Ariège, archives remarquables

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ARIÈGE ARCHIVES REMARQUABLES Claudine Pailhès

LOUBATIÈRES


Collection dirigée par François Bordes ISBN 978-2-86266-711-9 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2014 10 bis, boulevard de l’Europe – BP 50014 31122 Portet-sur-Garonne Cedex www.loubatieres.fr

En couverture : Plan de la seigneurie de Castelnau-Durban, 1698, (36 J 95). Reconnaissances seigneuriales de Ganac, 1783-1785, (8 J 49). En quatrième de couverture : Dépiquage à Auzat. Photographie anonyme, vers 1900, (4 Fi 187). Documents reproduits dans l’ouvrage : copyright Conseil Général de l’Ariège – Archives départementales. Les reproductions des documents ont été assurées par Robert Vicente.


ARIÈGE

ARCHIVES REMARQUABLES Claudine Pailhès


à propos des Archives départementales de l’ariège

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Cadastre de Foix, 1525, (1 EDT/ CC 27).

La Tour ronde du château de Foix abrita pendant des siècles les archives du comté, (3 Fi 72).

u Moyen Âge et jusqu’à la Révolution, les archives étaient conservées là où elles étaient produites : dans l’abbaye, au diocèse, au cheflieu de seigneurie, dans la ville, à chaque échelon de l’administration provinciale et royale. Fondement de pouvoir, preuve de droits et outil de gestion, les archives faisaient généralement l’objet de tous les soins, ce qui nous vaut d’en avoir tant conservé en dépit des guerres, des incendies, des inondations, des rongeurs, de l’humidité, des mille possibilités de destruction. Dans la vallée de Vicdessos par exemple, tous les ans les consuls anciens remettaient solennellement aux consuls nouvellement élus les « libertés » dans un sac (la charte de coutumes), l’estime de la vallée (le compoix), les rôles de forestage et diverses lettres et quittances. On a connaissance d’un dépôt d’archives de la communauté juive à Pamiers au début du XIVe siècle et chaque abbaye avait son chartrier (l’ensemble des chartes), souvent son cartulaire (recueil des actes les plus précieux), ses inventaires dressés par des moines savants. Un véritable « service d’archives » existait dans la Tour ronde du château de Foix : c’était un des éléments des riches archives des Foix-Béarn, remarquablement gérées, avec des « archivistes » connus depuis le XVe siècle. Les archives centrales de la famille étaient conservées en Béarn, avec celles de l’administration béarnaise ; à Foix étaient conservées les archives de gestion du pays de Foix et des domaines catalans. Le 29 juillet 1789, une des premières mesures de l’Assemblée nationale fut de créer son propre service d’archives qui devint en septembre 1790 les Archives de la Nation. La loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) créa des archives départementales dans chaque chef-lieu de département. On devait y regrouper les archives des nouvelles administrations en même temps que des anciennes. À Foix, ces archives furent installées dans les locaux de l’administration centrale, c’est-à-dire les locaux de l’ancienne abbaye Saint-Volusien loués à la Nation depuis 1790 puis achetés en 1791, qui abritèrent aussi le tribunal criminel et la gendarmerie et qui devinrent, en l’an VIII, ceux de la Préfecture. L’histoire des Archives de l’Ariège commence dramatiquement dans les flammes de l’incendie de l’Hôtel de la Préfecture. Dans la nuit du 28 au 29 octobre 1803, disparurent en quelques heures les archives du château de Foix et de l’abbaye Saint-Volusien, les papiers de l’administration révolutionnaire et ceux des premières années de l’administration préfectorale, les registres paroissiaux et d’état civil provenant du greffe de la sénéchaussée puis du tribunal. L’enquête judiciaire aboutit rapidement à l’évidence d’une


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action criminelle et s’arrêta brusquement : probablement connaissait-on les coupables qu’on ne voulait ou ne pouvait poursuivre. Il est très vraisemblable qu’au plus fort de la résistance à la conscription napoléonienne, ce sont les registres paroissiaux, outils de l’appel des conscrits, qu’on voulait détruire. Longtemps après ce drame, les archives de l’Ariège restèrent plus ou moins à l’abandon. Un commis de préfecture était seulement chargé de tenir en ordre les papiers nécessaires à l’administration. Le préfet commença à se préoccuper de la situation vers 1840, mais le premier véritable archiviste, Jean-Lucien Orliac, ne fut nommé qu’en 1845. Il s’attacha à organiser le service, à établir un état des fonds et à faire réintégrer les archives d’Ancien Régime restées dans les administrations ou dans d’autres départements. À sa suite les archivistes de l’Ariège, désormais tous professionnels formés à l’École des Chartes, menèrent la double tâche de faire entrer les archives, autant anciennes que contemporaines, de les classer et de les inventorier. Félix Pasquier (1874-1895) fut une personnalité particulièrement marquante. Diplomate mais tenace, il fit une œuvre essentielle de réintégrations, sa réussite essentielle touchant les archives des évêchés de Couserans et de Pamiers. Il effectua de nombreuses tournées dans les communes et son dynamisme et son intégration à la société locale lui firent obtenir de nombreux et importants dons d’archives privées. Il anima la vie culturelle locale, présidant à la création de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts et du Musée de l’Ariège, menant des campagnes pour la conservation des monuments mais aussi du patrimoine oral et linguistique. Les Archives départementales se trouvaient toujours dans les locaux de la Préfecture, déplacées, scindées, maintenues dans une situation matérielle de plus en plus mauvaise. En 1942-1943, le service fut transféré dans un bâtiment désaffecté de la prison de Foix, dans des conditions très difficiles étant donné le contexte de l’époque et l’appropriation des locaux ne put être déclarée terminée qu’en 1949. Ces locaux étaient exigus et bien vite le manque de place fut d’autant plus criant que la collecte des archives contemporaines devenait une réalité. Il fallut trente ans pour que soit enfin décidée, en 1979, la construction d’un bâtiment neuf en un autre endroit de la ville. Le Conseil général vota en 1982 le principe de cette construction sur le terrain départemental de Montgauzy, le chantier se déroula de juillet 1984 à octobre 1985 et le nouveau bâtiment fut inauguré le 29 janvier 1986. Une seconde tranche était prévue qui fut réalisée en 1990. Un bâtiment d’archives se remplit vite, et tant mieux ! En 2006, il fallut envisager une extension : nouveaux magasins et nouvelle salle de lecture furent inaugurés en septembre 2011. Ce bâtiment et ses extensions successives ont permis aux Archives de l’Ariège de remplir pleinement leur mission de collecte d’archives publiques toujours plus nombreuses mais aussi d’archives privées, de collections iconographiques, de presse et de publications, et celle d’animation culturelle par le biais du service éducatif, des expositions, publications, colloques… Comme toutes les archives de France, elles ont connu beaucoup de mutations, elles les ont assumées et elles se préparent à assumer celles d’aujourd’hui et de demain, qui ne seront certes pas les moindres avec la dématérialisation des données et les exigences de plus en plus pressantes de la communication virtuelle… Claudine Pailhès Directrice des Archives départementales de l’Ariège

Le bâtiment inauguré en septembre 2011.

Douze mille registres de notaires…



L E T E R R I TO I R E

la nature sauvage le paysage humain : la terre le paysage humain : la ville la frontière


L A N AT U R E S AU VAG E La nature sauvage est l’environnement des hommes. Elle entoure le village, elle est aux portes de la ville, elle est l’univers quotidien du paysan de la plaine comme du rude habitant des vallées ou des soulanes. Elle est forêt et rivière, herbe et taillis, fleur guérisseuse et champignon, elle est aussi ours et isard dans la montagne, oiseau, poisson, serpent, renard et loup partout. Elle est encore orages et vents, tempêtes, inondations, éboulements et avalanches. Les hommes d’Ariège ont toujours vécu en proximité avec cet univers commun autant qu’étrange, porteur de vie autant que de peurs.

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es pluies du printemps et de l’automne provoquent des inondations catastrophiques ; en montagne, leurs effets sont démultipliés ; les rivières devenues torrents emportent tout sur leur passage, arrachent la montagne, forment des ravins, font glisser les terres et les bois. L’inondation la plus catastrophique fut celle des 23 et 24 juin 1875 qui fit 81 morts dans le petit

village de Verdun sans compter plus de 600 bêtes emportées, avant de se répandre dans le bas pays et de dévaster Toulouse. Le village de Mérens le 2 juillet 1902, au lendemain de la crue du 28 juin. Plaque de verre du Service de Restauration des Terrains en Montagne, (43 Fi 120).


LE TERRITOIRE

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’avalanche du 3 janvier 1895 fut la plus terrible enregistrée dans la haute Ariège. Seize maisons d’Orlu furent ensevelies et quinze personnes tuées. Le lendemain, une autre coulée atteignit le village de l’Hospitalet, recouvrant une maison dont il fallut sortir les habitants par un tunnel creusé dans la neige. La catastrophe d’Orlu fit la une de L’Illustration. Le dossier de la

– LA NATURE SAUVAGE

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préfecture de l’Ariège abonde en témoignages de courage dans les secours et de solidarité de la part des habitants de la vallée. Rapport de l’instituteur adjoint d’Ax, l’un des nombreux habitants à avoir porté secours aux victimes, 6 janvier 1895, (7 M 16).


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– ARCHIVES REMARQUABLES

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e plan de la seigneurie de Castelnau-Durban et des terres qui l’entourent fut dressé dans le cadre d’un procès sur les limites de cette seigneurie et de celle de l’abbaye de Combelongue. Il couvre un territoire d’environ 28 km d’est (à gauche) en ouest (à droite) et une quinzaine du nord (en bas) au sud (en haut) et reflète la variété des terroirs et de l’utilisation qui en est faite : montagnes, rivières et forêts, villes (la Bastide-de-Sérou), villages et métairies, châteaux (tour féodale d’Alzen, château résidentiel de Castelnau, château plus modeste de Durban), églises, chapelles et abbaye, forge de Tourné et forge d’Estaniel, moulins sur les cours d’eau (fariniers à proximité des villages, à scie près des forêts), ponts et chemins.

Plan de la seigneurie de Castelnau-Durban, 1698, (36 J 95).


LE TERRITOIRE

– LE PAYSAGE HUMAIN : LA TERRE

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Seix, pays de relief difficile et zone de frontière, les forêts sont indispensables à la survie des habitants : ceux-ci ne peuvent vivre que de l’élevage et les bêtes dans les bois s’entretiennent tant de la rame que de la feuille et des fruits, surtout au printemps et en temps d’hiver ; les arbres et leurs racines maintiennent les rochers et les montagnes, sinon, par la faiblesse de la terre et des rochers, les inondations rendraient le pays inhabitable et l’on n’y pourrait passer ; les bois sont la protection et la défense du pays car les hommes du lieu peuvent y tendre des embuscades aux ennemis. Mieux encore, ils servent de refuge : le village n’est pas fortifié et en temps de guerre, les bois sont notre château, les habitants y cachent leurs femmes, leurs enfants et leurs biens meubles, ils peuvent attaquer à couvert et les arquebuses ou arbalètes ennemies ne peuvent les atteindre, quand les gens dudit lieu sont au bois, les dix en valent cent en fait de guerre. Plaidoyer des habitants de Seix contre le projet d’aliénation par le roi des forêts du lieu, vers 1540, (136 EDT/ DD2).

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rès haut sur la montagne, l’orri, cabane de pierre sèche, est l’habitat du berger durant le long temps de l’estive.

Orri de Lamic (Auzat), plaque de verre du Service de Restauration des Terrains en Montagne, (43 Fi 339).


LES HOMMES ET LEURS ACTIVITÉS

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’exercice des droits d’usage et la cohabitation des bergers et de leurs troupeaux sur les montagnes ont provoqué pendant des siècles contestations en justice et bagarres sur le terrain. Les habitants de Lapège avaient le droit de pacage sur les montagnes de Gourbit, dans la baronnie de Rabat. Leurs représentants dénoncent que, le 21 juin 1737, les syndics de Gourbit, à la tete d’une soixantaine d’homes de Gourbit qu’ils ont soulevé et emeuté au son de la cloche, leur a-t-on dit, vindrent chasser leurs troupeaux de ladite montagne de Gourbit, couperent tous les baquets et oules

– LA FORÊT ET LA MONTAGNE

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à faire le fromage que leurs pasteurs avoit, pillerent les fromages et enleverent tout ce qu’ils trouverent jusques à quelque peu de lard et du tabac et finalement leur couperent les cabanes qui existoit dans set endroit depuis un temps immemorial, chasserent les gardiens et troupeaux qui se reffugierent au lieu d’Artax dont ils furent encore chassés […]. Dénonciation et protestation devant huissier des habitants de Lapège contre les fermiers de la baronnie de Rabat, 1737, (1 J 775).


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– ARCHIVES REMARQUABLES

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uthentification de la légende de saint Volusien, patron de l’église abbatiale et paroissiale de Foix, par l’abbé Hugues. Le culte des saints était une composante essentielle de la religiosité médiévale, le récit, véridique ou non, de leur vie était véhiculé dans tout le peuple chrétien et il était souvent à la base de la renommée d’une abbaye, d’une ville, voire d’une dynastie comtale. Cet acte doit être mis en relation avec la volonté de Gaston Fébus de donner un ancrage sacré à la dynastie des comtes de Foix en faisant de saint Volusien, qui lui serait apparu en songe, le saint protecteur des comtes et de leur ville. Pièce de parchemin, autrefois scellée du sceau de l’abbé Hugues, 1384, (H 59).


LES HOMMES DANS LEUR INTIMITÉ

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– LA PRATIQUE RELIGIEUSE

u début du XVIe siècle, les chrétiens profondément touchés par les calamités de la fin du Moyen Âge étaient en attente d’une Église qui répondrait plus à leur angoisse spirituelle que l’Église en crise qu’ils avaient en face d’eux. Or, cette Église ne s’adressait aux fidèles qu’en latin, langue liturgique incomprise du plus grand nombre. Ce rituel latin comporte une partie en occitan intitulée « Comment parler au peuple » dans laquelle il est expliqué aux prêtres comment s’adresser à leurs paroissiens en lengage vulgar de Tholosa. Cet exemplaire contient de plus un texte manuscrit en occitan des Dix Commandements rédigé par Jehan Perier, prêtre. Rituel du diocèse de Toulouse, imprimé à Lyon chez Denys de Harsy, 1536, (8° 156).

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L’ A D M I N I S T R AT I O N C I V I L E E T R E L I G I E U S E S O U S L’ A N C I E N R É G I M E Les institutions seigneuriales et municipales mises en place au Moyen Âge offrent en apparence une remarquable permanence jusqu’à la Révolution. En fait, la monarchie absolue sapa, dès le xvie siècle, la réalité de leurs pouvoirs en s’imposant comme niveau d’appel et de contrôle. Le comté de Foix fut réuni en 1607 au Domaine royal, mais il conserva une identité en gardant un statut de province, dotée de son gouverneur, et surtout ses États, assemblée représentative chargée de « consentir » les impôts royaux, de les répartir et de gérer les affaires du pays. L’évolution la plus marquante est l’importance prise par l’administration royale qui se développa dans tous les domaines : justice, fiscalité, ordre public, économie… L’Église vivait dans la même permanence institutionnelle, qu’il s’agisse des curés dans leur paroisse, des évêques dans leur diocèse ou des abbayes et couvents fondés plusieurs siècles auparavant. Elle connut par contre de grands mouvements qui portèrent les diocèses ariégeois au-devant de l’histoire. François Étienne de Caulet, évêque de Pamiers de 1645 à 1680, fut l’un des grands prélats de la Contre-Réforme, il inclina vers le jansénisme et s’opposa violemment au roi Louis XIV sur le problème de la Régale (perception des revenus par le roi en cas de vacance du siège épiscopal). Après sa mort, il y eut à Pamiers un schisme de treize ans entre ses héritiers spirituels et des chanoines « régalistes » soutenus par l’archevêque de Toulouse. Quelques années plus tard, Jean-Baptiste de Verthamon, évêque de Pamiers, et Pierre de la Brouë, évêque de Mirepoix, furent appelants au concile de la BulleUnigenitus qui condamnait le jansénisme.

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a police était une des principales prérogatives des municipalités. Page de droite, une ordonnance de police consulaire très complète pour la communauté d’Ercé. Elle commence par les infractions aux règles de l’Église (ce qui témoigne de la profonde imbrication entre religieux et civil) : blasphème, travail les dimanches et jours de fête, fréquentation des tavernes à l’heure des offices et jeux de hasard. Puis elle aborde le cas des femmes débauchées, l’autorité des parents sur leurs enfants, la

sécurité du moulin, l’interdiction de barrer la rivière et d’y jeter des immondices ou du bétail mort, la vente du vin, les primes aux ours et aux loups, l’organisation du pacage sur la montagne. Estatuts d’Ercé, copie du XVIIe siècle d’un texte certainement plus ancien. La langue est un mélange de gascon et de français, (1 J 335).


LE COURS DE L’HISTOIRE

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es baronnies de Niaux et d’Alliat appartenaient toutes deux à la famille de Traversier et on ne sait ce qui nous vaut ce beau plan où l’on distingue parfaitement les limites de seigneuries avec parfois des croix, les rivières, les chemins et les ponts, les châteaux, y compris l’antique château de Miglos sur son promontoire (à droite), les églises, même abandonnées, la

– L'ADMINISTRATION CIVILE ET RELIGIEUSE SOUS L'ANCIEN RÉGIME

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commanderie hospitalière de Capoulet, ainsi que les moulins à farine, moulins foulons, forges ou moulines, tous composantes des revenus seigneuriaux. Plan aquarellé des baronnies de Niaux et d’Alliat, XVIIIe siècle, (1 Fi 211).


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– ARCHIVES REMARQUABLES

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’industrie traditionnelle du peigne a survécu jusqu’à nos jours. Connue depuis le XVe siècle, c’est à l’origine une industrie du bois car la matière première en est le buis. Le buis local s’épuise au XVIIIe siècle, on en importe mais on se tourne aussi vers la corne. Sous la Restauration, on fabrique encore quatre fois plus de peignes en buis que de peignes en corne et les centres sont le Mas-d’Azil et La Bastide-sur-l’Hers. Le premier disparaît au cours du XIXe siècle et le travail de la corne devient la spécialité de quelques villages du pays d’Olmes, Bélesta, Léran, La Bastide, Le Peyrat. C’est dans la même zone que le travail du jayet a été florissant tant que bijoux, ornements de deuil, chapelets de jais ont été à la mode. Usine de peignes de Bélesta, photographie Jean Ribière, vers 1950, (73 Fi 270).

C

’est un Ariégeois, l’ingénieur Aristide Bergès, qui « inventa » la houille blanche. Aménagée à partir des lacs de Naguilles et d’En Beys, la chute d’Orlu fut en 1910 la première et la plus importante des Pyrénées.

Les travaux du lac de Naguilles, 1909, carte postale, (64Fi).

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’industrie papetière est une autre activité traditionnelle, implantée autour de Saint-Lizier et de Saint-Girons depuis le XVIIe siècle, modernisée par l’introduction du machinisme vers 1835 et qui a su prendre au XXe siècle une importance internationale. L’usine de Lédar, appartenant depuis 1908 à l’entreprise Matussière et Forest et bénéficiant de la production électrique de ses centrales sur le Lez, s’est spécialisée dans le papier journal. Usine de Lédar, photographie Jean Ribière, vers 1950, (73 Fi248).


L’OUVERTURE AU MONDE

– ÉNERGIE ET GRANDE INDUSTRIE

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a carrière de talc de Trimouns se situe entre 1 700 et 1 800 mètres d’altitude, au-dessus du village de Luzenac. Ouverte vers 1840, elle prit son essor à la fin du XIXe siècle avec l’arrivée de la voie ferrée et l’installation d’un câble puis avec la création en 1905 de la Société des Talcs de Luzenac. C’est la première carrière de talc de France et la troisième du monde. Le travail dans la carrière de talc, carte postale, vers 1904, (64 Fi).

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’abondance de la ressource hydroélectrique a fait du bassin de Tarascon-Vicdessos un des principaux centres français de production de l’aluminium. La construction de la centrale d’Auzat (1908) a amené là l’installation d’une usine de la Société Péchiney en 1908, puis une autre à Sabart au confluent de l’Ariège et du Vicdessos en 1929, puis celle de Mercus, en aval de Tarascon, en 1953. La production de la « vallée Péchiney » a été remarquable pendant des décennies avant que l’effondrement des cours mondiaux n’entraîne la disparition à peu près complète de l’aluminium pyrénéen dans les années 1990.

Construction de l’usine de Sabart, plaque de verre, fonds de l’usine Péchiney, 1929, (71 Fi 15).

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a carrière de Lacave fournit une des meilleures chaux de la région. Une usine fut construite à proximité peu après 1875.

Affiche, sans date, (57 Fi 20).


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– ARCHIVES REMARQUABLES

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héophile Delcassé (1852-1923) fut l’homme politique majeur dans l’Ariège de la Troisième République. Jeune journaliste, il s’engagea dans le parti républicain. Les Affaires étrangères étaient sa passion et c’est là qu’il fera sa carrière. De 1893 à 1914, il fut secrétaire d’État puis ministre des Colonies, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Marine, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, ministre de la Guerre en juin 1914 puis des Affaires étrangères en 1914-1915 avant de se retirer de la politique. Il s’illustra sur tous les fronts internationaux en une période des plus tendues des relations européennes et fut entre autres l’artisan de l’Entente cordiale avec l’Angleterre, du rapprochement avec l’Italie, du renforcement de l’alliance francorusse. « La crise ministérielle. Un groupe d’anciens ministres quitte l’Intérieur. On reconnaît M.M. Delcassé, Klotz, Augagneur, Couyba et Lebrun. Ils vont à l’Élysée » (légende portée au dos).

Photographie Meurisse, Paris, sans date, (4 Fi 583).

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algré sa brillante carrière dans les hautes sphères de l’État, Delcassé resta toujours fidèle à sa terre natale. Candidat dès 1885 au Conseil général dont il deviendra président, député de Foix de 1889 à 1919, il fut durant plus de trente ans le personnage dominant de la vie politique locale. Le journal républicain L’Avenir lui était tout acquis. L’Avenir en campagne pour Delcassé, 3 mai 1906, (2 Per 20/ 1906).


L’OUVERTURE AU MONDE

– LA VIE POLITIQUE

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e parti communiste, issu de la scission du Congrès de Tours en 1920, s’implante en milieu artisanal et ouvrier, en particulier à Pamiers et dans le pays d’Olmes. Du 10 mars au 26 juillet 1926, il va prendre la direction de la grande grève des ouvriers du textile de Laroque-d’Olmes qui réclament un alignement de leurs salaires sur ceux des ouvriers de Lavelanet récemment augmentés.

Photographie dans le dossier de police de la Préfecture, 1926, (15 M 42/2).

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e conseil municipal de Pamiers le 14 juillet 1936. Au premier rang, le maire Joseph Rambaud (1879-1944), médecin, maire de Pamiers et conseiller général en 1919, sénateur de l’Ariège en 1929. Résistant, il sera arrêté en juin 1944 et déporté à Buchenwald où il mourra quelques mois plus tard.

À la droite du maire (à gauche sur la photographie) se trouve Joseph Azéma, l’auteur de l’album où figure ce tirage. Album photographique Joseph Azéma, 1936, (67 Fi 7/2600).


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– ARCHIVES REMARQUABLES

U

stensiles de cuisine et de ménage à Bethmale, Balaguères et Massat.

Enquêtes de Joseph Vézian, vers 1920-1930, (21 J 6).

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oiffes de Bethmale.

Lithographie, sans date, (7 Fi 37).

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es plantes font aussi partie des savoirs populaires.

Herbier, sans date, archives de la famille d’Amboix, du Mas-d’Azil, (série J).


L’ H I S TO I R E M Y T H I F I É E L’histoire est omniprésente dans la mémoire collective, elle est la base des légendes qu’on transmet et qui l’inscrivent dans le paysage, elle inspire musiciens et poètes, elle se raconte aux premiers touristes. Deux périodes sont privilégiées, et ce sont les plus lointaines, bien sûr, celles qui se perdent dans un temps qu’on ne peut plus vérifier, où tout peut s’inventer : les temps mythologiques, ceux d’avant les Romains, où tout était encore à créer, et puis le Moyen Âge avec ses comtes, ses chevaliers et ses hérétiques persécutés dont parlent encore les châteaux perchés et les églises ruinées.

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ercule s’en allant chercher les pommes d’or du Jardin des Hespérides traversa les Pyrénées, fut reçu à la cour du roi Bébryx, séduisit sa fille, Pyrène, puis s’en alla vers sa mission. Pyrène, désespérée, se réfugia dans les forêts où elle fut tuée par des bêtes féroces. Hercule l’apprit à son retour et, fou de douleur, éleva un tombeau dans une grotte (ce sera la grotte de Lombrives) puis entassa au-dessus roche sur roche pour faire un monument à la hauteur de son amour : ce furent les Pyrénées. Il mit ensuite son neveu Fuxée sur le trône de Foix : les comtes de Foix sont donc des descendants d’Hercule.

Cette légende est connue au XVIe siècle et Bertrand Hélie, auteur d’une chronique latine des comtes de Foix et originaire de Pamiers, est le premier à l’écrire. Olhagaray la reprend au début du XVIIe siècle, en ajoutant la comparaison entre Hercule vainqueur des Hespérides et Henri IV, son descendant, vainqueur des Espagnols ; Henri de Navarre la connaissait certainement et il vint lui-même visiter Lombrives en 1578-1579. Bertrand Hélie, Historia Fuxensium comitum, Toulouse, chez Nicolas Vieillard, 1540, (8°1602).


table des matières À propos des Archives départementales de l’Ariège ..................................... 2 Le territoire .................................................................................................................................................. 5 La nature sauvage ................................................................................................................................. 6 Le paysage humain : la terre ...................................................................................................... 13 Le paysage humain : la ville ....................................................................................................... 19 La frontière ............................................................................................................................................. 24

Les hommes dans leurs activités ....................................................................................... 31 Le labeur paysan ................................................................................................................................. 32 La forêt et la montagne ................................................................................................................. 38 Ateliers, boutiques et marchés ................................................................................................. 43 Un pays d’industrie .......................................................................................................................... 47 Petits métiers et migrations saisonnières ......................................................................... 54 Le passage transfrontalier ............................................................................................................ 59

Les hommes dans leur intimité ......................................................................................... 65 La condition humaine ................................................................................................................... 66 Le « for privé » ..................................................................................................................................... 70 Le cadre quotidien ............................................................................................................................ 76 La pratique religieuse ...................................................................................................................... 82 Croyances et superstitions .......................................................................................................... 89 La fête et le jeu .................................................................................................................................... 92 Des milieux cultivés ......................................................................................................................... 96 D’étranges histoires ...................................................................................................................... 100


Le cours de l’histoire ................................................................................................................... 105 Seigneurs et abbayes ..................................................................................................................... 106 Consulats, bastides et coutumes ......................................................................................... 110 Comtes, évêques et rois .............................................................................................................. 114 Hérétiques et exclus ...................................................................................................................... 118 De la Réforme à l’Édit de Tolérance ................................................................................ 122 L’administration civile et religieuse sous l’Ancien Régime ............................. 126 La Révolution .................................................................................................................................... 132 De l’Empire à la République ................................................................................................. 136

L’ouverture au monde ............................................................................................................... 141 Les communications .................................................................................................................... 142 Énergie et grande industrie ..................................................................................................... 146 Le thermalisme et le tourisme ............................................................................................... 150 La vie politique ................................................................................................................................ 154 L’école de la République ............................................................................................................ 158 Les Ariégeois hors de l’Ariège ............................................................................................... 162 Dans l’enfer des guerres mondiales .................................................................................. 166

L’histoire retrouvée, dessinée, racontée ................................................................. 173 Découvrir le plus lointain ........................................................................................................ 174 Dans la pierre et le décor .......................................................................................................... 176 Savoirs, croyances et modes de vie retrouvés ............................................................. 179 L’histoire mythifiée ....................................................................................................................... 181


ARIÈGE ARCHIVES REMARQUABLES Claudine Pailhès

C’est par une loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) qu’ont été créées, dans chaque chef-lieu de département, les archives départementales, regroupant les archives de la nouvelle administration et les anciennes qui étaient jusqu’alors conservées là où elles étaient produites, abbaye, diocèse, chef-lieu de seigneurie, ville, administration provinciale ou royale. Ce livre présente les documents les plus remarquables conservés par les Archives départementales de l’Ariège, pour la plupart inédits, choisis et commentés par Claudine Pailhès. Lettres, plans, registres, photographies, actes – dont le plus ancien date du « mois de mai de la quinzième année du règne du roi Lothaire » c’est-à-dire l’an 970 –, racontent l’histoire de l’Ariège et de ses habitants au long des siècles. Sommaire Le territoire Les hommes dans leurs activités Les hommes dans leur intimité Le cours de l’histoire L’ouverture au monde L’histoire retrouvée, racontée, dessinée… Diplômée de l’École nationale des Chartes, conservateur en chef du Patrimoine, Claudine Pailhès est directrice des Archives départementales de l’Ariège

ISBN 978-2-86266-711-9

45 € 9 782862 667119

www.loubatieres.fr

Dépôt légal : septembre 2014


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