le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS ! #49 - AvRiL / JUin 09 DOMINIQUE A KARKWA . GHINZU NEVCHEHIRLIAN ALEXIS HK . MAJIKER
CONCOURS Vieilles Charrues Francofolies N&Sk à Sziget
JAVA
Pierre Wetzel
Venez fêter les 10 ans de Longueur d'Ondes le 14 juillet aux Francofolies de La Rochelle en compagnie de La Rue Kétanou ! Gagnez vos places pour le concert du 14 juillet aux Francos, avec Pep's, Caravan Palace, Goran Bregovic, La Rue Kétanou et Birdy Nam Nam. Modalités du concours : confectionnez une carte postale la plus originale possible (format A4 maximum) et envoyez-la à : Longueur d'Ondes - BP 50 - 33883 Villenave d'Ornon cedex. 60 places offertes par tirage au sort. Envoi avant le 15 juin cachet de la poste faisant foi. Conditions : un seul envoi par foyer.
Soyez l’envoyé spécial de Longueur d’Ondes au festival des Vieilles Charrues à Carhaix ! Gagnez le voyage + hébergement + passes VIP pour deux personnes. Votre compte-rendu du festival sera publié dans Longueur d'Ondes. Modalités du concours : écrivez une chronique d'un concert francophone qui vous a plu récemment (entre 1500 et 2000 caractères). Envoyez à Longueur d'Ondes - BP 50 - 33883 Villenave d'Ornon cedex Notre Comité de Rédaction sélectionnera la meilleure chronique. Le gagnant partira (accompagné de la personne de son choix) aux Vieilles Charrues (transport en bus au départ des grandes villes françaises avec www.ontours.fr). Hébergement camping (prévoir tente). Envoi à faire avant le 15 juin cachet de la poste faisant foi. Conditions : être majeur, un seul envoi par personne.
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MARCHE OU BREVES
, Y’A 20 PIGES ! N°24 / Printemps 1989
DEBOUT LES MOTS
Tiens, il y a vingt ans dans Longueur d’Ondes nous faisions (déjà) gagner des places pour les Francofolies de La Rochelle et nous publiions une rétrospective du Printemps de Bourges. En 2009, fidèles, nous sommes toujours présents aux côtés de ces deux festivals majeurs. Au sommaire de ce n°24 : Etienne Daho (“Je fuis le monde de la morale, toute forme de sérieux, d’installation, toutes ces choses que je voyais chez mes parents, chez les profs, et qui étaient pour moi le sommet du cauchemar que je voulais fuir.”), Les Négresses Vertes (“Nous écrivons des choses noires et sombres avec humour, parce que l’humour est une façon de vivre et ça peut aussi être une arme !”), Bérurier Noir (“Oui, il faut dénoncer TOUS les fascismes. De droite comme de gauche.”), Brigitte Fontaine (“Soi-disant qu’Areski et moi sommes marginaux, bizarres… Je ne comprends rien aux gens du show-business ! Je suis braquée sur la liberté intérieure, la rigolade et une poésie plus heurtée, plus sauvage et colorée qu’avant.”), Graziella de Michèle (“La vie est un grand cirque ; la seule chose dont je n’arrive pas à parler, c’est du bonheur !”) et Alain Bashung, qui venait de sortir le sombre et désormais mythique Novice, de poser dans Elle et de passer à l’émission La marche du siècle… L’occasion pour nous de parler avec lui de son rapport aux médias et au monde. Réponses d’un artiste impliqué et à l’écoute : “Un artiste engagé, ce n’est pas forcément mauvais. Je pense à l’écologie. On n’a pas envie de voir la terre entière se transformer en poubelle. Il reste encore des artistes utopistes qui rêvent un peu d’absolu. De temps en temps ils attirent l’attention sur des choses pour les mettre en images et en valeur. (…) Si les prises de conscience passent par les médias, pourquoi pas. C’est le cas de Sting par rapport à ce qu’il fait pour l’Amazonie. (…) Ce qui est nouveau, c’est que le monde peut penser à la même chose au même moment, et s’il arrive un truc merdique à un endroit, il y a des répercussions. Ca n’existait pas avant. On pouvait foutre le bordel à l’autre bout du monde sans que ça se sache. Aujourd’hui, ça n’est plus le cas. Avant l’artiste en parlait dans ses chansons, il était “rive gauche” ; à présent il s’implique et il est “pop-star”. Mais pourquoi pas, puisque dans une certaine mesure, il espère toujours changer le monde. C’est un peu comme les bonnes sœurs dans un couvent qui envoient une énergie positive pour contrebalancer la saloperie ambiante… Je crois en ces espèces de forces, d’ondes. J’ai besoin d’y croire…” Serge Beyer
Jusqu’au 31 juillet, proposez des textes «à dire ou à chanter» sur des compositions originales disponibles sur www.deboutlesmots.com. Le thème de cette quatrième édition, parrainée par Eric La Blanche, est l’enfance. Le jury, composé de créateurs et de professionnels de la musique, retiendra douze plumes dont les œuvres seront jouées en public à l’occasion d’un spectacle aux Trois Baudets à Paris en septembre 2009, en clôture du Festival des Attitudes Indépendantes.
P… 20 ANS ! A Poitiers, on fête les 20 ans de la Fanzinothèque, structure qui soutient activement les zines et la presse underground. Pour souffler les bougies, de nombreuses actions vont se dérouler au Confort Moderne. Au programme : rencontres avec des créateurs artistiques de fanzines américains et européens, expos, présentation de numéros sérigraphiés, mais aussi performances, ateliers, installations… Et cerise sur le gros gâteau, des concerts à gogo avec entre autres The Intelligence et The Magnetix. www.fanzino.org
EVASION EN GIRONDE Dans la région bordelaise, le pôle culturel Ev@sion, situé à Ambarès et Lagrave, voit le jour sur l’emplacement d’un ancien cinéma. Une structure culturelle qui souhaite offrir des échanges pluridisciplinaires pour le spectacle vivant. Un équipement multimédia de pointe est également alloué au site afin de permettre la création artistique sur les nouveaux supports visuels. Une volonté réelle d’offres culturelles de proximité privilégiant l’accès à tous publics.
DES OGRES EN CADEAU Pour leur dernière tournée en cours «Fin de chantier», Les Ogres de Barback offrent à chaque spectateur un double DVD enregistré lors de leurs dates à l’Olympia. Action forte et indépendante. Pour ne pas se ruiner, le groupe a eu l’excellente idées d’acheter 30 000 DVD et de répercuter son prix de production sur les billets d’entrée (qui restent à une vingtaine d’euros). Pour ceux qui ne peuvent pas découvrir ce show haut en couleurs et en instruments de tous genres, ils peuvent l’acheter dans tous les points de distribution classique. www.lesogres.com
LYON’S TOUR La région lyonnaise accueille un nouveau venu parmi ses acteurs culturels. Une structure de production et tournées d’artistes (bref un tourneurbooker quoi !) nommée Chacun Son Tour. Un catalogue d’artistes en développement avec déjà pas mal de belles dates prévues. Pour découvrir de nouveaux talents, allez poser une oreille curieuse sur myspace.com/chacunsontour.
HIP HIP HINT Après huit ans d’absence, le groupe angevin Hint entame ce printemps une tournée avec EZ3kiel. L’électronique noise de Hint faisait merveille dans
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les années 90, en quelque sorte l’autre french touch. Pas d’information encore sur un éventuel album, seul écho encore actif : le label légendaire Pandemonium, le site du groupe étant aux abonnés absents depuis longtemps. Rappelons qu’Arnaud, la moitié de Hint, officie aussi au sein de La Phaze. www.pandemoniumrecords.com
A LIRE 1 «La chanson francophone engagée, de Brassens aux Cowboys», par Lise Bizzoni et Cécile Prévost Thomas, Ed. Tryptique (www.tryptique.qc.ca). Quoique difficile à cataloguer et loin d’être un «sous genre» il apparaît qu’au fil des générations la chanson engagée a acquis ses lettres de noblesse, de Brassens à Bérurier Noir en passant par Loco Locass, ou encore Les Cowboys Fringants pour ne citer qu’eux… La force du présent ouvrage est d’élargir les frontières, sortir du cliché pour explorer la singularité de l’objet et mieux apprécier la pluralité de cette fameuse expression, à travers différentes approches qu’elles soient littéraires, musicales ou sociologiques… Bien plus qu’une étude cet indispensable ouvrage révèle également les enjeux culturels politiques de notre société contemporaine. Franck Billaud
A LIRE 2 «Nilda Fernandez, carnet de notes», les Chants du monde, Presses de la Renaissance. Si l’on connaît beaucoup d’autobiographies ou de biographies de carrières chansonnières, il faut reconnaître que les journaux intimes ou de voyage sont plutôt rares. En voici un de qualité, celui de Nilda Fernandez qui décrit au jour le jour ses aventures et ses rencontres entre la Russie, la France, Cuba, Israël et l’Argentine. Parmi ses rencontres avec les artistes, avec qui il collabore parfois pour un projet, nommons Georges Moustaki, Lopez-Nusa à la Havane, Francis Cabrel et Claude Nougaro, mais aussi Serge Heughebaert, écrivain et psychologue, Anna Popova de la mairie de Moscou. Le chanteur évoque au passage son enfance barcelonaise, sa visite du Festival du film de Moscou, celle du marché pirate de Garbushka, de la Journée de la poésie à Lourdes… Entre septembre 2003 et le 27 décembre 2005 c’est tout un pan de la vie éclectique et toute simple de Fernandez que le lecteur découvre. J-N Desurmont
FERMETURE ANNONCÉE… Les activités concerts de la Flèche d’or, une salle pilier de la scène live parisienne, pourraient s’arrêter bientôt. En cause : une procédure engagée par le voisinage pour nuisances sonores qui traîne depuis un an et demi, et le montant des aménagements beaucoup trop élevé pour insonoriser cet ancien hall de gare. Les groupes de soutien sur Facebook vont bon train… Depuis 2006, la salle emblématique a offert une vitrine à plus de 2600 artistes ou groupes. La suite ? Elle appartient aux actionnaires de la société privée. www.flechedor.fr
Marylène Eytier
ON Y CROIT
Aena Léo
Le Larron
D.R.
“La valse des enragés” - Dionysiac/ Pias - myspace.com/zoneppfc P comme potes. C’est d’abord l’histoire d’une bande de copains du lycée qui, après les cours, se mettent à taquiner leurs instruments pour occuper les longues soirées d’été. Leur nom, PPFC, vient de celui du jardin où ils se retrouvaient pour jouer : Petit Parc Football Club. “Si vous préférez, on peut aussi dire Petite Picole pour Financer la Culture ou Partis Pour Faire un Carton !” plaisantent-ils. Très vite, les premiers textes fusent sur les cahiers et ils enchaînent les concerts dans les cafés. P comme poésie. Virgile Consoli (piano) et Pierre-Marie Alméras (guitare) cisèlent des textes fins et palpitants, souvent inspirés d’expériences personnelles, comme sur Mon petit diable, où la tentation des corps l’emporte, ou sur Les mots ont leur raison, touchante pièce évoquant la difficulté que certains ont à mettre des mots sur leurs émotions : “Nous essayons de ne jamais limiter une chanson à l’anecdotique et de donner aux mots un sens assez ouvert pour que chacun puissent y trouver le sien.” F comme fête. Sur scène, les sept musiciens dégagent une énergie brûlante et dingue, qui a quelque chose à voir avec le nombre de leurs instruments : guitare, basse, piano, saxophone, violon, violoncelle et, depuis deux ans, une batterie qui a insufflé une jolie fureur rock à leurs titres. C comme chanson. Les deux chanteurs posent leurs voix d’une façon qui n’est pas sans rappeler les Ogres de Barback ou La Rue Kétanou. Mais l’accompagnement est loin de se limiter à la chanson. Tour à tour, les titres butinent du côté du rock, du ska ou de la valse, et sont régulièrement habillés d’un lyrisme lumineux par les cordes : “Nos goûts musicaux à tous les sept se mêlent et fusionnent, nous travaillons pour que tout colle”, expliquent-ils. Eh bien ça colle, et mieux encore : ça groove et ça bouillonne !
Alexandra Lebon
PPFC
Cabadzi
& L’Orchestre de la Révolution Foraine
“Emeute de souffles” - Autoproduit - myspace.com/cabadzi C’est l’histoire d’un trio aux univers divers, aux horizons variés et aux goûts musicaux différents. Un combo presque improbable qui livre un projet étonnant et détonnant. Une rencontre un peu magique qui a vu naître un son particulier, leur son. Tout d’abord il y a Lulu au chant et au texte. Son parcours c’est l’écriture : “J’abandonne rapidement l’enseignement des Lettres Modernes pour m’atteler à l’écriture de spectacles. Ce n’est que tardivement que je décide d’interpréter mes propres textes.” Puis Vikto sévit au beatbox. Exposant son art lors de battles, il décide de passer à la composition : “Mes influences musicales sont plutôt variées. J’aime autant écouter DJ Shadow que Radiohead.” Les voix qui hantent les morceaux sont d’ailleurs faites par ce technicien vocal qui amène une rythmique hip-hop. Enfin il y a Lucie, amatrice de musiques lointaines et de chanteuses jazz. C’est au Cameroun qu’elle passe une grande partie de son enfance et qu’elle y apprend les chants liturgiques des Bamileke. Les musiques traditionnelles l’ont depuis toujours interpellée, qu’elles soient yiddish, tziganes ou éthiopiennes. Le trio s’est rencontré lors de la création d’un spectacle 13èmes à table qui mêlait hip-hop, cirque et musiques du monde. Après quelques représentations, ils décident de continuer à travailler ensemble. Les compos se font par étape, mais chacun rentre dans le processus de création : “Nous composons à trois : Lulu amène les textes, Vikto propose une rythmique accompagnée d’un gimmik, puis Lucie étoffe et réarrange souvent ce gimmik. Enfin, Lulu récrit son texte et travaille sa “pose”, puis on retravaille le rythme, etc.” Un vrai travail d’équipe. Le résultat est plus que réussi : des textes profonds, des rythmes novateurs et surtout une inventivité incroyable. Une Emeute de souffles qui vous laisse sans voix. Isabelle Leclercq 6
s/t - Milk / Anticraft - ww.lelarron.com Il nous reçoit dans le studio d’enregistrement du 20ème arrondissement de Paris qu’il partage avec une demi-douzaine de musiciens. La moquette marron recouvrant le sol donne une ambiance feutrée au lieu. Dans la pièce où travaille le Larron, des instruments s’entassent dans tous les coins. “Ca, c’est mon contre-piano, dit-il en désignant un clavier orange fixé verticalement sur un chevalet. Je le tiens comme une contrebasse : cela me permet de jouer debout. Sur scène, j’ai besoin de bouger !” D’autant qu’assis, il l’a été assez longtemps, lorsqu’il écrivait et jouait pour d’autres, comme Jane Birkin, Mlle Rose ou Ridan, qu’il accompagnera encore dans sa prochaine tournée. “Pendant toutes ces années, j’ai accumulé des dizaines de textes dans mes cahiers, trop personnels ou crus pour que je les donne à d’autres”, explique-t-il. Jusqu’à ce que Jérôme Poulouin, le réalisateur du premier album de BabX, tombe sous le charme des ses comptines de sale gosse, et le pousse à sauter le pas. Ce premier disque est né de leur rencontre. L’énergie grooverock de la guitare et du clavier y flirte avec des textes désopilants et caustiques qui ne se déparent jamais d’une certaine légèreté. “J’aime parler des trucs qui ne fonctionnent pas trop, ce qui coince m’intéresse.” Sur Faut pas, il dresse ainsi l’inventaire de tout ce qu’il ne faut pas faire pour être un type bien. Effrayant. Sur Abstinence ou paternité, il parle d’un couple chahuté par le chantage au bébé mené par la fille… Ce concentré de pépites absurdes et mordantes est l’une des belles surprises de ce printemps. Avis à ceux qui seraient déçus de n’y trouver que neuf titres : envoyez-lui par mail une photo de vous avec la pochette de disque, il vous offrira en retour un morceau inédit. Sympa, Le Larron ! Aena Léo
D.R.
ON Y CROIT
Alexandra Lebon
Les Princes Chameaux “Magic Circus” - Further Music myspace.com/princeschameaux
Cyrz “Mélancolie frénétique” - Pias www.cyrz.fr
D.R.
Il était une fois trois Princes, pas charmants mais chameaux. A la place des chevaux, eux, ils partent à la conquête de la capitale sur leurs vieilles mobylettes d’ados. Et nos jambes se mettent à bouger machinalement en écoutant les douze morceaux de leur premier album studio (dont Oberkampf aux accents carrément punk). Avec un titre live (Houlalala), Benoît Dantec (chant, guitare), Clément Carle (batterie, percussions) et Sébastien Collinet (guitare, basse, banjo, etc.) affirment leur engouement pour la scène : “On a commencé le live en faisant la manche, on jouait n’importe où, n’importe quand, se rappelle Benoît. La scène est un espace de plaisir, d’énergie, d’intensité, de partage avec le public. On pense juste à donner le meilleur de nous-mêmes à chaque fois.” Certes, ils ont des petites gueules d’anges désinvoltes que l’on a envie de choyer, mais la voix rauque à l’accent fièrement parigot, sent bon le zinc, la bière, le rock’n’roll et le ska festif. “J’ai rencontré Clément dans un bar, en banlieue. Ce soirlà il a attrapé des fourchettes, des casseroles, le carrelage et on a joué ensemble. Et Sébastien, lui, est venu nous voir répéter et direct ça a été un super feeling !” Pour leurs chansonnettes, en véritables délinquants fauchés, ils optent pour un mariage avec la vieille “épicière”, et quand ils parlent d’amour, c’est pour faire une déclaration à une guitare qu’on leur a volée. C’est Benoît, le chanteur, qui compose toutes les paroles : “J’écris avant même d’imaginer la musique. J’ai des bouts de papiers noircis un peu partout. Une phrase qui va dévier sur un texte, un truc qui tourne en boucle dans la tête, une émotion. Ensuite, on compose généralement à trois et on affine toujours.”
Larytta “Difficult fun” - Creaked Records / La Baleine myspace.com/larytta Encore méconnu en France, cet atypique duo lausannois a fait un bout de chemin depuis notre dernier numéro, où nous vous vantions les mérites de leur premier album, Difficult fun. Grâce à une promo intelligente et des échos favorables dans la presse nord-américaine, le groupe a passé le mois de mars à sillonner les Etats-Unis. Ils ont toutefois trouvé le temps de nous parler de la genèse du groupe et de son avenir proche. Guy Meldem : “Nous sommes tous deux issus du rock, Christian (Pahu) est d’ailleurs toujours batteur dans le groupe Honey for Petzi. Nous nous sommes rencontrés lors de notre service militaire. Nous étions au cachot pour avoir “accidentellement” tué une vache. Nous avons fait connaissance et rapidement commencé à faire de la musique ensemble. Le patron de Creaked nous a remarqué lors de notre premier concert et nous a directement commandé un maxi !” Il faut dire que leur bouillon éclectique, qui mélange voix, guitares et bidouillages électroniques, fleure bon la pop, le second degré et la dérision. “On se plait à puiser des idées dans des styles musicaux assez variés : R’n’B, rap, pop 60’s, afrobeat, techno, indie rock, musique concrète… La pop est l’une des musiques les plus ambitieuses à notre avis, et la musique n’a pas forcément besoin d‘être sérieuse selon nous. Et Gainsbourg alors, merde ! Timbaland, Hot Chip, Carlos !” Deux maxis et un album plus tard, Larytta a creusé son sillon au sein de la très active scène électro suisse : “Nous nous sentons assez proches de cette scène, vu que la plupart de nos amis producteurs en font partie. Mais nous ne prenons pas beaucoup de drogues, on a donc de la peine à y adhérer complètement.” Un ton décalé à l’image de leur surprenante musique, que l’on retrouvera cet été à l’occasion d’un nouveau maxi sur le label américain Friends of Friends. Rafael Aragon
Marilyne Clarac 7
“Sur ce disque, je voulais enterrer le gendre idéal”, dit-il. Chevelure en pagaille, regard planqué sous la casquette vissée sur son crâne, sourire calme et déterminé : Cyrz a tout du faux timide. Son premier album était un sage collier de perles chanson-folk, aux textes clairs-obscurs et ambiances fragiles. “Il ne me correspondait pas complètement : il lui manquait la folie dingue que j’ai dans la vie réelle.” Pour insuffler cette dernière à sa musique, il est allé frapper à la porte de son ami Mike, de Dionysos, qui l’a aidé à réaliser ces treize nouveaux titres. Et le résultat, c’est de la dynamite. Cyrz a explosé au groove les carcans sous lesquels il pliait, plastiqué à l’électro rock ses chansons d’amour tordues, boosté au hip hop sa poésie grinçante, éclairé de cordes et banjo ses balades intimistes. “Nous avons cherché les instruments qui collaient le mieux au sens des mots tout en l’intensifiant”, explique-t-il. Mike l’a également aidé à développer l’expressivité de son chant : “Jusqu’ici, je n’incarnais pas assez les émotions : j’ai appris à mettre de l’intention dans ma voix.” Il n’en fallait pas moins pour chahuter encore un peu cet album sur lequel le musicien exorcise quelquesuns de ses démons. Le fil rouge des textes est en effet l’oubli, un thème qui lui est cher, et dont il a même fait un personnage, Loubli s’invitant régulièrement sur ses titres. “Il nous ronge, il nous tue : on s’attache à des personnes et avant même que l’on ait le temps de se retourner, elles nous ont effacé de leur mémoire.” Loin de se laisser glisser dans la mélancolie, Cyrz a choisi d’extérioriser cette énergie sombre et frontale, grâce à laquelle sa nouvelle livraison se colore de reflets psychédéliques et brûlants. Oui, six pieds sous terre, le gendre idéal ! Aena Léo
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Doumé
ON Y CROIT
Nicolas Jules
Jil is Lucky
D.R.
“Powête” - L’Autre Distribution www.nicolasjules.com “Nous voulons que 2009 soit l’année Nicolas Jules”, explique Julien Bassouls, le fringant directeur des 3 Baudets. Si ce n’est pas une déclaration d’amour, ça y ressemble. Et pour joindre le geste à la parole, la mythique salle de concert récemment (ré)ouverte dans le 18ème arrondissement de Paris a programmé l’artiste non pas sur une date, ni deux, mais… vingt, entre février et juin ! Une programmation audacieuse qui représente une certaine prise de risque pour le lieu. “C’est totalement assumé, explique Julien. Nous jouons ici la mission que nous nous sommes fixés : donner un coup de pouce aux artistes auxquels nous croyons.” Sur scène, Nicolas Jules joue avec Roland Bourbon, son “batteur préféré au monde”. Ensemble, ils enchaînent saynètes et jeux de regards avec une rythmique qui ne laisse rien au hasard. “Nous faisons un débriefing après chaque concert et améliorons à chaque fois d’infimes détails”, précise Nicolas. Il a d’ailleurs dû apporter quelques modifications à son spectacle pour s’adapter aux 3 Baudets : “C’est une salle assise et confortable : j’essaie d’être moins bavard entre les morceaux et de leur insuffler encore plus de peps pour garder l’attention des spectateurs.” Son show n’est pourtant pas du genre à faire piquer du nez, bien au contraire : le burlesque de ses textes et l’énergie diable de ses chansons-rock dérideraient le plus rigoriste des Amish. Le titre de son dernier album, Powête, en résume bien l’esprit. Nicolas Jules préfère la dérision et la modestie au sérieux, le décalé au parfait. “Aujourd’hui, trop de monde se prétend poète : moi, j’essaie juste de faire de bonnes chansons”, explique-t-il. C’est déjà pas mal, non ? Retrouvez-le aux Trois Baudets les 22 et 23 avril, 6 et 7 mai, puis du 6 au 13 et du 16 au 20 juin.
Robert Gil
aux 3 Baudets
Red Castle Addiction myspace.com/redcastleaddiction Dans la famille “artistes rock”, il y a toujours ceux qui sont plus talentueux que les autres, qui ne s’en rendent même pas compte et qui se permettent de sortir des choses énormes, décomplexées, débridées, et inspirées, avec une désinvolture et une classe de dimension internationale qui laisse pantois. Autant vous dire que chez Red Castle Addiction, parler “rock français” est réducteur vu le niveau. Après un entretien aussi sympathique qu’indispensable, vu le peu d’info présentes sur la jacquette de leur album, les quatre protagonistes confirment leur innocence : “On est juste motivés par le plaisir, c’est une démarche très égoïste finalement, on voit la musique comme un hobby, on s’amuse juste à construire ensemble et on se regarde évoluer individuellement. Notre ambition est de vivre une vie d’artiste en plein, avec albums et tournées, mais notre métier n’est pas de nous vendre nous-mêmes, on compte absolument sur une rencontre avec un manager, un tourneur et un producteur.” Côté influences, c’est rock au sens très très large : Red Hot, Oasis, BRMC, Brian Johnson Massacre, The Walkmen et The Hives, sont cités. Côté textes, “c’est de l’anglais pour l’esthétique, mais on s’amuse quand même de plus en plus à écrire des choses qui nous appartiennent, comme une sorte de bonus à notre musique. Que ce soit explicite, imagé, ou de l’ordre du private trip, on y fait de plus en plus attention.” Et quand on leur demande de se situer dans la scène actuelle, la réponse est sans appel et accompagnée de rires : “On se situe dans la scène haute-savoyarde !”, une façon polie de confirmer que leur musique ne supporte pas les frontières et qu’ils se foutent royalement de se situer ou que ce soit. Dans l’attente d’une équipe pour es entourer, tout passe par leur page MySpace. A vos connexions !
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Aena Léo
“Jil is Lucky” - Roy Music myspace.com/jilislucky Il a le sang mélangé et le mélange dans le sang. Jil is Lucky, auteur, compositeur et interprète planqué derrière un nom de groupe, trouve ses racines entre l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord : “C’est une chance, explique-t-il. Ne pas avoir d’attaches au sol est une source d’inspiration. Ca crée aussi un certain recul. Mes ancêtres étaient ailleurs. Moi, je me sens sur un sol un peu mouvant. Le disque s’est fait à Paris, mais il aurait tout aussi bien pu se faire à Londres ou ailleurs. Je ne sais pas où la suite va se passer, c’est passionnant.” Son premier album, d’inspiration folk, mélange effectivement différentes langues, différentes cultures et différentes religions. Et il engrange ses influences comme un cuisiner collectionne ses épices au cours de ses voyages. Jil parsème ainsi ses pop songs en anglais de ritournelles klezmers, de guitares californiennes ou de sons orientaux. Des paroles naïves et mélancoliques sur des mélodies guillerettes : “Le ton sur ton, c’est moche”, consent-il pour décrypter ses mélodies sucrées-salées inattendues mais toujours évidentes. Un peu comme son copain de scène Charlie Winston, Jil est obsédé par l’idée de vagabondage, dans un état d’esprit à la fois punk et baba-cool. L’inspiration dans l’instabilité. Pour Charlie, cela donnera Like a Hobo. Jil, lui, signe The wanderer, une épopée à la fois physique et spirituelle, à l’image du disque conçu en deux volets. “La face A est à écouter au réveil tandis que la face B accompagne plutôt le coucher avec des parties instrumentales plus longues.” En somme, Jil is Lucky et son folk philosophique accompagnent à merveille nos vagabondages intérieurs. Ce Jil pourrait fort bien devenir la coqueluche du printemps. Eric Nahon
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IGNATUS
CHAMOT(S)
Marylène Eytier
Raphaël Lugassy
ON Y TIENT
S
téphanie et Audrey sont jumelles. Elles sont comédiennes et animent le jour, des ateliers pour les enfants. Le soir, les sœurs Chamot, 33 ans, se griment avec un rouge à lèvre bleu très dans le style des personnages d’Enki Bilal, des combinaisons blanches en imitation cuir, et chantent des textes “qui tournent souvent autour du même thème : l’amour.” Sur leur site Internet, elles donnent l’impression de deux Jeanne Mas cybernétiques ayant avalé de travers le mouvement techno. La réalité est assez éloignée de cette première idée. Que ce soit durant l’entrevue ou tout au long de leur deuxième album (Avale), Audrey et Stéphanie fournissent des preuves irréfutables qu’elles sont peu portées sur le sucre : “On a plutôt un caractère révolté, attaque Audrey. La gentille musique douce avec des textes sur les embouteillages, ce n’est pas ce que l’on aime. Une fois, on nous a traité de féministes hystériques. Ce serait un mec qui ferait ce que l’on fait, on l’applaudirait et on lui dirait : bravo, t’as du courage, t‘as des c…” Originaires de Toulouse, passées par Montpellier et désormais installées à Lille, les jumelles ont construit leur univers autour des grands de la chanson française (le trio Brel-Brassens-Ferré) et du rock avec des textes (Noir Désir). Avant de mettre de l’électro sur leurs mots, elles avaient donc sorti un album plutôt typé chanson et assuré des premières parties de Bénabar. Ce n’est qu’en découvrant Björk qu’elles se sont mises aux machines : “A la base, on n’aime pas tout ce qui est clubbing”, confirme Stéphanie. “On pensait même que l’électro se résumait à la techno, on ne connaissait pas le reste”, ajoute Audrey. Pour Chamot(s) (elles ont enlevé “Les” parce que “cela faisait trop chanson française”), l’électronique c’est aussi pratique, car, si elles se sont adjoints les services d’un guitariste en studio, les deux sœurs ne sont pas musiciennes. Elles composent en tapotant sur leurs guitares comme sur un clavier Bontempi et en programmant leur sons sur leur ordinateur portable. Des sons qu’elles triturent en live et sur lesquels elles jouent, définitivement plus proches de Katerine (dernière période) que de Jeanne Mas.
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eaucoup d’artistes cherchent à être originaux, peu sont vraiment singuliers. Alors qu’il sort son quatrième album, Ignatus peut se vanter d’être profondément singulier : personne d’autre que lui n’aurait pu écrire, composer et interpréter les chansons de Je remercie le hasard qui. Après l’échec relatif de son effort précédent Cœur de bœuf dans un corps de nouille, Jérôme Rousseau, alias Ignatus, s’est tourné vers la production d’artistes (Jean-Luc Le Ténia, Ludo Pin…) : “Et dans le même temps, je me suis mis à écrire indépendamment des textes et des musiques de façon très libre. Et en les reprenant, un an et demi plus tard, je me suis rendu compte que personne d’autre que moi ne pouvait chanter ça. Alors, j’ai commencé à les enregistrer dans mon home studio.” C’est donc l’histoire d’un album qui s’est fait tout seul et souvent en solitaire. Arrivé au bout d’un cycle avec une maison de disques qui l’a toujours soutenu (Atmosphériques), il décide de suivre son chemin solo ; son disque sera autoproduit, en distribution numérique chez Microsillon et disponible en CD à la fin de ses concerts. Le résultat ? Evidemment très libre. Ignatus s’éloigne de plus en plus de la pop de ses débuts, mais reste un génial bidouilleur de son. Il joue avec les samples les plus inattendus pour créer des mélodies exigeantes que l’on fredonne sans peine. Sur Le soleil chante, il déstructure ses textes façon Oulipo (“Le soleil chante et les oiseaux brillent, l’herbe me sourit et la vie est verte”) sur un banjo guilleret à la Joe Dassin. On reprend en chœur instantanément. Et quand il chante Pisser dans l’herbe, même le grossier devient poétique. Il y parle de nature et d’un petit bonheur presque coupable… sans jamais tomber dans la facilité. Et les plus de 180 000 personnes qui ont vu le clip sur YouTube ne s’y sont pas trompées. Il n’y avait que M6 pour refuser cette vidéo incroyable au motif que la chanson était trop “ballade”. Le festival du court-métrage d’animation d’Annecy, lui, n’a pas hésité à sélectionner l’objet musical non identifié pour son édition 2009. A l’heure du tout à l’ego, Ignatus nous fait redécouvrir les vertus bénéfiques d’un “je” pas du tout égocentrique au service de textes intelligents sur des mélodies sensibles (et vice-versa). Eric Nahon “Je remercie le hasard qui” - Ignatub www.ignatub.com
Bastien Brun “Avale” - Hydrophonics / Anticraft myspace.com/leschamots 11
N&SK
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ON Y TIENT
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i nous sommes noirs, ce n’est que de colère.” En une phrase scandée et un peu moins de dix secondes, N&Sk livre une définition rentrededans de Libre service, son dernier album. Né il y a douze ans dans cette mouvance festive qui comprend aussi bien le reggae acoustique de Tryo que les chansons des Ogres de Barback, le groupe de St Etienne est passé, en cinq albums, d’un ska-punk métissé à une forme plus hybride où les ritournelles légères (Paina, Petit) voisinent avec des titres agressifs : Faut-il, Parade. “Dans l’ensemble, cet album est peut-être plus sombre, reconnaît Kaï, le chanteur du groupe, mais c’est normal. On a tous dépassé les 30 ans, on a une famille, des enfants. Au bout d’un moment, on a besoin d’apporter autre chose.” Babylon Circus (notre numéro précédent) a choisi le virage chanson à 180 degrés, Les Fils de Teuhpu (lire dans ce numéro), tout en gardant leur son, ont fait un pas vers le cinéma ; en comparaison, N&Sk a choisi la voie douce du changement dans la continuité : “On a rajouté des boucles dub et empilé les guitares”, dit Kaï. Le contretemps du ska a donc disparu au profit de rythmes plus chaloupés, mais aussi de grosses distorsions metal. Les trompettes et les violons, eux, ont pris des tonalités désolées, comme sur El Moujahid, le seul titre de cet album chanté en kabyle. “La section rythmique, basse, guitare, batterie vient du metal, (…) mais comme pour chaque album, nous composons tout ensemble. Chacun apporte donc ce qu’il veut et puis tout le monde décide. Cette fois, on a gardé 13 titres sur 17 ou 18 idées. Les autres morceaux n’étaient pas abouties, ils verront peut-être le jour plus tard.” Activistes de la scène, militants dans la vie comme dans leurs textes, les N&Sk sont de ces groupes qui donnent l’essentiel en concert et pour lesquels l’album n’est “finalement qu’un objet promotionnel.” Pour celui-ci, enregistré à Lyon et mixé dans le studio du Peuple de l’Herbe, ils ont cependant choisi, après avoir été dans le giron de Naïve, de revenir à l’indépendance. Kaï l’explique simplement : “C’est un choix. Cela nous a permis d’avoir une liberté totale et cela correspondait plus à notre fonctionnement.” Tout est dit. Bastien Brun “Libre service” - Aza-i.d. / Memento myspace.com/nskofficiel
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ALCAZ
Louise Leblanc
ON Y TIENT
J
ean-Yves Liévaux commence son aventure musicale à la fin des années 70. Le punk a ouvert des horizons et il lance l’esthetic-rock avec son groupe Lievaux Transfo. Une maison de disques généreuse leur offre l’éclairagiste de Pink Floyd et notre jeune loup a déjà envie de raconter des histoires en chansons. Puis, un tube publicitaire énorme : C’est pas difficile, un tricot blues new-wave parfait entre Téléphone, CharlElie et Bashung, une rencontre avec des ex-Gong et futurs musiciens de Sting. Vyvian Cayol, elle, est une Marseillaise nourrie aux Beatles et à Ferré. Elle suit des cours de théâtre, et crée un spectacle musical féminin à l’humour qui cartonne : Les Pétroleuses. Le Parisien au cœur nomade pose ses valises dans la cité phocéenne et y attrape un coup de soleil : “J’ai eu un coup de foudre et j’ai eu envie de faire partager mon bonheur au public.” Les deux auteurs Vyvian et Jean-Yves décident de former un duo, et ça marche ! L’univers nomad’rock de l’un semble répondre à la poésie ludique de l’autre (“Dans le midi, tout commence à minuit” écrit Vyvian). “L’écriture reste encore assez solitaire pour chacun, mais on a tellement envie d’épater l’autre !” Cela donne une sensation de correspondances avec des chansons qui se répondent sur le disque. On se dit tout est une véritable mise à nu des sentiments, s’achevant sur un constat social dans T’as l’trac (“Tous ces mots qu’on bloque, qu’on suce, consensus”). Même s’ils ont eu l’opportunité d’enregistrer à Philadelphie avec un fidèle musicien de Gong à la réalisation, Alcaz est avant tout un projet scénique interactif : “On s’en est rendu compte lors d’une de nos prestations au Québec. Il y a eu une queue invraisemblable à notre stand après notre passage.” Conscients de cet atout, le duo tourne de plus en plus au Canada et dans les îles françaises, s’investissant dans des projets associatifs l’amenant à chanter dans les prisons ou pour des dîners-concerts en appartement. Alcaz, c’est la paix, la générosité et l’amour au sein d’une communauté de deux personnes. Une jolie chance que nous sommes prêts à saisir nous aussi. Ludochem “On se dit tout” - Transformances Prod www.alcaz.net 13
LA CARAVANE PASSE
Maho
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s
ur la route depuis 2001, La Caravane Passe diffuse une recette toute personnelle entre rock et musiques tziganes. “A nos débuts, on jouait surtout de la musique Klezmer. Petit à petit, et à force de voyages, nous avons découvert la musiques de l’Est. En revenant de Serbie, on a décidé de s’orienter davantage vers ce style”, explique Llugs (trombone, basse, chœurs et… fiscorn, instrument traditionnel catalan). La Caravane se forge ainsi une identité musicale, mais aussi textuelle, puisque leur langue, unique, est un créole venant directement de Plechti, ce village idéalisé des Balkans qu’ils nous invitent à rejoindre à chaque concert : “On ne voulait pas se cantonner à une seule langue, le français, l’anglais ou le serbe. Du coup on a inventé une espèce de créole à base de français avec des termes qui viennent colorer tout ça. Selon le morceau, on va aller chercher des mots qui collent à l’ambiance de la chanson, du serbe, de l’espagnol, de l’arabe. Ce n’est pas langue inventée mais un mélange de circonstance entre de véritables langages”, continue Toma, chanteur, trompettiste, joueur de banjo et de kazou avant de préciser : “On n’a pas usé de ce procédé par facilité ! On passe même beaucoup de temps à écrire nos textes. L’idée était de créer une langue cosmopolite autour de laquelle les gens du monde entier se retrouveraient, comme lors du grand mariage de Sacha et Mona.” Car entre deux concerts, La Caravane Passe propose son “vrai-faux mariage tzigane”, réunissant acrobates, jongleurs et performers autour de cet événement festif : le mariage de leur cousin et de leur cousine à Plechti dans une ambiance inoubliable ! Créé en 2004, ce spectacle mêlant musique et théâtre s’inscrit pleinement dans l’univers du groupe, puisque l’on y retrouve certaines chansons et personnages. Un film a d’ailleurs été réalisé par Elsa Dahmani, la fille de Tony Gatlif, visible sur la première édition de Velkom Plechti. Une seconde édition est disponible depuis 2008 contenant des remixes signés Poum Tchak, DJ Click et DJ Tagada, trois représentants de la scène tzigane métissée sur Paris. Vous pourrez les retrouver en concert partout en France ou les découvrir à la télévision, puisque le groupe assure actuellement les parties musicales de La grosse émission sur la chaîne Comédie ! Caroline Dall’o “Velkom Plechti” - Métisse Music www.lacaravanepasse.com
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LES FILS DE TEUHPU
Pierre Wetzel
ON Y TIENT
A
ction ! Le 84, le local des Fils de Teuhpu planté au fond d’un entrepôt de la banlieue parisienne, est en bazar ce mercredi après-midi. Autour du “poteau rose”, un poteau recouvert de fourrure rose sur lequel on a placé un miroir écorché, il y a dans ce décor les instruments traditionnels de la fanfare et puis d’autres, comme le thérémine, dont on ne sait pas ce qu’ils font là. “C’est l’un des premiers instruments électroniques, décrypte Rodolphe, le trompettiste. Il était utilisé dans les années 30 pour faire des bandes originales de film. Nous, on s’en est servi sur les parties plus électro.” Après dix ans (et trois albums) durant lesquels ils ont joué dans le registre “fanfare acoustique”, Les Fils de Teuhpu ont élargi leur spectre : “Pour cet album, on s’est libéré de plein de choses, c’est comme si on commençait un nouveau cycle de 10 ans”, reconnaît François, le tromboniste. Le changement est survenu il y a deux ans, quand le sextette a mis en musique One week et Sherlock Junior, deux films de Buster Keaton. Contraints par ce nouveau format et par le découpage du film, ils sont repartis de zéro, passant sept mois sur 22 minutes d’images. Ils ont ensuite trouvé un nouveau rythme, sorte d’avance rapide. Rodolphe constate : “Pour Sherlock Junior, le deuxième film, on a passé deux fois moins de temps, alors que le film durait deux fois plus longtemps.” Le projet s’est appelé Les Fils de Buster. Il a tourné dans les théâtres, dans les salles de cinéma, des lieux que le groupe parisien, autoproduit et distribué (c’est significatif ) par Irfan, le label des Ogres de Barback, n’avait jusqu’ici pas fréquenté. Ce projet explique en bonne partie les nouveautés de Camping sauvage, le nouvel album sorti le 9 mars. Il figure à ce titre comme bonus et comme explication de texte… Dernier avis pour les allergiques aux changements : Les Fils de Teuhpu restent Les Fils de Teuhpu. Ils gardent leur ironie et leur ton rigolo. Ils abordent toujours quinze styles différents en autant de titres - on trouve même, cette fois-ci, de l’afrobeat. Ils ont simplement rajouté Nino Rota, le compositeur des musique de Fellini, au tableau de leurs clins d’œil. Coupez ! Bastien Brun “Camping sauvage” - Irfan (le label) www.lesfilsdeteuhpu.com 15
KAP BAMBINO
Matt Irwin
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epuis le début du siècle, Caroline Martial et Orion Bouvier délivrent, en vinyle, des bombes vitaminées à la Do It Yourself attitude revendiquée. Leur truc ? Passer le rock’n’roll à la moulinette de l’ordinateur : “A la maison, on travaille avec de vrais instruments, des synthés chinés dans des marchés aux puces, des guitares, des basses, des vieilles batteries… Puis on finalise les sons dans l’ordinateur. Nous obtenons alors une texture plus actuelle, avec une vraie âme, quelque chose d’assez rock’n’roll mais finalement digital.” Puis Caroline pose sa voix, à la manière d’un instrument, sur les mélodies orchestrées par Orion. Peu à peu, les onomatopées des débuts sont devenus des mots, avec du sens. “Mon écriture est assez spontanée, indiquet-elle. J’y mets toutes mes tripes, mais cela n’a rien de politique, juste des sentiments qui me touchent.” Une prise de pouvoir du texte particulièrement visible sur l’album Black list, notamment avec Blue screen, le seul morceau où le tempo ralentit. Cela parle de la communication par ordinateur et de sa néfaste influence… Une pause inhabituelle pour un groupe qui se caractérise par une permanente fuite en avant. Car Kap Bambino, c’est une spirale musicale, “une autoroute, de l’énergie pure, une expérience qui passe par les rythmes frénétiques.” En concert, lancée à une vitesse oscillant entre 120 et 160 bpm, Caroline, intenable et torturée, arpente la scène comme une cour de récréation. Orion a les doigts collé à l’ordi. La prestation est souvent fougueuse, proche de la transe, et sans cesse renouvelée. Vraiment hypnotique, voire hallucinée. “Nous ne prenons pas de drogues… La rapidité de la musique fait que nous arrivons à quelque chose de corporellement vraiment puissant.” Lancé à 200% à la scène comme à la ville, Kap Bambino joue chaque représentation “comme si c’était la dernière”, conscient de la chance “miraculeuse” de pouvoir vivre de sa passion à travers le monde tout en étant, enfin, débarrassé des contraintes d’une vie plus ordinaire. Véritablement obsédante, la musique de ce duo sexy et flashy est à vivre comme une expérience sonore et visuelle unique, mais aussi comme une vraie claque au conformisme musical. Un must. Patrick Auffret “Black list” - Wwilko / Because Music myspace.com/kapbambino
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MARJOLAINE BABYSIDECAR
Marie Delagnes
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récisons d’abord une chose : la rencontre avec Marjolaine et Rémi a eu lieu sur Skype (téléphone par Internet). Elle a duré environ 45 minutes et dans ce laps de temps, on a digressé sur “la vie intime des chaussures” ou disserté plus sérieusement sur les ateliers d’écriture. Skype restant encore bancal, il y aura eu quelques coupures. Mais finalement, ça ressemble assez à Marjolaine et Rémi. Agés, si l’on en croit leurs dires, “de 4 et 5 ans”, ces deux acolytes aiment l’humour série B et les blagues absurdes. C’est donc au troisième degré qu’il faut prendre certaines de leurs citations, tout comme leur nom… Marjolaine Babysidecar est donc né de la rencontre de Marjolaine Karlin, chanteuse rock rigolote, et de Rémi Sciuto, musicien de jazz lui aussi rigolo. Elle est influencée par Queen “mais elle se soigne”, lui est un fan de David Bowie première époque. “On a commencé par être frère et sœur, explique Marjolaine, et maintenant, sur scène, on est jumeaux.” Après deux minis, cet improbable duo sort son premier album Médecine foraine. Ecrit à la maison, dans une cave qu’ils ont aménagée en home-studio, l’objet a été conçu en plusieurs fois. Marjolaine indique : “On a d’abord fait un troisième mini qui n’est jamais sorti, une sorte de brouillon, on a repris tout ça pour faire cet album. Notre premier mini était très brut, le deuxième était très produit, pour celui-ci, nous avons voulu quelque chose qui sonne entre les deux.” Mélange de guitares rocailleuses et de vents plus légers, l’album se situe à la frontière de la chanson rock et d’un jazz qui se serait aventuré à dos de poney dans une clairière pop. Il y a des claviers bizzaroïdes, des breaks impromptus (Une de trois), des collages boiteux, des voix dissonantes (Tais-toi). Les textes, eux aussi, ont un grain. On trouve un couple qui s’embrasse dans le fossé, une rupture bien contée (désAimemoi), des “BX” et un western moderne “between Gare du Nord et Gare de l’Est”. Pour compléter le tout, Marjolaine et Rémi tourneront avec Robert, leur camion-scène de 13 tonnes. Ils feront cohabiter Marjolaine Babysidecar avec Wildmimi Antigroove Syndicate, l’excellent projet jazz loufoque de Rémi Sciuto. Vous avez dit originaux ? Bastien Brun - “Médecine foraine” Les Psychophones Réunis / Anticraft myspace.com/marjolainebabysidecar 17
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Maho
Alexis HK Ces quatre dernières années, il a sillonné, seul, la France, jouant parfois pour une poignée de gens de passage. Il a aussi changé d’air, quitté sa maison de disques, opté pour un label à taille humaine et ouvert les vannes de son inspiration. Qu’on se le dise, Alexis HK is back ! lap, clap, clap de fin… Le rideau se referme, après douze titres. Mais, point de tonnerre d’applaudissements pour ce quatrième album. Juste quelques paumes qui claquent mollement pour saluer Pardon, vieux camarade, chanson d’amour et d’amitié, où l’on fume avec nostalgie quelques gauloiseries sur fond d’accordéon. Ultime pirouette d’Alexis HK. Point final aussi d’une époque, celle où il ressuscitait au défibrillateur la chanson de qualité française : “J’imaginais cette chanson dans un vieux bar de quartier, pas très fréquenté. D’où les applaudissements épars… Je trouvais ça marrant de finir avec cette histoire, celle d’un mec qui refuse un dernier verre pour aller retrouver sa douce. C’est un clin d’œil à l’ambiance de Belle ville. Maintenant, j’ai une femme, un enfant… Je suis rangé des voitures. Finies les chansons de jeunesse gentiment provocatrices, finies les interminables soirées entre copains.” Mouais… Méfiance tout de même. S’il a effectivement remisé (en partie) au grenier ce son suranné, mi-musette miguinguette, ce beau parleur n’est pas pépère en préretraite ; rassurez-vous, il brûle toujours de ce même feu grivois. Quant à sa causticité, son goût pour les calembours et
C
les scuds moqueurs, ils n’ont pas pris une ride. Alexis HK a tout simplement pris des épaules. “Ma tournée en solo a été un chemin de croix : dur, mais enrichissant. Après une grosse tournée et la sortie en 2006, de C’que t’es belle en live, j’avais besoin de revenir aux sources, de poser les choses. J’ai fait plein de petites salles. Et quand tu joues dans une médiathèque, devant quatre personnes, t’as pas 36 solutions : il faut être bon, tout de suite ! A un moment, j’aurais pu baisser les bras, arrêter la chanson ; mais ça m’a plutôt conforté dans l’envie d’en faire et dans l’idée que la chanson a besoin de temps.” Résultat : un album écrit avec appétit et gourmandise. Alexis HK y est à l’aise. Il y laisse libre cours à ses envies : un rondeau médiéval avec bombarde (Maudits Anglois), des mandolines couplées à une digression ragga (Les affranchis) ou même des embruns océaniques (Là, c’est moi). A ses états d’âme, aussi. De la tendresse émerveillée (Zouzou) à la galéjade entêtante (La famille Ronchonchon), en passant par l’émouvant C’est le printemps (chanson composée par Nicolas Jaillet après la disparition de son papa). Même les à-peu-près, les blagues de potaches sont assumés : “C’est mon péché mignon : 19
si ça me fait rire sur le moment, je ne peux pas m’empêcher de le mettre.” On entend aussi ses plaisirs d’écriture, ses assauts fougueux de la langue française. Il en dégrafe le corsage grammatical, en retrousse les cotillons lexicaux, la titille à coup d’anglicismes et d’anachronismes. Et, bonne fille, elle y prend goût et s’y abandonne à corps joie, enivrée qu’elle est par ces allitérations et cette métrique violentée. A preuve : Chicken Manager, une fable, un rap, formidable résumé de 25 ans de vie politique hexagonale. Et s’il se rend moins au bar qu’auparavant, c’est aussi parce qu’Alexis HK aime réunir chez lui les tablées d’amis. R-Wan du groupe Java lui sert ainsi sur un plateau, La fille du fossoyeur. La silhouette rassurante de Lise Cherhal glisse de morceau en morceau. Et Renan Luce fait un petit tour sur un tube en puissance, le très pop Thanks for the add, que l’on pourrait traduire par “Merci, je t’embrasse sur l’ajout” ;)) Sylvain Dépée “Les affranchis” - La Familia / L’Autre Distribution myspace.com/alexishkofficiel
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Marylène Eytier
Nevchehirlian Il est des noms de groupes qui annoncent d’emblée la couleur. Ainsi pas de longs discours pour comprendre qu’ici point de démagogie commerciale, mais l’envie pour l’instigateur de ce projet, d’une aventure musicale authentique. ous suivions de près Vibrion depuis quelques années, séduits par son mélange de slam électro-acoustique et de poésie contemporaine. En attente d’un deuxième disque de la formation phocéenne, ce fut finalement l’album de l’un de ses deux chanteurs, Frédéric Nevchehirlian, qui débarqua sur nos platines. Une chose était sûre, on tenait là un répertoire qui contrastait avec ce que nous connaissions, et qui ouvrait un nouveau champ des possibles. On y faisait la rencontre d’un nouveau noyau dur (Julien Lefevre et Stéphane Paulin, respectivement violoncelliste et bassiste, œuvrant déjà au sein de Vibrion, entourés de Tatiana Mladenovitch à la batterie et de Christophe Rodomisto à la guitare) et d’une liste d’invités prestigieuse avec notamment la présence de Serge Teyssot-Gay, Keyvan Chemirani, Marcel Kanche et Akosh S. Et puis surtout, la découverte d’un répertoire très rock : “Un retour à une forme plus classique, plus physique, qui parle à tout le monde” commente Fred. Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas continué sur la lancée du succès grandissant qu’avait rencontré Vibrion, il répond : “Vibrion n’est pas terminé, nous faisons encore des concerts jusqu’à la sortie de cet album, et réfléchissons à la suite. Mais quand nous avons voulu enregistrer un deuxième album l’année dernière, les propositions que je faisais allaient
N
dans une tournure vraiment rock. On a commencé à les enregistrer, mais très vite, j’ai senti que nous n’allions pas dans la bonne direction pour le groupe. On racontait autre chose, de très personnel par rapport à ma propre histoire et je ne voulais pas l’imposer aux autres. Il n’y avait pas la spontanéité qu’il y aurait dû avoir, celle qui avait accompagné le premier album. Les copains ont eu l’honnêteté de dire qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils pouvaient apporter : je jouais moimême les guitares alors qu’il y avait un guitariste, je voulais un son resserré, rude, brut voire brutal, et non un son spatial à la Vibrion. En parallèle de cela, j’ai participé à des créations, dans le cadre de projets ponctuels, mais qui ont souvent tourné - comme “Slam et Souffle” - avec Serge Teyssot-Gay et Keyvan Chemirani. J’ai aussi fait des choses avec Akosh et d’autres musiciens qui étaient intéressés par mes textes et souhaitaient me confronter à des univers musicaux différents. Cela m’intéressait car je ne savais pas ce qu’allait être mon lendemain. Depuis tout jeune, j’écris des poèmes ; quand l’aventure amicale et artistique Vibrion a commencée, je ne m’étais encore jamais posé de questions… Lorsque j’ai vu que l’album du groupe n’avançait pas, mais que ces textes existaient, j’ai décidé d’en faire un disque solo : inviter tous ces gens qui ont marqués les dernières années de ma vie, et 21
faire une sorte de compilation qui les réunirait tous”. En quelques prises et de belles rencontres, Monde nouveau monde ancien voit le jour. C’est à Jean Lamoot (Bashung, Noir Désir, Salif Keita…) que les bandes sont confiées pour un mixage qui lui donnera son identité hors norme : “Je lui ai confié un disque dur avec nos prises brutes et lui ai fait totalement confiance. Il a même été les masteriser à New York alors que concrètement, je n’avais pas les moyens, et donc l’ambition, d’aller aussi loin. Le résultat qu’il nous a offert a transcendé ce que je pouvais en attendre” termine Fred quant à la réalisation de cet album. “Tout ce qui est arrivé avec ce projet, c’était trop, too much. Si je raconte l’histoire dans ses détails, les gens vont croire que je l’embellie alors que pas du tout ! Avec les copains, on se disait : “Il faut que l’on joue au loto” ! Tout se calait parfaitement, tout coïncidait : les plannings de chacun, la justesse des prises, les choix, les rencontres…” Comme une évidence, Nevchehirlian nous emmène ainsi dans un univers entre pop sombre et rock hypnotique. Une force nouvelle et enivrante qui vient compléter le bel éventail d’émotions déjà esquissées par cet artiste aux aspirations protéiformes. Caroline Dall’o “Monde nouveau monde ancien” Underdog Records myspace.com/nevchehirlian
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Nicolas Messyasz
MaJiKer Magicien des sonorités organiques, ce jeune Anglais, Français d’adoption, nous offre une pépite de créativité autour de trois axes : le corps (beatbox), le piano et la machine électronique (clavier Yamaha PSS 270). roducteur et parolier, il a précédemment mis son talent au service de la chanteuse Camille avec qui il a travaillé sur des sonorités nouvelles essentiellement basées autour du corps. MaJiKer explique que cette période fut déterminante pour lui : “Avec Camille, on avait une sorte de connexion artistique très forte. Nous avons exploré ensemble le corps humain comme un instrument rythmique, ce que je continue d’ailleurs de faire dans mon album. Cette collaboration m’a permis d’évoluer en tant que producteur et artiste.” Lorsqu’on lui demande s’il n’est pas trop dur d’être dans l’ombre d’une artiste qui explose (la plupart des sonorités de l’album Le fil, c’est lui !) quand on est soi-même chanteur, le jeune homme répond : “Je ne considère pas le fait d’être producteur comme être dans l’ombre. Le public peut le ressentir comme cela car c’est un rôle moins visible. Bien loin de créer une ombre pour m’y cacher, j’ai ressenti que la créativité vécue avec Camille créait un halo illuminant mon univers musical.”
P
Dans son premier opus ouvertement pop, réalisé comme “une expérimentation musicale”, sont mises en exergue “les relations ou les tensions existantes entre les trois éléments” (body, piano, machine). Il y a le clavier électronique qui rêve de devenir un grand piano (String & wires), une femme-
robot qui essaie désespérément de séduire un humain (La femme androïde), ou encore le piano qui se languit du toucher sensuel d’un certain pianiste (Fingers) : “Les chansons sont souvent des métaphores qui expriment des choses plus profondes et personnelles.” Ces trois éléments sont la clé de voûte de l’instrumentation de l’album d’un point de vue général : “En tant que producteur, je choisis parfois de limiter les instruments sur un projet. D’un côté, cela m’oblige à être plus inventif dans les sons, et de l’autre, cela me permet de créer une cohérence musicale pour intégrer toutes les chansons dans un ensemble, un fil conducteur.” La beatbox de MaJiKer est très personnelle. S’il a appris la technique classique auprès de Sly Johnson (beatboxer de Saïan Supa Crew) avec qui il a effectué la tournée de Camille, il y a rajouté une touche personnelle avec des respirations, des mots parlés et un genre de scat qui rend son art reconnaissable. “J’ai été percussionniste pendant longtemps. Je tapais sur tout ce qui pouvait apporter des sons et des rythmes excitants, comme des tasses de thé, des bouteilles, des enveloppes…” La “machine” joue aussi un rôle central ; représentée ici par le clavier Yamaha, pas choisi au hasard : “Ce clavier est très précieux pour moi. Il a appartenu à 23
mon frère et, enfants, nous étions totalement subjugués par les sons futuristes qu’il produisait. Aujourd’hui, cela peut paraître idiot, mais pour nous c’était grandiose !” L’album, fragmenté en trois actes a pour but de “mettre l’emphase sur la relation triangulaire des éléments musicaux et de regrouper les chansons en un ensemble cohérent.” Le premier acte est optimiste et enlevé, tandis que le second est plus sombre ; quant au dernier, il distille une certaine mélancolie. Toujours inventif, le magicien expérimente en live une vraie mise en scène, aidé par sa collaboratrice Bénédicte Le Lay. Les performances entremêlent vidéos, théâtre et danse. Des moments aériens ou comiques où sont insérées avec ingéniosité les voix de ses partenaires sur l’album (Camille, Maya Barsony). Le résultat laisse le public conquis. Les prochains mois de ce génie des sons seront remplis par une tournée. “Je suis également en train d’enregistrer des bonus et des inédits. J’adore amener le projet toujours plus loin. C’est aussi pour moi la chance de travailler avec d’autres artistes féminines… mais chut !” Ce prestidigitateur a décidément plus d’un tour dans son sac. Isabelle Leclercq “Body Piano Machine” - Gaymonkey Records - www.majiker.com
Ghinzu CINQ ANS DE RÉFLECTION On ne les avait pas oubliés, loin s’en faut ! On trépignait même d’impatience en attendant la suite de leurs élucubrations musicales. Ca tombe bien : les Belges ne nous oubliaient pas non plus, ils préparaient secrètement leur retour dans une société de stockage bruxelloise. asard heureux des absorptions d’entreprises musicalo-industrielles, voilà que Mirror Mirror, le nouvel opus des Ghinzu, vient de sortir tambour battant. Et personne ne s’en plaindra. Ghinzu, c’est un groupe qui tranche comme le couteau nippon dont il a emprunté le nom. John Stargasm, son chanteur, s’en camoufle derrière des lunettes noires, un cuir et une bonne dose d’ironie. Son groupe apparaît cependant comme une sorte de survivant de la déferlante belge de ces dernières années (Girls in Hawaii, Mud Flow, Eté 67, Millionnaire, le retour triomphal de de dEUS...). On découvrait alors les fulgurants concerts de cette bande de cinglés qui feront dire à Iggy Pop lui-même (avec qui ils partagèrent l’affiche) : “You rock, guys !”
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Cinq ans se sont écoulés entre Blow (dont le titre éponyme est à lui seul un tour de force de 9 minutes) et l’actuel Mirror, Mirror, soient autant de vagues musicales que le groupe a su laisser passer sans se faire oublier : “On a écouté pas mal de musique : Death From Above 1979, le dernier Animal Collective… On a participé à des bandes originales de film de réalisateurs belges, dont Dikkenek, et surtout l’excellent film de Sam Garbarski, Irina Palm, avec Marianne Faithfull comme actrice principale. Enfin, on a eu le temps de confronter les compos de l’album au temps. Certains titres ont été complètement remaniés dans leur forme, mais ce sont les morceaux les mieux écrits qui sont restés.” Les Ghinzu auront donc préféré bénéficier du temps que le succès de Blow leur aura accordé plutôt que de battre le fer avec un troisième album plus médiocre. Il faut reconnaître que depuis ses premiers pas en 1999, le groupe cultive l’art de ne pas faire comme tout le monde, comme entrer en scène avec des masques de singes sur la musique de La guerre des étoiles ou reprendre le classique Blue suede shoes live ! Difficile de faire plus décalé. “La Belgique est un si petit pays. On est le fleuron de rien du tout, avec deux communautés qui s’affrontent un marché ridiculement petit et qui s’embrouillent à tous les niveaux, même au sein de la moindre fédération de basket. On a cette obligation de faire avec et de rire de nous-mêmes.” Du talent, de la dérision et une part de chance les auront ainsi poussés, au fur et à mesure, sur le devant de la scène européenne : “C’est sûr qu’il y a eu un gros facteur chance. Avoir un titre en playlist sur les grandes radios était assez surprenant et cela nous a bien aidé. C’est petit à petit que le choix du single Do you read me s’est imposé. Ca n’était pas si évident au départ.” Cette fois, le groupe s’est appliqué dans l’exercice du single de manière plus consciente, comme sur l’introductif Cold love : “Finalement, c’est 24
un bon exercice qui nous pousse à aller vers l’essence d’un morceau pour qu’il soit plus efficace.” Mais l’album regorge également de plages atmosphériques et de dérapages incontrôlés qui raviront les fans. “Pour les répétitions, on avait loué un bureau dans un immeuble bruxellois. On arrivait a 19h, quand tous les cadres quittaient leur travail, et on bossait la nuit.” Trois années de fonctionnariat au service du rock, comme les Kraftwerk en leur temps préparaient leur musique dans leur studio-laboratoire. “En quittant ce local, on a regardé le bureau en se disant : c’est carrément trois ans de notre vie !” Du coup, ils ont tenu à le faire apparaître sur la pochette du disque… Un album au son puissant mixé par Nick Terry (The Klaxons, Libertines…) qui aura su apporter la modernité sonique que recherchait le groupe : “On s’en fout du vintage ! On a tout fait en numérique, empilé plein de pistes et fait passer certains sons, comme les batteries, dans tout un tas de filtres !” Mirror Mirror a été conçu comme un recueil de douze nouvelles, comme autant de fragments de miroir : “On fait parler des personnages. On essaie de raconter cette époque incertaine où l’on est en train de renégocier toutes nos valeurs sans même vraiment le savoir.” L’album alterne des
“Le rock est quelque chose en dehors du quotidien. On peut se croire invincible…” moments de pur rock’n’roll avec des plages plus fouillées et travaillées. John déclare : “Il n’y a vraiment que le rock qui m’agite. Le rock est quelque chose en dehors du quotidien. On peut se croire invincible, traverser les voitures dans la rue ou s’épanouir sexuellement. Le rock est une attitude… Je me souviens des premiers concerts où j’ai dû faire le mur pour aller voir les Cramps ou Ween. Dans la salle, il y avait une atmosphère spéciale, de l’électricité dans l’air, ça craignait un peu ! Aujourd’hui, le rock est devenu une esthétique.”
Raphaël Lugassy
Et la scène belge ? Ils n’en sont ni fiers, ni honteux : “Nous sommes très admiratifs des Soulwax qui ont réussi à faire passer des gimmicks avec leur projet 2 Many DJ’s. Les Das Pop préparent aussi des choses. Mais on ne se sent pas faire partie d’une scène.” Il y a pourtant dans tous ces groupes belges un goût commun pour le décalé, l’insoupçonné, les surprises. Mirror, Mirror est justement à la frontière, entre instinct et réflection (du miroir), quelque part entre la fougue glam des Late of the Pier et la subtilité des tontons Radiohead. Un album à l’image de la Belgique que l’on aime : bicéphale, contradictoire, petite et grandiose à la fois. En un mot : géniale. Ludochem “Mirror Mirror” - Barclay / Universal myspace.com/ghinzu 25
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Patrice Normand
En 1992, son premier album, La fossette, ouvrait une brèche dans la chanson française et de grands espaces à toute une génération. Sept disques plus tard, il signe une œuvre cardinale, un double album : La musique / La matière.
Dominique A L’ART ET LA MATIÈRE
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OUR ÉCRIRE
LA
MUSIQUE, VOUS VOUS ÊTES RE-
TROUVÉ SEUL, CHEZ VOUS, FACE À LA MACHINE, COMME IL Y A
18 ANS, POUR LA FOSSETTE. AVEZ -
VOUS EU PEUR, À UN MOMENT, DE VOUS RÉPÉTER ?
Non, parce que j’ai très vite fait écouter les premières moutures à mon entourage : Dominique Brusson, qui a réalisé l’album, mon label, mon management… Ce n’était qu’une ébauche, pas du tout prête à être masterisée. Ils m’ont tous dit que tel quel, c’était convaincant, qu’il n’y avait aucune raison de charger la mule avec un batteur, des cordes… J’en avais l’intime envie, mais je n’avais pas assez d’aplomb pour dire que j’allais faire un album tout seul et revenir au dispositif de La fossette. Ca aurait fait fuir tout le monde et je me serais mis une pression trop forte. De toute façon, la caricature est permanente. Quand on fait des disques sur 17 ans, on est dans la répétition. On doit juste apprendre à jouer avec son propre cliché.
les choses. A partir du moment où tu enregistres et tu jubiles, où tu fais une chanson et tu t’étonnes, c’est bon, tu peux continuer. L’envie nous tient en vie, mais l’envie ne garantit pas la satisfaction ; ce serait trop simple. Mais, tout de même, quand je boue, quand une idée surgit, que j’ai méchamment envie de la tester, de l’enregistrer, il y a de grandes chances que j’accouche de quelque chose qui me satisfasse. Je me trompe rarement quand j’ai l’impression de tenir une “bombinette”. QU’EST-CE QUI FAIT UNE “BOMBINETTE” ? C’est un tout, une évidence…
C’EST QUAND TOUT COÏNCIDE ? Oui. Au moment où je composais Hôtel Congress, tout s’imbriquait comme par magie : j’ai trouvé le motif de la boîte à rythmes complètement par hasard, en faisant une fausse manip’, et ça fonctionQU’EST-CE QUI FAIT QUE L’ON CONTINUE À CREUSER SON nait vachement bien avec la voix comme je la SILLON ET QU’ON LE CREUSE DIFFÉREMMENT ? voulais. Je n’ai pas hurlé sur les toits : “Je tiens un Le seul critère à mes yeux, c’est la jubilation à faire truc terrible” ! C’est juste une bonne chanson. 27
Mais, j’étais vraiment impatient de voir les réactions de mon entourage. Ca a été immédiat. J’ai tout de suite vu leur surprise et leur intérêt. DANS LA CHANSON LA MUSIQUE, ON PEUT ENTENDRE : “ET MOI J’ÉCOUTAIS LA (…) DÈS LORS TOUT NE FÛT PLUS QU’ÉNIGMES”. APRÈS VINGT ANS D’ÉCRITURE, ÇA RESTE TOUJOURS UN MYSTÈRE ? OU AVEZ-VOUS MAINTENANT QUELQUES CERTITUDES ? Non, aucune certitude : ça n’est que du savoir-faire ! Et ça reste une énigme ! Et c’est valable non seulement pour la musique que je fais, mais aussi pour celle que j’écoute. Pourquoi au bout d’autant de disques ingurgités, un disque déboule comme un météore et le temps suspend son vol, comme dirait l’autre ? C’est une énigme. Ecouter un disque et me dire : “Comment est-ce possible ? Comment ça a été fait ?”, c’est extrêmement jouissif. Ca remet les compteurs à zéro. Ou presque. Quand on crée, on vit pleinement les choses et on n’a aucun recul sur elles. En interview, on essaie de justifier a posteriori des choses qui relèvent plus de l’intuition et de l’action, que de la réflexion ou de l’intention. Tu peux avoir au départ, mille intentions ; quand tu écris, il faut que l’intention soit partie boire un coup ou fumer une clope, sinon elle te ruine ta chanson. MUSIQUE
IL FAUT DONC SE MÉFIER DES INTENTIONS ? Quand j’ai un disque en tête, j’ai bien sûr des intentions. J’ai envie de ceci ou de cela. Mais il faut qu’à un moment, l’intention rabatte son caquet, qu’elle se confronte à la réalité, à la musique qui est en train de naître et qui s’échappe grandement. Voir l’idée de départ se transformer, voir quelle gueule elle a à la fin, voilà ce qui m’amuse. L’enregistrement d’un disque, c’est comme un jour de tournage au cinéma : beaucoup de choses sont planifiées, mais tu ne sais pas vraiment ce qui va advenir, à cause de la météo, de la fatigue de l’équipe technique, de l’humeur des comédiens… Les chansons font partie du casting et le casting peut ne pas être bon. Il faut attendre qu’elles jouent pour savoir si elles feront des étincelles, ou pas. FAUT-IL AUSSI RANGER L’INTENTION AU VESTIAIRE, AU MOMENT DE ? Délicate question… Je suis partagé entre deux exigences : vivre sa chanson de façon à ce que l’on y croit, et mettre une distance entre le texte et soi. Ca dépend des chansons. Pour chanter Immortels, il faut y mettre du ventre, sinon ça n’a pas d’intérêt. Au contraire, il y a des chansons, comme Des étendues, où il faut que tu t’effaces si tu veux que ça soit aguicheur et joli. Sinon, ça devient du racolage. En fait, il faut éviter de trop penser à tout ça ; il faut être avant tout dans l’action, dans la création, dans le faire ! Récemment, je répétais une reprise avec un pianiste et je sentais bien que je m’écoutais chanter. Je voulais y mettre des choses précises et je me heurtais à mes limites d’interprète. Ces limites ne sont que le parasitage d’une intention trop forte.
L’INTERPRÉTATION
SI L’INSPIRATION ÉCHAPPE À L’INTENTION, ELLE VIENT PAR HASARD ? Oui… sur mon vélo, par exemple. Les deux dernières chansons de La musique me sont venues en vélo, à la campagne, le long de la Vilaine. J’ai passé quelques jours à l’Hôtel Congress, un lieu mythique, pour un festival de musique française organisé à Tucson. Et une semaine plus tard, j’étais sur mon vélo et le refrain, “Hôtel Congress / 110° Fahrenheit / Une belle américaine / S’épile”, m’est venu en pédalant. Je ne sais pas d’où ça sort. Je n’ai pas vu de belle américaine s’épiler ; il faisait effectivement 110° Fahrenheit. Tout ça reste fascinant. Pareil pour La fin d’un monde. J’étais sur mon vélo, toujours à la campagne, et il y avait une lumière incroyable, crépusculaire. La musique m’est venue comme une comptine que j’aurais apprise, étant gamin. Pourquoi ? Comment ? Ca fait partie de l’énigme. IMPOSSIBLE DE LA CONTRÔLER, DE LA SUSCITER ? En fait, c’est un peu comme les huîtres. Au départ, tu as un mot qui 28
Patrice Normand
“Je vis ce métier comme si j’étais en sursis, comme si tout pouvait s’arrêter demain.”
un jour à Quincy Jones, ce qui faisait une grande chanson. Etonnamment, il a répondu : “30% la mélodie, 10% les arrangements, 60% les mots”. Pour autant, être considéré comme auteur, ça m’énerve. Il y a toute cette lourdeur, ce passif franco-français que l’on sent derrière ces considérations. Mais en même temps, c’est le plus gratifiant. Ecrire, trouver la musicalité de la langue, c’est notre défi.
te plait, une expression, une image, une sonorité, tu la ressasses, elle se développe et tu la retravailles, tu polis la perle. Prenons le mot : “Nanortalik”. Nanortalik, c’est d’abord une ville du Groenland-Sud où je suis allé. L’ébauche de la chanson est venue tout de suite quand j’ai été confronté à la beauté tétanisante des lieux. J’ai simplement tenté de retranscrire les émotions qui me submergeaient, sans tomber dans la mièvrerie. Sur ce, je lis un article sur les ferries qui relient Tallinn à la Finlande, et sur lesquels les Finlandais se bourrent la gueule. La trivialité de cette situation face à la beauté de ce paysage nordique… il y avait là quelque chose qui me plaisait bien. Mais, d’une chanson à l’autre, le chemin qu’emprunte l’inspiration est différent. Chaque chanson a son langage ; à moi d’être à l’écoute.
COMME DANS L’HORIZON, IL Y A DANS LA MUSIQUE UNE URGENCE À CRÉER UN MONDE, À LE DONNER EN SON ENTIER…
C’est troublant comme réflexion… La seule crainte que je peux avoir quand je commence un disque, n’est pas d’ordre musical. Je peux m’engager sans crainte, sur différents terrains musicaux, et puis, je suis bien entouré. Non, le problème vient quand je commence à écrire. A ce moment-là, il ne faut surtout pas que je réfléchisse à ce que je vais dire. Si je commence, j’ai soit l’impression d’avoir tout dit depuis longtemps, soit à l’inverse, je ne sais pas quoi dire. Je me dis : “T’as déjà fait pas mal de chansons sur des lieux ; des chansons d’amour, idem”. Et finalement, composer un album, c’est comme répondre à une interview. Je pourrais me contenter d’énoncer des faits. Mais, j’essaie plutôt de rebondir sur des questions et de mener une idée jusqu’au bout. Quand j’écris une chanson, mon interlocuteur, c’est le mot, l’idée. J’essaie juste de bien rebondir. C’est pour ça que je vis ce métier comme si j’étais en sursis, comme si tout pouvait s’arrêter demain. J’ai toujours peur que le mot, l’idée ne vienne pas. Et puis finalement, c’est toujours pareil : ce n’est pas tant ce que tu filmes que la manière dont tu le filmes, qui importe. Si tu trouves une autre manière de dire la même chose, tu dis en fait quelque chose de différent, tu avances.
“NANORTALIK”, ÇA SONNE AUSSI… Le mot, lui-même, a une beauté. Ce n’est pas Beton-Bazoches ! S’il y a autant de chansons sur Valparaiso, c’est certes parce que Valparaiso, c’est beau, mais aussi parce que le mot est beau, qu’il recèle un imaginaire. APRÈS VINGT ANS D’ÉCRITURE, LE FRANÇAIS RESTE-T-IL UNE DIFFICULTÉ ? C’est toujours un problème et une bénédiction. Un problème parce que le français limite les possibilités du chant et de l’expressivité. C’est indubitable. Mais, c’est aussi une bénédiction parce que ça oblige à être dans un rapport très étroit au langage, à contourner les pièges qu’il tend, et être perpétuellement aux aguets. Les Anglo-Saxons saluent notre rapport très fort aux textes. Mais, le mot doit rester à sa place ; il ne doit pas bouffer tout l’espace. Il y a une phrase de Bashung parfaitement juste : “Une chanson, on y vient pour la musique, on y reste pour le texte”. C’est ce qu’il disait à Joseph d’Anvers. En France, c’est très vrai. Une chanson dont les mots ne raconteraient rien de fondamentalement touchant, quelque soit la clarté ou non du texte, ne reste pas. On demandait
Sylvain Dépée “La musique / La matière” - Cinq7 / Wagram myspace.com/dominiquea 29
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Michel Pinault
Karkwa A L’AISE ENTRE DEUX CHAISES Au Québec, 2008 a sans contredit été l’année Karkwa. Le groupe art rock planant de Montréal né il y a dix ans se réinvente avec Le volume du vent, un troisième album atmosphérique qui le mène en France ce printemps. de musique où les compétences de chaque membre sont mises en avant. Sur scène, la synergie de Karkwa est d’autant plus remarquable qu’ils offrent des spectacles puissants où l’ambiance va du rock enlevé aux chansons plus douces et ambiantes. Le groupe s’impose comme un laboratoire créatif où l’on crée et interprète collectivement de la “chanson rock atmosphérique”, pour reprendre l’expression de François. “Quand on compose dans le local, chacun apporte quelque chose d’important. C’est ce qui donne le son qui nous est propre. Karkwa, c’est cinq gars avec cinq backgrounds différents, qui travaillent ensemble et parviennent tout de même à un résultat homogène.” Mais avant d’atteindre cette Et pourtant, quand on fait la rétrospective de l’an dernier, on unité de son et le style bien particulier que l’on retrouve sur leur constate non seulement que Karkwa “rocke” toujours, mais - et troisième album Le volume du vent, ils ont dû bosser fort. surtout - qu’il a totalement volé la vedette dans tous les galas muAux dires de Stéphane, il était sicaux, sur les ondes et dans les salles de spectacle de la province. difficile, au départ, d’intégrer à Le groupe qui s’est démarqué sur la scène rock underground avec la musique de Karkwa les inLe pensionnant des établis (2003) et Les tremblements s’immobifluences très diverses de chalisent (2005) a effectué avec Le volume du vent (2008) une percée cun : “J’arrivais dans le groupe remarquable jusqu’aux radios commerciales, et ce, sans conformer avec des influences plus punk, son style musical à des standards plus “accessibles”. Karkwa a mais quand on s’est connus, d’abord raflé les deux plus prestigieux trophées du Gala de l’Alj’étais dans une période latinoternative Musicale Indépendante du Québec (GAMIQ), artiste et américaine. J’habitais avec un auteur-compositeur de l’année, puis remporté les quatre Félix pour percussionniste qui faisait de la lesquels il était en nomination au Gala de l’ADISQ (groupe, aumusique cubaine et je pense teur/compositeur, album alternatif et vidéoclip de l’année). Est-ce que ça s’entend sur le premier vraiment possible de triompher avec un même album aux GAMIQ, album !” François, de son côté, cérémonie underground, sorte de contre-ADISQ, et à la cérémonie a été disquaire pendant plus de mainstream, rendez-vous des Céline Dion et autres artistes consadix ans et révèle s’être nourri crés ? Serait-ce un (bon) signe que le grand public s’ouvre aux mud’absolument tout, de la musiques émergentes ? “On a totalement l’impression d’être entre sique expérimentale au jazz, en les deux scènes en ce moment. On est contents d’être où l’on est et on aime résonner des deux côtés. Je pense que l’on ne pouvait passant par le classique et le rock. Plus “smooth”, Louis-Jean cite pas rêver mieux, même si ça crée un sentiment très étrange.” surtout l’influence du folk américain : “Au début, il y avait vraiment Louis-Jean Cormier, chanteur et guitariste de la formation, semble de tout dans l’album et parfois dans une même chanson ! Je pense encore étonné du vent Karkwa qui souffle au Québec. “Par contre, qu’avec le temps, on a réussi à développer notre son. Il faut dire je trouve que le milieu underground montréalais est parfois très que l’on se prête beaucoup de musiques… Je pense qu’il y a juste fermé. Il est certain que tous les artistes rêvent que leur projet Julien d’un peu à part ; il arrive avec des choses étonnantes que fonctionne vraiment. Je ne crois pas que quiconque puisse dire qu’il l’on ne connaît pas, de la musique de l’île Maurice, par exemple. Il s’en fiche!” Stéphane, le batteur, s’anime un peu lui aussi : “On se achète toujours des albums que l’on n’achèterait jamais, comme fait souvent demander à présent si Karkwa est alternatif, under- du gospel !” ground ou pop… Etes-vous encore un groupe émergent ? Moi je me demande si on parle de ma musique, du nombre de disques ven- Mais Radiohead demeure le groupe auquel Karkwa a le plus soudus, de ma démarche artistique ou de mes Félix ? Si notre rock était vent été comparé ces dernières années. Il semblerait que ce soient devenu de la pop-bonbon commerciale, je comprendrais et je se- surtout les médias qui en ont remis, peut-être parce qu’ils avaient rais forcé d’admettre que nous avons pris une tangente commer- de la difficulté à cerner le style qui caractérise le groupe. Loin d’en être vexé, Stéphane nuance toutefois ce qui unit la bande de Thom ciale. Mais là ? Il s’agit bel et bien du même album !” Yorke et Karkwa : “On ne peut pas nier ce qui relie les deux. C’est sans doute le côté atmosphérique qui nous rejoint le plus. A la sorKAR-QUOI ? tie du deuxième disque, on entendait souvent ce commentaire et Karkwa est avant tout un projet musical collectif, celui de Louis- on était un peu surpris parce que, tout en admirant beaucoup RaJean Cormier (paroles, voix, guitare), Stéphane Bergeron (batterie), diohead, on n’en avait vraiment pas beaucoup écouté durant cette François Lafontaine (claviers), Martin Lamontagne (basse) et Julien période-là. Beaucoup de musique électronique, du folk, Sufjan SteSagot (percussions, voix). Plutôt qu’un chanteur vedette accom- vens… plusieurs musiques différentes. Et quand on dit Radiohead, pagné de ses musiciens, c’est aussi l’un des rares “vrais” groupes il faut préciser lequel !” uand on a formé Karkwa en 1998, on était loin de se douter que le groupe existerait encore aujourd’hui”, raconte Stéphane Bergeron, batteur et membre fondateur de Karkwa. Comme plusieurs groupes et artistes québécois reconnus, le quintette a vu le jour à l’occasion de Cégeps en Spectacle, un concours qui oppose chaque année les jeunes performeurs des différents Cégeps du Québec (ndlr : équivalent des premières années de Fac en France). La victoire à cette compétition a d’ailleurs permis aux étudiants en musique de traverser l’océan une première fois pour jouer à Belfort.
Q
“Chanter dans ta langue, celle où tu es à l’aise, ça enrichit ta musique.”
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KARKWATSON
L
teur Robbie souligne l’intensité du spectacle. Selon le Montréalais d’origine suisse, qui a aussi eu l’occasion de collaborer avec Louis-Jean et François sur d’autres projets musicaux, “Karkwatson c’est la fête ! Neuf amis qui travaillent leurs pièces ensemble pour un projet sans aucun but commercial. Nous n’avons pas beaucoup annoncé l’événement et nous ne le faisions pas dans le but de vendre des billets ou des CD, mais simplement pour avoir du fun et faire du gros son ! Avec plus de musiciens, on peut faire plein de choses impossibles à faire normalement. Puisque nous ne sommes que 4 dans Patrick Watson, il arrive souvent que nous ne puissions faire live ce que ne nous avons fait sur l’album. La collaboration avec Karkwa nous a permis d’explorer plein de nouvelles choses, d’appuyer nos chansons. Je pense aussi que nous ajoutons une couche supplémentaire à leurs chansons. C’est donc un “Quand tu bâtis une chanson, tu sais super bel échange!” qu’il y a des moments très forts. Avec Karkwatson, c’était multiplié Louis-Jean partage tout à fait son enpar deux ! Il est vraiment intéressant thousiasme : “Je pense que ça foncde prendre les bouts plus orches- tionne parce que l’on a tous les deux traux, ceux qui décollent vraiment, et un côté planant. Même si notre trade les faire tous ensemble à neuf mu- vail est très différent, on se rejoint siciens, selon François. J’aime beau- dans les mélodies et les atmosphères coup le fait d’unir un band franco créées. Le petit côté Beatles derrière avec un band anglophone. Ça ne se ! Mais Karkwa est plus rock, alors voit vraiment pas souvent ! On unit que Patrick Watson est plus organotre son, on unit aussi deux langues nique, à la Tom Waits.” Risque-t-on distinctes et les gens en viennent à d’assister à un Karkwatson 2009 ? ne plus faire la différence entre les “Je pense que l’on va récidiver parce passages en anglais ou en français. que tout le monde a adoré l’expéLa barrière des langues disparaît.” rience. Prendre le temps de le refaire Même son de cloche du côté du une fois de temps en temps, à tragroupe Patrick Watson, dont le bat- vers tous nos projets respectifs.”
Franck Billaud
e spectacle Karkwatson a été un moment fort de 2008. Cette fusion des groupes montréalais Karkwa et Patrick Watson (Patrick Watson, Robbie Kuster, Mishka Stein, Simon Angell) promettait d’être magique : neuf musiciens sur scène, deux ambiances musicales et univers créatifs bien particuliers réunis pour un instant. “Le projet a démarré avec une bouteille de scotch”, plaisante Louis-Jean, mais Stéphane rectifie : “On a été invités à participer à une émission de télévision dont le concept consistait à réunir des groupes le temps d’une performance. On a eu un jour pour monter le show et l’expérience s’est avérée extraordinaire !” La “double formation” qui en a résulté a si bien renouvelé les pièces tirées du Volume du vent” de Karkwa et de Close to Paradise de Patrick Watson que le public et la critique en ont redemandé.
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“ROCKER” EN FRANÇAIS
Michel Pinault
Et la chanson francophone dans tout ça ? “J’aime beaucoup l’écriture de Fred Fortin, Mara Tremblay, Philippe B. et Urbain Desbois”, dit Louis-Jean, qui signe la majorité des textes du groupe. Stéphane cite aussi Fred Fortin, mais ajoute Galaxie 500, Malajube et les Breastfeeders, des groupes de la scène émergente franco du Québec qui ont effectué une belle percée ces dernières années. Selon Louis-Jean, sa génération “est très florissante en ce qui a trait à la culture, à la création. On a tous le même âge, mais on fait des choses très différentes. Je ne veux pas dire que nous sommes meilleurs que les autres générations ! Simplement que c’est une excellente chose qu’il y ait autant de projets intéressants. Le succès de la scène locale est évidemment moussé par des ambassadeurs comme Arcade Fire ou The Dears, pour ce qui est du buzz de l’indie rock montréalais.”
nent de l’extérieur de Montréal. Lui-même est originaire de la ville de Québec et Louis-Jean, de Sept-Îles (850 km au nord de la métropole). “Nous nous sommes formés à Montréal, alors que je venais d’arriver en ville. Ca a été au départ tout un choc culturel pour moi (l’ampleur de la ville, le béton…)” relate Louis-Jean. “Peut-être que le fait de venir de l’extérieur nous donne un regard différent sur la ville, propose Stéphane. Mais je ne sais pas ce que signifie, au Québec, faire de la “musique urbaine” ! Etrange ? Métissée ? Alors oui, Karkwa fait partie de cela.”
Côté musique française, on parle surtout de Noir Désir, qui comme Karkwa allie un son rock à des textes en français. “C’est un band rock avec une plume hallucinante, estime François, je ne connais pas tellement de groupes français de ce genre !” Tout comme le claviériste, Louis-Jean s’étonne du nombre de groupes rock qui adoptent l’anglais plutôt que leur langue maternelle : “Cela me surprend toujours de participer à des shows de rock en France et d’être parmi les seuls à faire du rock en français.” François ajoute : “On dirait que dès qu’un groupe veut rocker, il choisit l’anglais… Je ne vois aucun problème avec le rock en français. Chanter dans ta langue, celle où tu es à l’aise, ça peut être intéressant ! Ca enrichit ta musique.” A l’issue de son second album Les tremblements s’immobilisent, Karkwa a tourné en France avec Mickey 3D. Sur ce disque paru au Québec en 2005, les gars ont pu compter sur la collaboration de nulle autre que Brigitte Fontaine sur la pièce Red light : “On connaissait la voisine de Brigitte Fontaine à Paris. Alors, on l’a appelée et on lui a demandé de lui faire parvenir une lettre que j’avais naïvement écrite chez moi. Dedans, je lui demandais tout simplement de prêter sa voix au projet, se souvient Louis-Jean. Et elle a accepté ! C’est quand on est partis en avion pour la rencontrer que j’ai vraiment réalisé ce qui arrivait ! On est arrivés au rendez-vous dans un resto et la situation faisait très Pulp Fiction. Brigitte était au bout d’un corridor, avait une petite coupe de cheveux à la japonaise. C’était un beau moment, une bonne leçon de rock.” Une leçon de rock ? “Oui, elle a fait les pistes directement. Ensuite on a organisé ça, c’était un peu un fouillis, mais en même temps, elle avait tellement d’attitude. C’est ça le rock !” Karkwa a d’ailleurs remis ça live aux Vieilles Charrues, où Brigitte Fontaine est venue interpréter la pièce avec eux.
Karkwa se distingue par la qualité de ses arrangements, un son rock orchestral et des voix juxtaposées traitées comme des instruments, que l’on retrouve aussi, mais différemment, chez Malajube. Chantées ou murmurées, les paroles de Louis-Jean s’intègrent harmonieusement aux guitares et claviers dominants, parfois accompagnés de chœurs. Le groupe propose aussi des harmoniques et des envolées lyriques en crescendo qui lui donnent son ton aérien. Leur récent album contient la pièce Oublie pas, qui a valu à ses compositeurs Louis-Jean et François le Prix de la chanson ECHO, remis chaque année par la SOCAN (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) pour rendre honneur à la chanson la plus créatrice et artistique de l’année. Le compteur, qui inaugure le disque, et Echapper au sort (dont le vidéoclip a été primé à l’ADISQ) sont aussi deux pièces très représentatives des qualités de l’album. “Celle dont je suis le plus fier est sans doute La façade, estime François. Je la trouve très bien rendue : ce que cette chanson promettait, nous avons réussi à lui donner. C’est pour moi un moment fort du disque et elle fonctionne super bien en live.” En tournée depuis l’an dernier, Karkwa traverse l’océan à l’occasion du lancement de son album en France. “Nous sommes déjà allés jouer en Europe à quelques reprises, mais ce sera la première fois que l’on restera un moment. A 18 ans, j’ai pu découvrir la France et niveau première expérience, c’était vraiment super, se souvient Louis-Jean. Mais il faut plus que cela pour maintenir quelque chose et faire de belles rencontres avec la scène locale.” Ca promet donc pour des découvertes… et peut-être de nouvelles collaborations? Le groupe a déjà plusieurs pièces inédites en poche et poursuit son travail d’innovation. A la fois québécois et international, Karkwa n’a pas fini de renouveler la chanson et le rock francophones.
VOLUME DU VENT, POULS DE LA VILLE Après avoir reçu le prestigieux Prix Félix-Leclerc de la Chanson en 2006, le son et les textes du groupe se sont resserrés et affinés pour donner Le Volume du vent, un troisième album plus abouti ; une collection à la fois planante et musclée de treize pièces que Louis-Jean considère comme “des tableaux illustrant le stress, la ville, le trafic, le temps qui passe vite.” Un groupe “urbain” ? “On est peut-être les plus régionaux des urbains”, plaisante Stéphane en faisant référence au fait que la plupart des membres provien-
Marie-Hélène Mello “Le volume du vent” - Audiogram / Wagram www.karkwa.com 33
LA REVANCHE DU VINYLE Après avoir été poussée hors des bacs de la grande et moyenne distribution par les affairistes de l’industrie du disque, la galette noire a encore de beaux jours devant elle.
ela paraît désormais certain : le vinyle, bel objet noir enrobé de majestueuses pochettes enverra au pilon son successeur le disque laser, support froid et réduit. Ce contre-pied infligé à une vision linéaire de l’histoire, sous le sacrosaint prisme du progrès, s’accompagne en outre d’un retour de flamme : ah vinyle mon amour… Remontons le fil de cette belle histoire. Lorsque le CD détrôna la galette noire à la fin des années 80, on ne jurait que par ses qualités sonores. Ce fut pourtant loin d’être la panacée au départ, les premières platines CD grand public produisant un son métallique et étriqué. Nombre d’audiophiles lui préfèrent la musicalité du vinyle, le son plus naturel et précis dans les médiums et les aigus. L’absence d’encodage produit ainsi une qualité sonore plus proche du signal original. Pour les amateurs de CD, cette chaleur du vinyle est un vilain défaut dû aux pleurages et scintillements créés par la légère irrégularité de vitesse de la lecture analogique. Ils défendent donc le son numérique, champion de l’échantillonnage. Le MP3 fossoyeur du CD représente en fait l’aboutissement de cette logique, présentant aussi l’avantage d’un stockage ultra-réduit.
C
DEUX FOIS PLUS DE VINYLES VENDUS EN AMÉRIQUE DU NORD Le buzz du retour du vinyle est dû notamment aux chiffres publiés par l’institut Nielsen SoundScan, qui, comme chez nous à la grande époque du Top 50, répertorie les chiffres de vente de 14 000 points de vente aux USA et au Canada. Le nombre de vinyles vendus aurait ainsi quasiment doublé en 2008, passant de 900 000 à 1,5 million. En 2008 toujours, mais en France, le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) recense 16% d’albums CD et 46,6% de DVD musicaux en moins écoulés. Le vinyle subit en outre une grave discrimination : nombre de labels indépendants et productions underground ne sont pas sondés. Leurs ventes ne sont donc pas enregistrées.
Rappel historique 1877 Invention par le Français Charles Cros du paléophone (reproduction du son sur cylindre d’acier recouvert de noir de fumée), concurrencé par Thomas Edison avec son phonographe. 1887 Premier disque 78 tours/minute en zinc enduit de cire, aisément reproductible. 1946 Commercialisation par la firme Columbia aux Etats-Unis des premiers microsillons de 33 tours (disque de musique classique). Les sillons, très fins, génèrent l’utilisation de têtes de lecture légères et de pointes en saphir. 1949 Premier disque 45 tours de format 17 cm (le “SP” : single play), toujours aux USA, of course. 1978 Pénurie de pétrole (baisse de la qualité et du poids des galettes) 1982 Naissance du CD. Comment ça c’est là que tout est parti en vrille ?
1984 Le Top 50, classement des ventes de 45t, entre en scène sur Canal +. Marc Toesca, son débonnaire présentateur, perpétue le Salut les copains des années 60. 1991 Disparition du vinyle en grande et moyenne distribution. Il continue à exister, mais de façon marginale. “C’est ça, reste underground” n’allait pas tarder à entonner un célèbre groupe de rap français… ANNÉES 90 Les vinyles font de la résistance notamment dans les discothèques grâce au régulateur de vitesse des platines, le compagnon indispensable du DJ. 21ÈME SIÈCLE … peut-être, mais les platines dites USB n’apportent pas de progrès, juste la possibilité d’une écoute sur ordinateur. Il est préférable pour numériser vos vinyles de brancher un amplificateur hi-fi (où sera connectée la platine de salon) sur la carte son (via l’entrée ligne).
Ce prétendu retour du vinyle est surtout évoqué par le grand public qui le croyait disparu. Pour nombre de disquaires, les ventes stagnent. Sont-ils à plaindre au vu de la dégringolade des ventes de CD ? A moitié goguenard, Martial Solis (co-propriétaire de la boutique de référence à Bordeaux : Total Heaven) y va pourtant de sa prospective : “Le vinyle c’est l’avenir !” Si les CD représentent encore la moitié de son chiffre d’affaires, les vinyles dévorent petit à petit le jouvenceau support. Selon lui, plus que le téléchargement illégal voué aux gémonies par l’industrie du disque, ce sont les ventes en ligne qui pèsent le plus sur les boutiques indépendantes. Car à la distribution Internet, la plupart des disquaires préfèrent le contact direct avec la clientèle ; proposer un maximum de références et y aller de son petit conseil représentent le cœur du métier pour Martial et son complice Babouche : “Si nous nous consacrions à longueur de journée au site Internet de la boutique, les gens trouveraient toujours les mêmes disques dans les bacs… A cause de la baisse du pouvoir d’achat, les gens vont directement sur Internet ou sur eBay acheter leurs vinyles. Cela répond aussi 34
Vinylmaniaque.com Ce site de passionné fourmille d’infos pour vivre sa passion et entamer une collection : entretien, cotation, chinage, échanges, etc. Serge Galès c’est le Monsieur Plus du vinyle. Toujours fan des sixties, il cumule environ 4000 vinyles. Stock conséquent, mais il ne s‘apparente pas au collectionneur compulsif. Celui que l’on connaît tous, dont les murs se dédoublent d’une cloison de rangement, réduisant de moitié la superficie de l’appartement. A l’inverse aussi du vil fanatique qui ne dévoile pas ses sources, Serge vous dit tout ce que vous voulez savoir sur le vinyle sans même avoir besoin de le demander. Voici, fans de toujours ou néophytes, la visite guidée de son site Vinylmaniaque.com, cette belle entreprise désintéressée. Pour commencer, vous ne partirez pas démuni : un document à télécharger révèle tous les secrets de la pêche aux vinyles. Les conseils empiriques respirent l’anecdote et le vécu : “Que celui qui n’a pu négocier une vente faute de monnaie ou dû perdre du temps pour ramener ses trou-
vailles dans sa voiture faute de poche me jette la première pierre.” On apprend aussi qu’il faut se lever tôt : rester rock’n’roll certes, mais ne pas oublier le devoir ! Les critères pour dater une pièce et les bons tuyaux de marchandage sont aussi fournis. En ces temps de crise, votre collection peut ainsi s’avérer de l’or, une autre valeur refuge en quelque sorte… Envoyez les références - précises - de vos disques et Serge se fera un plaisir de vous communiquer bénévolement la cotation estimée. Rappelant son amateurisme, même éclairé, et la grande fluctuation des cours, il n’encourage cependant pas la spéculation : “Pour moi estimer la valeur d’un vinyle n’a d’intérêt que pour mesurer sa rareté.” A cette infamie susceptible de ternir votre noble passion, préférez donc la bourse d’échange pour vous débarrasser de pièces non désirées et en acquérir de nouvelles. Enfin, la touche qui fera la différence : comment fabriquer des meubles pour ranger sa collection. Après, à vous de définir la thématique de classement qui vous sied.
Reverberation Cette division du label Vicious Circle fabrique CD, badges, affiches et vinyles. Si l’on parle de retour du vinyle, les presseurs sont encore prudents à ce sujet. Vianney Monge, responsable fabrication et export chez Reverberation explique : “De plus en plus de groupes viennent nous voir pour presser sur galette noire, mais quand on leur annonce le coût, la plupart abandonnent l’idée.” En effet, pour un tirage moyen à 500 exemplaires, le vinyle est beaucoup plus cher à produire (du simple au double). “Notre production annuelle est stable, environ 20 000 unités par an soit 10% de notre chiffre d’affaires.” Le premier problème est qu’aujourd’hui il n’y a plus aucun investissement de fait sur le vinyle. “Nous ne sommes que des donneurs d’ordre, et nous passons par de petites unités de pressage extérieures.”
Et il ne reste plus que deux ou trois de ces structures en France, les principales se trouvant en Angleterre, au Benelux, en Allemagne ou en Belgique. A ce petit jeu, les Tchèques sont encore les moins chers. Même les Américains font fabriquer les leurs en Europe. Le second problème est le manque de partenaires spécialisés dans la distribution du vinyle en France et en Europe, tout du moins en ce qui concerne le pop rock. Vianney constate : “C’est loin d’être la priorité des distributeurs. Ils ne savent pas quoi en faire, et nous en prennent peu.” Du coup, utilisé comme merchandising en sortie de concert, le vinyle se fait une nouvelle jeunesse par des voies détournées. Enfin, remarquons que l’on avait déjà parlé du retour du vinyle il y a cinq ans, et que rien n’a vraiment changé depuis… www.reverberation.fr 35
au besoin compulsif des collectionneurs : quand ils cliquent, ils pensent déjà avoir l’objet.” Effectivement, l’amateur de vinyle n’est pas du genre à fantasmer sur les disques durs saturés de MP3, à même pourtant de lui offrir des discographies intégrales et des enregistrements introuvables. L’objet du désir affiche de plus grandes mensurations et se déguste en trois dimensions. Son profil plat posé sur la platine ravive sa flamme. Pour les plus accros, chaque nouveau spécimen remémore la première fois. Hormis l’idolâtrie quasi fétichiste pour le vinyle, l’achat en ligne traduit les aspirations pour une autre consommation. Le fan souhaite tisser un lien direct avec un label ou un groupe, en achetant son dernier LP sur son site.
SECRETS DE FABRICATION Beaucoup apprécient l’objet même, voire idolâtrent la vénérable galette noire. Née à une époque où l’on ne se souciait guère de l’écologie, celle-ci est fabriquée en PVC, un plastique hautement polluant. Il est donc primordial de ne pas jeter ses vieilles galettes avec les déchets ménagers. A ce sujet, en France, où c’est bien connu, on a des idées pour pallier l’absence de pétrole, Luc Magnant, dealer d’occases vinyles mais aussi de hi-fi et de matériel photographique vintage (La Charcuterie 44, Bordeaux) a une solution pour continuer à presser une fois les puits de pétrole asséchés : le recyclage ! Dès aujourd’hui recueillez et stockez les vieux vinyles égarés, vous serez peut-être propriétaire d’une mine d’or noir dans quinze ans ! Un groupe américain aurait déjà pressé les 100 premiers exemplaires en vinyle rouge à partir d’un stock de disques de Dolly Parton, la chanteuse country. Autre histoire de matière, il n’est plus possible de réaliser des flexis, la dernière usine qui les faisait a fermé. On trouve aussi difficilement du carton assez épais pour les pochettes. Enfin les Américains qui prônent le retour du vinyle font fabriquer les leurs en Europe pour des raisons de coût…
DEMAIN ? La chaleur du vinyle se répand aujourd’hui encore avec bonheur dans les soirées ou fêtes incarnées et il ne respire pas la naphtaline. Certes des collectionneurs obsessionnels continuent à courir les salons pour dénicher les collectors que jamais ils n’écoutent de peur de les abîmer. Néanmoins, les rappeurs et autres musiciens de la culture électronique ont réinventé de nouveaux sons en résonance avec ses qualités intrinsèques. Son grain compact et chaud alimente ainsi le grain de folie nécessaire à tous ces démiurges. Le rock garage ne l’a jamais renié, et plus qu’un culte, les tendances actuelles épousent ses courbes sonores si gracieuses. Mais numérique et analogique ne sont pas non plus ennemis : des audiophiles compressent en FLAC (format de compression audio sans perte) des disques rares et les échangent sur la toile pour sauvegarder le patrimoine musical mondial. Faisons ainsi fi des puristes : les deux supports peuvent cohabiter. Nombre de labels glissent ainsi des codes à l’intérieur des pochettes vinyles pour pouvoir télécharger le même album en MP3. Consommez malin, consommez multiple ! Dossier réalisé par Vincent Michaud, Johanna Turpeau et Julien Deverre / Photos : Pierre Wetzel Merci à La Charcuterie 44, Bordeaux 36
Discographie vinyle du rock français 1977 / 2000 Si Le meilleur des mondes décrit par Aldous Huxley se réalisait, le vinyle n’existerait sûrement plus. Trop humain ET sauvage, il serait interdit. Auteur d’une quasi-anthologie du vinyle rock français de 1977 à 2000, David1904 a imaginé son pseudo en référence à ce célèbre roman de sciencefiction. Le bougre est entré en résistance dès la fin des années 80 avec comme leitmotiv la perpétuation de la mémoire discographique. Une hérésie à l’amorce de l’ère CD : “L’idée a germé par le manque d’infos sur les groupes punk français à la fin des années 80. J’avais alors découvert un bouquin discographique du punk anglais et j’espérais trouver la même chose ici. A cette période c’était vraiment le vide. Un soir, sans doute bien imbibés, nous avons décidé avec un ami (Laurent LTDC) de s’y coller. Pour commencer sur des bouts de papier, puis sur les ordis que je pouvais
squatter avec mes disquettes du moyenâge, un scanner, un appareil photo numérique et pour finir sur la toile.” Plus timbré que les épiques catalogues philatélistes Yvert-et-Tellier, son ouvrage répertorie 5000 pochettes de disques ! Soit autant de madeleines de Proust pour ainsi raviver les mémoires et décupler les appétits musicaux. Et tout ça pour finir dans les toilettes… “Je ne sais si le bouquin sera culte, mais la précédente version avait une place d’honneur dans de nombreux WC. Je ne l’ai jamais mal pris. J’apprécie aussi de voir le livre couvert de Post-it et de Stabilo, complètement corné. Il n’y a rien de mieux pour moi qu’un ouvrage qui continue à vivre, loin de son point de départ. Ce que j’aime, c’est y voir l’évolution des graphismes de pochettes sur 20 ans et aussi les conventions de chaque genre musical.” euthanasie.records.free.fr
Patate Records Label de réédition et de production d’artistes jamaïcains (Rod Taylor, Earl Sixteen, Alton Ellis…) et français (Jim Murple, Viking’s Remedy…), distributeur reggae, Patate Records est aussi un disquaire parisien incontournable. Pour les boutiques spécialisées comme Patate, l’objet du crime est le Serato. Envoyant au placard le sacré vieux vinyle, cette interface associe le mix hardware (matériel) et software (logiciel), appelé Scratch Live. Le DJ peut alors mixer et scratcher en temps réel ses fichiers audio numériques à partir de platines reliées à un ordinateur. Chez Patate Records, nous demandons à Pierre, ce qu’il pense de cet outil : “Ceux qui mixent sur Serato, on devrait leur couper les bras ! (Sourire) Mais en même temps, quand un DJ arrive à une soirée avec des disques durs blindés et que son collègue qui se la joue old school se fracasse le dos à porter ses bacs, c’est clair que c’est de l’esbroufe. Il faut être honnête.” Ce système participe à
l’inquiétude des disquaires quant à l’évolution de leur métier : “Aujourd’hui, tu trouves tout sur la toile. On est trois disquaires spécialisés reggae, ragga, ska à Paris et je ne sais vraiment pas qui restera l’année prochaine. Il y a le phénomène de la crise, mais pas seulement. Ce que l’on vendait en un an, on le vend aujourd’hui en un an et demi, donc fatalement, il y a une baisse des ventes de vinyles. En comparaison avec les ventes de CD, le vinyle est stable, mais pour combien de temps ? C’est irréversible, on entre dans un autre système de consommation, il va falloir penser à d’autres moyens, mais je ne sais pas lesquels, hélas !” Pour les disquaires indépendants, l’opération “Back to black” de la major Universal, est une insulte à leur marché. Elle ressort en effet une centaine de référence en vinyle. Elle, qui a été la première à participer à la suppression totale des galettes en 1995. Sentirait-elle le vent tourner ? www.patate-records.com 37
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JAVA
DES RACINES ET DU ZÈLE Après six ans d’absence discographique, retour de la formation parisienne déjantée avec un troisième album : Maudits Français. Explications sur cette longue pause, sur leurs aspirations actuelles et sur cette étiquette “rap musette” qui leur colle à la peau…
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François Xavier Bossard
Fixi Multi-instrumentiste (trombone, batterie, mais surtout piano), Fixi commence sa carrière professionnelle avec Sinclair et un certain Tony Allen, batteur de Fela et inventeur de l’afrobeat. Au milieu des années 90, R.wan et lui se retrouvent autour d’un nouveau projet : Java. Fixi se consacre alors à l’accordéon. Bien qu’occupé par la tournée du groupe, il continue sa collaboration avec Allen qui, de 2005 à aujourd’hui, l’amènera à jouer dans le monde entier et notamment aux côtés d’artistes comme Grace Jones, Damon Albarn ou encore Keziah Jones. Il réalise Paris rockin’ pour Winston McAnuff en 2006 et l’accompagne aux claviers sur l’ensemble de sa tournée. Il signe également la BO de Et toi, t’es sur qui ?, un film réalisé par Lola Doillon sorti en 2008.
FIXI : C’est lié à plein de choses ; artistiquement on était un peu essoufflé, on se sentait prisonnier de ce qu’était Java, ce que justement Safari croisière n’avait pas réussi à exprimer vraiment. Et puis mener un projet comme Java de la manière dont nous le faisions jusque là était assez épuisant. On faisait beaucoup de concerts, toute notre vie était concentrée dessus. On avait tous évolué et chacun avait besoin d’élargir son éventail. (…) A la différence de beaucoup de groupes, pour nous quatre, Java n’a jamais été notre unique but ou désir artistique. Ce qui fait notre alchimie, c’est que chacun amène sa créativité, de l’air frais venu de l’extérieur. Cela nous permet de nous remettre tout le temps en question et c’est ça qui était positif. Ca n’a plus fonctionné à un moment parce que l’on s’est senti enfermés et que nous avons eu envie d’aller nous ressourcer ailleurs.
mparable pour tout amateur de concert vitaminé, Java squatte les scènes de musiques actuelles depuis plus de dix ans. Phénomène live, le duo du début est aujourd’hui un groupe à quatre têtes qui a su mutualiser ses talents pour emmener le public toujours plus loin. Derrière l’étiquette “rap musette”, c’est autant du côté de toutes les musiques fondatrices telles que le jazz, le funk, le rock, le rap, les musiques africaines et sud-américaines que de la chanson française millésimée que Java va puiser son inspiration. Il ne faudrait pas oublier l’élément déterminant qu’est le flow de R.wan, son chanteur, et qui offre cette saveur “titi parisien” délectable. Si Hawaï, premier opus sorti en 2000, mélange de samples et d’accordéon, a ouvert la voie à de nouvelles fusions, Java n’a jamais appliqué de recette, et dès son deuxième disque studio Safari croisière, le groupe teste de nouvelles vibrations musicales toujours plus recherchées. Pourtant en 2005, Java s’essouffle, fatigué par des tournées incessantes, et décide de s’arrêter. Alors que l’avenir de la formation reste incertain et que chacun est occupé à ses propres projets (cf. encadrés), ils repartent pourtant sur les routes dès 2006 pour une tournée en compagnie de Winston McAnuff : R.wan et sa Radio Cortex ouvrent le bal, alors que Java le clôture. Dès lors, ils commencent la préparation de ce troisième album. Avec franchise et gentillesse, ils reviennent sur ces dernières années et sur leurs désirs d’aujourd’hui.
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AVEZ-VOUS EU LA SENSATION, À UN MOMENT DONNÉ, D’ÊTRE CONTRAINTS PAR UNE IMAGE QUI FAISAIT DE VOUS UN “PRODUIT MARKETING”, NOTAMMENT PAR LA MAJOR CHEZ QUI VOUS ÉTIEZ ALORS ? R.WAN : Il y a eu des moments difficiles à l’époque parce que l’on était signé sur un grosse division de Sony (Small, disparu aujourd’hui, ndlr). Ca c’est passé beaucoup mieux lorsque nous sommes allés chez Yelen, un autre label de Sony, mais bien plus humain… FIXI : On a été dans une lutte constante avec la maison de disques qui essayait de nous enfermer dans une image marketing “rap / accordéon”, parce qu’en y réfléchissant a posteriori, ils nous ont signé avec cette idée en tête. Finalement, on en a pris notre parti ; on ne rejette pas tout en bloc ! Cela nous a permis de sortir du lot avec des éléments basiques, ce qui a été aussi notre force. Seule-
DURE ALCHIMIE VOUS REVENEZ SIX ANS APRÈS SAFARI CROISIÈRE. QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CETTE TRÈS LONGUE PAUSE ? R.WAN : Ca ne marchait plus… A l’époque on a commencé à faire des maquettes pour un troisième disque, et puis ça le faisait pas… Est arrivée cette lassitude, cette prise de tête qu’il y a dans tous les groupes.
Jérôme Boivin
PEPOUSEMAN
De formation théâtrale, Jérôme fait ses armes musicales dans plusieurs formations rock, jazz et funk, avant de rejoindre R.wan et Fixi en 1998 avec sa contrebasse. En 2005, il retrouve Gildas Milin, auteur au Théâtre de la Colline et joue dans deux pièces du metteur en scène : Force faible et L’homme de février. Il n’abandonne pas la musique pour autant puisqu’on le retrouve en 2007 dans le groupe Van Den Love et actuellement dans la formation Marie et les Machines (en concert à Paris le 20 mai). 40
Erwan Seguillon
R.wan
R.wan débute dans les années 90 au sein de plusieurs formations rap et reggae, dont Sense Lion et Mystic Vibes. En 1998, avec Fixi, ils montent Java et développent un nouveau style influencé par leurs racines parisiennes et leurs envies de nouveaux horizons. Alors que Java s’arrête en 2006, R.wan travaille avec Alexis sur un projet solo : Radio Cortex, concept album reprenant l’idée d’une radio pirate où se mélangent parodies, chansons satiriques et jingles délirants. Un deuxième volet sort en 2008. Les deux albums sont accompagnés de tournées conséquentes. Depuis 2006, R.wan a également écrit des textes pour Fred, Babylon Circus, Karimouche et Alexis HK.
à la musique française, celle du Sud-Ouest que nous avons intégré à des morceaux en trois temps hip hop avec de l’accordéon. C’est une recherche globale. R.WAN : Nous avons fait pas mal de recherches sur le folklore et nous avons eu l’occasion de rencontrer des gens très intéressants comme Claude Sicre (du groupe occitan Fabulous Trobadors, ndlr). Il nous expliquait que la perte des identités régionales datait de l’époque durant laquelle on a essayé d’uniformiser la culture française, ce qui a abouti à la disparition d’une multitude d’instruments. En tant que Parisiens, on ne s’en rend pas vraiment compte, mais par rapport à d’autres pays comme le Brésil, ou même l’Angleterre ou les Etats-Unis, notre folklore a presque été effacé. Et l’accordéon a été une résurgence de ce que pouvait être le folklore dans les années 30 et après-guerre, mais qui, à force d’être stigmatisé, a été sclérosé… Notre point de vue n’est pas du tout passéiste, mais davantage politique : relever les éléments musicaux identitaires du folklore français, retrouver nos racines pour avancer vers une musique inédite ! Notre force, c’est d’être proche de nos racines pour rester ouverts sur celles des autres et de pouvoir les faire voyager. C’est ce qui fait qu’avec Java on a pu tourner à l’international. Quand on arrive à l’étranger, on a quelque chose à donner qui vient de chez nous, et c’est ça qui est important.
ment nous n’avions pas le sentiment que Sony nous aidait. Il faut quand même avouer que, si cela était vrai pour le premier album, ils nous ont laissé faire ce que nous voulions pour le second… BISTROL BANTO : Safari croisière était une sorte réponse à ça. Dans le sens inverse, pour sortir un peu du catalogue, parler d‘ouverture, essayer d’aller voir plus loin !
INEDITE MUSIQUE VOUS VOUS AMUSEZ DE CETTE IMAGE “RAP ACCORDÉON” JUSTEMENT SUR CE NOUVEL ALBUM : IL Y A DE GROS CLINS D’ŒIL, COMME CES INTERLUDES QUI FONT VARIER LA MUSETTE, DU TRADITIONNEL À L’ÉLECTRO… R.WAN : C’est bien de jouer avec les clichés, de s’en amuser. Ce qui est important, c’est que l’on puisse toujours avancer et ne pas se retrouver bloqués par une recette toute faite. Il faut que l’on se surprenne nous-mêmes pour que ça marche. C’est aussi pour ça que l’on a tous d’autres projets à coté. Ce qui nous plaît, c’est la recherche de nouveaux horizons et pas le succès prêt à consommer. BISTROL BANTO : Malgré tout, ce coté rap musette nous tient à cœur… R.WAN : Oui, parce que c’est la ligne directrice qui conduit Java depuis le début : chercher des racines dans ce qui est notre folklore et inventer quelque chose par rapport à ça avec la musique d’aujourd’hui. FIXI : Ce qui, justement, ne se résume pas au rap musette ! C’est un aspect de la chose, mais notre travail n’est pas basé sur le rap et la musette. C’est fondé sur un truc humain, sur la recherche d’une musique qui est reliée à nos racines. Le côté rap musette a pris le dessus parce que c’est un cliché fort qui a permis aux gens de nous identifier. Dans notre nouvel album, pour prendre un seul exemple, nous avons invité Jérémy Couraut du groupe toulousain Bombes 2 Bal et son violon sabot : c’est encore un autre aspect du folklore qui est difficilement saisissable mais qui appartient aussi
UN GROUPE À PART ENTIERE POUR VOUS, LE JAVA DE 2005 EST-IL LE MÊME QUE LE JAVA MILLÉSIME 2009 ? FIXI : Non, c’est très différent. On a tous évolué avec nos instruments et dans notre personnalité. Nous nous sommes affirmés, il y a des personnages qui commencent à émerger de chacun de
Alexis Bossard
bistrol banto
Alexis rejoint Java après le départ de Marlon en 2000, en plein milieu de la tournée de Hawaï. Il est également le complice de R.wan au sein de Radio Cortex. Il travaille en outre avec plusieurs formations parisiennes plus underground comme Fantôme (groupe de pop déjantée), Bad Mama Dog (groupe de rock) ou encore China. En 2007, il accompagne Dee Dee Bridgewater, China Moses et Sly Johnson lors des Victoires de la musique jazz sur un medley dédié à James Brown. 41
JAVA FAIT SON COME-BACK EN TOUTE INDÉPENDANCE, DÉSORMAIS SIGNÉ SUR UN LABEL FRANÇAIS DE… REGGAE ROOTS ! EXPLICATIONS DE R.WAN : Makasound est un label français géré par une petite équipe, Nicolas et Romain. Nicolas est un passionné de culture jamaïcaine qui allait là-bas rencontrer et interviewer des artistes. Il a également fait un recueil photographique et un guide genre Petit Futé sur l’île. C’est là-bas qu’il a rencontré Winston McAnuff. Il avait fait deux ou trois disques dans les années 70 et avait pratiquement arrêté la musique quand ils se sont connus. De retour en France, Nico a essayé de trouver une structure pour commercialiser ces albums, mais personne n’en voulait. Du coup il a décidé de monter son propre label et à commencé à faire de la réédition d’albums jamaïcains oubliés. Puis il est passé à la production avec la collection Inna de Yard (l‘arrièrecour, en français). Le principe était
d’enregistrer en acoustique, dans leur jardin, des légendes du reggae comme Earl “Chinna” Smith, Junior Murvin ou encore Cedric “Congo” Myton. Puis est arrivé le projet de Camille Bazbaz avec Winston : A drop. Dans le même temps, nous avons décidé de faire Radio Cortex. C’est comme ça que Fixi a fait leur connaissance et que s’est organisée une première session d’improvisation avec McAnuff. Les choses se sont très bien passées et ils ont commencé à travailler ensemble sur Paris rockin’ avec plein de musiciens français dont -M- et Cyril Atef, mais aussi les Congos et d’autres invités. En 2006, nous avons monté une tournée avec un plateau qui réunissait, Winston, Java et moi-même avec Radio Cortex. Quand est venu le moment de choisir une structure pour sortir le troisième album de Java, on a opté pour Makasound qui soutenait nos projets ces dernières années. www.makasound.com
nous. Ce qui a le plus changé, c’est qu’aujourd’hui nous sommes un groupe à part entière. Alexis et Pépouse, de par leur travail musical et notre relation, se sont pleinement intégrés à Java, alors qu’auparavant il s’agissait plus d’un duo entre R.wan et moi. R.WAN : Etant donné notre ligne directrice, on évolue en permanence. Java est une sorte de quête sonore, de réalisation d’une entité avec un son qui lui est propre. Le projet se suffit à lui-même : l’important, c’est le partage humain, c’est ce que chacun va apporter. Et le disque qui sort aujourd’hui n’est qu’une photo à un moment donné, mais cela ne veut pas dire que l’on a terminé le travail. C’est une étape, voilà tout. FIXI : Pour revenir au folklore et ce qu’est Java, il y a des moments dans le disque, mais aussi en concert, durant lesquels on a le sentiment d’attraper ce que nous cherchions. Ce sont ces instants où il y a une fusion entre la mélodie, le rythme et le texte. Mais c’est très fugace !
LA LANGUE DES IDEES UNE ALCHIMIE PLUS DIFFICILE À ATTEINDRE SUR DISQUE ? R.WAN : Pour arriver à cette “perfection”, il faudrait que j’invente une autre sorte de langage pour coller encore plus au côté transe, immédiat, des morceaux. Parce que c’est ce que l’on recherche dans Java, que ce soit dans le rythme, dans cet aspect brut. Il faudrait que je puisse sortir de l’éducation musicale que j’ai eue et même de l’éducation par rapport au langage, aller plus loin… Chanter en français, ce n’est pas facile, c’est une lutte permanente, et je l’ai bien ressenti pendant l’écriture de ce disque ! Cette langue n’est pas rythmique, c’est un langage qui a été façonné de façon à en faire une langue littéraire. On évoquait Claude Sicre qui, comme André Minvielle (chanteur de scat français, ndlr), est pour moi un degré au-dessus puisqu’il a su inventer un langage à lui qu’il mélange à l’Occitan… Moi je suis Parisien, à part l’argot, je n’ai aucune autre référence ! Et la musique ça sert aussi à ça : s’évader, utiliser 42
une langue que l’on ne parle pas tous les jours, ouvrir des portes… C’est marrant parce qu’il y a plein de morceaux que je n’arrivais pas à faire. Du coup, je les faisais en yaourt et cela ouvrait immédiatement de nouvelles voies. Mais dès que j’essayais de le traduire en français, ça ne sonnait plus pareil et tout restait à faire. DANS OUAIS, TU AS CETTE RÉPLIQUE R.WAN : “J’AVAIS DÉJÀ TOUT DIT SUR MON PREMIER ALBUM”. QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE ? R.WAN : C’est un morceau second degré qui parle des clichés avec lesquels on joue. Quand j’écris, j’alterne les phases lyriques et celles où je ne vois pas le but de tout ça. Parfois, j’ai l’impression d’être dans une lutte sans fin avec le langage. L’impression que la démarche intellectuelle de vouloir écrire des textes n’aura jamais le rendu voulu sur la musique. Ce que je veux dire par là, c’est que la facilité, la sincérité d’un premier disque ne se retrouvent jamais ensuite ; être sim-
ple demande beaucoup, beaucoup d’efforts après ! J’aimerais que l’on réussisse à faire un disque pop où le chant s’inscrive pleinement dans la musique. Mais c’est presque impossible à faire avec le français qui est une langue des idées quoi qu’on veuille en faire. AU FINAL, QUE VOUDRIEZ-VOUS QUE SOIT CE NOUVEAU JAVA ? FIXI : On voudrait surtout que cet album, comme Hawaï, apporte quelque chose et fasse du bien aux gens. Que l’on ait le sentiment d’avoir gravi une marche de plus dans notre histoire, que nos recherches aient abouties à une nouvelle étape, que le public comprennent et y adhère. On voudrait aussi passer de bons moments, faire de bons concerts… Texte : Caroline Dall’o Photos : Marie Delagnes “Maudits Français” - Makasound myspace.com/javathefrenchband 43
Sus aux samples et vivent les instrus ! On retrouve bien sûr une dose d’électronique, mais les saveurs restent plus authentiques que jamais avec la présence de cuivres et de cordes qui viennent prêter main forte à l’accordéon et aux rythmiques groovy. Sur l’ensemble de ces seize titres (dont quatre interludes instrumentaux), la majorité des compos se refuse à la facilité d’une redite et prône l’originalité. Java est devenu un véritable groupe de rock hors des sentiers battus. Le flow de R.wan est toujours aussi percutant, son écriture d’une efficacité redoutable, et l’accordéon évocateur de nos racines, mais celui-ci se retrouve désormais utilisé comme pourrait l’être une guitare électrique : libre et débridé.
INITIATIVES
OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE MOBILE : LES LABELS DE DEMAIN ? Recherche de nouveaux financements par les labels, mutualisation des marges de la part des opérateurs, convergences techniques des constructeurs, expansion des plans de communication des artistes, modes consuméristes… Plus rien ne semble s’opposer au fait que la téléphonie s’empare du secteur de la musique. Fantasme ou réalité ? en croire le Syndicat national de l’édition phonographique lors du dernier Midem (le marché de la musique), les ventes de musique en ligne sur mobiles en 2008 auraient rapporté plus de 44 millions d’euros. En 2011, ce segment devrait même représenter 25% du marché global de la musique. C’est dire toute l’importance de ce canal de diffusion et de distribution qui attise toutes les convoitises, si l’on prend en compte les profits générés par la vente de sonneries d’appel et d’attente, les titres en téléchargement, les vidéos musicales et les abonnements à des services de streaming (diffusion). Dans cette magne financière, la part de revenus réservée aux labels représente malgré tout 30%. Une aubaine pour un secteur en crise du à la baisse des ventes d’albums physiques.
A
LA CONCURRENCE S’ORGANISE Plus d’un mobile sur deux vendu en 2008 intégrait des fonctions de baladeur musical, selon Informa Telecoms & Media. En 2013, cela devrait représenter 90% des téléphones. Sur ce principe, Sony Ericson a lancé sa marque Walkman fin 2007 et son service de téléchargement illimité PlayNow Plus en 2008, avec l’aide de la plateforme en ligne Omnifone. Son concurrent Nokia, lui, lance un service similaire (Come With Music) avec l’aide du distributeur de mobiles Carphone Warehouse. Mais si le téléchargement de singles en France reste encore marginal (1,4% des abonnés), il reste majoritaire chez les abonnés 3G. L’arrivée de l’iPhone, synchronisé avec le logiciel iTunes ainsi qu’avec les services d’écoute Deezer, Slacker et Pandora, a cependant changé la donne. Une tendance que devrait suivre le futur Google Phone. Pas encore prête à céder le butin à son concurrent SFR, Orange a lancé en contrepartie Soundtribes, un site communautaire dédié aux musiciens amateurs, proposant notamment à travers un concours de jouer la première partie de Rage Againt The Machine. Si son service de téléchargement Musique Max peine encore à convaincre, l’opérateur tente de lancer des services de musique sur mobile sans DRM (protection contre la distribution) et avec une possibilité de transfert illimité, une option peu répandue jusqu’alors. Enfin, son nouveau projet WorMee (encore en version bêta) permet d’écouter gratuitement plus de 4000 radios (RadioMee). Une tentative, à peine déguisée, pour également contrecarrer le site d’écoute Deezer et ses 4 millions de membres qui, lui, vient de réussir (en plus de l’iPhone) à s’implanter sur les téléphones Blackberry.
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INITIATIVES SFR : SYMBOLE OU BOUC ÉMISSAIRE ?
Même son de cloche chez Nokia France par l’intermédiaire d’Eric Munier, responsable des activités musique : “Nous pensons que les opérateurs ou plus généralement les industriels peuvent tout à fait devenir les distributeurs de demain et sont d’ailleurs en train de le faire, et pas seulement dans le domaine de la musique… mais devenir un label, non. Actuellement, il s’agit de distribution digitale et du marketing, cherchant à rentabiliser le bénéfice que peut apporter la musique à leur marque. […] Subséquemment, un artiste qui marche permet d’en “subventionner” 10 autres en développement qui ne marcheront sans doute jamais. Ce concept de travailler sur 90% de projets qui ne vont pas être rentable économiquement n’est absolument pas acceptable pour un industriel, du moins à court ou moyen terme. La structure actuelle de mentalité et d’obligation de rentabilité d’un groupe industriel ne permet pas ce genre de prises de risques.”
“Depuis le lancement de la 3G, nous avons fait de la musique notre point de différenciation” annonçait fièrement Jean-Marc Tasseto, directeur marketing SFR. En effet, on ne compte plus le nombre de nouveaux services mis en place par l’opérateur : le bouquet de webradios Goom créé par des anciens d’NRJ, l’écoute en streaming avec Attention Musique Fraîche, les abonnements Illymitics ou MTV, le portail SFR Jeunes Talents, le service de retransmission en direct LiveConcert (ex : IAM au Caire, Madonna à New York), la salle de concert de 1000 m2 Studio SFR sur Paris et les partenariats financiers avec des entités reconnues (Bars en Trans, Vieilles Charrues, Mars Attack, Nuits Sonores, La Cigale). Une stratégie des plus cohérentes si l’on se remémore le fait que SFR possède la première plateforme de téléchargement française avec 9,7 millions de downloads (soit 61% du marché) et le fait que l’entreprise appartienne à Vivendi Universal.
MOBILE : UN VECTEUR DE COMMUNICATION
Les opérateurs se transformant progressiSi l’avenir des opérateurs téléphoniques vement en futurs majors ? C’est l’éventuasemble donc encore incertain, les opérateurs lité évoquée sur le blog de Borey Sok, possèdent tout de même un dernier atout de consultant et auteur du livre Musique 2.0 : poids : des supports de communication mas“Les opérateurs attendent d’être associé à sifs et encore sous-exploités, auxquels un un gros succès musicale afin de créer la diffutur artiste en développement ou en promoférence avec la concurrence. SFR par exemtion sera contraint de se plier. De nouveaux ple n’est pas encore un label mais à décider formats de contenus vont également voir le de lancer son propre festival. (au second trijour comme les livrets interactifs avec des mestre 2009, ndlr) L’opérateur met ainsi bonus, des vidéos et des photos ou bien enclairement les deux pieds dans la musique. core des applications mobiles qui donnent Il n’est donc pas exclu qu’un jour un opéraaccès aux extraits d’un futur album (cf. l’arteur devienne un label.” Du côté de l’opétiste Pink). Pour l’instant, les opérateurs morateur, on se veut pourtant plus prudent. biles échouent à mettre en place de Interrogée par le Centre d’Information et de véritables plateformes open source et parRessources pour les Musiques Actuelles, viennent difficilement à faire naître un artiste Laurence Dolivet, responsable du pôle Muemblématique de leur marque comme MySsique SFR nuançait le propos : “On ne peut pace avait su le faire avec Lilly Allen ou les pas se limiter à proposer du téléchargeArtic Monkeys. A Gilles Babinet, fondateur de ment à l’unité. […] Nous devons lui proposer Musiwave et pionner de la musique sur mol’expérience la plus complète possible aubile, de conclure : “C’est un marché de “suitour de la musique. […] Nous sommes deveveur”, qui poursuit aujourd’hui tout ce qui se nus un partenaire incontournable des fait sur le web. Longtemps en avance entre labels sur le terrain du numérique. Tout 2002 et 2005, les opérateurs téléphoniques l’écosystème de l‘artiste profite de notre sont actuellement distancés par les réseaux implication en termes de marketing, d’apport financier via le sponsoring sociaux et toutes les offres gratuites sur Internet. […] Il va falloir contouret de développement. Nous sommes un média de masse, qui permet de ner la difficulté qu’il y a à utiliser la musique sur son mobile. Il y a encore toucher 18 millions d’abonnés.” beaucoup de limites à cette utilisation.” Preuve qu’en dehors des coups médiatiques, beaucoup de choses restent à faire.
LES LABELS ET CONSTRUCTEURS RESTENT SCEPTIQUES Du côté de chez Sony Music Entertainment, Julien Simon, responsable compte digital, s’explique : “Je ne pense pas que les opérateurs téléphoniques souhaitent développer leurs propres artistes, ce n’est pas leur métier. Aujourd’hui, la musique est un produit d’appel pour recruter ou fidéliser leurs actuels et futurs clients. On peut imaginer dans le futur la production et la distribution numérique d’un artiste confirmé via un opérateur en incluant une alliance marque / artiste, mais pas sous une entité globale. Le risque pour eux est de se brouiller avec les maisons de disques, pas forcément à leur avantage au vu du catalogue des majors et autres gros aggrégateurs numériques.”
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Seul dilemme pour le consommateur, la démocratisation des moyens de diffusion est, certes, une avancée culturelle importante, mais on oublie le plus souvent de dire que sur les titres vendus à 0,99 ¤ le coût du transfert de données est également facturé, constituant ainsi une escroquerie sans précédent. Qu’à cela ne tienne, et juste ironie de la situation, si les labels ont trouvé de quoi lutter contre le piratage avec l’ouverture de plateformes mobiles, le problème n’en est que déplacé, orientant désormais les pirates vers de nouveaux terrains de jeux quand hier ils n’étaient jusque là confinés qu’à Internet. Rien ne se perd et tout se transforme… Samuel Degasne
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INITIATIVES
Ma discothèque est virtuelle, et c’est légal !
Artefact La Laiterie
Les initiatives abondent afin de proposer des solutions à l’ère de la chanson numérique. Le but avoué ? Continuer de satisfaire les internautes (qui ont pris l’habitude de glaner leurs musiques dans une base de données pléthorique et mondiale), et arrêter de les culpabiliser, activité préférée des maisons de disques et des réseaux “classiques” de distribution. Mise en lumière de quatre sites visionnaires.
Créé il y a quinze ans par un collectif de quatre porteurs de projets (Nathalie Fritz, Patrick Schneider, Christian Wallior et Thierry Danet), Artefact a depuis conçu et organisé plus de 3000 événements dans le domaine des musiques actuelles et des cultures émergentes (singulièrement les arts numériques) à Strasbourg.
www.awdio.com Le premier site web pour écouter en live des DJ sets et des concerts dans des clubs du monde entier. Ici, le grand plus c’est l’écoute en tant réel. Pas de playlist, pas de préenregistrement. Plus de 100 structures ont rejoint le mouvement et autant d’événements musicaux sont proposés chaque mois permettant ainsi aux internautes d’être sûrs de participer au concert de leur choix.
Le projet Artefact est articulé autour de deux structures : Artefact PRL a en charge la gestion des salles de Musiques Actuelles de La Laiterie et pense, conçoit, développe, programme, produit sa programmation (200 événements chaque saison, 100 000 spectateurs) ; Quatre 4.0 produit deux festivals annuels : Le Festival des Artefacts (30 000 spectateurs) et Les Nuits Electroniques de l’Ososphère dédiées aux musiques électroniques et arts numériques (10 000 spectateurs). D’autres événements réguliers ou ponctuels viennent également émailler chaque saison. Thierry Danet fait le point sur l’équipe de 2009 : “Nous aimons les aventures qui durent, qui s’articulent dans le temps. Cela est vrai tant au niveau des complicités qui se tissent avec des artistes ou des acteurs culturels qu’au niveau des personnes qui intègrent le projet, je l’espère, au-delà de leur poste ou de leur fonction.“
www.gkoot-electronic.com Ce site, créé par de jeunes passionnés de musique de moins de 25 ans, est spécialisé dans les musiques électroniques. Les volontés premières des jeunes entrepreneurs étaient de proposer une musique de qualité, libre et légale. Ici, on parle de streaming (entendre “téléchargement unique avec lecture simultanée”) et de gratuité, deux critères aux centres de nos sites sélectionnés. Gkoot Electronic met en place un concept interactif : transformer les internautes qui le souhaitent en directeurs artistiques afin qu’ils soutiennent des artistes en les mettant en avant sur leur profil. Malin, car le participant collectionne des points quand ses artistes sont plébiscités par d’autres, et permet une mise en avant des artistes sur une Unité de production de sens et acteur de la mise en mouvement de son territoire d’implantation, plateforme mondiale. Artefact entend inscrire les champs de la création les plus contemporains dans une logique d’action culturelle en temps réel, à la fois populaire et exigeante (parlons ici de “pop cultures”) et qui se www.musity.fr donne pour objectif la reconnaissance de l’émergence artistique et culturelle au sein de l’espace Lancé en février dernier, voici le premier site commu- public, la Cité. Son activité est organisée notamment autour de son implantation à La Laiterie. Fornautaire dédié aux musiciens, néophytes et passionnés tement identifié, dès sa naissance, au niveau national et transfrontalier, sur le champ de la diffusion des pratiques musicales. Claire, cette plateforme offre différentes actions aux internautes : une de musiques actuelles, Artefact a développé son action vers les dynamiques de soutien à la création partie pédagogique pour les musiciens avec la possibilité de suivre des cours (payants) donnés en et production et à l’élaboration de projet. Soutenu par le Ministère de La Culture, un centre de resligne par des professeurs de musique, une partie d’échanges interactifs avec des articles, chroniques sources et d’accompagnement de projet a ainsi été ouvert en 2003. Depuis huit ans, Artefact déou mise en ligne de ses morceaux favoris, et enfin une partie communautaire (façon Facebook) passe le champ des musiques actuelles et développe une action en direction des arts et cultures avec le profil des internautes qui peuvent ainsi communiquer entre eux selon leurs affinités. numériques, notamment lors d’événements (festivals, rencontres), d’actions artistiques sur le lieu, de résidences de création et de production, de projets menés en réseau avec d’autres lieux et strucwww.i-concerts.com tures en France et à l’étranger. Une activité de résidences est intégrée également depuis 2004. L’activité d’Artefact est soutenue par un programme bimestriel tiré à 60 000 ex., quatre sites InVoici le projet le plus ambitieux ! Une télévision numérique unique spécialeternet et la création de médias-regards (presse, web-radio, web-tv) associés aux événements. ment dédiée aux férus de musique. Plusieurs utilisations possibles : la première télévision HD de concerts européens, un choix vertigineux de vidéos musicales à la demande afin de créer sa propre programmation, et un forum pour échanger live report, photos d’idoles, critiques Mais quel est le parcours de Thierry avant ce projet et comment est-il tombé dedans ? “Des livres de chansons, etc. Les deux créateurs de i-concerts : Natalia Tsarkova (Lettone qui après la chute qui suggèrent des points de vue, des pochettes de disques qui en disent long, des chansons qui du mur fit ses études à Harvard et au MIT où elle prit conscience du boom d’Internet) et Etienne racontent un monde qui reste à construire, des concerts fondateurs, des œuvres d’art qui interrogent… autant d’instants cruciaux, qui, pour paraphraser l’artiste Robert Filliou “rendent la vie Mirlesse (producteur pointu de la HD en Europe). Leur slogan : “Believe. Be Live”. plus intéressante que l’art.” Enfin, comment voit-il son bébé aujourd’hui adolescent, dans quinze Pour chaque projet existe la forte volonté de rémunérer les artistes, soit par la mise en avant de ans ? “J’aime bien l’idée que le temps est à considérer en trois dimensions, comme une trajectoire leur actualité, soit par la vente en ligne de produits dérivés. Quant aux professeurs qui interviennent qui s’inscrit dans un volume. On croise à un instant ce qu’on a été quinze ans plus tôt et l’instant pour dispenser des cours, ils sont payés directement par les internautes via le site. La crise du d’après ce qu’on sera quinze ans plus tard. La permanence et la persistance ne me semblent pas être les valeurs de l’immobilisme, mais d’une inscription des intuitions dans le temps. Artefact disque existe bel et bien, mais la diversité de l’offre musicale a de beaux jours devant elle. must be built !“ Isabelle Leclercq
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UN K COMME KEBEC
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PAUL CARGNELLO “Bras coupé”
ARIANE MOFFAT “Tous les sens”
(Disques Anubis / Outside)
(Audiogram / EMI)
De le retrouver avec du nouveau matériel en français fait un bien fou. Cargnello a réussi encore une fois à faire sonner magnifiquement bien une langue qui n’était pas sa langue maternelle. Fort du succès radiophonique qu’il a obtenu avec la pièce Une rose noire tirée de son précédent album franco Brûler le jour paru en 2007, il peut aujourd’hui compter sur une reconnaissance du grand public. Il faut croire que cette incursion dans les palmarès lui a plu, car Bras coupé est éminemment pop. Pas cette pop qui fini par tomber sur le cœur d’avoir été trop édulcorée par des clichés hyper prévisibles et convenus, mais de cette facture accrocheuse à souhait que l’on retrouve dans des pièces comme La chanson, Frédéric ou la pièce titre Bras coupé. A la fois authentique et accessible. www.paulcargnello.com Martin Véronneau
Paru il y a un an au Québec, ce troisième opus a confirmé la place de la talentueuse auteure-compositrice-interprète parmi les grands de la Belle Province grâce à des pièces d’une ingéniosité pop qui la démarquent du lot. Si l’album s’ouvre sur un rythme à tendance trip-hop rappelant du même coup sa brève incursion au sein du groupe Tenzen, on se rend vite compte qu’il en est autrement des chansons qui suivent. On y trouve à la fois un groove électro, de douces mélodies pianotées comme des berceuses, de magnifiques arrangements de cordes. On sent Ariane à l’aise, assumée, on la sent amoureuse et ça lui donne un teint lumineux. Elle nous proposerait dix pistes de silence que l’on trouverait le moyen de trouver ça bon. C’est ça le phénomène Moffatt ! www.arianemoffatt.com Martin Véronneau
MOVEZERBE “Dendrophile”
LA PATÈRE ROSE “La Patère Rose”
(Districk Music / Select)
(Grosse Boîte / Select)
Plusieurs artistes de Québec (Boogat, KenLo, Abidbox, Karim Ouellet, Accrophone, Les 2 Toms) se sont réunis pour créer un album-concept incorporant des sonorités jazz-funk, latines, reggae et électro au hip-hop qui les a fait connaître. Conçu lors d’un séjour loin de la ville, ce Dendrophile se distingue par ses textes imaginatifs dont les titres s’inspirent de la nature (Bois, Eau, Terre, etc.). Là où plusieurs collectifs échouent avec un disque qui s’écoute mal du début à la fin, les membres de Movèzerbe offrent un premier album original, à la fois très diversifié et fluide. On y découvre (ou retrouve) plusieurs voix au flow habile, des sons organiques et des instrumentaux (guitare, claviers, flûtes). Résultat : déstabilisant pour les puristes du rap, excellent pour l’ouverture d’esprit. myspace.com/movezerbe Marie-Hélène Mello
Gagnant des Francouvertes 2008, le groupe formé par Roboto (claviériste, échantillonneur), Kilojules (batteur, DJ) et Fanny Bloom (chanteuse, pianiste) étonne par son univers ludique et cru, dont l’expression singulière génère souvent des comparaisons à Camille. Fanny offre à la Patère sa voix de gamine, qui oscille entre douceur coquine et hystérie, et ses influences très chanson française. Ses compères apportent les explorations sonores électro qui font la marque de leur projet musical parallèle, Misteur Valaire. Heureuse rencontre de deux mondes à priori bien différents, ce premier album contient ballades électro, chansons trip-hop, rock forain et pop bonbon douceamère. Avec des textes ironiques, humoristiques, voire osés (Décapote), que demander de mieux ? myspace.com/lapatererose Marie-Hélène Mello
EMILIE PROULX “La lenteur alentour”
TORNGAT “La petite Nicole”
(GSI Musique / Select)
(Bonsound / Alien8)
Si cette musique vient à être accolée aux images d’un film, il ne fait nul doute que l’écran fera défiler celles d’une rue déserte par temps gris, balayée par la pluie et un petit vent d’automne. Ce premier album (complet) a un titre qui a le mérite de décrire parfaitement les magnifiques mélodies folk qu’il contient. Le rythme est hyper lent, additionné d’une épaisse couche de planant (on n’écoute pas du Pink Floyd et du Radiohead sans que ça se ressente quelque part…) et c’est parfait pour les moments où l’on n’en peut plus de la pop FM. Les guitares se font douces et rassurantes, la voix transporte, touche aussi. Voilà une artiste à surveiller de près. A écouter absolument : Sortir de là, avec ses superbes jeux de voix. www.emilieproulx.com Martin Véronneau
Après l’aérien You could be, le trio instrumental montréalais lance un disque bref mais toujours aussi intense, à écouter en continu ; voyage exaltant de 37 minutes dans l’étrange univers post-rock des multiinstrumentistes Mathieu, Julien et Pietro, corniste aussi avec Bell Orchestre et Arcade Fire. L’album onirique sans paroles commence avec une douceur mystérieuse, puis parcourt des sentiers plus rythmés (L’école pénitencier) avant de parvenir à l’excellente Going what’s what, une troublante conclusion ouverte. Si Torngat se caractérise par une exploration sonore unique (synthés analogues, cuivres, textures psychédéliques, mélodies enfantines devenant glauques), La petite Nicole est loin d’être inaccessible. Sans savoir qui elle est, on devine que la vie de Nicole n’est pas toujours rose… www.torngat.ca Marie-Hélène Mello
UN K COMME KEBEC
The Blue Seeds
Michel Pinault
Bonjour Brumaire
LE SUCCÈS EST AU RENDEZ-VOUS DE LEUR PREMIER ALBUM. ALLIAGE MUSICAL SINGULIER, TEXTES SOBRES ET SOMBRES, THE UNE BONNE NOUVELLE À L’AUBE DE LEUR VIRÉE EN FRANCE ! BLUE SEEDS CONFIRMENT LA PULSION CRÉATIVE MONTRÉALAISE. Pourtant Montréalais à part entière, ce sont les différentes origines des membres qui font l’unicité de ce groupe. Composé de pures laines, d’un Canadien anglais, d’un Américain et d’un Français comme chanteur et parolier, on ne peut que retrouver une multitude d’influences dans Bonjour Brumaire. Dans la musique, le côté anglo de la ville, un quelque chose du Mile-End. Dans les paroles, le côté nouvelle chanson française. L’ensemble offre un résultat rafraîchissant d’indie pop aux accents rock forts intéressants. Les arrangements, par moments bien étoffés, donnent du corps à une pop d’harmonies vocales et de refrains accrocheurs ce qui fait de De la nature des foules un album plus complexe qu’il ne le laisse paraître. Les cinq comparses profitent d’un superbe début de carrière : courtisés par les plus importantes étiquettes de disques de la province alors qu’ils n’avaient qu’une (magnifique) démo de cinq titres fabriquée à la main et enregistrée par Ryan Battistuzzi (Malajube, Les Breastfeeders), ils ne jouaient pas ensemble depuis plus de trois mois lorsque la hype autour de la sortie de leur album a grandi ! Elle était si importante qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de livrer la marchandise. Ils savaient que les attentes étaient importantes, mais en même temps, ils voulaient faire la part des choses. Youri Zaragoza, le leader, explique : “J’ai eu conscience de cette hype, mais on a fait l’album sans trop en tenir compte. On en a fait quelque chose qui nous plaisait et dont on sera fier dans cinq ans.” De passage en France et en Suisse aux mois de mai et juin, est-ce que ce serait davantage une victoire pour un Français d’origine que d’avoir du succès dans son pays natal ? “Je ne suis pas né musicien au Québec, j’avais fait des trucs en France qui avaient reçu un accueil… disons différent. Je suis content de pouvoir aller là-bas avec un projet qui tient la route et que j’aime. Mais en même temps j’essaie de tout relativiser et de me dire que ce n’est pas la chose la plus importante de ma vie. Présentement, la chose la plus importante à mes yeux c’est de me faire plaisir avec des gens que j’aime bien. Mais c’est sûr que l’on a vraiment hâte d’aller jouer là-bas…” Martin Véronneau “De la nature des foules” - Indica www.bonjourbrumaire.com 49
Si l’Amérique et le Québec sont évocateurs d’espace, de déserts de sable et de glace, la démarche artistique du groupe The Blue Seeds puise davantage dans l’urbanité de ce continent. Alliage singulier de folk, mais aussi de trip-hop et de pop psychédélique, il est évident que l’hybride est un produit du jeune continent. Digne exemple de cela : la pièce A quick killing in art, campée dans l’univers d’un artiste vaguement SDF qui loge dans une boîte de carton. Pour Outside the rain falls, la protagoniste se fait larguer, sur un trottoir, sous la pluie. Espace peut-être, mais malaise aussi. Et la protagoniste en question, c’est beaucoup Amélie Laflamme qui a pour charge d’incarner à titre d’interprète les textes de François Dufault, aussi compositeur des musiques du groupe : “Les textes de François sont empreints de mélancolie et d’une charge émotive assez grande, l’enjeu de le livrer en concert devant une foule de buveurs n’est pas toujours facile a relever !” confie Amélie, chanteuse a la voix dynamique et texturée, celle d’une fumeuse de cigarettes impénitente. François Dufault : “Hope Sandoval (Mazzy Star), Neko Case, Beth Gibbons (Portishead) sont de superbes porteuses d’ambiances et de sentiments, elles m’ont fortement inspiré dans la génèse du son et des musiques du groupe. En ce moment notre écriture cherche à trouver son fragile équilibre entre la puissance pop de groupes tels MGMT ou plus roots comme Bon Iver (la scène indé américaine vit un âge d’or sur le plan de la création) ; nous sommes aussi privilégiés par un momentum montréalais qui ne se dément toujours pas.” The Blue Seeds publie son premier album en France en ce mois d’avril, tout en lançant, au Québec, un simple inédit en format numérique et vinyle : “Pour le vinyle 25 cm, nous avons mis à profit notre passage d’octobre à Berlin au studio des Einstürzende Neubauten et la collaboration de Kid Loco. Si l’Amérique a un pouvoir d’attraction sur l’Europe, l’inverse est aussi bien réel ! Les humains rêvent souvent de ce qu’ils n’ont pas ou ne connaissent pas. On aime bien ce sentiment de vide, cette quête perpétuelle…” Robert Singerman s/t - L-Abe / Select www.theblueseeds.com
PLANETE
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17 HIPPIES “El Dorado”
ARBOURETUM “Song of the pearl”
(Hipster / Buda Music)
(Thrill Jockey / Pias)
Les treize musiciens qui forment 17 Hippies ne sont peut-être pas bons en math, mais ils assurent grave au rayon musicologie. Connus pour leurs concerts effervescents, le collectif allemand s’est posé en studio pour entreprendre de nous faire connaître leur Berlin, au carrefour des musiques balkaniques, de la pop anglaise et des grands espaces cinématographiques. Entre un morceau “cajun-scat-speed aux rythmes turques” chanté dans le patois de la région de Francfort ou une ballade amoureuse éthylique et en français, on ne sait plus où donner de la tête… On fait aussi des détours par la Moldavie ou Bollywood, ce n’est plus une macédoine mais un kaléidoscope de sons que nous offrent ces Hippies du 21ème siècle. Pour ceux qui aiment Goran Bregovic, Kusturica et autres mélangeurs de sonorités sucrées-salées… www.17hippies.com Eric Nahon
Auteurs d’un split single avec Pontiak, leurs voisins de label, ces Américains étouffent à bon escient leurs mélodies dans un carcan de guitares seventies. Ils évoquent ainsi le meilleur des Kings of Leon, en plus indie, avant que derniers n’entonnent de la musique de stade. Moins de cocaïne de “vainqueurs” et plus d’introspection digne, Arbouretum cultive un rock séminal et sensible. Le psyché Aestival apaise ainsi la violence de Heat pleasure. Tout au long de Song of the pearl la nature la plus digne contient ainsi une robustesse sans faille. Ce blues débarrassé des clichés du genre fonce droit à l’âme mais communique aussi aux jambes. Arbouretum plantera donc durablement sa graine dans vos têtes. Pas sûr que vos cheveux repoussent, mais cette végétation luxuriante expulsera le légume qui sommeille en vous. myspace.com/arbouretum Vincent Michaud
THE FATALES “Great surround”
HEATHER GREENE “Sweet otherwise”
(Monopsone / Differ-Ant)
(BHM Productions GmbH / ZYX)
Vous avez aimé la queue de la comète shoegaze (Slowdive) et post-rock (Mono, Envy).Les ambiances morriconnienes des Magyar Posse ne vous effraient pas. Embarquez donc immédiatement dans l’univers des Fatales, jeunes New-Yorkais qui ont du passer leur adolescence à jouer à Donjons & Dragons plutôt que de fréquenter les club post-punk à la mode. Résultat : une musique proche des Cocteau Twins pour les jolies guitares et des A-Ha pour la voix haut perchée de son chanteur, avec des envolées lyriques et une ambiance épique que l’on imagine déjà sur les prochaines bandes annonces de Braveheart et Xena la guerrière. On se laisse emporter par ce vent de romantisme qui effectue un sans-faute pour parvenir à nous toucher sans franchir la ligne du mauvais goût. Espérons que ce groupe à forte personnalité poursuive dans cette voie. www.thefatales.com Ludochem
Douceur et mélancolie. Un album intimiste et onirique. Avec ce deuxième album, l’Américaine cherche à conquérir un nouveau public. Plus accrocheur, plus nerveux, plus pop, les mélodies bercent l’oreille avec une facilité déconcertante. Ambiance feutrée, amoureuse… difficile de ne pas être totalement aspiré par cette voix jazzy. S’appuyant sur des constructions downtempo, les morceaux s’installent progressivement. Impossible de passer à côté de Why don’t you say yes ?, morceau reggae empreint de lyrisme. Basse-batterie-guitare forment une rythmique discrète. Claviers et Fender Rhodes amènent des mélodies pop accrocheuses. Enregistré avec un véritable orchestre jazz, cet opus a bénéficié d’une production impressionnante. On regrette cependant un traitement du son qui peine à mettre en relief l’ambiance chaleureuse des onze titres. www.heathergreene.com Aurélien Marty
PONTIAK “Maker”
SCARY MANSION “Every joke is half the truth”
(Thrill Jockey / Pias)
(Talitres)
A contre-courant des vagues porteuses, le label américain Thrill Jockey se distingue par un catalogue hétéroclite. Rock au sens large comme auparavant électronique singulière en fournissent la trame. Après, place au talent, notamment de groupes comme les Virginiens de Pontiak. 2 ou 3 m2 de studio leur suffisent pour asseoir une matrice psychédélique compacte et puissante. Nullement à l’étroit, ils se la jouent concentrés et séminaux. La lumière entre parfois, moirée et fluette. Evidemment la torpeur se taille la part du diable, nous vouerons tous nos âmes à ces guitares épaisses et confinées, taillant des riffs moites dans des tempos assommants. Les amateurs de romantisme gothique retrouveront des bijoux de mélodies dans Seminal shining ou encore Aestival, digne des meilleurs Swans. www.pontiak.net Vincent Michaud
C’est l’histoire de Leah Hayes, artiste (illustratrice, multi-instrumentiste, chanteuse) talentueuse de 26 ans née dans le Massachusetts, puis qui a bougé à Paris, New York… que Talitres a remarquée et qui débarque avec ce premier album tout en retenu. Et dans le genre folk décalé, électrique et distordu, on n’a pas vu mieux depuis Scout Niblett ou Cat Power, à qui le registre vocal fait irrémédiablement penser. En véritable touche-à-tout, elle attrape piano, guitare ou thunderstick (instrument des Appalaches à trois cordes), leur applique une bonne dose de reverb, et prend l’auditeur à contre-pied sur chaque morceau. Refusant la facilité, la miss offre un répertoire tantôt recueilli (Go to hell), tantôt débridé (Captan), pour un effet sucré/salé que n’auraient pas renié Neil Young ou PJ Harvey. myspace.com/scarymansion Julien Deverre
PLANETE BELL X1 “Blue lights on the runway”
DE KIFT “Hoofdkaas”
JULIE DOIRON “I can wonder what you did with your day”
EXTRA GOLDEN “Thank you very quickly”
(Naïve / ADA)
(Range ta Chambre)
Les petits Irlandais sont devenus grands avec un quatrième opus qui devrait leur ouvrir les portes de la reconnaissance. La recette du trio est un mélange de lignes mélodiques pop, légèrement teintées de jazz blues et de claviers électro sur lesquelles Paul Noonan pose des textes poétiques au doublesens bien souvent biblique. Pas de panique, point de prosélytisme, mais une sensibilité honnête et touchante. Enregistré dans un vieux château abandonné, les titres ont capturé une ambiance douce et crépusculaire. Même si l’envie de toucher un public plus large se fait hélas sentir, des moments comme Blow ins ou A better band rappelle l’alchimie de leurs plus belles compositions. L’album est clos par une section cuivres de la Nouvelle Orléans, belle à en pleurer… Cependant, leur second opus (Music in mouth) reste à ce jour inégalé. www.bellx1.com Isabelle Leclercq
On reprend depuis le début : De Kift est un groupefanfare hollandais né dans les brumes du punk en 1988. Oui, c’est possible. Evidemment, il n’est pas facile d’appâter le chaland en parlant de poésie éthylique flamande, de philosophie alcoolique sur fond de rythmes déstructurés et de mélodies étonnamment lyriques, aussi limpides et colorées qu’une bonne bière fraiche. Pour qui aime Dick Annegarn, on dira que De Kift sonne encore plus rugueux. Pour qui vénère The Ex, autre extraordinaire formation néerlandaise, on dira que ça sonne moins rugueux. Par moments, on croirait entendre Beirut complètement saoul faire la fête à 4h du mat’ avec les mariachis de Calexico. Plus loin, on imagine un voyage sans fin sur des routes poussiéreuses… Et des fois, on pogote. Mais toujours avec une certaine classe. De Kift ? On kiffe ! www.dekift.fr Eric Nahon
(Jagjaguwar / Differ-Ant)
C’est toujours agréable de se retrouver sur le chemin de la Canadienne. The life of dreams, en ouverture de ce nouveau disque, rappelle vite fait bien fait à quel point elle aime chanter au naturel, accompagnée de sa guitare dans un décor champêtre. Mais elle remonte aussi à ses premières amours plus noisy : elle retrouve Rick White (l’ancien compagnon de route de ses années d’adolescence rock avec Eric’s Trip) et rebranche un peu l’électricité dans ses mélodies folk. Chansons en trio ou en solo, Julie chante de sa voix fragile, compose des mélodies bourrées de charme. Paisible, mais parfois plus dure, avec la passion et la douceur enchanteresse qu’on lui connaît. Elle sourit sur les arpèges de Glad to be alive. Un disque bienfaiteur qui prouve que la sincérité n’est pas qu’une illusion. www.juliedoiron.com Béatrice Corceiro
Pont tendu entre Chicago et Nairobi, ce quartet bipatride revient avec un troisième album inespéré, après la perte de son chanteur en 2005. Né du voyage d’un ethno-musicologue américain, le groupe mélange rock sixties et benga (musique populaire kenyane des 70’s). Au son de la batterie acérée, de la basse ronde et surtout de la guitare électrique, véritable totem de la musique moderne africaine, Extra Golden plante un décor inédit, entre pop, transe et psychédélisme. Difficile de juger s’il s’agit de deux courants musicaux explorant leurs origines communes, ou bien d’un nouvelle variété venant enrichir la sono mondiale. Enregistré dans une maison, avec du matériel rudimentaire, ce disque pourrait très bien avoir 40 ans, tant il est sourd à la mode et souffle le vent intemporel de la révolte par la fête et la musique. www.extragolden.com Rafael Aragon
JEREMY JAY “Slow dance”
KISSOGRAM “Rubber & Meat”
LONEY DEAR “Dear John”
MIMAS “The worries”
(K Records)
(Louisville Records)
(EMI)
(Distile / Anticraft)
A place where we could go avait surpris son monde en 2008 en fournissant une relecture moderne, candide et rêveuse d’une certaine pop glam à la Bowie. Le jeune dandy californien remet le couvert un an plus tard, toujours sous la houlette de Calvin Harris, et semble s’être acheté des synthés, plein de synthés. Non pas ceux qui font vriller les dancefloors, mais plutôt ceux qui alanguissent les foules et donnent ces si étranges tempos, pas entendus depuis les Smiths ou Joy Division. Cela donne une new wave luxuriante et groovy, qui ne range pas pour autant les guitares au placard. Et si sur les dix titres de ce deuxième opus quelques passages se font vite oublier, Will you dance with me, We were there ou In this lonely town restent des pépites remarquables. Discrètes et douées. Tout comme JJ. myspace.com/jeremyjay Julien Deverre
Blouson de cuir, fermeture éclair, lèvres androgynes… à la pochette, on peut deviner sans trop se tromper que ce CD est un enfant de la vague revival 80’s, synthés excentriques et riffs tranchants aux avant-postes. Et les Berlinois sont pilepoil dans le ton, réussissant à faire de l’électro-rock percutant, efficace à faire remuer le plus blasé des adolescents en slim. Que ce soit en explorant l’univers sonore des percussions africaines, se rapprochant de Talking Head (Grassgrassgrass), en délirant sur le titre éponyme entre disco poussiéreux et petit riff de guitare entêtant, ou en entretenant une ambiance angoissée à coup d’orgues stressés (Tonight I’ll go alone), il semble que Kissogram ait l’étoffe nécessaire pour s’imposer parmi les petits diables de la new rave que sont les Klaxons ou encore Shitdisco. myspace.com/kissogram Kevin Duranton
Du plaisir, du plaisir et encore du plaisir. C’est tout ce que l’on a envie d’écrire à l’écoute de ces mélodies indie-pop taillées pour le bonheur. Une fois dit tout le bien que l’on pense de cette merveille de songwriting - à ranger à côté de Get Well Soon ou Beirut - que reste-t-il ? Des souvenirs de délicates mélodies acoustiques, d’arrangements synthétiques ultra-classes et des refrains que l’on se surprend à connaître par cœur dès la deuxième écoute. Ce musicien suédois met tout de suite à l’aise en proposant un disque élégant et lumineux. Les paroles en anglais peuvent sembler naïves au premier abord, mais si l’on s’y penche et on y trouvera des fulgurances qui touchent autant que sa musique. Ce disque procure énormément de sensations contradictoires… et vous plonge le plus souvent dans un bel état de rêverie éthérée. Un futur classique ? www.loneydear.com Eric Nahon
Ca commence en toute délicatesse ; le groupe danois plante le décor du côté de Sigur Rós et Mogwai. Il présente un premier album qui assemble des rêveries finalement plus torturées qu’elles ne le paraissent. Car l’ensemble revêt de charmantes couleurs. La voix angélique semble danser en toute légèreté sur des guitares et des cuivres soufflant leurs caresses. The worries assume finalement bien son nom, avec des idées plus sombres, des atmosphères plus chargées, et des histoires qui ne sont pas des contes de fées. On ressent au compte-goutte les inquiétudes qu’expriment les musiciens et leur aptitude à s’en défaire. Les quatre Danois balancent dans la volupté et s’endurcissent subtilement, consommant tout l’art du post-rock aux contrastes les plus expressifs. www.mimassite.com Béatrice Corceiro
DIETER SCHÖÖN “Lablaza”
THE SWEET VANDALS “Lovelite”
TOSCA “No hassle”
VUNENY “Whatever singularity”
(Head Spin Recordings / Differ-Ant)
(Unique / Differ-Ant)
(!K7 / Pias)
(Jarring Effects)
Manuel bluffe d’entrée de jeu avec une rythmique groovy et froide. On pense alors avoir affaire à un énième élève de Suicide. Puis, le second titre s’avère beaucoup plus hispanisant (entre Calexico et Fleet Foxes). Viennent ensuite des rythmes jungle, des synthés cheap et des influences no wave. Hogface ressemble à une ballade dépouillée entre Johnny Cash et Depeche Mode. On nage ensuite en plein krautrock sur Lots of free shoes. Après une plage expérimentale free-jazz et un gospel, l’album s’achève sur un électro-blues que ne renierait pas John Spencer. Même si davantage de cohérence serait plus reposant pour les méninges, au final, on ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute de ce génial Suédois. La suite de ses aventures est d’ores et déjà en chantier. www.dieterschoon.com Ludochem
Si l’esprit du rythm’n’blues s’est évaporé pendant le déménagement de la Motown en 1972, il semble qu’une poignée d’irréductibles aient décidé de le réveiller depuis quelques années. L’embauche des tubistes et saxophonistes aura donc été à la hausse en Suède (Nicole Willis), en Allemagne (Frank Popp Ensemble) ou en Amérique (Sharon Jones). Voila que l’Espagne entre dans la danse avec ses Sweet Vandals qui livrent leur seconde fournée d’orgues Hammond rugissants et de sax juteux. Le son est encore plus vintage que sur leur premier effort, les compositions plus variées et l’accent de Mayka Edjo donne une touche exotique aux compos. Un disque en forme de revanche et d’hommage à une époque où ça ne devait pas groover des masses - dans l’Espagne de Franco -, et qui devrait leur ouvrir les portes des festivals cet été. Ludochem
Plus de quinze ans après leur premier album, les Autrichiens Richard Dorfmeister et Rupert Huber, survivants de la vague trip-hop des 90’s, prouvent avec ce nouvel opus que leur talent de producteurs est toujours d’actualité. Basses hypnotiques, nappes abyssales et voix éthérées sont au rendez-vous, dans un décorum organique de première qualité. Tout en délicatesse et en relief, la musique déploie sa douce mélancolie au long des douze plages apaisantes qui composent cet album. Travelling nocturne dans une métropole, sonorités de velours pour un downtempo langoureux qui habille la froideur urbaine. Ces images peuvent paraître dépassées, mais Tosca s’acharne à les dépeindre avec une passion et un bon goût évidents, perpétuant cette incarnation moderne et urbaine du blues, qui sévit de Bristol à Détroit en passant par Vienne. www.tosca-nohassle.com Rafael Aragon
Loin des échos festifs et des images d’Epinal qui sont généralement associés aux Balkans, ce duo de Mostar (Bosnie), construit son univers en s’affranchissant totalement des traditions locales. Nedim et Andrijan utilisent leurs guitares et machines pour créer une bande-son sombre et tendue, entre rock et électro. Véritables baroudeurs des scènes européennes, compositeurs pour le cinéma, ils arrivent enfin en France avec ce troisième album signé sur Jarring Effects, après des premières parties remarquées, pour Idem ou High Tone. Mais point de dub ici (ou presque), on penche plus vers le post-rock du label Constellation, les guitares noise et les accents indus en plus. Une musique cinématique portée par des boucles entêtantes, des basses distordues et des extraits vocaux inquiétants. Singulière, à n’en pas douter. myspace.com/vuneny Rafael Aragon
51
(Thrill Jockey / Pias)
BRUITAGE ADJABEL
AERÔFLÔT
ALCARY NINE
“Caribbean journey”
“Disco negro”
“All schools session”
ADELE
(Diris Music / Harmonia Mundi)
(Datcha Records)
(Muzikom / Mosaic)
“Garden partie”
Découvrir un nouvel album du groupe d’Atissou Loko est toujours une belle occasion de partir vagabonder par-delà l’Atlantique, accompagné des rythmes chaleureux des Caraïbes. Autour des tambours traditionnels d’Atissou et de Gillian Mombo, viennent se poser, selon les envies du morceau, le sax, la clarinette ou le lambi de Peter Croser, offrant à cette musique enivrante des nappes cuivrées et jazzy. Sans oublier la guitare de Rico Kerridge (également chanteur) qui s’inscrit parfaitement dans l’alchimie particulière, entre folklore haïtien et modernité, des compositions d’Adajabel. Côté invités, ce quatrième opus convie de beaux noms tels que Jean-Claude Naimro (chanteur et pianiste de Kassav’), Lou Valentino (rappeur des Bermudes) ou encore l’accordéoniste Scott Taylor (Têtes Raides). Cette nouvelle invitation au voyage en direction des Caraïbes est donc une nouvelle fois imparable. myspace.com/adjabel
Ce trio composé d’un MC parisien et de musiciens toulousains est sans aucun doute une figure singulière de la scène rap française : un flow bilingue franco-espagnol (plutôt rare si l’on omet Rocca), la présence du sax esseulé entre la contrebasse et la boîte à rythmes, et surtout ce parti pris d’aller puiser profond dans les classiques du début du hip-hop. Tout est dans le titre, on navigue entre beats balisés, breaks certifiés “H-H” et guitares de la fusion des 90’s, dans une production économe en artifices, à l’inverse de la tendance actuelle. Pas bling-bling pour un sou, voilà plutôt un bon élève qui connaît les basslines de Cypress Hill par cœur. Mais derrière ces clins d’œil et citations se cache une certaine simplicité musicale. Une formule qui fonctionne sûrement très bien en live, grâce notamment aux performances versatiles de leur MC, mais qui finalement peine à convaincre sur disque, malgré son originalité. alcarynine.free.fr
Caroline Dall’o
Véritable ovni de la scène indépendante française, improbable rejeton des Thugs et de Spicy Box, ce groupe bordelais, déjà riche d’un album et d’un split single avec Adam Kesher, a pris le temps de roder son style mutant (disco-punk-techno-indus-metal… ?). Une fois passé l’implacable mur de guitares martelé par un clavier furieux et structuré par une section rythmique d’assaut, on est captivés par le chant hurléparlé en arrière-plan et la finesse du travail sur les samples et les arrangements. A l’instar de groupes comme !!!, Aerôflôt a su intégrer le legs de ses aînés et se distingue du flot actuel grâce à un album dont on ne ressort pas indemne. Puissant, pêchu, agressif, bruitiste et franchement jouissif, ce disque, c’est Stakhanov sous amphétamines, en salopette de cuir, qui dézingue un Tupolev à grands coups de barre à mine. Décadent et imparable. myspace.com/aeroflotfrenchband Varsas
ATOMIC GARDEN “Little sto-
BABX
BODYSNATCHER
BORDELUNE
ries about potential events”
“Cristal ballroom”
“The ninth floor”
“Ma fleur du mal”
(Rock’s My Ass / Anticraft)
(Karaoui / Warner)
(Manic Depression Records)
(Ariane Productions)
Les trois musiciens clermontois font partie des fans de Therapy?, Foo Fighters, Samiam… Donc, leurs petites histoires sont avant tout un prétexte à déclamer des chansons bien puissantes. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils se sont appliqués dans la construction des morceaux, l’enchaînement mélodique est très bon. Dans des conditions idéales, aidés par des personnalités américaines pour peaufiner ce nouveau disque, ils offrent naturellement un concentré de puissance rock. Onze titres épiques et forts, qui tendent la perche pour des refrains à chanter à pleins poumons. Dans cet emo-rock bien influencé, la teinte mélancolique est omniprésente. L’ensemble va droit au but pour garder une dynamique constante. En tout cas, c’est assurément une histoire de passionnés. Le label Yr Letter Records est d’ailleurs assez fou pour proposer une version cassette ! Un truc de 90’s, quoi… www.atomicgarden.fr.st Béatrice Corceiro
Partisan d’une ligne sombre de la chanson française, le sieur Babx n’a pas conçu son deuxième album comme un recueil de gaudrioles. Mais ça ne veut pas dire qu’il se lamente sur son sort. Non, Babx n’est décidément pas un chanteur comme les autres. En digne héritier de Ferré, il dégaine des textes qui frappent fort et tapent juste. En bon artificier, Babx fait exploser ses mots au moment où ils peuvent faire le plus de dégâts. Sur Cristal ballroom, il fait parler les caméras de surveillance ou trouverait sympa de mourir au Japon, “parce que c’est cool le Japon”… La folie n’est jamais loin et elle est souvent furieuse. Quelques déclarations d’amour à “L” plus tard histoire d’apaiser l’ambiance, on est forcé de se rendre compte que l’on tient là un auteur particulier à qui il ne manque qu’un bon gros succès public pour asseoir une carrière déjà bien lancée. Précipitez-vous sur son single Electrochoc Ladyland, et on en reparle… www.babx.fr
Ce disque-là, c’est un peu comme si Dave Gahan avait roulé une pelle à Rolo McGinty pour enfanter un Peter Murphy. Retour à la case départ pour un revival des rythmes synthétiques, comme si rien n’avait bougé depuis trente ans. Pas étonnant que Chelsea de Norma Loy soit venu leur prêter main forte sur le titre Ghost rider, salutation zélée à l’attention d’Alan Vega et Martin Rev. La new wave s’offre ici une deuxième vie, une véritable cure de jouvence de l’abbé Souris ! Sci-Fi, entre autres, scelle la rémanence de ce phénomène. Même s’il n’a jamais complètement disparu avec les quelques survivants qui maintiennent le flambeau hors de l’eau, ce groupe le remet à l’ordre du jour avec brio. Certes, on sent moultes références, mais il est d’évidence que l’essai a été transformé. C’est un mélange subtil de Sisters of Mercy couplé à Clan of Xymox pour arriver à un pur et unique Bodysnatcher qui fait son cinéma. myspace.com/bodysnatchermusic Maho
Asseyez-vous, fermez les yeux… Vous voilà dans une guinguette, lampions au plafond avec un petit verre de vin blanc. Devant vous cinq musiciens bordelais s’activent au rythme de la valse, du tango, du swing et du jazz manouche. A l’origine de ce projet : Yannick Arché. Connu pour son perfectionnisme tant au niveau de l’écriture, de la musique que des décors scéniques, il a créé Bordelune, un personnage qui peut parler de tout sans rougir. Dans son troisième opus, avec en bonus la participation d’Enzo Enzo, l’amour est une véritable source d’inspiration. Entre les histoires sans lendemain, les stratégies pour faire renaître le désir et les repas le dimanche midi avec belle-maman, ce poète de la chanson française dérape sur nos fardeaux quotidiens. Et toujours avec réalisme, il joue avec les mots : “Il n’y a pas de sous sans métier” (Les p’tits métiers). Enfin l’ultime destination : vieillir avec l’être aimé et la douceur de ses rides. Embarquement immédiat. myspace.com/bordelune Marilyne Clarac
(Un Jour ou L’Autre)
Rôdée à l’école du théâtre de rue (chant, conte et vielle à roue, au sein de la compagnie La Musardaille), la belle Adèle en garde un verbe haut, ainsi qu’un goût pour le spectacle et la mise en scène. Trois ans après Bleu, sa Garden partie a des airs primesautiers de pique-nique printanier. Qu’elle narre malicieusement les aventures d’une moche amoureuse éconduite ou la rengaine de la caissière, qu’elle égrène ses fantasmes d’hommes soubrettes habillés de bleu, qu’elle rende hommage à ses deux petites fées aux baskets à lacets fluo, ou qu’elle explore langoureusement de poétiques contrées (Habillez-moi de vous), sa jolie voix, franche et claire, agit comme un enjôleur stimulant. Aussi euphorisant qu’une bonne rasade de Paris Combo. myspace.com/adelechante Julie Bordenave
Eric Nahon
52
Rafael Aragon
BRUITAGE ALTAM
AMUTE
“Poésie électrique”
“Infernal heigths for a drama”
(Le Cri du Charbon / Sterne)
(Stilll Records / Pias)
Membres du groupe ska-punk N&Sk, Christophe Vial et Benoît Rubet, accompagné de son frère Michel, semblent avides de nouveaux territoires musicaux à défricher. Telle est la preuve apportée par ce disque réussi, riche en influences et en métissages, réalisé par Niko Matagrin (Meï Teï Shô, EZ3kiel) dans le studio lyonnais du Peuple de l’Herbe. Incontestablement, les effluves dub et trip-hop de la capitale des Gaules ont violemment contaminé le trio originaire de la voisine Saint-Etienne. Beats drum’n’bass (Et même) et rythmes dubisants (On penche) se ménagent en effet une place de choix dans le foisonnement créatif des trois garçons. Du reste, totalement insaisissable, le trio jongle avec les registres musicaux, de la chanson rock à l’électro, en passant par le slam (Saint Etienne) et le ska. Toujours avec brio, poésie et énergie, pour accoucher au final d’un disque en forme de laboratoire de la chanson, audacieux et éminemment humain. myspace.com/altam Fabien Benoit
Jérôme Deuson est l’identité qui se cache derrière ce fascinant projet. Après deux albums commandés par le pointu label montréalais Intr-version (Ghislain Poirier, Encre, Avia Gardner), c’est sur sa propre structure que ce musicien belge sort sa troisième livraison. Composée de balades guitare-voix déstructurées, re-texturées et arrangées sur ordinateur, sa musique est un magma où pop, post-rock, indus et électronica font corps. Les programmations se font tour à tour discrètes puis diluviennes, emmenant des pop songs épurées vers des apogées supersoniques ou des accalmies ambient. Si la sauce ne prend pas sur chaque piste, nous avons droit à quelques délicieuses envolées psychédéliques que ne renieraient pas Animal Collective et consorts. A croire que aMute ne maîtrise pas toujours le chaos, ce terreau fertile où il puise son inspiration. Un album inventif et de très bonne facture, malgré quelques égarements bien vite oubliés. www.amute.net
RODOLPHE BURGER
DAVID CARROLL & THE MIGRATING FELLOWS “The guest” (Milk Music)
“Valley Sessions” (Label Maison / Pias)
Quelques mois seulement après un album un peu hiératique, voilà que Rodolphe Burger enregistre des sessions studio en condition live avec le trio de musiciens soudés qui l’a accompagné en tournée… avec Eric Truffaz en cerise sur le gâteau. Quelle excellente idée ! A travers cet exercice, Rodolphe prouve que le talent n’est pas seulement dans l’écriture d’une chanson mais aussi dans son interprétation. Ainsi, estce l’hymne de Joy Division qui habite le chanteur ou l’inverse ? Parvenant à transformer la madeleine baroque “Days of Pearly Spencer” en chant crépusculaire, Rodolphe prouve une fois encore qu’il est bien un “rock’n’ roll animal” capable du meilleur en live. Car ces “Valley sessions” transpirent d’humanité jusque dans leurs silences. Cet album ravira les fans par son lot de surprises et peut s’avérer une excellente porte d’entrée dans l’univers de ce songwriter - et performer - unique. myspace.com/rodolpheburger Ludochem
Rafael Aragon
Non, il ne s’agit pas de la résurrection du célèbre acteur mais, bien du nouveau projet anglophone signé par le chanteur éponyme d’origine irlandaise. Peut-être aurez-vous croisé le monsieur au sein de plusieurs formations électro-rock (X-Space and The Ego, Black Milk) et pop rock (Milk), ou même sur scène puisqu’il se produit régulièrement et à notamment assuré la première partie de Paolo Nutini en 2006 à l’Elysée Montmartre. Après un maxi sorti en 2007, voici enfin venu le temps de l’album. C’est ainsi une collection de chansons folk rock dans la continuité de l’EP que nous offre David avec cet album douze titres, qui va chercher par moments du côté de la profondeur du blues, du flow hip hop ou des pulsations électroniques pour pimenter ses compositions. The guest reste néanmoins très homogène et ne perd à aucun moment son identité particulière.
Caroline Dall’o
53
BRUITAGE CHAPEL HILL CATS ON TREES
BENOIT CAZAMAYOU
“A song to die for”
LA COLLECTORE
“Uli”
“Caribou”
(Cosmopolite Records)
“Bâtisseurs de ruines”
(Autoproduit / Believe)
(Linoleleum / Les Allumés du Jazz)
(Autoproduit)
Une fille et un garçon, la première au piano, le second à la batterie : on pense aux Dresden Dolls. Une inspiration qui oscille entre l’innocence enfantine et une mélancolie latente : c’est à Cocorosie que l’on pense cette fois. La musique de Cats On Trees évoque en effet ces univers particuliers, mais construit le sien propre, au gré d’une musique riche de rebondissements, d’humeurs et d’énergie, malgré sa parcimonie de moyens. Des chats sur les arbres, des éléphants endessous et toute une ménagerie faussement naïve peuple le monde onirique et bien personnel du duo. Les sons grésillent et résonnent dans des coins de souvenirs, la voix fraîche de Nina Goern (par ailleurs claviériste des subtils Aeria Microcosme) apporte légèreté et émotion tandis que des notes égrenées de piano dessinent des ambiances fines et épurées qui s’élèvent parfois dans une grâce douloureuse et touchante. myspace.com/catsontrees
Jessica Boucher-Rétif
Si par réflexe, à la moindre note d’accordéon, vous fuyez en courant, c’est parce que vous n’avez jusqu’alors pas ouï celles du renne du Canada… Caribou, point aristocrate, mais élégant instrumentiste saura ainsi vous charmer. L’accordéon discret de son géniteur Benoit Cazamayou joue de concert avec le piano des complaintes pop jazzy progressives. N’y pressentez pas l’ennui, les fastes du genre rencontrés à la fin des années 70 sont évités. Benoit puise plutôt son inspiration auprès du précurseur Robert Wyatt (Soft Machine) et du compositeur pianiste Erik Satie, tous deux recommandables. Oui messieurs, des grandes références affichées pour un résultat tout sauf prétentieux. Ce disque vagabond propage même légèreté et poésie. Bande-son intime débarrassée des oripeaux du quotidien, elle mérite bien le détour d’un chemin buissonnier. www.linoleum-records.com Vincent Michaud
Quelle est cette épaisse atmosphère, brassée par une chaleur noire à faire trembler le plus dur des cavaliers solitaires ? Une voix incantatoire froide comme celle d’un Ian Curtis égaré dans les Rocheuses, avec l’ardeur et la rage de Jim Morrison et Nick Cave réunis dans une valse psychotique, emportés par l’ivresse et le spleen. Les guitares graves se répandent en trémolos et se mêlent aux violons frileux, et la diligence passe… Dès les premières secondes, nous voilà déjà loin, peut-être au cœur d’une ville-fantôme, sur une plaine nue où sifflent les crotales… Le cul dans la poussière, nous écoutons Nathan Symes et ses compères chanter la rudesse du pays, avec force et douleur, la mélancolie et l’allégresse balayées par cet écho comme un fétu de paille. Et ce n’est que le premier album. Rien à ajouter. D’un coup de talon nous repartons à travers les collines bleues, la main sur la gâchette. See You, Corail ! myspace.com/chapelhillfrance
DARIA “Open fire”
Kevin Duranton
Cette fanfare auto-définie “colt punk” s’est construite autour du cri commun d’un collectif d’une vingtaine de musiciens. Leur énergie revendicative laisse imaginer la personnalité de chacun d’entre eux. La section rythmique : contrebasse, guitares électriques, banjo, sourdo, grosse caisse, donne à la formation son côté rock incontestable. Le pupitre des soufflants : flûtes traversières, sax, trompettes, trombones, clarinettes et souba leur attribut le côté festif et mélodieux des bandas. Enfin, l’utilisation d’un porte-voix permet de mettre en lumière leur esprit révolutionnaire. Comme dans une manif, ils dénoncent les bassesses du monde dans lequel on vit et appellent à la pensée libre en demandant à leur public de ne pas faiblir ! Ils déconcertent et réconfortent. Leur interprétation de La Marseillaise est particulièrement réussie : “La liberté est bien finie / Le jour de gloire est reparti”. www.la-collectore.com Johanna Turpeau
DIETRICH
DIMONÉ
DIVING WITH ANDY
“Evok” (Homerecords /
“Madame Blanche”
“Sugar, Sugar”
(A.S.A. Music / Crash Distro / Pias)
L’Autre Distribution)
(New Track Music / Anticraft)
(Summertime)
Odeurs d’électricité, foudre et braise. Ca sent le chaos salutaire chez le groupe angevin. Son deuxième album trace une ligne intéressante entre ses débuts power-rock vers un point de mire résolument plus noise. Entre les deux, les quatre rockeurs arrivent donc à s’approprier une atmosphère bien noire, que l’on devine malsaine et agressive. Le son est pesant et les rythmes tempêtent violemment. La voix rauque et profondément rageuse résume bien les velléités ardentes des musiciens. Leurs chansons reposent d‘abord sur de bonnes mélodies, et tout l’intérêt du groupe est de les faire sonner bien acérées, puissantes, et impétueuses. Volume, rapidité, amplitude : les sensations fortes sont au rendez-vous et les refrains jetés en pâture. Inutile de se frotter trop près, le groupe prouve encore qu’il est bien armé pour se défendre. www.dariamusic.net
Voyage à travers les temps et les lieux, la musique de Dietrich se construit, puissante, ample et évocatrice, sur les piliers fragiles et organiques de deux voix maîtresses. A celles-ci se joint un ensemble d’instruments anciens et traditionnels. Le dialogue vocal s’organise en polyphonies, créant de riches tableaux dont l’instrumentation foisonnante rehausse les couleurs et la vivacité. Entre Orient et Occident, le duo et ses musiciens nous entraînent dans une exploration des sources, de nous-mêmes, comme des cultures, en suivant des voies parfois surprenantes, mais toujours empreintes d’une authentique émotion. Le bouzouk irlandais se mêle au daf persan, la vielle à roue croise le melotron dans un folklore réapproprié et intemporel. Ici enjouée et presque festive, là plus introspective et sombre, effleurant le sacré, l’alchimie opère et envoûte… myspace.com/jeucdietrich Jessica Boucher-Rétif
Nanti en ouverture d’un titre imparable (Les narcisses), ce deuxième album du Montpelliérain a tout pour tromper son monde. Car au delà de cette entrée en matière toute aussi tubesque qu’enthousiasmante, Madame Blanche offre des plages beaucoup plus intimistes et musicalement dépouillées. Avec en contrepied, des textes d’une grande richesse dans lesquels on peut parfois se perdre à défricher les images pour toucher le coeur du sujet. Compositeur pour le théâtre, il oscille entre chanson et incursions pops plus riches (Sans ambiguïté) où il pose dans tous les cas une voix chaude, parfois murmurée, toujours juste. Un album tout en fausses pudeurs qui se dévoile lentement, où les sources se cachent derrière l’aridité de certaines musiques ou la touffeur textuelle. www.dimonelesite.com
Un peu de fraîcheur, de celle qui désaltère et qui de plus pétille ! Un petit diabolo-grenadine auditif, tout juste sorti de la glace, c’est sans doute l’une des définitions les plus justes pour cerner le son de ce groupe 100% pop qui navigue entre Paris et Londres, où il puise ses influences. Cela donne des textes en anglais joliment envolés par la voix délicate de Juliette, qui dessine ses mélodies magiques sur des musiques travaillées. Cet esprit éclectique n’est pas sans rappeler l’inspiration des quatre de Liverpool… Ainsi les cadences au piano se déclinent sur des violons longs et lents, agrémentées de petits riffs de guitare très justement trouvés, ou d’arpèges funambules qui rehaussent le chant, ruisselant sur la poésie des mots. Du sucre dont on nappe les tartes qui finissent les repas entre amis, celui dont le goût rappelle la douceur de l’enfance égarée… myspace.com/divingwithandy Kevin Duranton
Béatrice Corceiro
Jean Luc Eluard
54
BRUITAGE COSMOBROWN CORTO SINN
“Playin with ya”
“Le ciel est à nous”
(Autoproduit / Believe)
(Autoproduit)
Varsas
Electro-pop un tantinet orgiaque, on retrouve ici de tout à profusion chopant au passage ce qu’il faut de soul et de funk eighties. Album joyeusement allumé, les influences sont avouées, ça part dans tous les sens, mais rien n’est en trop. Démarrage en trombes, sans tour de chauffe, ça sent le burn out ! Imposant comme un chop’ Harley, le Dennis Hopper de l’électro est “né pour être sauvage”. Il fanfaronne, taquine le son sans répit, examine avec minutie les moindres recoins de la pop et frise même avec l’illégal rock. Son cocktail détonnant risque bien de devenir l’emblème d’une génération. Ni Dieu, ni maître, l’indiscipliné débridé fonce en apnée, met l’accent sur les mélodies et les harmonies vocales sans se soucier de ce qui pourrait arriver au bout la route 66. Il brave l’audience puritaine avec audace et une énergie colossale. Un album abouti et mâture, à rendre accrocs tous les fondus d’électro. myspace.com/cosmobrownmusic Maho
DLGZ ROCK 5TET “New tricks
DOCTOR FLAKE
for old dogs” (Pourquoi Faire
“Minder surprise”
Simple Records / Anticraft)
(New Deal / Differ-Ant)
Si ce groupe lillois a pris son temps avant d’enregistrer son premier album, c’est pour se donner les moyens de le faire en grand. Dix ans d’existence, un changement de nom, deux maxis et finalement un passage par le studio Soma de John McEntire ont pour résultat un disque parfaitement maîtrisé. La patte de l’alchimiste du son de Chicago y est bien présente ainsi que l’influence de la scène dont il a écrit les premières mesures. Post-rock donc, mais tellement plus aussi. La musique de DLGZ Rock 5tet se fraie un chemin dans l’espace comme une brassée d’herbes folles pour se densifier en un foisonnant buisson. Elle aime les digressions, les incartades et les voies inexplorées, sans jamais pêcher par un manque d’homogénéité. De plages planantes aux circonvolutions complexes poussées dans des retranchements de saturation au dub crépusculaire, New tricks for old dogs est un parcours hypnotique dont on n’épuise jamais les surprises. dlgz.net
Derrière son titre au jeu de mots douteux (il nous y avait habitués), la troisième livraison du producteur savoyard cache l’esquisse d’une évolution musicale bienvenue. Laissant de côté les effets faciles et les samples de films sur-utilisés (une pratique courante qui pollue la musique électronique), il a choisi de confronter son abstract hip-hop à la voix, la vraie. Que ce soit au contact du chant neigeux de Vale Poher ou du flow volubile de Miscellaneous (Fumuj), notre Docteur Flocon abandonne le ton potache des grands réservés pour révéler une sensibilité à fleur de peau et une ouverture vivifiante. Il laisse ainsi entrevoir l’artiste passionnant qu’on lui souhaite de devenir. Restent quelques longueurs et gimmicks superflus (qui sont souvent l’apanage du hip-hop et de ses dérivés) qui font de ce court album une belle promesse plutôt qu’une vraie réussite. Sinon l’album de la maturité, du moins un grand pas en avant. doctorflake.free.fr Rafael Aragon
A l’écoute de ce disque, ce qui est évident, c’est que les références ne manquent pas ! Voilà du rock français à textes qui connaît ses gammes. La filiation avec Noir Désir est claire et assumée, on y retrouve l’ambiance de Veuillez rendre l’âme, l’énergie de Du ciment sous les plaines et même une compo intitulée La rage qui sonne comme un hommage. Les textes évoquent Miossec dans leur âpreté et leur cynisme, Louise Attaque avec ce besoin de mettre en avant les sentiments sans sombrer dans le sentimentalisme ou encore Black Maria pour leur dimension onirique. L’apport du sax nous renvoie à LSD pour les parties les plus sobres, et Akosh S. (Noir Dez encore !) pour les envolées sur-vitaminées. Et Corto Sinn dans tout ça ? Ne vous en faites pas pour eux : ce groupe a un vrai son, une vraie force, un style bien à lui et un besoin vital de transcender ses histoires sur scène. Tout va pour le mieux ! myspace.com/cortosinn
Jessica Boucher-Rétif
55
BRUITAGE JACQUES DUVALL
FACE-B
“Le cowboy et la callgirl”
EPILEPTIC
EXSONVALDES “Near the
“Des faux semblants”
(Freaksville Records)
“A piece of eternity…”
edge of something beautiful”
(Autoproduit / Anticraft)
L’an dernier, son projet Phantom, qui relançait pour le coup la chanteuse Marie-France, avait suscité curiosité et intérêt. Prolixe comme jamais, Jacques Duvall propose aujourd’hui un nouvel opus, sous son nom cette fois-ci ; un recueil de chansons sous perfusion rock. Entre guitares surfs et orgues vintages, l’écrin musical affiche une belle pertinence pour un propos qui emprunte autant à la BD qu’à la série B. Les textes sont psalmodiés sur les arrangements au cordeau de Miam Monster Miam, déjà à l’œuvre sur le précédent album. D’entrée de jeu, Le cri et ses hurlements lugubres plantent le décor, les situations décrites tout au long des onze titres naviguent entre polars mélodramatiques et tragi-comédies. Fortement cinématographique, ce disque captivant de bout en bout, est une belle réussite. Jacques Duvall, parolier reconnu et chanteur dilettante, s’expose enfin pour notre plus grand bonheur et, souhaitons-le, pour longtemps. www.jacquesduvall.net Alain Birmann
(Theatre records / Rejuvenation)
(Volvox Music)
Ca faisait longtemps que le nom de ce groupe n’était pas venu à nos oreilles. Son chanteur a récemment fait paraître un premier album solo de chansons folk, sous le pseudonyme My Hand in Your Face. Mais voilà que les trois compères rallument l’électricité à Poitiers et signent un quatrième album. Son titre est déjà un poème à lui tout seul. Il n’est donc pas surprenant de ressentir de fortes influences littéraires et de se plonger dans des textes écrits comme des mini-récits. Plutôt revendicatifs, ils donnent lieu à des chansons de rock-noisy, interprétées d’une voix rugueuse qui dissimule à peine son émotivité. Les mélodies acerbes tour à tour féroces et maladives, ainsi que l’intensité croissante appellent toute notre attention. Cet enregistrement permet aux trois musiciens d’ajouter quelques arrangements : on entend du banjo, du violon, du piano… Encore un de ces jolis disques que les fans d’indie-rock sauront chérir. epileptic.free.fr
De la personnalité plus que de l’originalité, voilà ce qui définit le premier album de ces Toulousains. Un rock réaliste à fleur de sensations, porté par un élan sauvage qui emprunte ce qui lui correspond à chacune des décennies qui l’ont précédé. Direct et brut sans délaisser la qualité de l’écriture, Des faux semblants mise avant tout sur l’énergie et la spontanéité, mais démontre aussi un réel travail de précision dans les arrangements et dans la mise en place de ses compositions en creux et en bosses dont la variété de tons rehausse l’attrait. Dans un registre très proche de Luke, le chant n’évite pas un sentiment de déjà entendu, mais recèle lui aussi ce qu’il faut d’écorchure pour imposer ses textes dans l’air du temps. Entre les rythmes soutenus, Face-B sait aussi aménager, pour ses états d’amertume, des accalmies aux inflexions nostalgiques ou délicatement tourmentées, et créer quelques beaux moments de pression. myspace.com/faceb
Béatrice Corceiro
Exaltation, mélancolie et rage sont les sentiments révélés par ce très bon nouvel album du quatuor parisien qui vient titiller les meilleures productions belges de cette décennie, avec de fortes influences comme Girls in Hawaii ou Ghinzu. La directive est aux claviers (classiques ou électro) se déployant en nappes englobantes, aux guitares énergiques, tout en tenant la barre des mélodies légères et le chant tourmenté toujours sur la brèche. Pour ce deuxième essai, à noter la présence du réalisateur reconnu Alex Firla (Phoenix, Arthur H). La production, impeccable, est trop léchée diront certains, mais au diable les poncifs snobs, le son est bon et l’atmosphère euphorique / mélancolique efficace. Pourquoi faudrait-il que les “bons” groupes de rock aient toujours un son bien crade ? Pris au jeu, l’écoute est facile et agréable, alternée entre titres électriques et ballades douces amères. myspace.com/exsonvaldes Isabelle Leclercq
FRAMIX
FRANKLIN
FRENCH
GUAKA
“Happy animals”
“Every now and then”
“Bi”
“Guaktron”
(Frakamix Productions / Anticraft)
(Wool Recordings)
(Un Disque Bien)
(Autoproduit)
François Michel est un dubber de la région nantaise qui sévit aussi bien en solo qu’au sein de Kazamix, son duo avec Fwedz (gratteux de La Ruda). Il revient avec un deuxième opus, huit ans après un premier LP éponyme. Des années à jouer, voyager et composer les treize ritournelles de cet album. Sa recette ? Mélanger la musique des Caraïbes, du Pacifique et du sud des Etats-Unis à des riddims dub légers, à mille lieues du son lourd du steppa ou du dubstep. Oubliez les échos en pagaille et les ambiances pesantes ! Chez Framix on siffle, on gratouille, on chantonne, la basse est chaude et le groove nonchalant. Loin de la tôle et du béton de la métropole, sa musique fleure bon l’hibiscus et la canne à sucre. Mais derrière la légèreté apparente se cache une musicalité ludique, servie par une très bonne production et des arrangements malins, à base de voix sucrées, d’ukulélé ou de guimbarde. Une évasion musicale qui évite les clichés. www.framix.fr Rafael Aragon
“De temps en temps” est la traduction littérale du nouveau projet parallèle de Franck Rabeyrolles, après ses quatre escapades sous le nom parodique de Double U. Et qui dit nouvelle identité, dit nouvelle atmosphère. Hybride et captivant, le Montpelliérain chasse désormais sur les terres des Notwist à l’aide de cette électronique distordue et rêveuse, si fragile lorsque l’ambiance est au plus simple (In your bedroom). Plus tard, sur Into the dark par exemple, la psyché pop sixties et éthérée montre le bout de son nez. Tout comme sur Lost house qui compte parmi les plus beaux morceaux du disque. Moins de machines donc, et davantage de simplicité presque vintage qui sent bon la côte ouest américaine. Sans pour autant faire preuve d’énormément d’innovations, la musique du sudiste tour à tour emporte, berce et balance, au gré d’une douce brise post-pop. Minimaliste et relaxant. De temps en temps. myspace.com/franklinfranklinfranklin
Après avoir écumé les salles du sud-ouest avec l’orchestre bordelais Peloueyre puis concocté quelques autoproduits, François Gallet, alias French, revient avec cet album doublement barré. Dans la pochette, vous trouverez en effet deux CD. Le premier, Homo, pour homogène, est composé de quinze titres enregistrés dans les mêmes conditions et de structure assez similaire. French pose sa voix tranquille sur une rythmique acoustique (guitare, banjo, contrebasse…) pour évoquer les déceptions, les révoltes souterraines, les relations foireuses. Ceux que la monotonie de l’ensemble lasse peuvent tout de suite passer au deuxième disque, Hétéro, pour hétéroclite, qui résume les dix dernières années de travail du musicien. On passe d’enregistrements crados au dictaphone à des titres bien léchés en studio, de l’électro soft à la pop fraise Tagada, et il y a même des filles qui chantent. Touffu et éclectique. myspace.com/frenchgallet Aena Léo
Adieu clichés tenaces qui allient les groupes latinos à la gentille salsa et au meringue ringard. Bye bye les petits nouveaux toujours dans le sillage du grand frère Chao. Saluons donc cette formation colorée qui a su allier avec malice ses influences chiliennes au rock puissant, toujours vivace dans la contrée bordelaise (où elle est installée). Pour son deuxième opus, le combo hyper-vitaminé a su s’entourer de beau monde comme Romain Humeau, le chanteur d’Eiffel, au mixage. Guaktron est un album qui remue les oreilles, relayant ambiances insouciantes et festives avec des manifestes engagées comme La sensation de la télévision, critique acerbe des média. Des paroles criées en espagnol et une désinvolture teintée d’humour répondent à des guitares agressives conversant avec des percus endiablées. Une chose est sûre, il faut voir le phénomène Guaka sur scène : un punch incroyable qui à la fin du set laisse KO, mais content ! myspace.com/guakamusic
Julien Deverre
56
Jessica Boucher-Rétif
Isabelle Leclercq
BRUITAGE FANIA
FORDAMAGE
“Silmakha”
“Belgian tango”
(Passion Musique / Abeille Musique)
(Kythibong / La Baleine)
Elle en a fait du chemin depuis son arrivée en France au début des années 80… Fania n’est pas née de la dernière pluie et les rencontres et collaborations (Jean-François Bizot, Jean-Paul Gaultier, Kaoma, les frères Touré Kounda) n’ont pas manqué sur son parcours. Toutes ces expériences, associées à une enfance aux côtés de parents musiciens, ont fait d’elle une créatrice affirmée aux charmes fous. Véritable invitation au voyage, cet album nous plonge le long des routes et chemins de terres rouges du Sénégal d’où elle est originaire. Ce sentiment d’authenticité est conforté par des textes en wolof, peul, soninké et malinké. Comme dans Affair la, les mélodies sonnent justes, se retiennent facilement et notre oreille y décèlera quelques rappels aux succès d’Amadou et Mariam dont la carrière ne peut être que souhaitée à Fania. myspace.com/chezfania Maxime Ardilouze
Voilà les Nantais de retour et ils n’ont pas patienté en rongeant leurs griffes. Bien au contraire, on arrive au beau milieu de la bataille pour constater qu’ils sont toujours aussi bagarreurs. Du sang, des hurlements, une belle fureur… Eh bien, à croire que le tango belge n’est pas fait pour les petites natures. Les quatre “costauds” font parler les armes : guitares, basse et batterie. Leur colère est drôlement enthousiaste et la noirceur de leur son noise trouve des aérations. Les riffs tranchent d’impatience, des notes palpitent plus sereinement, les quatre voix se mélangent bien et accentuent la foudre juste quand il le faut. De bons assauts rythmiques arrachent parfaitement l’énergie brute, mais savent aussi moduler l’intensité, jouer sur des variantes inattendues. Un remue-ménage pas des plus reposants et fort passionnant. myspace.com/fordamage
GUNS OF BRIXTON
NICOLAS HAAS
“Cap Adare”
“Un peu de nous”
(L’Assaut Fantôme / Believe)
(7Music)
L’immense mur du son imposé par ces désormais cinq musiciens caennais frappe d’emblée. Ensuite, cela alterne le chaud et le froid avec constance en mêlant les sonorités électroniques du reggae à la rudesse d’un rock violent à dominante bleu, tout en froideur donc. Sur Another strange day of life, deux membres de Burning Heads rejoignent le combo pour le titre le plus dub de l’album, le plus chanté aussi. Car on est souvent plus proche des longues envolées électriques de Mogwaï que d’un dub à la On u sound même si les relents électroniques ne trompent pas sur l’origine. Ce mélange des genres fait néanmoins la différence et brille de tous ses éclats lorsque, trop rarement, les voix s’en mêlent. Hurlées à la fin de Cannibale, un titre particulièrement révélateur, les paroles s’imposent véritablement sur Ajoute l’enfer, morceau qui rappelle le meilleur de Diabologum malgré une voix (féminine) guère audible. Un troisième album très réussi. myspace.com/gunsofbrixtonmusic Patrick Auffret
Avant de passer à la musique, ce Belge touche-à-tout a roulé sa bosse sur les plateaux télé et cinéma comme preneur de son. Comme les films l’intéressaient moins que les morceaux qui l’accompagnaient, il a fini par changer de voie, et c’est tant mieux. Pendant plusieurs années, il mené en parallèle des projets électro et chanson. Ce nouvel album dessine de petites mélodies piano-guitare qui attrapent d’abord le cœur, montent au cerveau, puis descendent aux tripes pour jouer aux billes avec nos émotions. Ses textes sont emprunts d’une mélancolie à retourner la tête, douce lorsqu’il évoque les souvenirs ou l’amour, acidulée quand il décrit la société. On aimerait parfois qu’il nous emmène du côté de terres un peu plus électro-déjantées, mais les billes recommencent à remuer dans le ventre, alors on se contente d’apprécier les violons, la poésie et la tendresse triste de cet album joliment habité. www.nicolashass.com
Béatrice Corceiro
Aena Léo
57
BRUITAGE HIGH-SCHOOL MOTHERFUCKERS “Backseat educa-
LES HOMMES CONCOMBRES
LES HURLEMENTS D’LEO
IRIS CORPORATION
“La vie c’est du bonus”
“13 ans de caravaning”
“A new Saint Session”
(Autoproduit)
(Irfan Le Label)
(Autoproduit)
Après quelques mois d’absence, de nombreux projets annexes (Kebous, Heroes de Puta, George Sound, Touffes Krétiennes…) et une équipe en partie renouvelée (batterie, violon, contrebasse) les Hurlements repartent pour un tour de roulotte en signant un double album best of, l’un compilant vingt de leurs titres les plus connus, l’autre composé exclusivement d’inédits et de live. On y retrouve nombre de groupes qui ont croisé leur route au fil des années comme les Sleeppers, Les Ogres de Barback, Romain Humeau, L’Enfance Rouge, LaRéplik… Une tournée, commencée en Russie en décembre 2008, fut l’occasion du rodage de la nouvelle formation, et devrait se poursuivre jusqu’en septembre 2009. Le reportage Du Ouest terne à l’Oural, témoin de ces dates russes, est à consulter en images et en texte sur le site de notre photographe Pierre Wetzel : www.pierrewetzel.com. Na zdrowie ! myspace.com/leshurlementsdleo
Aurélien Marty
Méfiez-vous des mutants ! Les Hommes Concombres se planquent derrière une étiquette “chanson festive” pour mieux vous ronger le cerveau avec leurs histoires corrosives. On s’attend à une histoire de “baraque à frites”, mais on se retrouve en compagnie d’un serial killer qui cuisine à l’huile. Un peu plus tard, on découvre une princesse chez LIDL et un mec que ça ne gênerait pas de se faire larguer… si c’est pour Brad Pitt ! Les Concombres se démarquent par un soin remarquable accordé aux mélodies réellement originales et la présence d’un trompette-hero qui donne un beau relief à l’ensemble. Et surtout dans ce groupe, tout le monde chante, et plutôt pas mal, d’ailleurs. On ne racontera pas de salades avec ces Concombres croquants et juteux. Allez-y, leurs prestations scéniques sont de première fraîcheur. Mention spéciale pour leur Ballade au Blue Moon, un récit musical drôle et émouvant. www.leshommesconcombres.fr Eric Nahon
Maxime Ardilouze
Comme pour mieux refléter un propos qui se veut au croisement d’engagements humanistes non communautaires, la musique de ce trio albigeois résulte d’un métissage culturel, géographique et temporel qui la rend unique. Si son assise, marquée de réminiscences seventies, est fermement rock et électrique, son inspiration va puiser jusqu’en Orient des mélodies à la chaleur et la sensualité plus exotiques. L’amplifié se mêle à l’acoustique, le chant fragile proche de Jeff Buckley côtoie des emportements plus coléreux, la guitare épouse des courbes orientales. Ce premier album se déploie dans des teintes et des ambiances changeantes, le plus souvent ombrageuses comme l’est la rage réfléchie, mais parfois aussi plus chamarrées et portées de rythmiques chaloupées. Ce “world rock” conscient et concerné sait mettre des sons sur une certaine idée du monde et des peuples. www.iriscorporation.biz Jessica Boucher-Rétif
JOLGA
JUNESEX
KARPATT
GASPARD LANUIT
“Sur un fil”
“Sex in times of war”
“Montreuil”
“Comme un chien”
(Salamah Production)
(Junesex International Airlines)
(L’Autre Distribution)
(3h Moins Le Quart)
Plus connu en tant que chanteur quinze années durant de Shaggy Dog Story, Sebastien “Jolga” Martel publie aujourd’hui un premier album solo empli d’une poésie mélancolique certaine. Accompagné de Vince, Sid et Rémy, Jolga voit ainsi le jour après plusieurs concerts et un album “live”, enregistré comme son nom l’indique dans la fraîcheur de l’instant. Ce premier LP quant à lui alterne orchestrations pour cordes… de guitare, de slide, de ukulele et de oud sur des arrangements tournés autour du piano et du rhodes. Cet album de plus de dix-neuf titres a été conçu comme un voyage intérieur ponctué d’étapes. On passe ainsi de ballades romantiques à des morceaux plus pop au détour d’un interlude inattendu. Parfois inégal dans sa longueur, certains titres pourtant sortent du lot, à l’instar des sombres mais enthousiasmants L’air qui nous sépare ou Les amoureux. www.jolga.fr
Champions du brouillage de piste, David, Greg, Marion et Sarah sont deux couples à la ville qui pensent que tout est possible. Reprendre Run DMC à la flûte ? OK. Glisser l’un de ses morceaux dans un film avec Sophie Marceau (Lol) ? Possible. Faire l’amour en temps de guerre ? Carrément. Succédant au So fucking chic de 2004, ce nouveau onze titres sans étiquette part dans tous les sens et semble superbement produit. Sans doute peut-on parler de pop électronique pour des titres finalement très dansants (I like it, Eye of the tiger, et surtout Worst than love tube propagé par Nova). Mais ce serait mettre de côté le clone du Girlfriend de TTC qu’est Boy with your tongue ou encore le R’n’B électronica de The road seems endless. Un peu comme Sébastien Tellier l’année dernière, le quatuor parisien énigmatique et fantasque vient de livrer un disque sexuel qui invite au déhanchement. myspace.com/junesex Julien Deverre
Après trois albums en trio acoustique, Karpatt accueille un batteur. Rockeurs dans l’âme, leurs guitares s’électrifient, les éloignant ainsi du jazz manouche auquel ils nous avaient habitués. A la première écoute, cet opus surprendra les initiés, mais la séduction de ce nouveau quatuor œuvrera et comme à chaque fois, le groupe surprendra par son ambition. Des textes plus personnels et des arrangements plus matures réjouiront les auditeurs fidèles aux mélodies suaves et aux textes poétiques avec Chamade ou Le théâtre ordinaire. Les accros à leurs rengaines alléchantes comme La mouche se retrouveront dans J’arrive. Chacun des albums a reçu le nom de l’endroit de sa conception. D’après Karpatt, Montreuil est la seconde ville malienne après Bamako. Alors après pas mal de temps à l’étranger, de retour dans leur banlieue parisienne, il était logique de donner de la couleur au nom du petit dernier ! myspace.com/karpatt Johanna Turpeau
Trois ans après Il était temps, Gaspard continue son virage folk rock entamé avec Fred Pallem (Le Sacre du Tympan) qui fait toujours partie de l’équipe. En héritier de Gainsbourg sur Bloody love, Nino Ferrer sur Défilé militaire, et Katerine sur Johnny Depp, son troisième opus conjugue énergie, humour et mélancolie sur des textes acerbes en français. “Vive les chômeurs, vive les déserteurs” entame-t-il avec trois fois rien, simplement pour faire passer un message. Liberté de ton, liberté de forme, le bientôt quadragénaire se permet ce qu’il veut. Et il faut le dire, toujours avec classe. Il y a en effet peu de ratés dans ses textes sur la femme, la trahison, la mort… Du classique certes, mais qui semble réalisé par la patte des plus grands (du Higelin sur La rivière sans retour), et arrangé selon des allures pop vigoureuses et modernes. Une bien belle réussite, tout à fait sincère. myspace.com/gaspardlanuit Julien Deverre
tion” (Z-Factory Rec. / Anticraft) Une pochette signée Marie Meïer (illustratrice goth’n roll), c’est assez rare pour être souligné ! Anecdotes graveleuses, histoires d’amour… les quatre Parisiens se donnent à fond dans un pur esprit “Marie Meïer rock’n roll”. Brut de décoffrage, le son secoue la tête et les tympans, de beaux souvenirs adolescents se ravivent. “Let’s go ! Like a Ramone”, la filiation avec le quatuor légendaire de New York est clairement revendiquée. Avec son cross-rover réussi, ce premier album survitaminé aux influences punk et metal, devrait plaire aux plus jeunes. Douze titres, douze fois la même histoire. Intro guitare ou batterie, couplet vite envoyé, refrain avec chœurs pour parvenir à l’extase et le sempiternel solo de six cordes… une fausse prétention qui lassera vite les habitués, mais les néophytes seront ravis. Ce genre d’album, simple et nerveux, devient rare, alors de temps en temps, ça fait quand même du bien ! myspace.com/highschoolmotherfuckers
Caroline Dall’o
58
BRUITAGE KENTIN JIVEK IZÏA
“Folklore & Folktales”
“Izïa”
(Believe)
(AZ)
Jessica Boucher-Rétif
Syd Barrett, le premier leader de Pink Floyd, aurait complètement déjanté après une ou deux tasses de thé mélangées à du mauvais acide. Il faut croire que Kentin Jivek est plus résistant car il s’en sort plutôt pas mal avec ces drôles de breuvages. Comme Barrett, Jivek voit des petits lutins partout et le raconte dans des chansons psyché-folk. Pour accompagner ces tisanes magiques, il ajoute beaucoup de guitares stratosphériques, de synthés bien nappés, des voix d’outre-tombe et des percus sorties du Temple maudit. Etonnamment, ça sonne parfois comme du Léo Ferré. Et parfois comme du Yes. Kentin délivre ses comptines en français, en anglais ou en espagnol. On regrette parfois qu’il ne manie pas la langue des Elfes parce que “Petite citrouille… a la trouille”, à moins d’être sous acide, ça passe moyen. Tout le reste est d’un excellent niveau entre Louisa John-Krol et Devandra Banhart. myspace.com/kentingivek Eric Nahon
JOSEPH LEON
LOLE
“Hard as love”
“Sugary and dry”
(Real Time / Dièse)
(Betacorn Records)
Paris serait-il devenu le nouveau havre des chanteurs folk anglophones ? Après Hugh Coltman cet hiver, c’est au tour de Joseph Leon de publier en France un premier album d’une sublime simplicité qui restera à n’en pas douter l’une des pépites romantico-mélancoliques de l’année. Le Libanais d’adoption parisienne nous offre un “love movie” inspiré d’une Amérique idéalisée, retraçant l’histoire d’un couple de sa rencontre à sa séparation. On retrouve également Benoit Rault, plus connu sous le nom de Ben’s Symphonic Orchestra, vient prêter main forte sur les atours de quelques titres tandis qu’Emmanuel d’Orlando (croisé aux côté de Sébastien Tellier, Mr Oizo) assure les arrangements pour cordes qui peuplent cette invitation musicale à la rêverie. Un album autoproduit et distribué par le label Dièse Records frais comme les premières lueurs printanières qui accompagnent sa sortie, mais à déguster en toutes saisons. myspace.com/josephleon
On peut comprendre que vous en ayez assez des filles un peu fragiles qui jouent des choses sensibles à la guitare en chantant d’une voix suffisamment étudiée pour que ça reste sensible et fragile en toutes circonstances. Mais, sauf en cas d’allergie définitive, jetez quand même une oreille dans cet album, le deuxième de Lole, qui franchit ce premier obstacle rédhibitoire avec aisance. Car loin de se vautrer dans le Carla Bruni, elle tire plutôt dans la catégorie Suzanne Vega. Même voix sur le fil, mais qui sait rester aérienne, même faculté à construire de belles mélodies pas guimauves. Même langue aussi car la jeune Suissesse fait tout en anglais, y compris dans ses musiques qui sonnent US en diable, parfois même un peu trop (High and low). C’est carré et élégant, sans fioritures inutiles, distillant une ambiance doucereuse que viennent interrompre de trop rares morceaux enlevés. www.lolemusic.com Jean Luc Eluard
Née sous une bonne étoile musicale, la très jeune Izïa (Higelin de son nom) ne l’a pas suivie aveuglément, bien trop indomptable pour une voie déjà tracée. A l’image des autres prénoms de la famille, sa personnalité bien trempée fera rapidement oublier toute filiation. Son univers à elle est résolument rock, brut et farouche, et du haut de ses 18 ans, elle a déjà secoué depuis quatre ans de nombreuses scènes grâce à son incroyable énergie, sa voix particulière et cassée, clé d’envoûtement de ces revigorantes compositions. Frontales, celles-ci s’épanouissent à travers la spontanéité d’un enregistrement dans les conditions du live, contexte dans lequel elles prennent tout leur sens. Leur intérêt n’est pas dans un caractère inédit qu’elles n’ont pas, mais dans l’authenticité qu’elles laissent transparaître, directement inscrite dans la tradition d’un rock guidé par l’instinct, frais et rebelle. myspace.com/iziamusic
Caroline Dall’o
59
BRUITAGE XAVIER MERLET
MOLECULE
CHLOE MONS
FREDDY MC QUINN
“Clacfric land”
“Climax”
“Par la rivière”
“Exile on Brick Lane”
(B.A.ba Music / Mosaic / Idol Web)
(Underdog Records / La Baleine)
(Osez Joséphine / Universal)
(Underdog Records)
Sur la pochette, il arbore un col roulé vert canard comme dans les 70’s, et il est vrai que musicalement, Xavier Merlet aurait pu s’appeler Michel. Comme Berger, Delpech, Fugain ou Dassin (même si ce dernier ne s’appelait pas vraiment Michel…), il verse dans un lyrisme à la française que l’on croyait disparu en même temps que Valéry Giscard-d’Estaing. Mais côté texte, Merlet affûte des mots pas démodés, souvent plus acides qu’acidulées. “Cette chanson n’a de fond que la forme… sa seule vocation est de faire un gros tube”, chante-t-il malicieusement sur Le tube qui sonne comme une déclaration d’intention en forme de foutage de gueule jouissif. Une grosse bombe au milieu des paillettes. Alors si vous décidez d’écouter Xavier Merlet, faites-le attentivement. Sinon vous loupez tout le sel de ces compositions atypiques. On suppose que l’idéal est de le voir sur scène pour être définitivement emballé par ce drôle de trublion. www.xaviermerlet.com
Madame rêve et nous emmène dans son imaginaire. La “rivière” de Chloé Mons est avant tout métaphorique. La descendre, c’est assister à une visite guidée des inspirations et des aspirations d’une musicienne pour le moins singulière. Puissante et même souvent chamanique, Chloé nous emmène sur un terrain ancré dans la tradition folk. Mais elle ne chante pas le blues, elle chante “son” blues gorgé d’expérimentations exigeantes et d’attitudes punks. Sa voix peut sembler parfois volontairement frêle (Casa Mia), mais c’est pour faire ressortir toute l’émotion fragile d’un texte enluminé au banjo et au ukulélé. Ailleurs, on sort les guitares atmosphériques comme chez Sonic Youth… Un peu plus bas, on hésite entre rêves et insomnies sur des rythmes bastringues. Ne vous fiez pas aux apparences de la pochette : Par la rivière est un disque de blues rêveur, déchiré et délicat rempli de textes émouvants et de mélodies accrocheuses. www.chloemons.com
Eric Nahon
Voilà une valeur qui monte sur la scène électro-dub française. Après deux opus très bien accueillis sur Aktarus et dernièrement des concerts et des remixes remarqués, Molecule revient via l’excellent label Underdog. Attendu au tournant, cet album affiche une volonté évidente de s’ouvrir au grand public. Par l’intermédiaire de featurings “chocs”, le producteur décloisonne sa musique pour offrir ses infrabasses aux sirènes de la variété, avec plus ou moins de bonheur. Les interventions capiteuses de Leeroy ou Arielle Dombasle sont peu recommandables, tandis que le spoken-word de CharlElie Couture, qui invoque le fantôme du grand Serge, constitue une vraie belle surprise. Il n’empêche que notre homme a une science unique du groove minimal, profond et efficace. Tel qu’on se prend à rêver d’une version instrumentale de cet album entâché par quelques fautes de goût embarrassantes. Ouverture, oui. Concessions, non merci ! www.molecule-music.com Rafael Aragon
LAS ONDAS MARTELES
PASSE MONTAGNE
PIERS FACCINI
POLAR
“On da rocks”
“Oh my Satan”
“Two grains of sand”
“French songs”
(Corida / A Rag)
(Africantape / RuminanCe / Pias)
(Tôt ou Tard)
(EMI)
La famille, ça ne s’oublie pas, on revient toujours vers elle. Seb Martel connu comme chansonnier pop, poursuit avec son frère Nicolaï un projet parallèle revisitant le rock’n’roll de sa jeunesse. Le premier album naît en 2004 de la rencontre avec le sculpteur, poète et mélodiste Miguel Angel Ruiz, donateur de quelques chansons. Outre le frère danseur et comédien, Las Ondas Marteles se complète par la contrebassiste Sarah Murcia. On da rocks revisite aujourd’hui classiques et raretés, revêtus de velours sud-américain. Pas de surenchère virile, l’heure est plus à l’hommage cosy. “On n’est pas des touristes, on n’est pas des puristes. En revanche, on sait faire la différence entre nous et l’histoire.” Voilà, tout est dit sur la genèse de leur musique, comment ces trois apôtres ont croisé le fer de leurs cordes avec de vieux fantômes. Nashville et le Sun Studio y voisinent avec le revival 50’s, mais aussi les eighties époque B’52’s ou encore Sun Ra et Dale Hawkins. myspace.com/lasondasmarteles Vincent Michaud
On rentre dans ce disque de façon abrupte et sans ménagement, mais on ne peut pas s’en étonner quand on suit le groupe depuis Long play, le premier album. On n’a pas oublié la nervosité et la rapidité qui animait les trois musiciens. Toujours aussi adroits et tonitruants, les deux guitaristes et le batteur persistent dans un son noise le plus percutant possible. Ca explose continuellement dans des rythmiques expressives boxées par la batterie. Les riffs aiguisés cuisinent des mélodies insaisissables puisque tout va à vive allure. Le feu aux trousses, à peine le temps de rebondir que tout va se fracasser bruyamment un peu plus loin. La musique prend des allures de sentence terrible. C’est vivant et plein d’énergie folle, pour amateurs affûtés des signatures Shellac & co… Du rock endiablé, instrumental, sarcastique et surprenant. myspace.com/passemontagne
Creusant un sillon fécond depuis maintenant trois albums, ce brillant songwriter impose son authenticité et son talent à l’occasion de ce nouveau projet. Maquettées at home par l’artiste, ces nouvelles chansons ciselées à l’extrême ont été très peu retouchées par le producteur Renaud Létang. S’affranchissant d’un format folk un peu réducteur, Piers Faccini aère sa musique, l’enrichissant d’emprunts subtils et discrets au blues, aux musiques médiévale, malienne et du Moyen-Orient. Les apparitions vocales de Francesca Beard sur The dust in our eyes et de la chanteuse zoulou Bhusi Mhlongo sur A home away from home sont autant de choix pertinents qui enrichissent la palette. Le grain de voix de Faccini fait le reste, et assure un confort d’écoute de tout premier plan. Le propos, lucide sur la marche chaotique du monde, mais jamais dépourvu d’une certaine dose d’optimisme réconfortant, caractérise un artiste humaniste indispensable à son époque. www.piersfaccini.com Alain Birmann
Sans Christophe Miossec, Polar sera-t-il à sec ? Voilà la question que je me suis posée quand on m’a annoncé la nouvelle : l’arrivée d’un successeur à Jour blanc, magnifique album coécrit avec le Brestois. La réponse est simple : non, pas vraiment. Même s’il faut plutôt prendre French songs, comme le véritable premier album en français de Polar. Le chanteur suisse signe en effet, pour la première fois, la musique et des textes dans la langue de Rousseau. On sera donc plutôt bienveillant à l’égard de ces mots fragiles, de cette belle écriture que l’on rêve plus échevelée, moins gentillette. En revanche, on n’aura pas la dent assez féroce contre Régis Cecarelli et Jean-Pierre Sluys. Ils savent que la sobriété est ce qui sied le mieux au diamant, même brut. Pourtant, leur réalisation alourdit, affadit, étouffe certaines chansons. Heureusement, Amène le vent, May day ou encore Comme ça sauvent les meubles et prouvent que Polar creuse bel et bien, son propre sillon pop-folk. www.polar-music.com Sylvain Dépée
Mmmm… C’est bon quand ça groove ! Un petit verre de Brandy à la main, vautré dans un clic-clac avec ce disque en fond sonore, on atteint un sommet dans l’art de se ressourcer pour pas grand-chose après une journée de dur labeur. C’est pop sans être mou, énergique sans que les basses décalquent la tête au marteau-pilon, la réalisation est classieuse tout en restant épurée, les sonorités oscillant entre bossa nova et smooth jazz, avec en prime une bonne touche de funk acoustique…La preuve qu’un album équilibré est un bon album. Ce dosage, proche de la perfection, trouve en partie son explication dans l’expérience de l’artiste, installé à Londres depuis dix ans, fort de plusieurs collaborations (Keziah Jones, Mathieu Chédid…) et producteur de profession. Comme quoi, il n’y a pas de secret : quand la forme est travaillée avec talent, le fond donne le meilleur de lui-même. myspace.com/freddymcquinn Kevin Duranton
Béatrice Corceiro
60
Eric Nahon
BRUITAGE MONTGOMERY
OKPLOÏDE
“Stromboli”
“Flores y golpes”
(Phantomatik / Naïve)
(Autoproduit / Mosaic)
Etat recommandé : demi-sommeil. Bienvenue dans les sphères de l’imagination et des expérimentations. Dans son premier disque, cette bande rennaise avait déjà prouvé son talent pour une musique décomplexée, jouant à base de mélodies simples pour créer un assemblage extraordinaire. Stromboli regorge de chansons dans cet esprit de funambule. Les garçons manipulent et tirent les ficelles d’une musique en mouvement, planante. Le jeu de construction prend forme avec une multitude d’idées et de sonorités. L’équilibre est flottant, grisant, loin des évidences pop, mais le groupe parvient à une luminosité réconfortante. Il fascine dans son univers créatif, fait de couleurs et de formes, de rythmes et de mélodies… Il en résulte des vibrations particulières, des animations ludiques, mais aussi des tournures plus ombragées. Un délire pas forcément des plus accessibles, mais vraiment enchanteur. myspace.com/chezmontgomery Béatrice Corceiro
Un punk peut-il être mature ? Okploïde prouve que l’on peut progresser à tous les niveaux et rester fidèle à un esprit joyeusement frondeur. Avec ses guitares débraillées, ses cuivres percutants et ses batteries qui sprintent, le gang du 64 nous entraîne dans des pogos foudroyants, toujours chantés dans la langue d’Almodovar. Les mélodies sont accrocheuses et le rythme haletant sent bon la sueur et l’expérience de 600 concerts en Europe, au Mexique et en Californie. Leur troisième disque en dix ans réconcilie définitivement les fans de Green Day et de la Mano Negra. Flores y golpes contient son lot d’hymnes à reprendre en chœur, à commencer par le morceau-titre ou Eso es, tubes qui devraient logiquement cartonner chez les hispanophones… et dans tous les festivals qui auront le bon goût de les programmer. A l’heure où le folk prédomine, il (re)devient urgent de mettre un bon coup de punk alternatif dans les oreilles. Choisissez le bon : www.okploide.com.
LA RUDA
LA SCANA DEL DOMINGO
“Grand soir”
“Le Monstre de Günter R.”
(Wagram Music)
(Dérapage Prod / Socadisc)
Jadis connue sous le nom de Ruda Salska, la “nouvelle” Ruda se lance en 2007 dans une version acoustique de certains titres de son répertoire. Le succès des Bonnes manières et de la tournée associée les confortent dans leur démarche. Le groupe décide alors de se lancer dans l’aventure et compose de nouveaux morceaux. Délaissant le ska festif, mais toujours et encore résolument rock, La Ruda prend le chemin de la chanson. Avec une section cuivre toujours présente, elle entame une renaissance. Tout est remis en question, la scène, le rapport au public et aux instruments. L’effort se porte particulièrement sur les textes, qui prennent une place toute particulière, sans entamer l’énergie positive, garantie pour les fidèles. Les nouveaux arrangements mettent en valeur les lignes mélodiques et la maîtrise consciencieusement acquise au cours de 900 concerts et neuf albums ! Accueillons cette audace avec curiosité. myspace.com/larudaofficiel Johanna Turpeau
Il plane sur ce disque une odeur de joyeux bazar. On s’en fout puisque au final on aime ça ! Leur musique n’est pas ska, rock, metal, tzigane ou latino, mais c’est tout cela à la fois. Un melting-pot à la Mano Negra incarné par le sombre personnage qui illustre la pochette de ce troisième album : Günter R. Il a une vie pas marrante. Au fil des chansons, il est tour à tour assassin amnésique (Morceaux), travailleur propre sur lui obligé de prendre des calmants pour ne pas péter les plombs (L’employé du mois), ou encore astronaute perdu dans l’espace (Laïka). Pour créer Günter, il n’a pas fallu aller chercher bien loin, juste du côté des musiciens. Il a les yeux de Philippe Henner, les cheveux de Rémy Oiseau, le nez de Julien Hecka, le menton de Julien Monier, les fossettes d’Elric Pouilly et la bouche de Romain Gravier. Et même si de nombreux morceaux sont majoritairement instrumentaux, ils sont empreints d’une âme pétillante et déjantée. scana.free.fr
Eric Nahon
Marilyne Clarac
61
BRUITAGE SILVER DIRT “Never give up”
TONY TRUANT ET SES DEUX SOLUTIONS “L’œil américain”
FRANÇOIS VÉ “Le jardin de Frankee”
(Gofannon Records)
SYRANO
(Archambault Musique)
(Autoproduit / L’Autre Distribution)
Les adeptes du hard-rock old school (plus classic rock que hard, d’ailleurs) peuvent se réjouir : le nouvel album du quatuor suisse est dans les bacs. Au son seventies basique, sans fioriture, ne déviant pas d’un pouce de sa ligne directrice durant les dix titres, ce CD s’écoute comme on descend une bonne bière. Somebody help me nous met dans le bain, Come along fait des remous et ainsi de suite jusqu’à So many time. On pourrait dire que tout cela est bien scolaire et que le tout manque un peu de peps mais il y a un petit supplément d’âme qui donne un goût de reviens-y. Dirty Lyo (guitare) semble au mieux de sa forme, la basse de Dirty Seb est bien posée, la voix de Silver Steff est toujours joliment rocailleuse et Silver Gregg, aux drums, est réglé comme du papier à musique. Nous sommes en compagnie de valeurs sûres, simples, plutôt dépouillées et tout cela nous ramène aux sonorités de l’époque post-Slade sans simagrées. www.silverdirt.com
“Le gout du sans”
Véritable gueule de rock français, Tony Truant est d’abord le guitariste des Dogs, et est toujours aujourd’hui celui des Wampas. Enthousiaste troubadour, il s’appelle en vérité Antoine, et il lui aussi de belles élucubrations. Sa nouvelle livraison compile pas mois de 18 chansons en français, mais musicalement marquées par le rock sixties : ça swingue sans temps morts sur des riffs de guitares élémentaires. Ensuite, il y a toute la gouaille du personnage, qui transpire dans les textes, autant d’histoires souvent rocambolesques. A l’instar de Patrick Eudeline ou de Renaud, Tony Truant sait faire chanter les mots dans des atmosphères marquées par de savoureuses expressions et raconte avec humour ses tribulations avec le sexe opposé. Pour ceux qui en voudraient encore plus, les cinq derniers titres, ressortis des tiroirs, sont joués avec The Fleshstones en backing-band… Old school et pas ringard, la classe quoi ! myspace.com/tonytruant
Patrick Auffret
Un type qui ose porter un pantalon de velours aussi vert flashy qu’une pomme transgénique sur la pochette de son album ne peut pas se prendre complètement au sérieux. L’écoute de la nouvelle livraison de ce jeune Suisse le confirme : il souffle sur ses titres une légèreté sucrée qui, avant de venir taquiner nos oreilles, a traversé des champs de fleurs pop, d’arbres rock et de bourgeons bossa-latino. François Vé déploie une écriture aux rimes bien senties qui, même si emprunte d’une sensibilité toute adolescente, témoigne d’une belle maîtrise des mots. Avec sa voix à la Vincent Delerm (le maniérisme en moins), il décrit ses tranches de vies où les lèvres des filles ont le goût des framboises, où les petits bonheurs sont des courants d’air aguicheurs et où la neige est une jolie fée. Plus personnel et rock que La saison des trèfles, son album précédent, ce nouvel opus est à croquer comme une fraise à la chantilly. myspace.com/francoisve Aena Léo
Maho
(L’Autre Distribution)
Voilà de quoi faire apprécier le hip hop à tous les derniers réticents. Pour son deuxième album, Syrano mixe le rap et la chanson avec une facilité déconcertante. Pas de textes et d’orchestrations au rabais comme lorsque l’on tente généralement d’être multicarte, mais des univers bien différents. Aidé largement dans cette démarche par les Debout sur le Zinc, il en résulte un mélange homogène entre acoustique et electro. Des invités ? Il n’en manque pas : Mourad de la Rue Ketanou, François Hadji-Lazaro, Imbert Imbert, Fred des Ogres de Barback, Batlik et MeLL se retrouvent sur Les Bleus dans une forme de passage de relais musical ou chacun met son petit grain de sel au sujet des dernières élections présidentielles. On aimera également Garçon de joie, comparaison au vitriol entre le milieu artistique et prostitution. www.syrano.net Maxime Ardilouze
VERO SEGO “… And the pursuit of happiness”
WATCHA CLAN
THE WEDDING SOUNDTRACK
ZOROZORA
“Diaspora remixed”
“Na Na Na Ro”
“L’effet plat, c’est beau”
(Extraordinaire)
(Piranha Musik)
(Another Record)
(Warm-Up / Mosaic)
Maniant avec fougue la guitare depuis l’âge de 13 ans, Vero Sego poursuit l’investigation des contrées électriques. Après deux albums aux accents postgrunge (J’avais une vie - 1998 et I’m not a bad girl 2000), la chanteuse se tourne cette fois vers des textes anglais pour porter un folk mâtiné de pop. Virtuose de la technique, Vero Sego n’en oublie pas pour autant la sensibilité au profit de la performance. Tour à tour guilleret ou bucolique, étonnant de maturité et de fluidité, son songwriting délicat colle à la peau et aux oreilles. Fidèle à l’héritage des aînés, elle reprend Led Zeppelin, Neil Young ou Van Morrisson sur scène, et transmet son savoir faire au sein de la School of Rock qu’elle a fondée à Blagnac, pour tous les jeunes musiciens désireux de perpétuer l’esprit de la pop sous toutes ses formes. Un DVD du concert de juin dernier est disponible à la vente. myspace.com/verosego
Nouvelle expérience logique dans la discographie du quartette nomade Watcha Clan, voici le témoignage de leurs rencontres et fructueux échanges avec d’autres musiciens. Quoi de plus naturel, pour des artistes qui ne créent qu’à travers le métissage et la curiosité de l’autre, que de livrer ses morceaux à d’autres instincts ? Se sont prêtées au jeu des formations aussi diverses que le touche-à-tout viennois Dunkelbunt, le duo Balkan Express ou encore les bidouilleurs de Transglobal Underground pour un disque qui comprend essentiellement des morceaux de Diaspora Hi-Fi. Certains font l’objet de plusieurs remixes qui sont autant d’interprétations possibles, ici plus électroniques, là plus dub, de compositions vivantes et riches de multiples facettes. Fruit du brassage humain et culturel, la musique du Watcha Clan se prête particulièrement à cet exercice souvent périlleux et en ressort parfois transformée, jamais dénaturée. www.watchaclan.com Jessica Boucher-Rétif
Les mariages sont propices aux rencontres. Nouvel album, nouveau mariage d’amour avec la musique, The Wedding Soundtrack accueille ainsi un nouveau membre : Vivien. Voilà pour les affaires de famille. Sinon musicalement, le groupe accouche à nouveau d’une bande-son improbable pour une cérémonie nuptiale arty. Son folk faussement décontracté marie toujours mélodies et angoisses des guitares. Le chant nasillard, mais pas plaintif de Clément en reste un élément essentiel. Cette bande-son pour un film sans fin accueille en outre nombre de sonorités. Piano, violon et banjo s’invitent à la noce, pour tout enjoliver ET vicier. En fin de soirée, les bouteilles vous paraîtront ainsi à moitié vides ou à moitié pleines. Ca dépendra aussi de votre ivresse, profitable ou non. Cela dit, pas besoin de perdre la lucidité pour apprécier Na Na Na Ro et rompre avec les schémas pré-établis. myspace.com/theweddingsoundtrack
Affectionnant jeux de mots, allitérations et calembours, zOrozora s’amuse, à grands renforts de mélodica, trompette, clarinettes, violons, guitare ou ukulele, à mettre en scène sa musique théâtralisée. Jouant avec les contresens d’un pays irréel où “les stations de métro seraient décontractés” (l’arrêt citation, l’arrêt putation, l’arrêt gime…), la chanson d’ouverture laisse ensuite place à la complainte du crayon, ou encore à un étonnant monde fondant sous les assauts de la canicule… Où même “la fondue a fondu”. Mais où va-t-on ? Légères et désinvoltes, portées par un tempo vivifiant et maîtrisé, les ritournelles chorales de Zorozara se parent d’improvisation et d’interaction avec le public sur scène. Comme le prévient le groupe : “zOrozora ça se voit sur scène, si on est déprimé on va mieux et si on va déjà bien, on peut mourir de joie !” www.zorozora.com Julie Bordenave
Julie Bordenave
Vincent Michaud
62
BRUITAGE 10 RUE D’LA MADELEINE “Comme Sonny cogne” (Booster Prod / Universal / Pias) Souvent rangés dans la catégorie “chanson française”, en raison de leur nom et de leurs compositions mâtinées de violon et de clarinette, les 10 Rue ont décidé de réaffirmer vertement leur rock attitude. Réverbération et saturation à fond, la clarinette aux oubliettes et le violon devenu électrique, les cinq garçons cognent fort avec ce troisième album fougueux ne laissant pas une minute de répit sans pour autant sacrifier les mélodies. myspace.com/10rue FB
EN BREF
13TH HOLE (Limbo Records) Cela faisait longtemps qu’on ne l’avait pas entendu : le groupe franco-italien signe finalement son cinquième album et reste toujours porté par la puissance vocale d’Isa. Le rock noisy aux guitares bien présentes n’oublie pas les refrains, même s’il semble manquer un peu de souplesse chez ces durs à cuire. Restent des morceaux très denses et véhéments pour qui aime ce genre. www.13thhole.net BC AUSTIN LACE “The motherman” (62TV Records) Fidèles à leur bonne humeur, les Belges réussissent un chouette album de pop enjouée. Ambiance décontractée dans les suites mélodiques énergiques et resplendissantes de luminosité, mais aussi dans les revers rythmiques plus langoureux. Voilà une palette bien complète et un résultat plein de fraîcheur pour égayer tendrement les âmes sous le soleil estival. www.austinlace.com BC LA BONNE AVENTURE “Contre vents et marées” (Autoproduit) Nina (chant, chœurs) et Keenoo (guitare, chant et programmation) dévoilent un univers entre funk et reggae, voire flamenco. Les sonorités métissées mettent en valeur des textes intimistes qui sentent le vécu. C’est particulièrement vrai sur les titres emprunts de nostalgie, les plus réussis. Mention particulière à En bord de mer, touchante embarquée familiale où les deux voix se répondent avec brio. sitelabonneaventure.free.fr PA ELDERBERRIES “Ignorance & bliss” (NoPhono / Sophiane) Pas de doute que ces jeunes moustachus turbulents feront sauter les rockeurs en concert, car les influences puisées chez AC/DC et Black Sabbath font souvent mouche. Mais après le succès du premier album, on attendait sans doute un peu plus de saveur. On ne leur enlèvera pas leur énergie débordante ni leur maîtrise des gammes rock. myspace.com/theelderberries BC GUTTERCAT AND THE MILKMEN “Pandora’s box” (Bang ! / Wishing Well) Folk-rock électrique bien trempé dans le blues, riffs 60’s énergiques, ballades glam pleines d’allant : des morceaux bien balancés et variés sur ce disque. Ces Parisiens assemblent les instruments avec persuasion et la voix exprime bien les diverses tonalités des morceaux. www.guttercatandthemilkmen.com BC L’HERBE FOLLE “Chut” (Irfan) Nouvellement arrivée sur le label des Ogres de Barback, L’Herbe Folle signe un deuxième album mature
et très bien réalisé après s’être longuement affûtée sur scène. Une multitude de sonorités s’y retrouvent enchevêtrées. Résolument acoustique ce groupe s’aventure avec une facilité déconcertante sur les contrées bien gardées des jazzeux et autres spécialistes des ambiances tziganes. www.lherbefolle.com MA LAVENTURE “Concierge office laverie” (Autoproduit) Avec son talk-over à la Bashung et un coté débonnaire rappelant Pierre Vassiliu (Qui c’est celui-là ?), Laventure a produit son p’tit disque indie-rock tout seul. Il évoquait la mort de Johnny bien avant les Picards et personne n’a eu sa liberté de penser. Il reprend même le Teenage Fanclub ! Et nous, on est fan. myspace.com/claventure LC PATTON “Hellénique chevaleresque récital” (Prohibited / Matamore / Differ-Ant) Deux frères composent pour ce groupe une musique à base de guitares acoustiques, de sons électroniques, de piano et de batterie. Que ce soit dans l’instrumental excentrique ou l’étonnant collage de mots, il y a un goût d’aventurier qui empêche de se détacher de cet univers fantaisiste. La promenade reste abordable, à la fois limpide et instable. myspace.com/pttn BC ROBINSON “Ailleurs sera demain” (Récré-Actions / L’Autre Distribution) Après plusieurs années de maturation, Robinson nous offre aujourd’hui un quatrième album clairement destiné aux enfants et aux familles en général. Abordant la thématique de la relation aux autres en usant d’une poésie accessible aux plus jeunes, ce disque confirme le tournant amorcé par le chanteur depuis quelques temps. A noter des duos avec Henri Dès, Adaëlle et le groupe Gadjologie. www.robinson.com.fr CDO SANTA CRUZ “A beautiful life” (Range ta Chambre / Hasta Luego / Anticraft) Voilà un disque de folk chaleureux de la part de cette bande rennaise. Sept musiciens construisent leurs mélodies en rêvant de grands espaces sur le mode americana. Beaucoup de goût et de délicatesse dans les arrangements, et une écriture puisant admirablement dans l’imaginaire. Douceur et rugosité se nouent dans ce très bel ensemble de chansons communicatives. www.santacruzband.net BC
SANTEUIL “J’aimerais mourir éveillé” (Autroproduit) Il y a du Sheller chez cet ACI au nom proustien qui sait faire vibrer ses mots sur des mélodies tissées avec des cordes soyeuses. Dommage que la voix ne soit pas encore tout à fait en place. Sinon ce serait parfait : comme un Divine Comedy à la française. myspace.com/santeuil EN UNIFORM MOTION PICTURES “Uniform motion pictures” (Autoproduit) Une BD illustre les chansons, les vidéos liées sont disponibles sur le site web. L’œuvre pluridisciplinaire est efficace et révèle bien le côté à la fois ludique et précis, personnel et ouvert de la bande. Les morceaux prennent de jolies formes grâce à des mélodies ciselées, des vocaux feutrés et des sonorités bien choisies entre pop, folk et électronique. www.uniform-motion-pictures.com BC
7 QUESTIONS “Air liquid” (TFT / EMI) Un rock précis et expérimental. Sur ce premier album, les cinq musiciens dessinent de savants arpèges oscillant entre chaos et onirisme. Guitares électriques, basse et batterie piochent du côté de la pop, mais empruntent aussi à un rock plus eighties. On retient surtout la voix de Kitso, grave, lyrique ou hurlante, parfois accompagnée de chœurs, toujours expressive. myspace.com/7questions AL
MAXIS
JOHN SUSHI & THE BASTARDS “VIII” (Autoproduit) Le groupe bordelais de “rock dubitatif”, mouvement non-conformiste dont ils sont les créateurs, sort un second maxi. Ce six titres promotionnel présage la sortie de leur album. Ces cinq jeunes, au rock seventies, prennent le chemin des prometteurs Kid Bombardos. Ils développent une maturité non déplaisante. Le titre Two days after the crash en témoigne parfaitement. myspace.com/johnsushibastards JT
1973 (Blonde Music) Ceux-là ont dû en passer du temps sous le soleil de Californie. Sans aucun détour, Simple song vous embarque sur des voies colorées et acoustiques alors que Sexy plane s’autorise quelques chœurs Wilsoniens. Nicolas, Thibault et Jérôme sont d’humeur joyeuse et vous le font savoir en quatre coups et de la plus belle des manières. Non pas en 1973 mais bel et bien en 2009 ! myspace.com/backin1973 JD
MYCELIUM “Carnival daze” (Mosaic Music) Le rock progressif à la Jethro Tull a-t-il encore sa place en 2009 ? C’est la question que nous font nous poser ce désormais quatuor le long de 6 titres pop folk à flûte et à guitares qui passe du meilleur (Another madman’s laughter) au moins bon (La peur dictateur : ça ne marche vraiment pas en français) en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. On attend la suite pour trancher. myspace.com/mycelium JD
LA BLANCHE (Autoproduit / L’Autre Distribution) L’auteur-interprète Eric La Blanche nous présente cinq titres en attendant une sortie physique à l’automne 2009. Le rock-électro que l’on connaissait se mue en chansons douces-amères. Ici, La Blanche a choisi de nous présenter une face gaie, mais toujours cynique et cinglante avec des mélodies enlevées. Un changement de direction très agréable pour un voyage musical qui s’apprécie toujours sur scène. Vivement la suite. myspace.com/lablanche EN CHAPELIER FOU “Darling, Darling, Darling EP” (Ici d’Ailleurs) Le jeune Louis Waryoski continue son bonhomme de chemin avec ce maxi de 6 titres en droite ligne de sa précédente démo. Le violoniste de formation y démontre toujours autant de finesse dans l’art délicat du mariage du classique et du sampling. Tout en douceur et parfois en dissonance, il boucle, colle et monte ensemble mandoline, guitare et clavier. Passionnant. myspace.com/chapelierfou JD ELIOTE & THE RITOURNELLES “Goodbye ghosts” (Autoproduit) Premier maxi très prometteur pour ce jeune trio de guitaristes mené en lead par la voix charmante et intemporelle de Minnie et soutenu par les chœurs masculins de Thomas et Guillaume. Qu’on le nomme acide ou anti, le folk d’Eliote est à la fois doux et fiévreux, sans que nul recours à quelconque artifice ne soit nécessaire. Seul regret : devoir se contenter de ces quatre titres… Vite, un beau et long album ! myspace.com/eliotee CDO LE FIL DE L’EAU… “Les fonds de poches” (Autoproduit) Ce trio acoustique du 77 enchaîne les concerts depuis 2007. Après De guitarrages en chantements, voici cinq belles chansons poétiques, mâtinées de valse, de flamenco et de bal populaire. Allez voir ces p’tits gars talentueux, fins guitaristes et multiinstrumentistes ! myspace.com/lefildeleau ES
63
MYSTERE DAOUD “Amour, Rires” (Autoproduit) La casquette gavroche visée sur la tête, David joue les poètes. Dans le style néo-guinguette, ses chansons réalistes dénotent par leurs mélodies originales et leurs énergies contagieuses. La tête dans les nuages, il garde les pieds sur terre et se joue des mots avec Le cancer de la terre. Accompagné d’un accordéon et d’une contrebasse, le mystère de Daoud se dévoile une fois sur scène… myspace.com/davidgentilinI JT OMBRE ROUGE (L’appart) Que ça sent bon le punk et la bière ! Les fans invétérés de Trust vont se régaler… et les autres aussi. Après avoir écouté ce disque si vous n’avez pas retrouvé vos 17 ans et la fougue révolutionnaire qui va avec, vous n’avez plus qu’à aller directement à la case tricot. A noter à la basse la présence de Fred Vidalenc premier bassiste de Noir Désir. myspace.com/ombrerouge MA SQUID AND THE STEREO “Lovely mess” (Autoproduit) Dans la veine des Roots Manuva et autres Beat Assaillant, ce trio francilien concocte une fusion savoureuse de basses puissantes, de synthétiseurs scintillants, de riffs de guitares rock et de scansion rap ravageuse. Un “charmant bordel” pour un maxi d’une efficacité immédiate, entre énergie rock, groove hip hop et fièvre du dancefloor. Deux titres immanquables : le disco-rap Happy freak show et le west-coast Floating notes. myspace.com/squidandthestereo FB
YETI LANE “Lonesome George” (Autoproduit) Les trois garçons de Cyann & Ben se reconvertissent dans un format beaucoup plus pop. La mélodie pétillante de Lonesome George est une belle réussite, affichant pleinement sa fraîcheur. Ses synthés chatoyants, ses vocaux entraînants, ses notes hypnotiques à la guitare… L’autre face du 45 tours (car c’en est un !) offre le chaloupé This day, en attendant l’album. www.yetilane.com BC
FESTIVALS >> du 16 janvier au 7 fevrier 2009
FESTIVAL TRÄCE
D.R.
Hauts-de-Seine (92) Ambiance festive et populaire. Ce festival était organisé par le Réseau 92. Un dispositif d’accompagnement pour les groupes originaires des Hauts-de-Seine. On a pu voir sur scène des figures connues comme R-Wan. Il y avait aussi de belles promesses. Si les salles n’étaient pas toujours très remplies, la programmation avec ses soirées à thème, était impeccable. Rap avec Busta Flex et Daïland. Reggae avec Pierpoljak et Les Gars dans l’Coin. On peut noter la prestation de Monsieur Melon : le trio a bercé le public avec ses chansons poétiques soutenues par des harmonies mélancoliques. Les guérilleros du Kombo Klan Destino ont livré un rock chaleureux. Textes en espagnol, influences latino et platines de DJ… une ambiance révolutionnaire qui a lentement conquis le public. Enfin, Zéphyrologie a enflammé les planches, livrant un spectacle d’une rare qualité. Maîtrisant l’art de l’improvisation, la fanfare jazzy a démontré que ridicule rime avec performance. www.reseau92.com Monsieur Melon Aurélien Marty
>> du 5 au 15 mars 2009 VOIX DE FÊTE
C. Dall’o
Genève (Suisse) Pour sa onzième édition le festival suisse proposait une bonne dizaine de festivités autour de trois salles genevoises de tailles variables : Le Palladium (1000 places) accueillait La Rue Ketanou, Anaïs, Fersen ou encore Jamait et Arthur H. Le Casino-Théâtre proposait quant à lui, dans un environnement plus intimiste, de belles découvertes telles que Moriarty ou Presque Oui (qui fut élu Prix des Professionnels de cette édition). Enfin, au troisième pôle principal, le club mythique de Carouge, Le Chat Noir : parmi les concerts remarqués, on notera ceux de Karkwa et La Casa. Mais Voix de Fête a été également l’occasion de développer pour la quatrième année consécutive les Bars en Fête dans la ville, des rencontres professionnelles organisées par la structure Catalyse, ainsi que des collaborations transfrontalières avec des événements organisés à Annemasse ou Onex. Bref, un festival incontournable pour tout habitant mélomane à proximité du bassin lémanique que l’on se réjouit de voir perdurer. Arthur H www.voixdefete.com Caroline Dall’o
>> du 14 au 28 mars 2009
CHORUS DES HAUTS-DE-SEINE
64
M. Eytier
Hauts-de-Seine (92) Avec au programme de cette 25ème édition plus d’une centaine d’artistes dont Abd Al Malik, Francis Cabrel, Juliette, Laurent Garnier, Arthur H, etc., éclectisme et qualité étaient les maîtres mots de ce festival de musique familial et convivial, entre chanson, rock, électro, reggae, slam et world. Répartis sur l’ensemble du département, les concerts ont désormais lieu, en grande partie, sur le Parvis de La Défense où a été installé un Magic Mirror qui proposait quasi quotidiennement deux concerts, l’un le midi et l’autre en soirée. C’est là-même, dans l’ambiance survoltée d’une salle venue applaudir les têtes d’affiche qui font actuellement un retour remarqué, qu’ont eu lieu les deux finales des tremplins Chanson et Starting Rock. Le premier, parrainé par La Rue Ketanou, a vu s’illustrer le chanteur-slameur Koumekiam, alors que le second, chapeauté par Java, a mis en évidence l’univers du multi-instrumentiste Delbi. www.chorus92.fr La Rue Ketanou Jacques Kasbi et Caroline Dall’o
FESTIVALS >> LE 14 FEVRIER 2009 SWARM
C. Dall’o
Nanterre (92) Ce fut une Saint-Valentin tout en électricité que nous offrit le label Swarm. Un beau plateau de rock noise qui réunissait Royal McBee Corporation en ouverture, duo basse / batterie du cru. Une ouverture alléchante avant de laisser place à Basement, groupe de Libourne, précurseur du genre : le quintette propose dans un circuit uniquement indépendant, mais néanmoins international, ses compositions électrisantes depuis la fin des années 90. Impeccable et intense, leur set mit le public en condition pour accueillir Doppler, le groupe du moment. Venu de Lyon, le trio propose un rock bruitiste élaboré qui ne manque pas de rappeler par certains côtés The Mars Volta pour ses breaks répétés et ses rythmiques bariolées. Bon moment qui vient clore ce minifestival. Un seul regret : un public très, voire trop sage, car ce fut une soirée de haute tenue rock’n’roll comme on aimerait en voir souvent dans nos banlieues… www.swarm-records.com Doppler Caroline Dall’o
>> du 12 au 22 mars 2009
FRANCOPHONIC FESTIVAL
Oh La La
C. Dall’o
Pologne Troisième édition pour le Francophonic Festival en Pologne, créé par une société de production française il y a sept ans. Installé en Allemagne depuis lors, le festival a pour but la diffusion de la culture française dans sa diversité dans ces pays. Nous avons pu assister aux soirées qui avaient lieu à Varsovie : dans la grande salle du Palladium quasiment remplie, le public a pu découvrir Mareva Galanter tout en assistant au show très dynamique et sexy de la star nationale Maria Peszek. La seconde soirée, plus trendy, avait lieu dans une piscine désaffectée réhabilitée en salle branchée. Nous avons pu entendre en avantpremière le nouveau projet de Natasha Lejeune (AS Dragon) intitulé Oh La La. Excellent concert suivi des sets électro de Sex in Dallas. Avec des soirées dans cinq villes du pays, le festival a gagné son pari en parvenant à fédérer un public non-francophone autour de la richesse musicale française : chanson, rock, électro, world… fpf.com.pl Caroline Dall’o
>> du 17 au 21 mars 2009 LE DIXIÈME FESTIN
M. Ardilouze
Créon (33) Pour les 10 ans de leur festival, l’association La Maison des Lutins réalise le grand rêve de son organisateur, Maxime Sajous : faire venir Lo’Jo à Créon. Après avoir fait salle comble en 2008 avec EZ3kiel, ils réitèrent cette année en affichant complet avec Meï Teï Shô le vendredi, et Lo’Jo le samedi. La programmation avait cette année une couleur particulière (consonances de l’Est), mais pas seulement, puisque nous avons eu un véritable coup de cœur pour la compagnie Rythmopathes, aux sonorités plutôt africaines : les bottes au pied (gumboots), les artistes nous ouvrent les oreilles et les yeux sur le monde, avec leur spectacle de “body percussion”. Autre surprise, le groupe bordelais, Octobre, du postrock-slam, musique pour public averti qui a su séduire celui du Festin. Enfin, pour fêter l’événement, les bénévoles et musiciens de l’asso, n’ont pas hésité à monter en fanfare un répertoire de 10 morceaux, de 10 groupes programmés au cours des 10 années. De quoi, finir une décennie en beauté. Meï Teï Shô www.lefestinmusik.com Johanna Turpeau 65
CA GAVE HUMEUR & VITRIOL
Ne venez pas me faire suaire… ’est énervant, et même légèrement discourtois, cette manie de publier les correspondances amoureuses des gens morts. Comme si le fait d’être mort autorisait tout un chacun et sa chacune à savoir qu’untel préférait la levrette avec sa maîtresse plutôt que le missionnaire avec sa veuve ou même qu’il affectionnait davantage le lévrier de son éplorée que les gâteries de son valet de pied. Certes, les récits en forme d’étal de boucher-tripier de Catherine Millet et autres partouzards mondains n’ayant d’autre solution que la littérature érectile pour compenser la détumescence de leur style ont habitué le lecteur à se transformer en voyeur hypocrite se repaissant des galipettes snobinardes et pseudo-provocatrices de leurs contemporains qui ne baisent pas mieux qu’eux mais ont l’opportunisme de le faire savoir pour se faire connaître. Mais le fait d’être mort n’autorise cependant pas n’importe quel péquenot à pénétrer l’intimité violée du macchabée sans mettre des patins. Ce n’est pas parce que l’on est mort que l’on n’a pas sa pudeur, n’eusse-t-on qu’un suaire pour la voiler. Ca vous brancherait, vous, de savoir qu’une fois cancérisé jusqu’au sapin, votre descendance assurera ses fins de mois en publiant les lettres enflammées que vous envoyâtes à 15 ans à Geneviève Labougre, rencontrée l’été précédent sur la plage de Saint-Georges-de-Didonne et qui fut l’objet idéalement mamelu de vos premiers pignolages maladroits mais cependant extatiques ? Tout à leur bonheur d’équiper d’or une partie toute aussi intime de leur anatomie, lesdits ayant-droits se les accordent tous, y compris celui de miser sur le voyeurisme nécrophage des fans amateurs de culbutes post-mortem.
ce que c’était. Il devient difficile de dénoncer les Juifs : ils ne se cachent plus. Dénoncer les antisémites, à la rigueur, mais c’est de plus en plus compliqué pour cause de concurrence déloyale des grossistes en délation dans le genre du CRIJF ou de Philippe Val, qui voient des antisémites partout et cassent le marché de la délation artisanale, à l’ancienne, le boulot fignolé sur lettre anonyme qui fait la joie et l’honneur professionnel de son auteur.
C
Ainsi ai-je décidé de ne pas mourir afin de ne pas courir le risque de voir mon intimité galvaudée par les yeux sales de la populace en bonne santé. Et comme on n’est jamais trop prudent, je n’écris plus non plus de lettres d’amour, ou alors à de jeunes aveugles qui les prennent pour une publicité vantant les mérites des téléviseurs haute-définition de chez Darty et les jettent derechef à la poubelle en maugréant sans discernement, ce qui est la moindre des choses chez une aveugle. Ca les soulage. Et moi aussi. J’ai donc fortement réduit le rythme de ma correspondance pour ne pas avoir à le regretter : je n’écris plus que quelques lettres d’insulte par-ci par-là. Ou de délation, mais ce n’est plus
P ROCHAIN
NUMERO LE
21
jUIN
2009
Mais revenons aux outrages honteux infligés aux morts à qui l’on se permet de tout faire subir, y compris et surtout de ne leur trouver que des qualités alors même que ce sont les défauts qui font le relief des personnalités. Je regardais récemment un documentaire sur Pierre Desproges où on le voyait pris sur le vif d’une réunion amicale autour d’un barbecue, en train de montrer son cul en famille, ce qui reste dans les limites de la plaisanterie de bon aloi. Une fois mort, devant plusieurs millions de téléspectateurs avides de pénétrer ainsi les annales privatives jetées en pâture à la postérité dont il ne sortira pas grandi par cette exposition sans fondement, ça devient le comble de la provocation subtile. Depuis lors, je ne montre plus mon cul non plus alors que je le faisais très régulièrement auparavant. Surtout lors des enterrements. Ca détendait l’atmosphère. Mais pourquoi trouver toutes les qualités à un mort ? Même clamsé, GW sera toujours un con et la raideur cadavérique ne rend pas Joseph Staline plus patelin. Cet acharnement à excuser les macchabées tout en pillant leur mémoire et en insultant ce qu’ils étaient peut devenir grotesque lorsque, dans le même documentaire, on voit Philippe Val nommant l’immortel trépassé “Pierre” comme s’ils avaient gardé les mêmes troupeaux, se contorsionner ensuite tel un crotale pris en faute pour éviter d’avoir à commenter le fameux sketch de Desproges sur les Juifs. Si ce dernier avait travaillé pour l’actuel Charlie Hebdo bien pensant, ce qu’il a su éviter grâce à un surcroît de talent, d’indépendance d’esprit et de métastases, “Pierre” (je l’appelle “Pierre” moi aussi, il viendra pas me le reprocher) aurait sûrement écrit bien pire (et bien mieux, mais c’est un autre problème) que Siné. Qui peut se consoler : à 80 balais, il n’a plus longtemps à attendre avant que Philippe Val ne lui trouve toutes les qualités. Comme quoi, même mort, on peut toujours se venger. Jean Luc Eluard Pour toute demande d’abonnement, veuillez nous contacter par mail : info@longueurdondes.com
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