21 minute read
L’ÉVÉNEMENT DE LA VÉRITÉ
confère, en le mouvement d’un « devenir (de) ce qu’elles sont », leur unique vérité aux choses – leur « permanence (en ce mode “voyageur”) » – ; et « vérité » qui, s’il ne passait pas toujours en ce « monde vrai » quelque « chose » (qui n’en est aucune) comme du « temps », resterait pour ainsi dire lettre morte – « littérature » quand elle n’est pas vivifiée-par la « scripturature » – : ce qui fut sans doute le cas dans l’« univers réel » – « quand » les choses « étaient » déjà sans doute (mais pas encore nécessairement « ce qu’elles sont ») – qui « précéda » la Création du « monde vrai » – quand « la terre, dit le premier verset du plus fameux de tous les “récits de l’origine”, était vague et vide (et que) les ténèbres couvraient l’abîme » – ; ce qui donne, traduit ici par mes soins : quand l’univers, n’étant encore que « réel » : sans être « vrai », ne pouvait être en effet que « vague et vide » –i. e. : privé, non tant d’« être », que de la signification (de cet « être ») –… et cela parce que les « ténèbres » (d’une telle in-signifiance) n’avaient pas encore été déchirées par l’éclair – celui du fameux fiat lux de ce même « récit » – de cet « Événement de la vérité ».
« Dieu » – à tout le moins : celui « juif » de cette Genèse – serait-il ce « Créateur » parce qu’il est d’abord ce scripteur ; c’est-à-dire cet « auteur » (du monde) qui, en séparant résolument « littérature » de « scripturature », aurait fait passer l’« étant » en son entier du statut d’« univers réel » –
Advertisement
« vague et vide » (de sens) – à celui de « monde vrai » – où les choses ont enfin ce loisir d’« être ce qu’elles sont (et pas autre chose) » – : restant alors, si l’on veut être soi-même en mesure de rédiger quelque chose comme un (nouveau) « récit des origines » : l’ouvrage que j’écris présentement, à identifier le (divin) modus operandi – la « méthode » (qu’il ne s’agirait plus dès lors que d’imiter : de « plagier ») – par lequel on passe d’« univers réel » (« vague et vide ») à « monde vrai » (bourré de « sens ») ; et passage dont a vu plus haut que, pour s’opérer, il n’exige qu’une seule chose : la « survenue », en le mouvement d’un (re)conduire-les-choses-à leur « ce qu’elles sont », d’un (premier) « Événement de la vérité »… qui constitue donc le véritable « commencement (du monde) » – son « origine » et pas seulement son « début » – ; par quoi vient aussi l’essentielle différence entre « univers réel » et « monde vrai » : pour ce que, tandis que le premier ne fait jamais au mieux que « débuter », le second lui commence ; mais alors de quelle façon (par quel modus operandi ) ? Réponse : en se contentant d’introduire/initier dans tout ce « vague et vide » de l’univers réel – qui peut aussi bien être en très grand nombre : cf. la récente théorie scientifique des « multivers » – quelque chose de l’ordre du sens, c’est-à-dire du « vrai », c’est-à-dire encore, comme on vient de le voir, du temps : puisque cette dimension n’est rien d’autre que celle qui, par l’emprunt de son (oxymorique) « permanence », permet aux choses d’être (enfin) « ce qu’elles sont » – pour dire vite : d’être « vraies » – ; et voilà pourquoi aussi sans doute « commencement (du monde) » et « origine (du temps) » ne peuvent que « co-ïncider » : parce que « raconter » l’un, c’est « dire » l’autre (et réciproquement) ; même si, également, une telle « co-ïncidence », si elle n’est examinée qu’en mode littéraire-vulgaire (et non scripturaire), introduit, dans tout « récit des origines » : lorsque celui-ci est rédigé par un littérateur, une confusion entre début et commencement : celle qu’on retrouve notamment dans le plus récent des « récits des origines » – cette « théorie », encore « littéraire, trop littéraire », du Big Bang – ; et confusion qui explique pourquoi, parvenus (presque) tout au bout de leur voyage en direction du « temps zéro » de l’« univers réel », les auteurs de celle-ci tombent sur un « mur » – dit « de Planck » – ; et cela parce qu’ils n’ont pas compris que le « début (de leur univers) » n’est pas le « commencement (du monde) » : parce que toujours leur échappe ce fait que ce qu’ils appellent le « temps » – rien d’autre pour eux qu’une morne-littéraire « succession de maintenants » (tous identiques l’un à l’autre) – est en réalité constitutif de la « vérité (des choses et autres phénomènes) » qu’ils poursuivent pourtant inlassablement : puisque ce « temps » comme on l’a vu, loin d’être cela qui fait que les choses « passent » (en, donc, se « succédant »), est en réalité cela qui fait que les « choses sont ce qu’elles sont » – c’est-à-dire : « vraies » (et pas seulement « réelles ») – ; et confusion entre vérité et réalité/commencement et début qui expliquent aussi pourquoi, à partir d’un moment de leur remontée en direction de l’« origine » (ce que du moins ils prennent pour telle), ils ne comprennent plus rien à ce que, à la proximité la plus immédiate de ce « temps zéro » (de leur univers), ils découvrent dans la plus grande perplexité (littéraire-scientifique) : pour ce qu’ici, à cet « instant » : celui donc infinitésimal du « temps de Planck », leurs catégories (elles aussi : « litttéraires-scientifiques ») perdent tout simplement pied ; par quoi leur (littéraire) « récit des origines » tourne à une générale-pensive « confusion philosophique »… qui ne peut bien sûr que renforcer encore, en ce monde « scientifique », la tonalité d’insignifiance qui signe notre (présente) « époque littéraire » ; et cela, non tant par défaut de ressources intellectuelles : de « talent », que par absence de claire vision de ce qui, en ce genre d’affaires
« simples et bizarres », est réellement en jeu : rien de moins que l’examen de ce rapport entre « temps » et « vérité » ; et examen qui, parce qu’il est la première chose que, dans la rédaction de leur (propre) « récit des origines », les littérateurs commencent par écarter, les condamne, tels le préfet de police de Poe, à toujours chercher sans jamais trouver (alors que les scripteurs eux, pour écrire ce même « récit des origines », adoptent la méthode (dupinienne) à peu près inverse : celle qui consiste à « trouver » d’abord… et à « chercher » – à écrire – ensuite).
S’établit donc ici une sorte de « chiasme » entre les deux couples de « temps-et-vérité » et de « permanence-et-passage » : permanence passage ; et schéma qui explique pourquoi c’est parce que la « vérité du temps » réside en son « passage » que ce « temps » a pouvoir de faire que les choses, si elles veulent bien accepter de faire l’épreuve sur elles d’un tel « passage », « demeurent (ce qu’elles sont) » ; et réciproquement : c’est parce que la « vérité », lorsqu’elle vient, le fait toujours en le mouvement d’un « Événement », que ces mêmes choses, tout en « demeurant », peuvent aussi « passer » ; et effectuant pratiquement par là l’oxymore de cette « permanence voyageuse »… dont l’autre nom, si l’on suit les flèches de notre « chiasme », est donc « Événement de la vérité ». Le « temps » est donc cela qui, en appropriant les choses à leur « vérité », fait que celles-ci peuvent « être ce qu’elles sont » – i. e. : leur confère, en ce mode « voyageur », leur « permanence (de choses qui sont ce qu’elles sont) » – ; mais réciproquement : la « vérité » est cela qui, parce que toujours venant en le mouvement de son/un « Événement », fait que le « temps » a loisir de « passer » : par quoi le premier « Événement de la vérité » qui sur-vient est celui « de » la vérité de ce temps ; et vérité qui, on l’a vu, réside tout entière en le « passage » (de ce temps) » : ce pour quoi aussi dire que « les choses sont ce qu’elles sont » – « fin mot » de toute « vérité » – et/ou dire que « le temps passe »
– « fin mot » de toute « temporalité » – revient au Même, c’est-à-dire à la (toujours-même) « éviden(ce) de Dieu »… dont c’est seulement la mani-
L’ÉVÉNEMENT DE LA VÉRITÉ
festation – dans le cours de laquelle se séparent « temps » et « vérité »/« passage » et « demeurer »/« voyage » et « permanence », etc. – qui est « mystérieuse ». C’est parce que la « vérité du temps » réside en son « passage » que cette « vérité », lorsqu’elle sur-vient à son tour, ne peut le faire qu’en le mouvement d’un/son « Événement »… qui devient par là le premier de tous (les « événements ») : celui-là même de ce « passage du temps » –quoique « premier » bien sûr à prendre ici, non pas au sens (platement) chronologique, mais à celui d’une préséance (en ce mode « scripturaire ») – ; et « préséance » qui est notamment celle, dans tout ouvrage authentiquement « scripturaire », de tout « commencement » sur tout « début » : dont on a vu plus haut qu’elle (cette « préséance ») était la condition préalable à toute rédaction de quelque chose comme un (véritable) « récit des origines » ; c’est-à-dire à un « récit » dont le (seul) sujet serait, en le mouvement d’un raconter du toujours-même « roman de l’origine », cette co-appartenance entre « temps » et « vérité » ; et « co-appartenance » qui fait que, sitôt qu’on se met à parler de l’un, on ne peut faire autrement aussi que de se mettre à « dire » l’autre (et « réciproquement ») : pour ce que le « dire du temps », à partir d’un moment de l’écriture de quelque chose comme un « récit des/de (l’)origine », renvoie nécessairement au « dire de la vérité » ; et « renvoi » qui lui-même peut seul expliquer ce « mystère des mystères » : ce fait « (infiniment) simple et bizarre » que les choses, pour « demeurer »/« être ce qu’elles sont », doivent « passer », doivent « voyager » (« changer »). La « vérité » est, non ce « dire » plus ou moins monolithique : cette « fixation de/du sens », mais bien cet « Événement » : premier motif d’étonnement… sauf que derrière celui-ci il y en a un autre auquel, à moins d’être le scripteur de cet Événement de la vérité, on pense beaucoup moins souvent : que la première « vérité » qui (sur-)vient en le mouvement d’un tel « Événement »… c’est celle du « dire » du « passage du temps » ; par quoi l’on doit croire que ce « dire » a très probablement constitué l’origine de tout langage (humain) et, peut-être, la première phrase qui ait jamais été prononcée par la « créature disante » : celle de ce « le temps passe » et temps qui, en un tel « passage », fait que les « choses sont ce qu’elles sont » (probablement : la deuxième phrase) ; et quelle est donc la première chose qui soit réellement apparue « digne d’être dite » à notre lointain ancêtre erectus… et « métaphysicien » ? Heidegger par exemple, dans son Introduction à la métaphysique, pense pour sa part que le premier mot de tout langage (humain) fut celui d’« être », mais un mot ou même plusieurs ne font pas un langage, chose articulée – seulement un vocabulaire – ; et qu’est-ce donc alors, il y a un million d’années autour des bivouacs d’erectus, a mis en branle ce que nous appelons la « syntaxe », cette manière qu’a l’homme, en faisant se succéder des mots sonores dans l’air, de faire des phrases, c’est-à-dire de tisser du sens (se déployant alors dans cette « ineffable dimension » que nous nommons le « temps ») ? Que le langage soit cette « activité humaine » qui se déploie dans le temps, cela sans doute tout le monde peut le comprendre ; mais qu’est-ce qui au juste, dans cette « activité langagière », a besoin du temps ? Non pas le vocabulaire – qui n’a besoin que d’un instant : celui de la nomination des choses (du « dire-de » leur « vérité ») –, plutôt la syntaxe qui elle d’évidence, pour construire/tisser dans l’air ses phrases, doit « passer-par » cette dimension que « dit » (si mal) ce petit vocable de « temps » – dont on ne sait au juste, après même un million d’années, ce qu’il peut bien dans l’instant de son « dire »… vouloir « dire » (puisque le temps n’est aucune « chose » qu’on puisse nommer, désigner) – ; par quoi cette syntaxe, pour « commencer », a bien dû se risquer à faire servir le langage – c’est-à-dire en réalité le proto-langage dont disposait à cette époque la créature « (proto-)disante » : le vocabulaire – à « autre chose » que le « dire des choses »… dont la « vérité » (de choses) se laissait « dire » sans manières et instantanément : à commencer par cette chose étrange, « simple et bizarre », dont la « vérité » résidait précisément en ce fait que, n’étant que « passage » et « voyage », elle n’en avait pas vraiment une ; et « chose » que depuis nous avons pris coutume d’appeler le « temps » –même si, dès le début, une telle nomination a dû sembler très insuffisante aux premiers hommes (et sans doute l’est-elle encore, toujours…) – : il faut donc croire que la syntaxe, cette « branche du langage » qui se déploie dans le cours du « temps », est apparue pour tenter de pallier cette « insuffisance (langagière) » ; étant clair que, tant qu’on se contente de prononcer dans l’instant le mot de « temps », on ne dit sans doute pas grand chose de cette « chose » – de sa « vérité » (de « chose » qui n’en est aucune) – ; mais si par exemple, pour mieux s’approcher du sens mystérieux-oxymorique de ce petit vocable, on inscrit celui-ci dans une phrase – comme celle par exemple de ce « le temps passe » –, c’est-à-dire dans une « succession » de mots qui, pour produire du sens, a besoin de se déployer dans cette « dimension du temps », alors quelque chose de plus précis de la « vérité » mystérieuse-oxymorique de ce « temps » – de cette « chose » dont la « vérité » réside tout entière en un passage/voyage (et « chose » qui donc n’en est pas vraiment une) – est saisi. C’est donc on le voit par le même mouvement que la syntaxe apparaît – que la première phrase est forgée et que la « vérité des choses » – celle que disait en ce mode « instantané » le seul vocabulaire (et mode qui était largement suffisant tant que le langage n’avait pas à « dire » la « chose-temps ») – vient soudain comme un « Événement » (et non plus une simple nomination) ; par quoi l’on comprend aussi que l’affirmation (peu ou prou) « philosophique » qui pose que « le langage est le propre de l’homme » mérite d’être ici sérieusement bémolisée : car ce n’est pas le « langage » qui constitue « l’humanité de l’homme » –les animaux, je crois, en ayant un aussi : disposant à tout le moins, eux aussi, d’un vocabulaire –, mais, à l’intérieur de ce langage, bel et bien la syntaxe, et « syntaxe » qui apparaît/est « inventée » (par l’homme) lorsque celui-ci comprend que le seul « vocabulaire » est peu ou prou impuissant à « dire la vérité »… de la « chose-temps » : c’est-à-dire, on l’a vu, à « exprimer », en le mode « instantané » d’une pure – quoique, dans le cas de cette « chose-temps, très insuffisante – nomination, l’oxymore que « dit »/est le sens de ce mot de « temps » – cette « chose » bizarre qui, tout en « passant », demeure (et réciproquement) – ; et oxymore qui, pour être déroulé : exposé ou « raconté », a besoin d’une phrase.
Par quoi aussi, avec l’apparition/invention de cette « syntaxe » : de ce langage (dit) « articulé », les deux pôles de notre (présente) méditation –ceux de ce « temps » et de cette « vérité » – sont pour jamais associés : comme le sont désormais, dans le langage (sitôt qu’il devient « humain » – i. e. : donc : « articulé »), « vocabulaire » et « syntaxe » – mots et phrases – ; étant clair ici que, tandis que les mots, en leur (pure) nomination (des choses), font signe-vers la (notion de) « vérité » (de celles-ci), les phrases elles, par leur art d’entrelacer les mots : en le mode d’une succession sonorepensive qui produit-du/« fait… sens », nous entretiennent/viennent nous « parler »… de l’autre « notion-du » temps. Par quoi l’on comprend aussi que cet « Événement de la vérité » – dont la méditation fait l’objet du présent ouvrage – est en réalité toujours-déjà inscrit dans le « langage (humain) » – expression qui n’est donc pas un pléonasme pour ce que ce « langage », contrairement à celui « animal »/non-articulé, est le seul à « savoir » associer vocabulaire et syntaxe, mots et phrases, vérité et temps, etc. – ; si bien aussi que rédiger quelque chose comme un « récit des origines » – qui s’intitulerait alors et donc : très nécessairement-logiquement, L’Événement de la vérité – suppose peut-être ne rien faire d’autre que d’aller chercher, au sein même de ce langage : « humain » et, on l’a vu, très parti- culier, la trace d’une telle « inscription » : c’est-à-dire celle de cela que j’appelle ici la « dimension du (pur) scripturaire » ; et « dimension » dont les illustration/exploration – comme je l’ai déjà avancé depuis longtemps (depuis même l’écriture de mon précédent Bruit du temps) –… permettraient seules de rédiger quelque chose comme un/cet Événement de la vérité. Tout se passant ici comme si, par l’association qu’il (re)tisse à chaque instant, entre vocabulaire et syntaxe : mots et phrases, ce « langage (humain) » avait gardé mémoire, en ses rouages les plus intimes, du surgissement initial de cet « Événement (de la vérité) » ; ce pourquoi, de ce même « Événement », j’ai pu dire aussi que, loin de n’avoir « eu lieu » qu’une seule fois « il y a très longtemps », il sur-vient en réalité à chaque instant : à tout le moins chaque fois qu’un scripteur, lointain héritier de cet erectus qui inventa la syntaxe, inscrit une phrase sur la page de son (immense) manuscrit et, par une telle « inscription » (en ce mode donc, non tant littéraire, que scripturaire), re-vient à l’« origine » – par conséquent : « scripturaire » – de ce « langage (humain) »… dont on vient de voir que la véritable signature réside en cette invention de la syntaxe ; et invention qui, elle-même, a été rendue nécessaire par le souci, de la part d’une créature « proto-disante »/« pré-humaine » (qui ne disposait encore – en cela peu différente des autres espèces « animales » – que d’un « vocabulaire »), de rendre-compte-de cet oxymore – justement inscrit dans ce même « Événement de la vérité » : comment le temps, tout en « passant », fait-il pour « demeurer » (et aussi bien (ou mieux) : comment « quelque chose », dont la « vérité » réside en ces passage/voyage, a-t-il « en même temps », ce-pendant, ce pouvoir d’accorder leur « permanence » – leur « vérité (de choses) » –… aux autres « choses ») ? – ; et oxymore dont on comprend aussi que, pour être seulement exposé/déroulé (en ce mode peu ou prou « spéculatif »), il a besoin d’une phrase. Par quoi, ce qui a donné naissance au « langage (humain) » – i. e. : à l’invention de la syntaxe (cet art de « faire des phrases ») – : à savoir cette mise en relation entre « vérité » et « temps » (mots et phrases), se retrouve, sous l’expression-titre (de mon présent ouvrage) : celui de cet Événement de la vérité, à la fin : ce qui est justement la manière dont procède tout « commencement » (digne de ce nom) ; et « commencement » qui lui-même, parce que n’étant jamais un « début » : notion encore « littéraire, trop littéraire », n’a trait qu’à cette « dimension du scripturaire » que je dis (ici) ; et « dimension » qui seule a capacité, sous ces expression-titre d’« Événement de la vérité », à embrasser dans une même perspective, celle d’un regard que pourra alors « rassem- bler » une phrase , ces deux « notions » en apparence antagonistes de « temps » et de « vérité »/« passage » et « demeurer »/« voyage » et « permanence », etc. : par quoi écrire quelque chose comme ce (présent) Événement de la vérité… re-vient bien à rédiger, pour une « époque littéraire » : la nôtre, un (nouveau) « récit des origines ».
La question, on le voit, est toujours la même : celle portant sur cette mystérieuse/oxymorique « permanence voyageuse » des choses – dont le « reflet », au miroir du temps, est celle antisymétrique (quoique tout aussi mystérieuse/oxymorique) du « voyage permanent » de ce temps (de son « flux » incessant et irrépressible) – : comment les choses, tout en demeurant « ce qu’elles sont », font-elles pour passer ? – traduction « au miroir » : comment le temps, tout en ne pouvant faire autrement que « passer », s’arrange-t-il pour « demeurer (ce qu’il est » : ce pur « passage » justement) ? – ; et question/étonnement doubles qui ne peut recevoir de réponse que de, précisément, la mise-en-miroir des deux notions de « temps » et de « vérité /« passage » et « demeurer »/« voyage » et « permanence » : c’est-à-dire de la rédaction pratique d’un « récit des origines » qui prendrait alors pour titre – ce « miroir » même : scripturaire et non courtisan (anti-littéraire) – celui de ce (présent) Événement de la vérité. La « vérité » des choses réside généralement en leur « permanence » : cela qui fait qu’elles « demeurent (ce qu’elles sont) » ; mais voici qu’il en vient une, le temps, dont la vérité, réside, elle, en un/son passage (permanent) : cette sorte d’« exception ontologique » – une « chose » dont la vérité réside, non en une permanence, mais en un passage – donnant naissance au langage « articulé », c’est-àdire à un langage qui, à côté d’un vocabulaire : qui demeure dans l’instant, dispose aussi désormais d’une syntaxe : cela qui, du langage, se déploie dans le temps et, en un tel déploiement (scripturaire), engendre/produit des phrases… dont la première qui fut jamais énoncée fut sans doute celle, peu ou prou pléonastique, de ce « le temps passe » ; mais « phrase » qui, immédiatement après avoir été prononcée, n’a pu que renvoyer son locuteur à cette autre – à laquelle, probablement, il n’avait jamais pensé avant (parce qu’elle lui semblait relever de ces « évidences qui vont sans dire ») – que « les choses sont ce qu’elles sont » ; par quoi l’« exception ontologique » que constitue le temps – cette « chose » (qui n’en est pas tout à fait une) dont la vérité réside en un passage (la permanence en l’« in-cessant » de ce passage) – fait soudain venir les autres choses – celles dont la vérité réside en une permanence : en un « demeurer (de ce qu’elles sont) » – comme le plus profond des mystères… et plus particulièrement le « cela-va-de-soi » de l’évidence de ces « choses (qui-sont-ce-qu’elles-sont) » comme, désormais, la première question digne d’être examinée : comment font-elles les choses pour, tout en « passant », s’arranger pour « demeurer-ce-qu’-elles-sont » ?
Et question dont on comprend aussi que sa seule formulation – sa « phrase » – fait instantanément passer son locuteur – son « scripteur » – d’« univers réel » – où le temps n’a pas « commencé » (tout au plus : « débuté ») – à « monde vrai » – où cette fois-ci ce même temps ne cesse plus de… « passer » – ; par quoi l’on comprend aussi que, pour basculer de l’un à l’autre : de la morne-ennuyeuse « éternité » du premier au flux passionné-précipité du second, il n’a suffi que d’une question – que d’une « phrase » – ; mais « phrase », question… qui ont en un instant changé la face de l’« étant » en sa totalité : ont soudain con-figuré l’« univers réel » – où tout « arrivait » mais où rien ne « sur-venait » (parce que rien, en réalité, ne « signifiait »)
– en un « monde vrai » – le champ (l’« espace ») où, désormais, ne survenait plus que cet « Événement de la vérité » (et commandant/portant tous les autres (« événements ») : ceux qui ne font qu’« arriver » (qu’« advenir ») – ; et institution (« fondation ») d’un tel « monde vrai » qui a fait de l’innocent locuteur de ces « petite phrase »/« bête question » – « comment les choses font elles… », etc. – la créature « disante-pensante » que nous avons coutume, depuis, d’appeler l’« homme » : ce « vivant » qui se distingue des autres « vivants » – appelés dès lors : « animaux » – par ce fait qu’il s’étonne de « choses » – d’« évidences » – qui, pour les autres espèces « vont-de-soi » – ne méritent certes pas d’être examinées/questionnées – ; et « évidences » dont la première d’entre elles – en quelque sorte : la plus « évidente » de toutes (et par suite, en réalité, la plus mystérieuse) – est constituée par ce fait, dite par cette phrase… que « les choses sont ce qu’elles sont » : la belle affaire (mais « affaire » dont on comprend aussi, tout de suite, qu’elle est celle-là même – première et centrale : ayant la préséance (scripturaire) sur toutes les autres – « de la pensée ») ! Bien sûr, on peut reprendre toute cette « histoire » – celle donc de la naissance du temps, de l’homme, du « monde vrai », etc. – en se contentant de la « raconter » –ce que ne manquent pas de faire nombre de (présents-récents) « récits des origines » – du seul point de vue du langage : par cette « explication » (qui a aujourd’hui, dans certains milieux, le vent en poupe), que cette « origine » ne serait elle-même qu’un « effet » de celui-ci – un effet de langage (dit-on dans ces mêmes « milieux ») – ; un peu comme si l’homme, ce (supposé)
« possédé du langage », était tombé dans le piège de sa propre création (langagière) – était devenu l’instrument de sa propre « invention » – et, en une telle « chute-dans » la parole – et plus précisément : « dans » la syntaxe – s’était mis à se poser toutes sortes de questions peu ou prou « oiseuses » – s’était mis à s’étonner-devant toutes sortes de « choses » (qui n’étaient en réalité étonnantes que pour lui : que parce qu’il était ce « disant ») – ; mais « questions (oiseuses) »/étonnements (devant certaines « évidences ») qui, en vérité, lui étaient dictés, non par le « réel » qui l’entourait : d’où il avait surgi, mais par le seul langage : cette « activité » dont il se croyait l’inventeur et le maître… mais dont, en réalité, il était devenu comme la « créature » (le « possédé » donc). Et rien en effet n’empêche de souscrire à une telle (re)présentation des choses – à un tel (« littéraire ») récit des origines – ; sauf que, même si celui-ci est correct, il n’en reste pas moins que ces « questions » et autres « étonnements », une fois qu’ils ont été formulés : mis en phrases, demeurent… et que, donc, on ne peut plus faire comme s’ils n’avaient jamais été – ne serait-ce qu’une fois dans le cours des âges (et suggérés/« dictés » donc par ce seul langage) – soulevés ; et par exemple, pour revenir à cette question portant-sur le fait « étonnant-évident » que « les choses sont ce qu’elles sont », il est tout à fait possible qu’elle ne nous ait été inspirée que par le seul langage, mais à présent, quoique nous fassions : que nous l’écartions carrément ou que nous la faisions passer pour simple « effet de langage », elle demeure à jamais posée : étant pour ainsi dire plus « originelle » que le (langagier) médium dont elle s’est servie pour surgir (l’homme est peut-être, après tout, cette créature possédée/instrumentalisée-par le langage… mais alors de quoi, à son tour, le langage est-il luimême l’instrument : de quelle mystérieuse « puissance » qui désire que soit « dite »/questionnée – fût-ce en ce (toujours très insuffisant) mode syntaxique-langagier – son évidence ?).
Il importe donc assez peu, dans une telle perspective – on le comprend dès lors : purement scripturaire –, que la question du « comment les choses font-elles pour, tout en passant, demeurer (ce qu’elles sont) ? » – et question dont a vu qu’elle est celle, « en miroir » et antisymétrique, de l’autre question du « comment le temps fait-il pour, tout en « demeurant (ce qu’il est) », passer ? » –… soit ou non le fruit d’un « effet de langage » : puisque désormais, que nous le voulions ou pas : l’examinions ou non, elle est là pour jamais devant nous : s’opposant de toute façon au renvoi (en ce mode