Louis BEFVE
Paris - Goutte d’or - métro aérien
musiques électroniques et communautés
MusiquEs éLEctroniquEs quartiEr GouttE d’or Métro aériEn
Louis BEFVE ENSAPVS Juillet 2011
sommaire Introduction
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Le chant des machines
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Une musique technologique L’atonalité comme point de départ Démocratisation Detroit : techno underground Techno et friches industrielles Hip hop et block parties Réaction des autorités : de l’opposition... ...à la régulation Le rapport à la ville Vers une autre approche
La goutte d’or
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Un faubourg de Paris
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Le bruit et l’odeur
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Autoreprésentation
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Du village au quartier ouvrier Une architecture de qualité Le processus de délabrement du Paris des faubourgs Le projet de rénovation de la Goutte d’Or Structure commerciale du quartier Présentation du marché de Barbès
Un quartier supposé dangereux Représentation médiatique Le multiculturalisme en question
Associations de quartier : de la défense à la promotion Le rap : une fenêtre ouverte sur le quartier Le terrain vague de la Chapelle, un mythe fondateur
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8 8 10 10 11 14 18 18 20 22
Le métro aérien Genèse du métro parisien
Hygiénisme aérien contre pestilences souterraines La solution brutale La solution douce Solution retenue Système constructif Le métro aérien dans l’imaginaire parisien
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Le métro aérien, objet architectural Le viaduc comme support Parcours
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Conclusion
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Scénario d’évolution
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Bibliographie
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Notice du mix musical
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Métros aériens dans le monde : exemples d’aménagements Métro aérien parisien : aménagements possibles
Lexique
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Remerciements
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introduction Ma passion pour la musique électronique s’est accrue tout au long de mon adolescence, pour aboutir à un désir de participer personnellement à cette culture. La possibilité pour le gamin de seize ans que j’étais de sortir et de rencontrer les artistes qui produisaient la musique qui me faisaient vibrer me paraissait exceptionnelle, et j’ai effectivement vécu un certain âge d’or de la scène électronique parisienne, entre 2003 et 2006, qui a vu apparaître une nouvelle génération d’artistes en lien fort avec des communautés portées par le phénomène internet. Mon implication ne s’est pas arrêtée là : motivé par la proximité avec les DJs, je me suis procuré des platines vinyles pour tenter de les imiter. Aujourd’hui, seulement cinq ans après cette effervescence, on en est revenu : les liens entre les membres des communautés se sont distendus, internet en se démocratisant a réduit leur aspect spécifique et il est maintenant impossible pour un mineur de rentrer en boîte. La vie nocturne parisienne ne s’est jamais portée aussi mal, malmenée par des réglementations drastiques et par la segmentation très importante des publics. Ce constat personnel m’a naturellement amené à m’intéresser aux conditions qui permettent l’éclosion de ces communautés d’un point de vue architectural et de proposer pour mon projet de fin d’études un lieu qui soit susceptible d’accompagner au mieux la création et la représentation musicale, ainsi que la vie qui gravite autour. La méthode privilégiée de création de lieux voués à la diffusion de musique électronique est la reconversion, le détournement de bâtiments qui ont perdu leur fonction première, dont l’héritage constitue une base sur laquelle peut se construire l’identité du lieu. Le défi à relever en réalisant un projet de ce type sans réutiliser une structure existante est de l’ancrer dans la représentation de la ville, l’image jouant pour beaucoup dans le succès ou l’échec des clubs. Au-delà de l’aspect fonctionnaliste de la salle de spectacle ou de l’établissement recevant du public, les lieux dédiés à la musique électronique doivent assurer une position symbolique dans la ville.
Ma première partie traite de musique, j’ai donc réalisé un mix musical afin de donner un bref aperçu de ce dont je parle. Le mix est sur le CD fourni avec le rapport et il est également accompagné d’une notice détaillée en page 98.
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le chant des machines
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La musique électronique et les lieux de sa diffusion constituent le point de départ de mes recherches. Après une lente éclosion, et de nombreux tâtonnements quant à la façon dont la musique devait être transmise au public, les scènes de la musique électronique, aussi diverses qu’elles puissent être, ont fini par se rejoindre dans leur mode de diffusion, établissant une certaine routine du «club», qui s’adresse à une part finalement restreinte de la population, qui bride l’expérimentation des artistes et assigne le public à un rôle de simple consommateur. Aujourd’hui, plus que jamais, la musique électronique apparaît fermée sur elle-même, cloisonnée dans des lieux précisément délimités. Je me suis intéressé à l’histoire des mouvements communautaires qui ont accompagné la naissance de la musique électronique et aux liens qu’ils ont entretenu avec la ville, avec des lieux et des organisations spatiales spécifiques, afin de voir si les circonstances qui ont vu apparaître ces différents courants musicaux pouvaient nous éclairer sur l’avenir de la diffusion de la musique électronique, sur le rapport qu’elle peut entretenir avec un milieu urbain et sur la dimension culturelle plus élargie qu’elle pourrait acquérir.
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Une musique technologique Il est difficile de clairement définir la naissance de la musique électronique. Au-delà de toute considération de style, ce qui la distingue est avant tout le fait qu’il s’agit d’une musique programmée, et non jouée. L’histoire de la musique électronique est donc d’abord une histoire d’évolutions technologiques. A la différence de tout autre instrument de musique, dont la forme et le son restent inchangés depuis son origine, la musique électronique est en évolution constante par le biais de la technologie, et une nouvelle machine, une nouvelle oscillation, un nouveau filtre peuvent être à l’origine d’une nouvelle direction, d’un mouvement musical.
L’atonalité comme point de départ La création du Groupe de Recherche de Musique Concrète dans les années 50 à Paris constitue une première étape : la musique électronique y acquiert une première dimension théorique. A une époque où tous les arts tendaient à prendre le maximum de distances avec l’académisme, tout en conservant un aspect hautement élitiste les rendant parfaitement abscons aux yeux du profane, des compositeurs tels que Edgar Varèse, Karlheinz Stockhausen ou Iannis Xenakis (également architecte et collaborateur de Le Corbusier), sous l’égide de Pierre Schaeffer décrétèrent que puisque toute théorie musicale possible avait déjà été établie auparavant, il ne restait plus que la théorie non-musicale à explorer. Ce postulat étant posé, les compositeurs purent profiter de tout ce que la société industrielle d’après-guerre avait à leur proposer comme instruments non-musicaux pour créer la musique la moins musicale de tous les temps : des bandes magnétiques, des transistors, des tubes à vide...
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No-stop City, Archizoom (Andrea Branzi)
Partitions, John Cage
Dans les années 60, des passerelles se dessinent entre la musique contemporaine atonale et l’architecture prospective, qui recherchent toutes deux de nouvelles formes de représentation. On retrouve surtout le motif de la grille, qui se remplit d’éléments répétitifs, peu à peu distordus par des modulations.
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Démocratisation L’ouverture au public se réalisera progressivement, au fur et à mesure de la démocratisation et de la miniaturisation des appareils, ainsi que de l’ajout de contrôles intuitifs (les claviers des synthétiseurs, par exemple) qui permettaient de sortir des sons des machines sans un diplôme d’électroacoustique en poche et surtout sans risquer de déclencher des émanations de fumées toxiques. La musique populaire, celle qui est mélodique et qui peut se danser, voit alors poindre quelques expérimentations : le titre Tomorrow never knows des Beatles en 1966, ou les envolées entêtantes des synthétiseurs de Pink Floyd sur le morceau On the run en 1973. Cependant, c’est avec l’album Autobahn de Kraftwerk en 1974 que la musique électronique s’assume comme signe de la victoire définitive des machines sur les humains : plus de structure traditionnelle de couplets et de refrains, mais des cadres rythmiques, précis comme la chaîne d’assemblage d’une usine de la Ruhr (région d’origine du groupe) et des nappes mélodiques qui viennent successivement s’y greffer puis s’évanouir.
Detroit : techno underground Ces défricheurs eurent un impact considérable sur ce qui allait devenir la musique la plus jouée dans les discothèques du monde entier. En effet, au début des années 80, d’heureux accidents se combinent : des lycéens Noirs de Detroit, Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson se découvrent une passion musicale commune pour ce qu’on appelle alors l’electro-pop européenne (Kraftwerk donc, mais aussi Giorgio Moroder ou Telex) ; le synthétiseur TB-303 de Roland, sensé reproduire une basse pour aider les guitaristes à répéter (un cuisant échec), s’avère être un outil abordable et facilement transportable, permettant des distorsions à l’infini de sons semblant venir d’une autre planète ; et le climat délétère d’une ville qui sombre lentement dans l’indifférence générale pousse toute une génération de jeunes exclus à faire de la fête plus qu’un exutoire, une revendication politique. La techno originelle de Detroit, ville berceau de la mythique Motown de Michael Jackson et de Stevie Wonder, recycle l’electro européenne en la pimentant du génie musical afro-américain et en la rendant éminement dansante. La gloire et la chute de l’industrie automobile de la ville, devenue décor postapocalyptique dénué de présence humaine, éventré de bretelles d’autoroute, où des toxicomanes s’injectent leur dose sous les dorures d’un luxueux théâtre abandonné, semblent hanter toute la production musicale des pionniers de la techno. Ils portent
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Klaff (directeur artistique de Philips, Le Corbusier et Edgar Varèse devant le pavillon Philips à Bruxelles en 1958.
«La culture de la Rhénanie est notre identité culturelle. Notre musique, une représentation acoustique du bassin de la Ruhr, nous sommes, très urbains, très européens, très industriels», Ralf Hütter (Kraftwerk)
Giorgio Moroder dans son studio
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un regard désabusé sur ces machines qui ont asservi des générations d’ouvriers, avant de s’effondrer lamentablement, comme si elles avaient pompé toute énergie humaine dans une ville puis étaient passé à la suivante, dans un autre pays aux travailleurs plus dociles. La techno est froide, presque déshumanisé, et l’on sent à travers sa répétitivité la marche implacable des machines que l’on a créé et qui nous ont échappé. Cette fascination un peu morbide pousse naturellement la génération techno à investir le patrimoine industriel dévasté et à y faire résonner une nouvelle fois le chant des machines, mais cette fois-ci en les contrôlant, en en faisant des instruments de leur plaisir et de leur émancipation.
Techno et friches industrielles La dimension particulière qu’acquiert la techno jouée dans des usines ou des hangars désaffectés est un élément essentiel de son importation en Europe. Les premières villes à accueillir à bras ouverts les artistes de Detroit sont Berlin et Manchester, dont les contextes ne sont pas sans rappeler, dans une moindre mesure, celui du fief de General Motors : désertion des industries, chômage et friches industrielles. De gigantesques nefs d’acier et de béton affichent avec insolence leur inutilité et semblent appeler à elles les habitants, sommés de réinvestir ces espaces, de ne pas les laisser tomber dans l’oubli. D’une manière assez différente du développement de la house originaire de Chicago, chaleureuse et soulful (traduction bancale : dotée d’une grande âme) qui a facilement pu se frayer un chemin dans tous les clubs de la planète1, la techno cultive sa dimension politique et fédère des communautés qui ne se reconnaissent pas dans ce qu’il faut bien appeler l’industrie de la nuit, et qui font de la recherche du cadre idéal, carcasses métalliques d’usines désaffectées ou anciens silos à grain, une condition aussi importante que la venue de Djs renommés pour la réussite d’une soirée. Ces fêtes illégales amorcent une reconquête de non-lieux caractéristiques de l’époque post-moderne, en opposant la chaleur de la fête à la froide mondialisation, en tentant de provisoirement reterritorialiser ce qui est le plus proprement déterritorialisé.
1 Un sous-genre typiquement français, la French Touch, ou house filtrée, a d’ailleurs vu naître les Daft Punk, devenus superstars planétaires.
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Le techno Boulevard, surnom donné à une portion de Gratiot Avenue à Detroit a accueilli quelques-uns des labels emblématiques de la ville à la fin des années 80 (dont Transmat, KMS et Metroplex). Les vétérans de la techno de Detroit connaissent bien cet endroit, non seulement pour les labels, mais aussi pour les fêtes qui naturellement eurent lieu dans le coin. Le quartier avait un parfum de vie communautaire, avec Derrick May vivant dans les locaux de Transmat, ainsi que d’autres résidents acteurs de la scène musicale.
United artists theatre, Detroit
«Notre musique c’est la rencontre dans un même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk. Elle est à l’image de Detroit : une totale erreur.» Derrick May
Michigan Central Station, Detroit
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Hip hop et block parties Si la techno et la communauté qui y est associée ont engendré ces nouvelles orientations spatiales induites par le passage de la fête à l’ère électronique, on peut constater d’autres évolutions liées à des courants musicaux différents. Pendant que les artistes de Detroit créaient la techno sous influence directe de l’electro-pop européenne, l’importante communauté jamaïcaine de New York, dont le pionnier Kool Herc résidant au mythique 1520 Sedgwick Avenue dans le South Bronx, importait les sound systems de Kingston : deux platines, un DJ qui enchaîne les morceaux, un MC (maître de cérémonie) qui encourage les danseurs, et une toute autre organisation spatiale de la fête. En effet, les sound systems jamaïcains sillonaient l’île à bord de camions et formaient des fêtes en plein air, et les premiers équivalents new yorkais conservèrent cette caractéristique de fête nomade et spontanée. Les organisateurs bloquaient une rue, détournaient le courant d’un lampadaire pour alimenter la sonorisation et les habitants pouvaient participer à la fête moyennant une somme très modique. Ces événements furent baptisés block parties, ce qui en souligne l’aspect local (un block désigne la plus petite subdivision dans l’urbanisme nord-américain). Ces fêtes redonnent des couleurs au ghetto du South Bronx, où le taux de criminalité diminue, et où une véritable expression culturelle naît : le hip hop, qui constitue aujourd’hui probablement la sous-catégorie la plus populaire de la musique électronique1. Les quatre disciplines du hip hop, le deejaying, le rap, la danse et le graffiti, se conjuguent au sein des block parties, qui peuvent être considérées comme des fêtes de quartier «totales» alliant divertissement et création et qui amorcent une reconquête éphémère de la rue, à une époque où elle perd peu à peu de son rôle multifonctionnel au seul profit de la circulation automobile. Elles rappellent par certains aspects les carnavals médiévaux, affirmant une dimension extra-quotidienne de la ville et le lien qui existe entre forme urbaine et développement de la culture.
1 Le hip hop peut être considéré comme une musique électronique à partir du moment où le jeune Grandmaster Flash, en mettant à profit ses cours d’électronique du lycée, va permettre de programmer la musique auparavant «bricolée» en direct par les Djs.
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UNE BLOCK PARTY AUJOURD’HUI
PIGALLE REINTERPRETATION FRANCAISE DE LA BLOCK PARTY
stalingrad NAISSANCE D’UN MOUVEMENT
BRONX block
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party
organisation spatiale accessibilité autoproduction détournement vie de quartier événement improvisé nouveau mode de vie
A la fin des années 60, dans le quartier du Bronx à New York, la jeunesse noire, en marge de la vie nocturne à laquelle ils n’ont pas accès, crée une nouvelle façon de faire la fête, complètement imbriquée dans la vie de quartier et dans la culture populaire afro-américaine. Le principe d’une block party est simple : on ferme les deux côtés de la rue avec des barrières et un service de sécurité, on branche les éclairages et la sono sur un lampadaire dont on détourne le courant, on fait chauffer le barbecue et on fait payer un faible droit d’entrée pour que les gens du quartier viennent faire la fête, loin des lumières de la ville. C’est dans ce contexte que pour la première fois DJ Kool Herc a l’idée de mixer deux morceaux réellement ensemble, avec deux disques réglés exactement sur le même BPM (Beat Per Minute ou tempo) et superposés de façon à faire un enchaînement sur la même base rythmique (le rythme ne change pas, mais le morceau de musique change).
«Power from a street light made the place dark. But yo, they didn’t care, they turned it out.» South Bronx, KRS-one
autoproduction avant-garde épisode mythique CONTRE CULTURE naissance d’un mouvement artistique
accessibilité visibilité vie de quartier événement sponsorisé nouveaux réseaux de communication
De août à novembre 1986, alors que la vie festive foisonnante de Paris n’est plus qu’un lointain souvenir, le dj Dee Nasty organise des block parties «à l’Américaine» sur un terrain vague entre les stations Stalingrad et la Chapelle. L’organisation de ces fêtes est cependant radicalement différente de leurs homologues américaines : non seulement elles se déroulent en plein après-midi, mais il faut surtout escalader un mur pour rejoindre un lieu insoupçonnable depuis la rue. Les participants sont donc des initiés, provenant de toute l’Ile-de-France pour assister à un événement unique. Pendant que Dee Nasty mixe les derniers morceaux de rap américains inédits en France, des graffeurs peignent des fresques et créent un style graphique typiquement parisien.
Le Pigalle b-ball est un tournoi de basket ball, mais par beaucoup d’aspects rappelle les block parties qui ont vu la naissance du mouvement hip hop. Les matches se jouent au rythme de la musique mixée par un dj, et sont entrecoupés de concours de danse. L’ambiance de l’événement attire autant les habitants du quartier, par le biais des associations, que des Parisiens ou Franciliens prévenus par le biais d’internet. On a donc un public qui va bien au-delà des simples amateurs de sport, attiré par une certaine façon de faire la fête, mélange entre une ambiance qu’on peut qualifier de «villageoise» de proximité avec ses voisins et un côté plus anonyme plutôt hérité de la vie nocturne. Les événements se réclamant des block parties sont de plus en plus nombreux et montrent une véritable nostalgie d’une époque où un certain public a pu se sentir pleinement acteur d’une culture naissante et où sortir de chez soi pouvait être une aventure. Ce type de fêtes, qui peuvent se dérouler la journée et visibles depuis la rue (ou se déroulant dans la rue) est peut-être une alternative au problème actuel de voisinage à Paris, où les rapports entre bars et discothèques et riverains sont souvent tendus, en favorisant la participation des voisins.
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Réaction des autorités : de l’opposition... La décennie 90 fut résolument marquée par le phénomène techno en Europe qui prit de court la plupart des classes dirigeantes. La réaction fut parfois particulièrement virulente, notamment en Angleterre où le gouvernement Thatcher interdit purement et simplement les fêtes techno. Si cet extrême constitue une exception, la volonté politique vis-à-vis de la techno est globalement d’encadrer étroitement ce qui est considéré comme une manifestation dangereuse, tant pour les participants consommant de la drogue que pour la population qu’il faut protéger d’éventuels effets de groupe ou mouvements de foule.
...à la régulation En France, conformément à une tradition plus interventionniste de la part de l’Etat que dans les pays anglo-saxons, des structures ont été mises en place pour accompagner et encadrer les nouvelles pratiques musicales : «cafés musique» sous le ministère de la culture de Jack Lang en 1988, puis «SMAC» (scène de musiques actuelles) sous le ministère de Philippe Douste-Blazy en 1996. Ces structures ont à première vue une attitude bienveillante vis-à-vis de la musique, de ses acteurs et du public : les cafés musique répondent d’abord à la forte demande de proximité de la jeunesse des banlieues et jouent un rôle social autant que culturel, puis les SMAC s’attachent à la création artistique (programmation ambitieuse, croisements avec d’autres arts (vidéo, danse, théâtre), création de résidences d’artistes pour créer, répéter un album ou une tournée). Ces cadres, lorsqu’ils se sont adaptés à des lieux existants, apportant un soutien institutionnel à une dynamique existante ont été majoritairement bénéfiques (comme au Glaz’art à Porte de la Villette par exemple). Cependant, lorsqu’il s’est agi de construire de nouveaux lieux correspondant aux programmes officiels des SMAC, la pertinence de cette importante implication de l’Etat s’est révélée moins évidente : généralement situés dans de nouveaux quartiers excentrés (la peur panique des maires de créer des nuisances à leurs administrés), lissés à l’extrême, on peut se demander s’ils correspondent encore à la musique qu’ils programment (qui on l’a vu, de la techno au hip hop, est profondément ancré dans un territoire) et s’ils peuvent assurer la dimension sociale à laquelle ils prétendent.
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Free parties, rave parties, reconquête d’un patrimoine délaissé Ces non-lieux ont souvent une histoire, ils sont les vestiges de la vieille économie, les restes de l’industrialisation passée, ce champ de ruines est le décor de l’époque de l’agonie de la modernité et de l’ère post-industrielle, la trace d’une époque où la marchandise était encore tangible, d’une époque où il fallait de grandes usines pour la produire et de grands hangars pour la stocker.
«Nous sommes allés dans cette fête, sans trop savoir où on allait, on trouvait ça mystérieux, finalement on a réussi à trouver, c’était en banlieue parisienne, dans la banlieue sud de Paris, dans une ancienne usine désaffectée, c’était incroyable (...) On attendait, on ne savait pas trop, enfin moi, je ne savais pas à quoi m’attendre, on arrivait dans cet endroit, c’était vraiment magnifique, parce qu’ils avaient décoré toute l’usine.» (témoignage d’un
free party organisée par Heretik System dans la piscine Molitor à Paris
participant d’une free party)
Le geste des organisateurs qui consiste à reprendre un hangar désaffecté pour y organiser une fête techno procède du même geste que celui du dj lorsqu’il reprend un vieux tube pour en faire un nouveau morceau musical, ce geste, la culture techno l’appelle le remix. Remixer la musique ou remixer les lieux, c’est bien du même geste qu’il s’agit. La fête techno est une fête postmoderne puisqu’elle marque l’association du développement technologique le plus contemporain et du désir d’être ensemble le plus archaïque.
«Certaines lézardes dans le monolithe babylonien paraissent si vides que des groupes entiers peuvent se mouvoir jusqu’à elles et s’y installer.»
Hakim Bey, théoricien des TAZ (zones autonomes temporaires)
rave party Hiphiphoorave, quelque part en Californie
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Le rapport à la ville La fête en elle-même est la préoccupation majeure des organisateurs et de tous les acteurs de la nuit, elle constitue le coeur de la soirée que le public va vivre, son point d’orgue, mais la soirée en question ne peut fatalement pas se résoudre à la fête. Une multitude de paramètres vont rentrer en ligne de compte : combien de temps vais-je mettre pour m’y rendre, par quel moyen de transport, où vais-je rejoindre mes amis pour y aller, peut-on manger dans le coin... C’est l’équilibre entre ces contraintes et ce que l’on va trouver dans la fête (ou ce que l’on pense y trouver) qui va déterminer si l’on fera le déplacement ou non. Cela explique que l’on puisse parfois parcourir plusieurs centaines de kilomètres, se tenir au courant par téléphone, pour se retrouver dans un endroit tenu secret, au milieu de nulle part pour un événement exceptionnel, mais que l’on ait plus de mal à trouver la motivation pour faire vingt minutes de métro pour sortir dans sa propre ville. Le sentiment de participer à quelque chose d’unique agit comme un puissant moteur de la fête. Mais ce type de manifestation exceptionnelle ne peut représenter la totalité de la vie nocturne, qui connaît également une dimension quotidienne pour de nombreuses personnes. Cette dimension requiert des lieux de proximité, qui réduisent au maximum l’impact des contraintes que nous avons évoqué. C’est vers cette dimension que semble tendre le programme des SMAC, avec l’aide des associations, les ateliers pédagogiques ou les résidences d’artistes. Tout est fait pour que ces bâtiments fassent partie intégrante de la vie quotidienne des habitants. Cependant, cette volonté d’ancrer les SMAC dans un espace urbain partagé, d’en faire des éléments structurants des villes participant à la sociabilité, et non des lieux clos sur eux-mêmes, s’est heurté à la réalité. Les SMAC sont comme on l’a dit souvent excentrées, en bordure des milliers de ronds-points qui gangrènent les régions françaises, et s’accompagnent de parvis, de parkings et d’espaces verts désordonnés qui rendent difficile l’appropriation du lieu par les habitants. La population est vue comme un public de consommateurs, qui réceptionne ce qu’on veut bien lui transmettre, dont le rôle est exclusivement passif. C’est une diffusion verticale de la culture, des artistes vers le public, et non horizontale, qui mettrait chaque individu en position d’apporter son concours à une démarche culturelle.
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Projets de Smacs réalisés d’après les règlements de 1996
L’autre Canal, Smac de Nancy, agence Périphériques
Le Cargo, Smac de Caen, Olivier Chaslin architecte
La luciole, Smac d’Alençon, Moussafir architectes associés
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Vers une autre approche La diffusion de la musique électronique est aujourd’hui très cloisonnée dans un schéma auquel il est difficile pour les artistes d’échapper, pourtant certains militent pour l’ouverture du genre et une approche transversale liant différentes disciplines. Parmi ces artistes, le plus représentatif est sans doute Jeff Mills, que j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer lors de sa venue à Paris en Mai 2011. Pionnier de la techno de Detroit de la fin des années 80, il aurait pu profiter paisiblement d’une rente de DJ superstar, mais il s’est au contraire ingénié à explorer les connexions que la musique électronique pouvait avoir avec d’autres formes artistiques. Cette fusion est «une façon de démocratiser la musique électronique et de montrer à quel point elle est flexible». Son penchant pour la science-fiction, ainsi que sa formation architecturale ont fortement influencé les expérimentations de Jeff Mills. De nouvelles bandes son pour des classiques du cinéma (Métropolis de Fritz Lang ou Le voyage fantastique de Richard Fleischer), parfois réalisées en direct devant un public, et des installations-sculptures, comme Mono, en 2001 (rendant justement hommage à 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick) apparaissent comme des parties d’un univers cohérent propre à l’artiste qui, même lors de simples DJ-set ne se borne pas à être un simple pousse-disques mais fait souvent intervenir une scénarisation, dans une optique «d’art total». C’est ce type de pratique que je tiens à encourager dans un projet de lieu dédié à la musique électronique, en proposant un bâtiment qui ne serait pas sclérosé dans une forme définitive, correspondant à des pratiques d’aujourd’hui, mais un bâtiment évolutif qui pourrait s’adapter aux pratiques encore inconnues de demain.
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Projet de mise aux normes Smac d’un lieu pré-existant
Glaz’art, Smac du XIXème arrondissement, scène précédant les règlementations sur les Smac. Ancienne gare routière reconvertie en salle de spectacle. Le Glaz’art est un lieu atypique dans la vie musicale parisienne. Avec une salle de concerts, une salle de projections et des espaces d’expositions, un jardin d’hiver et une plage en été, c’est un lieu où les arts se croisent autour d’artistes aux univers pluri-disciplinaires. Ici, le label Smac est uniquement une assurance de soutien de la part de l’Etat, sans influence sur le lieu, son rapport à la ville ou la programmation.
Jeff Mills : hybridation des disciplines
Ma rencontre avec Jeff Mills, après un cinémix sur Le Voyage fantastique (bande-son de film réalisée en direct)
Mono, installation-sculpture, Jeff Mills, 2001 présenté dans le cadre du festival Sonar à Barcelone
Critical arrangements, installation visuelle et sonore, Jeff Mills, 2008 présenté dans le cadre de l’exposition «le futurisme à Paris» au centre Pompidou
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la goutte d’or
La musique électronique apparaît comme fortement ancrée dans certains types d’environnement urbains, souvent considérés comme socialement et économiquement défavorisés mais possédant une identité forte, où la population se voit forcée de se créer elle-même une représentation culturelle afin d’échapper à la stigmatisation qu’elle subit. La Goutte d’Or s’est vite imposée comme un site de choix, par sa vitalité culturelle, l’implication de ses habitants et le rôle non-négligealbe que le quartier a joué dans le développement de la musique électronique en France. Implanter un lieu de diffusion de la musique électronique dans ce quartier central et populaire (un des derniers de Paris) correspond parfaitement à une certaine volonté d’accessibilité et de démocratisation.
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Un faubourg de Paris Du village au quartier ouvrier La Goutte d’Or tire son nom de son origine viticole médiévale, la colline produisant un vin blanc réputé. Au début du XIXème siècle, alors qu’un exode rural massif fait exploser la demande de logements à Paris, l’exploitation des carrières de gypse devient l’activité principale du quartier. L’urbanisation rapide de la capitale rattrape vite le village de la Chapelle, dont la Goutte d’Or fait alors partie, et les carrières sont foudroyées afin de lotir les parcelles, qui se construiront très rapidement. Lors de l’annexion des communes limitrophes de Paris en 1860, la Goutte d’Or est déjà un quartier dense et animé, peuplé principalement de ces ouvriers qui affluent de province par les gares du Nord et de l’Est toutes proches.
Une architecture de qualité En 1967, l’architecte Pierre Dufau prône dans un réquisitoire pour la démolition de Paris l’adaptation de la capitale à la circulation automobile et se rallie au projet alors envisagé d’un axe routier qui, traversant le centre, relierait l’autoroute du Nord à celle du Sud. «Tout un Paris neuf pourrait se mettre en place autour de ce nouvel axe, en
commençant par la rénovation de quartiers aussi peu glorieux que la Goutte d’Or, où les commissions des sites auraient peu de craintes à exprimer.»1 Cette négation définitive de tout caractère remarquable de la Goutte d’Or qu’il faudrait protéger, et même cette affirmation qu’une destruction définitive serait le meilleur scénario possible est caractéristique du mépris que les élites culturelles ou politiques ont toujours exprimé à propos du quartier, sans que l’on ait jamais pris soin d’interroger les habitants et de se rendre compte de la richesse humaine mais aussi architecturale qui se cache derrière la misère et l’insalubrité. Dès 1877, Zola pointe du doigt l’influence négative que peut avoir cet environnement sur la population ouvrière : L’Assommoir, qui se déroule intégralement dans la Goutte d’Or, est selon lui un
«drame intime et profond de la déchéance du travailleur parisien sous la déplorable influence du milieu des barrières et des cabarets.»
Les qualités du bâti de la Goutte d’Or existent pourtant bien : l’architecture préhaussmannienne domestique qui caractérise le quartier, d’une grande simplicité d’or1
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Pierre Dufau et Albert Laprade, Pour et contre la démolition de Paris, Berger-Levrault, Nancy, 1967
La goutte d’or en 1750
La goutte d’or en 1833
La goutte d’or en 1846
Plan du quartier de la main d’Emile Zola, Etudes préliminaires à l’écriture de L’Assommoir
Trois époques, trois façades de la rue de la Goutte d’Or. -Maison individuelle, seconde moitié du XVIIIème siècle -Petit immeuble, début du XIXème siècle -Immeuble de rapport pré-haussmannien, Monarchie de Juillet (1830-1848)
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donnance est mise en scène dans un principe viaire qui assure de longs développements de façade et des bâtiments d’angle qui deviennent des proues de navire, des étendards qui donnent au quartier son cachet particulier. La Goutte d’Or apparaît comme faisant partie du patrimoine parisien, non selon une conception réductrice du patrimoine, qui a valu au quartier d’être considéré comme sans intérêt architectural mais plutôt selon la définition donnée par la charte de Venise de 1964 : «La notion de monument historique comprend la création architectu-
rale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique. Elle s’étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle.»1
Le processus de délabrement du Paris des faubourgs Les qualités architecturales de la Goutte d’Or ne peuvent cependant faire oublier les difficultés, qui sont celles de beaucoup de quartiers anciens en Europe : un bâti souvent déficient, éprouvé par le temps et le manque d’entretien, habité par une population fortement différenciée ethniquement et culturellement, une structure urbaine et architecturale qui est un défi continuel aux outils réglementaires normatifs dont nous disposons aujourd’hui. Les études réalisées concernant la dégradation du bâti parisien font toujours apparaître le croissant des faubourgs du Nord et de l’Est parisien, où la population ouvrière s’est entassée dans la seconde moitié du XIXème siècle, chassée du centreville par la hausse des prix de l’immobilier consécutive aux travaux d’Haussmann. A proximité des gares, ces quartiers ont accueilli tant bien que mal les vagues d’immigration successives (d’abord provinciale, puis européenne et mondiale) et si la plupart ont aujourd’hui subi une gentrification synonyme d’afflux d’argent et de rénovation massive, certains, dont la Goutte d’Or, continuent de souffrir de la vétusté du bâti et du manque de confort des immeubles faubouriens. Si l’on en croit la description qu’en fait Zola dans L’assommoir, le processus de délabrement est déjà bien amorcé en 1877. La dégradation du quartier n’est pas dû à une insuffisance architecturale, mais plutôt à l’absence d’entretien de la part des propriétaires. Ces derniers ont parfois profité de leur position, profitant de leur rente sans se préoccuper de l’état d’insalubrité de certains logements, mais ne sont pas systématiquement à blâmer : avant le plan de rénovation, en 1983, certains loyers étaient si bas (parfois de 200, voire 100 francs par mois selon Michel Neyreneuf, président de l’association Paris Goutte d’Or2) qu’il était impossible pour les propriétaires d’entreprendre de quelconques travaux. 1 2
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Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, Venise 1964, Art. 1 Pour tout l’or d’une goutte, Sagas-cités du 05/10/96, France 3
L’aménagement en croix de Saint-André permet de réduire les pentes des rues et engendre des immeubles en forme de proue de navire, qui deviennent des points de rassemblement naturels. Le lotissement est une sorte de grand espace public à ciel ouvert qui pourrait être en relation avec un équipement situé sur le boulevard.
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Le projet de rénovation de la Goutte d’Or Ces difficultés, connues depuis longtemps, ont fini par aboutir à un plan de rénovation en 1983, sous la direction de l’architecte Gérard Thurnauer. Consciente du rejet qu’ont suscité les opérations radicales de rénovation durant les Trente Glorieuses (la dalle des Olympiades ou la place des Fêtes), la Ville de Paris déclare «qu’il ne s’agit plus
de raser un quartier à problèmes pour lui substituer des barres et des tours, mais de le rénover dans le respect du tracé de ses rues et de ses gabarits.» On ne peut que saluer cette volonté, cependant on retrouve dans ce plan de rénovation les travers habituels de la vieille méthode hygiéniste qui se base seulement sur une analyse de salubrité, sans consultation des habitants, alors même que l’association Paris - Goutte d’Or s’était impliqué fortement dans le processus et avait fait des propositions architecturales respectueuses du quartier et de la population. Si l’on avait appliqué à l’arrondissement les critères qui ont entraîné ici la démolition de 1400 logements1, c’est la moitié de la butte Montmartre qu’on aurait dû raser. Pourquoi ce qui est impensable place des Abbesses apparaît comme nécessaire rue de la Charbonnière, alors que la Goutte d’Or et Montmartre font partie d’un seul ensemble urbain ? Serait-ce parce que la réfection de bâtiments existants attirerait fatalement des classes plus aisées, comme cela est arrivé à Montmartre donc, mais aussi dans le Marais2, et que le maintien des classes populaires dans le quartier passerait par la réalisation de HLM qui «fassent» HLM, avec béton de mauvaise qualité, retraits d’alignements, arcades injustifiées et anxiogènes ? Moins de 25 ans après, la Ville fait déjà son mea culpa et dit vouloir rompre avec les erreurs du secteur Goutte d’Or-Sud lors de la rénovation du secteur tout proche de Château rouge.
La Goutte d’Or rénovée, si elle présente déjà en certains endroits le visage désuet de l’architecture qui se démode vite, a le mérite d’avoir conservé la vitalité commerciale qui participait pour beaucoup à l’identité du quartier.
1 compensée par la construction de seulement 800 logements, certaines familles ayant été relogées en dehors du quartier 2 On peut se demander si le Marais serait encore un des quartiers les plus chers de Paris si Le Corbusier avait pu appliquer son plan Voisin, qui en prévoyait la liquidation pure et simple sous prétexte d’insalubrité et la construction de 18 tours cruciformes aérées et ensoleillées.
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Rénovation de la Goutte d’Or - angle de la rue de la Goutte d’Or et de la rue Polonceau Projet de la Ville de Paris, 1983 :
Façade de galerie commerciale rue de la Goutte d’Or
Entrée du parking rue de la Goutte d’Or
Arrivée de la galerie sur la place
Réalité du projet, 2011 :
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Structure commerciale du quartier Les commerçants de «l’entité Barbès», quartier bien difficile à définir mais qui correspond plus ou moins à la zone d’influence de la station de métro Barbès-Rochechouart, ont adapté des locaux commerciaux classiques à une pratique commerciale plus méditerranéenne. On retrouve à Barbès un peu du souk oriental, qui est autant un lieu de passage que d’échange humain et commercial. La conséquence la plus visible de cette orientation dans la forme urbaine est la disparition de la vitrine. Pas de vitrine chez Guy Bazar, pas plus que chez Nathaniel SARL, et encore moins chez Tout à 2 euros et +, ce grand bazar coincé entre deux magasins Tati sur le boulevard Rochechouart. Un espace ouvert sur la rue, à moitié dedans, à moitié dehors, des étalages précaires installés sur le trottoir, un passage étroit pour entrer dans le magasin et surtout, pour le client, jamais de porte à pousser... Cependant, au-delà de l’influence du souk méditerranéen, cette caractéristique est rendue possible par la structure urbaine du quartier, et on trouve une description de ce vaste marché à ciel ouvert dès 1877 dans l’Assommoir, où Gervaise « prenait son
pain chez Madame Coudeloup, rue des Poissonniers, sa viande chez le gros Charles, un boucher de la rue Polonceau, son épicerie chez Lehongre, rue de la Goutte-d’Or, presque en face de sa boutique. François, le marchand de vin du coin de la rue, lui apportait son vin par paniers de cinquante litres. […] ainsi, quand elle sortait dans le quartier, en savates et en cheveux, recevait-elle des bonjours de tous les côtés ; elle restait là chez elle, les rues voisines étaient comme les dépendances naturelles de son logement, ouvert de plain-pied sur le trottoir. ».
Présentation du marché de Barbès Le marché qui se tient deux fois par semaine sous le viaduc du boulevard de la Chapelle est sans doute le moins cher et le plus important de la capitale. Le marché correspond à un appel commercial mais surtout à une identité de quartier qui véhicule de la communication, contrairement aux grandes surfaces. Lieu de sociabilité par excellence, donc indispensable, il rassemble et il brasse de façon éphémère les diverses nationalités. C’est le théâtre des cultures locales qui en plus de servir aux riverains attire des consommateurs d’autres quartiers. La semaine, l’espace sous viaduc est un lieu de passage que l’on empreinte pour aller d’un point à un autre : on s’y croise, on s’y aperçoit, au mieux on s’y salue mais rarement on s’y arrête. A l’inverse, le mercredi et le samedi matin, ce même lieu, transfiguré par la présence du marché, est beaucoup plus qu’un simple espace de coexistence. Il n’existe pas de mise en commun de l’espace plus flagrant, tous les protagonistes du marché participent à cette dynamique d’échange. Espace public par excellence, il doit maintenir son rôle d’attraction et être approprié par les utilisateurs. Le marché est un
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avenue montaigne
restaurant restaurant
sas sas
portier portier
vitrine vitrine
magasin magasin
Différences typologiques des commerces
magasin magasin ouvert ouvert sur la sur rue la rue
presentoirs presentoirs
Dans une typologie commerciale classique, à plus forte raison dans un contexte luxueux où l’on avenue montaigne ressent l’impact de l’argent sur la forme urbaine (l’avenue Montaigne à Paris par exemple), les barrières physiques et psychologiques excluent de fait les catégories de population qui ne sont pas directement visées par les commerces en question.
A Barbès, la typologie commerciale a au contraire un effet d’inclusion de toutes les classes sociales. boulevard rochechouart Le commerce, considéré comme un espace public à l’instar de la rue, appartient à tous. On se sourochechouart vient notamment de Nadine de Rothschildboulevard se féliciter ouvertement d’acheter ses collants à 2,50F la paire chez Tati.
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espace ouvert, qui appartient à tous, un élément de structure de la ville en terme de fonction et de repère urbain. Cependant, on retrouve certains travers, supposés ou réels, du quartier dans le marché, qui attire une population «à problèmes», ce qui pousse les commerçants à une certaine vigilance, que j’ai pu constater lorsque je me suis rendu sur place avec un ami. A 7h29, dans une contre-allée du marché, alors que nous prenions des photos, le président de l’association des commerçants du marché de Barbès nous l’a très fermement interdit. Puis, il nous a donné ses raisons : «ici, c’est un marché sensible, à risques.
Les dealers, les drogués, les vendeurs de cigarettes à la sauvette, des cervelles de moineau qui ont vite fait de croire que vous les espionnez. Une fois, il y a eu une bagarre qui a éclaté dans le marché à cause de gens qui prenaient des photos, je vous dis ça autant pour votre sécurité que pour le bon déroulement du marché, ici, vous pouvez vous prendre un coup de couteau pour rien. Et ça fait quarante ans que je pratique ce marché, je connais bien. Si vous devez vraiment faire des photos, il faut demander une autorisation à la mairie.» Malgré cela, nous avons pu voir de nombreuses personnes munies d’appareils photo et de caméras capturer des images d’un des plus importants marché de la capitale. Leur régulation devient impossible à l’heure de pointe, quand il devient difficile de se mouvoir dans l’allée centrale, et il est alors très facile de prendre des photos. C’est lors de l’installation, puis du démontage que l’hostilité devient palpable. Vers 14h30, lors du rangement, un forain a ainsi lancé une cagette dans notre direction, avec l’intention manifeste de nous atteindre, vu son regard furieux. Le marché apparaît alors comme fonctionnant en circuit fermé, auquel on peut participer en tant que consommateur mais sur lequel il est difficile d’obtenir des informations dès que l’on semble s’y intéresser de plus près. Un équipement public situé sur le terre-plein du boulevard pourrait infléchir cette logique de consommation et permettre aux habitants du quartier comme aux gens de passage de partager plus que des liens commerciaux, et de remédier à la méfiance naturelle que les riverains semblent vouer aux personnes venues de l’extérieur.
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Utilisateurs du marché de Barbès
-Mohamed, venu en famille, se déplace depuis Trappes pour les prix très attractifs. Il se plaint cependant du stationnement, "la marchandise n´est pas chère, mais si je prends un P.V. j´ai perdu l´économie que j´ai fait en venant ici".
-Hamed est un marchand de fruits et légumes qui vient d´Aulnay sous Bois. Les jours de marché, il arrive à 6h pour trouver la place qui lui est réservé. Il lui faut près de trois heures pour installer son stand.
-Comme tous les samedis, Chadi vient en vélo depuis le boulevard de Clichy. Pour lui, le marché est intéressant parce que proche, bien achalandé et très bon marché.
-Kamel a toujours habité le quartier et c´est un habitué de ce marché. Il a aussi essayé le marché de Belleville, mais celui de Barbès lui est apparu moins cher en particulier à la fermeture. Il vient donc ici dès qu´il a besoin de fruits.
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samedi, 7h
samedi, 8h
samedi, 7h
mercredi, 13h
samedi, 8h
mercredi, 13h
samedi, 9h
mercredi, 13h
mercredi, 13h
samedi, 12h
samedi, 12h
samedi, 12h
mercredi 13h
mercredi 13h
mercredi 13h
mercredi 13h
samedi, 14h
samedi, 14h
mercredi 15h
mercredi 15h
Le bruit et l’odeur Un quartier supposé dangereux La réputation sulfureuse de la Goutte d’Or tient en partie de son origine populaire et ouvrière, dans un XIXème siècle qui tend à assimiler classes laborieuses et péril insurrectionnel. Cependant, c’est dans la seconde moitié du XXème siècle, avec les vagues d’immigration algérienne puis subsaharienne, que le quartier acquiert un statut à part dans la ville. Dans l’imaginaire parisien, la Goutte d’Or est une zone de non-droit. Dans une discussion, quand on veut imager un propos sur l’insécurité, le quartier apparaît souvent comme l’archétype du lieu où il peut arriver quelque chose au promeneur égaré, au même titre que les ruelles enfumées de New York.
Représentation médiatique L’image médiatique de la Goutte d’or dans la presse et la télévision nationales est très vivante et mouvementée. C’est « le quartier le plus médiatisé de France », avance en 1993 une journaliste de Libération. Les médias nationaux visent un public « générique », au-delà des habitants du quartier, tout en les incluant car ils font, eux aussi, partie de la masse non-structurée à laquelle ces médias s’adressent. Souvent rangés dans la rubrique des faits divers, les articles sur le quartier suivent dans leur « mise en scène » une logique de forte spectacularisation. France-Soir 16/04/61 : «C’est le Far West à la Goutte d’Or» Nouvel Observateur 15/11/71 : «Le plongeon dans la Goutte d’Or» France-Soir 23/09/76 : «C’est un quartier réservé, a crié l’assassin d’un touriste» À ce type de presse nationale s’ajoutent les articles des magazines et les reportages télévisés : leur récit est construit comme une « descente », une « immersion » dans le quartier le temps d’une balade pour en découvrir, comme on le ferait avec un territoire inconnu, étranger, les mécanismes et les lois internes qui le régissent. La Scred Connexion, groupe de rap originaire de Barbès, tourne en dérision ce sensationalisme des médias vis-à-vis du quartier dans l’introduction du morceau Renverser la vapeur où ce que l’on devine être une journaliste de télévision annonce d’un ton définitif : «Nous sommes dans le nord de Paris. Derrière la carte postale du Sacré-
Coeur, à deux pas de Montmartre, l’envers du décor. Ce quartier est le plus dangereux de la capitale. Ici, autour du métro Château Rouge, la violence est quotidienne. L’insécurité est permanente et la mixité sociale est un échec.»
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Lors du banquet de militants RPR à Orléans, entre la poire et le fromage, Jacques Chirac, alors Maire de Paris et président du RPR nous gratifie d’une déclaration pour le moins incongrue :
«Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou.» L’opposition, qui ne repose sur aucun fait statistique avéré, entre le travailleur français qui peine à joindre les deux bouts et l’oisif étranger polygame et profiteur, ne fait qu’entretenir le ressentiment entre communautés dans un quartier qui n’avait vraiment pas besoin de ça afin de satisfaire des vues purement électoralistes. Abdel Aïssou (mouvement des droits civiques et habitant de la goutte d’or) :
«Les mots sont des fusils chargés, et Mr Chirac à travers son discours nous a tiré dessus.»
«Cocaïne ? Y a en pas» (sic) Le trafic de drogue, considéré comme le fléau majeur du quartier, est souvent le fait de personnes extérieures à la Goutte d’Or qui profitent d’un certain laxisme des forces de police, ce qui exaspère les habitants.
Des enfants jouent au «contrôle de po-
lice»
Les jeunes du quartier subissent des contrôles de police régulièrement, et ces derniers font partie intégrante de la vie quotidienne.
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La Goutte d’Or apparaît comme un quartier bouc-émissaire dont chaque ville a besoin pour son fonctionnement social, afin de donner un nom à ses peurs et de les cantonner dans un lieu précis.
Le multiculturalisme en question La polémique récente à propos de l’occupation de la voie publique par les fidèles des mosquées sous-dimensionnées de la Goutte d’Or montre la difficulté de la cohabitation de différentes cultures sur un même territoire. Accusés d’entrave à la circulation et de non-respect de la laïcité, les fidèles sont aussi montrés du doigt quand il s’agit de se construire de nouveaux lieux de culte adaptés, car financés en partie avec de l’argent public (mais c’est le cas pour la plupart des équipements publics) mais aussi et surtout parce qu’ils ne sont pas considérés comme compatibles avec les traditions judéo-chrétiennes françaises. La cristallisation autour de cette question et l’extrême visibilité de la population musulmane du quartier qui en découle (alors que la population française dite de souche y reste finalement majoritaire avec environ 55% de la population totale) ont fait du quartier le symbole du choc des civilisations prédit par Samuel Huntington1.
1 On pense à la manifestation avortée «apéro saucisson-pinard» qui devait se tenir rue Myrrha, une provocation assez peu subtile qui montre l’enjeu que représente le quartier pour certains identitaires.
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Interview d’un jeune de la Goutte d’Or extrait de Saga-cités du 05/10/96, France 3 Mehdi : c’est chaud parce qu’il y a du monde quoi. Quand les immigrés ils se retrouvent ensemble, ça fait boum. Journaliste : Pour vous les enfants, vous vivez ça comment ? M : On vit ça bien parce qu’on a grandi ici, c’est normal. Depuis tout petit ça se passe comme ça, c’est une habitude. J : Il n’y a pas de violence, pour vous ? M : Non, il n’y a pas de violence, c’est nous qui faisons la violence, c’est normal, il n’y a pas de violence vis-à-vis de nous. J : Comment tu «fais» la violence ? M : On marque notre quartier, c’est tout. Il n’y a pas n’importe qui qui vient ici et qui fout sa merde. J : Par exemple, quand il y a des drogués, des dealers d’autres quartiers, qu’est-ce que vous faites? M : On les tape, ils sortent plus du quartier (rires). Des fois on se regroupe, on les shoote tous. J : Comment tu expliques qu’ils sont toujours là alors? M : C’est à cause de la police ça ! Ils font pas leur boulot. Les mecs ils viennent des banlieues ils ramènent la came jusqu’ici. Ils salissent le quartier. C’est normal après que le quartier soit mal vu. La police fait pas son boulot. Au lieu de s’occuper des camés, des drogués, des dealers tout ça, ils viennent ils s’occupent des petits, ils leur prennent la tête. Ils leur mettent des amendes parce qu’ils roulent sans casque, au lieu de s’occuper des vraies affaires. Il n’y a pas de police ici. Ils ont mis un comissariat, il sert à rien du tout, il prend de la place pour rien. (...) M : Déjà, moi je vous dis, ici c’est mieux que la banlieue. La banlieue ils sont tous dans des HLM, ils sont tous en train de crier dans les cités là, avec plein de problèmes. On préfère être dans la ville, nous on est dans la ville, il y a du monde, quoi.
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Autoreprésentation La dévaluation constante que subit le quartier pousse la population à se créer elle-même une représentation. La force de la médiatisation étant tenue pour responsable, en grande partie, de la ségrégation de la Goutte d’or, l’image acquiert dans ce contexte une valeur ajoutée ; c’est alors une réhabilitation du quartier par l’image qui est en jeu.
Associations de quartier : de la défense à la promotion Le tissu associatif très actif de la Goutte d’Or s’est révélé être un contre-pouvoir majeur dans l’opération de rénovation Goutte d’Or-Sud en 1983. Dans ce contexte d’urgence, les associations se sont d’abord focalisées sur la sauvegarde d’une vie locale considérée comme exceptionnelle dans un quartier défavorisé. Il existe un rejet très fort de leur part des «banlieues anonymes» qui ont engendré l’acculturation et l’isolement des classes populaires exclues des centre-villes, et les associations font tout pour éviter la relocalisation des familles du quartier dans des logements en banlieue, qui seraient certes plus spacieux et confortables, mais où la rupture avec leur communauté de familles souvent déracinées ne feraient que rendre le processus d’intégration encore plus difficile. Cette première étape a fédéré les bonnes volontés de la Goutte d’Or qui tiennent à maintenir et encourager l’activité culturelle du quartier. De nombreuses initiatives ont été prises, qui ont fait passer peu à peu le quartier de la rubrique des faits divers aux pages culturelles et qui ont amené une population parisienne jusqu’alors peu susceptible de s’y aventurer à s’intéresser à la Goutte d’Or. La vie culturelle foisonnante du quartier a connu une sorte de paroxysme avec l’édition 2006 de la Nuit Blanche, qui s’est déroulé en partie à la Goutte d’Or. Cet événement a projeté, le temps d’une nuit, un nouveau visage sur le quartier en en faisant le lieu d’exposition d’un événement artistique au rayonnement européen, voire mondial. Cet événement médiatique a effectivement « ouvert » la Goutte d’or à des visiteurs parisiens peu ou pas familiers du quartier, qui n’auraient jamais imaginé y mettre les pieds la nuit. L’attention de ces spectateurs était étrangement partagée entre les œuvres d’art exposées et la population locale et, inversement, les habitants semblaient plus intrigués par l’occupation massive de l’espace public du quartier par une population inhabituelle que par les interventions artistiques.
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Appel des cent de la Goutte d’Or, 1983
Quelques événements montrant la dynamique associative de la Goutte d’Or : -Portes d’Or : portes ouvertes d’ateliers d’artistes à la Goutte d’Or -Cross de la Goutte d’Or : course à pied traversant le quartier -Jardin Mobile : une dent creuse entre la rue Polonceau et la rue Richomme en attente de reconstruction reconvertie en potager et espace de jeu. -Resto éphémère : découverte culinaire à petit prix
Cross de la Goutte d’Or
Portail du Jardin Mobile
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Le rap : une fenêtre ouverte sur le quartier Vers le milieu des années 90, lors de l’apogée du rap français, quand certains albums atteignaient le million d’exemplaires vendus, le hip hop a constitué l’expression culturelle majeure du quartier à destination du très grand public. Le collectif de la Scred connexion a par exemple toujours revendiqué son appartenance à Barbès, dans une démarche de représentation et de compétition traditionnellement très forte dans le milieu du rap, où l’on doit vanter ses mérites de rappeur et les mérites de son quartier. Dans viens faire un tour à Barbès, le groupe nous offre par exemple une visite éclair du quartier évoquant l’atmosphère inquiétante mais tout de même chaleureuse des boulevards :
(...) Rues mal éclairées, les lumières des réverbères donnent vie à la nuit comme les violons d’une musique berbère. Eté comme hiver, les anciens jouent aux dominos pendant que les minots jouent aux plus beaux abdominaux. Barbès Paris c’est un peu le quartier à part, où t’auras l’impression de faire le Paris Alger Dakar, mais malgré ce qu’on dit sur ce triste décor, béton et ciment n’empêchent pas la beauté d’éclore. (...) Barbès, ce n’est pas moi qui ai bâti son métro aérien et ses magasins Tati. Barbès, c’est ici que j’ai grandi parmi les clandestins, les bandits et ceux qui mendient. Barbès, son boulevard et ses bazars, ses rues bizarres où faut pas s’retrouver par hasard. Mais le morceau qui ancrera l’arrondissement dans l’imaginaire des amateurs de rap français, c’est Dans ma rue de Doc Gyneco1, qui échappe au misérabilisme pour offrir une galerie de portraits baroques esquissés sur un mode proche de la satire : il évoque l’épicier malhonnête, le vendeur de kebabs empoisonnés, la «crasse qui colle à tes pieds sur le trottoir comme de la glue», mais conclue par un «À chacun sa banlieue, la mienne, je l’aime, et elle s’appelle le 18ème.» Le terme banlieue peut surprendre concernant un quartier parisien, mais il rappelle que la Chapelle et la Goutte d’Or représentent des enclaves dans la ville. Le lien du quartier avec le hip hop est plus fort que partout ailleurs en France car il a constitué la porte d’entrée de cette culture dans le pays lors d’un épisode mémorable d’appropriation d’un espace délaissé.
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Tiré de l’album Première Consultation (1996), succès phénoménal certifié disque de platine
Les pochettes des disques de la Scred Connexion montrent le lien qu’entretient le groupe avec le quartier, symbolisé ici par le métro aérien, qui apparaît comme l’image la plus marquante de la Goutte d’Or.
L’illustration accompagnant le morceau Viens faire un tour à Barbès est intéressante car on y ressent la triple identité du quartier : parisienne avec la plaque de rue, orientale avec le motif de moucharabieh et ouvrière et industrielle avec le grillage déchiqueté.
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Le terrain vague de la Chapelle, un mythe fondateur En 1986, le hip hop est considéré comme une mode dépassée en France. Le mouvement a connu son heure de gloire avec l’émission H.I.P H.O.P. de Sidney sur TF1 en 1984 et la sortie de quelques disques, mais n’est plus soutenue que par le milieu du graffiti parisien, qui est resté très actif. Un des lieux emblématiques du graffiti de l’époque est le terrain vague de la Chapelle, idéalement placé car visible depuis le métro aérien1. C’est dans ce contexte que sont organisées les premières block parties françaises, mais c’est encore les acteurs de ces événements qui en parlent le mieux :
«Avec un copain, on décide d’organiser des free jams dans le terrain vague à côté du métro La Chapelle. C’était là que Bando et les graffeurs de l’époque venaient peindre sur les murs. Avec le métro aérien on se croyait à New York. Mon pote apporte ses enceintes, je trouve un loueur de groupe électrogène, ça coûtait cent trente balles pour la journée. J’amène avec le scooter les platines, les disques et j’installe tout ça dans le terrain vague. La première, c’était un samedi après-midi. Les gens étaient au courant par Radio 7. C’était deux francs l’entrée. c’était dans une ancienne usine, il y avait encore du carrelage et on avait nettoyé pour que les danseurs puissent breaker dessus. [...] Au début, c’était entre nous, les habitués du terrain vague. C’étaient tous les mecs des cités qui étaient là, qui écoutaient du rap, qui étaient dedans. Ça m’a rassuré. Il y avait des mecs qui faisaient des graffitis, des breakers qui s’entraînaient et ça faisait plaisir à tout le monde. Et puis de samedi en samedi, ça arrivait, ça arrivait. Il y avait deux cents à trois cents personnes dans le terrain et les flics ont commencé à se poser des questions. On a fait ça d’août à novembre 86. Il y en a eu une dizaine, après ça commençait à cailler. Au printemps, j’ai essayé de reprendre le terrain vague et on a eu un gros problème, ils avaient changé le commissaire. Des cars de flics sont arrivés et ont encerclé le terrain, tout le monde est parti en courant.»2
Dee nasty, DJ organisateur
1 La recherche du meilleur emplacement pour un graffiti est en effet assimilable à du placement de publicités, les rames de métro et les abords du métro ont donc été des supports privilégiés car visibles par une foule de personnes et représentatifs de la ville en mouvement. 2 José-Louis Bocquet, Philippe Pierre-Adolphe, Rap ta France. Les rappeurs français prennent la parole, J’ai Lu 1997
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Des graffeurs franchissent le mur séparant le terrain du boulevard de la Chapelle.
DJ Jo aux platines sur un support improvisé avec les débris trouvés sur place. On voit Dee Nasty en arrière-plan.
Les block parties de la Chapelle sont l’occasion pour les danseurs de s’entraîner, de se confronter et de se produire devant un public
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«Moi j’aimais bien le terrain parce qu’il y avait le côté organique, ces arbustes qui poussaient tout le temps, on avait beau les couper ils repoussaient tout le temps, et c’était cool quoi ! Et quand il pleuvait il y avait cette odeur de bombe rouillée par terre, et le graff par rapport à ce milieu organique et déchiqueté en même temps, c’était fantastique, il y avait une bonne énergie. Enfin bref, on a créé un espace, c’était un espace d’art pour moi, c’était même pas un terrain vague, c’était une galerie en plein air.»1
Lokiss, graffeur membre des BBC
«Pour moi le terrain de La Chapelle c’était la Mecque, un mythe fondateur, tout réside dans le souvenir, la saveur et l’odeur de la bonne vieille Altona, Belton, Krylon2 et compagnie.»3 Secret, graffeur membre des CP5
Les block parties du terrain vague nous éclairent sur la possibilité de faire la fête autrement, sur la pertinence d’une approche pluridisciplinaire et sur l’importance de l’autoreprésentation pour les acteurs de la vie festive et musicale. Elles montrent également à quel point le quartier semble être un choix judicieux pour implanter un bâtiment reprenant ces caractéristiques, car il serait plus qu’ailleurs susceptible d’être soutenu par la population locale.
1 Marc-Aurèle Vecchione, Writers, 20 ans de graffiti à Paris, Résistance films, 2004 2 marques de bombes de peinture utilisées par les graffeurs dans les années 80 3 blog de Secret, cp5crew.wordpress.com
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Graffitis sur le mur séparant le boulevard du terrain vague entre 1984 et 1986
Graffiti de Ash
Graffiti de Jay
Graffiti de Skki
Graffiti «STALINGRAD» de Scipion L’attachement des graffeurs au terrain est très fort, ce n’est pas juste un terrain vague anonyme mais un lieu dans lequel les artistes se reconnaissent et s’investissent.
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le mĂŠtro aĂŠrien 54
Dans le quartier extrêmement dense de la Goutte d’Or se pose la question du site précis pouvant accueillir un nouvel équipement. Le projet de rénovation a préconisé la destruction de nombreux immeubles d’habitation afin de créer les équipements publics qui faisaient cruellement défaut au quartier, dans un certain contexte «d’urgence». Il me semble aujourd’hui plus approprié de se glisser dans les interstices insoupçonnés de la ville, de l’espace disponible qui parfois est sous nos yeux mais que l’on considère comme inexploitable. L’espace sous le viaduc du métro aérien me semble procéder de cette logique : accueillant le marché de Barbès deux matinées par semaine, il reste inexploité et indéfini le reste du temps et possède un formidable potentiel d’appropriation au coeur de la Goutte d’Or. La structure métallique et le mouvement mécanique caractérisant le viaduc correspondent symboliquement à une musique «tramée», où une grille de base s’étoffe peu à peu d’éléments rythmiques ou mélodiques. L’infrastructure du métro aérien est également l’expression d’un certain âge d’or industriel, ce qui rappelle le contexte des villes dans lesquelles s’est le plus épanoui la musique électronique, des villes marquées par l’industrie et son déclin : Detroit, Chicago, Berlin ou Manchester...
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Genèse du métro parisien Le 22 novembre 1895, le gouvernement concède à la Ville de Paris l’autorisation de construire un réseau de chemin de fer métropolitain urbain d’intérêt local. Cette mesure frappée du sceau du bon sens met fin à douze ans de conflits entre l’Etat et la Ville. Elle donne enfin le cadre institutionnel permettant à la Ville de Paris d’ouvrir au public le 19 juillet 1900 la première ligne de métro, 37 ans après Londres (1863), 32 ans après New York (1868), quelques années après Chicago (1892), Budapest (1896) ou Glasgow (1897). Dès le début du XIXème siècle, face à l’augmentation de la circulation dans une ville en forte expansion démographique, industrielle et commerciale, l’organisation des transports publics occupe une place primordiale dans les décisions à prendre. Alors que plus personne ne conteste l’utilité d’un métropolitain, le retard s’accumule. Le conflit est d’ordre politique car l’objectif du gouvernement, soutenu dans cette action par les compagnies de chemin de fer, consiste à relier les gares existantes par un réseau à grand gabarit. Les trains pourraient alors pénétrer dans Paris en évitant les coûteuses ruptures de charges. En revanche le Conseil Municipal, soucieux d’offrir aux voyageurs une desserte rapide et dense de tous les quartiers parisiens, préconise un système léger, à petit gabarit, incompatible avec le réseau ferré des grandes lignes. Le gouvernement et les conseils généraux de province refusent de financer un projet qui ne profitera qu’aux parisiens. Ce conflit Ville - Etat ne prend fin qu’en 1895. Conséquence heureuse mais fortuite, pendant que la capitale française prenait du retard vis-à-vis des métropoles européennes ou américaines la traction électrique est devenue compétitive. Quand, après tant d’années de discussion, la loi du 30 mars 1898 vient déclarer «d’utilité publique, à titre d’intérêt local, l’établissement d’un che-
min de fer métropolitain à traction électrique, destiné au transport des voyageurs et de leurs bagages à main», le débat entre métro aérien et métro souterrain est tranché en faveur du second système. L’avant-projet du métropolitain parisien fut dessiné en 1896 par Edmond Huet, successeur d’Alphand comme directeur des travaux et Fulgence Bienvenüe, ingénieur en chef. Le programme devait «suppléer à l’insuffisance
des moyens de transport du Paris actuel et mettre en valeur les quartiers éloignés et les moins peuplés de la capitale.»
Hygiénisme aérien contre pestilences souterraines A Paris, la solution souterraine est préconisée pour l’ensemble du réseau du métropolitain. Le tracé aérien est exceptionnel, il n’a été adopté que pour quelques parties des lignes périphériques. Pourtant, lors du lancement du projet pour le métropolitain parisien, nombreux sont les partisans du métro aérien, pour le défendre chacun y va de son anecdote et de sa description caricaturale du souterrain. En particulier en ce siècle de «miasmes et de révolution pasteurienne», les critiques du métro souterrain
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Caricatures de Robida parues dans «La Caricature» du 19 juin 1886
Le métro grande roue. Projet pour la ligne des boulevards.
L’Opéra transformé en gare centrale.
«Garnier avait prévu le métropolitain. L’emplacement central du Paris moderne, c’est le nouvel Opéra, aussi a-t-il d’avance tout arrangé sur le sommet de son bâtiment pour que la station centrale de chemin de fer métropolitain puisse s’y établir. Il n’y a qu’à enlever le grand couvercle de la marmite qui surmonte la façade et l’on a une gare en terrasse commode et artistique. Non, le métropolitain ne peut nuire à nos monuments, avec quelques légères modifications on pourra toujours harmoniser les lignes architecturales et les lignes ferrées.»
«Grand changement dans les habitudes, il va falloir prendre des leçons de zingueur plombier pour s’habituer à circuler sur les toits.»
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abusent de la sensibilité du public à l’égard des questions d’hygiène. Tous les adeptes du métro aérien s’accordent sur la description «d’escaliers glissants qui conduisent à des tunnels humides et suintants». Julien Hersant, auteur d’un projet de métro aérien, s’adresse ainsi à la population : «Parisiens et Parisiennes, mes amis, laissons les égouts
aux rats et aux immondices et montons vers la lumière.» «Et l’exemple londonien !» objectent les défenseurs du réseau souterrain contre ces divagations. Le souterrain ne gêne pas les Londoniens, car «on sait qu’à Londres, les beaux jours sans être rares ne sont pas des plus fréquents» répondent sans hési-
ter L. Panafieu et E.Fabre, coauteurs d’un Chemin de fer métropolitain de Paris. Tous reprennent en choeur cette irréfutable analyse climatologique qu’ils étayent souvent d’une analyse quasi anthropologique du Parisen. De Jules Garnier à Charles Tellier, sans oublier Arsène Olivier de Landreville ou Gustave Pereire, chacun s’accorde à définir le Parisien comme un être épris de liberté, créateur, industrieux, avide d’air et de lumière, en résumé : totalement inapte au souterrain. André Ivanoff Krohn a la délicatesse de penser aux femmes, ne pouvant imaginer «quelle figure feraient nos Parisiennes, tou-
jours si fraîches et si pimpantes, en sortant de cet enfer».
Si, avec le recul que nous autorise le temps, nous comprenons difficilement cette frayeur -sincère ou entretenue-, par contre, le plaisir du voyage et de la découverte aérienne de Paris, demeure encore de nos jours un argument de poids en faveur du métro aérien. Tous les tenants de cette solution décrivent leur métropolitain comme une invitation au voyage. Julien Hersant et Arsène Olivier de Landreville entraînent les Parisiens à trente mètres au-dessus du sol d’où ils s’offrent «le spectacle unique au
monde de la grande ville passant sous leurs yeux».
La perspective de ce parcours à travers Paris ravit les futurs voyageurs, mais ils frémissent à l’idée de voir la capitale transpercée de part en part. Deux positions contradictoires partagent alors les auteurs de projets aériens : soit les lignes empruntent de nouvelles voies ouvertes à cet effet ; soit le réseau ferré urbain respecte et utilise le tracé des rues déjà existantes, quitte à achever certaines percées haussmanniennes.
La solution brutale Une catégorie de solutions proposées consiste à ouvrir de nouvelles voies réservées au métro afin de préserver la pureté des perspectives haussmanniennes réalisées quelques décennies auparavant. Les ingénieurs (parfois auto-proclamés) rivalisent de trouvailles plus ou moins heureuses afin d’ouvrir un passage au métro dans le tissu bâti de la ville la plus dense du monde. Le viaduc du projet Dupuis, Nibart et Jarraihlon transperce les maisons au niveau du premier étage, traversant indifféremment les immeubles, les cours, les boulevards. Louis Heuzé comptait percer par expropriation des voies nouvelles larges de treize mètres, le rez-de-chaussée devant servir de passage pour les piétons et la voie ferrée à hauteur d’un premier étage. On obtient par cette disposition de voies superposées dans un percement de treize mètres autant de circulation que sur un boulevard
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traversée d’un boulevard projet Dupuis, Nibart et Jaraillhon
passage du viaduc dans des voies larges de treize mètres créées pour l’occasion projet de Louis Heuzé
croisement d’une nouvelle voie et d’un axe de circulation existant projet de Louis Heuzé
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de trente mètres. Louis Heuzé justifie ce calcul compliqué de deux façons : financièrement, les expropriations relanceraient le bâtiment et l’installation de boutiques sous le viaduc compenserait les coûts de construction ; deuxièmement, d’un point de vue esthétique, l’emprise sur les avenues existantes serait très faible... Paul Haag propose une grande opération de voirie dotant Paris, à la fois d’un chemin de fer et d’une large et spacieuse voie nouvelle. Il respecte donc les grands boulevards de la capitale sans hésiter à relier les grandes gares de chemin de fer au moyen d’une nouvelle artère centrale à quatre voies... Paul Haag, comme avant lui Louis Heuzé, compte tirer de sa nouvelle artère un bénéfice financier, en la transformant en “véritable boulevard du commerce et de l’industrie bordé de boutiques. Ces projets, élaborés au nom de la protection de Paris, se moquent finalement de toute continuité avec la structure urbaine existante. Plus soucieux de vendre des boutiques que de décorer des viaducs ou d’embellir la ville, leur doctrine urbanistique s’apparente au vandalisme.
La solution douce Une volonté moins martiale se dégage d’autres projets qui préconisent de créer les viaducs du métropolitain dans des boulevards existants, profitant ainsi des proportions généreuses des boulevards et avenues modernes. Les auteurs de ces projets tiennent un discours plus fourni sur l’intégration à l’environnement et ont à coeur de définir où implanter les voies pour qu’elles ne gênent pas la circulation et ne défigurent pas l’architecture parisenne. J. Chrétien propose d’occuper l’axe de la chaussée avec un viaduc métallique installé sur des colonnes uniques et centrales dont l’emprise ne perturberait pas le trafic des voitures. Charles Tellier imagine un viaduc au-dessus des eaux du fleuve : sur toute la longueur de la Seine, dans son axe, et dans toute la traversée de Paris, serait établie, audessus des ponts, une quadruple voie ferrée. Julien Hersant et Olivier de Landreville proposent des ouvrages filant au-dessus de la partie postérieure des toits. Le problème principal de ce type d’interventions est l’étroitesse de certaines rues à desservir, qui ne permettent pas le passage d’un viaduc à deux voies et la création de station en hauteur. Pour y rémedier, Jules Garnier ou les frères Milinaire présentent des systèmes de voies uniques superposées, un principe simple et efficace, mais qui crée une barrière visuelle plus importante. Les candidats à la construction du métropolitain privilégient la solution aérienne qui leur apparaît moins coûteuse et plus facile à mettre en oeuvre que le métro souterrain. Les considérations hygiéniques ou esthétiques ne constituent en réalité que
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projet de J. ChrĂŠtien
projet des frères Millinaire
ligne subfluviale traversant Paris, projet de C. Tellier
vue du viaduc sur un boulevard, projet de J. Garnier
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l’emballage d’un discours destiné à convaincre le grand public. La faiblesse des propositions étonne quand on considère la qualité des ingénieurs du XIXème siècle, mais s’explique par le fantastique attrait financier que représentera ce projet pendant un demi siècle. Cette poule aux oeufs d’or attire une multitude de candidats incompétents, si bien que les quelques projets de qualité, tels le souterrain de Berlier, ou le projet mixte d’Eiffel se noyèrent dans la masse. Ce manque de sérieux fut probablement, à côté des causes historiques, politiques et techniques évoquées plus haut, un facteur aggravant dans le retard qu’accumula Paris pour se doter d’un chemin de fer urbain. La presse de l’époque a bien perçu cette tentative d’esbrouffe de la part d’ingénieurs à la solde des compagnies de chemin de fer et certains caricaturistes ont croqué avec dérision la folie des grandeurs et l’incongruité qui caractérise ces projets de métro aérien.
Solution retenue La solution du tout aérien n’est pas recevable. De nombreux projets retiennent un réseau mixte, essentiellement souterrain, mais aérien dès que le sous-sol exclut le tunnel, ou que l’environnement permet la construction d’un viaduc. La société des Etablissements Eiffel, refusant la théorie “solutionniste” du tout aérien ou du tout souterrain, retient une forte proportion de souterrain, ajoutant que “sorti du coeur de Paris, il faudra que le métropolitain devienne aussi aérien que possible”. A la fin du XIXème siècle, les limites de Paris, officiellement situées le long des fortifications, se trouvent en réalité un peu en retrait sur les boulevards de l’ancienne ceinture des Fermiers généraux : précisément là où aujourd’hui encore passent les deux lignes aériennes du métropolitain parisien. Le métro aérien reste limité, ne représentant que 5,70% du réseau, soit 9,5 km sur 170 (sans compter les prolongements en banlieue). Il est remarquable que cette section relativement courte soit à ce point ancrée dans l’image et l’imaginaire de Paris. Le parcours de la ligne circulaire correspond aux limites de Paris de 1789 : un certain nombre de stations se situent aux portes où Ledoux avait édifié ses barrières d’octroi. Cette coïncidence est évidente à la rotonde de la Villette que le viaduc du métro affleure. Suivant l’ancienne enceinte des fermiers généraux, cette ligne dessert des faubourgs et des quartiers, parfois à peine lotis dans le XIIIème arrondissement, ou très industrialisés ; aussi le métro n’eut-il pas à se cacher, il put se faire aérien. Dans les quartiers populaires et déjà caractérisés par un paysage fonctionnel : gares (côté voies, triages, hangars... et non côté façade monumentale), entrepôts, hôpitaux, qui offraient une topographie favorable et des boulevards suffisamment larges, le métro vint s’insérer sans heurt, ce contexte étant jugé indigne d’être préservé. Le métro aérien est donc lié à ce qui paraissait encore les confins de Paris.
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Construction du métro aérien : (de haut en bas et de gauche à droite) -pose d’une travée classique de 22,5 m boulevard de La Chapelle, 29 août 1901 -montage de la travée de 75 m au-dessus des voies de la Gare de l’Est, 2 octobre 1902. -mise en place des colonnes en fonte place de Stalingrad, date inconnue -support de la station de Suffren (aujourd’hui Sèvres-Lecourbe), 18 avril 1903 -travée ajourée en attente de la pose des voûtes en brique, du ballast et des rails, boulevard de la Gare, date inconnue -rivetage d’une travée de franchissement d’un boulevard, date inconnue
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Système constructif Le système constructif adopté pour le métro aérien est simple, d’une technique parfaitement maîtrisée. Les travaux et les solutions sont bien moins spectaculaires que ceux du métro souterrain. Les viaducs étaient posés par travées : soit des colonnes de fonte supportant deux fermes dont une extrémité est fixe et l’autre posée sur des rouleaux permettant la dilatation, soit des pylônes de pierre. L’alterance des unes et des autres tient à la longueur des portées et à la hauteur des voies par rapport au sol. Pour les stations, colonnes et pylônes sont associés. La base des colonnes est enterrée, plus ou moins selon la pente. Selon un principe traditionnel, sur ces supports reposent deux poutres de rive à treillis en N portant le tablier à leur partie inférieure, rectiligne. La semelle supérieure est parabolique. La longueur des travées varie du type courant de 22,5 m à des travées de 48 ou 75 m conçues pour franchir des carrefours et des voies de chemin de fer. Au débouché du viaduc d’Austerlitz, les ingénieurs dessinèrent des travées spéciales, hélicoïdales.
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éléments structurels :
rails
poutres de rive
ballast
rotules pylones en maçonnerie colonnes en fonte
Qualités de la structure : -absorption des vibrations -réduction des nuisances sonores -les supports organisent l’espace public au niveau du sol
travée de base de 22,5 m
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La crue centennale à Paris Une polémique éclata à propos de la « responsabilité « du Métro dans les effets de la crue de 1910. S’il est vrai que l’eau se précipita dans les tunnels du Métro, en particulier sur la future ligne A du Nord-Sud alors en construction, il n’en reste pas moins que, même sans le Métro, l’inondation aurait quand même atteint ces quartiers, ne serait-ce que par les égouts. Tout au plus le Métro a-t-il précipité les choses, sans pour autant les aggraver.
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Le métro aérien dans l’imaginaire parisien Le métro aérien parisien s’est installé sur les boulevards et on retrouve par conséquent beaucoup de l’esprit boulevardier dans les représentations artistiques du métro aérien. Le boulevard est associé à la flânerie et au divertissement dans l’histoire de Paris, avec l’apparition du cinéma et des grands magasins, mais a aussi une certaine connotation «canaille», avec tout ce que cela implique de petits trafics, de faune interlope, de gouaille et d’argot parisien. Cette représentation a naturellement donné lieu à de nombreux polars qui profitent du décor exceptionnel que fournit le métro aérien : Rouge est ma couleur de Marc Villard, ou Le marabout de Barbès, de Sergueï Dounovetz, entre autres. Le premier volume des Hommes de bonne volonté, série-fleuve de romans de Jules Romains, s’ouvre sur une présentation du Paris du début du siècle, et s’attarde également sur le métro aérien et son aura équivoque : «Carrefour Barbès. Le boulevard de la Chapelle. Wazemmes marche sous le via-
duc du métro. Les gros pilastres, puis les colonnes de fonte. Les colonnes grandissent. Devant les pas du grand homme encore vierge, un énorme temple hypostyle s’allonge, dont les ténèbres sont attaquées de biais par de petits réverbères vicieux. Un train de métro gronde au-dessus. Un train du Nord gronde et siffle au-dessous perpendiculairement. Dans l’ombre des colonnes, les putains assurent la veille de l’amour charnel.»1 Mais c’est au cinéma, évidemment plus visuel, que l’image du métro aérien sera définitivement associée à la débrouillardise et aux marges de la légalité : des films comme Les portes de la nuit de Marcel Carné (1946), Tchao Pantin de Claude Berri(1983) ou Les Ripoux de Claude Zidi(1984) s’attardent sur la vie parallèle de Barbès, un quartier à part dans la capitale, qui vit selon ses propres codes. Le décor des Portes de la nuit, réalisé par Alexandre Trauner, décorateur de prédilection de la bande à Prévert, dont ce dernier disait que ses architectures imaginaires étaient des «rêves de platras, de lumière et de vent» est particulièrement intéressant. La station aérienne de Barbès-Rochechouart est entièrement recréée dans les studios de cinéma de Joinville-le-pont, mais dans une version légèrement altérée, avec des contrastes puissants et des jeux de lumière amplifiant la dramatisation du lieu.
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Jules Romains, Le six octobre, Présentation de Paris à cinq heures du soir, 1932
Station de Barbès-Rochechouart reconstituée en studio par Alexandre Trauner pour Les portes de la nuit de Marcel Carné
Affiche de Tchao Pantin de Claude Berri. La photo est prise depuis la rue de Chartres, on aperçoit le viaduc du métro, dont une des grandes travées surplombant les voies de la Gare du Nord. On ne peut s’empêcher de remarquer la place importante qu’occupe l’automobile dans la Goutte d’Or à l’époque, place qui a été très nettement revue à la baisse. Le film s’attarde sur le milieu des trafiquants du quartier, qui se révèlent n’être que des intermédiaires, le grossiste qui les fournit habitant dans les beaux quartiers de Paris.
Affiche des Ripoux de Claude Zidi. L’affiche évoque sur un ton plus burlesque le quartier, dont on reconnaît directement les caractéristiques : mélange d’immeubles de rapport et de maisons de ville formant un skyline chaotique, immeuble d’angle, le tout surplombé par le Sacré Coeur, sans oublier bien sûr la saleté omniprésente. Le film expose le quotidien de policiers corrompus, le quartier se présentant ici comme l’archétype du lieu à part fonctionnant avec ses propres lois.
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Le métro aérien, objet architectural Le viaduc comme support La trame structurelle régulière, avec un pylone en maçonnerie toutes les quatre travées, peut devenir le support d’éléments programmatiques. Cette trame est similaire à la construction d’un morceau de musique électronique, d’abord grille rythmique à quatre temps, où des éléments mélodiques ou des modulations viennent se greffer au fur et à mesure de la progression du morceau.
Parcours De Jaurès à Barbès, le métro aérien du nord de Paris nous entraîne sur une limite complexe, tantôt ligne de rupture ou de “couture”, succession de points d’opposition et de convergence. Les fenêtres des wagons cadrent des vues en mouvement sur le quartier : le métro aérien est caractéristique de son époque, qui voit changer la définition de la ville : auparavant immobile et définie par ses ramparts, elle sera désormais en mouvement perpétuel et définie par ses voies de circulation. J’ai eu la chance de pouvoir monter en cabine avec le conducteur du métro, ce qui m’a permis de faire des photos du parcours et m’a conforté dans mon idée de multiplier les points de vue sur les voies, que l’on aperçoit uniquement depuis les quais ou depuis les bâtiments adjacents (donc depuis des appartements privés, pour la plupart des vues). Cette facette du viaduc, que l’on devine par intermittence, pourrait être mise en valeur avec une structure surplombant les voies, un pont au-dessus d’un fleuve de métal.
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trame structurelle du viaduc : pylônes en maçonnerie et colonnes en fonte
la trame est régulière et rythmée : un pylône en maçonnerie succède à trois colonnes en fonte.
en superposant ce rythme quaternaire et une grille d’un logiciel de production musicale, on voit se dessiner le parallèle entre la structure du viaduc et une structure musicale.
Dans un morceau de musique électronique, les événements interviennent tous les quatre temps (ou multiples de quatre)
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rotonde de la villette La place du colonel Fabien, à deux pas du siège du Parti Communiste, célèbre le retour à la lumière du métro de la ligne 2. Très vite, le viaduc métallique vient s’enrouler autour de la rotonde de la Villette, un des derniers vestiges de l’enceinte des Fermiers Généraux, dans un mariage impossible entre l’auguste immobilité de la pierre et la versatilité du métal.
place Stalingrad Sur la place Stalingrad, le métro aérien connaît une séquence unique : il surplombe la chaussée, qui est plus large que le terre-plein habituel, ce qui engendre des dispositifs techniques particuliers, comme cette poutre métallique qui enjambe les voitures pour rejoindre une pile en maçonnerie de l’autre côté des voies.
station Stalingrad - sous-face Sous la station Stalingrad, un des derniers parkings sauvages du tronçon aérien de la ligne 2. En effet, cette pratique a fini par disparaître ces dix dernières années avec la prise de conscience progressive de la Ville du potentiel du terre-plein en matière d’équipements.
station Stalingrad - entrée L’’entrée de la station Stalingrad est particulière : l’emplacement des escaliers lui donne un aspect monumental que n’ont pas les entrées des autres stations, beaucoup plus aérées. La structure du viaduc apparaît comme une trame qui se remplit plus ou moins de matière, parfois laissée libre, parfois entièrement investie, comme ici.
traversée des voies - Gare de l’Est Cette première traversée de voies accueille un terrain de sport. Les locaux de la poste à deux pas sont construits sur le mythique terrain vague de la Chapelle où s’est fédéré le milieu du hip hop parisien au début des années 80 lors de fêtes mémorables. C’est donc cette travée que l’on voit dépasser du mur dans les quelques photos témoignant de ces événements.
centre d’animation de La Chapelle Ce bâtiment est la seule véritable construction s’insérant sous le viaduc de la ligne 2, et c’est peu dire qu’elle choque par son extrême indigence. Ce sinistre bunker en béton est supposé accueillir des activités, des animations et des spectacles mais je n’ai jamais vu personne y entrer ni en sortir, et les volets et les portes en sont toujours fermés.
La Chapelle - déchetterie Cette déchetterie, et le centre d’animation que l’on vient d’évoquer, sont assez représentatifs de l’intérêt très modéré qu’ont pu avoir les autorités pour le quartier de la Chapelle, encore moins considéré que Barbès. Cette séquence présente pourtant beaucoup d’intérêt, surtout pour ses jeux de hauteur.
traversée des voies - Gare du Nord Cette seconde traversée est impressionnante. Elle offre des échappées visuelles exceptionnelles sur ce qui apparaît comme un fleuve de métal. Le terre-plein n’est pas du tout aménagé et plusieurs SDF s’y sont installés pour dormir.
Goutte d’Or - Rue de Fleury Au niveau de la Goutte d’Or, le viaduc connaît une longue séquence rectiligne sans aménagement en raison du marché de Barbès, qui se tient sur le terre-plein central tous les mercredis et samedis. Au sud, se déploie le très long mur délimitant l’hôpital Lariboisière. Au Nord, la minuscule rue de Fleury représente l’entrée dans le quartier de la Goutte d’Or.
station Barbès-Rochechouart La station de Barbès est le point central de ce tronçon aérien, un lieu très fréquenté toujours vibrant d’activité, le point de chute des banlieusards qui viennent à Barbès de toute l’ïle-de-France.
Magasins Tati Alors que le viaduc amorce peu à peu son retour au souterrain, il passe devant l’incontournable magasin Tati, autre emblème du quartier avec le métro aérien, et qui a donné sa forme aux commerces de Barbès, avec son absence de vitrines et sa profusion de marchandises exposées dans des présentoirs dans la rue.
frontière souterrain-aérien C’est entre Barbès et Anvers que s’achève le parcours que nous offre le métro aérien. Ces quelques stations ont une saveur d’invitation au voyage, les yeux rivés à la fenêtre, chaque trajet sur ce tronçon est l’occasion de déceler un détail qui nous avait échappé, de découvrir une perspective sur la Butte Montmartre à l’occasion d’un décrochage dans la ligne des toits, ou tout simplement de profiter de la lumière naturelle entre deux tunnels de néons blafards.
Métros aériens dans le monde : exemples d’aménagements Yamanote - Tokyo L’abri que forme la ligne aérienne du Yamanote (ligne circulaire délimitant l’hyper-centre de Tokyo) a été progressivement investi de commerces dans le quartier dense et très commerçant de Ameya Yokocho, où la pression foncière oblige à profiter du moindre espace disponible. Le viaduc, à la structure très simple, est vite apparu comme un support privilégié de l’urbanisation de zones à l’origine excentrées mais aujourd’hui au coeur de la ville.
commerce informel maximisation de l’espace prolifération
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U-Bahn - Berlin Le métro de Berlin est en grande partie aérien, en centre-ville mais aussi en banlieue, ce qui lui donne parfois un aspect bucolique : l’espace sous le viaduc prend alors la forme d’une promenade plantée, voire d’un espace vert sans aucune destination particulière. Ce type d’aménagement permet de profiter de la nature du viaduc, à la fois abri et espace extérieur.
monofonctionnel friche délaissé urbain bucolique
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Loop - Chicago Le «El» (pour elevated, aérien) ou «L» (pour Loop, centre-ville de Chicago), fait partie de l’âme de la ville : construit dès 1882, onze ans après le grand incendie qui a réduit en cendres la majeure partie de Chicago, c’est l’une de ses plus anciennes constructions. Malgré la largeur de la structure qui masque régulièrement la lumière du soleil aux passants, les Chicagoans y sont tous foncièrement attachés, ne manquant pas de rappeler que les ponts du métro ont été posés par les citoyens eux-mêmes et que le fer qui les habille représente la force et le courage de la ville. La forme du viaduc, dont l’emprise est particulièrement importante dans des rues assez étroites, engendre une organisation différente des autres métros aériens, généralement construits au milieu de larges boulevards. Ici, la rue est littéralement englobée sous le métro, qui recouvre la circulation automo-
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bile, et parfois la circulation piétonne lorsqu’il s’élargit, donnant à la rue des allures de galerie souterraine. Le niveau de la voie s’apparente visuellement à une seconde rue, avec ses feux de signalisation, ses intersections, ses tours de contrôle et les bâtiments bordant les voies. Le métro aérien de Chicago est celui qui opère le plus complètement la stratification verticale que permet ce dispositif urbain, créant deux séquences distinctes, un abri pour la circulation et l’événement piéton et un parcours visuel pour le voyageur du train.
abri stratification circulation automobile
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Métro aérien parisien : aménagements possibles
Les exemples que nous avons vus peuvent nous guider afin de proposer des alternatives aux timides aménagements sportifs qui se sont multipliés sous le viaduc de la ligne aérienne du métro parisien.
Apport d’activités
Développement d’activités humaines sous l’abri que forme la structure L’installation de commerces «en dur» sous le viaduc tire parti de la centralité commerciale que représentent les boulevards où se développe le métro aérien à Paris, particulièrement à Barbès, où le terre-plein deviendrait un marché permanent et couvert, pérennisant ainsi l’événement ponctuel qu’est aujourd’hui le marché de Barbès.
Renforcement
Accentuation de l’état actuel de circulation piétonne en proposant une promenade La création d’un espace vert répondrait à une forte demande des habitants du quartier et offrirait une respiration dans le rythme effrené du boulevard. Le parcours créé bénéficierait de l’abri que forme la structure tout en étant à l’extérieur et doublerait symboliquement le parcours du métro aérien.
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Fonctionnalisme
Promotion de la circulation automobile pour fluidifier le trafic sur le boulevard Cet aménagement renouerait avec le discours machiniste des modernes qui souhaitaient voir une autoroute traverser le quartier. Cette organisation, qui fonctionne bien dans les rues relativement étroites de Chicago, s’adapterait mal au boulevard parisien, et ne profiterait qu’aux gens de passage, au détriment des habitants.
Aller plus loin ? Le viaduc constitue naturellement un abri et une ossature qui permet de développer des programmes susceptibles d’accompagner les activités des habitants du quartier ou d’ailleurs. Cette structure existante et solide favorise le développement de constructions légères et adaptables dont le montage et le démontage sont aisés.
Aménagement du sol
Développement d’une localité grâce à un espace public escamotable Des éléments de mobiliers urbains suspendus à la structure du viaduc autorisent l’arrêt, la rencontre, l’échange sur le terre-plein central du boulevard, puis se rétractent deux fois par semaine pour laisser place au marché le plus fréquenté de Paris.
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Aménagement vertical
Délimitation de séquences Le belvédère offre une respiration salutaire dans le boulevard, mais sans gêner le déroulement du marché. Il offre également un point de vue inédit au-dessus des voies, d’où l’on aurait un aperçu étendu du parcours du viaduc, que l’on ne fait que deviner depuis le sol.
Aménagement linéaire
Stratification extensible à toute la structure du viaduc Construire en s’accrochant à la sous-face du viaduc ou en y superposant un ou plusieurs niveaux supplémentaires ne feraient que poursuivre la stratification verticale qu’opère déjà la structure du métro aérien entre circulation piétonne et circulation mécanique. On disposerait ainsi de l’ossature du métro comme d’un cadre où peuvent s’insérer de multiples fonctions, comme les rues du quartier, autant voies de circulation que supports de l’activité commerciale.
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Aménagement complexe
Point fort dans le parcours du viaduc, émergence d’une centralité En s’appuyant sur la structure existante très rythmée du métro, en la subdivisant et en la faisant se propager, déborder sur son environnement immédiat, une structure parasite pourrait renforcer l’impression que le métro aérien est un organisme vivant, en perpétuelle mutation.
Ces aménagements présentent des limites : si on tient à utiliser la structure du viaduc comme support, ils sont nécessairement voués à être légers et d’une échelle réduite. Ces limites amènent naturellement à envisager des programmes axés sur le local et l’éphémère. Ces caractéristiques semblent s’adapter aux événements auxquels nous avons fait référence, fêtes informelles, mouvements spontanés, communautés artistiques, prenant appui sur ce que la ville peut offrir comme failles à investir. La nécessité de s’adapter à des pratiques évoluant sans cesse de manière imprévisible justifie la proposition d’un bâtiment susceptible de se transformer dans le temps.
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conclusion Afin de développer un type de programme particulier centré sur la musique électronique, il convient d’adopter une démarche qui ne fige pas définitivement le projet, qui ne fige pas non plus un quartier en perpétuelle évolution. Cette démarche permet aux habitants de s’approprier le bâtiment : des matériaux faciles d’accès poussent les utilisateurs du lieu à le faire évoluer de manière non institutionnelle, au plus proche de leurs besoins et de leurs envies, sur un laps de temps plus ou moins court, de l’aménagement saisonnier à l’extension plus pérenne. à l’instar du viaduc du métro, assemblage de pièces métalliques, et en s’en servant comme support, le bâtiment s’apparente à un kit de construction, dont les modulations possibles engendrent une infinité de scénarios selon la direction que souhaitent imprimer les habitants. Mon travail consistera, partant de ce postulat de multiples scénarios possibles, à développer un scénario parmi d’autres, que je détaille plus avant dans les pages qui suivent et que j’illustrerai lors du rendu final de mon PFE.
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Scénario d’évolution 2011 ça y est, le club a ouvert. Un «club»? Un de ces endroits tenus par des types pas très nets, dont les videurs aux humeurs changeantes sont tout de suite très tatillons dès qu’il s’agit de laisser passer des gosses du quartier, sûrement un peu trop bronzés? Où une fois rentré, on est prié de succomber aux consommations hors de prix, agglutinés sur la piste pendant que quelques privilégiés ont accès aux seuls lieux, carrés V.I.P. ou backstage, où la fête semble suivre un processus normal, où la détente et la sociabilité sont possibles? En tout cas, ça n’y ressemble pas, et les associations du quartier, engagés dans le projet depuis le début, ont tout fait pour que ce lieu rassemble les gens plus qu’il ne les divise, un peu comme dans les nombreuses parcelles en attente de construction du quartier en mutation, ou comme dans les anciens entrepôts et ateliers squattés un peu plus loin, vers La Chapelle, où les habitants ont créé des jardins éphémères, des terrains de basket, des ateliers d’artistes et d’artisans. Il faut dire que dans le coin, il a fallu se les construire, les équipements publics. Le club donc. Ici, la faune locale et les hipsters branchouilles de passage, venus voir ce qui se passe, aux sensibilités certes différentes mais tous élevés au rap, se réunissent. C’est une respiration dans la nuit, l’ambiance est frénétique devant le DJ, mais posée dans les recoins chill-out aménagés, propices à la discussion. Les anciens du quartier, quant à eux, sont ravis de pouvoir enfin s’arrêter, s’asseoir et chicaner pendant des heures dans l’espace public qui se déploie sous le viaduc en dehors des horaires de marché, minimal car amovible, mais suffisant. Ce boulevard, qui n’était déjà plus vraiment leur quartier, où l’on se hâtait pour prendre son métro ou faire ses courses, est maintenant un peu une extension de leur chez-eux, comme peut l’être l’angle de la rue de la Charbonnière et de la rue de Chartres. Les enfants n’attendent qu’une chose, qu’on descende le panneau de basket suspendu à la toute nouvelle structure pour faire comme les grands, qui s’affrontent ici en équipes dans des tournois, au son du DJ perché dans l’édifice, devant une foule de curieux et de familles du coin venus les encourager. La musique et l’ivresse de la victoire aidant, l’événement tourne régulièrement à la teuf, surtout quand un petit malin ramène un barbecue et des grillades, pas données bien sûr, il faut bien vivre...
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2015 Les organisateurs peuvent se féliciter, ils ont profité à merveille de l’emplacement, à la croisée des chemins entre le Paris branché et les communautés issues de l’immigration de la région, pour qui le quartier est un réservoir à souvenirs, à émotions, à senteurs, une madeleine de Proust. Leur affaire est aujourd’hui bénéficiaire et la structure standardisée et facile à monter du bâtiment permet de s’étendre facilement. Ils vont pouvoir créer les ateliers dont ils parlaient depuis quelques temps, où les DJ’s qui font régulièrement trembler les murs de la grande salle vont pouvoir partager leur savoir avec les jeunes du quartier, et les initier à la production, ce qui va permettre aux nombreux MC’s en herbe de rapper sur leurs propres instrus. Un restaurateur du quartier, à l’avenir plus qu’incertain après la démolition de l’immeuble où il était situé, a également profité de l’opportunité pour s’installer là, dans la foulée de la construction des ateliers. Dorénavant, il profitera de sa clientèle habituelle descendue de la Goutte d’Or pendant la journée et rassasiera les fêtards affamés pendant les soirées, qui n’erreront plus dans les rues de Paris à cinq heures du matin à la recherche d’un kebab ou d’une crêperie ouverts. Mais le plus ambitieux dans tout ça reste la création du belvédère, ce qui semblait un peu fou à première vue, mais bon, puisque rien n’empêche sa construction, pourquoi s’en priver ? Le weekend, les promeneurs se pressent dans les ascenseurs pour accéder à cette terrasse surplombant les voies du métro, qui offre une vue inédite sur le quartier, dont les limites se matérialisent alors physiquement, le trou béant des voies de la Gare du Nord à l’Est, le mur de l’hôpital raide comme la mort au Sud, le fourmillant boulevard Barbès à l’Ouest et le périphérique embrumé, au lointain dans le Nord. La nuit, le belvédère devient un prolongement naturel du club, où on vient prendre l’air, les oreilles sifflantes, et fumer sa clope (même si le paquet coûte maintenant dix euros et sera bientôt totalement illégal).
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2020 Depuis quelques temps, certains artistes qui utilisent les ateliers ou jouent le soir au club se sont installés à demeure. Ils dorment où ils peuvent, ils y sacrifient leur confort, mais se sentent vraiment chez eux, marchant ainsi dans les pas de Frankie Knuckles, DJ pionnier de la house music, qui a vécu pendant trois ans dans le club The Warehouse à Chicago, lieu légendaire aujourd’hui disparu qui a vu naître le genre. Mais aujourd’hui, ces mecs toujours fauchés, parfois un peu paumés, comptent bien officialiser ce qui était d’abord vu comme une phase de transition en attendant mieux, et se construire de vraies résidences. Le belvédère a ouvert la voie, le ciel est un espace à conquérir. Le Meccano géant continue et les artistes se créent des lieux de vie généreux, en liaison directe avec l’espace public qui s’est développé là-haut, d’autant que beaucoup d’entre eux s’intéressent à la fusion de la musique et des arts visuels, et peuvent ainsi présenter leurs travaux aux gens qui continuent de monter pour profiter de la vue.
2030 Le procédé a maintenant essaimé sur tout le métro aérien, les lignes 2 et 6, qui ne forment qu’une grande ligne circulaire traversant les faubourgs parisiens. Cette architecture virale, qui permet de tirer parti du moindre mètre carré dans une ville qui n’en finit plus d’étouffer, engoncée dans les limites de son boulevard périphérique, a séduit les pouvoirs publics, qui ont créé des équipements, mais aussi les groupes privés, qui ont ouvert des boutiques idéalement achalandées sous le viaduc. Certains bâtiments ont décliné puis disparu, bien sûr, mais ce n’est pas un problème : si le montage est aisé, le démontage l’est aussi, sans séquelle aucune pour la structure porteuse. Le bâtiment original quant à lui a cessé de croître. Ceux qui y vivent et le font vivre savent que ce qui a toujours fait leur force, c’est la proximité, l’humanité des rapports que permettait la petite échelle du lieu. Toutes les extensions qu’ils ont réalisé ont répondu à des envies et des besoins immédiats et ils sentent bien qu’aller plus loin leur ferait perdre leur âme. Ils sentent aussi que leur dynamique est en phase descendante, certains sont même partis et n’ont pas été remplacés, et leurs résidences ont été démontées.
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2035-Epilogue Ce que l’on pressentait depuis quelques années a fini par arriver : c’est la fin d’une utopie. La salle a trouvé un repreneur et continuera d’héberger des soirées, mais les vieux briscards à l’origine du projet ont préféré tout arrêter avant qu’il ne perde sa signification et ne s’enfonce dans une routine trop pesante. Plus de restaurant, liquidés les ateliers et résidences d’artistes, finis les matchs de basket improvisés dès les premières chaleurs du printemps. Lors du démantèlement quasi-total de l’édifice auquel les badauds assistent médusés, les habitants du quartier ne peuvent réfréner un léger pincement au coeur, eux qui ont grandi avec ce lieu de tous les possibles à leur porte. Tous les clubs mythiques qui ont vu naître des genres musicaux et des communautés ont disparu, c’est ce qui a bâti leur légende : le Music Institute à Detroit, le Warehouse à Chicago, le Paradise Garage à New York, l’Haçienda à Manchester, et même les block parties de Dee Nasty au terrain vague de La Chapelle. Nul doute que la chimère parisienne trouvera sa place dans ce panthéon de la musique électronique pour avoir déridé les nuits de la capitale et prouvé qu’une autre voie était possible. Et nul doute que l’esprit qui l’a animé de nombreuses années durant saura se réincarner ailleurs, par la grâce d’autres volontés enthousiastes, le plus puissant des moteurs !
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Bibliographie livres LALLEMENT, Emmanuelle, 2010, La ville marchande enquête à Barbès, Téraèdre. ZOLA, Emile, 1877, L’Assommoir, Le livre de Poche. BREITMAN, Marc & CULOT, Maurice, 1988, La Goutte d’Or : Faubourg de Paris, Hazan, Archives d’architecture. TOUBON, Jean-Claude & MESSAMAH, Khelifa, 1990, Centralité immigrée. Le quar-
tier de la Goutte d’Or. Dynamiques d’un espace pluri-ethnique : succession, compétition, cohabitation, L’Harmattan/CIEMI. tes.
AFFEULPIN, Gustave, 1976, La soi-disant utopie du centre beaubourg, Antido-
LEXTRAIT, Fabrice, 2001, Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires... Une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport à Michel Dufour. VIVANT, Elsa, 2010, Les événements off : de la résistance à la mise en scène de la ville créative, Géocarrefour (en ligne) BEY, Hakim, 1991, TAZ, Zone autonome temporaire, Editions de l’Eclat. DE BIASE, Alessia & CORALLI, Monica, 2009, Espaces en commun, nouvelles formes de penser et d’habiter la ville, l’Harmattan. HAMPARTZOUMIAN, Stéphane, 2004, Effervescence techno ou la communauté trans(e)cendantale , l’Harmattan. LEMAITRE, Rémi, 2007, L’uniformisation des scènes de musique actuelle (SMAC), Mémoire de recherche, Institut des sciences, de la communication et de l’éducation d’Angers JARASSE, Dominique, 1986, Paris vu du métro aérien, Editions Mairie du XVème arrondissement. Bocquet, José-Louis & Pierre-Adolphe, Philippe, 1997, Rap ta France. Les rappeurs français prennent la parole, J’ai Lu
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films Raclot-Dauillac, Damien, 2010, Heretik system, we had a dream, autoproduit pentz, Wesley & hbl, Leandro, 2008, Favela on blast, Mad decent sarkis, Sami, 1993, Pour tout l’or d’une goutte, France 3 vecchione, Marc-Aurèle, 2003, Writers, 20 ans de graffiti à Paris, Resistance Films
sites internet http://www.brain-magazine.com/reportages/les-annees-zulu http://www.brain-magazine.com/reportages/guidedelasceneclubdedowntownmanhattan http://www.lagouttedor.net/ http://techno.org/electronic-music-guide/ http://www.apur.org/
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Notice du mix musical Ce mix retrace l’histoire de la musique électronique à travers quelques monuments incontournables, puis dans une deuxième partie évoque quelques-uns des styles existants aujourd’hui dans le monde. Le tout est mixé à environ 130 BPM, tempo référence de la dance music.
Poème électronique, Edgard Varèse, Musique concrète (1955) :
Réalisé à l’occasion de la construction du pavillon Philips en collaboration avec Le Corbusier et Iannis Xenakis, ce Poème électronique montre l’intérêt porté à la spatialisation du son, au détournement d’objets électroniques et à l’expérimentation atonale par la musique savante dite contemporaine qui se développe en Europe et aboutira en France à la création de l’Ircam en 1970. 0:46 A Rainbow in Curved Air, Terry Riley, Minimalisme (1969) : Bien qu’issu directement de celle-ci, le minimalisme américain rompt avec la musique contemporaine européenne. Au-delà du retour à la tonalité, le courant est caractérisé par une pulsation régulière et par la répétition de motifs évoluant lentement, opérant un retour à plus d’émotivité. 1:56 Popcorn, Hot Butter, Early synth (1972) : Grand classique, premier succès commercial de la musique électronique repris des centaines de fois dans tous les styles musicaux, Popcorn a fait sortir le genre de son carcan mathématique et intellectuel pour imposer définitivement le synthétiseur dans la musique populaire. 3:52 Radioactivity, Kraftwerk, Electropop (1974) : Issu du rock psychédélique allemand des années 60, Kraftwerk s’en éloigne pour créer une musique influencée par les vastes complexes industriels de la Ruhr : sons répétitifs, modernité technologique à double tranchant, parfois enthousiasmante (dans Autobahn), parfois angoissante comme avec cette évocation de possibles catastrophes nucléaires. 5:51 I Feel Love, Donna Summer, Disco/Electro boogie (1977) : Ce morceau produit par Giorgio Moroder montre la transition du Disco vers ce qui deviendra l’Italo Disco, style foisonnant des années 80, premier courant musical commercial entièrement électronique. Le chant qui s’évanouit progressivement pour laisser la place à une longue séquence entièrement instrumentale est d’ailleurs symptômatique de la mise en avant des machines, qui deviennent l’élément principal des chansons. 8:51 Planet Rock, Afrika Bambaataa, Hip hop (1982) : Hymne des B-boys précurseurs du mouvement hip hop à New York, Planet Rock montre l’influence de Kraftwerk sur l’ensemble de la musique électronique : on retrouve ici la mélodie de Trans Europe Express et le rythme de Numbers, des chansons du groupe allemand. A la froideur présumée des Européens vient ici se superposer la chaleur du rap, scansion dérivée de l’argot afro-américain qui trouve ses racines dans l’animation de soirée à la Jamaïcaine et dans la tradition orale africaine. 11:00 Clear, Cybotron, Techno (1983) : Première génération de Techno de Détroit, composé par Juan Atkins sous le pseudonyme Cybotron, qui annonce la couleur futuriste et robotique de la musique. Encore une fois sous in98
fluence directe de Kraftwerk, avec cependant un regard plus sombre porté sur la modernité, qui n’a pas épargné Detroit. 13:28 This is my House, Ecstasy, House (1989) : En parallèle de la techno se développe la House à Chicago. Nettement moins pessimiste, chaleureuse, souvent agrémentée de voix de divas ou de prêcheurs déclamant à la manière de Martin Luther King l’apologie de la House music, qui accueille chacun en son sein, sans distinction de couleur de peau ou d’orientation sexuelle. 15:49 8:08 at the Beach, Fred Falke, French House (2008) : Dans le milieu des années 90, la House est en perte de vitesse, et ce sont des Français qui vont lui rendre tout son éclat, d’abord dans une première vague de ce qu’on a appelé la French Touch (Daft Punk) puis dans une deuxième vague d’artistes dans les années 2000 (Justice). La House française est filtrée, profonde, élégante et mélancolique d’un été que l’on ne connaîtra plus, comme le suggère ce morceau évoquant un coucher de soleil sur la plage. 19:06 Silver Island, Surkin, French House (2010) : Représentatif de la seconde vague de la French Touch, Surkin s’éloigne du schéma de la House traditionnelle, en favorisant une progression mélodique plus développée, moins répétitive et hypnotique. Les influences des musiques de jeux vidéo se font sentir, on peut parfois utiliser ses machines en dessous de leurs capacités aujourd’hui infinies pour retrouver ces sonorités désuètes mais parfois diablement efficaces. 21:56 Samir’s Theme, Debonair Samir, Baltimore Club Music (2000) : La B-more est une musique de club improbable native de Baltimore(évidemment), qui sample tout et n’importe quoi (du bégaiement de George W. Bush au générique de Bob l’éponge), avec une préférence pour les trompettes et autres cuivres qui se retrouvent hachées menu dans des boucles répétitives qui permettent tout autant aux danseurs de «dance their pain away» (noyer leur douleur dans la danse) que de se bagarrer, ce qui arrive souvent. Cette musique est totalement conditionnée par son lieu de naissance, ville la plus violente des Etats-Unis à la population quasiment exclusivement noire et sans emploi dans certains quartiers, elle est un exutoire et un moyen de représenter la ville autrement que dans la rubrique nécrologique. 23:55 Tire a Camisa, Dennis DJ, Baile Funk (2004) : Le Baile Funk de Rio de Janeiro correspond à peu près à la Baltimore Club Music : elle permet à la jeunesse très défavorisée des favelas de se défouler et de représenter leur quartier. La démocratisation du matériel informatique, qui permet l’accès à la production musicale à tous a généré dans certains pays émergents une musique locale mais pas folklorique. Au Brésil, les artistes samplent des percussions traditionnelles, mais aussi tous les succès de la musique populaire occidentale et agrémentent le tout de rap en portugais particulièrement virulent. 26:10 Get Off (Jack Beats Remix), Blaqstarr, House(2009) : Ce morceau montre un exemple de musique électronique actuelle aux Etats-unis, une fois digérées toutes les influences précitées (notamment la B-more qui a eu un impact important). 27:56 Hot as Hell (Canblaster Remix), Drop the Lime, House (2010) : De la même façon, ce morceau montre un exemple de musique électronique européenne actuelle. On peut constater que de ce côté de l’Atlantique, une thématique «exotique», parfois tropicale (et ici carrément épique) se dégage tandis que les Américains sont plus portés sur le «toujours plus» et sur le «gros son qui tache». 99
Lexique DJ : disc jockey, sélectionne et diffuse de la musique à destination d’un public. MC : master of ceremony, anime un événement en maintenant un contact avec le public afin de l’impliquer. Par extension, rappeur. Breakdance : danse spécifique du hip-hop, appelée ainsi car elle se dansait sur les breaks des morceaux, les moments où ils se dépouillent de leurs éléments mélodiques pour n’être plus qu’une ligne de basse ou de batterie. Les danseurs sont par extension désignés par les termes B-boys et B-girls. BPM : battements par minute, détermine la vitesse d’un morceau de musique. Le DJ doit faire correspondre les BPM des deux morceaux qu’il tente de mixer afin de donner au public une impression de continuité musicale. Hipster : personne à la pointe des tendances, au courant de tout avant tout le monde, défricheur en matière de mode, de musique et d’endroits, qui délaisse ce qu’il a encensé la veille lorsque la consommation de masse s’en empare. Instru : abréviation d’instrumental, désigne la production de musique électronique sur laquelle les rappeurs posent leurs voix. Sound system : au sens strict, matériel de sonorisation utilisé lors d’une fête. Par extension, désigne le groupe d’organisateurs de soirées mettant ce matériel à disposition. Free party : fête techno gratuite ou dont le tarif est libre et laissé à l’appréciation de ses participants, se déroulant sans l’aval des autorités. Rave party : l’équivalent réglementé et payant de la free party.
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Remerciements
Mes remerciements vont tout d’abord à mes tuteurs, Stéphane Thomasson et Michael Halter, qui ont su appuyer une démarche non conventionnelle. Je remercie également ma famille et mes amis pour leur soutien indéfectible.
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