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Les Ogres de Barback
ou le prix de la liberté...
Johanna Turpea u Benjamin Pav one
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Être un label indépendant en 2019, c’est être un résistant, un lâche-rien. 25 ans de liberté, 25 ans d’épanouissement artistique, c’est l’histoire atypique, familiale, singulière, passionnante et collective des Ogres et de leur label Irfan.
Quand on demande à Sam et Mathilde Burguière s’ils referaient les mêmes choix aujourd’hui, ils répondent spontanément et en chœur: «Bien sûr que oui!». Oui, ils sont fiers de leur parcours, fiers d’avoir tenu et d’être encore présents 25 ans après sans être complètement “has been”. Mathilde émet une nuance : «Quand on voit les jeunes arriver, on a l’impression d’être un vieux groupe. Cette sensation est assez récente, mais il faut avouer qu’il y a plein de choses que l’on ne maîtrise pas. Particulièrement sur le numérique. » L’écoute de leurs disques met en relief un travail différent de la tendance actuelle. Ils soignent leur récit, l’ordre des morceaux… Ils embarquent l’auditeur dans un univers narratif et musical très imagé. «On voit l’album comme un objet, avec un début et une fin. Ça fait 5 ans que l’on travaille sur notre dernier disque et sortir un single, ce n’est pas dans notre habitude. On a déjà essayé en se disant, “Il va passer sur France Inter”, mais ça ne fonctionne pas. Y’a que Frédéric Fromet qui nous invite!»
Dans ce chemin à contre-courant, ils se renouvellent en permanence. Leur plus grande force est leur boulimie de collaborations. Sur leur dernier opus “Amours grises & colères rouges”, ils ont pris un sentier jusquelà inexploré… «La nouveauté, ce sont les réalisateurs qui ont travaillé avec nous» explique Mathilde. «Ça c’était inédit. On n’avait jamais osé faire appel à des oreilles extérieures, ni de leur demander de mettre leur touche personnelle dans nos morceaux. C’était un peu l’effet famille… Ces réalisateurs sont Rémi Sanchez, le clavier de Zebda, le duo de producteurs Loo et Placido, ou encore Damny Baluteau, fondateur du groupe La Phaze. Ils nous ont proposé des choses que l’on ne sait pas faire en y mettant leur touche personnelle… » D’après Damny «Ils sont l’exemple unique en France d’un groupe qui a gravi les échelons un à un au prix d’une indépendance farouche. Alors qu’ils auraient pu signer en label depuis longtemps, ils ont privilégié l’idée de fonder une équipe/famille qui se répartit les rôles de manière précise et aussi bien réglée qu’une horloge suisse! J’ai pu le vérifier lors de nos échanges réguliers. C’est un vrai collectif soudé et ultra-efficace en studio comme en tournée. »
Leur modèle économique est fragile et solide à la fois. Leur prolifique création leur permet de survivre financièrement, mais les entraîne aussi dans un rythme ininterrompu. Cet espace d’expression libre a un prix: le temps! Yannick Legrain, le dirigeant du label : «Le label Irfan a été créé pour produire et distribuer les disques des Ogres. Et ça, c’est déjà un atout majeur. Ils ont toujours un projet sur le feu, on n’a pas le temps de s’ennuyer, les baisses d’activités sont
assez rares. De plus, nous sommes une petite structure, on se décrit souvent comme des artisans. On fait tout de A à Z, on s’adapte très rapidement. Et ça nous laisse également une grande liberté de choix, la liberté de tenter des choses et de se planter, mais aussi de réussir. Et la liberté de choisir les gens avec qui on veut travailler. Depuis 3 ou 4 ans, nous avons réduit la voilure. On s’est recentré sur les Ogres et sur quelques sorties ponctuelles. Vue la chute du marché du disque, on a arrêté de croire qu’on avait le temps et les moyens de travailler sur des groupes en développement. » N’ayant pas les moyens de produire, ils se sont donc concentrés sur la distribution. «Ça a été un gros travail, parce que pendant les premières années, les petits disquaires jouaient le jeu, alors que les gros, pas du tout. On a sorti les disques de Frédéric Fromet, Loïc Lantoine, et on va distribuer le prochain La Rue Kétanou. Enfin, on discute avec Melissmell. »
Le prix de la réussite et de la pérennité de leur label tient de leur choix d’un système 360. Un choix assumé et ceci, depuis le début de leur carrière. i
dlesogres.com “Amours grises & colères rouges” /Irfan le label
À VENIR...
Un 4ème disque pour enfants est en gestation, mais «Ce n’est pas pour tout de suite» dévoile Mathilde «parce qu’on a décidé de prolonger un peu la tournée pour arrêter d’être tout le temps sur la route et afin d’avoir le temps de faire autre chose en même temps. Mais le prochain projet, c’est le 4ème Pitt Ocha. Notre grande fierté, c’est la construction d’un gros spectacle familial sous chapiteau pour accompagner sa sortie.» Sam ajoute: «On est en train de poser nos idées sur le papier. Notre univers, on va le mêler avec celui des arts de la rue. On adore! On a grandi à Aurillac et à Chalon-sur-Saône donc on va enfin retrouver ça.» Les histoires de Pitt Ocha étant leur plus grand succès économique, ce futur 4ème album symbolise que les Ogres n’ont pas fini de nous enchanter.