Marseille, archives remarquables

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MARSEILLE ARCHIVES REMARQUABLES

sous la direction de Sylvie Clair

LOUBATIÈRES


à propos des Archives municIpales de marseille

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Vue sur l’aile nord (1936-1937) et la terrasse nord (Christian Biaggi et Bruno Maurin architectes, 1999-2001).

1. Essai sur l’histoire politique de la commune de Marseille, Aix-en-Provence, 1925. 2. Op.cit., p. 32

a commune de Marseille s’est mise en place au XIIIe siècle, c’est donc à partir de cette époque qu’elle a véritablement constitué des archives. Toutefois, quelques documents antérieurs sont conservés aux Archives de Marseille. Le plus ancien document est daté du 13 avril 1136 (cote AA9). En réalité, comme l’a montré de façon parfaitement claire V.-L. Bourrilly 1, il s’agit de toute évidence d’un document « forgé », ainsi d’ailleurs que ceux datés du 23 septembre 1152 et de 1163. La seule mention de « communi Marcelie » peut faire douter de leur authenticité ; cette formule, qui désigne une entité organisée représentant l’ensemble des Marseillais, n’étant véritablement attestée que vers le milieu du XIIIe siècle. Bourrilly émet l’hypothèse que « nous avons affaire à des textes, partiellement réécrits [sinon entièrement forgés], datant du premier quart du XIIIe siècle au plus tôt, c’est-à-dire d’une époque où, les privilèges des Marseillais dans le Levant étant contestés par leurs rivaux, il s’agissait de les défendre et de les faire valoir 2 ». Ainsi, le document le plus ancien conservé aux Archives de la commune date en réalité de 1178 (cote AA9). Cependant, la cité la plus ancienne de France peut se targuer de conserver un patrimoine écrit exceptionnel, organisé par volonté publique dès la fondation de la commune : le Liber Statutorum (rédigé dans la seconde moitié du XIiIe siècle) est sans doute le document qui conserve la plus ancienne mention d’une organisation d’archives dans une collectivité territoriale. Le chapitre XV de son livre un s’intitule en effet « de cartis communis recolligendis » (« récolement des archives de la commune »). Les fonds d’archives marseillais sont abondants, riches et précurseurs : pour la France, ils contiennent le plus ancien registre de notaire rédigé sur papier (1248), le plus ancien registre de délibérations (1318), le plus ancien livre de raison (1313). On y trouve aussi le plus ancien règlement du pain connu (1273). Dès le Moyen Âge, la commune met en place une véritable politique de l’écrit comme instrument de gouvernement, qui transparaît dans la qualité des registres, comparables aux grandes communes italiennes comme Gênes, Pise ou Florence. En 1593 est créée la fonction d’« archivaire », confiée à Robert Ruffi, élu à vie. Heureux temps ? La réalité politique ne fait durer cette perpétuité que jusqu’en 1596, mais le principe d’une nomination « ad vitam » perdure.


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Les archives, indissociables du gouvernement de la cité, sont installées matériellement en 1673 en même temps que l’administration municipale dans le nouvel hôtel de ville conçu par Pierre Puget. Archivaires puis archivistes s’y succèdent pendant près de trois siècles. Les conditions sont loin d’y être idéales : logés dans les combles, les documents sont soumis à tous les aléas climatiques en raison d’un toit mal entretenu. « Il pleut dans nos archives comme il pleut dans les rues », écrivent les échevins à l’intendant en 1723 (BB 268, f° 151). Archives et archivistes vont ensuite souffrir de la période révolutionnaire : déménagements entraînant des pertes, succession de neuf archivistes en treize ans et, pire, « on mit en réquisition pour le service militaire deux charretées de papiers et de parchemins, qui furent enlevés des archives et destinés à faire des gargousses (sachet contenant la poudre d’une arme) » (1D33 p. 305).

Le XIXe siècle tente d’organiser sérieusement l’archivage. Cependant, si dès 1835 un arrêté municipal (peu suivi d’effet) décide de la remise annuelle aux Archives des dossiers des affaires terminées, ce n’est qu’en 1877 qu’est nommé le premier archiviste-paléographe, Auguste Prud’homme. En 1936, l’archiviste de la ville, Émile Isnard, fonde la revue Marseille, revue culturelle de la ville qui va fêter ses quatre-vingts ans Malheureusement, l’hôtel de ville n’est pas un lieu idéal pour l’archivage et, le 12 janvier 1941, un feu de cheminée déclenche un incendie qui se propage dans les locaux des archives. Les documents anciens sont rudement touchés. On déplore la disparition de pièces relatives à la peste de 1720, mais aussi de parchemins médiévaux. Ce n’est qu’à l’aube du XXIe siècle qu’on pourra restaurer l’intégralité des documents touchés et de fait rendus incommunicables pendant plus de soixante ans. Avec l’inflation du papier qui submerge la société à partir des années d’après-guerre, la situation devient critique et, en 1963, une partie des archives doit être transférée dans la nouvelle faculté des Sciences, le reste demeurant dans les combles de l’hôtel de ville. C’est le début de

À gauche. La salle de lecture (Christian Biaggi et Bruno Maurin architectes, 2001). À droite. Rayonnages d’un magasin de conservation.


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l’éclatement des lieux d’archives qui se poursuit avec le déménagement des combles du palais Puget vers la rue Sainte, dans la chapelle de l’école des Accoules et la Major. Ce n’est qu’en 1969 que les archives s’installent en lieu et place des collections de la bibliothèque au palais Carli (ancien palais des Beaux-Arts construit par Espérandieu en 1864). Elles prennent alors également en charge le Cabinet des monnaies et médailles de la ville. Malheureusement, il y a archives et archives : si les plus anciennes ont pu être logées de façon à peu près satisfaisante au palais Carli, d’autant qu’elles bénéficient en 1993 de l’ancienne salle des fêtes, libérée par les ballets Roland Petit et qu’elles transforment en lieu d’exposition, les plus récentes sont conservées dans des conditions difficiles aux Accoules. Une annexe est créée en 1985 rue Paul Codaccioni à environ quatre kilomètres de la place Carli, pour les recevoir. En août 1995, les combles du bâtiment Carli donnent des signes d’effondrement prochain. Un déménagement d’urgence est alors opéré vers un ancien entrepôt, rapidement aménagé mais provisoire, aux Aygalades. Il faut attendre 2001 pour que les archives de la plus ancienne cité de France s’installent enfin dans un lieu conçu pour elles et pour leurs publics. Les archives de la ville de Marseille, ce sont donc actuellement près de 16 kilomètres linéaires de documents. Ce sont également 22 000 ouvrages de bibliothèque, et un Cabinet des monnaies et médailles labellisé musée de France riche de 40 000 objets numismatiques.

En haut. Salle des maquettes. En bas. Rayonnages d’un magasin de conservation des séries iconographiques.

Les collections, outre les versements des services municipaux, s’enrichissent régulièrement d’archives privées, provenant d’entreprises, d’associations ou d’architectes mais surtout de papiers familiaux, dont certains prestigieux (familles Charles-Roux, Fraissinet, Bergasse, Fortia de Pilles, etc.). Une politique très dynamique d’acquisition a permis de constituer un fonds photographique de plus de 200 000 pièces, autour notamment de la collection de la Société des excursionnistes marseillais, remarquable témoignage de l’activité de cette association de randonneurs au début du XXe siècle, en Provence mais aussi dans le monde entier. On y découvre des images insolites et aux grandes qualités esthétiques de saut à ski en Norvège comme de la cérémonie du thé au Japon, etc. Sylvie Clair Conservateur des Archives de la ville de Marseille


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Le Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille

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eu de cabinets numismatiques en France dépendent de centres d’Archives. Celui de Marseille, né à la fin du XVIIIe siècle de la saisie des biens nationaux, est alors associé à la jeune bibliothèque municipale. Cette tutelle traditionnelle en France prend fin à Marseille dans les années 1960, remplacée par celle des Archives municipales. Des acquisitions et des dons rythment pendant plus de deux siècles d’existence l’accroissement des collections : en 1821, celle de Jules Fauris de Saint-Vincens, commencée en 1746, et continuée par son fils Alexandre, réunit environ 8 000 objets ; en 1875, la collection Martin, composée de 9 000 monnaies et médailles, prend place également dans le médaillier. Plus récemment, en 1981, 655 monnaies grecques sont léguées par le collectionneur niçois, Henry Vernin puis, en 2012, l’artiste graveur en médailles, Odette Singla, fait don à la ville de Marseille pour son cabinet de son fonds d’atelier et de sa production de médailles. De fréquentes acquisitions complètent ces collections particulières et forment aujourd’hui un ensemble d’environ 40 000 objets numismatiques (monnaies, médailles, jetons, monnaies de nécessité, insignes, bulles, poids, coins, matrices, outils). Installé depuis 2004 au sein des Archives de la ville de Marseille dans un espace dédié, le Cabinet des monnaies et médailles est un musée labellisé « Musée de France ». Les collections sont conservées dans un espace adapté, à proximité d’un atelier de restauration qui veille sur le bon état de conservation des collections. Les productions des ateliers monétaires de Marseille et de Provence du VIe siècle av. J.-C. à nos jours sont offerts aux regards des publics dans la salle d’exposition permanente du Cabinet. En 1867, la découverte à Auriol d’un trésor de 2 130 monnaies du VIe siècle av. J.-C. fait de Marseille le plus vieil atelier de Gaule. Cent vingtcinq exemplaires à l’iconographie variée (Fig. 1 et 2) alors acquises par le conservateur Joseph Laugier pour le médaillier de Marseille y ont rejoint les

Figure 1. Quelques pièces du trésor d’Auriol.

Figure 2 (à gauche). Tête de lion (2009_291D). Figure 3 (revers et droit). Drachme Massa-lieton (283_D et 283_R).


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Entre mer et collines Fondée 600 avant J.-C. au fond d’une calanque, emplacement du futur VieuxPort, sur le littoral d’un terroir aride, isolée du reste de la Provence par un arc de collines escarpées, Marseille, coincée entre mer et collines, à la topographie montueuse et accidentée, connaît une longue croissance atypique, loin de l’habituel développement concentrique régulier des villes bénéficiant d’un large espace plan. Cantonnée pendant près de vingt siècles dans le périmètre de la ville antique, sur les collines au nord du Vieux-Port, elle triple sa surface, vers l’ouest et le sud, avec « l’Agrandissement », opération ordonnée par Louis XIV en 1666. Marseille amorce alors la conquête et l’aménagement d’un terroir aride, parsemé des fameuses « bastides », à la fois résidence de villégiature et domaine agricole, où les Marseillais fortunés se retirent loin des miasmes de la ville. Au XIXe siècle, la ville connaît une véritable explosion en bouleversant son centre historique et en aménageant son terroir et son littoral. Le percement de nouvelles voies, qui aère le tissu dense ancien, comme la rue Impériale, inaugurée en 1864, traduit l’envie de se hisser au niveau d’une véritable capitale moderne, dotée d’infrastructures de transports efficaces (tramways, liaisons maritimes) qui rendent possible la conquête du terroir en permettant la densification urbaine autour des grands axes existants (grand chemin d’Aix et de Toulon). Cette urbanisation « en dentelle » finit par inclure à la ville elle-même les noyaux villageois périphériques, à l’origine des nombreux « quartiers » marseillais à l’identité propre. La construction du canal dans les années 1840 est un autre changement radical : il amène l’eau tant attendue au cœur de la ville, avec comme terminal le Palais Longchamp, achevé en 1869 comme une ode et apothéose d’une ressource jusqu’alors si rare et si précieuse. Enfin, la création à partir de 1850 des nouveaux ports de commerce à la Joliette confirme la différenciation entre la rade nord, plus dédiée au trafic maritime commercial et industriel, et la rade sud, désormais consacrée à la plaisance. La métropole d’aujourd’hui, forte de ses 15 000 hectares urbanisés, 9 000 hectares d’espaces naturels et 57 km de façade maritime, est donc une ville de contrastes, façonnée par une histoire urbaine riche de 26 siècles.


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la fois vue à vol d’oiseau et plan en élévation, cette célèbre gravure sur cuivre attribuée au graveur Franz Hogenberg pour l’ouvrage de Georg Braun La Cosmographie universelle est éditée en 1574. C’est une des plus anciennes représentations gravées de Marseille, qui aura une longue descendance. On y remarque la présence du fort de Notre-Damede-la-Garde et du château d’If, deux édifices relativement récents puisque construits respectivement en 1536 et 1516. Ce dernier est représenté avec quatre tours alors qu’il n’en comporte en réalité que trois. Autre curiosité à relever : la figuration de la machine à curer le port, son dragage ayant toujours été un souci pour les édiles marseillais, ainsi que le grand nombre de galères amarrées sur la rive nord alors seule aménagée. Notons

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enfin la présence d’une chaîne fermant le port (remplaçant celle emportée par les Aragonais lors du sac de la ville en 1423), précieux et rare témoignage plus ou moins exact d’un système défensif dont aucun élément ne subsiste. Remarquons enfin la curieuse figuration, d’ailleurs disproportionnée, de la pose de filet, rappelant ceux des madragues très répandues sur les côtes méditerranéennes. i.a.

Franz Hogenberg, Marseille, vue à vol d’oiseau, 1574, gravure sur cuivre (eau-forte) en couleur (11 Fi 18).


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Eugène-André Oudiné (1810-1887), Ouverture de la rue Noailles, médaille commémorant l’événement de 1862, bronze, diamètre 74 mm (inv n° 2012-330).

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ès les premières années du règne de Napoléon III, de grands chantiers urbains sont mis en œuvre et remodèlent les villes, créant monuments et belles avenues. Cette médaille annonce le percement à Marseille de la rue Noailles, bas de la Canebière actuelle. La vue en perspective de la nouvelle voie se perd dans le Vieux-Port où se dressent les mâts fugaces des navires dominés par la silhouette du fort Saint-Nicolas. Un génie Adolphe Terris et R. Rogliano, Le chantier du percement de la rue Colbert, [après 1882], tirage sur papier (14 Fi 97).

protecteur au-dessus de l’avenue, brandissant caducée et trident, souligne élégamment les rôles commercial et portuaire de la cité. Au revers, l’inscription en dix lignes « L’an MDCCCLXII, le neuvième du règne de Napoléon III, ouverture de la rue Noailles à Marseille. S.E.Mr le Comte de Persigny étant ministre de l’Intérieur, Mr de Maupas sénateur administrant le départemt. Mr Rouvière Maire » annonce et date l’événement. j.b.


Entre mer et collines

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e tunnel routier du Vieux-Port a été construit de 1964 à 1967 sur l’emplacement exact du pont transbordeur détruit en 1943. L’importance et les enjeux du projet ont poussé l’État à participer à hauteur de 50 % du montant. Premier maillon de plus vastes installations à venir, ce « Tunnel SaintLaurent » répond aux nouveaux besoins de la voirie. Engorgée par la circulation, Marseille souffre déjà des migrations pendulaires de travail qui l’étouffent. Composé de deux tubes de 600 m de long, le tunnel constitue pour l’époque une prouesse technique dont Georges Lacroix, ingénieur des Ponts et Chaussées, est l’auteur. L’entrée sud a nécessité le vidage provisoire du bassin de carénage. On voit ici les caissons avant leur mise en

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flottaison et leur assemblage sous 7 mètres d’eau. Le chantier a considérablement modifié le paysage du quartier : démolition d’immeubles, reconstruction d’un pont et de quais, accès au fort Saint-Nicolas. Inauguré le 17 décembre 1967, le tunnel illustre la vision defferriste de Marseille. L’intégralité du chantier a fait l’objet d’un remarquable reportage photographique conservé aux Archives. m.n.p.

G. Paoli et J-P Jauffret, Construction du tunnel routier sous le Vieux-Port : chantier sud, 22 novembre 1965 (75 Fi 386).


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MARSEILLAIS ? Avec un antique mythe fondateur consacrant le mariage d’une princesse autochtone, la belle Gyptis, avec un étranger, le grec Protis, Marseille pose d’emblée la question de l’origine, la nature et l’identité de son peuplement, interrogation d’autant plus cruciale, vu le caractère portuaire de la ville et, par définition, sa fonction de porte d’entrée méditerranéenne vers l’Europe et point de passage obligé de flux migratoires intenses. Que veut donc dire « être Marseillais » ? La question même a-t-elle un sens, tant il paraît que la ville est un creuset, une mosaïque des vagues successives de population, de passage ou fixées, qui s’y sont plus ou moins mélangées, depuis les Grecs fondateurs jusqu’aux Comoriens, en passant par les Bas-Alpins et les Italiens au XIXe siècle, les Arméniens et les Espagnols, puis les rapatriés d’Algérie et les Nord-Africains au XXe siècle ? Et si la question se pose malgré tout, c’est parce que Marseille paraît avoir un incompréhensible et indéfinissable pouvoir d’assimilation, sinon d’appropriation identitaire, qui fait que même « l’étranger » se sent « Marseillais », en définitive et avant tout. Une identité forte, basée sur un idéal d’ouverture sur le lointain, mais qui a parfois voulu ou feint de se construire en opposition ou contretemps au pouvoir central et à ses représentants, avec tout ce que cela peut entraîner de caricatural. Mais c’est surtout une identité fondée sur un art de vivre dehors, une vie simple « au cabanon » ou à la bastide, à la mer, et une exubérance de façade, une ferveur, qui s’exprime tant dans les processions religieuses, avec une forte tradition catholique, que dans les manifestations sportives, avec le célèbre club de football local, ou artistiques, le public de l’Opéra étant connu et redouté pour être aussi véhément que celui du stade. Cet apparent caractère démonstratif peut paraître antinomique avec la discrétion que le Marseillais met dans ses affaires et son travail : toutes les grandes fortunes, souvent basées sur le négoce, s’y sont construites loin de toute ostentation.


MARSEILLAIS ?

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est le plus ancien registre de catholicité des Archives municipales de Marseille. Les actes sont rédigés en provençal et en français. a.a. Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse Saint-Julien, 1586-1605, registre restauré en 1991 (GG 602).

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ubrique de la paroisse Saint-Marcel, cette table alphabétique est classée par prénoms. Rappelons que le prénom qui a remplacé le nom de baptême est une création de la Révolution. Le nom de famille est parfois indiqué comme « surnom » dans les rubriques de l’Ancien Régime. À la date du 12 mai 1706, entre deux « Estienne », on lit « Eclipce de Soleil qui Surprit Tout Le monde Car Entre Dix et onze heures Le Soleil perdit Toutte sa Lumière. » a.a.

Rubrique des baptêmes, paroisse de SaintMarcel et les Camoins, 1691-1754, avec indication d’une éclipse de soleil le 12 mai 1706, registre manuscrit (GG 625).

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es trois cahiers sont couverts de parchemin réutilisé (antiphonaire). a.a.

Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse Saint-Julien, 1645-1651, textes en français et en latin (GG 604).


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uy est fils du pasteur Marc Fraissinet et d’Eugénie Couve. Son grand-père est directeur de la Société Commerciale et Industrielle de la Côte d’Afrique. Guy lui-même devient avocat. On reste dans la stratégie familiale de l’endogamie : malgré les écarts de quelques-uns, la règle est d’épouser dans la famille et dans le milieu protestant. La palette des métiers est également constante et tourne autour soit de la religion, soit des activités commerciales et portuaires. Il est amu-

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sabelle tient ce journal de façon plus ou moins régulière de 1863 jusqu’à son mariage en 1870 avec l’avocat Aimé Couve, fils de banquier. Ce passage a été écrit en 1863 par une fillette qui s’efforce d’être sage et de se conformer aux principes de conduite qui lui sont inculqués. Il paraît quasiment certain qu’elle sait que son journal est contrôlé par un adulte. Quoi qu’il en soit, ce type de documents est riche d’enseignements tant sur le quotidien d’un enfant d’armateurs que sur son éducation protestante. s.c.

Journal intime d’Isabelle Fraissinet (1851-1914), 1863 (39 II 24).

sant ici de voir ce petit garçon poser sur un fond maritime en tenant dans ses bras une maquette de navire qui l’engage dans son futur destin… s.c. Eugène Fontaine, Guy Fraissinet (19061983) enfant posant dans le studio du photographe, vers 1910, tirage original (39 II 71 2).


MARSEILLAIS ?

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Anonyme, Léon Fraissinet et ses enfants, s. d., tirage original (39 II 71).

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adame Edmonde Charles-Roux Defferre, de l’Académie Goncourt, fait preuve depuis des années d’une rare générosité envers la Ville de Marseille par ses dons conséquents d’archives de grande valeur : archives politiques de Gaston Defferre et papiers familiaux des Charles-Roux. On y trouve une correspondance abondante et variée. Parmi elle, les lettres que les trois enfants (Cyprienne, Jean et Edmonde) de Sabine et François Charles-Roux écrivaient à leurs parents, depuis leur plus jeune âge. Le futur auteur d’Oublier Palerme a 6 ans lors-

qu’elle réalise ces dessins et écrit cette lettre. Son père est alors ambassadeur à Prague. Le « François » qu’elle cite est son cousin, Jules Henri Charles-Roux, dit François, plus tard aide de camp du général de Gaulle à Londres (dès juin 1940). s.c.

Lettre et dessin d’Edmonde Charles-Roux, 1926 (80 II cote provisoire 72).


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Anonyme, Procession à Notre-Dame-de-laGarde, [XVIIIe siècle], gravure (11 Fi 15).

Anonyme, Carte de membre de la société de bienfaisance « les fourmis de France », [vers 1900-1906], dessin à l’encre (8 Fi 9).


MARSEILLAIS ?

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e saint est le patron des marins provençaux. Il est souvent personnifié en saint Érasme (évêque italien martyrisé en 303). Il est invoqué pour protéger les navires du feu, redoutable ennemi des bâtiments de bois. Le feu de saint Elme est un phénomène électrique qui se produit par nuit de tempête en haut des mâts. s.c. Registre des comptes du luminaire de saint Elme de Marseille, 1666-1729 (GG l 70).

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tenir le cap Synthétiser l’histoire de la plus ancienne cité de France relève de la gageure, même si son patrimoine écrit ne couvre « que » huit siècles. Le destin de Marseille suit celui de la Provence et se déroule hors du royaume de France jusqu’en 1481. Malgré son actuelle réputation de rebelle, la politique de ses édiles tend vers deux objectifs majeurs : la défense des privilèges obtenus de haute lutte de Charles d’Anjou en 1257 (« Faire observer, garder, maintenir et défendre les privilèges selon les chapitres de paix » devient la formule par laquelle s’engagent les magistrats de la cité jusqu’à la Révolution) et éviter la guerre qui nuit au commerce (ainsi, Marseille, quoique ultra catholique, échappe aux massacres consécutifs à la Saint-Barthélemy). Toutefois la concurrence est âpre autour du bassin méditerranéen, notamment avec les Catalans qui mettent la ville à sac en 1423 ; épisode encore présent dans les mémoires. Sous l’Ancien Régime, la ville reste fidèle au roi de France. Seuls soubresauts dans cette fidélité, l’épisode de la dictature de Casaulx, qui ne dure que cinq ans (1591-1596) et l’entrée toute militaire de Louis XIV, le 2 mars 1660, par une brèche du rempart. Si Marseille n’est pas insoumise, dès la Révolution son image est liée à la violence, qu’elle revendique presque comme un marqueur d’identité. Ce qui n’empêche pas le XIXe siècle d’être une de ses périodes les plus fastes, le Second Empire colonial lui ouvrant les portes du commerce mondial. Mais c’est aussi l’époque des épidémies mortifères. Après la peste, le choléra y sévit à plusieurs reprises, de façon dramatique. Le XXe siècle construit largement la mémoire maudite de Marseille, celle du grand banditisme des années 1930 et de sa collusion avec le milieu politique. Ce qui n’empêche pas les Marseillais d’être au cœur de la résistance au nazisme, utilisant la position privilégiée d’un port en « zone libre » pour porter aide et de secours aux milliers de réfugiés qui affluent, puis s’engageant nombreux dans la lutte armée.


tenir le cap

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et acte est le plus ancien conservé par les Archives de Marseille. À l’origine, le bas du parchemin était replié, on voit toujours l’incision pratiquée pour le passage du sceau (qui a disparu). s.c.

Raymond Bérenger IV, comte de Provence, exempte de tous droits, sauf celui des chevauchées, les vicomtes de Marseille, 1178 (AA 9).

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ettre missive de Catherine de Médicis assurant les Marseillais de la faveur du roi (au retour d’une députation auprès de lui). Ces lettres, sans protocole particulier de présentation ni élément probatoire spécial hormis la signature, sont destinées à établir un rapport direct entre le souverain et ses sujets. C’est bien lui qui s’adresse, sans l’intermédiaire d’une quelconque chancellerie, aux Marseillais, ici pour se les concilier, parfois au contraire pour les faire obéir. À cette date, Catherine de Médicis assure la régence au nom de son fils Charles IX (il n’a que 13 ans). Le pouvoir royal est affaibli par la première guerre de Religion : on est à la veille du traité d’Amboise qui tente d’établir la paix entre catholiques et protestants. Apaiser Marseille, ville ultra-catholique et grand port du royaume proche de l’Espagne, est une nécessité politique majeure. s.c.

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erdinand de Toscane, allié d’Henri IV, a pris en 1591 l’archipel du Frioul, face à la cité marseillaise gouvernée alors par un ultra-catholique, Charles de Casaulx. En 1597, Casaulx est tombé, Marseille est ralliée à Henri IV mais cherche toujours à être seule à commercer sur ses terres et ne veut pas laisser passer des livraisons sans avoir obtenu de droits. s.c. Lettre missive d’Henri IV demandant aux Marseillais de restituer le blé qu’ils ont pris au grand duc de Toscane, 4 février 1597 (AA 160/1).

Lettre missive de Catherine de Médicis assurant les Marseillais de la faveur du roi au retour d’une députation auprès de lui, 18 mars 1563, feuillet manuscrit (AA 159).


tenir le cap

Registre des délibérations municipales pour les années 1556 à 1558 (BB 39, f° 1).

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es armoiries de la ville (croix d’azur sur fond argent) sont créées dès la naissance de la commune. On les trouve dès le XIVe siècle sur les registres officiels, tel celui-ci, livre de comptes des années 1594-1595. s.c. Armoiries de la ville de Marseille, en couverture du livre de comptes pour les années 1594-1595, registre (CC 243).

Teston de François Ier frappé à Marseille, 1524, monnaie en argent, diamètre 2,7 cm (n° 2015-1269).

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Ac t i bu s i m m e n s i s f u lg e t u r b s massiliensis Fondée par des marins phocéens dans l’Antiquité, Marseille se tourne d’emblée vers la mer pour sa survie et son développement : la ville voit donc sa vocation commerciale ultramarine très tôt affirmée. Aussi, des voyages d’exploration d’Euthymènes et Pythéas à l’établissement de grandes lignes maritimes vers l’Afrique et l’Orient et la fondation de comptoirs commerciaux par nombre de négociants, armateurs et industriels marseillais au XIXe siècle (les Bergasse, Fabre, Fraissinet, Régis, Rostand, Verminck, etc.), Marseille n’a cessé d’être un lieu d’échanges, qui trouvent leur consécration avec les expositions coloniales de 1906 et 1922. Ces deux dernières manifestations ne mettent pas en valeur seulement les échanges, mais aussi les innovations dont la ville a toujours été le creuset du fait de sa position de carrefour, innovations directement profitables aux industries marseillaises traditionnelles (savonneries, huileries, agroalimentaire) ou aux activités permettant le développement du grand commerce (constructions navale et aéronautique). Ces découvertes et inventions trouvent par ailleurs leur assise dans une recherche fondamentale et expérimentale (chimie, biologie, astronomie, médecine), de tradition à Marseille mais toujours dynamique, qui font aujourd’hui encore de la ville une capitale euroméditerranéenne, ainsi fidèle à sa devise « Actibus immensis fulget urbs massiliensis » (« la ville de Marseille resplendit par ses hauts faits »).


Actibus immensis fulget urbs massiliensis

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Bulle de Grégoire IX, confirmant les privilèges concédés aux Marseillais par Jean d’Ybelin, seigneur de Beyrouth, 19 mars 1229 (1230) (AA 57/1).

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arseille, dans son expansion commerciale méditerranéenne, se heurte aux autres cités du pourtour méditerra-néen, italiennes ou catalanes. Toutes cherchent à acquérir des privilèges (exemptions d’impôts, liberté d’échanges, comptoirs) des seigneurs locaux. Tous ces accords n’ont pas été écrits dans les premiers temps. Lorsque la concurrence s’amplifie et que l’écrit devient l’élément probatoire par excellence, les Marseillais (comme d’autres) n’hésitent pas à établir des faux. Ainsi

en est-il d’un acte, longtemps considéré comme le plus ancien conservé par les Archives de Marseille, et qui a sans aucun doute été rédigé au moins un siècle après la date inscrite (13 avril 1136). Fouque, roi de Jérusalem, y donne aux Marseillais des avantages importants : une rue et une église dans chaque ville du royaume de Jérusalem, ainsi qu’une rente annuelle et perpétuelle de 400 besans sarrasins. L’acte présenté ici est, lui, authentique s.c.


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es portefaix, prédécesseurs des dockers, constituent la main-d’œuvre du port marchand. Les conflits avec la direction des docks ne sont pas rares. Adolphe Fraissinet, armateur, mais aussi conseiller municipal et député (centre gauche), intervient dans ce cas pour soutenir les portefaix. En 1869, Adolphe Fraissinet est associé à son frère Louis dans plusieurs affaires, notamment la « Compagnie marseillaise de navigation à vapeur », qui ouvre cette année-là une ligne régulière avec l’Extrême-Orient, à l’occasion de l’ouverture du canal de Suez. s.c.

Lettre du conseil de la société des portefaix à l’armateur Adolphe Fraissinet, 11 octobre 1869 (39 II 18).

Voiliers en construction dans les chantiers Marc Fraissinet (39 II 71-3).


Actibus immensis fulget urbs massiliensis

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arcel Colas dit Baudelaire (1903-1995) est photographe, installé à Marseille où il a son propre studio à l’enseigne de « Photo-Sport » près du Vieux-Port de 1929 à 1972. Amoureux des bateaux, il arpente les quais pour photographier l’arrivée des navires. Ce portrait sur le vif de Charlie Chaplin (1889-1977), de passage à Marseille en avril 1931, fait partie d’un ensemble de tirages, acheté par les Archives en 2008. Le célèbre artiste est alors en tournée internationale de promotion de sa dernière production Les Lumières de la ville sortie en France le 7 avril 1931. i.a.

Charlie Chaplin embarquant à Marseille, Marcel Colas dit Baudelaire, 16 avril 1931, tirage, 23 x 17 cm (171 Fi 01).

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A

marseille – archives remarquables

ctivité traditionnelle marseillaise, la fabrication des tuiles est localisée dans la périphérie nord de Marseille où sont situés des gisements d’argile rouge parfois de qualité exceptionnelle comme celle du bassin de Séon, entre les noyaux villageois de l’Estaque, Saint-Henri et Saint-André. La carrière d’argile dite « Fontaine des tuiles » devient, au début du XiXe siècle, le siège d’une activité extractive intense, à ciel ouvert, à proximité de l’anse de Mourepiane en bordure de mer. Cette fabrication artisanale se transforme en activité industrielle dans le courant du XiXe siècle, avec la modernisation des techniques d’extraction et de fabrication qui permettent une augmentation de la production, et le développement des transports ferroviaires et maritimes qui ouvrent de nouveaux marchés à l’exportation. La tuile mécanique « à emboîtement », qui renforce l’étanchéité des toitures, devient une spécialité marseillaise : c’est la tuile

plate. Les tuileries fabriquent aussi des briques et des carreaux en terre cuite ou mallons. Au début du XXe siècle, ces usines marseillaises modernisées, emploient un grand nombre d’ouvriers immigrés, en particulier italiens. Les tuileries sont, avec les huileries et les industries chimiques, les activités industrielles qui emploient le plus d’étrangers à Marseille. L’embarquement des tuiles sur des tartanes, petits bateaux à fond plat, qui ont leurs appontements réservés à Mourepiane et à l’Estaque permet leur transport, ainsi que celui des briques et mallons, au nouveau bassin de la Joliette (construit entre 1845 et 1853) puis aux autres nouveaux bassins portuaires marseillais pour que ces produits soient expédiés dans le monde entier. c.r. Embarquement des tuiles à Saint-Henri, [vers 1900] (33 Fi 3099).


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L

a raffinerie de sucre Saint-Louis est fondée à Marseille en 1866 dans le quartier Saint-Louis-des-Aygalades, par un groupe d’entrepreneurs marseillais dont Henri Bergasse et Joseph Ambroise Bonnasse I, par ailleurs fondateur en 1825 de la banque Bonnasse. Toujours en activité, l’usine produit aujourd’hui des sucres « de bouche » (en morceaux, en poudre) pour le grand public et en grands contenants pour les industries agroalimentaires (fabricant de boissons, chocolats, yaourts). On ne sait pas exactement dans quelles circonstances était utilisée cette monnaie de nécessité (qui est un moyen de paiement parallèle ou complémentaire à celui officiel émis par l’État). i.a.

Monnaie de nécessité 25 centimes, Raffineries de sucre Saint-Louis (C3M, inv. n° 2015-1268).

F

ondée par Henri Nestlé en 1867 avec comme produit phare et innovant la farine lactée, la société Nestlé est devenue en 150 ans un des géants mondiaux de l’agroalimentaire. Elle use dès le départ d’un marketing efficace, comme ici cette amusante vache marionnette (à monter à partir d’une carte prédécoupée). À Marseille, grand port commercial d’importation de matières premières et d’exportation de produits transformés, le groupe est propriétaire d’une usine à Saint-Menet, dans la vallée de l’Huveaune, construite par les architectes René Egger et Fernand Pouillon en 1949-1952. Tous les petits Marseillais de cette seconde moitié du XXe siècle ont visité avec délice ces deux unités de fabrication de chocolat et de café soluble, repartant les mains pleines d’échantillons, jusqu’à l’abandon du site par la firme suisse en 2005. i.a.

Publicité pour le lait concentré Nestlé (30 II 282-7).

Publicité pour les Maïseries de la Méditerranée, [années 1930], brochure imprimée (222 Fi 36).


MARSEILLE ARCHIVES REMARQUABLES sous la direction de Sylvie Clair conservateur des Archives de la ville de Marseille

Nicolas de Fer, Carte de l’entrée du port de Marseille avec les plans du fort Saint-Jean et de la citadelle Saint-Nicolas, 1705, gravure en couleur (79 Fi 83).

Registre des comptes du luminaire de saint Elme de Marseille, 1666-1729 (GG l 70).

Marcel Coen, un des fils (Baltasar?) Dürrbach jouant à la petite voiture sur le crâne de Pablo Picasso, 1966, tirage papier (84-85 Fi n° 702).

Elie Vezien, médaille commémorative de la fondation de Marseille, vers 1930, médaille en bronze, 6.7 cm de diamètre (inv. n° 2012-337)

ISBN 978-2-86266-729-4

45 € 9 782862 667294

www.loubatieres.fr

Marseille conserve un patrimoine écrit exceptionnel, organisé par la volonté publique dès la fondation de la commune. Le Liber Statutorum, rédigé dans la seconde moitié du XIiIe siècle, est sans doute le document qui conserve la plus ancienne mention d’une organisation d’archives dans une collectivité territoriale. Le chapitre XV de son livre I s’intitule en effet « de cartis communis recolligendis » (« récolement des archives de la commune »). Ainsi, les fonds d’archives de Marseille sont abondants, riches et précurseurs. Pour la France, ils contiennent le plus ancien registre de notaire rédigé sur papier (1248), le plus ancien registre de délibérations (1318) et le plus ancien livre de raison (1313). On y trouve aussi le plus ancien règlement du pain connu (1273). Plans, parchemins, écrits, photographies, outre les versements des services municipaux, les collections, qui comprennent aussi le Cabinet des monnaies et médailles de la Ville, s’enrichissent régulièrement d’archives privées provenant d’entreprises, d’associations ou d’architectes mais aussi de familles phocéennes. Les plus beaux documents du fonds des Archives de la ville de Marseille, les plus insolites, les plus rares, sont présentés dans ce livre, accompagnés d’une notice développée qui en explicite le contexte et le contenu. Une manière inédite d’aborder l’histoire de Marseille.


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