric Nahon, Elsa Responsable com’ Québec : Songis, Johanna Turpeau, Martin Véronneau. Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et Photographes : les librairies Renaud-Bray. Patrick Auffret, Alain Dodeler, Robert Gil, Raphaël Lugassy, Maho, Nicolas Messyasz, Michel Pinault, Ont participé à ce numéro : Rafael Aragon, Yannick Ribeaut, Pierre Wetzel. Maxime Ardilouze, Bruno Aubin, Patrick Auffret, Alain Birmann, Julie Bordenave, Jessica Boucher- Couverture : Photo © Michel Pinault Rétif, Béatrice Corceiro, Caroline Dall’o, Samuel Degasne, Sylvain Dépée, Julien Deverre, Jean Luc Imprimerie : MCC Graphics
3
Encre végétale et trame aléatoire = moins 20 % de consommation d’encre.
Dépôt légal : Décembre 2008 Merci à : DaFont.com
Magazine gratuit - NE PEUT ETRE VENDU Ne pas jeter sur la voie publique -----------------------------------Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.
P. Wetzel
Denis Barthe
MARCHE Ou BREvES DÉAMBULATION BERLINOISE Le photographe Nicolas Comment, piégé par une grève des aiguilleurs du ciel, a séjourné quelques temps à Berlin Est. Seul, il erra dans la ville à la découverte de ses rues et de ses habitants. De cette errance naît aujourd’hui un recueil photographique à découvrir pour sa plastique et également pour l’objet musical qu’il contient, à savoir un mimi-album concept de six chansons réalisé par l’auteur sous l’égide de Jean-Louis Piérot et Philippe Balzé (Bashung, Miossec, Daho, Yves Simon…). “Estce l’Est”, sous-titré “Berliner romance”, est une ballade photographique et musicale de belle facture, à découvrir d’urgence aux éditions Filigranes. myspace.com/nicolascomment
BESOIN D’UNE SUB ? “Le guide des aides et subventions pour la musique” est un outil très utile pour tous ceux qui cherchent un soutien financier à leur projet et qui sont perdus dans les demandes d’aides possibles. Présenté sous forme de DVD, voici un recensement détaillé des divers organismes qui proposent un soutien et une classification pertinente selon la nature de votre projet par catégorie. Bien que le guide présente un gain de temps indéniable dans la phase d’identification des aides, il est toutefois nécessaire d’aller à la source pour vérifier qu’elles existent toujours, et pour se procurer les formulaires de demande d’aide propres à chaque organisme. Auteur : Catherine Dorval, aux éditions Guidearts.
LYON TRÈS NET Pour la sixème année, Dandelyon, l’association d’aide au développement des groupes pop rhodaniens, entend bien se décarcasser pour nous donner à écouter ce qui se fait de mieux en matière de pop lyonnaise. Mené par Scalde, le collectif propose une sélection qui “invite les auditeurs à venir d’eux-mêmes découvrir une musique accessible”. Pas d’enfermement à l’horizon donc, mais une ouverture assumée vers la pop dans sa définition première : parler au plus grand nombre, audelà des styles ou des modes. Pari réussi pour Dandelyon qui ne s’arrête pourtant pas là. En effet, à l’issue de concerts de préselection, l’association choisit deux ou trois groupes par an et leur fournit un accompagnement et une aide au développement. Du bon esprit, du talent, du mouvement, c’est pas tous les jours, alors avis aux curieux ! Des dates, des infos et des compiles sont à glaner ici : myspace.com/dandelyonpop
, Y’A 20 PIGES N°22 / Hiver 1988 Un collector ce numéro ! Au sommaire : des gloires disparues qui nous faisaient vibrer tels Marc Seberg, Kick, Roadrunners, les Porte Mentaux ou les Bordelais de Gamine qui sortaient le disque qui allait être leur summum, Voilà les anges (double page et visite de l’album titre par titre). Côté rockers toujours là, nous avions pris rendez-vous avec Arno, les Wampas, les Thugs (reformés dernièrement pour une série de concerts) ou les Warum Joe. Dans notre dossier Printemps de Bourges, lumière sur l’asso Emetrop, qui officie toujours activement dans la région, celui sur les Francofolies rencontrait Eicher, Thiéfaine et Guidoni. Et la “Fiche signalée… toc” que vous retrouvez régulièrement en ouverture du mag, 4
était remplie à l’époque par une grande dame rock dont on espère des nouvelles : Guesch Patti. Et puis notre supplément incontournable (et à monter soi-même !) “Il était une fois le mouvement alternatif” faisait le point sur les labels alternos récupérés par les majors, sur les derniers irréductibles (Marsu, toujours là !) et rencontrait des groupes comme les Garçons Bouchers, Chihuahua, Ludwig Von 88, Dazibao, les Béru… Mais surtout, l’exclu, c’était notre rencontre avec Gainsbourg. Le Grand Serge (toujours à l’actu, et particulièrement ces derniers temps) nous déclarait pudiquement : “Mon papa et ma maman, je les ai perdus. Je suis un orphelin de 60 balais. C’est peut-être normal, mais ça s’accepte difficilement. Perdre des parents qui vous ont adoré, c’est horrible. Enfin, c’est la vie. Charlotte et Lulu (ce que j’ai fait de mieux dans ma vie) vont aussi pleurer quand j’aurai cassé ma pipe…”
MARCHE Ou BREvES ROCK À GOGO
BOUQUINONS ROCK !
Sortie en janvier du bouquin en deux tomes : “Rock stories” composé de dix nouvelles sur des groupes de rock français (AqME, Dionysos, Mlle K, Punish Yourself…) sous forme de biographies romancées. Chaque histoire immortalise les anecdotes des groupes sur leur formation, leurs apprentissages et leurs tournées. Une dédicace du livre avec tous les groupes aura lieu le 31 janvier à La Cantada, 13 rue Moret, Paris 11e. Dans ce même bar, du 24 janvier au 24 février, se tiendra l’expo “Héroïn(e)” composée de douze textes (publiés dans le recueil “Il e(s)t Elle” en 2007), chacun illustré par le cliché d’une musicienne faisant partie d’un groupe de rock français (photos réalisées par la photographe Nathalie Sicard aka Irae). pacalyrockstories.skyrock.com & myspace.com/ppacaly
Voilà de quoi remettre devant un bouquin tous les jeunes qui ne se retrouvent absolument pas dans le paysage littéraire actuel. Enfin, pas trop jeunes quand même ! Comme le décrit si bien l’éditeur québécois Michel Vézina, qui paraît tout droit sortir de l‘un de ses ouvrages : “La collection “Coups de tête” est à la littérature ce que le rock’n’roll est à la musique.” Ecrits par des Québécois, les courts romans qu’il édite mélangent le français et l’anglais au “langage” québécois, de quoi apprendre un florilège d’expressions… En décidant d’ouvrir une de ces grenades, vous vous exposez à des chocs violents, à de la cruauté, à des injustices et à de l’amour dur et brutal. On lit un “Coups de tête” un peu comme on prend un grand huit. Des histoires explosives, sales et dans lesquelles les rapports humains sont directs. www.coupsdetete.com
ENCORE PLUS L’AUTRE AMADEUS Après deux albums, les Niçois d’Amadeus Tappioka remettent les compteurs à zéro, prennent leur destin en main et démarchent le milieu de la musique avec un trois titres autoproduit dont ils sont très fiers. Chanson-rock nerveuse à déployer sur scène. Le prochain opus n’attend que d’être enregistré. Infos sur leur très beau site : www.amadeustappioka.fr
Le magazine culturel “Le doigt dans l’œil” offre encore plus de reportages vidéo et d’interviews avec des bombes comme Nick Cave, Fleet Foxes, Batlik ou Tiken Jah Fakoly. Envie de le lire ? www.ledoigtdansloeil.com
ARGENT TROP CHER
MUSIQUE ÉQUITABLE
La 11ème édition des Déferlantes Francophones de Capbreton n’aura pas lieu. La raison : des coupes budgétaires importantes de part et d’autre de l’Atlantique. En temps de crise financière, la culture est hélas toujours l’une des plus sacrifiée. Mais les organisateurs n’abandonnent pas et comptent bien accueillir durant l’année 2009 des artistes Québécois ou Acadiens, avant que le phénix ne renaissent de ses cendres en 2010. www.deferlantes-francophones.com/2008
Une nouvelle plate-forme de commerce musical, bien ancrée dans son temps, vient de voir le jour sur la toile : Fair Trade Music (www.fairtrade-music.com). Sur ce site, les artistes peuvent désormais toucher 100% des bénéfices pour les ventes de MP3 et lorsque vous achetez un CD via cette plate-forme, 5% des recettes sont redistribuées aux artistes émergents. Si c’est pas être citoyen ça ! Pour soutenir le projet, votez sur www.radiobfm.com/BFMAcademie/ListeCandidats.html
PAS SI MARRON
MICRO OUVERT Pour sa 4ème édition, le tremplin Fallenfest ouvre les candidatures. Elles touchent tous les groupes d’Ile-deFrance, quel que soit leur style musical, et, fait de plus en plus rare dans les tremplins, les inscriptions sont gratuites ! Les concerts ont lieu dans de belles salles parisiennes (La Boule Noire, Trabendo, Nouveau Casino ou encore La Cigale) et sont encadrés par des équipes de pro. Vous avez jusqu’au 15 mars 2009 pour déposer votre dossier sur : www.fallenfest.com
Le groupe “Coup d’Marron”, après avoir assuré des concerts jusqu’à la fin août, a vu deux de ses membres (guitariste et batteur) voler de leurs propres ailes. Après de nombreux doutes et plusieurs essais la formation a enfin trouvé ses nouveaux acolytes : un batteur et un contre-
bassiste et de nouveaux titres qui n’attendent plus que d’être posés sur une jolie galette. www.coupdmarron.com
5
D.R.
ON Y CROIT
Béatrice Corceiro
Jade
Alain Dodeler
“Chair memories” - Chancy Publish. / Anticraft - myspace.com/sire “J’ai d’abord des couleurs dans la tête : chaque instrument apporte sa touche et ça doit arriver à un tableau. Ce sont des compositions abstraites.” Ainsi, pour Jiben, l’homme à l’origine de la formation, la musique se voudrait comme un prétexte à une peinture. Les cinq membres en offrent leur vision, sombre mais très vivante, dans un triphop mâtiné de glam, dialogue passionné entre pop et classique aux allures dandy. Le chanteur décrit : “JC et Olivier amènent un côté rock, beaucoup plus présent sur scène que sur disque ; Gaëlle et moi apportons une patte plus éthérée, plus émotionnelle. Ensuite, le lien, c’est la folie que Martin (le batteur), peut mettre en studio et sur scène… ” Dans le travail en amont, le parti pris de Jiben est atypique : “Je propose des thématiques à des plumes extérieures au groupe, comme Pierre Grange, réalisateur, ou des auteurs anglo-saxons. Je soumets ensuite les compositions au groupe, avec des idées d’arrangements et ce sont les musiciens qui amènent leurs couleurs.” Utiliser les mots des autres pour mieux interpréter : “Je viens du théâtre et de l’écriture, et je me suis tourné vers la musique pour me détacher des mots. Il y a une volonté d’ouverture. Dans le groupe, on conçoit la musique comme un partage, c’est pour ça que l’on est très friands de la scène.” Dans ce lieu propice, Sire tient à sa dimension théâtrale : “Chacun de nous exprime une sorte d‘exubérance un peu surjouée, mais en même temps très naturelle. Les éclairagistes viennent du spectacle. Et pour moi la scène, c‘est le théâtre avant tout.” Le résultat est évocateur, empli d’images et d’intensité dramatique. On ne s’étonnera pas de savoir que, plus que la musique, leur inspiration commune naît d’un cinéma aux impressions plus ou moins sombres ou tordues, de Burton à Lynch…
D.R.
Sire
Le K Morlot “Sortie n°1” - Schyzophrénia Record - myspace.com/lekmorlot Un son rock brut et rugueux, porté par un souffle mélodique qui vous attrape et ne vous lâche plus. Jo K et Eric Morlot, batterie folle et guitare implacable, ont commis l’impensable : un album rock en français, intelligent, fin et hargneux. Morlot le sauvage chante les textes de Jo d’une voix qui sent l’émotion et les abus de la vie. On prend son pied à écouter la gouaille de ce mec humble, mais toujours debout, prêt à en découdre. Militant emblématique de l’underground des 90’s, Eric Morlot a tâté du rock expérimental (Ace, Godart…), du rock belge (avec Sharko) et du rock “punk festif” avec les Amis d’ta Femme et les Frères Couenne… Aujourd’hui avec son K Morlot, il laisse éclater son instinct pop au service du rock. Du rock “tout court” : “Après 20 ans de métier, j’ai vraiment eu envie de faire des chansons populaires. Celles que tout le monde peut s’approprier facilement. Je veux toucher et être compris du plus grand nombre.” Morlot balance des gimmicks foutrement efficaces. Pas besoin d’être devin pour se rendre compte que sa Sortie n°1 contient deux ou trois tubes potentiels. Fille sans joie, qui ouvre le bal, raconte l’histoire d’une vieille tapineuse désabusée. Sur A bout de souffle, la voix prend un tour rocailleux et le duo nous la joue blues sauvage et cavalcade rythmique. Le morceau que tout le monde va siffloter s’appelle J’suis pas bo : le genre chansonnette intelligente et marrante que l’on retient instantanément. Le tout servi par des musiciens excellents avec un son super carré, pas trop propre, arrangé par l’ingé-son d’Arno. Attendez-vous à voir débouler ce duo imprévisible près de chez vous. “La formule guitare-batterie nous laisse une immense liberté d’expression pour proposer sur scène un spectacle vraiment vivant.” Et prévoyez une pompe à bière à proximité ; leurs concerts donnent immanquablement l’envie d’une mousse bien fraîche. Rock’n’roll, quoi !
Eric Nahon 6
“Analogic” - Z Production / Mosaic www.jade-analogic.com “On ne veut pas faire du Portishead ou du Massive Attack, mais nos chansons avant tout ! On est arrivé au trip-hop, car cette musique est fédératrice.” Le hasard fait souvent bien les choses. Laëtitia, JeanPierre, Rémi et Olivier se rencontrent en 2003, à Lyon. Quatre musiciens aux personnalités et aux inspirations différentes : “On a appris à se connaître et à prendre notre temps. Aujourd’hui on est rodé, on compose de façon plus naturelle.” Pour quatre Frenchies, sortir un album trip-hop était un pari risqué. Pourtant à l’écoute d’Analogic, on est ébloui par un talent rare et précieux à l’ambiance reposante et… amoureuse. Des accents jazzy et rock 70’s viennent relever la sauce. Loin de l’angoisse et la froideur qui hantent trop souvent le trip-hop anglais, Jade chante l’exaltation de l’esprit et du corps. “On n’est pas un DJ qui balance ses mixes depuis ses platines. Analogic veut dire que nous sommes des humains avant tout. Sur l’album, aucun instrument n’est samplé, on a fait appel à des amis. Le sensitif est la base de notre création, on aime le son volcanique.” Fender Rhodes, violons, guitares aériennes, le son glisse comme une coulée de lave dans les oreilles… et dans le corps. Plus qu’un groupe, Jade est un collectif, une aventure humaine : “On a notre propre studio dans le quartier de la Croix-Rousse où nous avons tout enregistré.” Pour les concerts, ces Lyonnais aiment surprendre leur public : “On joue de façon plus épurée, moins évanescente, en un mot : plus rock. On pense que cette orientation, se ressentira sur notre deuxième album.” En attendant, Jade espère tourner en Amérique du Nord, où son album sublime et obsédant est déjà distribué. Nous leur souhaitons. Aurélien Marty
Pierre Wetzel
ON Y CROIT
United Fools
21 Love Hotel “Our hearts belong to the storm” - Pias myspace.com/21lovehotel
D.R.
Nous mettons au défi les fins connaisseurs de deviner la provenance de cette galette. Eh non, Bordeaux ne fabrique pas que des rockers ! La sortie du premier album des United Fools s’apparente à un billet d’avion sans retour pour un nombre infini de destinations : Etats-Unis, Inde, Balkans, Moyen Orient… D’Eminem à Asian Dub Foundation, en passant par Herbie Hancock, Hilight Tribe, le jazz, l’oriental : tout y passe ! Bordeaux 2004, Matthieu, à l’origine bassiste dans un groupe de reggae, venait de se mettre à la programmation électro et devait se produire en solo derrière ses machines en première partie de Post Image. La crainte d’une prestation un peu trop statique et l’envie de “trouver un équilibre entre musique électronique et acoustique” germe alors dans sa tête pour la première fois. Il invite des musiciens pour un bœuf qui se révélera plus long que prévu. Un an plus tard, la formation instrumentale devient United Fools et voit arriver Thomas (contrebasse, guitare, sitar), Amélie (violoncelle) et Emilie (flûte traversière). En 2005, Matthieu rencontre Jamie, alias MC Youthstar (Elisa do Brasil, Big Red, Dirty Phonics…), et se laisse séduire par sa manière “efficace et précise de poser les textes”. La collaboration est évidente et immédiate. Le groupe se rend compte de “l’importance d’avoir un chanteur pour communiquer de manière plus directe avec le public et casser la cinématique des machines.” C’est lors de la soirée d’inauguration de leur label indé Banzaï Lab que l’éclosion a lieu et que la mayonnaise prend réellement. Un mélange impeccable, réglé au millimètre près, cloue sur place la salle pleine à craquer. S’en suit une tournée remarquable en Turquie et la clôture du Festival de Jazz d’Izmir. Le collectif est maintenant en prospection afin de trouver une distribution nationale. A ne pas laisser passer ! Maxime Ardilouze
Raphaël Lugassy
“What doesn’t kill you” - Banzaï Lab - myspace.com/unitedfools
Wine s/t - Autoproduit - myspace.com/winemoon C’est un jeune et sérieux vin de pays que nous offre là le cépage de Caen. Une de ces productions outsiders les plus matures, façon gaBLé, nous épargnant le goût bouchonné de la facilité. Car à peine vieillies dans les fûts cotonneux de l’âge étudiant, les effluves de leur folk latent enivrent les sens. Si certains font dans l’emballage plastique et le lever de coude rapide, Wine se contente de son étiquette PJ Harvey / Mark Lanegan en laissant la nature agir. La lourde robe du climat rock fait office de colonne vertébrale et donne corps à l’ensemble. Une ambiance sombre, attentive, nerveuse et progressive dont seule la chanteuse en éclaircit la lie. Pour tout assoiffé des ambiance fantomatiques et pensantes, le cru se boirait presque au goulot si sa production n’était pas si injustement confidentielle. On se console alors, rêveur, face à ces envolées qui n’explosent que rarement, à la manière des orages de chaleur. Pas étonnant que le groupe réfléchit à une tournée ou un enregistrement en commun avec Joe Volk, le chanteur de Crippled Black Phoenix. Un artiste marqué par la patte de Portishead, tant au niveau de son label (Invada Records, propriété de Geoff Barrow) que du point de vue de la production de son premier album (Adrian Utley, également membre du groupe trip-hop). Et malgré leur sélection sur les tables des Vieilles Charrues ou des Bars en Trans, le groupe n’affiche pas de réelle ambition. L’important est dans un premier temps de “payer du matériel et des nouilles”… Preuve que si la maturation est déjà là, l’équipée laisse encore au temps son rôle à jouer. “Nous nous concentrons sur le live, plutôt que sur l’enregistrement d’un album. Les morceaux évoluent sans cesse entre jam et subtilités, pouvant dépasser parfois les dix minutes. En concert, le son est plus gras et lourd, mais sait garder son caractère intime. Un travail que nous avons voulu ensuite restituer dans les lumières…” N’en déplaise à Roselyne : born to be Wine ! Samuel Degasne 7
Certains galops d’essai ont l’envergure des épopées. A preuve le premier album de 21 Love Hotel, duo français réunissant la comédienne Clémence Léauté et le guitariste Frédéric D. Oberland. Six morceaux d’une folk mystérieuse et orageuse, construits comme un moyen-métrage. Avec ses extérieurs-jour et ces intérieurs-nuit, entrecoupés par des décors sonores tournés en studio avec les moyens du bord, des dialogues entre les deux complices et de rares emprunts à des films. Il y est question d’un homme et d’une femme, d’une chambre de motel, de chiens qui hurlent et d’un coup de révolver. Mais l’histoire importe peu. Our hearts belong to the storm est une irrémédiable plongée dans un brouillard de sensations, un marchepied à l’imaginaire. Il fourmille d’ambiguïtés, d’imperfections, de débrouillardises, de bruits concrets et de sons irréels. De leur propre aveu, les duettistes, qui composent assez instinctivement dans un flot de pensée et d’improvisations, n’ont pas “gardé les pistes les plus séduisantes, celles qui sont évidentes, accessibles, rythmées comme il le faudrait, mais celles qui ont le plus d’épaisseur, de pouvoir d’évocation.” On pense à Lynch ou à Jarmusch, aux paysages de la Sierra Nevada, entre Vallée de la mort et sommets enneigés du Yosemite, sans jamais être vraiment convaincu d’avoir raison. Quelques certitudes émergent tout de même de ces brumes : la science multi-instrumentiste de Frédéric et la voix de Clémence, jolie réminiscence de Kate Bush ou d’Ann Pierlé, une belle mise en musique d’Ennui, un poème de Maurice Maeterlinck, une reprise du défunt groupe belge Venus et un standard en devenir, Lonely Lady, retravaillé en bonus par Kid Loco. Le tout en 44 minutes. C’est court, mais c’est comme le goût du sang : une fois qu’on l’a en bouche, difficile de l’oublier. Sylvain Dépée
8
Nicolas Messyasz
ON Y CROIT
Béatrice Corceiro
Watine
Pierre Wetzel
“Thirty six minutes” - Upton Park / Booster / Pias - craftmenclub.free.fr Criminels, flingues, motels, un cowboy abandonné par son cheval, une mère en pleurs, des âmes égarées… Les traces d’un western noir concordent avec la musique et se dévoilent toujours plus au fil de Thirty six minutes. Onze chansons à l’américaine, héritées du son propulsé par le Gun Club ou les Violent Femmes. On les doit à un trio de Guingamp, déjà auteur d’un album en 2005, I gave you orders never to play that record again, produit par Matt Verta-Ray (moitié d’Heavy Trash). De retour d’une tournée de près de deux ans, les trois musiciens ont enregistré dans une optique moins garage. “C’est un plus gros son, décrit Steve, chanteur-guitariste. Il est moins sauvage, peut-être un album un peu au-dessus ? On a décidé de parler d’un personnage, Gary Blood, qui revient sur quelques chansons ; ça se suit, mais ce n’est pas complètement un album-concept.” Pas d’influence française dans leurs oreilles, mais les quelques passages écrits en français collent idéalement à leur univers : “On a passé le cap de chanter en français, après tout, si les textes sont bons… Et comme ce sont des textes violents, ça marche bien.” La voix s’emballe pour exprimer un ton furieux et indomptable, propre aux personnages et thèmes des morceaux. Le lien entre folk-rock et psychobilly sonne naturellement. “On a toujours mélangé rock’n’roll et country, on aime ça. Même si ce n’est pas évident de faire les deux en même temps. Et puis finalement, les gens qui écouteront le disque pourront s’y retrouver en fonction de leurs goûts.” Le son d’un banjo offre des arrangements caractéristiques au milieu d’un ensemble voulu intense et fiévreux : “Sur scène, c’est place à l’énergie ! Pour nous, il faut que ça reste différent du disque.”
Nicolas Messyasz
The Craftmen Club
Sacha Bernardson “Lave tes oiseaux” - Autoproduit myspace.com/sachabernardson Bienvenue dans l’univers en demi-teintes de cet auteur compositeur qui livre un premier album poétique, en équilibre sur des mélodies accrocheuses, mélange d’électro, de flamenco et de beatbox. Une chose est certaine : la musique de Sacha ne ressemble à rien d’actuel. Une enfance musicale (“Du côté de mon père, il y a beaucoup de musiciens excentriques”) d’où découle un apprentissage précoce : “J’ai commencé avec le piano et j’ai composé mes premiers morceaux vers 11 ans. En école d’Arts, j’ai monté un groupe avec une guitariste qui m’a donné l’envie d’écrire des textes en français.” Mais le piano est vite délaissé au profit de la programmation électronique : “J’adore travailler la construction d’un morceau et lui laisser le temps de mûrir.” Le jeune homme possède aussi un talent pour la plume. Lorsqu’on lui demande ce qu’évoque le titre mystérieux de son opus, il répond : “C’est aux gens de trouver leur propre interprétation. A eux d’imaginer ce dont ils ont envie et de provoquer leurs fantasmes !” L’album, composé sur un 8 pistes cassette, joue avec les harmonies vocales s’ajoutant en couches successives et sur une instrumentation réduite. “Je voulais un album “rythmes-guitares-voix”, pour donner un côté “fait maison”.” Cet opus est marqué par la rencontre de Sacha avec MaJiKer (arrangeur de la chanteuse Camille) qui a largement collaboré à ce projet. “Le déclic a été immédiat, c’est un album duo. MaJiKer a apporté beaucoup de son univers avec les harmonies bulgares et la beatbox.” Des projets, Sacha n’en manque pas : “J’écris pour un show d’art contemporain et j’ai commencé à maquetter mon prochain disque qui ne sera pas en français. Je ne me focalise jamais sur la langue en soi mais sur les sonorités.” Et d’ajouter : “Une chanson, c’est une musicalité qui vous touche…” Isabelle Leclercq 9
“B-side life” - Catgang / Anticraft www.watineprod.com Considérée par beaucoup comme une artiste prometteuse, Catherine Watine n’a pourtant rien d’une débutante. Ayant toujours baigné dans la musique, elle a auparavant consacré sa vie à un tout autre métier (lié aux voyages), n’officiant en tant qu’ACI que depuis quelques années. Loin des ambitions carriéristes, elle allie à la fraîcheur de ses compositions une maturité bienvenue. “Cette longue attente avant de m’exposer m’a finalement évité les pièges de la jeunesse, mais j’ai gardé intacts mes émerveillements d’enfant. Je les traduis dans mes chansons, ce qui rend ma musique transgénérationnelle.” Elle synthétise effectivement des éléments d’époques et d’influences diverses, à commencer par un fort substrat classique (Bach en premier lieu), hérité de son apprentissage précoce du piano, son confident et principal outil de composition. Mais les aspirations éclectiques de Watine lui font confronter ses esquisses piano-voix au post-rock, à la pop et à l’électro. Elle a su pour cela s’entourer de producteurs talentueux comme Markus Dravs (Emilie Simon, Björk) par le passé, ou encore Nicolas Boscovic pour ce deuxième disque : “Non seulement il est le réalisateur, ingé-son, guitariste et arrangeur de l’album, mais il m’a également fait profiter de ses propres travaux sur le son, pour densifier la matière de certains titres. Je peux dire que ce fut ma chance de le rencontrer, et qu’ensuite l’osmose a été totale.“ Plein de détails, de bizarreries et d’instrumentations luxuriantes, cet album reste pourtant un ouvrage intime, avec son chant (en anglais et français) qui ne laisse pas indifférent. Pas d’expérimentations indigestes ni de grandiloquence ou de provoc’ facile. “La maturité a adouci toutes mes valeurs underground, qui ne sont ni subversives ni bruitistes !” Elles n’en restent pas moins savoureuses… Rafael Aragon
CHET
Alexandra Lebon
ON Y TIENT
U
ne nuit noire comme l’enfer et les lumières d’une fête foraine désertée. En arrière-plan, un manège tourne éperdument. Au dessus, une frise reprend les meilleures scènes d’Easy rider et des lettres de néons dessinent “ROCK AND ROLL”. Les yeux baissés, le front bas, dans un costume plus sombre que les cieux, Chet déboutonne sa chemise et dévoile le tatouage sur sa poitrine, là où son cœur bat. Prenez et écoutez bien tous… Fini le sourire mi-enjôleur mi-narquois des premières pochettes. Fini l’image désincarnée de Hymne. Dans ce quatrième album, Le bois du génie, retour (ou arrivée ?) à l’essentiel : l’humain, trop humain. A prendre ou à laisser - on ne saurait trop vous conseiller la première option. Car Chet siffle ici la fin de la récréation. Il s’est fait rattraper par la vie. Et il fait moins le malin. Comme une jument trop impétueuse, il a dû casser son écriture pour l’emmener vers d’autres plaines plus fertiles. Il l’a délestée. Il s’en sert moins ; il la sert mieux. L’esprit ne se sent plus obligé de faire mouche à chaque virgule. Les mots sont désabusés, mais tendres. La musique, astucieusement architecturée, égaye de mille petits riens le propos. Ca tangue, ça chaloupe. Ca prend de l’épaisseur et des épaules. Les amis sont même conviés : David Hadjadj aux arrangements, Bazbaz pour la musique de J’comprends rien, une apparition d’Olivia Ruiz sur Pépite et Pépette, et le fabuleux Bertrand Belin : “C’est un compagnon de route. Nous habitons dans le même quartier de Paris, nous fréquentons les mêmes bars et il arrive assez fréquemment que nous fassions ensemble le chemin pour rentrer chez nous. J’apprends à ses côtés. Je progresse avec lui.” C’est ainsi qu’un soir bien arrosé, vers 2h, ils écrivent au gré d’un ping-pong verbal, L’homme en marche. Chet lui chipe aussi La magie, magnifique chevauchée qu’il suffit d’entendre une fois pour la siffler toute la journée, et La vipère, une moderne héritière de La Javanaise avec guitare électrique et violon. “Ces chansons me plaisaient, elles me correspondaient bien. C’est la première fois que le chanteur idéal, je l’imagine tel que je suis maintenant. Je ne suis plus dans la référence ou la révérence. Avec cet album, je ne me suis jamais autant rapproché de moi-même.” Sylvain Dépée “Le bois du génie” - Pias / 2 Temps 3 Mouvements myspace.com/monsieurchet
10
DAGUERRE
MANU
Pierre Wetzel
Nicolas Messyasz
ON Y TIENT
E
mmanuelle Monet était la chanteuse de Dolly, formation pop rock des années 90 ; porté par le tube Je veux pas rester sage, le groupe avait vendu 170 000 exemplaires d’un premier album éponyme, puis 50 000 de chacun des trois suivant. En mai 2005, la mort de Micka, le bassiste, a mis un point final à l’aventure Dolly. Il n’a pas, ou peu, été question de poursuivre sans lui. Pour Manu, le travail de deuil est passé par l’écriture. Les textes sont souvent écrits à la première personne. Ils mettent à nu ses sentiments et en avant sa voix. “Au départ, il n’y avait pas l’envie de les divulguer”, indique Manu. Sous l’impulsion de Nikko, le guitariste de Dolly, elle se décide finalement à en faire un album. Mais le côté électrique est absent. Alors qu’elle retrouve peu à peu ses automatismes, deux amis musiciens, Ben (bassiste de Mano Solo) et Nirox (batteur des Bandits et de Dawax) viennent assurer la rythmique. De nouveaux titres sont composés, mais le projet reste solo : “Avec un groupe, je n’aurais pas pu imposer des chansons aussi chargées. Là, j’ai retrouvé le pourquoi j’ai eu envie de faire de la musique. Aller à l’essentiel sans se poser de question, je l’avais oublié. Et cela m’a manqué.” Goodbye, Rendez-vous, sont dédiés à Micka. Allée des tilleuls évoque aussi la perte d’un être cher, mais n’a pas été écrit par Manu. Tes cicatrices parle également des épreuves de la vie. Un texte plus léger, T’es bô t’es con, est clairement ironique et moins autobiographique. Le must pourrait être Cow-boy, l’un des derniers titres composés. Très enlevé, il allie surf-music et western. On s’y croirait ! Et puis il y a Suteki ni, cette sucrerie “qui donne envie d’ouvrir les bras”, écrite par Suzuka Asaoka, une amie japonaise. Elle est chantée en phonétique, “pour se faire comprendre des Japonais”… L’enregistrement, financé par le label monté par Manu, s’est fait rapidement. Les chansons avaient été rôdées sur scène, dans une atmosphère parfois étrange. Des larmes avaient coulé. Des petites salles en grand rendez-vous, Manu et les siens ont retrouvé l’envie : “C’est reparti ! Avec l’appui des autres, j’y arrive. On ressent toujours de l’émotion, mais pas de tristesse.” Patrick Auffret “Rendez-vous” - Tekini records / Lez’art www.manu-friends.com
O
n se demande toujours ce que deviennent les punks avec le temps… Daguerre, lui, a choisi, après dix ans de tournée avec Les Veilleurs de Nuit, de s’exprimer en chanson sur des arrangements rock : “La seule différence, c’est la maturité. Tu n’as pas le même sens de la révolte à 20 ans, à 30 ans ou à 40. En tout cas, tu l’exprimes de manière différente. Aujourd’hui, je travaille plus sur le texte et le tempo chanson.” Embarquant son pote bassiste, Michel Moussel, ils enregistrent un premier album autoproduit, Ici je, remarqué par Cabrel à Astaffort, qui produira le deuxième : Ô désirs. Sur la route, Daguerre chatoie les rencontres, ingrédient essentiel à sa créativité. Son troisième album est le résultat de ces échanges. D’une part, Cali lui ouvre les portes de son studio d’enregistrement et lui offre la première signature sur son nouveau label (Arlette et Mireille Productions), d’autre part, il est repéré par EMI et Virgin à Paris, lors d’une première partie du chanteur catalan. L’essence de cet opus - et il le défend ardemment - est de toute évidence le partage humain, l’énergie positive puisée auprès de son entourage : “Il y a des gens autour de moi qui vivent des choses très difficiles, mais qui malgré tout gardent le moral et le propagent autour d’eux. Ce sont eux qui m’ont donné envie d’écrire.” Album mature, aux textes sombres mais surtout pas fatalistes : “Chaque titre parle de la vie. Même si c’est un lieu commun, la vie est tellement dérisoire ! Non seulement il ne faut pas la prendre au sérieux, mais il faut la vivre à fond comme De l’ivresse.” Ce Cœur entre les dents, c’est aussi l’arrivée d’un troisième musicien (Olivier Boudignon) à la guitare électrique. Cette collaboration merveilleuse fait que sur scène, le groupe, même réduit à sa plus simple expression (une guitare folk, une électrique et une basse), étonne le public par sa richesse musicale. “J’aime garder ce côté dénudé, ça permet d’être plus vrai.” Enfin, vous serez surpris d’entendre, en dernière piste de l’album, le son d’une cour de récréation… “L’idée, c’était de terminer sur ce qu’il y a de plus vivant au monde, une mixité sociale sans à priori. C’est une ouverture d’espoir…” Johanna Turpeau “Le cœur entre les dents” - AM Prod / Virgin www.daguerre.be
11
LUDO PIN
Alain Dodeler
ON Y TIENT
A
vec son allure nonchalante, Ludo a sans doute pris des leçons de charisme chez Louis Chédid. Mais Il possédait depuis l’enfance la sensibilité d’un Mathieu Boggaerts pour l’écriture, en développant le savoir-faire d’un Beck pour les bricolages et sampling. Son école de musique fut une MJC de banlieue parisienne ou il apprendra à poser sa gratte sur un reggae ou un hip hop pour aider de jeunes artistes à enregistrer leurs démos. D’abord uniquement compositeur, c’est son frère (qui lui écrivait ses textes) qui le poussera à les écrire lui-même… Et ça marche ! Repéré par Ignatus, puis par les Louise Attaque, on le retrouve aujourd’hui sur le label Audiogram (un important label québécois qui propose sa première signature en France). “Je suis très content du son que l’on a réussi à obtenir avec Bénédicte Schmitt (responsable du Trash yéyé de Biolay). Elle a vraiment compris ce que je voulais. Pas de reverb, beaucoup d’acoustique et un son proche des démos que je faisais avec mon quatre pistes.” Car Ludo est davantage un homme de son et il s’imagine bien évoluer vers la production d‘autres artistes. “J’ai beaucoup regardé comment Bénédicte travaillait pendant l’enregistrement.” Il se reconnaît davantage dans des groupes de Bristol comme Day One ou le producteur Danger Mouse que dans la scène française. “Tout le monde se connaît. Je reviens des Francofolies et j’ai trouvé ce coté famille très stérile.” Un des meilleurs moments du disque : un poème révolutionnaire que Jean-Baptiste Clément (l’auteur du Temps des cerises) a écrit à la fin de la Commune : “C’était au moment des élections présidentielles. J’ai trouvé ce poème en pleine résonance avec l’actualité et je l’ai mis en musique.” Ce texte prend ici des allures détachées mais sincères. Comme dans Ma quête m’a quitté, un hommage inconscient a Boby Lapointe. Tantôt engagé, tantôt sensible, ce premier album éponyme à la séduction discrète installe Ludo - qui préfère chanter des mots justes plutôt que de chanter juste - comme un électron libre de la chanson. Ludochem “Ludo Pin” - Audiogram myspace.com/ludopin
12
N
VLADIMIR BOZAR ‘ ’ Z
E SHERAF ORKESTÄR
Caroline Dall’o
ON Y TIENT
D
ifficile de décrire l’univers déjanté de ce groupe niçois tant il regorge d’influences. Les Sheraf, comme ils se nomment eux-mêmes, œuvrent avec excellence dans l’art du pastiche musical, juxtaposant dans leurs compos une multitude de styles allant du black metal au classique, ou du tzigane à l’électro, avec un humour féroce. On croise dans Universal sprache de nombreux clins d’œil aux héros télévisuels comme Rabbi Jacob, Gonzales, ou encore un vibrant hommage à la pub pour les pâtes ! Pour l’anecdote, contacté au hasard, Vladimir Cosma leur donne toute liberté pour interpréter à leur guise sa BO du rabbin légendaire, qu’ils s’amusent à reprendre dans un Grand Rabbi (La revanche d’un Juif japonais) hilarant ! Mais attention, point de samples chez les Bozar : “On joue toutes les parties nous-mêmes. L’idée de départ était de faire des morceaux avec des parties courtes et hétéroclites qui se tiennent. Certains morceaux comme Panzoni pasta a été écrit d’un trait par Djé (maître ès-électro), puis nous avons fait varier les styles à l’intérieur par la suite. D’autres sont vraiment des patchworks, composés par plusieurs d’entre nous et mis ensemble ensuite.” Dans le même ordre d’idée, Pedro, le chanteur, est derrière toutes les parties chant que l’on jurerait provenir d’une dizaine de personnes différentes. Né en 2003 sur les cendres de deux formations déjà bien barrées (Jean-Paul Trash qui officiait dans le “carnaval core” et Children of Invention, un groupe de reprises de Zappa), le projet mûrit au fil des années. Toquant aux portes virtuelles de MySpace, ils font la connaissance de Trey Spruance (Faith No More, Mr Bungle) qui accroche à leur démarche et avec qui ils tournent en 2007, avant d’enregistrer en mars 2008 ce premier album auquel participent des musiciens de Secret Chiefs 3 (side project des membres de Mr Bungle). Disponible sur certaines plateformes Internet (comme Believe) depuis septembre, l’autodistribution reste pour ce projet un peu fou mais très exaltant, le meilleur moyen d’exister. En attendant qu’une structure se décide à distribuer physiquement ce disque surréaliste aux qualités musicales indéniables. L’appel est lancé ! Caroline Dall’o “Universal sprache” - Imago Productions myspace.com/vladimirbozar 13
Alexandra Lebon
MacZde Carpate MacZde Carpate développe sa musique dans une envolée qui lui ressemble pleinement, faite de poésie, sensualité, spontanéité, éléments de feu et de chair… Groupe résolument à part, il invite une nouvelle fois au partage. ’il fallait trouver un bâtard dans notre paysage musical, le voilà qui se désigne lui-même avec les premières notes de ce disque : “Je suis de tout le monde, je suis de personne”. Les quatre Grenoblois créent depuis treize ans une musique sans étiquette, mais à forte personnalité. Un rock au caractère virulent, qui tisse des liens musicaux avec des émotions venues d’ailleurs (noise, pop ou tribal). Les textes de Benjamin emportent encore ce métissage à un autre niveau, pour allier force physique et pensée profonde.
S
POÉSIE Avec ce quatrième album, l’évidence est toujours plus frappante : il y a tellement d’intelligence et de vérité dans leur rock mutant que les mots s’emboîtent dans des phrases mystérieusement lumineuses. “On a notre style depuis le début, se rappelle Benjamin. On était des musiciens pas encore en place, c’était la folie du premier disque. Sur le deuxième, il y avait des choses plus simples, mais c’était moins rock, moins puissant. Puis avec Tue-tête nous sommes allés dans l’excès inverse : plus brut, plus rock’n’roll, plus noir. Finalement, Bâtard est un mélange de tout ça, avec plus de morceaux calmes et certains textes plus compréhensibles. Quand je chantais Les lianes en concert par exemple,
je sentais les spectateurs perdus parce qu’il y avait trop de matière et c’était trop intime, trop personnel. J’ai eu envie que les gens puissent s’y retrouver, en passant par des choses simples, en tout cas avec un message assez clair…” Une réussite absolue avec un texte comme La joute. ABOUTISSEMENT L’an dernier, un voyage à l’Est a conclu une collaboration scénique avec un groupe de Budapest. “C’était très frais. Il y avait beaucoup de musiciens, neuf au total (nous 4 et eux 5), on a laissé de la place pour tout le monde. Kampec Dolores ne joue pas sur le même volume que nous, ils font du folk ethno-jazz… Alors on a joué pour qu’ils trouvent la puissance de feu de MacZde Carpate, et nous, on s’est aventuré dans leur univers volatile, plus féminin. On a enregistré l’album en rentrant de ce tour : ça nous a permis de nous aérer, partir sur d’autres pistes, faire de la musique avec le côté ludique, en se laissant porter par la nouveauté…” Un enregistrement réalisé en prises séparées, la moitié des titres nés en studio, le mixage de l’ensemble confié au fidèle ingé-son, François Carle. “Cet album a une lecture simple, on peut l’écouter sans l’écouter, contrairement à Tue-tête. En même temps, il y a plein d’effets et d’arrangements que l’on peut entendre au casque, et décou14
vrir les sens cachés des textes. C’est un aboutissement pour MacZde Carpate.” ORIGINALITÉ Puisqu’il est doublé d’un album live, les garçons ont pu se déculpabiliser et penser Bâtard comme leur “premier vrai disque” : produit et pensé pour l’écoute, sans se soucier de faire ressortir à tout prix leur emprise scénique. Répondant à ses propres besoins, le groupe persiste dans sa démarche sincère : “A nos débuts, on était jeunes et rebelles, on voulait fuir le formatage à tout prix, mais du coup on se torpillait tout seuls. On est un peu déçus, notre qualité est aussi notre défaut : le fait de proposer quelque chose de différent, à travers mes textes et la musique particulière des trois musiciens… On est dans une époque où les gens n’ont pas le temps de faire des efforts. On aurait pu avoir une autre place dans le rock français, mais on n’arrive pas à nous faire entrer des cases, on n’a jamais eu un titre mis en avant… Un programmateur nous disait récemment : “Vous êtes les mal-aimés du rock”. On n’a jamais réussi à trouver notre place… à part la nôtre.” Ce diable de bâtard né dans la nature, doit-il se frotter à la mécanique humaine ? Béatrice Corceiro “Bâtard” - Ladilafé / Undergrouille / Anticraft - www.maczde.com
Raphaël Lugassy
Spleen Acteur musicien, chanteur comédien, Spleen revient avec un deuxième album sur lequel il met en scène les moments clés de sa jeunesse dans le décor de chansons d’amour. Et en français s’il vous plaît ! assionné de cinéma et de musique, Pascal, aka Spleen, se plaît à nous faire voyager dans ses albums comme on s’immerge dans un film. Venant du théâtre, il chante à la façon des comédiens, et joue des personnages : “Je ne suis pas vraiment chanteur, j’ai commencé à chanter parce que quand j’étais plus jeune, je n’avais pas le droit de le faire dans mon groupe ! J’ai donc fais mes démos tout seul, puis les choses se sont enchaînées très vite : la presse m’a repéré puis j’ai rencontré les filles de CocoRosie (dans la rue), ensuite, j’ai bossé avec elles sur La maison de mes rêves, puis c’était le moment de She was a girl. La chance que j’ai eue est qu’Aline, de Radio Nova, l’a apprécié et l’a mis en playlist pendant un an et demi.” Ce premier album “boulimique”, à ses propres dires, a séduit par ses nombreuses facettes et son atmosphère cinématographique. Il permettra également au jeune artiste d’affirmer son idéal musical : “She was a girl était pour moi la preuve que l’on pouvait faire un bon album dans le circuit indé, sans beaucoup d’argent, sans directeur artistique et sans campagne de communication gigantesque. En trois ans, l’industrie du disque s’est d’ailleurs effondrée et ce modèle est plus que jamais d’actualité. J’aime-
P
rais que des jeunes l’écoutent et qu’ils aient envie de faire eux-mêmes de la musique qui ressemble plus à Madlib ou Marvin Gaye qu’à de la soupe commerciale… Voilà c’est ma bataille à moi. Mais je me suis aussi rendu compte de la réalité, que les gens biens sont partout, même dans les mass media et les majors.” Alors que nous l’avions connu avec une préférence pour la langue de Shakespeare, Spleen offre avec ce deuxième album une majorité de textes en français : “Pendant longtemps, j’avais la hantise de faire des chansons en français, j’avais peur d’être trop proche de mes références en la matière, mais je me suis dit qu’il était peut-être temps de parler dans leur langue aux gens qui m’écoutent. J’avais envie de leur raconter une histoire du début à la fin.” Une histoire toujours liée à l’amour, mais dans laquelle il voulait mettre en exergue la place essentielle de l’enfance et de l’adolescence dans la vie d’adulte : “Ca a été une période difficile pour moi. A 11 ans, j’étais gros, j’étais noir, on nous rappelait partout dans les médias que c’était bizarre d’être différent… Bref, s’accepter n’était pas facile dans ce contexte. Dans Comme un enfant, j’ai essayé de parler de ce temps-là où nais15
sent les premières difficulté avec les premiers émois.” Si She was a girl était une sorte de long métrage musical sur une histoire d’amour, ce nouvel album se présente donc comme des instantanés de vie où Spleen endosse la peau de ses rôles : “Je ne me suis jamais trouvé crédible comme chanteur. Comme je n’ai pas beaucoup de technique, je chante à la façon des comédiens de théâtre. C’està-dire que je joue des personnages. Ce qui m’intéresse dans la voix, c’est davantage le fond que la forme, ce ne sont pas les notes en elles-mêmes que je recherche, mais l’ambiance, les atmosphères qu’elles évoquent.” Musicalement plus unifié, ce disque explore un versant “hip hop dans la veine pop”, comme il l’affirme. “J’ai voulu que cet album soit évident. Au lieu d’avoir des centaines de figurants, je voulais un film qui tourne autour des rôles principaux. Mon idéal serait de réaliser une œuvre comme celle de De Vinci, qui s’adresserait à tous.” On lui souhaite aussi. Caroline Dall’o “Comme un enfant” Mercury / Universal www.spleenspace.com
Robert Gil
Moriarty
BISON FUTÉ
Du folk des Appalaches, le groupe migre vers de nouvelles contrées blues. Incontestablement, l’une des chevauchées les plus esthétiques de cette fin d’année. ’abord… D’abord, il y a l’aîné. Lui qui joue de l’harmonica. Lui qui sait plus son nom, tellement qu’il boit. Tellement qu’il a bu les paroles de sa sœur. Lui qui prend son instrument pour une arme de pistolero. Lui qui prescrit son rythme. Lui qui installe l’ambiance tel un soir qui hurle après la lune. Tel le vent chatouillant le feu de camp. Car de tout ça se dégage une chaleur blues. Une chaleur qui grommelle, irréelle et libre. Théâtrale. C’est un climat ranci judicieusement à la nostalgie. Un climat qui gagne avec facilité le public, à chaque maîtrise des breaks.
plément, une réponse du tac-au-tac, joignant le phrasé mélodique au geste. Avec malice. Avec pour décor des couleurs chaudes, rougeâtres et cuivrés.
D
Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là, on ne triche pas, Monsieur. On ne triche pas. Et puis, il y a les autres. Le frère qui n’en finit pas de jouer. De la guitare acoustique, surtout. Lui qui n’a jamais vu un peigne. Avec sa coiffure disco et ses accents à la Neil Young. Lui qui joua, pour un instant seulement, des percussions dans une course poursuite saccadée. Et puis il y a l’autre et sa contrebasse. Lui qui fit une reprise de Depeche Mode et s’abandonna à quelques improvisations. Savourant le silence. Lui qui s’implique avec discrétion. Même qu’il mouilla sa chemise pour des pauvres gens heureux. Et puis, il y a le batteur, issu d’une récente adoption. Fermant la marche. En re-
Et puis, il y a l’autre. Qui fait tout de ses dix doigts. Avec son petit solo. Avec son petit banjo. Avec son air de guitar hero. Lui qui, sous sa belle gueule d’apôtre, marque les échanges du pied et emballe le tout avec des sonorités aériennes. Parfois simple, parfois maladroit. Mais efficace, instinctif. Sincère, surtout. C’est une guitare électrique qui défie en duel son frère l’harmonica. C’est un com16
trait, soulignant avec finesse les mélodies sans jamais ordonner. Comble d’un instrument qui impose habituellement sa marche. Et puis. Et puis, il y a Rose Marie. Qui est belle comme un soleil. Sorte de sirène asexuée, professeur d’anglais idéale et anachronique. Elle qui regarde son troupeau, brassant l’air avec des moulinets. Avec ses yeux mouillants. Elle dont la voix irréelle fut bercée en fin de concert par le quatuor de cordes Ardeo. Elle qui a clôturé l’exposé par un Peggy Lee langoureux : “You give me fever when you kiss me”. Et que si ce n’est pas sûr, c’est quand même peut-être. Alors moi je la crois, Monsieur. Pour un instant seulement. Parce que de chez ces gens-là, Monsieur, on ne triche pas. Non, on ne triche pas. On vit. Samuel Degasne myspace.com/moriartylands 17
Debout Sur Le Zinc s Le nouvel album de DSLZ, De Char ybde en Scylla, vient tout juste de sortir. Afin t de tout savoir avan us les autres, nous no sommes faufilés k dans le studio Blac Box, à Angers, lors t… de l’enregistremen
oilà maintenant plus de dix ans que le groupe existe, “avec les sept même”, précise Simon Mimoun, le violoniste-chanteur. C’est rare, il est vrai. Cela tiendrait-il à leur fonctionnement qui en fait un groupe et non des musiciens entourant un leader ? “Chez les Debouts, les décisions se prennent à l’unanimité, parfois après de longues discussions, affirme Fred Tisson le joyeux accordéoniste. Ensuite l’ensemble du gang les défend.” De la même manière, Simon, Christophe et Romain écrivent et chantent, mais les textes et les musiques sont ensuite portés et assumés par tous. Le travail artistique (paroles, musiques, graphisme) est assuré par le groupe, la partie “buziness” est confiée a des pros (communication, diffusion, tournées…). Voilà pour les secrets de longévité.
V
En ce printemps 2008, les Debouts sont rentrés en conclave quelque part dans la très lointaine banlieue (entre Angers et Nantes) au mythique studio Black Box de Noyant la Gravoyère (dEUS, Wampas…). Une jolie fermette dont l’étable a été transformée en studio, la partie habitation servant de lieu de vie, puisque c’est ça l’idée : venir à la campagne pour y rester le temps de faire le travail et pouvoir souffler et se décontracter entre les prises. Nos amis y sont restés deux semaines, le temps de mettre en boîte, sous la houlette du réalisateur Stéphane Prin (Jean-Louis Murat, Camille…), leur nouveau CD. La finalisation de l’album s’est, elle, déroulée à Paris, il ne faut pas abuser de l’air pur tout de même ! SEX, DRUGS, ROCK’N’ROLL AND… WII !!! Les Debouts, ne sont pas un groupe de centre-ville ; ils aiment la nature ! Mais tout de même, tenir quinze jours au bout du monde nécessite quelques modernités pour passer le temps. Le ping-pong, baby-foot et panneau de basket, c’est bien, classique, mais voilà : les rockers d’aujourd’hui se défoncent au Lapin Crétin ou, plus smart, au golf sur une console Wii… Mais bon, ils boivent tout de même de cette délicieuse eau de vie hongroise du nom de Palinka, tout n’est pas perdu. Les bonnes traditions ont la vie dure ! 18
UN ENREGISTREMENT Le studio c’est l’ancienne étable, joliment retapée et séparée en deux : une partie pour le preneur de son avec sa grande table de mixage et autres appareils, et de l’autre coté de la porte coulissante, les musicos. Black Box, c’est un studio “vintage” qui permet donc un travail sonore plus rock et plus direct, moins froid que les techniques digitales modernes même si, en fin de compte, le travail se fait sur ordinateur. L’espace musiciens s’ouvre sur la plus grande partie de la pièce ; ils peuvent donc y jouer tous ensemble, en direct. Chacun est à sa place : Christophe Bastien et ses guitares à gauche en entrant ; à sa droite, dans une pièce fermée, William Lovti à la contrebasse. Viennent ensuite Fred Tisson à l’accordéon et face à lui, derrière un para-bruit, Olivier Sulpice, l’homme au banjo magique et à la mandole, puis Romain Sassigneux, sa clarinette ou sa guitare, et enfin Simon Mimoun avec ses violons et sa trompette. La grande pièce se termine par un autre espace fermé : c’est le domaine de Cédric Ermolieff (alias Momo), en poste à la batterie, percussions et xylophone. Ce jour-là, c’est Romain qui chante L’invisible, le micro chant est dans la pièce de l’ingé son. Il chante, les autres jouent, les lignes de couleur défilent sur l’ordinateur, Stéphane clique sur la souris, réajuste une ligne, ils arrivent tous, écoutent, discutent puis repartent pour une autre prise. Puis une autre. Puis encore d’autres… DE CHARYBDE EN SCYLLA Après Récréation (enregistrement de morceaux joués sur scène, mais jamais enregistrés) ce cinquième vrai album (le troisième réalisé par Stéphane Prin) porte bien son nom ; il navigue dans les difficultés du choix, avec le “pessimisme joyeux” qui caractérise le groupe, comme dirait Simon. De J’ai (supplique à la Claude Nougaro dans Je suis saoul) à Sport 2000 (et cette façon d’accepter ses renoncements : “J’voterai jamais à droite, ah oui, Chirac…”) le ton est donné ! La ballade continue avec Fin septembre, un rêve à la Follon, ces oiseaux qui s’envolent et que l’on regarde, les mains accrochés aux barreaux. Puis L’amour ou la vie… y a-t-il un choix plus difficile, plus perdu d’avance ? Avec Scylla et Aller simple arrivent les désillusions “du monde idéal, loin de mon monde idéal”. S’en suivent Coup de foudre (dynamique hommage à un certain Georges Brassens et son fantôme), En attendant… (interlude instrumental), L’invisible (où les lignes de couleur de l’ordinateur sont savamment tricotées), Je cherche encore (avec le goût de l’enfance, ses questionnements et ses espoirs), et En attendant le pire, “je me jette dans tes bras” ! La musique, elle, se reconnaît de suite : plus acoustique, mais toujours ce mélange de styles, cette multitude d‘instruments qui nous emmène du genre fanfare à un passage plus rock pour aller vers la douceur d’une envolée de violon, de banjo ou d’accordéon ; oui, le son Debout est bien là, dans un disque plein de questionnements, mais dont les rythmes et sonorités nous portent, comme toujours avec eux, dans l’espoir et l’envie. Texte & photos : Alain Dodeler “De Charybde en Scylla” - DSLZ / Wagram www.dslz.org 19
20
Frère Animal, Imbécile et Hommage à Chris Conty… Loin des concerts en série, des tournées promotionnelles et des disques à la chaîne, ces trois spectacles ne cessent d’étonner le public et d’aiguiser l’intérêt des
programmateurs. Ils s’emparent des arts de la scène, réinvestissent l’écriture romanesque et surtout emmènent la chanson vers de nouveaux rivages. Longueur d’Ondes a décidé de réunir JeanJacques Nyssen, Olivier
Libaux, Florent Marchet et Arnaud Cathrine dans un cadre idyllique : la salle des Trois Baudets à Paris, qui réouvre début 2009 ! Embarquement immédiat avec leurs créateurs. Cap sur ces Nouvelles Hybrides, entre littérature et musique.
s é ! s t r u n e a o t v h n c o e d rac En
21
’OÙ VIENT L’ENVIE DE VOUS LANCER DANS CES “AVENTURES SPECTACULAIRES” ? OLIVIER LIBAUX : Le point de départ, c’est la lassitude… d’entendre, de voir, d’éprouver toujours les mêmes émotions à l’écoute d’un album ou en concert. Je ne vois pas trop l’intérêt de faire de la chanson comme on en faisait dans les années 50. Il y a quelques années, j’avais fait un album, L’héroïne au bain, avec Helena Noguerra. Ça aurait dû devenir une comédie musicale. Mais, ça n’a pas pu se faire. A l’époque, j’ai eu du mal à expliquer le projet aux maisons de disques. D’ailleurs, le terme “comédie musicale” n’était pas exact puisque je voulais mélanger un scénario, des chansons en direct et un dispositif théâtral. Je n’ai pas résolu ce problème de nom pour Imbécile, parce qu’une nouvelle fois, on est à cheval sur plusieurs disciplines. JEAN-JACQUES NYSSEN : En fait, c’est un choix assez pragmatique qui m’a conduit à construire comme ça, ce spectacle avec des chansons, des projections vidéo, des moments de comédie ou de connivence avec le public. Ca s’est fait assez naturellement dès lors que j’ai trouvé cette idée d’hommage à Chris Conty, le chanteur idéal, le chanteur que j’aurais voulu être. J’ai juste fait le spectacle qu’il m’aurait plu de voir. J’ai sous-titré ce projet “comédie chantée”. Je n’ai pas trouvé mieux.
pop disparu, de cette “étoile filante des 70’s”. Mais, je n’ai pas monté ce spectacle pour les prendre en otages, pour faire le malin. Il suffit de leur dire la vérité pour lever les doutes. Pour certains, c’est dur. C’est comme si je leur disais que… ARNAUD CATHRINE : …que le Père Noël n’existe pas ? JJN : Oui… AC : Quel soulagement ! (Rires) FLORENT MARCHET : Quand on est auteur-compositeur-interprète, les gens ne font parfois pas le distinguo entre réalité et fiction. Ils prennent vos chansons au pied de la lettre ou essaient d’y dénicher des éléments biographiques. Ce qui n’est pas le cas au cinéma ou en littérature. Bizarrement, la chanson s’est enfermée dans l’autofiction. Avec cette idée étrange : une chanson a plus de valeur quand elle est autobiographique. AC : C’est le cas en littérature aussi… FM : Mais, on se pose plus la question pour les chanteurs. On oublie qu’un chanteur peut être certes, auteur et / ou compositeur, mais que quand il est sur scène, il endosse un rôle ; il est un interprète. Là, dans chacun de nos projets, c’est impossible de faire l’erreur : clairement, nous racontons tous une histoire ! AC : Ca étonne quand un chanteur fait du romanesque. Mais relisons tout Dominique A, tout Murat. Malheureusement, comme les spectateurs s’identifient, ils veulent absolu… AVEC CETTE AMBIGUÏTÉ : L’EXISTENCE OU NON DE ment que le chanteur ait baissé son froc. CHRIS CONTY. CERTAINS SPECTATEURS TOMBENT DANS JJN : Il ne faut pas non plus se voiler la face, LE PANNEAU ? on écrit à partir de soi. Chris Conty est une ficJJN : Comme beaucoup viennent en concert tion, mais c’est aussi le chanteur que j’aurais sans savoir exactement ce qui les attend, ils se voulu être. Dès que j’ai fait des chansons, je vont parfois avoir par l’histoire de ce chanteur me suis très vite, rendu compte que je n’étais
D
Pierre Lapointe “Mutantès” Treize danseurs-choristes, sept musiciens, vingt nouvelles chansons, une mise en scène arachnéenne signée Claude Poissant, des faisceaux de lumière bleu-banquise, orange-désert, vert-émeraude, aveuglante ou douce, des artistes venant de l’underground montréalais et un chanteur-vedette encapuchonné d’argent et de métal, mi-Ziggy Stardust, mi-Anakin Skywalker… Rien que sur le papier, Mutantès, le spectacle conçu par Pierre Lapointe pour les 20 ans des Francofolies de Montréal, fait rêver. “Le recours à toutes ces disciplines, le travail avec des créateurs de tous ces horizons, m’ont permis de faire vraiment ce que je voulais : créer un spectacle qui pique l’imagination de chacun, qui va suggérer des impressions, agir sur les sens, comme le fait la poésie”, confie le talentueux ACI canadien, passé par des études d’arts plastiques et d’interprétation théâtrale à l’université. “Je voulais que ce projet soit une véritable expérience pour le public. Je ne voulais pas que ce soit juste de la musique, de la comédie musicale, du théâtre ou de la danse, mais je voulais emprunter à toutes ces disciplines pour faire un projet capable de captiver 12 000 spectateurs pendant 1h20, sans raconter d’histoire.”
Olivier Libaux “Imbécile” Bien avant le succès de Nouvelle Vague et de ses reprises bossa ou jamaïcaines de standards pop-rock, Olivier Libaux avait composé ce qui aurait dû devenir une comédie musicale, L’héroïne au bain. Quelques années plus tard, il revient à la charge avec le livret d’Imbécile, une pièce de théâtre “en-chantée”, mise en scène par Olivier Martinaud, avec des musiciens sur le plateau. Un appartement que l’on devine, parisien. Un décor étrangement années 50. Un dîner bien arrosé entre quatre amis. Un couple, Fernand et Hélène, et deux amis célibataires, Thérèse et René. Sans oublier le cinquième convive que l’on attend. Au fil de la soirée, le vin délie les langues, débride les attitudes et délivre les cœurs. Avec, à la création, Philippe Katerine, Helena Noguerra, JP Nataf et Barbara Carlotti. Pour la tournée, c’est Armelle Pioline et Bertrand Belin qui prennent la suite de Philippe Katerine et d’Helena Noguerra.
En effet, contrairement à ses homologues outre-Atlantique, ici, aucune trame narrative, mais un questionnement métaphysique, à la fois universel et extrêmement personnel à Pierre Lapointe, un chemin qu’il emprunte depuis son adolescence, un sillon qu’il explore à grands renforts de titres pop, rock et de recherche poétique : vivre en étant différent. Mutantès a été donné à quatre reprises cet été. Il le sera à nouveau trois fois en février, à Québec et à Montréal. Et ce sera tout. “Travailler sur l’éphémère m’intéresse. Je voulais que ce spectacle soit véritablement un moment, une rencontre entre une envie, une énergie, une équipe et le public. J’aimais bien l’idée qu’il ne soit donné que quelques fois, qu’il n’y ait aucun CD, aucun DVD, aucune captation, qu’on ne le surexploite pas… En fait, qu’on le laisse mourir sans objet tangible et qu’il ne vive que dans le souvenir de ceux qui l’ont fait, vu et entendu, que l’on en parle et qu’on se le raconte.” Et, on devrait vite en reparler. Pierre Lapointe est entré en studio fin novembre pour son troisième album. On y retrouvera les chansons de Mutantès, remaniées à souhait, plus rock. Sortie en mars au Québec, à l’automne en France.
Jean-Jacques Nyssen “Hommage à Chris Conty” Christian Gillebert, alias Chris Conti en Belgique, puis Chris Conty en France, est né en 1946 à Bastogne, en Belgique. En une décennie et trois 33 tours, il révolutionne la pop francophone des années 70, inspirant toute une génération de stars : Michel Polnareff, Michel Berger et Michel Sardou. Julien Clerc, France Gall, Sheila et Ringo lui doivent aussi beaucoup. Il disparaît sans laisser un mot, en 1981, juste après une tentative de suicide et la sortie de Partance. Un documentaire Que reste-t-il de Chris Conty ? lui a été consacré en 2007. Mais comme Shakespeare, Homère ou Emile Ajar, Chris Conty a-t-il jamais existé ? En tout cas, une œuvre, assez en avance sur son époque, demeure. Depuis quelques années, le chanteur Jean-Jacques Nyssen s’échine à la faire vivre dans un hommage musical, avec big band, danseuses, archives filmées et certains proches de cette étoile filante de la pop. 22
P. Wetzel
Mathias Malzieu “La mécanique du cœur” Cette Mécanique du cœur est un roman de Mathias Malzieu (Flammarion), un album de Dionysos (Barclay) avec la participation de prestigieux invités, un spectacle qui a parcouru la France des Zéntih et des festivals, et sera bientôt un film d’animation orchestré par le dessinateur Joann Sfar… Elle aura donc eu plusieurs vies. Un peu comme son personnage principal, Jack qui naît “le jour le plus froid du monde” avec un cœur gelé. La sage-femme-sorcière qui l’a mis au monde, parvient à le sauver in extremis en remplaçant son cœur par une horloge. Jack vit à condition d’éviter toute émotion forte. Pas de colère et surtout, pas de sentiment amoureux. Mais, c’était sans compter la jolie Miss Acacia… Un conte musical qui permet à Mathias Malzieu de donner vie à tout son univers fantastique marqué par l’esthétique d’Edgar Allan Poe, Méliès et Tim Burton. Une traversée de l’Atlantique-Nord, une aventure au long cours, une chevauchée fantastique… Mathias Malzieu, pourtant habitué à se dépenser corps et âme, sans compter, semble encore étonné par le succès de son entreprise, par l’enthousiasme suscité par ce charmant petit monstre sorti de son imaginaire il y a bientôt deux ans : “Avec Dionysos, on a toujours envisagé nos chansons comme des petites fables, des courts-métrages. La mécanique du cœur, c’est notre long-métrage, avec toute la cohérence et la force que ça induit, et toute l’énergie qu’il faut déployer pour y arriver. Raconter des histoires, c’est primordial !” Très vite, Mathias a l’idée de distribuer certains rôles à des proches, des amis, des rencontres : “Pour les convaincre, je ne leur ai pas parlé cuisine, je ne leur ai pas dit à quoi ressemblerait le disque ou le concert. Je leur ai simplement raconté l’histoire ! Chacun est venu avec son savoirfaire, de comédien ou de chanteur, pour faire Giant Jack, Méliès ou Arthur. Ils se sont pris au jeu comme quand on est gamins et que l’on joue aux cowboys et aux indiens.” Le 3 novembre dernier, pour la dernière de la tournée, il réunissait au Zénith, une partie de sa troupe : “Il y avait une écoute assez particulière, une excitation chez le public. On avait choisi de ne pas mettre les chansons dans l’ordre de l’album et d’y glisser des titres de notre répertoire. Les spectateurs étaient donc aux aguets pour suivre l’histoire, mais aussi parce qu’ils ne savaient pas ce qui les attendait, ni d’où les surprises allaient surgir…” Quand on vous dit que l’attente est au cœur du romanesque.
pas très intéressant. En revanche, en passant par une trame romanesque, tout de suite, il y avait un intérêt à écrire, une liberté à exercer. AC : Ca fait dix ans que je publie des livres, que je parle de moi grâce à des personnages. Et se glisser dans le corps d’une femme, je l’avoue, c’est très pratique. Plus le personnage est loin de toi, plus on te fout la paix. Plus le masque est épais, plus la liberté est grande. J’imagine bien l’intérêt du romanesque, pour les auteurs-compositeurs. Je peux comprendre aussi qu’ils s’aventurent sur le territoire d’autres disciplines artistiques. Frère Animal, c’est un livre-disque. Mais aussi un spectacle qui mélange lectures, chant et musique. Les Correspondances de Manosque, le festival pour lequel je travaille, proposent depuis dix ans, à des chanteurs, des écrivains et des comédiens de relire ensemble un texte, de mettre en résonance leurs disciplines artistiques. FM : Tous nos projets sont des aventures collectives, du travail d’équipe ou de troupe que facilite peut-être une trame romanesque. Peut-être s’agit-il de la base nécessaire pour construire, pour décloisonner les disciplines sans se perdre ? Les spectateurs en ont peut-être marre aussi, des chansons nombrilistes, de toutes ces petites mythologies du quotidien… En tout cas, ils sont ravis qu’on leur raconte des histoires.
a pioché dans plusieurs disciplines artistiques, sans trop se poser de question. Et aussi, par les débuts des jeux vidéo. Grâce à ça, on a su que l’on pouvait croiser les disciplines et faire quelque chose de moderne. FM : Etre chanteur, ce n’est pas seulement être le chroniqueur attentif et sobre de son époque. On aime écrire, composer, raconter des histoires et inventer ! Et très naturellement, on utilise tous les outils disponibles. On ne se lève pas un matin en se disant : “Aller, décloisonnons la chanson !” (Rires) AC : C’est aussi très franco-français d’assigner les artistes à telle ou telle discipline. Ca ne date pas d’hier ces guerres de chapelles. Regardez Boris Vian. Ecrivain, trompettiste, critique, scénariste, du talent à revendre et des critiques à la pelle. Mais, depuis une quinzaine d’années, les écrivains s’autorisent plus, je crois, à mêler les disciplines, à expérimenter, à travailler avec des artistes d’autres horizons. Regardez ce que font Olivia Rosenthal, Chloé Delaume… Elles s’aventurent, s’autorisent à créer. Dans la chanson, on est encore timoré. On n’ose pas… JJN : “Touche-à-tout, bon à rien”. En France, on est très soupçonneux. On a besoin de cases pour appréhender les choses.
“Etre chanteur, ce n’est pas seulement être le chroniqueur attentif et sobre de son époque.” A. Cathrine
VOUS ÊTES TOUS DE LA MÊME GÉNÉRATION. ENFANT OU ADOLESCENT, VOUS AVEZ VÉCU LE SUCCÈS DES CO-
STARMANIA, DU BIG BAZAR DE MICHEL FUGAIN ET DU GRAND MAGIC CIRCUS DE JÉRÔME SAVARY. OL : Oui, il y a peut-être des souvenirs des grands shows de variétés, des expériences théâtrales des années 70 (même si je pense qu’il existe depuis bien longtemps des spectacles qui mélangent les disciplines, notamment au music-hall) ; mais, peut-être, sommes-nous une génération très imprégnée par le cinéma, par un cinéma grand public qui MÉDIES MUSICALES COMME
FAITES-VOUS UN LIEN ENTRE LE SUCCÈS DE VOS PRO? JJN : Crise ou pas, il a été assez difficile, au départ, il y a déjà quelques années, de convaincre les directeurs de maisons de disques, de la viabilité du projet. Ils n’arrivaient pas à bien comprendre ce que je voulais faire. Le pluridisciplinaire, ça leur fait peur ! Il a fallu faire ses preuves. Il a fallu attendre l’accueil du public pour débloquer la situation. AC : Avec Florent, on n’a pas vraiment eu le temps de démarcher les maisons de disques. Bernard Wallet, le directeur des éditions Verticales, avait envie de créer une collection de livres musicaux et affectivement, je ne me voyais pas faire ça ailleurs.
JETS ET LA CRISE DU DISQUE
Florent Marchet & Arnaud Cathrine “Frère Animal” Jeux de mains, jeux de vilains ? Pas si sûr, quand elles sont quatre et qu’elles appartiennent à de farouches amis, Florent Marchet et Arnaud Cathrine, respectivement ACI et romancier. Après leur travail commun sur l’album Rio Baril, ils se lancent dans l’écriture d’un roman musical, paru aux éditions Verticales. Tout tourne autour de la SINOC, entreprise internationale de Culbutos qui nourrit toute la petite ville (vie ?) de Thibault. Son père y a fini contremaître, son frère y est cadre. Et il n’a qu’une seule envie : échapper à cette tentaculaire “mère-nourricière”. Un livre-CD. Un projet qui prend tout son sens sur scène. Entre lecture, chant, musique et comédie. Avec, en sus, une troupe : Valérie Leulliot, Erik Arnaud, Nicolas Martel et Antoine Lhouillier. 23
FM : Le seul lien que je puisse faire avec la crise du disque est que l’on s’est détachés du support ; que la priorité est donnée à la scène et surtout que l’on investit des espaces musicaux inoccupés. On a besoin, je crois, de revenir à quelque chose de moins traditionnel, de sortir du simple single qui va tirer tout un album, qui va passer sur les radios, puis qui va s’enchaîner avec une tournée. Là on propose quelque chose qui peut exister sans support. Bien sûr, ça aide, mais ça n’est pas l’essentiel. Je trouve ça très excitant que, comme le théâtre ou le conte, ça ne soit pas enregistré, que ça n’existe vraiment que sur scène. D’ailleurs, les mots, les chansons, les émotions n’existent vraiment que sur scène. C’est là qu’ils se mettent à vivre. A condition de ne pas être dans le travail à la chaîne, la tournée en série. AC : Ce n’est pas une tournée promotionnelle, mais du spectacle ! Voilà ce qui étonne et déroute les spectateurs.
“Détourner des codes, c’est avant tout une posture politique !” F. Marchet
VOUS DÉTOURNEZ TOUS DES CODES, CEUX DU THÉÂTRE AMATEUR, DE LA CHANSON POPULAIRE, DU LANGAGE… EST-CE UN MOYEN DE BALISER UN PEU LE CHEMIN POUR LES SPECTATEURS, DE LEUR FOURNIR DES REPÈRES ? AC : Détourner des codes, c’est avant tout une posture politique ! Qu’est-ce que les gens entendent à longueur de journées ? Pas des chansons, mais des discours creux des hommes politiques, de l’économie, de la pub. Les mots, même dans la littérature, même dans la chanson, ne veulent plus rien dire. Quand on écrit La Chanson du DRH, on prend au piège le discours convenu, la langue de bois de l’entreprise et on aligne les clichés pour montrer toute la cruauté de ce monde et de ses pratiques. OL : En même temps, on se construit avec le format. On en joue. 24
Le public n’est pas dupe. Il repère les formats, s’en détourne et choisit ceux qui s’en affranchissent. JJN : Les chansons de Chris Conty sont des exercices de style. Un jeu sur les clichés. Il a fallu se replonger dans les codes de l’époque, retrouver la mémoire des chansons, leur fraîcheur et leur candeur, comprendre pourquoi elles me touchaient, et enfin doser, pour ne pas tomber dans la parodie. AC : “Je t’aime”, “You hurt me”, “Please don’t go”… 90% des chansons sont des clichés de toute façon. Comment ne pas y réfléchir quand à chaque pas, à chaque mot, tu peux tomber dedans ? Tout le monde n’est pas Souchon ! Dans la chanson, la plupart des gens se foutent royalement des textes. La chanson a besoin d’auteurs d’urgence ! FM : Et puis, les slogans, les expressions toutes faites, comme les boucles ou les gimmicks, sont une formidable matière pour l’écriture. Pour construire des refrains, par exemple. POUR CERTAINS, VOS SPECTACLES N’AURAIENT PAS DÛ SORTIR DES CÉNACLES PARISIENS, BRANCHÉS. ILS PARTENT MAINTENANT EN TOURNÉE DANS DES PETITS THÉÂTRES OU SALLES EN FRANCE.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CE SUCCÈS ? OL : L’accueil du public et des programmateurs de salles, c’est la preuve que l’on peut faire de l’entertainment intelligent. Le spectaculaire, ce n’est pas que de la poudre aux yeux. On sent le plaisir des spectateurs à la sortie du concert. Ils ont passé un bon moment. Ils ont ri, ils ont été émus. Ils ne savent pas bien comment définir ce qu’ils ont vus, mais ils sentent bien qu‘ils ont vécu un moment à part, que ce n’était un énième concert. AC : On s’en fout de savoir si c’est une “comédie musicale”, une “tragi-comédie pop”, un “spectacle narratif”. L’important est d‘embarquer un public (qui ne sait pas forcément où il met les pieds) dans un spectacle où toi, tu as pu t’exprimer pleinement. C‘est la plus belle victoire. A la sortie, ils ne savent peut-être toujours pas dire ce qu’ils ont vu. Et alors ? Les cadres, les cases, on s’en fout ! Texte : Sylvain Dépée / Photos : Alexandra Lebon 25
26
LES
COWBOYS FRINGANTS
Michel Pinault
WESTERN MODERNE
Les Cowboys Fringants vivent une histoire d’amour peu commune avec leurs fans québécois. Avec un sixième album nommé L’expédition, les voilà enfin prêts pour de nouvelles conquêtes. Une proposition qui conjugue fête avec fraternité. 27
es cowboys et leurs destins solitaires ont généralement mauvaise réputation ? C’est que vous ne connaissez pas Les Cowboys Fringants, groupe québécois originaire de Repentigny qui a tracé son chemin vers le succès. Une traversée qu’ils ont façonné sans visiter les grands plateaux télévisés de la variété, une véritable histoire basée sur le bouche-à-oreille et le support indéfectible de leurs adeptes. Aujourd’hui, cette bande de quatre musiciens a vendu plus de 500 000 disques, a joué devant plus d’un million d’individus et a parcouru des centaines de milliers de kilomètres afin de réaliser tous ces exploits.
L
Alors qui sont ces Fringants, véritables phénomènes québécois qui ont révélé que les chemins de traverse sont aussi efficaces et payants que les autoroutes du show business ? Un groupe d’amis, trois gars et une fille, qui se sont réunis avant tout pour chanter et composer une musique aux saveurs locales bien prononcées et ce, depuis maintenant douze ans. Ce parfum du Québec, on le sent tant dans les textes, les personnages et les histoires racontées, que dans les airs véhiculés, des chansons aux teintes folk, également country ou folklorique. Le chanteur Karl Tremblay commente : “On vient de la région de Beauce, le berceau du folklore. Alors, oui, il y a des éléments de trad’ dans notre musique, mais ils sont essentiellement apportés par la présence de notre multi-instrumentiste à nous, Marie-Annick Lépine et ses violon, accordéon et mandoline.” Le guitariste Jean-François Pauzé, également le principal compositeur et auteur du groupe, précise : “On a un son à nous qui ne ressemble pas à celui des groupes purement traditionnels. En plus, les textes restent toujours contemporains, ancrés dans le présent. Mais bon, c’est certain que nous sommes un métissage d’influences et que ces influences nous éloignent de ces pastiches de groupes pop à l’américaine.” LA ROUTE VERS LE SUCCÈS A leurs premières heures, Les Cowboys Fringants retiennent l’attention grâce leurs chansons truffées d’humour, remplies de personnages et de références québécoises, parfois kitsch, souvent populaires et rassembleuses. Autoproduit en l’an 2000, Motel Capri, qui suit alors des sorties plutôt confidentielles, permet une véritable percée, une première tournée à travers la province, et donc une prise de conscience fondamentale pour le groupe : “On a réalisé que l’on avait une tribune, un public, des gens qui nous écoutaient en spectacle, rapporte Marie-Annick Lépine. On s’est alors dit que l’on pourrait raconter autre chose que des niaiseries et des personnages qui se font avoir dans le buisson. On en a ensuite profité pour avoir un discours et raconter notre vision du monde.”
LES
COWBOYS S FRINGANT singuliers personnages s’y retrouvent toujours. Surtout, Break syndical signale un changement de vitesse. Le groupe explose et rencontre un succès sans précédent. Les réussites sont nombreuses : des tubes joués pour une première fois sur les radios commerciales, 153 spectacles à travers le Québec, un show gigantesque au Centre Bell qui contient 20 000 spectateurs, une salle comble à l’Elysée Montmartre de Paris. Le successeur né en 2004, La Grand-Messe, révèle la solidité de cet engouement. Les Cowboys remplissent La Tulipe - une salle de Montréal - durant 16 soirées consécutives, ils renouvellent l’exploit du Centre Bell et vendent plus de 230 000 albums. Le groupe n’a plus rien à prouver ; il établit un son qui a visiblement fait ses racines à travers la province. LA NOUVELLE EXPÉDITION
La suite, Break syndical (2002), affiche inévitablement des chansons à caractère engagé, des pièces-phares comme En berne qui met en perspective le désir de l’indépendance au Québec, ou encore La manifestation qui relativise l’impact de ce type de regroupement. Evidemment, les fameuses ritournelles autour de
Pour son tout dernier disque, paru cet automne et nommé L’expédition, la bande raffine son style. Elle délaisse les propos socio-politiques ou engagés pour faire place à une plume teintée de poésie, d’histoires touchantes telle la pièce La tête haute qui rapporte le 28
Fred Marvaux
combat d’un adolescent malade : “On ne voulait pas se ramasser avec un tas de chansons disparates comme à l’habitude, un ramassis de chansons rigolotes, nostalgiques, d’autres à caractère politique ou poétique, relate le bassiste Jérôme Dupras. On a cherché un fil conducteur : celui de l’expédition, un clin d’œil aux différents chemins de vie. C’était pour nous une nouvelle étape à franchir, celle d’avoir un album plus homogène.” Marie-Annick Lépine appuie : “L’expédition est un album tout aussi profond et engagé puisqu’on y parle de sujets qui portent à réflexion, comme la dépression, la mort par la maladie, le malheur du pêcheur qui manque de ressource et qui voit ses enfants déménager.” Pour ce, une sélection a été réalisée sur l’ensemble de 30 chansons écrites et composées par Jean-François Pauzé. Avis aux intéressés. Les tranches musicales plus humoristiques restent disponibles via un disque, Sur un air de déjà-vu, uniquement en vente sur Internet.
Les Cowboys évoluent. La notion de l’engagement se vit maintenant différemment : “Après douze ans de discours et de chansons engagées, tu constates que c’est dans l’action que le changement se vit. On avait aussi le goût d’être transparent et conséquent face aux propos que nous tenions.” Résultat ? Le groupe crée en 2006 sa propre fondation, un levier pour ramasser des fonds par la vente de disques et de billets de spectacle dans le but de minimiser l’impact de la culture sur l’environnement. Leurs engagements ? La préservation de territoires face à l’étalement urbain, minimiser l’émission de dioxyde de carbone lors des déplacements du groupe et des fans en tournée par la plantation d’arbres, ainsi que le financement de bourses d’études supérieures en environnement. Mêmes les déplacements européens sont comptabilisés grâce à l’organisme Planète Urgence qui plante un arbre par billet vendu. 29
Michel Pinault
“On s’est dit que l’on pourrait raconter autre chose que des niaiseries et des personnages qui se font avoir dans le buisson.”
Pour L’expédition, le groupe compte encore une fois visiter la France, la Belgique et la Suisse, des voyages qui, à chaque fois, permettent de gagner de nouveaux adeptes. L’album précédent, La Grand-Messe s’est vendu à plus de 50 000 exemplaires en France, sans pour autant retenir l’attention des radios : “Dans le reste de la francophonie, on est encore underground, marginal, malgré le petit succès que l’on rencontre depuis 2003, explique Jérôme Dupras. Ca marche bien en Bretagne, à Genève, à Lyon, mais il n’y a pas de secret : le bouche-àoreille fait son effet à partir du moment où nous y sommes allés trois fois, et ce, sans l’aide des médias.” Le défi, cette fois-ci, est de taille. Un pari comme Les Cowboys Fringants les aiment. Il sera question de remplir l’Olympia de Paris, une salle mythique pour plusieurs Québécois qui ont rencontré par le passé un certain succès dans l’Hexagone. Encore une fois, le groupe compte en grande partie sur ce réseau tissé serré de fans qui ont fait et font encore toute la différence. Si le forum québécois des Cowboys compte un million de visites uniques, les “Cousins Fringants” s’assurent aussi que la bonne nouvelle se propage à travers l’Europe. Ces fans ont initié un réel réseau d’entraide, d’échanges, tels que des services de covoiturage lors des spectacles. 30
Fred Marvaux
Michel Pinault
On pourrait être surpris que les Cowboys, un groupe aux racines québécoises si manifestes, trouvent écho de l’autre côté de l’Atlantique. Lors de leur premier spectacle à l’Elysée Montmartre, le public, principalement des Français, chantait pourtant les paroles des Cowboys, une réalité assez surprenante vu que les disques n’étaient alors pas encore distribués. Marie-Annick a aujourd’hui une explication : “On a compris par la suite que c’était grâce aux disquaires québécois qui recommandaient nos disques aux Français qui étaient de passage chez nous.” Si la situation les avait bouleversés, les Cowboys comprennent aujourd’hui un peu mieux le phénomène. “Moi aussi, j’aime les spectacles où je voyage, qui me révèlent une culture autre que la mienne, expose Marie-Annick. En fait, celui qui tente de ressembler à un Québécois sans l’être vraiment ne m’intéressera pas.” Karl Tremblay voit au-delà des différences : “Il y a peu de différences entre le public d’ici et d’Europe. Dans les deux cas, les gens débarquent dans un gros party québécois. On est là pour avoir du plaisir.” Car les Cowboys Fringants, c’est aussi l’art du rassemblement, de la célébration en bonne compagnie, une expérience qui se vit dans le feu du spectacle.
blée, il n’y a aucun sentiment de dépaysement devant ces ballades qui semblent d’instinct appartenir au répertoire des Cowboys. Preuve : le public, composé de jeunes au parterre, et de plus vieux - voire même de parents - assis dans les gradins, s’enthousiasme, se lève debout, chante sans retenue sur ces airs nouveaux. Difficile d’imaginer qu’il s’agit là d’une première rencontre avec le public. La deuxième partie du spectacle se veut plus enflammée, axée sur ces chansons qui font danser, suer, gigoter tous les membres du corps. Les Cowboys enchaînent sans répit leurs plus grands succès, En berne, Les étoiles filantes, Toune d’automne, Ti-Cul. Les réponses sont instantanées. Plusieurs se mettent au rigodon - une danse folklorique québécoise -, d’autres tapent du pied, les plus audacieux tentent des plongeons dans la foule. Le tout a des allures de grande messe, une communion évidente qui révèle l’amour inconditionnel qui relie le groupe à ses fans et les fans à leur groupe. Le chanteur Karl Tremblay, qui en entrevue nous disait être “fantaisiste” n’a pas tort : il sait rigoler, parler au public qui lui lance des barres de chocolat sur la scène. Il répond aux demandes spéciales et annonce même les jubilés de la soirée. Dans la foule, on reconnaît un chandail, celui des Cousins Fringants, un dénommé Ben qui porte le numéro 7 comme s’il était membre d’une équipe de hockey, sport national au Québec. Le Français dans la fin vingtaine s’est inscrit à ce fan-club européen suite à un voyage-stage au Québec. Aujourd’hui, il s’est installé dans la belle province et nourrit toujours des liens avec ces Français, Belges et Suisses qui ont adopté les Cowboys : “C’est un véritable réseau de fraternité. Je me suis fait comme ça un tas d’amis. Tu peux même te trouver un lit pour une soirée quand tu voyages !” Un cowboy reconnaît toujours un autre cowboy.
LES COWBOYS EN CHAIR ET EN OS Un mercredi soir d’automne, Les Cowboys Fringants se préparent pour le premier spectacle de la tournée de L’expédition. Ou presque ! “La semaine dernière, on réalisait un “spectacle bénéfice” afin de récolter des sommes d’argent qui seront utilisées pour compenser l’émission de gaz carbonique émis par nos spectacles, admet Marie-Annick. C’était la première rencontre. Et là, j’étais stressée… Je me demandais comment nos fans allaient accueillir notre nouveau disque. En moins d’un mois, j’ai vu qu’ils connaissaient déjà les paroles de nos chansons. Je n’en revenais pas…”
Sarah Lévesque “L’expédition” - La Tribu www.cowboysfringants.com
Marie-Annick dit vrai. Les Cowboys débutent la première partie du spectacle avec plusieurs nouvelles pièces de L’expédition. D’em31
INITIATIvES
Radios libres : ici l’ombre... D.R.
Le monde de la radio est en ébullition. Parce qu’en 2012, soit un an après la deadline imposée aux télés, toutes les radios FM devront passer au numérique (RNT), c’est-à-dire émettre sur une bande qui sera laissée en déshérence par l’actuelle télé analogique. Pour le CSA, chargé de sélectionner ceux qui pourront travailler dans cette nouvelle norme, tout est parfait…
Live Boutique LA RÉPONSE DES PRODUCTEURS
C
hristian Bourgaut, ancien musicien de jazz, dirige, près de Brives, Blue Line Productions (Wriggles, Souad Massi, Idir, Manu Di Bango, l’Orchestre National de Barbès, Marie Cherrier, K, Volo…). A ce jour, dix employés et entre 600 et 700 concerts par an. Mais, voyant les choses se dégrader dans le petit monde du music business, il a décidé d’agir : “Le déclencheur, c’est Gilles, de Bleu Citron, qui est venu me voir dans ma campagne du Lot pour réfléchir à des choses pertinentes à faire ensemble. Ca a démarré avec l’idée de faire un site Internet commun et d’en parler à d’autre producteurs, afin de mutualiser les frais que nous avons tous dans nos boîtes de prod et d’être plus forts ensemble ! On a donc fait le tour des collègues pour regrouper nos forces autour d’un site dans un premier temps.”
mutualiser la communication et de faire une vitrine d’événements : “Les maisons de disques se dégagent de plus en plus de la scène, elles discutent sur tout ! Le tour support est devenu quasi ridicule. Comme cela coûte cher, nous avons donc partagé les frais pour présenter nous-mêmes nos artistes ; trois par plateau, en France (au Glaz’art une fois par mois), mais aussi à Berlin, Londres, etc. Nous voulons inciter le public à venir découvrir des groupes déjà encadrés par des tourneurs et ayant un projet de carrière.”
ans son communiqué de présentation, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel estime que “la radio numérique offrira à terme pour chaque radio une meilleure couverture du territoire” et que “le numérique permet, en outre, de moderniser le média radio par la diffusion de données associées ou non aux programmes.” Les gros réseaux, cachés derrière l’association Vivement la Radio Numérique, sont dans les starting-blocks, ne serait-ce que parce que les “données associées”, images ou texte ajoutés au son, permettront notamment d’insérer des publicités. Pour les radios associatives, cet avantage disparaît, mais pour Emmanuel Boutterin, président du Syndicat National des Radios Libres, qui représente 307 des 602 stations réparties sur le territoire : “On peut vraiment offrir aux auditeurs une valeur ajoutée avec ça, notamment des infos services de proximité.” Mais le front des radios n’est pas vraiment uni : le collectif Radios en Lutte ne voit dans ce système qu’un gadget inutile. Et ce n’est que l’un des désaccords qui séparent le SNRL de ce collectif créé à l’origine par quatre radios de la mouvance plus alternative et rejoint par une grosse vingtaine d’autres. Désaccord qui tient essentiellement à une appréciation partiale de positions qui ne sont pas si éloignées sur le fond. Que l’on pourrait résumer ainsi : le syndicat veut bien jouer le jeu du dépôt des dossiers de candidatures à des fréquences dans la future bande numérique pour négocier ensuite point par point, son président estimant que le numérique est un vrai plus ; le collectif refuse le principe de la RNT, n’y va qu’à reculons, et veut des assurances préalables.
D
C’est donc un outil professionnel, utilisant son site pour présenter chaque artiste, pour proposer un agenda de concerts et des tournées, pour proposer des vidéos et titres inédits, pour faire le lien avec des forums et des blogs… Et c’est aussi un espace de vente en ligne de musique (par téléchargement légal), de produits dérivés et de billetterie. Actuellement, sont embarqués dans le projet : Auguri Productions, Azimuth, Bleu Citron, Blue Line, Caramba, Mad Minute Music, Pbox, Pyrprod, Yapucca, Zamora.
Et en son sein, certains vont plus loin, comme Radio Canut à Lyon, qui ne déposera pas de dossier de diffusion en numérique au CSA pour des raisons éthiques. D’autres sont plus nuancés. Aligre FM, à Paris, précise que Radios en Lutte n’a jamais souhaité boycotter cet appel à candidatures mais refuse la norme imposée par le gouvernement : “La T-DMB est la pire des normes. Elle n’a été utilisée que pour diffuser de la télé dans le métro coréen. Elle est très gourmande en matos, contrairement à la norme britannique DAB+. Avec le T-DMB, c’est comme si on créait une autre radio en parallèle.” Il évalue le coût à 23 000 euros pour l’achat du nouveau matériel, qui forcément évoluera puisqu’on est dans le domaine du numérique où rien n’est jamais pérenne. La norme choisie par l’Etat fait également enrager Emmanuel Boutterin qui estime que c’est “une connerie poussée par les grands opérateurs qui pensaient pouvoir
Et c’est ainsi qu’est né Live Boutique, regroupement de producteurs de scène. Comme le point commun c’est qu’ils font tous du développement d’artiste, ils se sont rapidement retrouvés à une dizaine et ont monté une SARL ayant pour but de déveSerge Beyer lopper un côté “pro” sur le Net, de www.live-boutique.com
32
INITIATIvES
y associer de la télé. Mais c’est très difficile techniquement.” Ils auraient profité de la crédulité de quelques technocrates : “J’ai vu dans les ministères des espèces de fondus de technologie qui avaient des engins de réception de cette norme. Ils sautaient littéralement de joie avec leur joujou entre les mains…” A terme, seules la France et la Corée devraient adopter le T-DMB.
La RNT coûtera donc cher aux radios associatives et la plupart sont condamnées si elles n’obtiennent pas d’aide supplémentaire. A Aligre FM, on “n’ose pas croire que ce soit fait volontairement. Mais il va y avoir du ménage de fait !” C’est là-dessus que se bat le syndicat qui réclame un soutien de 16,5 millions d’euros sur huit ans pour aider les radios libres à franchir le cap. Il se base sur une loi de 1986 qui prévoit que l’Etat doit fournir aux radios associatives les moyens nécessaires à leur activité par l’entremise du FSER (Fond de Soutien à l’Expression Radiophonique). Et c’est là qu’est le problème : aucun budget supplémentaire n’est prévu à l’heure actuelle pour le passage au numérique. Pire : le FSER est financé par une taxe sur la publicité audiovisuelle et avec l’annonce de la fin de la pub sur le secteur public, ses ressources pourraient baisser jusqu’à 30%, selon le collectif. Estimant donc que l’incertitude est trop grande de ce côté, Radios en Lutte demande la gratuité de diffusion pour les radios associatives.
“Finie l’époque où l’on pouvait avoir un petit émetteur à 15 000 euros.”
Mais les sommes consacrées au matériel seraient presque anecdotiques à côté du vrai surcoût, celui des frais de diffusion, compris entre 35 000 et 60 000 euros par an, sans compter les coûts cachés comme la formation du personnel. “Finie l’époque où l’on pouvait avoir un petit émetteur à 15 000 euros” estime-t-on à Aligre FM qui, avec un budget de 150 000 euros par an, est un des poids lourds du secteur et ne dépense actuellement “que” 15 400 euros par an en frais de diffusion. De 10% de son budget, les frais de diffusion passeront donc à 25%, voire 40%. Inutile de parler des radios qui n’ont pas la moitié des moyens de Aligre. Ce surcoût est à imputer à l’arrivée d’un intermédiaire pour la diffusion : l’opérateur de multiplexe. A l’heure actuelle, la radio émet directement vers l’auditeur. Schématiquement, le nouvel opérateur rassemblera les signaux de plusieurs émetteurs pour les numériser et les retransmettre aux auditeurs. Et un intermédiaire, ça se paye, d’autant qu’il n’est pas prévu de créer d’opérateur “associatif”. La facture sera encore plus douloureuse pour les radios en région qui, pour la plupart, possèdent déjà leur antenne et dépensent donc moins à l’heure actuelle pour payer leur diffusion.
33
Et l’auditeur dans tout ça ? Si le passage au numérique est censé s’opérer pour lui offrir plus d’avantages, il n’a rien à dire pour l’instant. La nouvelle norme l’obligera quand même à changer ses récepteurs (8 par foyer, en moyenne) pour des postes numériques qui coûtent actuellement 6 fois plus cher… “Et n’offrent pas un confort d’écoute supérieur” souligne Aligre FM. Il y a encore le temps, en principe : même si tout le monde doit avoir franchi le pas en 2012, certains estiment que l’on continuera d’émettre sur la FM en analogique pendant encore une quinzaine d’années. Reste à savoir si les grands groupes ne vont pas vite quitter la FM pour la rendre obsolète le plus rapidement possible. Premiers éléments de réponse fin 2009, lorsque les premières radios numérisées diffuseront à destination de 30% environ de la population (mais beaucoup moins en surface couverte, les radios des grandes villes étant les premières concernées). Malgré la période de transition entre la FM et le numérique, le passage au numérique est encore une affaire lucrative pour des groupes d’intérêts qui ont un poids bien supérieur aux radios associatives. Même si celles-ci représentent la moitié des salariés de la radiodiffusion. Jean Luc Eluard Radios en Lutte : radiosenlutte.free.fr Syndicat National des Radios Libres : www.snrl.org
uN K COMME KEBEC
Daniel D.R.
L’ENFANT DU PAYS Misteur
Valaire La scène électro québécoise est devenue une source d’intérêt constante. Après Ghislain Poirier, Champion ou encore Plaster, un jeune quintette au nom étrange arrive jusqu’à nos oreilles curieuses. n quelques années, cette bande de potes au fort bagage instrumental, à l’origine formation de jazz, est devenu un projet électro-instrumental qui euphorise tous les dancefloors qu’il croise. “Vers l’âge de 18 ans nous avons allié plusieurs gadgets électroniques à notre instrumentation jazz. Peu à peu, les séquences sont passées de complément à fondement de notre musique. Aujourd’hui, à 22 ans, nous avons conservé ces instruments, mais dans le cadre d’une électro qui passe par la pop, le hip-hop et même le rock. On peut maintenant nous qualifier de partyband qui a le mandat de faire lever les foules ! Le côté organique demeure toutefois un élément essentiel de notre son et il sera toujours important de continuer à jouer une majorité de ce qui se passe en spectacle plutôt que de le bidouiller, afin de garder le dynamisme des concerts.” Malgré son passé musical, Misteur Valaire ne donne pas dans le nu-jazz. Ici, pas de simagrées jazzy ou de démonstration technique ; ils empruntent plutôt au jazz ses intentions, c’est-à-dire l’improvisation, le défrichage et l’ouverture musicale. On pense plutôt au Peuple de l’Herbe avec
E
la trompette omniprésente qui trône au milieu des claviers, platines et autres MPC. En dehors de ses performances scéniques mémorables (un plancher défoncé au Festival de Tadoussac, sous les sauts répétés du public surexcité !), le groupe a marqué les esprits pour avoir remporté de nombreux prix, tout en proposant sa musique gratuitement et exclusivement sur son site : “C’était un choix et un ajustement face à l’industrie du disque actuelle. On avait le choix entre viser tous les foyers du monde avec le Web ou le distribuer en magasin pour viser le peu d’argent qui serait allé un peu à nous et beaucoup à un label. Sachant que le disque ne vend plus énormément et que le spectacle marche très bien de nos jours, il nous a semblé naturel de se fier au bouche-à-oreille d’Internet pour amener des gens à nos concerts. Il est toutefois envisageable de voir nos disques atterrir dans les bacs si un distributeur nous laisse les donner gratuitement sur la toile.” Une problématique d’actualité qui relance le débat sur le rôle de la gratuité dans l’évolution de l’industrie musicale. Rafael Aragon “Friterday night” - Autoprod www.misteurvalaire.ca 34
On pense aux débuts de Charlebois en écoutant cette boule d’énergie haranguant la foule ; c’est une vraie bête de scène, doublé d’un excellent trousseur de chansons. Rencontre avec un grand de la chanson québécoise, auteur de cinq albums, qui n’ont pourtant pas encore été exportés en France… ’entrée, on le classe auprès des grands du pays. Il en impose. Son folk-rock séduit autant les puristes, que se refrains plaisent à Monsieur tout-le-monde. C’est le grand frère un peu “bum” (mauvais garçon) de la famille. Séducteur, il l’est aussi ; et ça marche ! Elles en sont toutes folles. Sur scène, c’est l’osmose avec son public. Faut dire qu’il se donne à fond. Et le voir aux Francos de Montréal 2007, seul à la gratte, en plein air, pendant 2h, devant des milliers de personnes l’écoutant dans un silence absolu, ou reprenant ses titres avec ferveur… ça file la chair de poule. C’est sûr, il y a entre lui et le Québec une putain d’histoire d’amour !
D
“Je viens de Montréal, j’ai grandi à Hochelaga-Maisonneuve, mais on déménageait tous les ans dans la ville. On a vécu un peu sur le Plateau Mont-Royal. J’avais peu d’amis pour jouer au hockey, mais j’ai toujours eu du fun dans la vie et j’ai toujours été curieux de tout. Petit, ma mère qui voulait devenir chanteuse, m’a acheté un piano. Musique classique de 7 à 14 ans. Violon et chorale. A 16 ans, j’ai perdu mon père. Ca a été un choc qui a entraîné une adolescence difficile. Problèmes divers. A 18 ans, ma première guitare. Ma mère encore… Au Cégep (équivalent des premières années de fac, ndlr) j’étais en Génie Civil, sûrement en rapport avec mon père qui était dans la construction. J’avais le goût d’être lui… C’est à l’école que mon chum Bob, maniaque des Beatles autant que moi, m’a appris à jouer de la guitare. Et ça a graduellement pris de l’ampleur, je suis allé au “Cégep en Spectacle”… Monter sur scène a totalement changé ma vie. C’était un tel bonheur que j’ai eu instantanément le goût de passer ma vie là ! J’ai monté un groupe, on a fait des covers pendant un an et demi. Je me suis inscrit au “Cégep Rock”, concours pour la relève que j’ai gagné : mini-album et concert en Belgique…” Ont suivi cinq ans de groupes, de route, d’écriture et d’études en musique à Joliette, où il a rencontré David Brunet, qui l’accompagne toujours, et Yann Perrault. En 1997, il remporte le concours
uN K COMME KEBEC
Boucher vous change un horaire !” L’accueil critique est excellent, mais le public ne suit pas. 35 000 ventes seulement : “Comme j’avais tout choisi, j’ai assumé. Ca a ouvert pour moi une autre partie du métier. Mais moi je crée, je ne suis pas un vendeur. J’ai beaucoup appris. Cependant, je referais la même chose.” Puis, encore des tournées, deux albnums live et une participation à la comédie musicale Dracula - Entre l’amour et la mort où il joue le personnage de Renfield, un photographe entraîné dans un combat épique entre le bien et le mal. Et bien sûr, la venue du petit Emile : “Ma vie est devenue autre chose depuis. C’est capital pour moi de passer du temps avec lui. Tout comme de vivre en Gaspésie, dans les bois, proche de la terre.” Fin 2008, parution du nouvel album stu-
Michel Pinault
“C’était un tel bonheur que j’ai eu instantanément le goût de passer ma vie là !”
du Festival de Petite-Vallée qui a tout déclanché dans sa carrière : “Tout à coup, on s’est intéressé à moi, tout vibrait. Et j’ai commencé l’écriture de mon premier album.” Et c’est Dix mille matin qui débarque : “J’étais inexpérimenté, mais j’ai quand même pu faire l’album que je voulais. Au Québec on te laisse ta liberté.” Il rafle six trophées à l’ADISQ 2000, dont le Félix de la “révélation de l’année” et celui “d’auteur-compositeur”, ce qui déclenche le succès public. L’album aura mis un an à s’installer, mais il vendra 110 000 copies, un exploit au Québec ! Boucher est propulsé star. Il tourne beaucoup. Enormément. Sa vie est là. Puis vient le temps de la remise en cause : “Au premier album, y’avait que la musique dans ma vie. Puis avec le succès et les nouvelles personnes autour de moi, j’ai été tenté de me laisser aller. C’est facile dans ce milieu de tomber dans une spirale destructrice ; c’est le fun, mais tu réalises vite que tout est creux… Alors j’ai fait un bébé ! (Rire)”
dio Le soleil est sorti : “J’ai mis quatre ans pour l’écrire. J’ai dû me réhabituer à laisser les chansons m’arriver. Fallait ramoner le canal et lâcher-prise ! Les idées me viennent comme ça, je note plein de choses, puis après, je regarde et je me dis : “Quelle drôle de chose, je fais quoi avec ?” Parfois je reçois l’accord ou la mélodie, parfois les mots déboulent. Ca arrive très échevelé. Une fois que j’ai eu accepté la fluidité de mon inspiration, j’ai décidé d’enregistrer ce disque de la même façon : fluide. C’est un album organique.” Un disque direct, brut et très mélodique. Comme si Boucher débarquait dans notre salon pour nous raconter sa vie. Et son nouveau bonheur de vivre. Un retour en grâce qu’on lui souhaite vivement.
Mais on ne pouvait pas le lâcher sans lui poser LA question, celle qu’il nous balançait lui-même dans son premier opus : alors Dan, “Deviens-tu c’que tas voulu ? Deviens-tu c’que t’aurais pu ?” “(Rire) Ca dépend des jours ! J’essaie le plus possible. Je mets mes tripes dans tout ce que je fais en tout cas ! Mais t’as raison, cette question, faut se la poser chaque Le virage s’accentue au deuxième album, La patente : “L’écriture a été fa- jour de notre vie !” cile, mais j’étais en rupture contractuelle avec ma maison de disques. J’ai Serge Beyer donc dû produire moi-même le disque. Evidemment, d’un côté, c’était la “Le soleil est sorti” - GSI Musique liberté totale. Mais de l’autre, c’était pesant ! Et j’attendais mon fils. Ca www.boucanebleue.com 35
PLANETE
36
AUCAN “Aucan”
CAPILLARY ACTION “So embarrassing”
(Africantape / RuminanCe / Pias)
(Pangaea Recordings)
Il y a un très beau son dans ce disque dans lequel on entre facilement, à travers l’engrenage des notes jouées au clavier, diluées dans l’air ou resserrées dans une forme plus compacte. Les musiciens travaillent sur l’énergie, s’efforçant de confronter lignes claires, vagues ensorcelantes et violence plus soudaine. Leurs morceaux se composent ainsi, entre densité et ruptures. En trio avec batterie, deux synthés et deux guitares, ils parviennent à allier un noise rock détonnant à de l’électronique ondulante. Dans cette atmosphère particulière, entièrement instrumentale, leur musique a un fort pouvoir grisant. Des enchaînements entêtants, de l’audace et une dynamique bien maîtrisée, permettent de placer le premier album de ce groupe italien aux côtés d’un Battles. myspace.com/aucan Béatrice Corceiro
Ce disque multi-facettes est destiné aux gens qui aiment perdre la tête avec des schémas non traditionnels. Il s’aventure dans une pop qui éclate entre jazz, noise, punk. Avec une technique du math-rock qui contourne la linéarité et les boucles, on aboutit à un assemblage de formules techniques, ajoutées à de la personnalité dans les textes. Il y a aussi une mise en exergue vocale (intonation de crooner, puis explosion rageuse). Le travail d’orchestration est remarquable, avec des arrangements de cordes, de cuivres, des tonalités flamenco ou de fortes inspirations de musique classique. Comme des The Ex, Deerhoof ou Franck Zappa, des musiciens à la folie toute personnelle mais recherchée. Ce groupe américain est une collaboration autour de Jonathan Pfeffer, jeune compositeur au vocabulaire musical bien riche. www.capillaryaction.net Béatrice Corceiro
FARIS NOURALLAH “Radio Faris”
O! THE JOY “Zen mode”
(Kitchen Music / Blog Up Musique)
(Distile / Anticraft)
Ouvrant l’album par un pied de nez, le morceau Faris is not in the band campe le personnage : discret touche-à-tout, Faris Nourallah est l’un de ces petits génies bricolos qui donne corps à ses rêves à la seule force de son 16 pistes, pour diriger d’une main de velours son petit hom(m)e orchestre. Radio Faris nous livre une nouvelle brassée de pépites délicates, entre rock et folk, refrains entêtants ou complaintes enjôleuses. Au panthéon des influences utilisées pour évoquer sa maîtrise enchanteresse de l’alchimie pop (Ray Davies, Elvis Costello, Beach Boys…), on se permettra d’ajouter deux compatriotes, Beck et Stephen Malkmus (Pavement). Ah ça y est, on vient de le retrouver : si Faris n’est plus “in the band”, c’est parce qu’il est niché au creux de notre oreille, pour nous aider à affronter cet hiver naissant. www.farisnourallah.com Julie Bordenave
Encore une fois, le label parisien est parti dénicher un groupe aventureux et déroutant. Il est certain que la démarche expérimentale de ces jeunes musiciens de Sacramento porte ses fruits et peut charmer adeptes de math-rock comme d’indie-pop. Une musique intense et persuasive, qui entre en force dans les haut-parleurs et confronte plusieurs genres. Des bouts de mélodies sont chantées façon emo-rock, des assauts noise se répondent sans ménagement, des développements instrumentaux aérés grimpent doucement. Le travail part d’instruments rock, de claviers et d’effets divers, s’embrase dans des cassures, des mélanges heureux, et aspire à des sommets de plénitude. Le groupe applique ainsi son sens de la liberté. Au bout de ces péripéties hallucinées, reste le sentiment d’avoir absorbé des compositions étrangement géniales. myspace.com/othejoymusic Béatrice Corceiro
RODRIGO Y GABRIELA “Live in Japan”
RUMBLE IN RHODOS “Intentions”
(Because)
(Black Balloon / Season of Mist)
Pour ceux qui ne connaissent pas encore la tornade mexicaine, voici un live condensé de ses deux premiers albums, enregistré au Japon. Ces deux virtuoses de la guitare se sont fait remarquer il y a plusieurs années en jouant dans les rues de Dublin. Très vite, on leur a proposé d’enregistrer leurs morceaux. Ils sont alors devenus les nouvelles coqueluches d’Irlande puis du monde anglosaxon. Leur musique est un mélange explosif entre guitare classique, rythmes latinos, mélodies sud-américaines et hard rock (leur premier amour). Lui fait la mélodie et elle le rythme avec une dextérité presque irréelle. Ce CD comprend aussi un DVD permettant d’admirer les phénomènes à l’œuvre ; rester impassible au titre Foc relève du défi, quant à la reprise de Stairway to Heaven, elle impose le respect… Ils sont en tournée, courrez donc les voir ! www.rodgab.com Isabelle Leclercq
Le groupe norvégien n’apporte rien de nouveau dans le genre émo-rock. Il produit un album fidèle à ce que les fans du genre peuvent attendre. Une musique qui joue sur l’énergie à ressort, avec des pics d’intensité qui tirent vers les hauteurs, là où le groupe peut se lâcher furieusement. Il y a aussi beaucoup de moments plus réservés, mais les musiciens accumulent surtout des mélodies effrontées et speedées, provoquent les décharges saturées. Le chanteur pousse sa voix aiguë, moitié en clair, moitié dans un effet déchiré. Les notes de guitares s’emboîtent efficacement au milieu des riffs scandés, quelques passages instrumentaux retiennent l’attention. Intentions garde une certaine constance et une ardeur honnête, sans apporter réellement le sentiment de fraîcheur nécessaire. www.rumbleinrhodos.com Béatrice Corceiro
PLANETE DEPARTMENT OF EAGLES “In ear park” (4AD / Beggars) Alors que l’on croyait Rook de Shearwater vainqueur haut la main du titre d’album aérien de l’année, Daniel Rossen (guitariste des Grizzly Bear) et Fred Nicolous ne l’entendent pas de la même oreille et débarquent avec ce nouvel opus presque magique, au pouvoir immersif certain. Moins calculé que Fleet Foxes et plus baroque que The Dodos, cette production new-yorkaise épate par son lyrisme non exacerbé, son univers fantasmatique et ses ambiances irréelles aux multiples facettes. Puisant allègrement de Macka (No ones does it like you) à Patrick Watson (Around the bay), ce département des aigles impressionne par son folk tarabiscoté aux sonorités vraiment uniques cette année. Rien n’est à jeter dans ce manège impressionniste et vaporeux de cordes, boucles et pianos. De la pure pop pastorale en barre ! www.departmentofeagles.com Julien Deverre
ROBIN GUTHRIE “3:19”
OLYMPUS MONS “Nothing’s gonna spoil my day today” (Dad Records) Dans la lignée des Art Brut et autres Elevate Newton’s Theory, ce trio londonien hyperactif composé d’Aaron, Norbert et Moran débarque en France traînant derrière lui son habituel lot de récompenses outre-Atlantique. Ces jeunes-là ont choisi de s’engouffrer dans la brèche Arctic Monkeys (avec malheureusement moins de talent) et dressent en seize titres une vision urbaine et romantique de la société d’aujourd’hui sur un style urgent, mais non agressif. Frénétique et déstructuré, The broken boys and girls of this enchantment remporte la palme de meilleur morceau de l’album. A ne pas confondre avec le groupe de métal bordelais, cet Olympus Mons-là, malgré de bonnes idées, manque de piquant et sait qu’il faudra faire mieux pour inquiéter la jeune garde aux dents longues de la perfide Albion. myspace.com/theolympusmons Julien Deverre
POLITE SLEEPER “Seens”
SEBASTIAN STURM “One moment in peace”
ABE VIGODA “Skeleton”
(Soulbeats)
(Bella Union)
Avec ce chanteur germano-indonésien et son Jin Jin Band, le son roots jamaïquain ressuscite. Dans ce second album, l’ambiance old school se traduit par l’utilisation de vrais instruments, et par le travail d’harmonie des voix à l’image des trios vocaux comme les Mighty Diamonds ou les Gladiators. Sa musique, dans la plus pure tradition de Kingston, soutient des textes en anglais, véhiculant un message qui, lui, est bien contemporain. En ces temps de crise sociale, il invite à faire durer les moments de paix. Ce jeune prodige a partagé la scène avec Groundation, Kiddus I (Rockers) ou encore Jahcoustix, qui est d’ailleurs l’unique invité du disque et son frère spirituel. En live, il dévoile toutes ses capacités et s’impose déjà comme une valeur sûre dans le milieu des puristes du reggae. Les nostalgiques de Marley vont se régaler ! www.sebastian-sturm.com Johanna Turpeau
Attention ovni ! Prenez le plus innovant de la musique anglo-saxonne actuelle : Bloc Party, Vampire Weekend pour les mélodies, The Foals, Battles pour les rythmiques africaines, El Guincho pour le foutoir sudaméricain sous psychotrope. Secouez très fort et cela donne un cocktail vitaminé et stupéfiant qui vous transportae au sein d’une tribu amazonienne tentant de jouer du punk ! Ce voyage enivrant lessive le corps et l’esprit tant cette musique est dense et dangereuse, comme la jungle de la pochette de ce Skeleton. Pour brouiller un peu plus les pistes, ces habitants de L.A. sont fans inconditionnels de Nine Inch Nails ! Abe Vigoda, c’est de la vraie world music. Une musique dont il est difficile de définir la provenance et aux influences assimilées comme on avale un yoghourt. Passionnant ! myspace.com/abevigoda Ludochem
(Optical Sound / Season of Mist)
3:19 est un film espagnol de Dani Saadia présenté comme une réflexion sur les hasards de la vie. Et comme cette dernière fait bien les choses, la BO ramène sur les voies de la création Robin Guthrie, guitariste de feu Cocteau Twins, groupe des années 80/90 roi d’une cold wave éthérée mais non collée au genre. Piano en apesanteur, arpèges de guitare aériens, la donne instrumentale de l’ancien combo n’est en rien omise. Elle trouve ici encore plus d’intimité, laissant la primeur de l’existence à des images que malheureusement nous ne pourrons pas encore voir. L’exercice rappelle d’autres sombres et mélancoliques BOF signées Angelo Badalamenti et réalisées pour David Lynch (Twin Peaks particulièrement). Robin Guthrie n’utilise pas de mélodie proprement dite, il convoie des blocs atmosphériques auxquels les écoutes répétées donnent sens. www.robinguthrie.net Vincent Michaud
(Sabotage Records)
Né des cendres d’un groupe punk-hardcore, cette nouvelle formation déménage à Brooklyn et se tourne vers les ficelles d’un folk un peu noisy, s’affichant dans un contexte plus intimiste. On entend la voix nasillarde du chanteur dans une couleur sonore brute et directe. Au fil des chansons que l’on découvre, on partage la fougue des trois musiciens, leur colère, leur mélancolie. Plus ou moins rapides, tendres, fébriles. Ils façonnent des morceaux joliment expressifs, avec des textes bien travaillés et des sonorités élaborées. Des guitares acoustiques, parfois un peu de clavier ou de piano, et toujours une batterie alerte et délicate. Ici ou là, une guitare électrique plus incisive ou des effets divers (clap de main, clavier, pedal steel) offrent un album ouvert aux rugosités et aux caresses. www.politesleeper.com Béatrice Corceiro
37
FESTIvALS >> du 15 au 21 septembre 2008
FEST. DES ATTITUDES INDÉPENDANTES Paris 18e
Le festival du 18 arrondissement parisien continue son travail de défrichage, soutenant par ailleurs les équipements culturels de son quartier. C’est Nouvelle Vague qui a ouvert le bal avec son projet Hollywood mon Amour. Un effeuillage acoustique qui met à nu les standards guimauves des 80’s. Si l’exercice est séduisant, la frénésie bootlegs rend presque anecdotique la démarche. MeLL, à l’inverse, a su convaincre par la sincérité de ses humeurs. Le regard vif, le rictus cynique, la gouaille hargneuse et le propos qui fait mouche. MO a joué les trouble-fêtes grinçantes, entre chuchotements électro, cris possédés et larmes communicatives. Renaud Paravel a rappelé son statut d’inclassable entre clins d’œil pince-sans-rire et lyrisme baudelairien. Gong Gong a poursuivi ses expérimentations world entre poésie et post-rock. Enfin, le Maxi Monster Music Show (side-project acoustique de Maximum Kouette) a habilement réintégré le théâtre burlesque et l’esprit forain pour servir une palette de monstres insolites au climat aussi angoissant que jouissif. MeLL www.attitudesinde.fr Samuel Degasne
Michel Pinault
ème
>> du 2 au 18 octobre 2008 FESTI’VAL DE MARNE
Caroline Dall’o
Val de Marne (94) 22 ans que le Festi’Val de Marne propose à la rentrée sa quinzaine de festivités musicales. Avec une programmation axée chanson bien qu’ouverte à tous types de musiques, il propose des thématiques diverses, avec cette année “Punk un jour, punk toujours” (avec les concerts de Tagada Jones et The Exploited), “Globe on the beat” (Beat Assaillant, Tumi & The Volume, Seun Kuti, The Dynamics…) ou encore la JIMI (Journée des Initiatives Musicales Indépendantes) qui a permis au public de venir à la rencontre de 140 structures (labels, tourneurs, médias, salles) œuvrant dans le milieu. Parallèlement à ces rendez-vous du week-end à Choisy-le-Roi, plus de 30 concerts étaient organisés dans les petites salles du département, dont une prog jeunesse de très bonne qualité (Aldebert, les Voilà Voilà). Citons parmi nos coups de cœur les prestations de Zita Swoon, Merlot, Victor Démé ou encore Le Sacre du Tympan. Enfin, n’oublions pas de saluer l’effort tarifaire (de 5 à 18 euros) ainsi que l’excellent accueil réservé au public, qui en fait un vrai festival populaire et incontournable… Merlot www.festivaldemarne.org Caroline Dall’o
>> les 23, 30 et 31 octobre 2008
DÉSIN’VOLT
38
Elsa Songis
Paris (75) Les studios SMOM nous proposent, pour la troisième année consécutive, de découvrir les groupes issus de la scène parisienne émergente qu’ils ont sélectionnés, dans le cadre de leur dispositif de repérage et d’accompagnement. Le 23 octobre, au Forum de la Bellevilloise, rencontre entre professionnels et grand public autour de la question : “Artistes émergents : quelles pistes choisir dans cette nouvelle conjoncture musicale ?”. En ouverture, projection du documentaire d’Olivier Clément “Rêve, rock et réalité“ et en clôture, concert cabaret pétillant de Katia Goldmann et Lui. Le 30, lives au Club de la Bellevilloise avec Sourya (pop rock électro), Jil is Lucky (folk US), Gush (pop rock western), parrain du festival. Le 31, nous profitons du nouveau lieu : le Centre Musical Fleury Goutte d’Or ; on y écoute les chansons glamour de la blonde Lilitoy, le rap rock électro pêchu de Squid and the Stereo. On s’assoit, on s’allonge même, pour ressentir l’univers intimiste de Saycet. www.studios-smom.fr Gush Elsa Songis
FESTIvALS >> du 25 sept. au 12 oct. 2008
LE MANS CITÉ CHANSON > Du 10 janvier au 29 mars 2009 > Le Mans (72)
L’ESTIVAL
Elsa Songis
St Germain en Laye (78)
Depuis quinze ans, par ses concours, Le Mans Cité Chanson a contribué à la découverte de nombreux talents comme Jeanne Cherhal, Gérald Genty, Amélie les Crayons, Imbert Imbert, Sanseverino, Les Elles, Semtazone, Kwak… Le festival s’articule autour de trois temps forts : “Le Mans la ville chante”, en janvier 2009, avec des spectacles dans les quartiers de la ville et en caravane itinérante, les ateliers-chansons et des chansons en appartement. Puis les pré-sélections aux tremplins en février. Catégories : Chanson francophone (ACI), Electric’cité (musiques amplifiées), Slam et Interprète. Les inscriptions sont lancées et ouvertes jusqu’au 31 décembre 2008. Enfin le festival : “L’émoi de mars” (mars 2009) tourné vers la découverte, avec Vincent Gaffet, Le P’tit Dernier, Aël, Hervé Lapalud, Mathieu Bouchet, Claire Joseph, Poney Club, Mavana, et des affiches plus connues comme Rodolphe Burger, Padam, La Crevette d’Acier, Les Elles… Ces soirées se déroulent, tout au long du mois, dans différents lieux de la ville et de l’agglomération, pour se conclure par un week-end-end de fête au Palais des Congrès et de la Culture. www.lemanscitechanson.com
Outre son musée d’archéologie et son parc avec une vue imprenable sur Paris, St Germain a son festival des musiques (associatif, 160 bénévoles) et ce depuis 21 ans. Trois axes directeurs pour cette manifestation : diversité des musiques, découverte de jeunes talents et soutien à une association locale (cette année MICA : aide aux seniors). Outre les chanteurs populaires tels que Philippe Lavil, Jenifer ou Lynda Lemay, les St Germanois ont pu écouter Jean-Louis Murat en solo, les chansons folk des frères Volo, le rock flamboyant d’Alain Bashung. Les Vitrines-Découvertes ont permis à sept artistes prometteurs aux styles diversifiés de faire leurs preuves sur scène devant un public attentif et connaisseur (dont de nombreux programmateurs de festivals francophones). Dans l’ordre d’apparition : Môta de Madagascar, Maloh de Bretagne, Julie Rousseau de Paris, Thérèse la Nantaise, Guillaume Cadot, artiste local, Gaële, franco-québécoise, Alex et sa guitare, d’ici et de nulle part… www.lestival.net Gaële Elsa Songis
>> du 9 au 11 octobre 2008
FESTIVAL TRÄCE
COURANTS D’AIR
> Du 16 janvier au 7 février 2009 > Hauts de Seine (92)
Alain Nouaux
Satin Doll, Bordeaux (33) Célébrer la chanson française au sens large, tel est le créneau du festival bordelais Courants d’Air. Pour sa cinquième édition, la programmation de l’association Bordeaux Chanson n’a manqué ni d’audace, ni d’intuition. Faire cohabiter la chanson ludique et tendre de Gildas Thomas avec celle plus académique quoique métissée de Camel Arioui (une voix envoûtante), la pop, tendance folk, du Belge Samir Barris (ex-Melon Galia) et la poésie électro-acoustique, crue teintée de cynisme et de dérision, de l’iconoclaste Renaud Papillon Paravel, tel était le pari plutôt savoureux des deux premières soirées. La soirée de clôture fut l’occasion de découvrir en la personne d’Adeline Moreau, une chanteuse touchante au talent indéniable, qui eu la délicatesse de terminer son set par un hommage à Franck Monnet, parrain de l’événement. Ce dernier, accompagné de sa seule guitare, fit une prestation de haut-vol, applaudie à tout rompre par un auditoire on ne peut plus séduit par son répertoire et son indéniable magnétisme. Adeline Moreau www.bordeaux-chanson.org Alain Birmann
>> du 6 au 16 novembre 2008
VOIX DE FÊTE
COUP DE CŒUR FRANCOPHONE
> Du 5 au 15 mars 2009 > Genève, Carouge, Annemasse (Suisse, France)
Montréal (Québec, Canada)
Michel Pinault
Le Réseau 92, association qui fédère seize structures des Hauts de Seine dédiées aux musiques actuelles a pour but de développer les pratiques musicales du département. L’information, la formation, la mise en réseau des acteurs de ce secteur et l’accompagnement des artistes demeurent les principales missions de l’association. Träce, une des actions menées par le Réseau 92 est un dispositif d’accompagnement destiné à sept groupes autoproduits des Hauts de Seine, sélectionnés et suivis durant toute une année. Ils bénéficient d’une formation sur l’environnement professionnel et artistique (répétitions, préparation à l’enregistrement et à la scène), d’une aide au développement de leur projet et d’une diffusion de leurs disques dans les médiathèques du département. Ce travail d’accompagnement trouve son aboutissement dans ce festival. Les sept groupes sont programmés en première partie d’artistes plus renommés tels que P18, Médéric Collignon, R.Wan, Pierpoljak… Pour sa 9ème édition, Träce se déroulera dans sept lieux Réseau. Une programmation éclectique à découvrir ! www.reseau92.com
Voix de Fête a le privilège, prenant place en fin d’hiver, de présenter les nouvelles tournées en avant première des festivals d‘été. Les organisateurs étant de vrais passionnés, la programmation ose prendre des risques et se refuse les compromis. Elle est empreinte d’artistes présentant les nouvelles tendances de la chanson et des musiques actuelles. Le festival présente plus d’une quarantaine de découvertes à des prix attractifs et parfois même gratuitement. Autour des concerts, des émissions de radio en public, des interviews dans le tramway à travers la ville, un off dynamique dans les bars, et des “Chant’appart” sont autant de circuits qui invitent les chineurs. Les trois principaux lieux de concerts sont : le Palladium, salle de 1000 places ambiance rock et repère central pour les “aft’heures” festives, le Casino-Théâtre, bonbonnière à l‘italienne de 450 places et le Chat Noir pour des concerts en club. Une dizaine de bars sympas proposent également une programmation complémentaire. www.voixdefete.com
Chapeau, les Québécois ! La passion est toujours au rendez-vous : 11 jours, 90 spectacles et 350 artistes à Montréal. Un festival présent aussi dans 36 villes canadiennes, permettant ainsi de “faire circuler la chanson et de tresser des liens avec l’ensemble des communautés francophones.” Une mission louable. Saluons l’émotion du spectacle Pauline à la page où la nouvelle génération faisait sienne les chansons de Pauline Julien, grande dame du Québec, disparue il y a dix ans. Et retenons, en vrac : le Benoit Paradis trio jazzy et flyé à souhait, Gérald Genty pop et drôle à la fois, les harmoniques Trois Gars su’l Sofa, l’acidulée Patère Rose, L’Orchestre du Mouvement Perpétuel plus convaincant dans les virées électros que chanson, les Wriggles bougrement efficaces et hilarants, Pigalle immuablement convaincant et les funky-saoul-rap Baloji (Prix Rapsat-Lelièvre). Mais nos coups de cœur à nous resteront Bonjour Brumaire, en pleine ascension poprock, et Samian l’Algonquin, hip-hop accompagné par un excellent Inuit dont on reparlera ! La Patère Rose www.coupdecoeur.qc.ca Serge Beyer 39
BRuITAGE B. ALONE
LES BARBEAUX
“Beautiful”
“No friture”
THE ARTYFACTS “Maybe every-
(Underdog Rec. / Dans la Boîte)
(Irfan / Label Tour)
BAXTERS
thing that dies someday comes back”
Longuement mûrie, la musique de ce jeune musicien qui se plaît dans l’anonymat complet semble sortir du plus profond d’un cocon organique qui se serait densifié avec le temps. On ne sait de B. Alone que quelques repères biographiques non datés, de son apprentissage du piano à sa collaboration à des projets des plus divers, de Maximum Kouette à Peaches, jusqu’à cet envol, seul cette fois. Aucun autre patronyme ne pouvait mieux convenir à cette entité qu’il contrôle entièrement, chantant et jouant de tous les instruments. Le résultat est inattendu et beau, de la beauté de ce qui n’a pas d’âge. Neuf morceaux d’une pop aussi flamboyante qu’intimiste et lumineusement mélancolique, soutenue par des claviers satinés et enveloppants, une guitare pour des accords parfois chaleureusement funky et le chant feutré, souvent voluptueux. On attend déjà la suite de ce premier opus qui se clôt comme un rêve, dans une douceur ouatée. www.b-alone.net
“Subintrant crisis”
Jessica Boucher-Rétif
Amis des guinguettes, welcome back ! Un pied dans la caravane, l’autre sous le chapiteau, Les Barbeaux perpétuent avec allégresse la tradition de la chanson festive. Forgés à l’école de la rue, les Languedociens en importent la généreuse spontanéité dans ce deuxième album, mêlent textes français et espagnols, mélopées oniriques sur le cocufiage (Les Cornuts), témoignages historiques (mise en musique d’un extrait de Si c’est un homme de Primo Levi), comptines gentiment surréalistes (Mon singe) ou régressives (La chanson du kazoo). A l’image des illustrations du livret noyant Goldorak, mini Sarko et salamandre dans une même eau mouvementée, Les Barbeaux aiment le mélange des genres et convient l’énergie des formations à rallonge (cordes, vents, percus, et mêmes quelques riffs de violons) pour porter la nonchalante virtuosité de leurs textes. Une hargne joyeuse que l’on s’empressera de retrouver sur scène. myspace.com/lesbarbeaux Julie Bordenave
LES BOUKAKES
FRANCOIZ BREUT
THE CAVALIERS
CIRRUS
“Marra”
“A l’aveuglette”
s/t
“Mama Please”
(Atlas Music / Nocturne)
(T-Rec / Pias)
(Born Bad Records)
(Autoproduit)
On parle aujourd’hui beaucoup de musiques métissées dans le paysage musical français. Les fusions ont toujours été le terreau des styles émergents et on ne peut que s’en féliciter. Les Boukakes appliquent ainsi le mélange des genres avec pour centre névralgique la voix de Bachir. Wahrani moderne, il offre au raï une nouvelle dimension, abreuvée de groove funky et rock’n’roll tout en conservant une unité arabo-andalouse marquée. Musique populaire phare du Maghreb actuel, reconnu par l’Etat algérien en 1985, le raï s’est, depuis son apparition, fortement inspiré des courants musicaux occidentaux. Les Boukakes réussissent encore une fois avec ce nouveau répertoire à dépasser les conventions et offrent leur vision d’une musique forte et ouverte. Plus qu’un pont entre les cultures, ils assument avec Marra une identité bien à eux, que nulles frontières ne sauraient restreindre. www.boukakes.com Caroline Dall’o
Celle qui fit ses premiers pas dans la chanson en suivant ceux de Dominique A poursuit son émancipation. C’est de ses propres mots, cette fois, qu’elle investit les compositions tissées avec ses musiciens, fidèles à son univers, légères mais toujours tendues d’une mélancolie latente et du goût du temps qui passe. Leur rythme est suspendu à ses lèvres et à ses textes ramifiés, indociles, qui ne se plient pas au format de la chanson, cherchant moins à se conformer à des règles d’écriture qu’à la vérité des sentiments et du vécu. Chaque chanson est un tableau aux couleurs automnales, à la fois fraîches et délicatement sépia, au trait franc, à la composition peu apprêtée sans être austère. Jouant avec les métaphores, le velouté de son timbre, et une profusion instrumentale renouvelée, Françoiz chante l’amour effiloché, l’enfance, les douleurs lucides et la confiance en ce futur adulte qu‘est son fils. La vie, en somme. www.francoizbreut.be
Qui veut aller loin, ménage sa monture. The Cavaliers assoient ainsi en 25 minutes chrono leur cavalcade sur un genre épique : la surf music. Initiée par Dick Dale, redécouverte grâce à Quentin Tarantino dans Pulp Fiction, elle fait en effet merveille comme bandeson d’univers fétichistes et rétro. Fidèles au style, The Cavaliers n’oublient pas leur devoir. Riffs de guitare moulinés au vibrato, instrumentaux épiques et concision alimentent ainsi leurs montures. Pour autant, ces nouveaux hérauts n’entendent pas se contenter de… surfer sur la légende. La chanson 70’s à la française s’invite donc avec un featuring vocal des Magnetix sur Le bourreau des cœurs. Attache-moi convie, lui, avec envie à des yé-yé pervertis par les demoiselles de Tu Seras Terriblement Gentille. Reste désormais à suivre le rythme et à se remettre en selle ! myspace.com/calaverascaballeros Vincent Michaud
Il serait injuste d’estampiller cet album de la mention réductrice “musique du monde” qui inclus ainsi toute les musiques non occidentales. Les mélopées orientales se fondent à des sonorités balkaniques le tout maintenu par des cordes (violon, violoncelle) et des percussions (djembé ou darbouka). Nawel la chanteuse, permet enfin à nos oreilles d’apprécier les décrochages vocaux souvent énervants des musiques de l’Orient. Son timbre est grave voire même légèrement éraillé lui donnant un petit grain rock n’roll charmant. Les textes en français servent un univers doucement poétique, pour preuve le titre d’ouverture, véritable invitation à la rêverie. La sobriété des compositions musicales évitent les débordements sonores et les césures rythmiques où le chant se fait plus puissant bannissent la monotonie. Le groupe parisien a su capter pour son premier opus une musique faite de mélanges et d’ouverture. myspace.com/cirruslegroupe
(Bordeaux Rock / La Baleine)
Ce tout jeune combo bordelais pourrait être le “The Coral du Sud-Ouest”. Les quatre garçons ont grandi dans une tradition pop et rock bien fournie : leur propre bagage, plus un environnement local favorable, les ont sans doute convaincus de la grâce des années 60-70. Alors, pour la construction mélodique, ils se débrouillent plutôt bien. Pour le paysage musical, ils ont aussi l’habileté de varier les ambiances, croiser les pistes, nous embarquer vers les Etats-Unis de Springsteen, raconter leurs émois espagnols, sans oublier de saluer la couronne brit-pop. Sauvage et électrique, angélique et acoustique, le groupe enchaîne naturellement ses compos auxquelles une partie des amis de la scène locale a participé. Pas mal d’idées d’arrangements derrière des chansons simples. Ca fleure bon la légèreté et l’immédiateté et c’est pour ça qu’on s’y attache aussi facilement. myspace.com/theartyfacts Béatrice Corceiro
Jessica Boucher-Rétif
(Opposite Prod / Codaex)
Six ans ont passé depuis la formation de ce groupe, le temps de faire et évoluer les idées d’affiner un son aujourd’hui identifié noise hardcore, proche des Bordelais de Sleepers. Sur ce premier album, le quatuor orléanais se montre solide et cogneur. Il ménage bien les passages pour reprendre son souffle au milieu d’un ensemble où la tension lourde règne. La voix, posée ou hurlante, libère toute sa rage ; la frappe puissante s’abat au millimètre et les guitares n’ont plus qu’à décharger les décibels avec vigueur. Subintrant crisis sous-tend une ambiance dépressive, un contexte noir et sordide traduit parfois par un côté plaintif, mais surtout par une intensité brûlante. La musique vrombit et les tempos s’accélèrent. Un album plutôt convaincant dans le genre et qui voit le jour grâce à l’activité du label des Burning Heads. baxters.fr
Béatrice Corceiro
Isabelle Leclercq
40
BRuITAGE BAZARSONIK
BILLY GAZ STATION
“T.I.A.”
LA BESTIOLE
“Skins and licks” (Kicking Rec. /
MATHIEU BOOGAERTS
(Autoproduit)
“Un B comme…”
Dog Days / Anticraft)
“I love you”
Premier album autoproduit pour ce quartet parisien à l’univers éclectique, après des années à prêcher la bonne parole sur les scènes hexagonales. Fortement influencé par The Clash et la musique urbaine, le groupe intègre à sa base pop-rock des éléments funk, dub mais aussi hip-hop ou électro. Les textes, dans un français faussement naïf, sont parlés, chantés ou rappés, décrivant des personnages singuliers ou des doutes quotidiens. Les programmations discrètes, la guitare volubile, la basse ronde et la batterie, qui oscille entre groove caribéen et grosse rythmique binaire, livrent une musique versatile aux accroches pop efficaces, oscillant entre passages dansants, chanson intimiste et plages cinématiques. Un disque varié et bien produit, qui vient s’ajouter aux concerts, où Bazarsonik délivre un set plein de chaleur et d’énergie communicative, qui a déjà séduit Meï Teï Shô ou Mon Côté Punk, pour qui ils ont ouvert. www.bazarsonik.com Rafael Aragon
(Avanti Music)
(Tôt ou Tard)
Aurélien Marty
Quand deux gars de la trempe de Mathieu Gazeau et Fred Alera s’associent, on ne peut que signer les yeux fermés ! Parce qu’on les a vus s’enflammer comme des damnés du rock dans des formations aux doux noms tels que Headcases et Glasnost pour le batteur, Second Rate, Billy The Kill ou Lost Cowboy Heroes pour le gratteux… On sait de quoi ils sont capables, on connaît leur addiction pour le rock américain, qu’il soit pop, grunge, hard, blues ou punk. Alors, ce premier album s’échine à réunir toutes ces forces dans une musique aux chères références des 70’s aux 90’s. Les compos choisissent le rock véloce, avec véhémence et agilité, ajouté à un esprit de vieux routard encrassé. L’effusion mélodique sous les gros riffs est vraiment redoutable. On distingue la voix particulière de Fred “Billy” et les baguettes de Math “Gaz” au milieu de chansons tout simplement à la cool : puissantes et touchantes, accrocheuses et déjà classiques. www.billygaz.com Béatrice Corceiro
COLLANGE
HUGH COLTMAN
CONGOPUNQ
THE DIRTEEZ
“Série noire”
“Stories from the safe house”
“Candy goddess”
“Undead stories”
(Arde Prod)
(ULM / Universal)
(Underdog Records / La Baleine)
(Autoproduit)
Le trio rock au patronyme de son chanteur sort un deuxième album, plus énervé que le premier (et dépourvu de l’octuor de cordes - 4 violons, 2 altos et 2 violoncelles - qui pourtant donnait une touche originale à leur premier opus en 2004). Fort bien produite, cette chanson-rock prégnante au chant impec est rentre-dedans à souhait. Et l’osmose de ces trois-là est palpable à l’écoute. Un régal. On pense à quelques groupes anglais, pourtant on est ici à Tours ! Si certains titres comme Late ou Danse sont dispensables, d’autres nous envoûtent très vite : Rien, Roberto Succo ou Le pont. Florent, le chanteur tourmenté qui écrit tout en solitaire avant de proposer un habillage au groupe, rend aussi hommage à Gérard Manset (textuellement sur le premier titre) et à William Sheller (reprise des Machines absurdes) ; ça vous plante un décor, non ? Encore jeune, on sent chez ce groupe une belle alchimie et un fort potentiel. www.collange.fr Serge Beyer
Could you be trusted est déjà un hit malgré son côté pop absent sur le reste de l’album qui vogue davantage entre blues, soul et jazz. Un univers dans lequel cet Anglais installé à Paris (même si ça ne se ressent pas à l’écoute) a baigné toute son enfance, jusqu’à assurer les premières parties de BB King ou Buddy Guy avec son ancien quatuor The Hoax. Pour le reste des douze titres de ce premier effort solo, les compositions folk à la Andrew Bird (Sixteen, Voices) font agréablement leur travail entre coolitude assumée et rythmes chaloupés. Faisant appel à l’incontournable duo guitare/voix mais ne se refusant pas quelques cordes, harmonicas et autres pianos par ci par là, Hugh accouche (quatre ans de production) d’un premier album solo feutré et homogène qui n’aurait pas fait rougir ses idoles (Dylan, Cohen, Buckley…). Incontestablement le disque à écouter cet automne en regardant tomber la pluie. myspace.com/hughcoltman
En marge de Bumcello, duo qu’il forme depuis une dizaine d’années en compagnie du violoncelliste Vincent Segal et que le grand public a découvert aux côtés de -M-, le batteur-percussionniste-ambianceurloufoque Cyril Atef livre sa première production en solo - ou presque, puisqu’il est secondé sur scène par Dr Kong, un mystérieux barbu aux allures de gourou dont la simple présence intrigue. Inévitablement, dès les premières secousses de Candy goddess, on reconnaît le coup de baguette (magique) de mister Bum. L’inspiration musicale est comparable à celle de Bumcello, mais Cyril personnalise sa création selon ses délires : ainsi relooke-t-il la transe africaine en mode urbain, triturant le son du piano à doigts à la manière de Konono n°1, provoquant des collisions entre afro et techno pour accéder à de nouveaux rythmes et de nouvelles danses. Si le groove n’existait pas, soyez sûrs que ce grand bonhomme ne tarderait pas à l’inventer ! myspace.com/congopunq Cédric Manusset
Ce combo marseillais se veut “chaud et sale” ! Emmené par Clint Lhazar, le groupe fournit 16 chansons (presque) toutes plus vitaminées les unes que les autres. Tout est dans la pure lignée de ce que pourraient faire les Cramps, voire Nashville Pussy. Le premier coup de cœur de cet album est Not alone ; la voix rocailleuse du chanteur est contrebalancée par celle plus sexy de la guitariste choriste Wild Cat Lou. Ca balance à merveille et ces deux voix qui se répondent offrent une marque de fabrique au quatuor. Sur la longueur, le style, qui constitue essentiellement à envoyer des riffs lourds et ravageurs, peut néanmoins finir par lasser. Pourtant, un titre comme Pink bikini se montre plus subtil tout en gardant une véritable profondeur dans la voix comme dans le son. Cela fait 17 ans que la bande égrène les salles de concert dans une démarche délibérément en marge des sentiers battus. C’est donc plus sûrement en live que The Dirteez se déguste. www.the-dirteez.com
Encore un couple qui fait du rock ! Décidément c’est la mode ! Loin des White Stripes, les Parisiens prennent leurs influences du côté de Noir Désir, de la folk et de la chanson française. Avec un son imparfait, l’album peut laisser sceptique à la première écoute. Mais au fil du temps on se laisse bercer par certains textes. Des poèmes subtiles, délicats ; frisants avec l’absurde ou la légèreté (Les Cyclamens, Trou d’Air). Ecrits à plusieurs mains, les paroles sont la colonne vertébrale de ce premier album. Bien mis en relief devant un duo guitare-batterie frais et rageur, mais sans grande efficacité. L’opus a les qualités de ces défauts. L’ensemble est inégal. L’énergie du duo s’estompe sur la fin de l’album, avec un manque d’inspirations sur certains titres (Atlantic Hotel, M.Quidam) Cependant, on se surprend à écouter et réécouter certaines chansons. On attend plus. Car ce couple nous met la bestiole à l’oreille. www.la-bestiole.com
Julien Deverre
41
Le cinquième album de cet artiste attachant et singulier a été voulu comme le premier d’un nouveau cycle de création musicale. Après Michel (2005), Mathieu Boogaerts, multi-instrumentiste, est reparti de zéro pour explorer d’autres pistes de travail, plus instinctives. Délaissant la guitare acoustique, il met en avant la batterie, composant ses chansons à partir de rythmes joués en boucle, jusqu’à ce qu’il s’en dégage une “structure et une poignée de phrases, dont le sens découle directement du son.” Le résultat est surprenant et du meilleur effet, il comblera les auditeurs en quête de sensations nouvelles. Sur les rythmiques, brutes, organiques, où évolue la voix, pulsée et cadencée, se loge une instrumentation volontairement dépouillée. Les textes, faussement naïfs, flirtent avec la folie ordinaire. Les phrases, courtes, répétitives, en français et en anglais, jouent subtilement sur les mots et les sonorités. www.mathieuboogaerts.com
Elsa Songis
Patrick Auffret
BRuITAGE DIRTY IMPORTANT PERSON
EMZEL CAFE
“I’m a genius”
LES ECUREUILS QUI PUENT
ELEANOR L. VAULT
“Hourvari”
(Warm Up / Mosaic)
“Renifle, c’est de l’la vraie…”
“Instrumental music”
(Projet Bob / Musicast)
“Nourris de rock et de rave”, Cyril Leclerc et Florian Parra usent leur show freaky et transgenre à l’épreuve des scènes. Lorgnant du côté des aînés, le duo va jusqu’à débaucher Neil Conti, ancien batteur de Bowie, pour produire ce premier album impeccable. La voix canaille et incisive de Florian porte haut les couleurs du néo glam. Très vite, l’électro prend le pas sur les riffs nerveux et transpose le tout vers des contrées rarement fréquentées avec autant de brio. Assez sûrs d’eux pour assurer un mélange cohérent, Dirty Important Person n’hésite pas à convier les spectres - Plant et Page notamment - pour de longues plages contemplatives, où la sensualité de l’affrontement voix/guitare se mue en fusion larsen/boucle électro. On ne sait où ils ont puisé cette assurance, mais I’m a genius pourrait être en passe de filer une sacrée claque à tous les babies rockers actuels. Montpellier, the new place to be ? www.dirtyimportantperson.com
(Skalopards Prod’z / Mosaic)
(Pop Only Knows)
“Homemade lullabies, crappy fireworks” : le monde fantasmatique d’Eleanor L. Vault, alias Paul Levis, se marie avec la douceur d‘une berceuse ou la perversité d’un feu d’artifice déglingué. S’il affectionne la transdisciplinarité - ses compos sont souvent utilisées comme bande son de spectacles vivants (cirque, théâtre, lectures…) -, le musicien choisit cette fois de s’affranchir d‘un support visuel pour délivrer ses frêles moments d’intemporalité. Pas de grandiloquence ici, ni d’orchestre symphonique : la magie éphémère se crée sur un bruit d’eau, des piaillements d’oiseaux, un fragile pizzicato. La virtuosité minimaliste au service de l’assemblage expérimental. Ni franchement mélancolique, ni totalement guillerette non plus, la délicatesse des compos de Paul Davies se marie avec l’état d’esprit du moment. Parce que, comme pourrait le dire l’adage, on laisse la musique trop explicite aux gens sans imagination. myspace.com/eleanorlvault
Julie Bordenave
Les punks à chiens vont se délecter, on est dans le bon vieux punk rock de derrière les fagots. Les petits mammifères, loin de nous incommoder, ont recueilli dans leur nouvel album huit morceaux d’enfer pour passer l’hiver. Oh Sally ! Go ! est bien plus excitant qu’un triple café au petit déj, what else ? J’adore rien branler va titiller la jalousie de Lemmy Kilmister, Angela reste en tête, Conne tractuelle a eu tort de laisser passer les petits papiers, tant pis pour elle ! C’est du lourd, la voix est grasse, les tempos sont speed, c’est français, c’est provoc, les qualités sont solides, c’est brut de décoffrage et l’air de rien, cela fait douze ans que les jolies petites bêtes écument les salles. Nauséabonds peut-être, mais agiles de sons en sons c’est certain. Dans les bacs depuis le 13 octobre, ne pas l’avoir dans sa collec’ serait une lacune. A écouter avec de la bière, de la sueur et play loud ! myspace.com/lesecureuilsquipuent Maho
Julie Bordenave
Vous connaissiez peut-être le trio qui enflamma la scène guinche par son énergie scénique, il y a quelques années, sous son nom d’origine : Les Alcoolytes. Avec deux albums à leur actif, c’est sous l’appellation moins éthylique d’Emzel Café (“Mademoiselle, un café !”, ndlr) que nous les retrouvons pour un troisième opus s’inscrivant toutefois dans ce qui avait fait leur succès : de la chanson “néo-réaliste” de comptoir qui s’amuse à aller puiser ses arrangements dans d’autres dimensions. No way se distingue ainsi par son recours à l’électricité lourde, Jeu d’séduction intègre un extrait de l’inénarrable émission de Brigitte Lahaie… Sur chaque piste figure ainsi un clin d’œil bienvenu qui met en relief les textes et fait de ce Hourvari un plaisant voyage qui s’achève sur Une recette savoureuse (avec une grande interview d’un illustre pilier de bar mélomane de 20 minutes !). A déguster sans modération ! myspace.com/emzelcafe Caroline Dall’o
EUROSHIMA
FLOW
THE FUGITIVE KIND
GO GO CHARLTON
“Tant qu’il y aura de la vie, il y a du désespoir” (Crash Music) Leurs atours : un punk rock “synthétique” et ce n’est pas Edith Nylon qui me contredira. Lisa et ses acolytes ont été téléportés de la fin des années 70 au 21ème siècle. Non, non, rien n’a changé et le style reste intact. Dans leur discours, on a peine à imaginer que 30 ans nous sépare de la punk attitude de 77. La ballade des vendus, aux accents de constat politique, Euroshima mon amour un jour, électro toujours, même combat ! L’écran de concentration, contre la propagande cathodique. Mais oui, mais oui, la vieille école n’est pas finie et le message est clair : l’homme est le seul responsable de tous nos maux. Un peu sombre certes, mais pas très loin de la vérité. So, pourquoi ne pas le clamer haut et fort en une musique énergisante bombardant les décibels à qui veut l’entendre. Un 13 titres né d’un retour aux sources bien sympathique aussi bien pour les nostalgiques que pour les néophytes, juste über alles ! euroshimaaa.free.fr
“L’âme de fond”
“Stone Age”
“Beaucoup Schlager”
(Babylone Bypass / Guiz Prod)
(Modulor)
(Lofty / Asphalt Duchess / Anticraft)
Après avoir roulé sa bosse sur scène en première partie des concerts de Tryo, Mon Côté Punk et Ours, cette artiste confirmée, à la voix puissante et hors du commun, sort enfin son premier album. Dans la droite lignée de Mano Solo, c’est sous forme de petites histoires que Flow nous fait partager des tranches de vies, nous dresse des portraits de gens dans la souffrance. On découvre ainsi, au fil de l’album, des personnages comme Louise, atteinte de démence sénile, la jeune Zara qui doit retourner de force dans son pays pour y être mariée, ou encore Hamed qui tient une sorte de caverne d’Ali Baba. Produit par Guizmo de Tryo, ce disque est peut-être un peu victime d’une réalisation trop léchée pour ce style musical qui, d’usage, prend toute sa dimension sur scène. On regrette par exemple de ne pas retrouver les arrangement acoustiques sur Avignon… A noter : la participation d’Idir sur Shalom et Yalla. myspace.com/lesflow Maxime Ardilouze
Nous avions laissé les jazzy Overhead il y a quatre ans avec un album tendant fortement vers un poprock à l’anglaise. La transition est désormais pleinement assumée pour Nicolas Leroux, fondateur et chanteur de la formation, qui s’est retiré pendant trois ans afin de mettre en forme chaque détail du projet solo dont il est l’auteur, le compositeur et l’interprète multi-instrumentiste. Au gré d’une progression cinématographique, lente, et parfois sujette aux flashbacks, il laisse libre cours à une inspiration qui suit le fleuve rock, épousant des styles sans jamais s’y abandonner tout à fait, indépendante et libre. Les vapeurs du trip-hop drapent des vocaux extrêmement modulés qui vont jusqu’à côtoyer un Jeff Buckley ; les compositions révèlent un songwriting précis et pourtant rebelle pour une pop raffinée mais ouverte sur l’infini et avide d’espace dont il se dégage une sereine mélancolie. www.b-alone.net
Enfin une brit pop française de qualité! Après deux maxis remarqués dans l’underground parisien, le quatuor sort son premier album chargé en sonorités eighties (c’est l’époque qui veut ça). Alternant sans cesse entre l’organe vocal rock sur le fil du rasoir de Guillaume et celui plus crooner (et plus difficile) d’Olivier, le combo étale sa palette électro-rock dans un style très populaire au sens noble du terme : foot, bières et filles sont les thèmes de ce disque efficace (surtout la première moitié), mais néanmoins non dépourvu de maladresses (prononciation british un peu limite, parodie semi avouée de Morrissey). Il n’empêche que Your son, Sexual speaking ou Song for the here and hereafter restent diablement efficaces et dévoilent de nombreuses qualités, écoutes après écoutes. La production est quant à elle impeccable et semble sortir des meilleurs studios anglais. L’épreuve du feu est réussie ! myspace.com/gogocharlton Julien Deverre
Maho
Jessica Boucher-Rétif
42
BRuITAGE EN EAUX TROUBLES
ETIKAL LAB
“Jusqu’à la dernière goutte”
“Architecture des coïncidences” (Subasthesik Prod) Au nom de ces cris qu’on éteint par le bruit, première Le premier album des Seine-et-Marnais, Particules démo du groupe, était déjà un manifeste. Ce quatuor (2005), bijou trip-hop aux accents rêveurs et mélancoliques, nous avait fait ressentir de belles émotions. affûte ses guitares autant que ses textes : crus, saignants, oppressants parfois. Expérience, No One ou le Sur scène, la projection de vidéos rajoutait à l’univers Belge Jéronimo ne sont pas loin dans l’esprit du chant poétique. Le groupe s’est enrichi d’expériences, de parlé-hurlé. Thiéfaine non plus (Phantasma). Christo- rencontres musicales, a évolué, s’est modifié… pher Bianconi, le surprenant chanteur, écrit tout. Il em- Avec deux nouveaux guitaristes, Eric et Yannis, venus prunte aussi à Arthur Rimbaud. Ces neuf titres denses d’horizons différents (punk, screamo, metal…), Etikal Lab - le noyau dur, Mag (chant) et Jibé (claoscillent entre 4 et 9 minutes. On est loin ici du caliviers, machines et chœurs) n’a pas changé - propose brage FM qui fait la norme ! Mais leur rage n’est pas un deuxième album ambitieux, aux compositions formatable. Beaucoup de breaks musicaux dans un même titre, une ardeur qui va crescendo. Et même si la franches et tranchées. Les musiciens vont plus loin dans leur démarche, bousculent les styles, chahutent musique est prégnante, ce sont les flots de mots qui les genres, sur onze titres charnels et habités. On prennent le dessus. Des mots-tension, des mots écoraime les sons saturés de Courir trop vite, le groove chés, des mots haranguants qui remuent nos de NG1, l’esprit 80’s de He loves boys, les voix consciences. Un exemple ? “Juste un gamin perdu, samplées sur Words of U… Les trois derniers titres, amoureux jusqu’à l’os, qui a trop gratté jusqu’à saiplus intimistes, sont des poèmes mis en musique. gner, laissant couler de son bras le mot LIBERTE. J’ai myspace.com/etikallab appuyé sur la détente : un peu de fumé.” / Fuir. Elsa Songis myspace.com/eneauxtroubles Serge Beyer (Mosaic)
GOTAINER
THE HOP LA !
“Espèce de Bonobo”
“Sans danger”
(Gatkess)
(Kicking Records / Anticraft)
Pour les plus anciens, les parallèles à faire avec les premiers enregistrements du zigoto sont évidents : Bonobo = Primitif, L’image de toi = La photo qui jaunit, Les nazes = Tranche de cake… Pour les plus jeunes, voici la preuve que l’on peut vieillir intelligemment et en forme ! Qui aujourd’hui dans la chanson peut écrire des choses aussi ludiques ou farfelues et créer des gimmicks musicaux aussi efficaces ? Seule restriction, Quéquette blues, morceau dispensable, mais c’est vrai que le sexe revient de façon récurrente chez Richard ; sauf que là, c’est pas vraiment drôle. Ce qui n’est pas le cas de l’impeccablement rétro J’éponge donc j’essuie, ou du Lunatique rock-mélodique à souhait. La tendresse est aussi au rendez-vous avec notamment le très Voulzien La faute aux filles. Signalons aussi le travail de la pochette cartonnée et du très beau livret, un plus non négligeable à l’objet ! www.gotainer.com
“C’est sans danger” dixit Laurence Olivier dans Marathon man, juste avant d’infliger une torture dentaire à Dustin Hoffman… C’est bien ce qui pourrait vous arriver avec le deuxième opus des Montpelliérains. Non que leur album soit une souffrance, bien au contraire, il s’agirait là plutôt d’une invitation rassurante à l’écoute. Prenez un ex-Sheriff (Manu) et un ex-OTH (Motch), ajoutez quelques mois de gestation et vous obtiendrez le divin enfant : oui, c’est du punk rock dans la plus pure des traditions, oui, on reste dans l’énergie revisitée “old school”, oui, c’est toujours excellent et ce, sans prendre une ride (cf. l’intro de J’ai besoin de ton aide à la PTTB). Force est de reconnaître qu’il fallait assurer pour imposer ce son-là, version frenchy, depuis presque trente ans… déjà ? Sans donner dans l’ancien combattant, ces quatre musicos sont “toujours debout, pas à genoux“ et que le spectacle continue pour notre plus grand plaisir ! thehopla.club.fr Maho
Serge Beyer
43
BRuITAGE JERONIMO
MYRIAM KASTNER
“Machine gum”
“Départs”
THE INSPECTOR CLUZO
(Stereofiction / Musicast)
K6
(Autoproduit / EMK Promotion)
“The Inspector Cluzo”
Ayant bossé avec la crème de la scène électro (Kid Loco, Ninja Tunes…), le Franco-Argentin mêle les influences : électro, hip hop, funk, rock, flamenco, tango, pour donner vie à une petite cartographie de sa géographie intime. Samples de bombes de peinture le disputent aux boucles d’accordéons hypnotiques, les riffs s’emmêlent aux scratches… Certes, Jeronimo ne révolutionne pas le genre (on pense notamment à Matthieu Herbert, maître dans l’art de sampler les sons du quotidien), mais produits des morceaux attachants, et pour tout dire assez irrésistibles : le Contact qui boucle l’album est imparable. Le tout pourrait verser dans une lounge formatée façon Cafe del Mar, mais l’ensemble véhicule un ton plus percutant. Revendiquant l’état d’esprit quelque peu modifié de la Zulu nation (peace, love unity and… machine gum !), Jeronimo en véhicule l’attitude positive, et une joyeuse persévérance dans la mixité décomplexée. myspace.com/jeronimosaer
“La marche des //”
Un long voyage. Départ Porte de Brandebourg, novembre 89. Dans la foule en liesse, deux amants se cherchent. Et puis cap sur Venise, Brooklyn, l’Angleterre… La voix fraîche et naïve, Myriam Kastner voyage léger. On se laisse allègrement transporter. Pas d’artifice, pas d’apitoiement malsain : des textes simples, mais poignants. Tout au long de l’album on retrouve le même personnage : une jeune fille, tantôt abandonnée sur le quai d’une gare ; tantôt amoureuse, portée par l’espoir d’une vie à deux… Autobiographie ? Peut-être, quand on sait que la demoiselle est née à Stuttgart, avant d’émigrer en France. Tout l’album se tient dans le même souffle, le même élan généreux et naïf. Plus proche des influences américaines, que de la variété française, une folk-rock classieuse met habilement l’histoire en relief. Départs, premier opus solo de la parisienne, transpire la générosité et l’envie. Envie de vivre… et d’aimer. www.myriamkastner.com
(Ter à Terre)
Les rockeurs bordelais frappent les esprits avec un mix très sympa de funk rythmée, de groove cuivré et de grooooosses guitares velues. Les breaks se suivent mais ne se ressemblent pas, chaque morceau est comme un patchwork survoltées. Il est clair que les Cluzo ne se prennent pas au sérieux, sauf quand il s’agit de nous faire bouger. L’esprit est résolument hédoniste et le groupe tente de synthétiser le meilleur des 70’s, 80’s et 90’s pour trouver la molécule à danser des années 00. Vu le son de la production, on se dit que ce groupe est taillé pour les scènes. Festif ? oui ! Enfin si pour vous le mot “festif” évoque Fishbones, Infectious Groove voire RATM. Les amateurs apprécieront d’ailleurs les featuring de Angelo Moore et Norwood Fischer de Fishbones justement. Ne les manquez pas : leur grosse tournée débutera en avril. myspace.com/theinspectorcluzo Eric Nahon
(Blue Line / Anticraft)
Julie Bordenave
Très design, la pochette. Surprenante aussi. Les quatre pendus rouges sang dans la cuisine immaculée intriguent… Qui se cache derrière ce titre d’album aussi étonnant que l’image qui l’emballe ? Du rock français à l’ancienne, certes un peu convenu, mais on pense aussi à Prohom sur Face au monde, à No One sur Analphabète ou Amen et à Noir Déz sur Ensemble. La ligne est claire, le duo gratte-batterie est mis en avant, bien que le chant soit prédominant. Les textes sont parfois obscurs et imagés, parfois coup de poing (“Toujours le même monde, espérer, avaler la merde que l’on frotte sur le parvis de la sagesse que l’on nous colle.“). Au total, un album qui fait la somme du néo-rock d’aujourd’hui. Sans complexes ni prétention. Et qui se termine sur ce conseil : “Dépassez vos limites !” C’est clair ? www.k6lesite.com Serge Beyer
MILK & FRUIT JUICE “Nobody
MINIMAL ORCHESTRA
MOLLY
MOUSSU T E LEI JOVENTS
listens to silent people”
“Dada Dada”
“Bang bang bang”
“Home sweet home”
(Autoproduit)
(Ozore Age / Pias)
(Autoproduit)
(Manivette Rec. / Harmonia Mundi)
Avec ce premier album, le jeune homme mystère caché derrière ce joli petit alias sucré - Milk & Fruit Juice - nous plonge avec volupté dans un bain laiteux aux courants langoureux. Sorte de folk simpliste, souvent minimaliste, où se côtoient malicieusement les cordes d’une guitare et d’un ukulélé, quelques rares fois bousculées par de discrètes percussions. L’objet s’adressera aux âmes en mal de douce mélancolie qui, blotties dans leur plaid au fin fond du canapé, aiment à se laisser aller par les comptines délicieusement banales d’une mignonne musique de chambre. Toujours chaleureux, ici entêtant, d’autre fois douxamer, Nobody listens to silent people est de ces albums que l’on écoute d’une traite, duquel les pistes ne se font jamais concurrence pour que, délicatement, se tisse avec grâce une atmosphère toute singulière. Sur scène, l’artiste est accompagné d’Orouni. Ultime raison de s’y intéresser. myspace.com/milkandfruitjuice Marion Lecointre
Découvert en 2005 par le biais d’un premier album enthousiasmant, le trio Minimal Orchestra proposait une nouvelle vision de l’électro instrumentale, résolument tournée vers des compositions proches du jazz et des expérimentations dans la veine de Squarepusher ou de Bugge Wesseltoft. On attendait de voir comment aller évoluer cette première mouture originale mais pas encore aboutie. Et c’est avec plaisir que l’on découvre aujourd’hui un répertoire plus contrasté, attentif aux mélodies sans pour autant avoir perdu en finesse. On y croise Sirplus, MC de Bristol, sur deux titres aux accents de fait plus hip hop, mais les ambiances restent clairement oniriques et s’inspirent davantage de la musique progressive pour nourrir sa drum’n’bass groovy. Avec sa référence surréaliste assumée, Dada Dada est ainsi un album instinctif, mais maîtrisé qui promet quelques belles sessions live. www.minimalorchestra.net
Panty, tutu et gratte électrique, cette Molly-là pose auréolée sur la pochette de son premier opus, et nous demande en ouverture : “Oublie ça” ! Eh bien jeune fille, désolé, mais c’est pas prévu… Fallait pas faire du rock de si bonne facture, fallait pas nous rentrer dans le lard de la sorte, fallait pas nous évoquer pèlemêle France Cartigny ou Joan Jett, voire même parfois Muriel de Niagara ! Fallait pas nous chanter : “J’ai un grand tonnerre qui vit dans mon ventre, il vibre avec la terre pendant que je tremble de tous mes os.” Non, franchement, on n’a pas envie d’oublier la Liquid Princess maintenant que l’on y a goûté ! “Il n’y a pas grand chose à faire, il n’y a qu’à me laisser faire” dites-vous plus loin ; OK, on préfère ça ! Faites donc, on se laissera faire… Heu, juste un truc pour le prochain : une reprise de Sheila, c’est totalement dispensable ! Sans rancune. www.mollyonline.org Serge Beyer
Alors que la rédaction allait allumer le chauffage, cet album arrive à point pour nous réchauffer un peu les doigts de pieds. Mis à part le premier titre, a capela, le fondateur du Massilia Sound System s’appuie sur des ritournelles issues du répertoire noir américain des années 20 et 30 pour nous livrer des textes imprégnés de bonne humeur sur des refrains gentiment militants. Cet album est un pur plaisir tant il se laisse facilement écouter. Une pagaille organisée au travers de laquelle transparaissent les souffrances, les rêves et les espoirs de tout ce melting-pot bouillonnant qui est passé, qui passe ou qui passera un jour par Marseille. Ces chansons se confondent littéralement avec l’esprit même de la cité phocéenne, sa spécificité culturelle et cet équilibre qu’elle à toujours su trouver entre traditionalisme occitan et ouverture vers le monde. myspace.com/moussuteleijovents
Caroline Dall’o
44
Aurélien Marty
Maxime Ardilouze
BRuITAGE MAGNETIC
GERARD MANSET
MEDIAVOLO
METISOLEA
“Silent storms”
“Manitoba ne répond plus”
“Unaltered empire”
“La chute et l’envol .2”
(Ozore Age / Pias)
(Capitol Music)
(Prikosnovénie)
(Cisson Cahuete / Anticraft)
Tempête électromagnétique. Saturation de l’espace. Ondes fantomatiques qui viennent perturber notre quotidien. A travers un album électro-dub sombre, le sextet parisien livre une vision pessimiste de notre monde. Malheureusement la tempête reste trop loin au dessus de la tête de l’auditeur. Un dub trop nuageux pour être accrocheur. Le pari était osé : mêler des textes à l’écriture rock à la lourdeur de l’électronique. Mais derrière un flow rap lancinant, la ligne basse-batterie semble effacée. De nombreux samplers et mix donnent le caractère angoissé de l’album. Cependant leurs efficacités s’estompent après quelques écoutes. Les nombreux éléments qui constituent le groupe sont encore trop disparates. Dommage, car on sent une véritable envie d’innover. On retiendra quelques titres, pour leurs inventivités (No protection, Amnesia). Le concept est intéressant, Magnetic mérite d’aller plus loin. magnetic.music.free.fr Aurélien Marty
Ses chansons écrites pour Alain Bashung nous avaient happés, “les mots du maître” y étant remarquablement interprétés par cet autre “grand” du paysage musical hexagonal. En ouverture de son nouvel album, Gérard Manset nous offre l’une d’entre elles, un Comme un Lego sublime et magistral, réorchestré à sa façon et tout aussi sidérant, émouvant, essentiel. On se prend de plein fouet ce texte bouleversant, d’une portée universelle. Loin des guitares rock et des cuivres prolixes d’Obok (2006), Manitoba ne répond plus se nourrit de piano, de claviers, de cordes et de chœurs. Le travail sur la voix est fin et sensible : on y retrouve “le son” Manset, ses effets de réverbération, d’écho… Les thèmes abordés sont ceux des voyages (le déchirant Le pays de la liberté, l’éblouissant Ô Amazonie), des souvenirs (Genre humain, Le pavillon de Buzenval), l’amour, l’enfance, la femme… Tous sont chers à nos cœurs et à nos âmes. www.manset.fr
Disons-le tout de go, voici certainement le plus bel objet discographique tenu entre nos mains depuis bien longtemps ! Le graphiste Romain Fournier signe ici un artwork de toute beauté, offrant en sus du très beau boîtier, une fiche cartonnée par chanson, soit plus d’une dizaine d’œuvres époustouflantes. Après une telle première impression, il fallait que le contenu soit aussi enthousiasmant que le contenant ! Annoncée comme un rock-fusion-hispano-électro, les compositions de ce deuxième album perpétuent la ligne tracée par le Volume 1 sorti en 2006 : un ska hybride chanté tantôt en espagnol, tantôt en français, abreuvé de multiple références, du flamenco au dub, du rock aux hip hop… Un mélange très dense qui, s’il peut paraître foutraque de prime abord, se révèle d’une richesse renouvelée à chaque écoute. Metisolea relève ainsi le pari et réussit à ouvrir une nouvelle voie à un genre aujourd’hui essoufflé, et ce tout en restant ludique. myspace.com/metisolea
Elsa Songis
Dès la première écoute, on nage dans la volupté. Le groupe revendique parmi ses influences le son du label 4AD. L’ensemble est effectivement porté par des réminiscences new-wave et la filiation avec Cocteau Twins est flagrante. Il serait pourtant dommage de ne voir dans ce duo brestois qu’un ersatz de la précieuse formation de Liz Fraser. Concrètement, chacune de ces dix chansons est noyée dans des nappes électroniques planantes et est souvent soutenue par une guitare saturée, mais toujours mélodique. C’est pourtant la voix majestueuse de Géraldine qui se dégage d’abord, même si celle-ci est noyée dans les effets musicaux. Et lorsque le tempo accélère, la magie opère encore mieux. C’est tout particulièrement vrai sur l’excellent et enlevé Dr Quayle. Un troisième album très cohérent dans son ensemble, à tel point qu’après avoir écouté toutes ces compositions miraculeuses, on se sent transporté hors du temps, quelque part ailleurs… www.mediavolo.net Patrick Auffret
MR OIZO
NEHR
NIKITA
NMB BRASS BAND
“Lambs anger”
“Nerfs”
“Los justos”
“100 years of musical spirit”
(Ed Banger)
(Mes Autres)
(Autoproduit / Mosaic)
(Cristal Records / Sounds)
Attendu ce troisième opus de l’enfant terrible de la french touch ? C’est peu dire. Après avoir révolutionné le genre avec Moustache et inspiré bon nombre de ses contemporains, Quentin Dupieux, puisque c’est de lui qu’il s’agit, revient avec 17 nouveaux titres d’électro-trash-funk cachés derrière une pochette où Flat Eric parodie allègrement Luis Buñuel. Et même si à présent le nihiliste parisien s’est réfugié dans l’écurie Ed Banger, c’est pour mieux la caricaturer à l’aide de beats hachés, de sons lourds et autres bizarreries malsaines. Hélas, son travail de déconstruction est trop inégal et n’atteint que rarement le niveau de son prédécesseur (Jo, Bruce Willis is dead, Gay dentist sauvent le disque). Morceaux ultra-courts, samples décalés, sons à la limite de l’audible parfois, Mr Oizo ne fait décidément jamais rien comme les autres. Ce qui le différencie, mais ce qui le marginalise également. myspace.com/oizo3000 Julien Deverre
“Le monde extérieur ne lui amène rien de meilleur” assène Audrey sur le titre d’ouverture de ce premier album, faisant suite au 6 titres paru en 2007. Le chant se balade entre Guesch Patti, Bertrand Cantat et Zazie, la musique se dit “trip rock” et influencée par Tool ou les Smashing Pumpskins. Elle oscille entre post-rock tribal et pop énervée. Ca frappe fort et sans répis. Les guitares font un mur épais, que seule la rage de la chanteuse fracasse. Ca sent la forte personnalité ! Quelques accalmies quasi acoustiques viennent quand même ponctuer la déflagration, comme un Nous sommes apaisé ou une Vapeur très mélodique. Mais tout est dit dans cette citation : “Je vais à l’essentiel, j’essaie tous les remèdes… jamais je n’ai eu de repère !” Original, quelques intermèdes de 45 secondes à 1 mn 35 ponctuent intelligemment cet opus qui, au final, nous donne surtout une envie : aller voir le groupe sur scène ! www.nehrtrio.com
Plus qu’un simple disque, Los justos est le projet d’une vie, celle de Nikita, chanteur amoureux des cultures du monde. Après dix ans de voyages initiatiques autour du globe, c’est dans les studios de Carlinhos Brown (Timbalada, inventeur du samba-reggae) à Salvador de Bahia, la plus africaine des villes brésiliennes, que le Français décide d’enregistrer ce premier album. Un court documentaire figurant sur l’album raconte d’ailleurs cette aventure (autoproduite !) aussi bien musicale qu’humaine qui lui aura permis de synthétiser engagement social et recherche de sonorités authentiques. Roots et tribaux, les douze titres ici réunis offrent une autre approche de la musique latine actuelle, au carrefour des genres, et porteurs d’une parole consciente et revendicatrice. Accompagné d’un trio de percussionnistes brésiliens et de musiciens latin-jazz espagnols, Nikita propose également à nos oreilles occidentales un rendez-vous sur scène. On espère que les salles lui feront bon accueil. myspace.com/nikitalatino Caroline Dall’o
On ne nous le dira jamais assez : ne nous fions pas aux étiquettes ! Loin d’une quelconque compilation des meilleurs tunes de fanfare du siècle, 100 years of musical spirit est à conseiller à tous les amateurs de crossovers entre tradition et modernité. Car si fanfare il y a, celle des No Mad Band BB est à cent lieues de celle à laquelle on peut s’attendre. Munis de leurs saxs, trombone, soubassophone, banjo, platines, grosse caisse et caisse claire, les NMB réinventent le genre pour donner naissance à des titres funk électro euphorisants sur lesquels se pose le flow hip hop de David Abdaioui, MC, mais aussi marteleur de grosse caisse ! Nourri aux black musics, élevé aux grains urbains, ce premier album est une machine à groover d’une efficacité redoutable. A noter parmi les dynamiteurs de formats invités, des membres de Cosmik Connection, de l’Orchestre de Radio France ou encore Ceux Qui Marchent Debout. myspace.com/nmblafanfare
Serge Beyer
45
Caroline Dall’o
Caroline Dall’o
BRuITAGE “361”
PAPIER TIGRE “The beginning and end of now”
PHOSPHO
OSTETI
THE OTHER COLORS “Osteti”
(Autoproduit)
(Effervescence / Differ-Ant)
(La Baleine)
(Autoproduit)
Le groupe nantais (rapporté des pièces de Argument, Patriotic Sunday et Room 204) a raison d’enclencher la seconde aussi vite, encore fraîchement auréolé de l’accueil de son premier disque (beaucoup de concerts enchaînés en conséquence, des voyages aux quatre coins du monde, et notamment, l’invitation prestigieuse d’Explosions in the Sky au festival ATP). Avec les deux guitares, une batterie et une voix, ils se sont fait remarquer, un peu plus que foule de bons groupes noise français. Les nouvelles compos chargent dans l’urgence, avec l’agressivité bestiale au premier plan. Mais le trio, rusé, sait aussi utiliser les silences, surprendre. Le jeu de batterie épate par sa souplesse. Les deux guitares travaillent dans une optique apparemment complexe : en fait, bluffante, toute en sécheresse et vitesse, avec des harmonies et des riffs qui touchent juste. La voix omniprésente finit d’apporter la griffe à un album très réussi. myspace.com/papiertigre
Aurélien Marty
Poursuivant l’expérimentation des territoires électroniques débutée avec le projet Rose Et Noire, et deux albums parus chez Discordian / EMI en 2003 et 2006, le duo Lambert Chambert / Marie Möör réoriente son propos, avec The Other Colors, vers des contrées plus audacieuses. Les textes de Möör, auteur pour Christophe de lyrics particulièrement séduisants (La man, J’aime l’ennui, Odore di femina), surfent élégamment sur une musicalité radicale, inattendue et souvent exubérante. Si l’écoute s’avère parfois ardue, dissonance oblige, on appréciera comme il se doit la richesse de la proposition. Parfois pop (Nous roulions dans les fleurs), 361 s’écoute comme une longue mélopée sensorielle, quoique segmentée, passionnante de bout en bout. L’écoute n’a ici de sens que si elle est exigeante et attentive, elle souffrirait de zappings inconsidérés. Le projet, à se procurer séance tenante, est exclusivement distribué via le site des artistes. www.theothercolors.com Alain Birmann
Béatrice Corceiro
On trouve au livret du disque une esthétique de nerds arty à la Hot Chip. Les Niortais partagent sûrement avec les Londoniens le goût d’une pop d’inspiration multiple, à vocation hybride, à la fois dansante et ludique. Ainsi, témoins d’une pop sans âge qui se doit d’être transmise de façon moderne. Ce groupe de rock avec guitares et claviers s’épanche dans l’indie énergique. On visite bien la pop-punk bariolée d’un Talking Heads, les déhanchements fiévreux et délirants de The Rapture ou !!!, jusqu’à croiser le fer avec un rock tapageur typé américain. Il y a aussi des petits passages planants, instrumentaux, qui tranchent efficacement avec leur posture débridée. Une certaine effervescence traverse cet album, les morceaux évoluant entre vibrations énergiques, sensations hypnotiques, pulsations névrotiques. Résultat plutôt séduisant pour une direction peu empruntée par les groupes français, jusqu’à présent. myspace.com/phospho Béatrice Corceiro
POGOMARTO
ROSA
FRANCOIS ELIE ROULIN
SEYNI & YELIBA
“Nos désirs font désordre…”
“The gift”
“Mon général”
(Trauma Social)
(Orkhêstra International)
& JOANNA SWAN “Alien robots orchestra” (Bizar Bizar / Harmonia Mundi)
Dans la lignée des Stinky Toys, Warum Joe, Ludwig Von 88, Billy Ze Kick, ou des Prototypes des 90’s, ce duo acidulé manie la pop-punk avec délectation. Et si les mélodies entêtantes fonctionnent à merveille, les paroles ne sont pas guimauve: “Supporter de tout bord, nationaliste sans le savoir, tu pollues tous les sports, légitimes le pouvoir”… “J’travaillais dans une usine avec des gros cons d’lepenistes ; quand je parlais de lutte des classes, ils me traitaient de feignasse”… D’ailleurs, les titres parlent d’eux-mêmes : Lève le poing et tend le doigt, Petit chef, Je n’irai pas travailler… jusqu’à la reprise de Brassens : Les filles de joie. Bref, la génération Berurier n’est pas morte ! Et si c’est pas nouveau ni révolutionnaire dans le genre, au moins ça a fait du bien, et c’est toujours actuel ! Et en plus, on aime leur slogan sans prétention : “Ni musiciens, ni chanteurs, Pogomarto est l’expression de deux êtres qui donnent un sens à leurs vies en créant.” www.pogomarto.net
Imaginez un film de John Cassavetes, en noir et blanc bien sûr, dont la BO aurait été confiée conjointement à Nina Hagen et à Charlie Mingus, et vous aurez un avant-goût sonore de la musique tendue de Rosa. Ni englué dans une rage dérisoire, ni engoncé dans une préciosité, ni perdue dans des expérimentations invertébrées, ce brillant quintette marseillais porte haut, un punk-jazz limpide. Ainsi, des quinze titres de The gift, émerge-t-il une spontanéité et une indépendance rares, mais aussi une noirceur sans horizon, une intimité presque anxieuse. Un son implacablement sauvage et déroutant, en tout état de cause, rehaussé par quelques touches funk et clins d’œil à des airs traditionnels. Le chant parlé et expressionniste d’Emilie Lesbros - dont on aimerait découvrir un peu plus les capacités vocales - ajoute à l’étrange attrait de ce premier album, réalisé par Sylvain Thévenard. Reste à savoir si sur scène, ce club des 5 sera à la hauteur de ses promesses. myspace.com/rosagroup Sylvain Dépée
François Elie Roulin est un compositeur méconnu (que l’on entend pourtant souvent via des spots de pub), seul Français à avoir séduit Brian Eno qui le signa sur son label Opal dès 1990 pour l’album Disque rouge. Alien robots orchestra, son dernier opus, a été conçu à la façon d’un space-opéra S-F : des robots envahisseurs succombant à la douce torpeur des années 70, mais incapables d’aimer… Une trame un peu légère, mais une transcription musicale formidablement inspirée. Toute l’esthétique de cet album repose sur le son pop rock des seventies, agrémenté d’éléments plus évocateurs les uns que les autres de l’époque ; les pianos et les violons se chargent des ambiances glam, la basse taille sa part de funk, la voix soul de Joanna Swan - chanteuse du groupe Ilya (Bristol) - souffle le chaud et le froid à travers des solos de guitare sous disto et wah-wah… Le rock sous son jour le plus orchestral se voit ici réincarné. www.francoiselieroulin.com
Quand le reggae jamaïcain rencontre les rythmes traditionnels guinéens, nous assistons à la naissance du Yankadi. Le chanteur Alseny Kouyaté, dit Seyni, et son groupe Yéliba, qui signifie “les grands griots”, décrivent cette “Afrique qui a si mal”. Chanteur engagé et militant, il raconte en malinké, sa langue natale, et en français, les aberrations d’un continent meurtri, soumis à la violence et condamné à subir le poids du monde occidental. Il chante le tourment des hommes et invite à ne pas les oublier. Guinéen, il incarne la quintessence de l’Afrique. Joint à son amour de la musique de Kingston, son reggae s’invente autour des rythmes traditionnels, du chant du balafon (instrument familial) et des skanks jamaïcains. D’ailleurs, un featuring avec Kiddus I sur le morceau One love illustre une complicité établie. Les mélodies vous restent en tête, symbole d’un quatrième album réussi. Tiken Jah Fakoly a de la concurrence ! www.seyni.com Johanna Turpeau
Un album en noir et blanc. Des sons et des couleurs venus d’un autre temps. Les fantômes d’un passé oublié. Un trio de dandys torturés échoués au XXIème siècle. Les textes chantés ou déclamés en anglais sont au centre de cette démarche artistique. Perte de sens. Perte de repère. L’errance et la nostalgie rythment chaque chanson. Sur le communiqué de presse, on peut lire “trio salm-pop rock”. Qu’est-ce que ça veut dire ? Pas grand-chose. Surtout quand on entend de la pop, du rock, de la folk, du jazz, des accents électro, des rythmiques reggaes ! La liste est non-exhaustive. Les instruments sont légions. Un véritable orchestre anachronique et poétique. Osteti s’aventure sur des espaces inexplorés. Jouant avec les codes, torturant les styles, ce premier album est un ovni ! On adore ou on abhorre. Surprise ou stupeur. Pas de concession, ni de grosse ficelle, ce disque est réservé aux plus curieux d’entre vous ! myspace.com/osteti
Serge Beyer
Cédric Manusset
46
“One caballo per seven frauen”
(V.Music)
BRuITAGE XAVIER PLUMAS PICCI
“La gueule du Cougouar”
“Double dutch”
(Encore Music / Pias)
(Modulor)
Marion Lecointre
En ces temps de renouveau du folk français, il était temps de rappeler aux petits jeunes qui est le patron. Xavier Plumas, à la tête de Tue-Loup depuis dix ans, défend plus que jamais les valeurs d’une musique rurale, rugueuse, éclairée à la bougie et au feu de bois. Pour ce premier disque solo, Plumas n’est pas qu’acoustique. C’aurait été trop facile. Ses ambiances ne sont pas non plus électriques et orageuses comme peuvent l’être celles de Tue-Loup. Le Sarthois excelle ici dans l’entre-deux et nous offre une collection de chansons claires-obscures qu’on adore écouter alors que le jour décline lentement. Xavier Plumas poétise ses sentiments dans une peinture naturaliste et bien évidemment érotique. Tout y est sans fard, mais la délicatesse est de mise. Bien sûr, les fans de Tue-Loup retrouveront les ambiances et la voix qu’ils aiment tant. Mais Xavier Plumas réussit un petit truc en plus : il nous épate avec un album tout simplement épatant de beauté naturelle. myspace.com/xavierplumas Eric Nahon
WILLIAM SHELLER
SIDILARSEN
“Avatars”
“Une nuit pour sept jours”
(Mercury)
(Hymn / New track / Annticraft)
Le “Symphoman” mélodique est de retour ! Et il nous déclare dés le départ : “Ne reste à trouver que le simple et long bonheur d’aimer.” Ce qui, avatar ou pas, est en effet juste ce qui manque à notre monde. Cette douzaine de nouveaux titres fait une sorte de synthèse de la carrière de Sheller ; on visite ici tous ses univers (de l’époque Saint-Exupéry Airway - titre censuré à l’époque par la famille de St-Ex’ - à Nicolas en passant par le grandiose Excalibur). Sont toujours présents dans son climat sépia des dames endimanchées, des vieux châteaux forts, un lord aux souliers noirs, des chevaliers rouillés et des mauvais sorts, mais sont aussi au rendez-vous des sons bien actuels sur des guitares acérées et des drums d’acier (Jet lag, Le veilleur de nuit, Camping). Un tour complet de la planète Sheller pour un opus éclatant. A signaler, le bonus Opendisc qui valorise très bien l’objet CD. Profitons-en tant que tout n’est pas encore dématérialisé ! www.universheller.net
La troisième salve des Toulousains, exemple unique d’un cross-over rock-indus aux accents autant électro que metal, additionne leurs acquis en les remodelant dans le creuset d’une forme mûrie, approfondie, plus habitée que jamais. Ici, l’agressivité se nourrit du rythme entraînant, de la pulsation dance-floor. Le travail mélodique accentué donne naissance à des compositions d’une efficacité redoutable, chacune frappant avec une précision méthodique l’oreille et l’esprit. L’influence de Nine Inch Nails ostensiblement affichée n’est pas fortuite : opaque et dense, la matière sonore se fait plus sombre qu’auparavant, comme à l’image d’une époque dont elle se nourrit autant qu’elle la renie. A coups de samples, de beats massifs et de riffs acérés, le propos se fait plus enragé et plus engagé, jusqu’à cet éloquent Appel à résistance final. Une claque, de celles qui remuent les idées reçues et remet les autres en place. www.sidilarsen.com Jessica Boucher-Rétif
Picci connaît ses classiques pop et rock sur le bout des doigts et, à l’image de la pochette, découpe, réarrange, recoupe et bidouille encore pour enfin tisser un rock foutoir quoique souvent classe et prenant. Sorte de condensé de mini tubes en devenir que sa voix nasillarde et de fidèles chœurs accompagnent avec charme et maîtrise. Mais ne cherchez pas ici de grandes originalités. Son talent : s’éclater sans prise de tête à jouer une pop-rock déjantée et sautillante, limite crade, toujours sous haute influence. D’origine italienne, adepte de la langue de Shakespeare, Picci dessine à la va-vite des titres accrocheurs au format pop (pas plus de 4 mn) sur lesquels se rencontrent les fantômes de quelques-unes de ses idoles parmi lesquels les Beatles, les Kinks, les Zombies ou encore Donovan. Pour la suite, on attendra de l’artiste ce même esprit foutraque, une bonne dose de singularité en plus. www.picci.fr
Serge Beyer
47
BRuITAGE SIXUN
SKNDR
STTELLLA
“Palabre”
“Rituals”
“AB Rose” (CD + DVD)
SWEET SIXTEEN
(Futur Acoustic / Harmonia Mundi)
(Bee Records / CD1D)
(Team for Action / Cod&s)
“Teenage Years”
Pour leurs 20 ans de carrière, les mythiques Sixun étaient remontés sur scène en 2005. On les attendait depuis sur disque. Voilà chose faite avec ce Palabre, huitième album studio et premier de ce millénaire. Le groupe phare de la scène jazz-fusion française livre un album étonnamment frais, sur lequel nous retrouvons les contributions des indéfectibles membres d’origine, dont le batteur ivoirien Paco Sery (proclamé meilleur batteur du monde par Wayne Shorter et Joe Zawinul !) et le bassiste martiniquais Michel Alibo (que l’on rencontra aux côtés de Youssou N’Dour ou d’Angélique Kidjo). Le percussionniste Stéphane Edouard, d’origine indienne, déjà croisé lors de leur dernière tournée, vient compléter les rangs. Les invités marquent en soit la modernité du projet : Oxmo Puccino, Jean-Christophe Maillard, Sam Shabalala, Nathanza, Julia Sarr… Sixun demeure, avec cet album, le détenteur d’une vision musicale colorée et métissée unique. On s’en réjouit. www.sixun.com Caroline Dall’o
Skander Besbes est un musicien et compositeur franco-tunisien qui sévit depuis plusieurs années dans la sphère exigeante de l’électronica, que les anglophones appellent “techno intelligente” (IDM). Fort de diverses collaborations musicales de renom, de concerts et d’installations sonores en Europe et en Afrique du Nord, il sort son premier album sur le label lyonnais Bee Records (Paral-lel, Cosmos70). Rituals présente une série de morceaux sombres et sans concessions, escapades épileptiques ou ambient hypnotique tournant vers l’indus. Une musique dense et assez peu mélodique, aux déluges rythmiques omniprésents et aux nappes graves et opaques. Une matière sonore concassée puis cisaillée de main de maître pour créer un univers monochrome, mais riche en relief, un paysage abstrait et mystique qui naît au sein de notre conscience d’auditeur éberlué. Et qui prend tout son sens sur scène ou la transe mentale envahit nos corps. www.skndr.com
(Autoproduit)
Rafael Aragon
A l’origine un duo belge formé par Jean-Luc et Mimi Fonck, Sttellla fut révélé à la France en signant, en 1988, sur le label indépendant Boucherie Productions. Virent le jour des albums aux titres aussi improbables que : L’avenir est à ceux qui s’éléphanteau, Manneken pis not war ou The dark side of the moule. Après 1995, en solo, Jean-Luc Fonck continue à propager humour, bonne humeur, calembours et jeux de mots, sur scène comme sur disque. On le retrouve ici en live, avec quatre excellents musiciens (place aux guitares, exit le petit synthé et la boîte à rythmes), pour une revue musicale trépidante et musclée. Pourquoi AB Rose ? Le concert se passait dans la salle de L’Ancienne Belgique, à Bruxelles, et tout le monde était en rose ! 18 titres sont proposés sur le CD, 28 sur le DVD : de quoi renouer avec l’univers de Sttellla et s’en payer une bonne tranche, d’autant plus que Mimi, avec Joséphine, assure les chœurs. www.sttellla.be Elsa Songis
JACKSON THELEMAQUE
LES VEDETTES
WASHINGTON DEAD CATS
XXMARIANI
“The source”
“Disque n°1”
“A good cat is a dead cat”
“XXMariani”
(Autoproduit)
(Cinq7 / Wagram)
(Devil Deluxe Music / Pias)
(Autoproduit)
La simplicité est souvent révélatrice des vrais talents. Après deux premiers albums sortis en 2003 et 2005, le guitariste chanteur d’origine haïtienne Jackson Thélémaque propose aujourd’hui un nouvel opus construit autour d’un trio acoustique guitare-basse-voix envoûtant. Accompagné de Nicolas Gorréguès (membre du groupe rock All Angels), compère déjà présent sur Vaudoo blues, Jackson y offre des compositions épurées sur lesquelles s’impose un chant profond, une soul qui évoque aussi bien les Antilles, qu‘un blues US ou une Afrique spirituelle. On regrette toutefois que la quasi-totalité des titres y soit chantée en anglais, ce qui restreint malheureusement la portée du message véhiculé, évoquant le déracinement, l’immigration et l’humanité en général. Les dernières chansons, enregistrées live, offrent un aperçu du charisme scénique du poète, qui ne saurait s’arrêter aux barrières de langue, si prégnantes chez nous autres Français. myspace.com/jacksonthelemaque Caroline Dall’o
Nos majorettes belges sortent ENFIN leur premier album ! On aura attendu presque un an pour écouter la version finale de ce recueil de chansons dadaïstes et foutraques, quelque part entre Gotainer et Lio. Ce Disque n°1 est à l’image de ce collectif regroupant des artistes à forte personnalité : drôle, déjanté et rock’n’roll. On adore les excellents Vive Papa (le fameux “Papa est mort”), le troublant Comme dit daddy. On se marre pas mal également quand les filles en rouge fantasment sur le saignant Joeystarr ou sur l’irrésistible Grand con. Les filles sont hélas aussi inégales et un peu fatigantes sur la longueur. Dommage, mais c’est le genre qui veut ça (qui peut écouter en boucle les disques de Constance Verluca ou Didier Super ?). Mais nos Vedettes sont épatantes sur scène où elles compensent largement les faiblesses du disque. Et elles prouvent à la face du monde qu’elles sont loin, mais vraiment loin, d’être de simples marionnettes. Même trash.
Les WDC c’est comme le Cognac : à 25 ans d’âge, c’est meilleur ! On se souvient de leurs débuts indisciplinés en 1984 : quand les Wash passent, les salles trépassent. Comment oublier un groupe psycho jetant des poireaux sur le public (cf. Go vegetable go !) ? De quoi marquer la scène alternative des 80’s. En 2006, c’est le come-back : le charismatique Mat Firehair et ses acolytes montent une revue burlesque avec Juliette Dragon et les Filles de Joie : Live in the City of Sins. Ce concert filmé avec les moyens du bord sort aujourd’hui en DVD. Le groupe s’est bonifié avec le temps. Les salles restent désormais intactes, les légumes dans les chambres froides, mais l’énergie du combo s’est amplifiée. Ils se devaient d’immortaliser leur punkabilly show version cabaret. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, en sus un CD best of de 23 titres dont 5 inédits, que demande le peuple ? Les chats sont morts, vive les chats ! www.washingtondeadcats.com Maho
Groupe de scène, les Lyonnais ouvrent leur deuxième EP (aux allures de très honorable premier album) avec un morceau enregistré en live ; belle façon d’incarner la nature instinctive et impétueuse de leur personnalité musicale dont la rage forme le cœur. Les compositions tendues par l’urgence, aux échos évidents de Noir Désir, sans n’être qu’une vaine redite, ont les instincts du grunge, son âpreté déglinguée et rocailleuse. Ici mélodiques et orientalisantes, là d’une nonchalance sombre ou plus souvent orageuse, les guitares s’électrisent jusqu’à la fusion et la saturation. Point de cristallisation de ces forces brutes, le timbre écorché de Laurent porte des mots frémissants de tension qui disent l’amertume ou la saine colère, explore ses limites, s’entourant d’un son brut et sans fioriture, entièrement tendu vers son exutoire, d’une beauté rude. myspace.com/xxmariani
Eric Nahon
48
Efficacité et fraîcheur sont les maîtres-mots de ce premier album des Sarthois qui cultivent une power pop adolescente gorgée d’accords simples mais jamais simplistes. Fort de son expérience live passée (leur guitariste notamment est issu des rangs de Bell Œil), le quartet privilégie la spontanéité et nous livre un son pris sur le vif, enregistré à la maison. On décèle un air d’Oasis dans ces compositions où la légèreté des mélodies fait corps avec l’énergie rock des guitares. Les lignes rondes, le chant impertinent, les arrangements pop délicatement acidulés et ces histoires, quotidiennes et accessibles, qui se racontent au gré d‘une certaine insouciance lorgnent ostensiblement outreManche, mais aussi du côté d’une Amérique plus libérée du format tube. Les morceaux de cet album n’en restent pas moins durablement accrochés à l’esprit qu’ils imprègnent de leur évidence. www.sweetsixteen.fr
Jessica Boucher-Rétif
Jessica Boucher-Rétif
BRuITAGE BLACKPOOL “French f**ckers” (Two Kidz Rec.) On pourrait les rapprocher de Stuck in the Sound pour leur indie-rock impétueux, mélodique et énergique, avec un chanteur débridé. Des ressources autant puisées dans un punk frondeur que dans une pop un peu ivre. Ils ne cachent pas leurs ambitions avec ce premier album alliant rock et machines, taillé pour ce qu’on appelle le dancefloor. www.blackpoolsucks.com BC
EN BREF
THIERRY BLANCHARD “Au femmes, etc.” (Les Grandes Roues) En effet, vu les nom des chansons (Hélène A, Elodie, Pola K, Isabelle, Amandine, Selma), on comprend le titre de l’album ! Faut dire que le sujet mérite bien plus qu’un album… Et ce nouveau venu dans la chanson semble maîtriser le sujet ! Son folk-rock fait mouche, les onze morceaux ont chacun leur univers, tous fort sympatiques. De plus, sur scène, le jeune homme est touchant. Prometteur. www.thierryblanchard.com SB BLIZZAR B “Royal spleen” (B Prod) Vous avez dit Blizzar ? Comme c’est étrange en effet ! D’inspiration Blondie des 80’s qui aurait écouté Billy Ze Kick pour créer un être hybride et totalement actuel, cette B.B punky-mélodique n’a peur de rien et nous offre là un bel univers original mariant hier et aujourd’hui avec brio. On en reparlera ! Tube en puissance : Bordel. www.blizzar-b.com SB BOOLFIGHT “From zero to one” (Last Wonder Lions / Anticraft) Aïe, nous voilà en présence de l’un de ces groupes survendus avant d’avoir vraiment fait ses preuves. De talent, les Antibois n’en manquent certes pas : mélodies accrocheuses, relent indie rock (Pixies en tête), énergie (trop ?) savamment dosée… On aimerait une production un peu moins proprette, voire même quelques faux pas, pour accrocher totalement à ce premier album. myspace.com/boolfight JB CHKL “061177” (Autoproduit) Prononcez “chacal”. Effectivement, CHKL rode comme un mort de faim sur les velléités roses du hip hop toulousain. Ses breaks rongent tout os mélodique jeté à leur portée, menés à la baguette par Denis Degioanni (Nonstop / Diabologum). Chant scandé et sons électro concassés restent les aliments préférés de ces angoisses à haut-débit. myspace.com/chakaltemmerde VM DJIALLA DJII “De l’avant mais surtout loyal” (Les-independants.com / Mosaic) Ce rappeur d’origine malienne, arrivé en France à l’âge de cinq ans pour soigner sa tuberculose osseuse (il perdra la vue), vit désormais en Normandie où il se consacre à son art. Finaliste du concours hiphop de Rouen en juillet 2008, il sort ce premier album à l’automne. Les sonorités et les rythmiques africaines ou latines, chaloupées, servent des propos sensibles et engagés. myspace.com/djialladji ES THE IRRADIATES “First radiations” (Productions de l’Impossible) Les sons de guitares se mettent à vibrer à l’infini, les effets s’intensifient, la batterie propage des rythmes chaloupés, se tournant de façon plus violente à l’occasion. Avec cette bande-son sous le soleil radioactif de Besançon, The Irradiates invitent à se rafraîchir sur les vagues. Du surf énergique avec un concept rigolo. myspace.com/theirradiates BC
plus ou moins resserrée. Du post-rock instrumental pas nouveau mais bien vivant, tourné vers les étoiles. www.stellardrive-music.org BC
GENEVIEVE LALOY “Hirondelles” (Homerecords / Polyson) Issu d’un spectacle qui se veut tout public, cet album nous entraîne dans un domaine très jazz/musique du monde et de haut niveau musical. Avec une voix rappelant celle de Paris Combo, Geneviève Laloy nous fait voyager au travers de textes énergiques, à la diction parfaite, évoquant l’enfance sans toutefois surjouer. Tournant essentiellement en Belgique, nous attendons avec impatience de la voir sur scène. www.genevievelaloy.be MA
THIRD SHOT “The way you smile when you leave” (Autoproduit) Formation parisienne jetant un pont entre sonorités nu jazz et lignes de double bass, saccadées de beats électroniques, le groupe navigue entre deux univers. Porté par la voix chaude et puissante de Lisa Spada, dont les influences soul et gospel transpirent, ce premier opus est prometteur. Quelques titres hypnotiques glissent vers un bon trip-hop, amenant cependant une certaine froideur. myspace.com/thirdshot IL
ROMAIN LEFEVRE “Mademoiselle” (Autoproduit / M20) Impossible de rester insensible à la voix de ce jeune Lillois. Hargneux, sincère, le Ch’ti livre ces états d’âmes. Ca gueule, ça crie, ça pleure, ça souffre… touché au cœur et aux tripes, on se sent tout de suite interpellé. Lorgnant du côté de la folk, Romain offre un rock subtil, mélodique, tout en retenue. En un mot : la grande classe ! On attend la suite avec impatience… myspace.com/romainlefevre AM
VALHERE “Attrape-moi” (Mon Slip / Warner) Un timbre singulier et une écriture spontanée définissent à merveille ce bout de femme. A l’origine, l’alACAPULCO 44 “Northern lights” (Apollo Prod) Premier EP pas désagréable pour ce quatuor de rock indé originaire de St-Brieuc qui fait preuve d’une belle énergie au service de compositions malgré tout assez classiques dans le domaine.Restent une voix acide et des riffs abrasifs pour apporter une coloration pop efficace de bonne augure (Airport departure lounge qui lorgne vers le Nada Surf des débuts). myspace.com/acapulco44seb JD
MAXIS
MAUD LÜBECK (Plouf Label) La Parisienne, auteur-compositeur-interprète, nous fait découvrir dix de ses créations sous la forme d’une démo de 26 minutes. Nous savourons une à une ses chansons, aériennes et délicates, aux mélodies ciselées avec élégance. Nous mesurons l’ampleur de son talent et de son originalité dans Je t’aimais trop ou La traversée. Un premier “vrai” album studio est en préparation. myspace.com/maudlubeck ES
LE BAL DES TREPASSES (Autoproduit) 5 titres, 5 tableaux, l’EP s’écoute comme on assiste à une pièce de théâtre. Dans la belle langue de Molière les six Parisiens offrent une vision shakespearienne du monde. Accordéon, guitare, clarinette, violon… l’ambiance de Montmartre se mêle à des textes angoissés : un burlesque efficace et accrocheur. On est vivant, profitons-en ! C’est le message des trépassés. myspace.com/lebaldestrepasses AM
MARKOVO “Heligoland” (Division Aléatoire / Anticraft) Voyage éclaté de Moscou à Barcelone, du rock à l’électronica, Heligoland est un jeu de construction sonore et instrumental, entre pistes intimistes et décollages plus prononcés. Le groupe pratique un collage d’ambiances qui prend toujours à revers. Il faudra apprécier la dualité entre un assemblage mécanique de machines et des guitares rock ou psychédéliques. myspace.com/markovo BC
BEA (Autoproduit) Cette jeune Espagnole a tout d’un volcan en sommeil qui ne demande qu’à entrer en éruption. Avec ce maxi, elle nous comble de joie et d’impatience. Son impertinence et sa désinvolture sont tellement agréables ! Il est si rare de sentir une énergie aussi positive, tant au niveau de ses textes que de ses arrangements. Vivement le deuxième album. www.beazik.com JT
MASALA “The drifter” (Metal Freaks / Destruction Inc.) Metal tribal, pop mélancolique, chant en anglais, en français… Les influences de Masala sont un véritable inventaire à la Prévert. Le trio se perd en conjectures et l’auditeur accroche difficilement. Dommage, car la qualité technique des musiciens est a couper le souffle. Un solo de batterie digne de John Bonham ouvre l’album, sans oublier le couple basse-guitare vraiment groovy. myspace.com/masalatrio AM
CARABINE (Vicious Circle) Un son résolument nouveau et inspiré, tour à tour rock-électro “GHB”, dansant (clin d’œil à J’veux pas rentrer chez moi seule), moqueur (J’ai la honte pour les jeans délavés), ou engagé avec humour (Marre du taf) cette Carabine-là (au chant masculin) à plus d’une balle dans son calibre. Vivement la déflagration de l’album ! myspace.com/carabine SB
PRESQUE OUI “Peau neuve” (Sostenuto / L’Autre Distribution) C’est dorénavant seul que Thibaud Defever poursuit l’aventure sous le nom de Presque Oui, depuis le décès de la chanteuse du duo, emportée par un cancer en 2006. Le Lillois, au chant et à la guitare, fait Peau neuve avec onze titres à l’humeur douceamère, à l’humour en demi-teinte. Il nous raconte avec tact des petites histoires du quotidien, drôles ou graves, tristes ou légères. www.presqueoui.com ES
FANFAN “Comme personne” (Autoprod) Quelle joie que de découvrir un groupe de chanson avec cette audace poétique et musicale. Les sonorités colorées entre rock, bossa, valse d’Est ou jazz oriental, soutiennent avec talent la voix passionnée du chanteur, dont les textes riches vous alpaguent sans vous demander votre avis. Multi instrumentistes, les artistes s’amusent de vos émotions et suggèrent votre attention. www.monfanfan.com JT
STELLARDRIVE “Omega point” (Only4stars / Anticraft) Premier disque conçu comme un vol spatial, avec la montée du décollage, les turbulences, les sensations de perte de contrôle… Tout est retranscrit musicalement avec guitares, basse, batterie, un peu de clavier. Les Bisontins misent sur l’intensité nerveuse,
MOONJELLIES “Jellies making friends under a cloudless sea” (Autoproduit) Ces Tourangeaux ont assurément l’esprit rêveur, ce qui ne les empêche pas de s’appliquer à construire intelligemment leurs morceaux. Aidés par des réfé49
bum était conçu pour être musicalement sobre. Finalement, elle décide de signer les arrangements avec Gustavo Beytelmann, collaborateur de Gotan Project. Puis sous l’influence de Denis Barthe, Jean-Paul Roy (Noir Désir) et Vincent Bosler, le disque devient carrément rock. myspace.com/valhereenmer JT ZEN ZILA “Gueules de Terriens” (AZ / Universal) Annoncé pour mai, sorti finalement en octobre dernier, le nouvel et quatrième album de la formation de Villeurbanne est estampillé chanson française dans la lignée Négresses Vertes, avec des arrangements arabisants accrocheurs. A noter un joli duo avec l’ami Rachid Taha sur un Galouli exotique. myspace.com/zenzila CDO
rences indiscutables (des Beatles à Elliott Smith), ils bichonnent une pop mélodique et lumineuse. Piano ou cordes habillent bien les abords mélancoliques, les solos de guitares bien présents donnent aussi une ampleur expansive. myspace.com/themoonjellies BC ROYAL ARCHE (Autoproduit) Quel drôle d’univers ! Cela démarre avec grandiloquence, une espèce de pop foisonnante et euphorisante particulièrement accrocheuse. Bienvenu dans l’arche royale de Pascal Bizet. Avec son compère Cyril Erkens, ils forment un duo touche-à-tout. Le résultat, particulièrement touffu, brouille les pistes avec talent. C’est mélodique, saturé, diversifié, véritablement inspiré, et en plus chanté en français ! myspace.com/royalarche PA SIM#6 (Pulsar) Un nom imprononçable, un visuel cartonné différenciant, et surtout une électronica vivante et pas cheap pour un sous, c’est ce que propose ce jeune Lillois qui a beaucoup écouté les Notwist et Nick Drake, sans s’en satisfaire pour autant. En samplant ses voix, guitare et clavier, il approche également la classe de Why? et l’intimisme de Jim Noir. La claque ! myspace.com/simdiese6 JD THE SMALL TIES “Alright” (Autoproduit) La petite sensation garage du moment nous arrive de Lyon où trois jeunes gens en cravate ont décidé de s’attaquer au rock n’roll américain des Stooges (Alright) et des MC5 (Fuckin’ magazine) sur un cinq titres autoproduit de très belle facture, tant au niveau des instrumentations qu’au niveau de la voix très proche de celle de Pelle Almqvist des Hives. Défoulant ! myspace.com/thesmallties JD SUPERNORMAL “Nos vies électroniques” (Autoprod) Raz de marée shoegaze, virage pop mélodique, tirade power-pop bien balancée, rock teigneux. En 4 titres désordonnés, tout l‘art de Supernormal : des Stone Roses à Dinosaur Jr, jusqu’à Gamine, un triangle furieux et efficace, parce que les quatre Bordelais, en cancres parfaits, le prennent avec une nonchalance superbe. myspace.com/supanormal BC ZIMMER LANE “Démo” (Autoproduit) Et si le Vaucluse avait trouvé son Bright Eyes? Car cette jeune formation a tout pour réussir là où tant d’autres ont du mal à égaler le modèle américain : une belle voix grave, des arrangements de folk électrique alternant entre pop, country et passages plus sombres. Des ingrédients essentiels auxquels s’ajoutent chœurs et cuivres, pour mieux faire ressortir la lumière. myspace.com/zimmerlane JD
CA GAvE HUMEUR & VITRIOL
Au pays de Candy a bonne volonté peut vite devenir légèrement exaspérante lorsqu’elle s’accompagne d’un zèle missionnaire sans aucun rapport avec la position du même nom. Il existe en France, pays qui compte autant d’organismes à la bienveillance rancie dans l’assurance de leur devoir salvateur que de sortes de fromages, une manie de veiller au respect de principes, certes forts louables, mais que l’on appliquerait avec plus d’enthousiasme sans la chafouinerie pesante desdits organismes. La HALDE en fait partie, à qui l’on a donné pour consigne de se débrouiller pour que l’on n’appelle plus un chat un chat mais un félidé domestique à ronronnement sonore ; un noir, une personne de couleur heureuse de vivre aux EtatsUnis ; un vieux, un senior et un crétin, une personne à compréhension limitée du fait d’une éducation déficiente dont il ne peut être tenu pour responsable. J’en ai quelques-uns dans mon entourage mais je préfèrerais quand même un chat, dusse-je ne pas l’appeler par son nom. Les autres, je ne les appelle pas du tout. D’ailleurs, ils n’ont pas le temps : ils travaillent à la HALDE.
Car la Haute Autorité a trouvé dans ces lectures un enfer de vexations et d’imageries humiliantes auprès desquelles une soirée SM ressemble à une réunion Tupperware. Il appert que l’on devrait réserver à ces écrits sulfureux le même sort que l’œuvre intégrale du Marquis de Sade ou que la biographie illustrée d’Emile Louis : ne pas les laisser aux mains de ces chères têtes blondes avant qu’elles n’aient fait bien pire par elles-mêmes. Car on y fait subir aux minorités non-européennes, non-cadres, non-adultes d’âge moyen, non-blanches et nonbanales, des humiliations dont elles ne se remettront qu’en endossant le rôle de victimes qui sied bien à ceux qui n’ont d’autre talent que celui de se plaindre. Rendez-vous compte : on y trouve une photo de femme voilée pour illustrer un texte sur la Turquie ; les handicapés ne sont pas représentés dans des situations que la HALDE estime valorisantes, à savoir en personnes dynamiques, apportant leur écot à la société (comme c’est valorisant d’être actif et d’avoir sa place bien chaude dans notre société !) ; que pour parler de l’Afrique, on y montre un enfant maigrelet qui tend la Et notamment à la confection de rapmain, etc… Pire encore : moins de ports édifiants qu’ils se relisent entre 10% des écrivains cités en littérature eux en poussant des gémissements sont des femmes. Comme si, avant la extatiques de satisfaction benoîte, rapdeuxième moitié du 20ème siècle, les femmes avaient eu une production litports dont on peut regretter qu’il ait téraire représentant plus de 10% du fallu procéder pour leur impression (qui total. Comme s’il fallait cacher que la n’impressionne personne, soit dit en Turquie est un pays majoritairement passant) à l’abattage navrant d’arbres musulman. Comme si l’Afrique ne creséculaires aux troncs noueux et chevait pas de faim. Ca n’est pas propre nus, à l’ombre bienfaisante desquels il de crever de faim dans un manuel scofait bon profiter d’une salvatrice fraîlaire, c’est un préjugé. Et comme si les cheur gorgée de senteurs humides mesures dérisoires pour aider les hanlorsque Phoebus darde ses rayons ardents aux saisons chaudes et lénifiantes où les femmes se parent d’une langueur dicapés empêchaient la plupart d’entre eux de pourrir dans des établissements turpide et revêtent des atours vaporeux laissant à peine deviner une légère moi- sous-financés car il vaut mieux aider les banques que les boiteux. teur luisant sur leur peau nacrée… Heu… Bon, bref, effeuillons les femmes mais Pour la HALDE, il faut élever les enfants dans un monde cotonneux qui suinte la ne tronçonnons plus les arbres pour imprimer de tels chapelets de conneries. guimauve tiédasse, où les handicapés sont bon-pied, bon-œil (dussent-ils n’en Le dernier rapport en date portait sur “la discrimination et les stéréotypes dans avoir qu’un) et où les Africains ont des maladies rigolotes dont ils s’accommodent les manuels scolaires”. Pour commencer, nul n’aurait le front de douter que les avec une légendaire bonhomie. Et puis, une fois bien anesthésiés par cette bonne chers esprits fragiles, purs et malléables des élèves s’inspirent uniquement de conscience dégoulinante d’une hypocrisie de nantis pétant la forme, on les lâces évangiles républicains pour bâtir l’essentiel de leur Weltanschauung (leur chera dans le monde joyeux de l’économie où ils feront une excellente chair à conception du monde, en français, mais ça pète grave comme ça et il faut que canon lobotomisée en douceur, ignorant que l’on vit dans un univers de loups j’amortisse mes années d’études d’allemand qui ne me servent à rien depuis où les organismes bien-pensant, dispensateurs d’un politiquement correct qui que l’on ne peut plus dénoncer ses voisins à la Kommandantur) et pas du tout s’apparente à une philosophie de l’aveuglement, jouent le rôle de chiens de berdes émissions télévisuelles qu’ils délaissent avec dédain pour s’abîmer avec dé- gers collabos chargés de veiller à la tranquillité du troupeau pour qu’il se laisse lice dans la lecture assidue de ces passionnants ouvrages agréés par l’Académie. dévorer sans stress. C’est bien connu, le stress gâte le goût de la viande. Et si C’est dire si leur importance est vitale pour la formation d’une génération de ça attire les mouches, ça fait du boulot en plus pour la HALDE. héros immaculés au regard d’acier qui forgeront sur le brasier de notre monde Jean Luc Eluard en fusion les outils d’un avenir glorieux où la HALDE n’aura plus à sodomiser les diptères pour justifier son existence.
L
50