La Chine, une passion française – 法国的中国之恋

Page 1

La Chine une passion française

Archives de la diplomatie française – XVIIIe-XXIe siècle

法国的中国之恋 十八至二十一世纪法国外交珍贵史料

loubatières


Ouvrage coédité avec la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. Comité éditorial Marianne Bastid-Bruguière, Richard Boidin, Maxence Fabiani, Claude Martin, Marie-France Mousli, Isabelle Nathan-Ebrard, Romain Perroud, François Plaisant, Christian Ramage, Isabelle Richefort, Dorothée Rihal, Nicole Bensacq-Tixier Réalisation Textes et documents réunis par Isabelle Nathan-Ebrard, assistée de Romain Perroud avec la participation de Nicole Bensacq-Tixier Traduction : Zhao Hongyang, Dorothée Rihal, Lou Shen Reproductions numériques : Grégory Moricet, Sandrina Filippi, Yvelise Bocquet Atelier photographique des Archives diplomatiques Conception graphique et photogravure : Éditions Loubatières Impression : GN Impressions – Sepec

Les éditeurs tiennent à remercier Madame Marie-France Marchand-Baylet, présidente de la Fondation Flag France, pour son soutien à la publication de cet ouvrage ainsi que l’Université de Nankaï et le Groupe EDF Ils remercient également Liliane Borsuk, Marc Travert, Serge Travert (archives d’André Travert) Anne Bretel (collection Hélène Hoppenot) Marie-Claude Acéro, Isabelle Dubail, Charles-Henri Dubail, Jean-René Dubail Louis et Christiane Malval pour avoir autorisé la publication des photographies et dessins originaux issus des collections dont ils ont fait don aux Archives diplomatiques.

ISBN : 978-2-86266-705-8 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2014 10 bis, bd de l’Europe 31122 Portet-sur-Garonne www.loubatieres.fr Tous droits réservés pour tous pays.


LA CHINE UNE PASSION FRANÇAISE

Archives de la diplomatie française – XVIIIe-XXIe siècle

法国的中国之恋 十八至二十一世纪法国外交珍贵史料

LOUBATIÈRES


Les auteurs Françoise AUJOGUE 弗朗索瓦·奥若格 est chargée d’études documentaires principale aux Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, où elle est responsable des fonds d’archives privées depuis 2009. Elle est notamment chargée du traitement des papiers d’André Travert et du classement des archives de Georges Dubail et du général Pechkoff. Marianne BASTID-BRUGUIÈRE 巴斯蒂 est membre de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, directeur de recherche émérite au CNRS, ancien directeur adjoint de l’École normale supérieure. Ses travaux portent sur l’histoire politique, sociale et culturelle de la Chine du début du XIXe siècle à nos jours. Nicole BENSACQ-TIXIER 妮科尔·邦萨克-蒂克西埃, docteur en histoire des relations internationales et diplômée de l’Institut des langues orientales (chinois), a publié en 2003 et 2013 deux Dictionnaires biographiques des diplomates et consuls français en Chine, couvrant la période 1840-1912 et 1918-1953, complétés par une Histoire du corps diplomatique et consulaire français en Chine 18401912 et une Histoire de la présence française en Chine de Sun Yatsen à Mao Zedong, 1918-1953. Richard BOIDIN 理查德·布瓦丹 est diplomate, spécialiste du secteur audiovisuel. Après un début de carrière dans l’enseignement et au ministère de la Culture, il a été directeur du cinéma d’Arte (1994-2002), directeur de l’audiovisuel extérieur (2002-2009), représentant spécial pour la société de l’information (2009-2013). Il est directeur des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international depuis mars 2013. Pierre CHANCEREL 皮埃尔·尚瑟雷尔 est archiviste paléographe et agrégé d’histoire. Il a consacré sa thèse d’histoire au Marché du charbon en France pendant la Première Guerre mondiale (19141921). Après avoir enseigné à l’université de Picardie Jules-Verne, il est actuellement responsable de fonds et de collections à la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. Nicolas Chapuis 郁白 est diplomate, traducteur et essayiste. Successivement en poste à Pékin, Boston, Singapour, Shanghai (consul général), Londres (conseiller culturel et directeur de l’Institut français du Royaume-Uni) et Oulan-Bator (ambassadeur), il a traduit plusieurs ouvrages chinois et écrit un essai, Tristes Automnes en 2001. Il a été détaché comme préfet du département des Hautes-Alpes en 2009-2010. De retour au Quai d’Orsay en décembre 2010, il est directeur des systèmes d’information depuis le 1er juillet 2011. Yvan DANIEL 岱旺, docteur ès lettres de l’Université Paris-Sorbonne, agrégé de lettres modernes, est professeur de littérature générale et comparée à l’Université de La Rochelle. Ses recherches

portent sur les relations et les échanges littéraires et culturels entre la Chine et la France, du XIXe siècle à nos jours. Il est notamment l’auteur de Paul Claudel et l’Empire du Milieu (Les Indes savantes, 2003) et Littérature française et Culture chinoise (Les Indes savantes, 2011 ; à paraître en chinois : 法国文学与中国文化,《走近中 国》, 河南大学出版社). Grégoire ELDIN 格雷瓜尔·埃尔丹 est archiviste paléographe, conservateur en chef du patrimoine aux Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international où il est actuellement responsable de la communication et du classement des archives contemporaines de la direction d’Asie-Océanie. Pascal EVEN 帕斯卡尔·埃旺 est archiviste paléographe et docteur en histoire, conservateur général du patrimoine aux Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, responsable du département des Archives. Laurent GALY 葛若望 est docteur en histoire de l’École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS) et diplômé de l’Institut national des langues et civilisations orientales (chinois). Maître de conférences à l’INALCO, il y enseigne l’histoire de la Chine et l’histoire de l’Asie orientale. Il s’est spécialisé dans l’histoire du fait politique en Chine aux XIXe et XXe siècles, l’histoire de la Chine urbaine (Tianjin) et celle du christianisme en Chine. Damien HEURTEBISE 达米安·厄尔特比兹 est archiviste paléographe, conservateur en chef du patrimoine, adjoint au chef du Centre des archives diplomatiques de Nantes. Il a été durant quinze ans responsable des archives des protectorats français en Afrique du Nord (Maroc et Tunisie), et du mandat de la Société des Nations dans les États du Levant (Syrie et Liban). Il vient de publier, avec Sophie Trelcat, un ouvrage sur les résidences de France à Rabat. Bérangère FOURQUAUX 贝朗热尔·富尔科 est archiviste paléographe et conservateur du patrimoine aux Archives diplomatiques (Centre des archives diplomatiques de Nantes) où elle a plus particulièrement en charge la conservation et le traitement des fonds anciens. Maxime GUERIN 马克西姆 est licencié en histoire de l’art de l’Université Libre de Bruxelles et ancien auditeur libre à IIAS (Leiden, Pays-Bas). Journaliste indépendant, ancien reporter en Afghanistan à l’agence de presse Interscoop, et collaborateur de Christophe de Ponfilly pour son film L’Étoile du soldat, il a fondé le Comité Mission Pelliot et est membre du Forum culturel de Taihu. Francis HURÉ 弗朗西斯·于雷 a été, notamment, ambassadeur de France à Yaoundé (1965-1968), Tel Aviv (1968-1973) et Bruxelles (1973-1978). Il est aussi écrivain, auteur de nombreux essais et romans, dont certains inspirés de son expérience de diplomate. Il a publié en 2006 une biographie, Portraits de Pechkoff (Éditions de Fallois). Claude MARTIN 马腾 est Ambassadeur de France. Après des études à l’Institut d’études politiques et à l’École des langues


orientales (russe, chinois), il est entré à l’ENA en 1964 et a aussitôt été affecté, pour la durée de son service militaire, à l’Ambassade de France qui venait d’être ouverte à Pékin. Il a poursuivi, après sa sortie de l’ENA, une double carrière au Quai d’Orsay, européenne et asiatique. Il a été, notamment, ministre-conseiller à Pékin (1978-1984), directeur d’Asie (1986-1990), secrétaire général de la conférence de Paris sur le Cambodge (1989-1990), ambassadeur en Chine (1990-1993), et le premier ambassadeur à Berlin (1999-2007) après la réunification de l’Allemagne. Il a participé, de 2008 à 2013, en qualité de vice-président, à la création et au développement de la Fondation Victor Ségalen qui se consacre au développement du dialogue culturel franco-chinois. Gilles MASSOT 马梭吉 vit à Singapour depuis 1981, où il enseigne la photographie à l’école des beaux-arts de Lasalle College of the Arts et l’histoire de la photographie à la Nanyang Technological University. Son travail d’artiste a évolué vers la recherche historique et ethnographique pour la rédaction de son livre Bintan Phœnix of the Malay Archipelago sur l’île indonésienne de Bintan et le monde malais, publié en 2004. Son intérêt pour l’histoire s’est depuis orienté vers les débuts de la photographie en Asie. Sa contribution au présent ouvrage s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur Jules Itier et la mission Lagrené, poursuivie grâce à une bourse attribuée par le Lasalle College of the Arts. Régine MAZAURIC 雷金娜·马佐里科 est attachée de conservation du patrimoine au Conseil général de l’Hérault, chargée de projets culturels aux Archives départementales, à la Cité des savoirs et du sport pour tous, Pierres vives, à Montpellier. Elle a contribué au commissariat de l’exposition inaugurale de Pierres vives en 2012, qui mettait la Chine à l’honneur sous le titre « Éloge du thé et du vin : carnets de voyage » et publié un article sur Jules Itier dans son catalogue. Marie-France MOUSLI 玛丽-弗朗斯·穆斯里 après une carrière dans l’Éducation nationale, s’est consacrée à l’inventaire des archives de Hélène et Henri Hoppenot : photographies, journal et correspondances. Elle a établi et édité le texte des correspondances avec Saint-John Perse, avec Darius Milhaud et la première partie du Journal de Hélène Hoppenot. Isabelle NATHAN-EBRARD 伊莎贝尔·纳坦 est archiviste paléographe, conservateur général du patrimoine aux Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, actuellement responsable du département des Publics. Chargée du classement des archives de la direction d’Asie-Océanie jusqu’en 2004, elle s’est alors intéressée à l’histoire de la Chine, notamment en assurant le co-commissariat de l’exposition Shanghai, Paris de l’Orient (1849-1946) au musée Albert-Kahn de Boulogne. Romain PERROUD 王直 est titulaire d’un master en sécurité internationale et défense de l’université Pierre-Mendès-France Grenoble II et d’un master en Chinese politics and diplomacy de la Fudan University de Shanghai où il a séjourné deux ans. Il est spécialisé dans la politique étrangère de la Chine et dans les relations de celle-ci avec ses voisins d’Asie-Pacifique.

François PLAISANT 白乐尚 est Ambassadeur de France. Il a été directeur d’Europe au ministère des Affaires étrangères, conseiller diplomatique du gouvernement, ambassadeur en Afrique du Sud, en Grèce, en Suisse et en Chine. Outre ces fonctions, il a également participé à la délégation française dans des négociations importantes, dont la conférence d’Évian (1962), aux négociations de Vienne sur les forces armées classiques et sur les mesures de confiance et de sécurité en Europe (1989-1991). Il a publié Raconte-moi l’ambassadeur et le consul (1997), Le Ministère des Affaires étrangères (2000) et des articles sur Rabelais, Guillaume Budé et Saint-Simon. Christian RAMAGE 宋克强 est diplomate et diplômé de Langues Orientales (chinois, cambodgien). Il a été consul général adjoint à Hong Kong (2006-2010). Il est co-auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la marine et de la présence française à Hong Kong. Isabelle RICHEFORT 伊莎贝尔·里什福 est archiviste paléographe, docteur en histoire de l’art (Paris IV-Sorbonne), conservateur général du patrimoine et adjointe au directeur des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. Auteur de deux ouvrages consacrés à la peinture du XVIIe siècle, Peintre à Paris (1998) et Adam-François Van der Meulen peintre flamand au service de Louis XIV (2004), elle a également publié de nombreux articles sur l’histoire de la diplomatie et des relations internationales. Dorothée RIHAL 尹冬茗 Après un premier voyage de six mois en Chine en 1996, Dorothée Rihal a étudié deux ans à l’Université de Nankin (1999-2000) et obtenu une maîtrise de chinois et un doctorat d’histoire (2007) à l’Université de Paris VII. Pour mener ses recherches sur la concession française de Hankou, elle a effectué de nombreux séjours à Wuhan où elle a travaillé au consulat général de France (2002-2004). Elle a ensuite fait un post-doctorat et travaillé comme ingénieur de recherche à l’Institut d’Asie orientale (IAO-Lyon) où elle est toujours chercheur associée. Luc VANDENHENDE 王德恩, diplômé d’études supérieures de l’École du Louvre, est entré au ministère des Affaires étrangères en 1995 où il a exercé différentes fonctions dans les domaines de l’administration culturelle et consulaire, notamment en Chine où il a exercé les fonctions de consul adjoint à Chengdu (20092011). Il est actuellement chargé de la régie des prêts à la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. Zhao Hongyang 赵洪阳 est titulaire d’un master de géographie de l’Université de Nankin et a reçu un Magister Artium de l’Université de Göttingen en linguistique et littérature. Ses travaux de recherches se situent dans le domaine de la communication interculturelle et de la réception des œuvres littéraires allemandes en Chine. Il enseigne la langue chinoise et traduit en chinois à partir de l’allemand, de l’anglais et du français. Il a notamment traduit la pièce de théâtre Identité de Gérard Watkins et a travaillé comme traducteur et éditeur pour le site internet de l’Unesco.


Sommaire préface, Laurent Fabius introduction les auteurs

...................................................................................................................................................... 5

..................................................................................................................................................................... 8

......................................................................................................................................................................... 10

1. Le temps de la découverte (xviiie-xixe siècles) 发现的时代(18世纪–19世纪) Le temps de la découverte, Marianne Bastid-Bruguière

................................................................................... 18

La description de l’Empire de la Chine et de la tartarie chinoise, du père jean-baptiste du halde, Pascal Even ..................................................................................................... 28 la chine en miniature, par jean-baptiste breton de la martinière, Grégoire Eldin .................... 32 Le consulat de Canton, Nicole Bensacq-Tixier

..................................................................................................... 36

chrétien louis joseph de guignes, consul et sinologue au tournant du xixe siècle, Grégoire Eldin

.......................................................... 42

théodose de lagrené, premier diplomate français en chine, Nicole Bensacq-Tixier le regard de jules itier, photographie, échanges commerciaux et arts décoratifs, Régine Mazauric

................... 48

................................. 52

joseph marie callery, le passeur de mondes, Gilles Massot ........................................................................ 56 le traité de huangpu, Isabelle Nathan-Ebrard

...................................................................................................... 62

sceaux officiels et cartes de visite, le protocole, base du dialogue, Romain Perroud ........... 66 le baron de forth-rouen, un observateur du delta de la rivière des perles, Christian Ramage ................................................... 70

2. La Chine des diplomates 外交官的中国 la chine des diplomates, Claude Martin ............................................................................................................... 74 entre diplomatie et sinologie, les interprètes pour la langue chinoise du ministère des affaires étrangères, Laurent Galy ..................................................................................... 80 gabriel devéria, Claude Martin

.................................................................................................................................. 90

georges dubail et les associations franco-chinoises, Nicole Bensacq-Tixier ................................... 92 les archives dubail, Françoise Aujogue

.................................................................................................................... 95


auguste gérard, li hongzhang et la modernisation de la chine, Nicole Bensacq-Tixier la révolution de 1911 vue par raphaël réau, Dorothée Rihal

......... 98

................................................................ 102

paul-émile naggiar, un diplomate confronté aux crises chinoises, Nicole Bensacq-Tixier la destinée singulière du général pechkoff, Francis Huré

... 114

.................................................................... 118

consuls de france à hong kong, trois portraits, Christian Ramage

................................................. 122

andré travert, un diplomate amoureux de la chine, Christian Ramage

.......................................... 130

les archives d’andré travert (1921-1993), Françoise Aujogue .................................................................. 142 Je est un autre, témoignage d’un diplomate sinologue, Nicolas Chapuis

...................................... 144

3. Savants explorateurs 学者与探险家 paul pelliot, la chine en héritage, Maxime Guérin ..................................................................................... 148 Paul pelliot, l’homme d’action, Isabelle Nathan-Ebrard

.............................................................................. 152

aimé-françois legendre, médecin et explorateur du far west chinois, Isabelle Nathan-Ebrard ................................................ 156 émile licent et pierre teilhard de chardin, les prémices de la recherche paléontologique française dans le nord de la chine, Bérangère Fourquaux ................................ 186 jean malval, Un médecin artiste dans les rues de Shanghai, Isabelle Nathan-Ebrard

................ 194

4. La Chine rêvée 梦里的中国 paul claudel, une passion pour la chine, Yvan Daniel

............................................................................. 202

archives photographiques de l’abbé maître, Damien Heurtebise

......................................................... 206

saint-john perse et la chine, François Plaisant ................................................................................................ 208 hélène hoppenot, regards sur la chine, Marie-France Mousli pierre-jean rémy et le sac du palais d’été, Pierre Chancerel 1965. l’entretien Malraux-mao, Isabelle Richefort

............................................................... 212

.................................................................... 226

.......................................................................................... 224

repères chronologiques .......................................................................................................................................... 230 orientation bibliographique ................................................................................................................................ 232


30

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Jean-Baptiste Du Halde. Description géographique, historique, chronologique, politique, et physique de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, enrichie des cartes générales et particulieres de ces pays, de la carte générale et des cartes particulieres du Thibet, & de la Corée; & ornée d'un grand nombre de figures & de vignettes gravées en tailledouce, Paris : P.-G. Mercier, 1735, quatre volumes.

Scène nautique. Volume 2, p. 142, détail. Manière singulière de pêcher le poisson. Bibliothèque, 31G2

水上景色


LA DESCRIPTION DE L’EMPIRE DE LA CHINE ET DE LA TARTARIE CHINOISE

l 《中华帝国全志》

Cortège d’un vice-roi. Volume 2, p. 30. 一位总督的随从

L’Empereur de Chine. Détail de la planche : Habillement des Chinois (volume 2, p. 82 ). 左图:中国皇帝 Portrait de Confucius. Volume 3, p. 325. 右图:孔子画像

31


34

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

économique. En 1764, profitant du séjour à Paris de deux jeunes prêtres chinois, Bertin leur avait fait visiter le royaume et ses manufactures afin d’amorcer par leur intermédiaire, dès leur retour en Chine, une correspondance avec les pères de la Mission française de Pékin, qui envoyèrent effectivement au ministre, jusqu’en 1790, mémoires, objets, échantillons, ouvrages, les connaissances accumulées étant publiées, à partir de 1774, au sein des Mémoires concernant les Chinois. L’origine de La Chine en miniature, écrit donc Breton, est la collection de quelque 400 dessins originaux et peintures reçus de Pékin par Bertin, presque entièrement acquise en 1792 par le libraire Nepveu lors de la dispersion des biens de l’émigré Bertin. Désireux de publier les plus intéressants, l’heureux acquéreur a confié à Breton le soin d’en assurer le commentaire. Comme le reconnaît modestement celui-ci, « cet ouvrage n’est qu’une compilation » ; une multitude de relations anciennes et modernes – dont celle de De Guignes – ont été mises à contribution. En dehors de quelques notices générales, chaque tome est ainsi essentiellement formé d’une succession de planches, suivies chacune d’un commentaire de quelques pages. La plupart des planches, gravées de manière à pouvoir être coloriées, ce qui contribue en effet au charme de l’ouvrage, représentent des personnages, des métiers, des procédés, des instruments : l’empereur, des mandarins, des soldats, un lama, un bonze, le « tour pour travailler la porcelaine », la « récolte du thé par les singes », la « fabrication de l’encre de Chine », etc. Succès de librairie, La Chine en miniature s’accroît en 1812 de deux tomes supplémentaires V et VI, imprimés cette fois par Lenormand et spécifiquement intitulés Coup d’œil sur la Chine. Ils se distinguent notamment par la présence de six dépliants visant à reproduire, dans leur longueur, des peintures sur rouleau représentant des cortèges. Enhardi, le prolifique Breton poursuivra sa collaboration avec Nepveu, publiant pour ce libraire, de 1813 à 1818, des ouvrages conçus suivant le même principe consacrés à la Russie, à l’Égypte et à la Syrie, à l’Espagne et au Portugal, à l’Illyrie et à la Dalmatie et enfin au Japon.

Grand-Lama en habit de cérémonie pour prier. In Breton de La Martinière, op. cit., p. 85. 身穿法事盛装的大喇嘛

Image de droite. Un Tartare faisant un Tsi, ou sacrifice à l’esprit de la porte, pour empêcher le malheur d’entrer. Gravure couleurs, 1811. In Breton de La Martinière, op. cit., p. 91. 右图 为了阻挡坏运入门,正在拜门神的 满族人

1764年,借着两名年轻的中国神甫在巴黎停留期 间,贝尔坦带领这两位神甫参观了法国及法国的工厂, 希望通过他们的介绍建立起与在北京的法国传教团神甫 的联系。在北京的神甫也确实开始向国务大臣不断发回 了相关的记录、物品、样本及书籍,直至1790年。此间 积累的知识自1774年起发表在了《中国论丛》(Mémoires concernant les Chinois)。据布列东介绍,《中国缩 影》这本书来源于贝尔坦从北京收到的约400幅原始画 作。他谦虚地表示,“这本书只是一部辑录”,各种旧 学新知——包括小德金(De Guignes)的报告——都为 这本书做出了贡献。大部分版画的刻制便于上色,更令 本书增辉不少。这些版画描绘的有人物、手工、行为举 止、工具,包括皇帝、官员、士兵、喇嘛、和尚、“制 瓷转车”、“猴子采茶”、“中国墨的制作”等等。随 着这本书的销售获得成功,《中国缩影》得到扩展, 1812年又再增一本两卷书,特别命名为《中国掠影》 (Coup d’œil sur la Chine)。后者的独到之处是书中附有6 张可以完整再现卷轴画全长的折页。 格雷瓜尔·埃尔丹


35

En haut. Soldat tartare allant monter la garde aux portes du palais. In Breton de La Martinière, op. cit., p. 73. 上图 满族士兵前往皇宫大门站岗

Au centre. Palais du Yuen-Ming Yuen. In Breton de La Martinière, op. cit., p. 99. 中图 圆明园

En bas. Marchand de miroirs. In Breton de La Martinière, op. cit., p. 125. 下图 镜子商人


40

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

fonctions, il démissionne au bout d’un an en faveur de PaulFrançois Costard, un autre subrécargue et membre du conseil de direction qui a géré les affaires de Chine après la suppression de la Compagnie. En 1783, neuf Français seulement résident à Canton, Vieillard, Galbert et Costard, Thimothée et son fils, Julien Bourgogne, subrécargue passé au service des Impériaux, Jacques Jacques, domestique au service d’un subrécargue anglais, un dénommé Lentiev qui après avoir vécu 25 ans en Inde au service de la Compagnie est venu à Canton pour trouver un emploi, enfin Chrétien-Louis de Guignes, fils de l’orientaliste Joseph de Guignes, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres qui a été envoyé en Chine grâce à l’influence de son père. Mathurin Bagot, maître d’hôtel de Vauquelin, décide après la mort de son maître de rentrer en Europe. Lorsque Vieillard quitte la Chine en février 1787, Chrétien-Louis de Guignes assume les fonctions d’agent consulaire et d’interprète grâce à ses connaissances de la langue chinoise transmise par son père. Lors de la suppression du monopole de la dernière Compagnie des Indes en avril 1790, il ne conserve que ses fonctions d’interprète. Après son départ en 1797, le consulat est supprimé et la factorerie vendue aux enchères à deux subrécargues avant d’être louée aux Anglais. Le poste reçoit en 1827 un nouveau titulaire, Benoît Gernaert qui, à son départ en 1837, le laisse entre les mains d’un négociant britannique. En 1839, le gouvernement impérial ordonne la destruction des stocks d’opium et la fermeture de toutes les factoreries étrangères de Canton : c’est la première guerre de l’opium. Pourtant, dès 1840, le gouvernement Guizot envoie un jeune agent des Affaires étrangères, Alexandre de Challaye en mission d’observation à Macao et à Canton, au plus près

Note sur l'importance des « enfants de langue » dans les relations de la France avec la Chine, 21 septembre 1783. Rapport au Secrétariat d'État à la Marine, portant la mention « approuvé » à la fin du texte. Mémoires et documents Asie, vol. 17, fol. 360-361.

关于“语言童”在中法关系中的重要性的报告

Camille Imbault-Huart, diplomate français en poste en Chine. Photographie-carte de visite, de Ying Cheong. Shanghai, 1884. Collection iconographique, fonds Collin de Plancy, A000062.

于雅乐,法国驻中国外 交官


LE CONSULAT DE CANTON

des armées anglaises qui entament les hostilités en janvier 1841. Un consulat de Canton est de nouveau institué fin septembre 1842 et confié au comte de Ratti-Menton qui continue de résider à Macao. Première conséquence du traité de Huangpu négocié par Lagrené dans le sillage des Britanniques, le consulat de Canton est remplacé en 1847 par une mission politique confiée au baron de Forth-Rouen qui réside néanmoins encore à Macao. Le poste sera rétabli en tant que consulat au moment de la seconde guerre de l’opium en 1858 et du blocus de Canton par les armées

Bateaux sur la rivière des perles. Photographie (tirage noir et blanc), 1900. Collection iconographique, A028324.

珠江上的帆船

l 驻广州领事馆

41

anglaises et françaises – le consul Gilbert de Trenqualye en est réduit, en raison des hostilités, à séjourner sur un bateau pendant quatre ans ! En septembre 1861, le ministre plénipotentiaire Alphonse de Bourboulon obtient une concession à Canton dans l’îlot de Shameen. Mais le premier lot ne sera attribué qu’en 1883 à un Allemand, faute de candidat français. À cette date huit Français seulement résident à Canton et on ne compte plus qu’une seule maison de commerce. Il faut attendre l’arrivée du consul Camille Imbault-Huart et l’aube du XXe siècle pour que le consulat de Canton devienne l’un des plus importants de Chine.


42

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Ci-dessus. Carte retraçant l'itinéraire projeté et celui suivi de la mission Legendre. 1911.

勒让德医师原本计划与后来实际经过的西行 路线图,1911年。 Ci-contre. Carte de l'emplacement du territoire des Lolos au carrefour des provinces chinoises du Ssetchouan (Sichuan) et du Yunnan, faite par le Commandant Audémard.

指挥官奥德马尔所绘四川及云南接壤处罗罗 人居住 地图。


Chrétien Louis Joseph de Guignes consul et sinologue au tournant du XIXe siècle

Grégoire Eldin

N

é à Paris, Chrétien Louis Joseph de Guignes (17591845) est initié à la langue chinoise par son père, l’orientaliste Joseph de Guignes (1721-1800), qui fut notamment interprète du roi, secrétaire-interprète pour les langues orientales à la Bibliothèque royale, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, professeur de syriaque au Collège de France et garde des antiques du Louvre. Âgé de vingt-quatre ans, Chrétien Louis Joseph est nommé, en novembre 1783, deuxième interprète et secrétaire du consulat de France à Canton. Il est, avant son départ, nommé correspondant de l’Académie des sciences et de l’Académie des belles-lettres. Parti de Brest le 20 mars, il aborde Macao le 23 août 1784. La création, en juin 1785, d’une nouvelle compagnie française des Indes, la Compagnie des Indes orientales et de la Chine, ayant le monopole du commerce, conduit à la disparition du consulat de Canton, que remplace un simple agent. En février 1787, après le départ de Vieillard, dernier consul, de Guignes se voit attribuer

小德金 Guignes,1759-1845) 小 德金(Chrétien-Louis-Joseph 最早跟随其父,东方学家、国王翻译及皇家图书

馆东方语言秘书兼翻译德金(Joseph de Guignes,1712- 1800)学习中文。1783年11月,年仅24岁的小德金就被 任命为法国驻广州领事馆第二翻译兼秘书。1784年8月 23日他抵达澳门。随后的1785年6月,一家新的法国印 度公司——东印度及中国公司成立并且该公司具有商业 垄断权,这直接导致广州领事馆被撤销,只剩一位代表 代替其行使职能。于是自1787年2月起,小德金开始身 兼两职,他既是法国驻广州代表,同时还承担了国王翻 译一职。鉴于他特别负有监视英国在中国港口的海军、 外交及商业活动情况的职责,他的身影也不断地出现在 广州和澳门两地。1793年8月,英国占领了印度法属本 地治里(Pondichéry),割断了他与革命中的法国的联 系,也剥夺了他的所有收入来源。1794年,小德金成为 荷兰使节团的翻译。在英国人遭到拒绝后,荷兰人此时 也想在乾隆那儿试试自己的运气,意图取得在中国的商 业优势。1794年11月至1795年5月间,小德金得以在中 国的道路上行走,他也一并收集了从中国乡村到紫禁 城、从最底层的习俗直至皇宫礼仪等诸多方面极其丰富 多样的信息。1801年他返回法国,开始了人生的一段新 篇章。 法兰西共和历11年葡月23日(1802年10月15日)的 决定任命小德金为共和国驻广州、澳门的常驻外交代表 及商业关系特派员。与此同时,他也开始在巴黎展示他 的才能和他在中国所积累的知识。1808年,他出版了自 己从1784年至1801年间写的《北京、马尼拉、法兰西岛 游记》,游记包括三卷八开本及一份包括97幅绘图和地 图在内的对开本地图集。本书的第二卷和第三卷大部分 是“对中国人的观察”,除了介绍风俗习惯之外,还涉 及建筑、语言、艺术、技术、天文学、道路与交通、节

Lettre adressée par de Guignes au ministre des Relations extérieures afin de solliciter de celui-ci son admission au sein de son ministère. Paris, 10 ventôse an X (1er mars 1802). Mémoires et documents Asie, vol.20, fol. 259.

小德金申请海事与殖民部职位

Page ci-contre. De Guignes, Chrétien-Louis-Joseph. « Dictionnaire chinois-français et latin. » Deuxième page de titre. Bibliothèque, 2 F 27. 左图 《汉语-法语-拉丁语词典》


48

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


Théodose de Lagrené premier diplomate français en Chine

Nicole Bensacq-Tixier

N

é le 14 mars 1800 à Amiens, Théodose de Lagrené est issu d’une des familles les plus riches de la Somme. En 1822, à son entrée au ministère, c’est un jeune avocat stagiaire qui possède « trente-six mille livres de rentes, avec beaucoup d’esprit et d’instruction », et dont « les sentiments religieux et politiques ne laissent rien à désirer ». Un vrai gentilhomme, mais qui est animé d’un esprit assez libéral. Après avoir débuté comme attaché au cabinet du duc de Montmorency, il est envoyé à Saint-Pétersbourg en 1823. Lors de la chute de Charles X, il accueille la nouvelle avec une désinvolture qui choque la bonne société russe, ce à quoi il répond « Quand le roi saute, son secrétaire peut bien danser » 1. Après un intermède de deux ans à Madrid, il revient en Russie en 1828. En 1834, la veille de son départ à Darmstadt comme chargé d’affaires, il épouse la comtesse Marie Varinska Doubenskaïa, demoiselle d’honneur de l’impératrice apparentée à Tolstoï, qui lui donnera six enfants 2.

拉萼尼,第一位到中国的法国外交官 de Lagrené), 拉 萼尼(Théodose-Marie-Melchior-Joseph 1800年3月14日生于索姆省亚眠的一个富有家庭。

1822年他先是作为内阁随员进入外交部,并于1823年被 派往圣彼得堡。在以后的外交生涯中,他还出使了西班 牙,接着重新回到俄罗斯,继而前往希腊。1835年9月 他获任法国驻希腊公使。1840年2月18日拉萼尼被提拔 为全权公使。 所以说,1843年8月9日,国王路易-菲利普派遣的 是这样一位高级别的外交官前往中国,跟中国进行谈 判,目的是缔结一个与英国1842年签订的《南京条约》 一样的条约。有三艘舰船被分派给使团,其中一艘是使 用 当 时 最 新 技 术 的 三 桅 蒸 汽 船 阿 基 米 德 号 ( l’Archimède),在出发前最后一刻又加进了一艘用来运带传教 士的舰船追求号(La Recherche)。 1844年8月15日拉萼尼到达澳门。在与皇帝的钦差大 臣耆英见面之前,他得先屈从于中国黄历的礼仪要求, 在双方反复交换了几次函件之后,见面日期才敲定为10 月1日。拉萼尼的主要任务是商业性质的,所以他们也 花费了一番心思布置主大厅及侯客厅,里面放置了代表 法国工业水平的铜器、水晶与瓷器工艺品,当然还有耆 英看来很喜欢的香槟酒与利口酒。当耆英跟主人告别时, 就已经不是简单的握手,而是热情的拥抱了。10月3日, 耆英在靠近澳门的望厦村普济禅院回请拉萼尼。公使在 这儿首次品尝到了中国美食的丰盛和精细。他还请求带 走一些糖果和中国汉字形状的彩色小点心,其中每个点 心盘由四个汉字点心,它们合在一起就是“和平万岁”。 在经过两个星期的谈判后,1844年10月24日,条约终在 阿基米德号上签署。 Page de gauche. Théodose de Lagrené, ministre plénipotentiaire en Chine. Tirage Photographique, vers 1860. 拉萼尼,驻华全权公使 Ci-contre. Mission Lagrené, 1843. Liste et traitement annuel des membres de la mission Mémoires et documents Chine, vol. 4, fol. 119.

1843年,拉萼尼使团

Double-page suivante. Carte de la ville et de la rivière de Canton en anglais. « Chart of the Canton River with the entrances & islands. Compiled from original Surveys & Sketches by James Wyld Geographer to the Queen. » Carte marine avec sondes, 57 x 45 cm, Londres, 1840. Service géographique. 下页图: 英语广州城市地图及珠江地图


56

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Pagode, résidence du commissaire impérial Qiying. Daguerréotype de Jules Itier. 3 octobre 1844. Image 1/6 de plaque. Cadre en bois (19 x 17 cm), Collection Hoch Frédéric.

La pagode a servi de cadre à la signature du traité de Huangpu. Jules Itier a fourni d’excellents quasi instantanés en couvrant cet événement, relaté dans son journal de bord. On distingue deux serviteurs chinois au premier plan, et un groupe de soldats de la marine royale française au fond. 钦差大臣耆英的住所


Joseph Marie Callery le passeur de mondes

Gilles Massot

L

e 5 octobre 1844 la négociation du traité de Whampoa (Huangpu) débutait à Macao dans la pagode de Guanyin située au nord de la ville. Ce temple avait déjà été le cadre quelques mois auparavant de la négociation et de la signature du traité entre la Chine et les États-Unis. Si la Chine choisit le cadre d’un bâtiment religieux comme lieu de ces négociations, la France, elle, va faire appel aux services d’un missionnaire défroqué pour permettre aux membres des deux légations de communiquer. Jules Itier nous a fort heureusement laissé des traces visuelles de cette rencontre atypique de deux univers, sous forme de daguerréotypes. Né Giuseppe Gaetano Maria Calleri le 25 juin 1810 à Turin, de parents travaillant dans le textile, Callery vint en France pour travailler dans un magasin à Lyon, puis entra au diocèse de Chambéry. Sans doute attiré par une vie plus aventureuse, il intégra le Séminaire des Missions étrangères à Paris fin septembre 1833, et fut ordonné prêtre le 20 décembre 1834. Il semble avoir francisé son nom à ce moment-là car, après avoir reçu sa mission pour la Corée, c’est sous le nom de Joseph-Marie Callery qu’il partit du Havre le 21 mars 1835. Arrivé en Chine en 1836, l’entrée en Corée s’avéra impossible et il prit résidence à Macao où il approfondit sa connaissance du chinois sous la direction du lazariste portugais J. A. Gonçalves. Mais ses relations avec ses supérieurs se dégradent et Callery envisage de se retirer de la vie religieuse pour se consacrer à la sinologie et à l’étude des sciences botaniques 1. Il entre en contact avec le consulat de France à Macao et débute une carrière d’interprète. À l’encontre des sinologues européens de l’époque, dont la connaissance de la langue restait principalement théorique, Callery bénéficiait à Macao d’un contact direct avec la langue parlée. Ce travail novateur se concrétisera avec la publication en 1841 d’un ouvrage de transcription phonétique de la langue chinoise, le Systema Phoneticum Scripturae Sinicae 2. La même année, il quitte les Missions étrangères et commence la rédaction d’une encyclopédie de la langue chinoise. En 1842, il rentre à Paris lever des fonds pour cette publication 3, ce qui l’amènera à être présenté à la reine MarieAmélie. Sous sa protection, il intègre le département des Affaires étrangères 4 et retourne à Macao en 1843 pour devenir interprète officiel du consulat de France en Chine. Cette nomination arrive à point nommé en vue des grands événements qui se préparent. Callery entre sous les ordres de Lagrené le 15 août 1844, lequel se félicite du professionnalisme de son interprète. Dans son rapport au ministre du 27 septembre 1844, alors qu’il se prépare à recevoir Qiying, Haut Commissaire de l’Empereur, Lagrené écrit : « M. Callery jusqu’à présent se montre plein de zèle et je n’ai qu’à me louer de sa discrétion. Il est décidément très supérieur comme talent et comme connaissances à tous les autres Français de naissance ou d’adoption que j’aurais pu employer. Mais cette considération qui

加略利:两个世界之间的摆渡者

1

844年10月5日,黄埔条约的谈判在澳门北面的观音 堂(即普济禅院)内展开。数月前中美也曾在此谈 判并签订条约。中国选择了一个具有宗教象征的谈判地 点;法国找来的则是一名还俗的传教士协助两个使团成 员进行交流。于勒‧埃及尔(Jules Itier)的达盖尔照片, 非常幸运地为我们保留下两个世界这次不同寻常的碰撞 的视觉记录。 加略利原名为朱塞佩‧加埃塔诺‧马里亚‧加略利 (Giuseppe Gaetano Maria Calleri),于1810年6月25日出 生于意大利都灵,父母从事纺织业。加略利后来去了 法国,在里昂一家商店工作,接着入了尚贝里教区。 由于崇尚冒险的生活,他于1833年9月底进入了巴黎外 方传教会,并于1834年12月20日被授予神甫职位。估计 他应该是在这个时期将名字改成了法文,因为他在收 到前往朝鲜传教的任务于1835年3月21日从勒阿弗尔港 出发时,用的已经是约瑟夫-马里‧加略利(Joseph-Marie Callery)这个名字。1836年他抵达中国,却无法进入朝 鲜,便在澳门住了下来,并在葡萄牙籍的遣使会神甫 贡萨尔维斯(J. A. Gonçalves)的指导下进修汉语。 然而,他与上司的关系却逐渐恶化,加略利心生放 弃传教士生活的念头,转而致力于汉学与植物科学研 究。他与法国驻澳门领事馆联系,开始了翻译的生涯。 不同于当时欧洲许多从没到过中国,对汉语的认识仅限

Pagode occupée par Ky-ing [Qiying], vice-roi de Canton pendant les négociations du traité de Whampoa (à Macao). Jules Itier – octobre 1844. (Légende de Jules Itier au dos du daguerréotype.) Parmi les traces visuelles de la Mission Lagrené que nous a laissées Jules Itier, il nous est parvenu trois daguerréotypes du Kun Iam Tong, ou temple de Guanyin, tous trois représentant le pavillon d’entrée du temple dans un angle similaire à la vue présentée ici. Dans son article de 1980, Gilbert Gimon invite ainsi à considérer Itier comme l’un des inventeurs du reportage. Ce temple servait aussi de résidence aux membres de la légation chinoise. À l’époque situé aux milieux des rizières au nord de Macao, il est aujourd’hui entouré par la ville moderne mais son architecture caractéristique de la période Ming a été remarquablement préservée. Les bâtiments photographiés par Itier sont encore visibles aujourd’hui et datent de 1632. Un des trois temples importants de Macao est le plus beau temple bouddhiste de l’ancienne colonie portugaise, on peut encore y voir dans une des cours la table où fut signé le 3 juillet 1844 le traité de Wanghia [Wangxia] entre la Chine et l’Amérique. 钦差大臣耆英的住所


84

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


ENTRE DIPLOMATIE ET SINOLOGIE

Deuxièmement, s’ils furent certainement respectueux de la Chine et de sa civilisation, il s’en faut qu’ils aient été des « passeurs de culture », attachés à comprendre l’essence de sa tradition et sa contribution à l’histoire de l’humanité. Aussi une génération est-elle advenue, après 1930 (Vissière, le dernier titulaire de la chaire de chinois de l’École des langues orientales issu du corps des interprètes du ministère des Affaires étrangères, disparut en 1930), qui contesta qu’ils aient vraiment compris la Chine, leur reprochant le manque de profondeur de leur enseignement, leur connaissance insuffisante (ou la part insuffisante dans leur enseignement) de la « culture classique », c’est-à-dire des textes et de la « littérature ». Avec Paul Pelliot, qui assura l’intérim de la chaire de chinois, après la mort de Vissière, d’avril à novembre 1931, et Paul Demiéville, qui lui succéda (professeur de 1930 à 1945), la sinologie savante, orientaliste, reprit pied à l’École des langues orientales. Troisièmement, justement, l’École des langues orientales, à la chaire de chinois de laquelle Kleczkowski, Jametel, Devéria, Vissière, accèdent successivement entre 1871 et 1899, avait été réorganisée en exécution d’un décret, pris le 8 novembre 1869, qui traduisait une volonté de la ramener à sa destination primitive, c’est-à-dire à la vocation qui lui avait été assignée par le décret fondateur de la Convention du 10 germinal an III [30 mars 1795] : former les interprètes dont avaient besoin les divers services publics et le commerce extérieur du pays. Sous l’influence de son deuxième administrateur, Sylvestre de Sacy (1758-1838),

l 介于外交工作和汉学研究之间

Demande d’avis pour la traduction de certains termes. Lettre de Ferdinand Schutz, auteur d’un dictionnaire chinoisfrançais à Kleczkowski. Nancy, 3 avril 1859. PA-AP 392 Kleczkowski, vol. 12.

就某些词语的翻译征询意见

85


Georges Dubail

et les associations franco-chinoises Nicole Bensacq-Tixier

U

nique fils de Jean-René Dubail, avocat, et de ThémiseSophie Filou, domiciliés rue du Temple à Paris, Georges Dubail est né le 13 octobre 1845 à Maisons-Laffitte. Bachelier ès lettres et licencié en droit, durant la guerre de 1870 le jeune Georges s’engage comme artilleur dans la garde nationale et est blessé au fort de Rosny par un éclat d’obus. Bien que brave, intelligent et instruit, le jeune homme est en réalité une tête brûlée, un enfant gâté qui préfère vivre aux crochets de ses parents plutôt que de travailler. Il mène une vie de plaisirs, s’adonne au jeu, se couvre de dettes et fait le désespoir de sa famille et de ses amis. En 1873, il décide de quitter la France et de tenter l’aventure au Chili. Il se présente à la légation de France dirigée par le vicomte Brenier de Montmorand qui le prend sous son aile et, non sans mal, parvient à mettre au travail ce jeune flambeur qui lui réclame de l’argent. Dubail devient son secrétaire particulier et débute comme chancelier substitué à la légation. Au fil des années, il devient un collaborateur modèle, loué par ses supérieurs pour son caractère modéré et délicat, un peu timide et hésitant, son éducation parfaite et sa conduite privée irréprochable. En 1876, il suit Brenier de Montmorand à Pékin où ce dernier est nommé ministre plénipotentiaire. Ce premier contact avec le Céleste Empire est surtout marqué par des problèmes liés aux missionnaires. Rentré en France au bout de deux ans, Dubail est nommé vice-consul à Zhifu en janvier 1879 mais ne repart pas en Chine. En raison de sa récente expérience, il est employé à la sous-direction de l’Orient et de l’Indochine (dépendant de la direction des Consulats et des Affaires commerciales). Après avoir été rédacteur au cabinet de Freycinet, conseiller à l’ambassade de Rome, consul général à Québec puis à Amsterdam, en 1893 il est de nouveau rappelé en Chine, au consulat général de Shanghai. Dès son arrivée, il met en route la construction du nouveau consulat inauguré le 14 juillet 1895. Dubail est très apprécié du ministre Auguste Gérard qui le qualifie « d’excellent agent aussi aimé qu’estimé à Shanghai où il remplit avec une affable dignité les fonctions dont il est investi. M. Dubail a surtout le sens et l’habitude des questions d’ordre commercial, administratif ou financier qu’il excelle à comprendre. Je le crois moins sûr de lui dans les questions politiques où il apporte un peu d’hésitation et de timidité avec quelque tendance à accueillir trop facilement les impressions et les influences du dehors. Il est hospitalier et reçoit bien… » Lors du départ d’Auguste Gérard le 15 juillet 1897, Dubail prend la direction de la légation de Pékin en tant que chargé d’affaires. Il doit poursuivre la mise en œuvre de la ligne Longzhou-Nanning obtenue par Gérard en 1895 et qui se heurte à l’hostilité du consul de Yunnanfou, Auguste François, qui empêche les ingénieurs de la Cie Fives-Lille de commencer les travaux d’étude. Nommé ministre plénipotentiaire fin décembre et appelé à Santiago du Chili, Dubail refuse ce poste

Georges Dubail à Shanghai (1893-1898). Photographie. Studio Ze Yuen Ming. PA-AP 462 Dubail.

吕班在上海

Page ci-contre, haut. L’Impératrice Douairière Cixi (1835-1908) et ses porteurs. Photographie s.l.s.d. PA-AP 462 Dubail.

下页图上图 慈禧太后与轿夫

Page ci-contre, bas. L’Empereur Guangxu (1875-1908). Photographie s.l.s.d. PA-AP 462 Dubail.

下页图下图 光绪皇帝


GEORGES DUBAIL ET LES ASSOCIATIONS FRANCO-CHINOISES

en raison des événements. À la suite d’un coup de force, le 6 mars 1898, les Allemands se font céder le territoire de Jiaozhou pour 99 ans, aussitôt imités par les autres puissances qui revendiquent des avantages identiques. Pressé par Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, soucieux de protéger la colonie indochinoise, le 10 avril 1898 Dubail obtient du gouvernement chinois la promesse de non aliénation des trois provinces limitrophes du Tonkin (Guangdong, Guangxi et Yunnan), la cession à bail pour 99 ans de la baie de Guanzhouwan avec le droit d’y établir une station navale et un dépôt de charbon, la promesse de prolonger la ligne de chemin de fer de Longzhou jusqu’à Nanning et la concession de la ligne de la frontière du Tonkin à Yunnansen souhaitée par Paul Doumer. Mais fin avril 1898, il est écarté au profit de Stephen Pichon et est envoyé à Montevideo. Après avoir été ministre à Tokyo en 1901, Dubail revient à Pékin en septembre 1902. Il retrouve la Chine en proie à un ferment révolutionnaire qui touche toutes les provinces. La guerre russo-japonaise achève de cristalliser les mécontentements. « De l’issue de la guerre russo-japonaise dépendra l’orientation prochaine du céleste empire » écrit Dubail à Delcassé le 10 décembre 1904. La défaite russe donne l’espoir aux Chinois et à tous les peuples d’Asie de secouer enfin le joug des étrangers. Pour la première fois apparaît ce cri de ralliement « La Chine aux Chinois », importé par les étudiants chinois revenus du Japon. Après avoir fait échouer

l 吕班与中法协会

93


Les photographies suivantes sont extraites d’un album intitulé « La Révolution à Hankeou-1911 » qui comprend plus de quatre-vingts photographies et est conservé dans les papiers d’agents de Paul Émile Naggiar. La découverte d’un fonds privé nous porte à croire qu’il a été confectionné par Marcel Trouillet, directeur de la Banque de l’Indochine à Hankou de 1908 à 1918.

Occupation de Hankéou [Hankou] par les premières forces révolutionnaires venues d'Outchang [Wuchang]. 12 octobre 1912. A002758.

从武昌来的革命军占领汉口


La révolution de 1911 vue par Raphaël Réau

1

Dorothée Rihal Un consul français aux sympathies révolutionnaires Quand éclate la révolution de 1911, Raphaël Réau a 39 ans, il est en Asie depuis dix-sept ans, en Chine depuis dix ans et à Hankou depuis deux ans. Il a une bonne connaissance de la langue chinoise et des réalités de la Chine. Au cours de ses séjours dans les différents postes, il a été témoin de plusieurs soulèvements et complots révolutionnaires, ce qui fait de lui un excellent connaisseur des mouvements insurrectionnels chinois 2. En poste à Hong Kong au moment de l’insurrection à Canton de 1903, il prévoit que « le mouvement insurrectionnel qui vient d’échouer va se reproduire plus violent et mieux combiné dans un avenir très proche 3 ». Raphaël Réau a même écrit un article très documenté sur le mouvement séparatiste du Sud : « La réforme et les réformateurs dans la Chine méridionale 4 », en mars 1903. Pendant son séjour à Haikou, il est très au courant de la propagande réformiste de Kang Youwei, propagande destinée avant tout à procurer des fonds au comité de Hong Kong 5. Il est convaincu de l’importance du mouvement républicain séparatiste du Sud de la Chine. L’historien J. Kim Munholland insiste sur le fait que c’est sûrement après suggestion de Raphaël Réau que le ministère de la guerre a chargé le capitaine Boucabeille de prendre contact avec des révolutionnaires chinois et d’enquêter sur le mouvement révolutionnaire (juillet 1905-octobre1906) 6. Gérant du consulat de Mengzi au moment où la France a songé à soutenir les tentatives de Sun Yat-sen (1905-1907) et où l’Indochine a servi de base arrière pour des soulèvements dans le Sud de la Chine, Raphaël Réau a été en relation assez étroite avec ses partisans. C’est donc un consul expérimenté qui fait face au soulèvement de Wuchang, un consul qui connaît bien le programme politique des révolutionnaires. Il s’est intéressé à leurs idées et a même eu l’occasion d’en débattre à deux reprises avec Sun Yat-sen. Raphaël Réau l’a rencontré une première fois en mars 1903 à Hong Kong 7 ; il a un nouvel entretien avec lui lors du passage de Sun Yat-sen à Paris en 1905 8. Il ne cache pas ses sympathies révolutionnaires.

Raphaël Réau face à la révolution Après le soulèvement de Wuchang le 10 octobre, le gouvernement est organisé le 11, le vice-roi, Riu Cheng fuit le jour même. Les troupes révolutionnaires traversent le Yangzi grâce à la construction d’un pont flottant et de l’aide de bateliers locaux 9. Hanyang passe aux mains des révolutionnaires dans la nuit qui suit, Hankou le lendemain. Après la prise de Wuchang, c’est aux diplomates en poste à Hankou, et pour la partie française au consul Réau, que se posent

Portrait de Sun Yat-sen. Photographie de K. Ogawa, Tokyo, vers 1900. Sun Yat-sen (1866-1925) est considéré comme « le père de la République » et le fondateur de la Chine moderne. Alors qu’il cherche des soutiens pour mener sa révolution contre la dynastie Qing et demande une aide militaire et financière, il entre en contact avec des diplomates français. C'est dans ce cadre que Sun Yat-sen rencontre à deux reprises Raphaël Réau: en 1903 à Hong Kong et en 1905 à Paris. La même année il fonde la ligue jurée ou Tongmenhui. C’est aussi en 1905 qu’il emploie pour la première fois le terme de Triple Démisme (Sanminzhuyi), pour désigner les trois principes du Peuple (nationalisme, démocratie, bien-être du peuple), doctrine qu’il développera par la suite. Il fonde le parti révolutionnaire nationaliste Guomindang en 1911 mais il est absent lors du soulèvement de Wuchang, la révolution se fait donc sans lui. Il n’est proclamé président de la République chinoise à Canton que pour une courte durée, avant que Yuan Shikai (1859-1916) ne s’empare du pouvoir en 1913. Ce cliché, pris lors d’un de ses nombreux séjours au Japon, dans les années 1890 ou 1900, a dû être offert par Sun à un diplomate du Quai d’Orsay lors d’un séjour à Paris. Collection iconographique.

孙中山肖像


124

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Macao. Mais le consul émet des réserves et sollicite des instructions de la part du ministère. En effet, Macao étant colonie portugaise, Ernest-Napoléon Godeaux estime que cette décision ne peut être prise qu’après l’accord du Portugal. Par une lettre du 15 février 1863, la direction des Consulats approuve la suggestion du consul : « Je ne puis, Monsieur, qu’approuver votre réserve. […] la colonie portugaise de Macao sera désormais comprise dans votre arrondissement consulaire », puis confirme les décisions prises par une dépêche du 31 août : « L’exequatur du gouvernement portugais qui vous est nécessaire pour être reconnu dans cette dernière résidence a été accordé. Il est donc demandé au consul de France à Hong Kong et Macao […] de bien vouloir prendre sans retard les mesures nécessaires pour organiser sur des bases satisfaisantes le service de l’agence consulaire de France à Macao. » Il s’agit là, semble-t-il, de la première mention du titre de « consul de France à Hong Kong et Macao » dans les archives du ministère des Affaires étrangères et le consulat a gardé depuis cette double compétence territoriale. Ernest-Napoléon Godeaux perçoit vite le potentiel de Hong Kong. Dans une dépêche du 17 avril 1863, il décrit les atouts du port et, de manière visionnaire, annonce le rôle d’emporium de Hong Kong : « Grâce à sa situation géographique, à sa rade qui peut recevoir et abriter un grand nombre de navires, à la sécurité et à la liberté absolue dont jouissent les transactions, aux communications à vapeur dont elle est le centre, à la salubrité relative de son climat, grâce à ces divers avantages qu’elle réunit à la fois, l’île de Hong Kong est devenue le siège d’un trafic considérable, l’entrepôt du sud de la Chine, tant pour les produits d’Europe, d’Amérique et des Indes que pour les marchandises chinoises elles-mêmes. » Ernest-Napoléon Godeaux est consul de France à Hong Kong de la fin de 1862 au début de 1864. Il sert ensuite à trois reprises à Shanghai durant la période 1864-1879. Il sera également consul à la Nouvelle-Orléans, Alexandrie, Naples et enfin à Port-auPrince. Ernest-Napoléon Godeaux prend sa retraite le 31 août 1884, avec le grade de ministre plénipotentiaire de 2e classe, et s’éteint à son domicile à Paris le 1er octobre 1906.

Gaston Liebert, observateur attentif des transformations de la Chine De tous les consuls ayant servi à Hong Kong depuis 1862, Gaston Ernest Liebert est celui qui bat le record de longévité à ce poste. Il reste en effet treize ans en fonction, durée exceptionnelle, même à une époque où il arrive que des diplomates approchent ou dépassent les dix années sur la même affectation. Né en 1866, entré à l’École navale en 1884, Gaston Liebert devient diplomate en 1892 et, après des séjours à New York, Beihai et Shanghai, est affecté à Pékin comme attaché commercial près la légation de France. En août 1901, alors en poste à Pékin, il est nommé consul de France à Hong Kong, mais poursuit ses missions dans les ports de Chine, Shanghai, Fuzhou, Hankou, Canton et enfin Hong Kong, où il prend ses fonctions en 1903. Son long séjour dans la colonie anglaise se déroule à une période charnière de l’histoire de Hong Kong, de la Chine et de l’Asie. Si la colonie est alors en plein essor après l’ajout des Nouveaux Territoires, elle

Gaston-Ernest Liebert dans le jardin du nouvel immeuble du consulat de France à Hong Kong. Juin 1909. Photographie noir et blanc. Collection iconographique.

联伯尔在法国驻香港领事馆新馆的花园

联伯尔,一位密切注视着中国变化的观察者 法 国 自 1862年 起 驻 香 港 的 所 有 领 事 中 , 联 伯 尔 (Gaston Liebert)是在职时间最长的一位,任期长达13 年。1901年8月他还在北京任职期间,就被任命为法国 驻香港领事,但是他辗转在中国的各个港口如上海、福 州、汉口、广州执行任务,最后到1903年才到香港就任。 联伯尔在任期间,最关注的是酒税问题,当时法国生产 的葡萄酒中有很大一部分被出口到英国的这块殖民地。 在1911年5月10日的一份报告中,他强调“这一税收提 得比较高,对法国高档利口酒和葡萄酒的消费预计在香 港将会有相当明显的回落。在最近的年度结算中对此类 消费进行了估算,其中香槟酒的消费达到了每年约9万 瓶,对波尔多和勃艮第酒的消费每年达到约16万-17万 瓶。” 此外,联伯尔还密切观察着中国及亚洲的政治演 变。1911年11月,他分析了“中国革命及其对香港的 冲击”,并表示,在中国发生了一系列的事件之后, “殖民地的中国人[……]表现得尤为激动和喧哗。”他 的警惕性在第一次世界大战中也变得更加敏锐。在1914 年11月12日的公函中他强调“德国对香港平民政府圈子 具有持续的影响力”,并在1915年11月17日的一份信中 揭 露 , “驻 香 港 的 意 大 利 总 领 事 表 现 出 对 德 国 的 支 持”。联伯尔领事还对亚洲民族主义的抬头,特别是对 与这块英国殖民地联系紧密的法属印度支那的情况,保 持着密切的关注。 有一次联伯尔还见证了台风对香港的袭击。1906年 9月18日过境的台风无疑是袭击香港最强烈的一次,共 造成“7000至8000名中国人”的溺亡。此外,“近60艘 欧洲式的大船、34艘蒸汽船、百余艘平底驳船、方驳 船、帆船在台风中漏水、倾翻或受损。” 联伯尔领事还购买了一处巨大的殖民风格的房产, 从1908年至1980年间,这一住宅一直是法国驻香港领事 官邸。



128

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Photographies du typhon de Hong Kong de 1906. Photographies noir et blanc. Collection iconographique.

1906年台风袭击香港


CONSULS DE FRANCE À HONG KONG, TROIS PORTRAITS

d’armistice et de paix séparée et se révolte à la pensée d’une telle trahison vis-à-vis de nos alliés et de l’humanité entière qui déshonorerait la France à tout jamais. » Les convictions du consul de France à Hong Kong se manifestent aussi au cours des mois qui suivent dans les dépêches qu’il envoie au ministère des Affaires étrangères du gouvernement de Vichy et à l’amiral Decoux, gouverneur général d’Indochine. Ce dernier somme en effet Louis Reynaud de s’expliquer sur les marques de tampon à l’encre violette apposées sur sa correspondance et qui figurent la lettre V. Le consul explique que « les emblèmes visés sont simplement le V de la victoire que nous devons tous souhaiter. Ils n’ont pas le caractère subversif que vous semblez leur attribuer. » Le 19 septembre 1940 est officiellement créé le comité France libre de Hong Kong, qui diffuse de la propagande, publie une revue mensuelle, France libre, et participe à des émissions de radio du territoire. Il prend également en charge des Français volontaires pour combattre au sein des forces du général de Gaulle et qui ne peuvent s’embarquer à Shanghai pour gagner un territoire rallié à de Gaulle. La quarantaine de Français ayant adhéré au Comité de la France libre rejoint les Hong Kong Volunteer Defence Corps, mis en place pour renforcer les forces constituées pour résister à une invasion japonaise. Cette dernière débute le 8 décembre 1941, le lendemain de l’attaque de Pearl Harbor et les Français libres du Corps des Volontaires se battent aux côtés des soldats de l’Empire britannique, dont ceux des bataillons canadiens qui ont débarqué à Hong Kong peu de temps avant l’attaque japonaise. Les combats durent jusqu’au 25 décembre et, le jour de Noël, le gouverneur de Hong Kong, Sir Aitchison, signe l’acte de reddition de la garnison de Hong Kong. Trois mois après les combats, le 9 mars 1942, le ministère des Affaires étrangères de la France de Vichy décide de fermer le consulat de France à Hong Kong. Le consul Louis Reynaud reçoit alors comme instructions de remettre ses documents secrets, ses sceaux et ses codes de chiffrement au consulat de France à Canton. Le reste des archives, constitué de dix-huit caisses, est déposé dans les locaux de l’agence de la Banque de l’Indochine à Hong Kong. Louis Reynaud, dont les idées favorables à la France libre sont connues de sa hiérarchie, reçoit ensuite l’ordre de se rendre en Indochine, sous administration de Vichy. Mais, en âge de partir à la retraite, il demande et obtient l’autorisation de demeurer à Hong Kong. Il s’installe alors au consulat de France, afin d’éviter les déprédations des locaux et les vols. Devenu simple particulier, il est cependant considéré par les autorités japonaises d’occupation comme le représentant officieux des intérêts français et la légation de Pékin lui verse des avances sur pension qui lui permettent de secourir certains des soixante et onze Français encore présents à Hong Kong à la fin de 1942 et qui connaissent une situation matérielle difficile. Malade, Louis Reynaud meurt d’une affection myocardique à l’hôpital français de Hong Kong le 5 juillet 1943.

l 法国驻香港领事的三幅肖像画

129

路易·雷乐,第一时间的戴高乐主义者 路易·雷乐(Louis Reynaud)在香港任职领事时间 很短,但是在这短暂的时间里,他为自由法国和法国社 区所做出了令人难忘的贡献。 雷乐1884年出生,毕业于东方语言学院中文专业, 1905年作为翻译生抵达北京,最后也是在中国走完了自 己的职业生涯。他曾先后任职广州、哈尔滨和汉口。实 际上,他于1939年2月14日到汉口就任,但同年11月5日 的一份调令又把他派遣到香港担任领事。1940年1月3日 日他到达香港。 此时在香港的法国人社区约有120人,主要是商人 及商业机构的雇员,此外还有宗教人士。1940年5月10 日法国遭到入侵,6月18日戴高乐发出抵抗的呼吁,加 上日益增长的对日本威胁的担心(日本部队已于1938年 10月占领了广东),这些对在港的法国人的生活造成了 严重的影响。 戴高乐6月18日发出呼吁后仅两天,雷乐就向伦敦 发出电报,表示坚决团结在戴高乐将军周围:“驻香港 的法国人员已在我周围组织起来,我们对任何停火与寻 求单独和平的想法深表愤慨,并坚决排斥那些想要背叛 我们的盟国乃至整个人类这种会令法国永远蒙羞的想 法。” 1940年9月19日,香港自由法国委员会正式成立, 其活动主要是进行宣传,每月发表《自由法国》月刊, 并参加当地电台播音。他还组织那些志愿加入战斗但无 法在上海上船前往支持戴高乐地区的法国人。自由法国 委员会中共有约40名法国人,他们加入了保卫香港志愿 抵抗军,并被派遣加强保护香港抵抗日军侵略的军事力 量。1941年12月8日,即空袭珍珠港的第二天,日军开 始进攻香港,加入保卫香港志愿军团的自由法国成员与 英国人并肩作战。战斗一直持续到12月25日圣诞节这一 天,香港总督杨慕琦(Sir Aitchison)签署了香港驻军的 投降书。 1942年3月9日,维希政府决定关闭法国领事馆。雷 乐收到指示,把机密文件、印章以及密码转移到广州。 剩下的18箱档案被寄存在印度支那银行的香港分行。雷 乐倾向自由法国的想法,上级是了解的,他收到命令前 往印度支那,接受维希政府的领导。但是因为已经接近 退休年龄,他提出留在香港的申请,并得到了批准。他 住在法国领事馆,以保护领事馆不受本地人侵占并阻止 偷盗。尽管他已不再具有官方身份,日本当局还是视他 为法国利益的非官方代表,北京公使团也向他提前支付 退休金,他也借此为1942年末还滞留在香港岛的71名面 临着物质困难的法国人提供帮助。雷乐因病于1943年7 月5日在香港的法国医院去世。 宋克强


132

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Le 20 février 1951, André Travert fonde une famille francochinoise en épousant à Hong Kong Mlle Kouei Sieou-tsing Suzanne, originaire de Suzhou, près de Nankin, avec pour témoin le lieutenant-colonel Guillermaz, affecté également auprès du consulat de France. Les deux amis font alors partie des premiers China watchers, ces diplomates, observateurs, journalistes et espions qui, durant des décennies, suivent l’évolution politique de la Chine à partir de Hong Kong. Jacques Guillermaz, dans son autobiographie Une vie pour la Chine, souligne la perspicacité des analyses que son ami Travert consacre à ce pays, dont il est amoureux, mais vis-à-vis duquel il est « aussi un critique impitoyable, et pas seulement de son régime. Il réagit aux événements et

Chongqing, 19 juillet 1948. Photographie d’André Travert. PA-AP n° 459, A042912.

La ville est située sur un piton rocheux qui surplombe le confluent du fleuve Yangzi et la rivière Jia Ling. F. A. 1948年7月19日,重庆


ANDRÉ TRAVERT, UN DIPLOMATE AMOUREUX DE LA CHINE

aux gens avec fougue, s’engage à fond, et ses jugements cinglants ou ironiques sont souvent empreints d’un humour glacé. Mais ses dépêches diplomatiques sont des modèles d’analyses lucides et sereines. » En février 1952, André Travert reçoit ainsi, par l’intermédiaire de Jacques Dastuge, consul de France à Hong Kong, les félicitations d’Alexandre Parodi, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, pour son rapport sur la situation en Chine en 1951 : « Au moment où je manque d’informations d’ensemble sur les activités et les méthodes de gouvernement de Pékin, ce rapport, rédigé avec autant de conscience professionnelle que d’esprit politique, me fournit une précieuse mise au point sur la question. Je vous serais reconnaissant de faire savoir à M. Travert combien son travail a été apprécié par le Département et notamment par la direction d’Asie. » Les notes, dépêches et télégrammes d’André Travert sont en effet lus au plus haut niveau de l’État, comme le précise, dans ses Mémoires, Edgar Faure, qui rend hommage à la qualité des « excellents rapports d’André Travers » (le nom est écrit dans l’ouvrage avec un s et non un t final) et dont il loue « la force d’analyse, le don de la synthèse et la capacité d’exposition ». L’homme politique et le diplomate se rencontrent d’ailleurs en 1957 à Hong Kong, lors du premier voyage en Chine d’Edgar Faure, entrepris à partir de la colonie anglaise. André Travert demeure en poste à Hong Kong jusqu’au 1er avril 1959, date à laquelle il quitte le consulat pour rejoindre à Paris sa première affectation à l’administration centrale, à la section Chine de la direction d’Asie et d’Océanie. Pendant son séjour au Quai d’Orsay, de 1959 à 1965, André Travert continue à apporter à tous ceux qui sont intéressés par la Chine – diplomates, décideurs politiques ou simples lecteurs avides d’en comprendre les transformations – ses compétences, son expérience et sa connaissance fine du pays. Ainsi, quand Edgar Faure effectue en 1963 un voyage officieux à Pékin afin de préparer la reconnaissance de la République populaire par la France, il utilise, entre autres, les notes rédigées par André Travert à la direction d’Asie du ministère des Affaires étrangères : « Ses travaux me furent d’une grande utilité lors de mes voyages en Chine », écrit dans ses Mémoires le sénateur du Jura. Jean Gory, autre diplomate passionné par la Chine, loue aussi la qualité des correspondances d’André Travert : « A la pénétration et à la lucidité de ses analyses s’ajoutait une remarquable facilité d’écriture, dans une forme limpide, alerte, percutante, sachant parfaitement coller à la pensée. » Certaines des analyses d’André Travert, comme Notes et études documentaires : La première décade de la République populaire de Chine 19491959, sont accessibles à un plus large public et paraissent en 1960 à la Documentation française, après qu’il a obtenu l’autorisation de les publier de la part de la direction du personnel et de celle d’Asie-Océanie, laquelle indique par une note du 22 avril 1960 que « cette étude ne faisant état d’aucun document de caractère confidentiel, la direction d’Asie n’a pour sa part aucune objection à une telle publication ». Le 10 mars 1965, André Travert repart en Asie, mais pour le Japon et Kobé, où il est nommé consul général. La même année, Jacques Guillermaz rend visite à Kobé à son ami « qui idolâtre la Chine » et qui « se morfond à délivrer des documents de commerce

l 戴维艺,爱上中国的外交官

133

样一位中国通,以便可以从他的专长中获益,了解如何 在安全理事会中与刚刚获准进入联合国的中华人民共和 国的外交官打交道。 但戴维艺仍一直被中国所吸引、依然渴望重新回到 那里工作,1981年初他再次申请担任香港总领事一职。 这一次他的请求得到批准,1982年5月14日他被任命为 法国驻香港总领事。 一位中国文化的博学者 戴维艺是在卢浮宫学院特别是东方语言学院发现并 研习中国文化的,尤其在语言方面,他的中文说得极其 流利,并且掌握了中文的读写。戴维艺是属于那些靠对 中文的了解踏上外交之路的法国外交官,并且这一点也 成为贯穿他的外交生涯一条主线。 戴维艺的太太是中国人,会说好几种方言,他也因 此有机会完善自己中文,甚至达到了精通的地步。夫妻 俩相互之间也一直用中文对话。在香港的长期生活还让 戴维艺有机会学会了一口流利的粤语,此外他还听得懂 其它的中国方言,如上海话、四川话、福建话。一些老 香港人还记得20世纪80年代,法国领事坐天星小轮公司 渡船过港口,一路上与乘客、商贩或海员攀谈,或者阅 读当地的中文报纸,从中他也提炼了许多有用的信息。 但是戴维艺对中国的兴趣并不仅仅局限于对语言的 掌握。他对中国文化的许多方面都非常感兴趣,并且在 好几个领域展开学术研究。他还曾制定了一个编辑一本 成语词典的长期计划。 有一种中国艺术——中国戏曲是戴维艺的真爱,他 对戏曲的热爱还表现在数十年间,不断观摩大量的演 出、研读剧本、研究这一传统艺术并从中获取养分。他 曾经为专业期刊写过数篇介绍中国戏曲的文章,某些戏 他甚至还可以毫不犹豫地和他的太太上台表演。 领事-骑马师 戴维艺小时候经常和他的父母去南特的骑马场,在 那儿他培养起对马、马术及赛马的强烈兴趣。他很快成 为一名熟练的骑师,而且他还是一位业余的赛马骑师, 常常在香港岛马场举行的赛马活动中取胜。那一时期 的报纸还登载了大量戴维艺越过终点线后胜利兴奋的 照片。 2008年,戴维艺的子女向法国外交部档案馆赠送了 他们父亲保存的70箱档案资料,这是一个包含着各种类 型与中国有关的文献宝库。 宋克强


142

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Les archives d’André Travert (1921-1993) À l’image du diplomate atypique qu’il fut, les archives d’André Travert forment un ensemble unique parmi les collections d’archives privées conservées à La Courneuve. En effet, les quelque vingt-deux mètres linéaires d’archives remises à l’État en 2009 par les trois enfants du diplomate sont entièrement constitués de documentation relative au monde asiatique, les deux tiers concernant l’Empire du milieu. Depuis son arrivée en Chine au printemps 1946 et jusqu’à son dernier souffle, André Travert a patiemment amassé coupures de presse, articles de revues, voire exemplaires complets, pour composer un ensemble documentaire étonnant dans lequel il est possible de puiser à l’infini. Tous les sujets sont évoqués qu’ils soient d’ordre politique, sociétal ou culturel avec un intérêt marqué pour l’opéra chinois et en particulier l’opéra de Pékin dont André Travert était devenu, au fil des ans, un connaisseur averti. Les journaux et revues dépouillés, en Chine d’abord, à Hong Kong ensuite, puis dans tous les pays où il fut nommé, sont essentiellement en langues chinoise, anglaise et japonaise. Sa passion s’est également portée vers la constitution d’archives sonores : cent une bandes magnétiques,

enregistrements de discours, d’articles lus, vraisemblablement à la radio chinoise, émanant du Quotidien du peuple et de la revue Drapeau rouge, et enregistrements d’opéras chinois ont été préservés. Les descendants d’André Travert ont également remis les négatifs et les tirages de la collection de photographies prises par leur père. Parmi la dizaine de milliers de tirages qui couvrent une période allant de 1946 à 1984, actuellement en cours de classement, 1350 tirages noir & blanc, sont conservés intéressant la Chine des années 1946-1969, en y incluant Hong Kong et Macao. André Travert a photographié la ville, la campagne, les monuments mais également et surtout, les Chinois. Son aisance dans la pratique de la langue lui permettait d’établir un contact privilégié avec les personnes qui croisaient sa route. Outre la sensibilité et la beauté qui se dégagent de ces clichés, ces derniers constituent un témoignage infiniment précieux d’un pays à un tournant de son histoire. Ses photographies sont, en partie, consultables sur la base documentaire « Images » du ministère des Affaires étrangères. Françoise Aujogue

Shanghai, 23 décembre 1956. Photographie d’André Travert. PA-AP 459, Travert, A042907.

André Travert est heureux de retrouver Shanghai lorsqu’il revient en Chine continentale en 1956. Il remarque que le centre-ville, et notamment Nanking Road, est noir de monde : « Qu’on ne dise pas que les chinois manquent de tout et meurent de faim : les magasins sont remplis de victuailles et les restaurants archi-combles. Cliché encore, que de dire que le Chinois a désappris à rire : sans doute cette mer de jenminch’uan bleus a-t-elle dans son uniformité vestimentaire, quelque chose de déprimant au point de vue subjectif de l’observateur mais c’est une foule gaie où les jeunes prédominent. » F. A. 上海


ANDRÉ TRAVERT, UN DIPLOMATE AMOUREUX DE LA CHINE

l 戴维艺,爱上中国的外交官

143

Le voyage d’André Travert en Chine Populaire en 1956. Choses vues. Pékin, 15 décembre 1956. Photographie d’André Travert. PA-AP 459, Travert, A042938.

Au moment de la crise de Suez, on retrouva, placardées sur le mur d’enceinte de l’ambassade de Grande-Bretagne, plusieurs centaines d’affiches de propagande en signe de solidarité avec l’Égypte contre « l’agression franco-britannique ». Sur celle-ci, l’impérialisme français est figuré par un militaire en képi, un énorme sabre à la ceinture, qui, à cheval sur un globe terrestre, se prépare, torche et mèche à la main, à mettre le feu à la planète. 玩火者自焚, ceux qui jouent avec le feu seront les premiers brûlés, dit la légende, au verso de la photographie. F. A. 北京 Nankin, 20 décembre 1956. Photographie d’André Travert. PA-AP 459, Travert, A042900.

De retour en Chine continentale pour la première fois depuis son départ pour Hong Kong en 1949, André Travert photographie les rues de Nankin qu’il trouve beaucoup moins animées qu’autrefois. F. A. 南京

Bloc-notes d’André Travert. PA-AP 459, Travert, vol. 466.

戴维艺的笔记本


168

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Jianchang. Deux femmes à la coiffe noire traditionnelle. 1907. Stéréopositif, 6 x 13 cm. A055067.

« Je me retournai et vis deux Lolottes représentant pour moi un spectacle nouveau : elles étaient drapées dans une longue pèlerine tombant presque jusqu’aux talons, chez l’une d’elle, tandis que, généralement, elle s’arrête au genou ; on eût dit un grand mantelet, tel qu’en portent encore les paysannes en certaines régions de Bretagne. Mais ce qui constituait la plus grande originalité du costume, c’était un béret, un très large béret aux ailes flottantes, éployées à la brise […]. Par moments, on y décelait quelque chose de la forme alsacienne si connue, si chère au cœur français, surtout quand elle apparaît soudainement en plein Kientchang, aux limites presque du lointain Thibet. Elles caquetaient […] comme les pies-grièches de leurs montagnes, gaies, folâtres même, foulant le sentier d’un pas léger et bien scandé. D’un « instantané » je croquais les deux gaillardes qui me regardèrent d’un œil un peu étonné […] puis continuèrent, le nez au vent, sans plus s’inquiéter de l’étranger. (Le Far-West Chinois. Kientchang et Lolotie op. cit., p. 106-107). 1907年,建昌,头戴传统黑色头饰的两名妇女


AIMÉ-FRANÇOIS LEGENDRE

Sichuan. Daliangshan (« Grandes montagnes froides »). Groupes de guerriers lolos. 1909 (?). Stéréopositif, 6 x 13 cm. A055060.

Legendre a photographié ici son escorte de guerriers. À droite : le guide accroupi, à côté du poney de Legendre. Photographie publiée dans l’ouvrage « Le Far-West Chinois. Kientchang et Lolotie, Chinois -Lolos – Sifans » (op. cit.). 1909 (?) 年,四川大凉山,一群倮倮武士

Chef de clan lolo (arrière-plan deuxième à droite) entouré de ses esclaves. Lolotie, Stéréopositif, 6 x 13 cm. A055080.

奴隶环绕下的倮倮部落首领(后排右数第 二位)

l 吕真达

169


176

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


AIMÉ-FRANÇOIS LEGENDRE

Cultivateur avec meule et bovin. Yunnan, Stéréopositif, 6 x 13 cm.

Scène de marché à Kunming. Stéréopositif, 6 x 13 cm.

Échoppe de lanterne. Kunming, Stéréopositif, 6 x 13 cm

A055098.

A055102.

A055113.

昆明市场一角

灯笼铺

农夫与拉碾磨的黄牛

l 吕真达

177


182

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


AIMÉ-FRANÇOIS LEGENDRE

l 吕真达

Groupe d’hommes assis. Chine, tirage, 9 x 12 cm. A055678.

端坐的一群男人

183


Jean Malval

un médecin artiste dans les rues de Shanghai Isabelle Nathan-Ebrard

P

roduction étonnamment prolifique que celle de Jean Malval ! De ses deux séjours à Shanghai (1930-1933, 19331945), ce médecin de santé navale ramena plusieurs centaines de croquis pris sur le vif, dont le style s’apparente à la « ligne claire » prônée par les dessinateurs belges de bandes dessinées (Hergé n’est pas loin !). S’attardant dans les rues de la ville ancienne, il s’attacha à en fixer sur le papier les figures les plus pittoresques, les petits métiers, les scènes de la rue, laissant un témoignage précis et sensible de ce peuple surpris dans ses activités quotidiennes. La fraîcheur de ces œuvres ne laisse aucunement transparaître la noirceur du temps, les bombardements de la ville et les rigueurs de l’occupation japonaise, dont Jean Malval réserva le témoignage poignant à ses Mémoires resté inédits. Professeur à l’université L’Aurore, il dirigeait aussi la maternité de l’Hôpital Sainte-Marie et donnait des consultations dans un cabinet privé. Il s’associa tout naturellement aux campagnes de vaccinations (administrées parfois en pleine rue !) et aux soins offerts aux blessés et aux populations les plus misérables. Son art fut peut-être pour lui un moyen de s’abstraire d’un quotidien tragique. Jean Malval revint en France en 1946, après avoir vécu à Shanghai dans des conditions très éprouvantes le conflit sino-japonais puis la Seconde Guerre mondiale. Certains de ses dessins furent publiés alors qu’il était encore en Chine, dans le Journal de Shanghai ou L’Ancre de Chine (bulletin publié par l’état-major à Tientsin de 1934 à 1937), mais une grande partie était demeurée inédite. Ils couvrent trois thèmes principaux : la vie quotidienne des marins et soldats des troupes stationnées en Chine ; la rue chinoise et ses ateliers ; l’occupation japonaise. S’y ajoutent une contribution à l’exposition sur la médecine chinoise, organisée par l’université l’Aurore en 1942 et la réalisation d’affiches en liaison avec ses activités professionnelles. Les aquarelles ici présentées sont extraites de l’album intitulé Types et petits métiers ou Silhouettes du Shanghai laborieux, offert par la famille de l’auteur au ministère des Affaires étrangères au printemps 2010. Le médecin y rend un vibrant hommage aux qualités de ses modèles, à leur patience, endurance, habileté, ingéniosité, adaptabilité, goût de l’œuvre solitaire aussi bien que collective, et contribue à sauver de l’oubli ces activités artisanales, qu’il juge déjà menacées par le machinisme. La plupart de ces dessins ont figuré dans un album publié en 1989 chez Casterman.

L’auteur a lui-même légendé ses dessins. 以下作品的标题出自让·马尔瓦尔本人

Musiciens d’enterrement, chaise de noce. 葬礼乐手;喜轿

Coiffure et chaussures de bébés, apparat. Petit-pied-pelote-à-épingles. 庆贺活动用的婴儿头饰与鞋子; 缠足穿的绣花鞋


JEAN MALVAL, UN MÉDECIN ARTISTE DANS LES RUES DE SHANGAI

l 让·马尔瓦尔——上海街道上的医生艺术家

195


204

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋

Dans sa conférence sur La Poésie française et l’Extrême-Orient, largement consacrée à la Chine, Paul Claudel évoque dans le domaine des arts un « désir interpsychique » qui relie les différentes parties de l’humanité : « Je veux dire qu’entre les divers peuples, entre les diverses civilisations, il y a un contact psychologique plus ou moins avoué, un commerce plus ou moins actif, un rapport comme de poids et de tensions diverses qui se traduit par des courants et par des échanges, par cet intérêt qui ne naît pas seulement de la sympathie, mais de la réalisation d’un article idéal, dont la conscience d’une certaine insuffisance en nous fait naître le besoin, un besoin qui essaye de se traduire plus ou moins gauchement par l’imitation. Tantôt la balance dont je viens de vous parler se traduit par un actif, tantôt par un passif. Tantôt un peuple éprouve la nécessité de se faire entendre, et tantôt – et pourquoi pas en même temps ? – celle de se faire écouter, celle d’apprendre et de comprendre 7. » L’œuvre de Paul Claudel s’inscrit elle-même comme une étape nouvelle de l’histoire de ces « échanges » et de ces « courants », elle trouve sa force dans l’intensité et la richesse d’une longue expérience personnelle en Chine, toujours évoquée avec enthousiasme par le poète-diplomate.

« Connaissance de l’Est », Paul Claudel, Paris : Georges Crès, 1914. Impr. en Chine (presses du Pei-T’Ang). Collection coréenne composée sous la direction de Victor Segalen à Pékin. Impression sur doubles pages pliées et cousues à la chinoise en deux volumes contenus dans une chemise cartonnée recouverte de soie bleue retenue par deux fermoirs en os. Exemplaire numéroté 151 sur vergé pelure. Archives du MAEE, Bibliothèque, Rés. O 30.

Connaissance de l’Est est un recueil de poèmes en prose composés presque tous entre 1895 et 1905, pendant le séjour de Claudel en Chine. En 1913, Claudel autorise Victor Segalen, rencontré à Pékin, à réaliser une réédition à la mode orientale de ce recueil déjà publié en 1900 et en 1907. 《认识东方》诗集 1. Paul Claudel, Préface à un album de photographies d’Hélène Hoppenot (1946), repris in Œuvre en prose, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1965, p. 397. Sauf indication différente, les références à l’œuvre de Paul Claudel sont données dans cette collection. 2. Paul Claudel, Lettre à Stéphane Mallarmé, 24 décembre 1895, in Cahiers Paul Claudel 1, p. 46. 3. Paul Claudel, Contacts et Circonstances, in Œuvre en prose, p. 1074. 4. Yvan Daniel, Paul Claudel et l’Empire du Milieu, Paris, Les Indes savantes, 2003 ; Littérature française et Culture chinoise, Paris, Les Indes savantes, 2011 ; 法国文学 与中国文化,《走近中国》, 河南大学出版社, 2014. 5. Paul Claudel, Œuvre poétique, op. cit., p. 143. 6. Paul Claudel, Éloge du Chinois, repris in Œuvre en prose, op. cit., p. 1030. 7. Paul Claudel, La Poésie française et l’Extrême-Orient (1937), in Œuvre en prose, op. cit., p. 1036.


PAUL CLAUDEL, UNE PASSION POUR LA CHINE

保罗·克洛岱尔的中国之恋 罗·克洛岱尔(Paul Claudel, 1868-1955)是法中外 保 交关系史及文学交流史上一位非常特殊的人物。

他是在中国居住时间最长的法国作家,从1895年7月至 1909年8月,他在中国共生活了14年,这也是他的外交 生涯中出使时间最长的一段。多年以后,保罗·克洛岱 尔忆及在中国的岁月时,特别提到的是“南方的中国, 道之中国”,而他当时仿佛就是一位“置身精灵国度的 见习魔法师”。20世纪40年代,他在阅读朱迪特·戈蒂 埃(Judith Gautier)与丁敦龄翻译的《玉书》以及曾仲 鸣的翻译作品《冬夜之梦:唐诗绝句一百首》时,还创 作了《拟中国小诗》。1895年初抵中国的头几个月中, 这位年轻的领事就立即感觉到与这个国家的亲近,他在 致朋友斯特凡·马拉美(Stéphane Mallarmé)的一封信 中这样解释:“中国是一个古老的国家,错综复杂,令 人目眩。这里的生活还没有遭到只考虑自己、苛求最 好、自己教自己空想的现代病的感染。……我厌恶现代 文明,而且总对它感到十分陌生。相反,这里的一切似 乎都很自然、正常。”

l 保罗·克洛岱尔的中国之恋

205

克洛岱尔向以笔锋锐利而为人所知,但他也是一位 少有的——如果不是唯一的——通过自己在中国的亲身 经历、与中国人的近距离接触,创作中国与中国人赞歌 的法国作家。1949年他在《费加罗报》上发表了一篇 《中国人的赞歌》,在法国文学中堪称凤毛麟角。他在 1909年时就曾经写道,“不管怎么说,一个人长期跟 中国人生活在一起,都难免对其产生欣赏喜爱之 情……”。克洛岱尔的观点及其对中国和中国人的描述 与十九与二十世纪之交常见的对中国的恐惧形成鲜明的 对比。正是他在中国的长期的外交经历让他有机会摆脱 那个时代的偏见与陈旧观念。克洛岱尔最初在上海担任 法国领事,后于1896年至1904年驻任福州,1897年中他 还因公在汉口停留数月。后来他还曾前往北京及天津任 职,并最终于1909年在中国的北方结束了他在中国的长 期居留。 在对中国独特的自然风光和城市风情的凝望中,在 对中国艺术,特别是对音乐、戏剧的发掘中,在对中国 语言和诗歌的探索中,他的创作也受到中国及中国文化 的深远影响。他一部分最重要的作品是在出使中国期间 得以构思完成的:诗歌作品,如最初以《中国意象》为 题发表的诗集 《认识东方》,之后在福州创作的《诗的 艺术》,又有如《五大颂歌》。在中国他还创作了两部 剧本,其中《第七日的休息》讲述了一个发生在中国古 代汉朝时期的故事,这部剧作完成于他到达福州的头几 个月。至于另一部剧作《正午的分界》,故事从一艘邮 轮讲起,但之后则完全是以当时的中国为故事背景。保 罗·克洛岱尔很早就发现了中国某些经典作品,比如他 对老子及道家非常好奇而且兴趣浓厚,这一点也表现在 他的思想和作品中。他还阅读了一些顾赛芬(Séraphin Couvreur)翻译的典籍,特别是《尚书》、著名的《诗 经》以及包含有阐述中庸的篇章的《四书》。诗集《认 识东方》是他于1895年7月至1905年4月所创作的“描述 性散文”合集,读者可以把它看作一本描写中国南方的 诗化的“旅行日记”来阅读,但是它所提供还远不止于 此。因为《认识东方》的创作已经为《认识时间》或者 克洛岱尔的《诗的艺术》的整个创作发展提供了经验。 与中国文化及景观的接触,也让诗人发现了他所称的 “新逻辑”,也就是“事物在融洽相处与承接中的和谐 一致”。他在中国的驻留也为他的原创诗论提供了源 头,并在他以后所有的作品中留下深刻的烙印。在1949 年的《中国人的赞歌》中,保罗·克洛岱尔非常形象地 描述了他心目中的中国文化与艺术灵气的源起,“那些 您所熟知的美妙绘画、精致的诗歌,您觉得它们只是中 国水与墨的产物吗?那您就完全错了。水与墨只是展开 了一幅幕帘,绘画与诗歌则是凝结于其上的沉思。” 岱旺


Les archives photographiques de l’abbé Maître * Damien Heurtebise

I

l arrive que les documents empruntent des chemins étonnamment sinueux avant de parvenir dans les salles de consultation des Archives diplomatiques. C’est le cas de la collection dite « Abbé Maître », déposée au Centre des archives diplomatiques de Nantes en janvier 2010 après avoir changé de mains plusieurs fois. L’origine de la collection remonte au début du XXe siècle, au moment où le commandant Claudius Ferdinand Pernot (18681935) prend la tête du détachement militaire français de Pékin et assure le commandement de la garde de la légation de France. Officier colonial sorti de Saint-Cyr en 1889, il effectue ses premières armes au Sénégal, au Dahomey, à Madagascar, avant de se tourner vers l’Asie qu’il atteint en 1900. Présent une première fois en Chine au moment de la révolte des Boxers, il y revient pour un second séjour à partir de 1906, en compagnie de sa jeune épouse Pauline. C’est alors qu’il constitue, dans ses moments de loisirs, une collection photographique tout à fait remarquable. Cent vingt-huit clichés, en partie sous forme de plaques de verre, témoignent de leur curiosité d’Européens présents à Pékin entre 1906 et 1910 : scènes de la vie familiale, visites de monuments, scènes liées à l’activité du commandant Pernot ou à l’actualité chinoise, comme le reportage sur les obsèques de l’impératrice Cixi en 1908… En outre, ce que ne rendent pas les reproductions, c’est la technique choisie par le photographe et qui ajoute un supplément d’intérêt aux clichés : par le procédé binoculaire dit « vue stéréoscopique », il nous offre de parcourir en relief le jardin du parc Beihai, la foire de Liulichang, le champ de course de Pékin, le tombeau des Ming… et bien sûr de suivre le cortège funèbre de l’impératrice, avec catafalque, bannières, carrosse et dragon-lion.

梅特尔神甫的照片档案

有 些文献资料可谓是历经曲折,方才抵达外交档案 馆的借阅室。“梅特尔神甫”(Abbé Maître)的收

藏正是如此,在经过数次转手之后,这批收藏才从2010 年1月起存放在了南特外交档案中心。 这批藏品的起源可以追溯到20世纪初。当时指挥官 克劳迪于斯·费迪南德·佩尔诺(Claudius Ferdinand Pernot,1868-1935)接管法国驻北京的特遣部队,任法国 公使馆守卫指挥官。佩尔诺1889年从圣西尔军校毕业 后,首先在塞内加尔、达和美及马达加斯加等地开始其 殖民地军官生涯,后于1900年被调至亚洲。第一次在北 京期间,他还曾遭遇义和团运动。1906年他在年轻妻子 波利娜(Pauline)的陪同之下再次回到北京。正是在此 次任期的闲暇时间里,他拍摄了一大批相当出色的照 片。128张底片,其中部分是玻璃底片,见证了1906年 至1910年间住在北京的欧洲人的好奇心:家庭生活的场 景、参观古迹、与佩尔诺指挥官活动相关的场景、中国 的时事——比如慈禧太后1908年的葬礼……此外,摄影 师选用的无法复制的技术,为这些底片增添了额外的关 注:通过使用双目镜展现所谓的“立体视角”,他为我 们提供了具有立体感的北海公园、琉璃厂市场、北京跑 马场、明陵……当然也包括慈禧太后的葬礼队伍,包括 灵柩、旌旗条幅、灵车和麒麟等。 达米安·厄尔特比兹

* Nom du dernier dépositaire de la collection avant son entrée aux Archives du ministère des Affaires étrangères.

Pékin, foire de Liou-Li-Tchang (Liulichang). 1906-1910. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, 1906-1910. MAED-CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n°15.

北京琉璃厂市场


LES ARCHIVES PHOTOGRAPHIQUES DE L’ABBÉ MAÎTRE

À droite. Pékin, enterrement de Kouang-Su (Guangxu), cortège, novembre 1908. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, novembre 1908. CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n° 43.

右图 1908年11月,北京,光绪皇帝葬礼,送葬护卫队

Pékin, Palais d’été. Pagodon. 1906-1910. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, 1906-1910. CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n° 11.

1906-1910 年,北京颐和园小塔

Pékin. Saut à la perche par des soldats, 1909. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, 1909. CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n°29.

1909年,北京,士兵在做撑杆跳

Ci-contre, au milieu. Pékin, enterrement de l’impératrice Tseu-Hi (Cixi), catafalque, novembre 1908. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, novembre 1908. CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n° 49.

右图中图 1908年11月,北京,慈禧葬礼。灵柩。

Ci-contre, en bas. Pékin, enterrement de l’impératrice Tseu-Hi (Cixi). Mandarins Chinois, novembre 1908. Photographie du commandant Cl. Pernot, Pékin, novembre 1908. CADN/Collection Abbé J. Maître. Photo n° 47.

右图下图 1908年11月,北京,慈禧葬礼。满清官员。

l 梅特尔神甫的照片档案

207


Hélène Hoppenot regards sur la Chine

Marie-France Mousli

P

arler de la Chine rêvée par Hélène Hoppenot, c’est donner à lire, en plus du témoignage photographique, quelques pages arrachées à son Journal 1…

Les photographies reproduites ici sont extraites de la collection d’Hélène Hoppenot donnée aux Archives diplomatiques.

« Mon passé commence en Chine » Hélène Delacour (1894-1990) a étudié la musique et le chant. Sa rencontre avec Henri Hoppenot * en décembre 1914, puis son mariage en février 1917 va changer sa vie : elle abandonne une carrière d’artiste lyrique, suit de poste en poste son mari diplomate, et pendant soixante-deux années partage sa vie. C’est à Rio de Janeiro, où Henri Hoppenot occupe le poste de secrétaire auprès de Paul Claudel, que le désir d’aller en Chine s’éveille en elle : Paul Claudel, qui lui aussi avait « habité la Chine », lui révèle que c’est « le paradis des diplomates », ajoutant un soir de mai 1918 : « Ah ! la Chine… c’est le roman de ma vie. » « Le désir d’y aller en poste s’éveille en moi 2 » confie-t-elle à son Journal. Ce rêve, elle l’exprime ouvertement : « J’ai un tel désir d’aller un jour en Chine, que je commence à formuler ce vœu publiquement – pour tenter le sort 3. » Elle écoute avec attention tous les diplomates, tous les voyageurs qui en reviennent et dont la conversation devient passionnante dès que « je les fais parler de la Chine, cette Chine qui me tente 4… » « Je regarde les photographies rapportées de là-bas et j’essaie d’entendre battre le cœur de Pékin, de connaître la couleur du Temple du Ciel ou de la Cité Interdite. 5 » Des lectures viendront nourrir son imaginaire : Connaissance de l’Est de Paul Claudel, Stèles de Victor Segalen, Anabase de Saint-John Perse. Et c’est riche de leurs souvenirs qu’elle se sent prête à partir à la découverte de cet univers. (suite page 216)

* Né le 25 octobre 1891 à Paris. Marié à Hélène Delacour. Enfant : Violaine née en 1923 Carrière : entré le 7 août 1914 au ministère des Affaires étrangères comme attaché autorisé au service des communications, nommé à l’ambassade de France à Berne (1917). Une carrière qui le mène de Rio de Janeiro à Téhéran, Santiago du Chili, Berlin, en Syrie-Liban. Il revient à Berne en 1931. Le 16 juillet 1933, il est nommé conseiller à Pékin. Il va suivre pendant quatre années l’action diplomatique de la France en Chine, poursuivre les négociations concernant la Convention franco-chinoise et l’accord économique, qui seront ratifiés et promulgués en juillet 1935. Le 30 septembre 1935 est signée la Convention aérienne franco-chinoise dont Henri Hoppenot avait suivi les pourparlers. À la mort de l’ambassadeur Henry Wilden (25 septembre 1935), Henri Hoppenot assurera la gérance du poste. En 1937, il rentre en France, où il sera sous-directeur aux Affaires d’Asie puis d’Europe. En 1940, en disgrâce, il est envoyé à Montevideo comme ministre plénipotentiaire. Il démissionne le 15 octobre 1942 et se met au service de la mission Giraud aux États-Unis où il est nommé délégué du Gouvernement provisoire de la République française. Hoppenot sera promu ambassadeur de France à Berne à la fin de la guerre en 1945. Représentant permanent de la France au Conseil de sécurité des Nations unies de 1952 à 1955, il se verra confier des missions au Vietnam et en Algérie. Il entre au Conseil d’État en 1956 avant de prendre une retraite définitive le 27 novembre 1964. Il meurt le 10 août 1977.

Maryse Hilsz et Hélène Hoppenot. Nankin, tombeaux des Ming, avril 1934. L’aviatrice Maryse HiLsz (à gauche) rend visite à Hélène Hoppenot lors d’une escale d’un vol entre France et Japon. Les deux amies sont photographiées sur un site déjà très prisé des touristes, « La Voie des esprits » qui conduit au tombeau du premier empereur Ming (1368-1644). Le 23 septembre 1935 était signée la convention aérienne francochinoise : Air France établissait la première liaison hebdomadaire directe entre la Chine et les réseaux aériens français. Collection photographique, fonds Hélène Hoppenot, A022022.

玛丽斯·希尔斯与伊莲娜·贺伯诺


HÉLÈNE HOPPENOT, REGARDS SUR LA CHINE

Chine. Vue d’un village, 1933-1937. Cette ligne de paniers en bambou chargés de pierres, posés à côté de meules de foin à l’écart de maisons traditionnelles forme une composition étrange,

une « espèce de rébus hiéroglyphique, de provocation sibylline à l’exégèse d’un Œdipe » (Paul Claudel, Chine, Éditions d’Art Albert Skira, 1946). A022687.

中国的一座村庄

l 伊莲娜‧贺伯诺 凝望中国

213


218

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


HÉLÈNE HOPPENOT, REGARDS SUR LA CHINE

Pao-Ma-Tchang (Baomachang), Taï-Shan (Taichan)… des noms parmi tant d’autres qui compléteront les légendes des milliers de photos qu’elle a rapportées. « Qui me rendra ma Chine ? 11 » Une extrême nostalgie s’empare d’Hélène Hoppenot lorsqu’elle quitte la Chine et la pousse à reprendre cette conversation avec elle-même en 1937 : « 1er janvier. Premier jour d’une année que je n’aimerai pas, que je ne pourrai pas aimer. La pensée que je vais quitter ce pays qui m’a comblée, où je souhaiterais terminer ma vie, me désespère. » « 3 janvier. Quelques visites de départ que j’eusse voulu moins rapides. Dû renoncer au séduisant projet de traverser la Chine en chemin de fer par la nouvelle ligne Hankéou-Kouelin. Les renseignements sont déplorables : départs irréguliers, compartiments non chauffés, absence probable de couchettes et de wagon lits. Trop lasse pour tenter l’aventure. Et il y a l’Indochine et les Indes Néerlandaises, les bateaux sur lesquels nos places ont été retenues. » « 6 janvier. Dernières heures, derniers contacts avec ce qui a été pour moi l’essentiel. La Cité Interdite sous le soleil. Arrachement. Crainte que ma vie heureuse – une enclave heureuse – ne se termine ici. » Et le 7 janvier 1937 c’est le départ tant redouté : « Pékin devient une traînée lumineuse à l’horizon des souvenirs. Plus de soleil ni même cette lumière laiteuse, bleuâtre qui parfois le remplaçait et que j’aimais tant. » « 8 janvier. Pékin est bien loin. Fermant les paupières, je revois cette ville de toits, de courbes, toits bas jusqu’à hauteur d’homme où jouaient tous les gris et les beiges, toits aux somptueuses couleurs impériales d’un jaune si éclatant qu’il devenait orange, le bleu de la foule luttant avec celui du ciel. » Après bien des escales dans les postes consulaires de la Chine du Sud où Henri Hoppenot est chargé de rapports sur leurs activités, une traversée monotone, suspendue au temps, Hélène Hoppenot est effrayée de se retrouver en France. Elle est « prête à donner une partie de la vie qui [lui] reste à vivre pour revenir en arrière et retrouver ces trois années de bonheur ». Le 5 avril 1937, en débarquant à Marseille, elle réalise que « dès maintenant, Pékin est définitivement perdu. » « D’autres postes suivront-ils ? Notre vie est faite d’efforts renouvelés, d’amour, d’amitiés interrompues, d’une curiosité de plus en plus aiguë pour les êtres – et, devant moi, la trouée lumineuse de Pékin 12. »

« Que ne donnerais-je pour y être encore ? 13 » Dans les années qui suivirent ce retour de Chine, son esprit est ailleurs, tourné vers ce pays dont le regret la tourmente souvent. Des bouffées de ce passé, des pages de souvenirs surgissent dans l’écriture de son Journal : « À l’émotion angoissée qui me serre la gorge, je comprends que la Chine n’a cessé d’être pour moi un souvenir nostalgique qui ne disparaîtra qu’avec ma mort 14. » Homme avec une cage à oiseau. Années 1933-1937. A022328.

手捧鸟笼的老人

l 伊莲娜‧贺伯诺 凝望中国

219

“中国对我的吸引今日几如昨日,无可抵御!” 1933年10月6日,亨利与伊莲娜‧贺伯诺夫妇,带着 他们的女儿维欧莲娜从马赛登上了阿拉米斯号。几经中 途停靠后,终于抵达上海。 继续搭乘40小时的火车后,1933年11月11日,他们 终于见着了“笼罩着北京的光晕”。“这儿干燥的空气 令我心醉,放眼所见,处处令我深深着迷。我还记得那 一幕,我走过长长的月台,兴高采烈,激动地颤抖着, 我走上天桥,从另一边下来,在城墙的拱门下,我彷佛 被吞噬了一般,已经冷冽的寒风从我身上扫过……我对 自己说:这就是北京! 而我不是在做梦……” “经过巨大又昏暗的六国酒店后,沿着花园的墙边 前行,突然之间,我看见两只白狮子,一道像极了凯旋 门的入口,我已经站在公使馆的台阶前……” 他们先在法国公使馆住下,直到拿到“残破不堪的 参事宿舍……”的钥匙。 她开始摄影。她镜头下的黑白影像抵挡了岁月的侵 扰,比文字更生动地记录下了她的过往、她的中国。 我们与她一起,凝望着这些被永久保留的时刻,仿 佛依然如她记忆中那般色彩斑斓的时刻,如斯特别的仿 佛“雨水洗过的光线”的明亮时刻:那些面容、那些风 景、那布满水道的乡间、一簇簇的树木、水田之间弯腰 收割稻米的农人以及水牛背上穿着荆豆纤维服饰的牧 童、那些胡同,以及山丘上的道观…… “谁来还我我的中国?” 当伊莲娜‧贺伯诺必须离开中国时,一阵浓浓的乡 愁袭击了她,使她甚至在1937年时,写下了这段喃喃 自语: “1月1日,我将不会喜欢、也无法喜欢的一年之 始。一想到即将离开这个令我爱之至极、甚至希望在此 终了余生的国家,我便感到无比的失落与绝望。” “1月6日。最后的几个小时,与我最珍爱的最后的 相处。沐浴在阳光下的紫禁城。心碎。担心我快乐的人 生----快乐自在的时光----终将在此结束。” “1月8日。北京已经遥远。闭上双眼,我再次见到 这个屋顶与弧线满布的城市, 低得与人一样高的屋顶, 夹杂着各种各样灰色与浅褐色,有着华贵的帝王般色彩 的屋顶,是鲜艳到几乎变成橙色的黄色,拥挤的人群身 上的蓝,足以与天空争妍。” 亨利‧贺伯诺 1933年7月16日受命为驻北京参事。在接下来的四 年中,他从事法国对中国的外交工作,并继续进行于 1935年7月获得批准和颁布的中法协约与经济协议的谈 判。1935年9月30日中法两国签署了由亨利‧贺伯诺负责 谈判的中法航空协约。亨利‧贺伯诺在大使亨利‧韦礼 德(Henry Wilden)过世后(1935年9月25日)掌管公 使馆。


220

LA CHINE, UNE PASSION FRANÇAISE

l 法国的中国之恋


HÉLÈNE HOPPENOT, REGARDS SUR LA CHINE

Inoubliable « l’indicible pureté de cette après-midi d’hiver au Temple du Ciel », inoubliable la « parfaite solitude sous le bleu rude des tuiles vernissées. 15 »…

« Or moi aussi, en des temps plus anciens, j’ai habité la Chine » Et faisant le lien entre la photographie et l’écriture, c’est Paul Claudel disposant « de cette épaisse pile de talismans photographiques » laissée par son amie Hélène Hoppenot, « pour en humer le dégagement incantatoire » qui dans sa préface à l’album Chine va introduire la photographe et révéler son talent 16. Le texte n’est pas sans ressemblance avec certains passages de Connaissance de l’Est et ce que constate avec bonheur Hélène Hoppenot c’est qu’« après tant d’années de silence, Claudel a enfin reparlé de la Chine ».

l 伊莲娜‧贺伯诺 凝望中国

1. Journal 1918-1933, Hélène Hoppenot, transcrit et annoté par Marie France Mousli, éditions Claire Paulhan, 2012. Journal inédit 1936-1980, collections particulières. 2. Journal, 17 juillet 1918. 3. Journal, 12 mai 1925. 4. Journal, 8 juin 1925. 5. Journal, 18 juin 1926. 6. Journal, 21 au 21 août 1933. 7. Journal, 5 septembre 1933 8. Journal inédit, 25 octobre 1938. 9. Journal inédit, 8 novembre 1940. 10. « En manière de biographie », Dictionnaire guildien de la littérature vivante, mars 1936-mars 1956, La Guilde du Livre, Lausanne 1956, p. 369. 11. Journal inédit, 25 juin 1937. 12. Journal inédit, 25 octobre 1938. 13. Journal inédit, 25 août 1938. 14. Journal inédit, 16 avril 1965. 15. Journal inédit, 1er janvier 1940. 16. Hélène Hoppenot publiera deux albums rapportés de ces voyages : Chine et Extrême-Orient qui paraîtront en 1946 et 1951. 17. Henri Hoppenot Diplomate, Colette Barbier, Direction des Archives, Ministère des Affaires étrangères, 1999.

Page ci-contre. Rizières dans le Yunnan. Années 1933-1937. A022336.

左图 云南的稻田

Enfants se rendant à une fête. Années 1933-1937. A022696.

去过节的儿童

221


La Chine une passion française 法国的中国之恋 C’est au Moyen Âge que les premiers contacts entre la France et la Chine ont eu lieu, mais c’est dans la seconde moitié du xviie siècle, sous le règne de Louis XIV, et au xviiie siècle, que des relations suivies se mettent en place, avec la grande mission des jésuites et les activités commerciales de la Compagnie des Indes, puis la création du consulat de Canton en 1776. Puisant dans le très riche matériau des Archives diplomatiques, ce livre évoque les parcours des savants, diplomates ou interprètes, représentant la France en Chine depuis trois siècles, qui ont entretenu avec ce pays une relation particulière, perceptible dans leur œuvre publiée à leur retour ou restée inédite. De Chrétien Louis-Joseph de Guignes à André Malraux, en passant par Paul Claudel, Saint-John Perse et d’autres moins connus, à travers leurs écrits, savants articles ou rapports de mission, récits de voyage, dictionnaires ou recueils poétiques, dessins ou albums photographiques, c’est leur expérience de la Chine, littéraire ou scientifique, érudite ou inventée, qui se dévoile au lecteur. préface 序 Laurent Fabius 洛朗∙法比尤斯

1. Le temps de la découverte 发现的时代

弗朗索瓦·奥若格 巴斯蒂 妮科尔·邦萨克-蒂克西埃 皮埃尔·尚瑟雷尔 郁白 岱旺 格雷瓜尔·埃尔丹 帕斯卡尔·埃旺 葛若望 达米安·厄尔特比兹 贝朗热尔·富尔科 马克西姆 弗朗西斯·于雷

2. La Chine des diplomates 外交官的中国

Claude Martin Gilles Massot Régine Mazauric Marie-France Mousli Isabelle Nathan-Ebrard Romain Perroud François Plaisant Christian Ramage Isabelle Richefort Dorothée Rihal Luc Vandenhende

马腾 马梭吉 雷金娜·马佐里科 玛丽-弗朗斯·穆斯里 伊莎贝尔·纳坦 王直 白乐尚 宋克强 伊莎贝尔·里什福 尹冬茗 王德恩

traduction 翻译 Zhao Hongyang 赵洪阳 Dorothée Rihal 尹冬茗 Lou Shen 沈倖如

3. Savants et explorateurs 学者与探险家

4. La Chine rêvée 梦里的中国 Dépôt légal : octobre 2014

Image de couverture : Arnold Vissière, interprète de la légation de France à Pékin, et Lo Feung Lo [Luo Fenglu], secrétaire du vice-roi Li Hong-Tchang [Li Hongzhang], 1884. 封面图 : 1884年,法国驻北京公使团翻译微席叶与李鸿章总督的秘书罗丰禄

ISBN 978-2-86266-705-8

60 € 9 782862 667058

www.loubatieres.fr

Françoise Aujogue Marianne Bastid-Bruguière Nicole Bensacq-Tixier Pierre Chancerel Nicolas Chapuis Yvan Daniel Grégoire Eldin Pascal Even Laurent Galy Damien Heurtebise Bérangère Fourquaux Maxime Guerin Francis Huré

中国与法国的最早接触可以追溯到中世纪,但直到 17世纪下半叶路易十四统治时期以及18世纪,通过耶稣 会的大规模传教活动和印度公司为欧洲市场提供中国商 品而展开的商业活动,以及1776年在广州设立第一家法 国领事馆,两国才开始建立起真正的联系。 本书大量使用了外交部档案馆极其丰富的馆藏资 料,介绍了300多年来代表法国出使中国的学者、外交 官或翻译的经历。在他们返法之后出版的或者未出版的 作品中,我们仍然能够感受到他们与中国始终保持着特 殊的联系。 从小德金到安德烈·马尔罗,还有其间的保罗·克 洛岱尔、圣-琼·佩斯以及其他一些名声稍逊的人士, 他们的中国经历——无论是文学的还是科学的、学术的 还是想象的,都通过他们的文字、学术文章或者出使报 告、游记、词典和诗集,通过他们的绘画或者摄影作 品,在读者面前一一呈现。


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.