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Emel Mathlouthi - Photo : Julien Benhamou
« Rien ne changera sans une grande révolution mondiale mais j’ai espoir. »
dfacebook.com/E.Mathlouthi
Une passerelle temporelle que ne saurait pas mieux incarner la Tunisienne Emel Mathlouthi, qui fut reconnue comme la voix de la révolution du jasmin avec son fameux titre “Kelmti Horra” (Ma parole est libre). Une carrière musicale qui avait commencé dans les années 2000 avec un groupe de metal, un socle duquel la chanteuse-compositrice se sera émancipée pour embrasser son destin et une certaine verve pour la contestation. « La musique a commencé à devenir sérieuse quand j’ai démarré la guitare, Joan Baez ou John Lennon ont alors réveillé en moi une certaine fibre révolutionnaire. Ainsi j’ai commencé à prendre mon indépendance et à incarner mon propre message. نكيلو رونلا باغ امهم ءامسلل ىقرأ نا يل دب ال = يمادقا تمد وQu’il en soit ainsi, Je viserai le ciel même si la lumière disparaît et que le
chemin ensanglante mes pieds. » La suite est connue, elle sera tumultueuse, mais aventureuse pour la chanteuse qui devra quitter son pays sous une pression politique féroce. C’est alors à Paris puis à New York qu’Emel aura pu laisser libre cours à un art musical qui doit agir comme un révélateur sur les individus. « La musique a cette spécificité de pouvoir connecter les gens de manière immédiate. C’est exactement ce que je recherche. Pour moi la musique est la vérité, elle offre le même rapport à l’être que la nature. Il y a une relation très proche entre les deux, ce lien est instinctif. Quand tu es devant, tu relativises beaucoup de choses, les guerres, la vitesse à laquelle va ce monde... » Un constat renchéri par la crise épidémique et qui aura au moins eu le mérite de mettre ce monde aliénant en pause. Et l’artiste sait de quoi
elle parle, elle qui fut spoliée dans son pays avant d’y retourner pour retrouver un calme nécessaire... avant de prochaines tempêtes ? Sa flamme combattive le laisse penser : « Le capitalisme a créé un système esclavagiste, les gens n’ont plus de temps pour eux, c’est une chape de plomb. La crise environnementale va de pair, la nature envoie des signaux comme si la déesse Kali tentait de nous dire quelque chose. Cette crise aura au moins apporté une certaine prise de conscience par rapport à cela. Rien ne changera sans une grande révolution mondiale mais j’ai espoir. Dans le monde arabe, il y a une belle génération, créative, intelligente, instinctive, mon rôle est maintenant de défoncer quelques portes pour que cette jeunesse puisse être libre et s’affranchir des frontières politiques imaginaires. » i LONGUEUR D’ONDES N°94 43