FAIRE de l'Architecture AUTREMENT

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FAIRE de l’Architecture AUTREMENT Mémoire de fin d’études

- par Louis Bury - 2015



FAIRE de l’Architecture AUTREMENT Analyse de pratiques professionnelles Patrick Bouchain - Pierre Hebbelinck - Gion A. Caminada

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c.p. Vittorio E. Pisu

c.p. Marie-Françoise Plissart

C.C Jurg Vollmer

Patrick Bouchain Né le 31 mai 1945 à Paris, France Etudes : Ecole des Beaux-arts de Paris Agence : «CONSTRUIRE» Paris 3ème Professeur : De 1972 à 1983 (Entre autres à Camondo) Projets significatifs pour mon travail : - Le PPCM, Bagneux, 2015 - ZINGARO, Aubervilliers, 1989 Textes significatifs : - Construire autrement, 2006 - Histoire de construire, 2012 Activités parallèles : - Conseiller auprès de Jack Lang de 1988 à 1995 - Codirige avec Clair David la collection

Pierre Hebbelinck Né en 1956 à Rixensart, Belgique Etudes: Diplômé de l Institut Lambert Lombard en 1981 Agence : Atelier P. Hebbelinck & P. DeWit, Liège

Gion Antoni Caminada Né en 1957 à Vrin, Suisse, 280 habitants Etudes : Apprentissage de menuisier + Etude des arts et de l’architecture à Zurich Agence : Cons (hameau de Vrin) Professeur : Depuis 2008 à l’ETH Zurich Projets significatifs pour mon travail : - Ecole de Duvin, 1995 - Salle communale de Vrin, 2003 - Catafalque de Vrin, 2002

« l’impensé » aux éditions Actes Sud

Projets significatifs pour mon travail : - Le MMM, Mons, 2015 - Le grand Hornu, Boussu, 2002 - Le théâtre de Liège, Liège, 2013 Texte Significatif : - Méthodes, 2012 Activité parallèle : - Fondateur des éditions Fourre-tout en 2004

Activité parallèle : - Responsable des autorisations de construire de la commune de Vrin.


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- SOMMAIRE -

Avant-propos Introduction I-Les leçons du XIXème et XXème siècle. L’impact de la révolution industrielle, XIXème siècle La vision moderne de la ville, 1900 – 1960 Le rapport entre les architectes et la société, aujourd’hui II-Transmettre : Un acte collectif avec une organisation horizontale L’obsolescence du modèle centralisé L’influence du Régionalisme Critique Implication et responsabilité des acteurs La question des normes Un souci de pérennité III-Moins « dire » et plus « faire » : Le chantier, lieu indissociable d'un processus complet Rejet de la séparation Conception / Réalisation Une production détachée de son image Ecoute de l’habitant et interet de l’ordinaire La répétition et l’expérimentation Conclusion

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Avant Propos Au terme de six années d’études d’architecture, je ne sais pas quel genre d’architecture je souhaite produire. C’est un constat douloureux et à la fois une question extrêmement importante. Cela est comparable à un doute lors d’un vote, pourtant il faut prendre une décision, l’indécision étant synonyme de passivité. Les études d’architecture au travers des cours théoriques et pratiques, nous abreuvent de références : des images et des courants de pensée, qui sont autant de possibilités concrètes les unes que les autres. Cependant ces exemples sont pour la plupart anciens, et il n’est pas question aujourd’hui de copier ce qui fut. La réflexion d’architectes tels que Charles E. Jeanneret (alias Le Corbusier), Walter Gropius ou encore Louis Sullivan, était pertinente à leur époque, mais depuis tout a changé. Le post-modernisme, le brutalisme et autres mouvements architecturaux se sont succédés sans trouver une manière de transmettre durablement leurs idées. J’ai le sentiment qu’il est bénéfique, le temps du mémoire, de prendre du recul pour tenter de se forger un avis personnel sur ce qui hante mon esprit en cette dernière année d’étude : de quelle manière vais-je travailler dans ma vie professionnelle et pour produire quoi ? Au cours des études d’architecture, le seul exercice personnel plus théorique et autonome (et même autogéré), est celui présenté ici. L’autogestion implique selon Henri Lefebvre que : « Quand un groupe, au sens large du terme, c’està-dire les travailleurs d’une entreprise, mais aussi les gens d’un quartier ou d’une ville, quand ces gens n’acceptent plus passivement les conditions d’existence, quand ils ne restent plus passifs devant ces conditions qu’on leur impose ; lorsqu’ils tentent de les dominer, de les maîtriser, il y a tentative d’autogestion »1

LEFEBVRE Henri, La nouvelle critique, cité par GEORGI Frank, Autogestion, la dernière utopie, 2003 1

Mon intérêt pour l’architecture ordinaire, et la durée de vie des bâtiments est devenue de plus en plus évidente à mes yeux au fur et à mesure que je visitais et que j’expérimentais des bâtiments «extraordinaires». Il apparait que certains des édifices les plus connus du monde sont ceux qui ont suscité le plus de débats, le plus de critiques durant leur réalisation, et souvent les pertes financières associées. Prenons l’exemple d’un bâtiment ayant utilisé les dernières techniques de construction de son époque : le célèbre opéra de Sidney (Australie). Il tait une histoire de sa réalisation désastreuse. Son économie : le coût final fût dix fois supérieur au coût prévu. Egalement quant à la relation commanditaire-architecte : ce dernier fut écarté avant la fin du chantier (pour lequel des éléments préfabriqués furent importés de France et du Royaume Uni, soit un trajet de plus de 17000km). Prenons un autre exemple : le cas d’Athènes et ses équipements sportifs des Jeux olympiques de 2004. A peine sept ans après leur construction, ces bâtiments étaient à l’abandon. Ils sont une catastrophe écologique, si l’on se réfère à la définition de l’architecte Dietmar Eberlee 2.

«Si on considère que, dans les pays développés, 50 à 60% de la consommation énergétique d’un bâtiment intervient lors de sa construction, il est évident que sa pérennité constitue sa meilleure contribution écologique.» NERDINGER Winfried, Baumschlager- Eberle 2002-2007, Ed. Springer-Verlag/Wien, 2008

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« La radio, la télévision, envahissent notre intimité. Les jardins devraient donc être clos et non ouverts à tous les regards. […] Les architectes oublient le besoin de pénombre des êtres humains, de cette sorte de lumière qui apporte le calme dans leurs salons comme dans leurs chambres à coucher. » BARRAGAN, cité par FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne une histoire critique, Ed. Thames & Hudson, 2006, p338

Partant de ce constat, comment percevra t-on dans cinquante ans, les très controversés Philharmonie et Fondation Louis-Vuitton de Paris, construits ces dernières années par deux architectes internationalement connus : Jean Nouvel et Franck Gehry, eux mêmes faisant objet de débats. Cette conception du métier d’architecte, spectaculaire, tonitruante, faisant autant de vagues que le projet est extravagant et suscitant les critiques ; me met mal à l’aise. Je ne crois pas que ce soit un climat de travail sain pour un architecte. Je ne pense pas qu’un architecte doit être sur le devant de la scène, pour le meilleur et pour le pire. Ce fut une erreur initiée par le modernisme, mis en exergue par l’architecture internationale qui est aujourd’hui monnaie courante dans l’image que l’opinion publique a des architectes. Dans des grandes villes comme Paris, Londres ou New York, l’énergie mise au service de l’innovation est considérable. L’effet pervers est que cela se transforme en course infernale pour suivre les nouveautés. Les périphéries (la marge d’une ville) semblent plus tranquilles. Atemporelle, à l’image du village de Vrin et de Chur, le centre urbain voisin, en Suisse; la périphérie se tient à l’écart (de manière volontaire autant que subie) des changements et tendances propres à la centralité. Elle semble plus propice à la prise de recul et témoigne d’une inertie plus forte face aux changements rapides. En effet la marge est une chose particulière qui permet à tous les types d’espaces (une ville autant qu’une page blanche) d’exprimer une certaine liberté tout en étant influencé par le centre. Dans le présent travail, la marge est une épaisseur variable qui borde un espace, une chose non identifiée qui permet au centre d’établir ses limites. La marge s’illustre ici en apportant les précisions nécessaires à la compréhension de l’ensemble. On peut choisir de lire uniquement le texte principal pour cerner rapidement le sujet développé, mais c’est dans la marge que le lecteur trouvera les clés de lecture. On peut aussi bien ne lire que la marge et ainsi je l’espère, le lecteur se posera petit à petit les mêmes questions, sans forcément arriver aux mêmes réponses, qui sont développées dans la partie principale. Les citations dans la marge deviendraient alors une sorte de narration autonome.

« Je fais appel à d›autres pour enrichir l’œuvre commune [...] parce qu’écrire seul -comme construire seul- me parait impossible » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Coll. « L’impensé », Paris, Ed. Actes Sud, 2006, p7

Tenter de rassembler plusieurs points de vue, pour les comparer, permet d’expérimenter d’une certaine manière l’idée d’œuvre commune développée à leur façon par les trois architectes. C’est la raison pour laquelle il y a autant de citations dans ce mémoire. Je n’ai que très peu d’expérience comparé aux auteurs qui sont cités, il me semble impossible d’écrire une réflexion complète qui m’est propre. La citation est un fragment de son texte d›origine. Ce fragment acquiert parfois une résonance particulière quand il est mis en avant par un autre ouvrage. Ceci est comparable à une photographie qui représente un instantané de l’environnement dans lequel le cliché à été pris. C’est pourquoi les citations serviront ici, au même titre que les photographies, d›illustration du propos principal et seront traitées comme tel. Parfois, indispensables au raisonnement en cours, elles s’inviteront pour amorcer ou terminer une phrase.


« Faire de l’architecture autrement» n’est pas un ouvrage qui a l’ambition d’être une référence. Ni théorique, tel l’ouvrage de Bernard Huet 1 , ni technique comme celui d’Andrea Desplazes 2. Le lecteur a la possibilité de ne lire que des chapitres de l’ouvrage sans risquer de perdre le sens. La réflexion s’oriente ici sur la relation entre les fondements théoriques d’une pratique et sa mise en pratique, dans trois exemples singuliers. La structure d'analyse ne cherche pas à être exhaustive, l'interêt est la méthode de travail appliquée aux trois architectes. J’ai d'abord commencé par collecter et analyser une grande quantité de documentation, sur les trois architectes étudiés et sur les thématiques connexes, afin de me préparer à rencontrer ces trois personnages et de leur poser directement les questions que j’avais quant à leur pratique. Puis sur base de ces rencontres, et de leurs écrits, j’ai identifié des points communs et des différences entre chaque architecte. Enfin, je me suis rendu sur leur chantier afin de comprendre comment se concrétisait leur vision du métier d’architecte.

: HUET, Bernard. Sur un état de la théorie de l’architecture du XXème siècle. 2003. 1

DEPLAZES, Andrea. Constructing Architecture: Materials, Processes, Structures, a Handbook. Springer Science & Business Media, 2005. 2

Cette méthode justifie la présentation de ce mémoire de fin d'études, sous la forme de deux livrets. Autonomes et étroitement liés à la fois, ils peuvent être lus séparement mais ce sera après avoir parcouru l’ensemble que le lecteur prendra la pleine mesure des enjeux de ce travail.

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Introduction Je crois fermement en l’apprentissage sur le terrain. C’est pourquoi j’ai toujours fait preuve d’un enthousiasme débordant durant mes stages sur chantier et en agence d’architecture. Si je conserve des souvenirs très riches de dix stages dans le domaine de la construction, j’ai aussi ressenti des malaises, à plusieurs reprises. Les agences d’architecture dans lesquelles j’ai travaillé avaient une structure sensiblement identiques : un ou deux patrons architectes, un administratif, un à quatre architecte(s)- dessinateur(s) et un ou deux afféré(s) aux chantiers ; totalisant moins de dix personnes. Considérons que ce type d’agence représente une majorité dans le domaine de l’architecture en France. Elles subsistaient toutes de marchés privés et de petits marchés publics dans leur environnement proche. Le premier malaise fut de constater la routine. Un souci systématique de rentabilité et un respect presque psychorigide des heures de travail anéantissaient tout temps de réflexion, pour ne laisser place qu’à la production. Tout se jouait sur les bases de l’agence : les bases des compétences de chaque individu, et les relations de confiance qu’elle avait su développer avec son environnement, au fil du temps. Bien souvent cela s’accompagnait d’un deuxième constat : le manque de dialogue au sein de l’entreprise et le manque de lecture en dehors du travail (souvent synonyme de manque d’ouverture d’esprit). Et enfin, sans exception, j’ai constaté un fossé entre ce que pensent les architectes des acteurs d’un projet et inversement comment ces personnes considèrent les architectes. ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, Coll. « Réflexions faites », Ed. Les Impressions Nouvelles Editions, 2014, p11 et p27. 1

HUET Bernard, Sur un état de la théorie de l’architecture au XXe siècle, Ed. Quintettes, 2003, p10 2

C’est en lisant le récent livre de Toyo Ito, L’architecture du jour d’après, 1 que je me suis rendu compte que je n'étais pas le seul à exprimer ces soucis. L’architecte japonais relate dans son livre son changement idéologique suite à la récente catastrophe de Fukushima. Face aux scènes de désolation dont il fût témoin, il se posa les questions : « au fond, qu’étaient donc les bâtiments que j’avais construits jusqu’à présent ? À qui étaient-ils destinés ? Pourquoi donc les avais-je conçus ? » Puis il abouti à l’ultime et douloureuse : « Que peut un architecte ? […] La société japonaise a-t-elle vraiment besoin d’architectes ? À l’heure où la reconstruction s’organise, les ingénieurs des travaux publics sont sollicités par les collectivités locales, mais les architectes, presque pas. » La question s’est alors posée encore plus clairement à mes yeux : il fallait chercher un ou plusieurs exemples de pratiques, en Europe, qui visent à améliorer la condition du métier d’architecte. A l’instar de Le Corbusier, j’ai commencé en fouillant dans l’enseignement de l’histoire de l’architecture. J’ai notamment retenu les conclusions du livre de Bernard Huet, dans lequel est relaté une de ses conférences. Ce dernier nous expose son avis sur «l’état de la théorie de l’architecture au XXe siècle» et conclu: «[…] très probablement ce qui se passe aujourd’hui était déjà en préparation il ya une cinquantaine ou une trentaine d’années et que l’avenir seul nous dira ce qu’il en est de l’état de la théorie à la fin du XXe siècle». 2


Il semble qu’énoncer un mouvement architectural contemporain soit vain. Cela crée , a priori, un manque de repères. Mais il est possible de remarquer l’intérêt pour des sujets communs à certains architectes. Je n’évoque pas là les architectes qui se spécialisent dans un domaine de construction (bois, terre, acier etc.) ou dans un type (logement, équipement sportifs, maison de retraites etc.) Par sujets communs, j’entends les fondements théoriques et les moyens utilisés pour leur mise en œuvre. Ainsi ais-je choisi de m’intéresser à trois praticiens architectes : Pierre Hebbelinck, Patrick Bouchain et Gion A. Caminada. Je me suis rapidement aperçu qu’ils entretenaient, sans se connaître personnellement, des liens qui influencent leur pratique respective. En effet, ils exercent leur métier en considérant les qualités et les défauts des époques précédentes. Aussi ils soutiennent, chacun avec ses variantes, un projet de société fondé sur le collectif; en rupture avec le système central et mondialisé actuel. Et enfin, ils ne s’attachent pas à l’image de ce qu’ils produisent mais essentiellement à l’acte de construire. Au regard du constat dressé par Toyo Ito, décoré du prix Pritzker en 2013, et du mien, architecte en devenir, je trouve intéressant d'approfondir l'analyse : Comment identifier, au travers des pratiques de ces trois architectes, des outils qui m'aideront dans ma vie professionnelle ? Afin de répondre à ce questionnement, il s'agira de se pencher sur les thématiques énoncées précédemment, à travers le regard des trois architectes. Tout d’abord, l'analyse de leur rapport avec l'Histoire constituera une première partie, puis leur attachement pour l'acte collectif une seconde; et enfin leur approche du chantier, une troisième.

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Patrick BOUCHAIN

Sujets de comparaison l'heritage de la révolution industrielle le XIXeme siecle

Pierre HEBBELINCK

_ absence de conscience du tout

Gion A. CAMINADA _ villages isolés en Suisse, décalage avec les progrès industriels

Le modernisme et postmodernisme

_ les "manquements modernes" _ vouloir tout controler est impossible _ "défaut de temps et de continuité" : pas d'évolution en ville

_ Les lacunes du système lors de ses débuts (1981) _ Application de modèles généraux

_ exode de la population et arrivée du tourisme _ les architectures "formelles" sont de l'ordre de l'utopie _"la diversité des cités modernes est ennuyeuse"

La société aujourd'hui

_ programmes pas bien définis (Travail avec J.Lang) _ les normes et les regles sont trop détaillées => perte de liberté

_ prorammes pas assez motivés, pas assez clair _ en Belgique les normes attribuent un rôle plus complet à l'architecte, qu'en France => Equilibre entre Poesie et Rigueur

_ la mondialisation crée des espaces délaissés qui sont sources de richesse. _ Les régions isolées ne sont pas des espaces délaissés et devraient avoir plus de force et d'autonomie _ L'information aujourd'hui est l'inverse du savoir

L'image des architectes aujourd'hui

_ probleme de confiance / étouffé par les normes _ éphémère = reversible

_ Construit la confiance par la rigueur de travail (plannings, budgets, classement)

_ A vrin : Il était déjà accepté par les habitants _ Dénonce l'architecture "Esthétique", et la "prostitution" des architectes face à leurs clients _ l'architecte se parle à lui-même


-ILES LECONS DU XIXe ET DU XXe SIECLES « Pour entrer dans la voie de la modernisation, faut-il jeter par-dessus bord le vieux passé culturel qui a été la raison d’être d’un peuple ? »

RICOEUR Paul, Histoire et vérité, La Civilisation Universelle et les cultures nationales, Ed. Seuil, 1955

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« La nouvelle industrie a transformé les outils en machines, les ateliers en usines et par là la classe laborieuse moyenne en prolétariat, les négociants d’autrefois en industriels ; la petite classe moyenne fut refoulée et la population ramenée à la seule opposition entre capitalistes et ouvriers. Les petits artisans, qui ne pouvaient concurrencer les grands établissements furent rejetés dans les rangs de la classe prolétarienne. [...] à présent le prolétariat est devenu une classe stable de la population alors qu’autrefois il n’était souvent qu’une transition pour l’accès à la bourgeoisie. Désormais, quiconque naît ouvrier n’a d’autre perspective que celle de rester toute sa vie un prolétaire. Désormais donc, pour la première fois, le prolétariat est capable d’entreprendre des actions autonomes. C’est de cette façon que fut rassemblée l’immense masse d’ouvriers qui emplit actuellement l’empire britannique et dont la situation sociale s’impose chaque jour davantage à l’attention du monde civilisé. [...] » ENGELS Friedrich, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Ed. Sociales, 1961 BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Coll. « L’impensé », Paris, Ed. Actes Sud, 2006, p122-123 1

2 SCHMID Peter et SCHLORHAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, Ed. Quart Verlag Luzern, 2010, p172

« Les gens prirent l’habitude d’envoyer leurs blés aux minotiers, et les pauvres moulins à vent restèrent sans ouvrage. Pendant quelque temps ils essayèrent de lutter, mais la vapeur fut la plus forte, et l’un après l’autre, pécaïre ! Ils furent tous obligés de fermer... On ne vit plus venir les petits ânes... Les belles meunières vendirent leurs croix d’or... Plus de muscat ! Plus de farandoles !... Le mistral avait beau souffler, les ailes restaient immobiles... Puis, un beau jour, la commune fit jeter toutes ces masures à bas, et l’on sema à leur place de la vigne et des oliviers. (...) Maître Cornille était un vieux meunier, (…) il trouvait comme cela une foule de belles paroles à la louange des moulins à vent, mais personne ne les écoutait. » DAUDET Alphonse, Lettres de mon moulin : le secret de maître Cornille, 1947, Ed. Le livre de poche, 2012, p17

Le premier point commun aux trois architectes Patrick Bouchain, Pierre Hebbelinck et Gion Caminada, est leur intérêt pour le passé. Tous les trois à leur manière, utilisent leurs connaissances historiques pour fonder leur réflexion. Il s’agit ici, sans trop entrer dans les détails, d’en exposer les principaux points. L’impact de la révolution Industrielle Au XIXe siècle, eut lieu le début d’une mutation importante de la société. Les inventions relatives aux transports (chemin de fer) du XVIIe siecle donnèrent naissance à de nouvelles possibiltés. Le secteur de l'industrie profita énormément de ces nouveaux modes de transport et se developpa dans chaque ville. Un des philosophes les plus impliqué dans ce processus est Friedrich Engels. A travers son travail, on comprend que le terme révolution industrielle est plus approprié à la Grande Bretagne, tandis que pour le reste de l’Europe, le changement s’est effectué progressivement. Selon P. Bouchain, durant ce XIXe siècle marqué par l’exode des campagnes vers les villes, il se produisit une migration des savoir-faire, allant de pair avec celle des hommes, au bénéfice des villes. Ces dernières ont connu à cette époque une apogée de la qualité de réalisation, sur le plan industriel mais aussi architectural. Dans l’extrait de F. Engels on devine pourquoi Patrick Bouchain parle d’un appauvrissement du savoir-faire dans les campagnes à cette époque. Les artisans de la campagne et leurs savoir-faire ont profité au développement de la ville, et ont laissé un vide dans les campagnes. Il y avait « des maîtres qui formaient les apprentis sur leurs chantiers, comme le faisaient les maîtres dans leurs ateliers pour les arts majeurs. Ce mouvement s’est achevé (progressivement) avec l’industrialisation du XIXème siècle qui voit converger tous les gens de la campagne vers la ville, avec son immense savoir artisanal qui concourt à la construction des usines, des immeubles de rapport - tailleurs de pierre, forgerons, couvreurs … on avait jamais atteint une si grande perfection technique ». 1 Il est intéressant de constater que le village natal de Gion Caminada, Vrin en Suisse, ne fut que très peu concerné, par l’essor industriel. Le village de Vrin a ainsi conservé les qualités prêtées à la campagne par Alphonse Daudet. Quand l’industrialisation toucha le village de Vrin, la construction d’une route - la Valley-road (traversant la vallée de Lumnezia) – provoqua là encore un exode de la population. Néanmoins le décalage avec les grandes villes est toujours fortement marqué dans ce village. La culture locale, à l’image de la Suisse entière, est profondément attachée à l’autonomie, l’autosuffisance et l’indépendance.


« Gekauftes brot, morgen not », littéralement : « Du pain acheté (aujourd’hui), demain plus rien », est un proverbe ancien de Vrin qui résume bien cette idée d’autosuffisance nécessaire au bon déroulement de la vie quotidienne dans le village. Le recours à des solutions extérieures était le signe qu’il manquait quelque chose, ou qu’il y avait un problème de nourriture dans le village, laissant présager une famine. A Vrin, les éleveurs (principalement des hommes) s’occupaient du bétail. Le reste de la population gérait la récolte et le stockage du foin durant l’été et faisait du fromage pendant l’hiver. Peter Schmid 2 décrit que cinquante pour cent de la population locale vit de l’agriculture et de l’élevage encore aujourd’hui. L’exploitation du foin est une particularité de la culture suisse très importante. Dans cet environnement on peut en récolter jusque six fois par an. P. Schmid explique que la culture du foin en plus de son intérêt économique pour alimenter les animaux, joue un rôle essentiel dans le paysage Suisse 1. Les pâturages créent un entre-deux, une limite paysagère entre la forêt de pins, plus haut sur les flancs des montagnes ; et les villages, plus bas dans la vallée. Gion Caminada, en tant qu’enfant du village, a donc un regard extérieur sur l’industrialisation. A propos du passé, il accorde une importance particulière à la valeur des constructions anciennes.

Sud de Leicester, Grande-Bretagne, XVIIIe Siecle. c.p: http://www.storyofleicester.info/ “When one looks at the old structures one has to admit that they are very artistic, although, that was probably never a primary concern.” SCHMID Peter et SCHLORHAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, Ed. Quart Verlag Luzern, 2010, p172

Duvin, Lumnezia Valley, Suisse, 2015 c.p. Louis Bury

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“ [...] l’important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles sont remplies par autant de mains différentes (...). J’ai vu une petite manufacture de ce genre qui n’employait que dix ouvriers (...). Ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de quarante huit milliers d’épingles dans une journée ; donc, chaque ouvrier, faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais s’ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres et, s’ils n’avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d’eux assurément eût fait seulement vingt épingles, ou peut-être pas une seule dans sa journée. » SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Ed. Economica, 1776

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Il met en avant une réflexion de Simone Weil qui écrit dans Oppression et Liberté (1945) : « Par opposition, le seul mode de production pleinement libre serait celui où la pensée méthodique se trouverait à l’œuvre tout au cours du travail. Les difficultés à vaincre devraient être si variées que jamais il ne fut possible d’appliquer des règles toutes faites, non certes que le rôle des connaissances acquises doive être nul, mais il faut que le travailleur soit obligé de toujours garder présente à l’esprit la conception directrice du travail qu’il exécute, de manière pouvoir l’appliquer intelligemment à des cas particuliers, toujours nouveaux … » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Coll. « L’impensé », Paris, Ed. Actes Sud, 2006, p95

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« Je suis né en 1956 et j’ai commencé mon travail en 1982. En 1981, ont commencé les grands actes du néo-libéralisme Thatchérien, Reaganien, c’est 1981… la société bascule. La société politique, collective et citoyenne se retire, laissant place au grand profit. Traverser ces contrées là, après les trente glorieuses, avec les crises à répétition, dans un contexte où le politique dit : l’architecture de création ne nous intéresse pas. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par Bury Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

En plus du contexte culturel et humain de l’époque, le phénomène de la standardisation des modes de production et de séparation des tâches, fascinent les intellectuels à l’image d’Adam Smith1. Aujourd’hui on sait qu’au-delà de l’efficacité de ce système de production, l’organisation en tâches décomposées, va de pair avec une disparition des rapports humains, une apparition des maladies chroniques liées aux mouvements répétitifs et enfin, un détachement de l’intérêt pour ce qui est produit, par celui qui produit. Ainsi comme le soutient Patrick Bouchain, un travail n’a pas de sens s’il est coupé de l’ensemble2. C’est sur ces faits d’histoire que les trois architectes identifient les prémices du mouvement moderne (1900 à 1960 environ) et les raisons pour lesquelles ce dernier est fortement critiqué aujourd’hui. Malgré qu’il n’évoque pas de passé aussi lointain, on sent bien l’intérêt de Pierre Hebbelinck pour l’histoire quand il raconte le climat dans lequel il a commencé à travailler, dans les années 1980. 3


La vision moderne de la ville, 1900 – 1960 Pour rappel, le modernisme est un terme appliqué pour décrire un mouvement architectural et artistique, mais les idées des architectes à cette époque étaient aussi partagées avec d’autres domaines intellectuels. Ce fut par exemple l’obsession des scientifiques d’expliquer ce qui nous entoure par un élément unique. Albert Einstein, en 1915, répandit sa théorie de la relativité générale, séparant en deux échelles, le microcosme et le macrocosme, une nouvelle clé de la compréhension de notre monde. Quelques décennies plus tard Stephen Hawking (1940-.), un des plus grands intellectuels de notre temps, voulait aller plus loin qu’Einstein : Tout expliquer avec une seule équation. Scientifique de génie, Hawking travailla sur la question du temps pour sa thèse de doctorat. Il était convaincu de pouvoir démontrer que notre univers avait un début, d'être en mesure d'en expliquer les circonstances, et espérait ainsi en prévoir la fin ! Il publia un livre sur ce sujet qui reste dans les annales des best-sellers : « A brief history of Time »4. Les théories qu’il énonça firent l’effet d’une bombe et il consacra une partie de sa vie à travailler pour les vérifier. Ce qui est intéressant, à l’exemple du changement radical de pensée du Corbusier dans les années 1960, est que Stephen Hawking réfuta lui-même ses premières théories, des années plus tard, en concluant que notre univers n’était pas circonscrit dans une période de temps, qu’il était infini temporellement et spatialement. Celui-ci avait donc toujours existé. Une des conclusions commune aux trois architectes quant au modernisme, est l’échec des modèles globaux, appliqués de manière trop autoritaire à cette époque. Une idée pour expliquer le tout n’a pas fonctionné. L’époque moderne, héritière d’une révolution industrielle en marche depuis la fin du XVIIIe siècle 1, avait gonflé l’orgueil des hommes, et on croyait à cette époque que tout contrôler était signe de progrès (et c’est encore le cas plus ou moins aujourd’hui). La conception d’une ville nouvelle n’échappait pas à cette manière de penser. Le terme lui-même de « ville-nouvelle », bien qu'il fut appliqué dès le XVIIIe siecle avec Edinburgh (Ecosse), fût largement dévelloppé au XXe siecle. Cela s'explique en partie à cause des deux périodes de guerres (destructions totales ou partielles de villes) et des reconstructions qui les suivaient. Ces villes telles que Brasilia ont été créées de toutes pièces, à partir de rien. On parle à cette époque de Tabula rasa, la « table rase ». En digne successeurs d’Arthur Rimbaud, il fallait « absolument » tout penser. Dans cet exercice, des architectes de l’époque comme Le Corbusier ou Walter Gropius se sont illustrés avec brio. Mais si les trois architectes, dont il est question dans cet ouvrage, accordent tous des qualités à la production architecturale de cette époque, ils sont également unanimes : faire table rase du passé était une erreur.

« En même temps qu’une promotion de l’humanité, le phénomène d’universalisation constitue une sorte de subtile destruction, non seulement des cultures traditionnelles, ce qui ne serait peut être pas un mal irréparable, mais de ce que j’appellerai […] le noyau créateur des grandes civilisations, des grandes cultures, ce noyau à partir duquel nous interprétons la vie et que j’appelle par anticipation le noyau éthique et mythique de l’humanité.[…] Pour entrer dans la voie de la modernisation, faut-il jeter par-dessus bord le vieux passé culturel qui a été la raison d’être d’un peuple ? » Paul Ricœur, La Civilisation Universelle et les cultures nationales, 1962 4

HAWKING, Stephen et JACKSON, Michael. A brief history of time. Dove Audio, 1993. 1

Adam SMITH, fin XVIIIe siecle

« Refaire pareil, appliquer un modèle, c’est ce que tout homme tente de faire quand il est perdu [...] Or en répétant cette solution à un problème précis, il en perd le sens. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, p.108 « Un modèle ne se transforme pas, ce serait sa mort. (…) » Conférence de Gion A. Caminada au Centre Culturel Suisse de Paris, du 21-09-2012, , 42min15s « C’est la notion de temps et de continuité avec la ville existante qui fait défaut dans le logement collectif du XXe siècle. Contrairement à la cité historique qui a mis des siècles à se construire, les grands ensembles sont nés instantanément, leurs commanditaires étant persuadés du caractère scientifique et calculable de la formule à appliquer. Ces portions de villes n’ont jamais eu le temps de mûrir. Elles ont dépéri au lieu de vieillir en se perfectionnant. La solution n’est certainement pas de raser à nouveau pour reconstruire. Une telle approche ne peut que reproduire les mêmes erreurs. La solution serait plutôt de corriger, compléter le projet moderne, en préservant ce qui a de la valeur et en lui apportant ce qui lui manque. » BOUCHAIN Patrick « Le chanel à Calais, entretien avec Patrick Bouchain », AMC, no 177, p64

19


1

Schéma du plan de Lucio Costa pour Brasilia, projet 1956. CC: www.de.wikipedia.org

2

BOUCHAIN Patrick « Le chanel à Calais, entretien avec Patrick Bouchain », AMC, no 177, p70

3

BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Ed. Actes Sud, 2006, p56

« I am generally against the idea of zoning. If you start zoning vast amounts of land for building, you are inviting a curse. People get the idea that it represents capital, even though it has no more value than the adjacent land which is worked by the farmer. But all of a sudden the owner gets the feeling that he has to do something with this dormant capital; he has to speculate, he has to build. » Caminada Gion, interrogé par Bontjes Van Beek Valentin et Hurst Alex, Vrin (Suisse), 2004, publié dans ‘A’A’ files 51, p6. « I find the vast visual diversity of our modern cities extremely boring », « The classical Modern period generated this freedom but it didn’t teach anyone the art of dealing with it once it was attained (…) » SCHMID Peter et SCHLORHAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, Ed. Quart Verlag Luzern, 2010, p174 et p178 4

“ Pour les logements collectifs, regardons ce qui ne marche pas et agissons. D’abord on ne les a pas entretenus, ensuite, on n’a pas permis à la ville de s’installer : ce sont toujours des logements uniformes pour des familles types : deux parents entre trente et quarante ans, avec deux enfants de moins de dix ans. Il faut laisser s’installer la diversité, ne jamais détruire, transformer par la libre expression démocratique locale sans peur et cesser de vouloir tout contrôler.” BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Ed. Actes Sud, 2006, p57

Prenons un exemple, marquant de cette époque, frappant des lacunes mises en avant par les trois architectes : le cas de Brasilia 1. Voulue comme la ville idéale et symbole de l'appropriation de l'intérieur des terres du brésil, cette ville fût dessinée telle une croix par l’architecte Lucio Costa (aussi décrite comme inspirée d’un oiseau, ailes dépliées). Avec un souci de monumentalité et dans une rigidité fonctionnelle propre à son époque, ce dernier situa les administrations sur l’axe Est-Ouest (de la tête à la queue) et les logements sur l’axe Nord-Sud (les ailes). C’est un exemple significatif de séparation des parties. Nous l’avons expliqué avec le propos de Simone Weil, cela nuit fondamentalement à l’intérêt collectif car elle ôte la compréhension de l’ensemble. Le sens de ce qui est produit est enlevé pour ne pas avoir à réfléchir, afin d’être plus productif. C’est également ce que sous-entend Patrick Bouchain quand il soutient que « le zonage économique et générationnel doit laisser place à la diversité sur tous les plans »2 et qu’il faut « ne plus les traiter comme des zones mais comme de la ville »3. Ces mêmes plans de zoning, Gion Caminada les considère comme des outils néfastes, leviers de la spéculation foncière. L’architecte Suisse (Caminada) ajoute à propos de l’époque moderne qu’elle a produit de la liberté mais qu’elle n’a enseigné à personne l’art de l’utiliser une fois atteinte. Aussi, la diversité visuelle des cités modernes l’ennuie profondément.


Patrick Bouchain insiste sur les « manquements modernes » qu’il définit au travers de quelques passages du livre Construire Autrement, relatifs au manque d’entretien, à l’uniformisation des constructions et à la volonté utopique du contrôle. En parallèle de ces procédés de construction, dont le logement collectif est le fer de lance des détracteurs du mouvement moderne, s’installaient les bases du capitalisme contemporain. Cela accentua certains phénomènes sociaux du début du siècle. Par exemple le système politique central accordait toujours plus d’intérêt aux villes, et surtout aux capitales. L’impact des lignes de trains à grande vitesse sur la proximité temporelle des villes, sans parler des améliorations de l’automobile, en sont un bon exemple 5. L’accélération des liens entre des villes distantes de plusieurs centaines de kilomètres, que ce soit par une ligne de TGV ou bien par la création d’une autoroute, a pour conséquence de valoriser la visibilité d’une ville au détriment de toutes les plus petites et des villages que ces infrastructures traversent mais ne desservent pas 6. Gion A. Caminada réagit à cette manière de voir les choses. Il est contre le fatalisme de la phrase de J.Herzog 6, et réfute le caractère marginal des espaces délaissés (« leftover spaces »). « Marginal regions are not leftovers. It should be possible to assure them independence and autonomy … Peripheries might in this way succeed in developing their regional strengths.». L’architecte Suisse introduit par ce biais la notion de régionalisation (expliquée par la suite, page 27). Lors de mes recherches j’ai trouvé un point de vue très lié avec mon sujet : Celui de la « décentralisation » en France. C’est Philippe Madec, architecte en bretagne, qui dans une lettre sur le « régionalisme critique » destinée à Luigi Snozzi (architecte suisse, comptant parmi les leaders de pensée de ce mouvement) expose le lien entre Décentralisation en France et Regionalisme en Suisse 7. Le système central, pyramidal, serait plus fortement ancré en France que dans les deux autres pays (Belgique et Suisse). Premièrement, plus qu’en Suisse car la description faite par P. Rieder, M. Tschanz et B. Shclorhaufer dans Cul zuffel e l’aura dado décrivent que la région des Grisons (en Suisse) est très autonome 8. Deuxièmement plus qu’en Belgique aussi, car les récentes études sur les villes belges par Bénédicte Grosjean 9, se basant sur les travaux de Francesco Indovina et Bernardo Secchi, montrent que l’on peut qualifier de « ville diffuse » le modèle de développement urbain du brabant belge. Cela s’écarte par essence d’un système centralisé.

5:

Anamorphose de la France selon les temps de parcours en transport férroviaires, 1999

« C’est le grand défaut de la modernité et de la période industrielle d’avoir nié cet acte individuel et d’avoir considéré que l’homme se résumait à une force de travail qu’il pouvait vendre pour effectuer un acte répétitif qui accompagnait la machine.» BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Ed. Actes Sud, 2006, p88 6:

« We live in an urbanized network that includes leftover spaces » Jacques Herzog, cité par SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p34 7

« L’histoire de la France est construite autour du centralisme, au point que la politique déléguant aux Régions des charges de l’Etat s’appelle la décentralisation et non pas la régionalisation. [...] même si aujourd’hui la modernité des régions s’avère tant du point de vue économique que culturel. Pourtant parlez encore de régionalisme en France et vous voilà suspect; notamment de sympathie pour l’extrême droite. » P.Madec, A propos du Regionalisme Critique, à Luigi Snozzi, 2000 8

«The free-man farmer [...] The idea of personal and community freedom is deeply rooted in Grisons » SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p35 9

GROSJEAN Benedicte, Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse, Mardaga, 2010

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7

« L’administration locale nous considère comme des gêneurs entravant ses directives, tandis que la population nous bat froid, voyant en nous des personnages arrogants, préoccupés uniquement par une expression auto-satisfaisante. De notre coté, lorsque nous nous réunissons entre architectes, nous avons une certaine tendance à nous défouler en critiquant presque systématiquement ces fonctionnaires qui ne comprennent rien à rien. […] Pourquoi n’arrivons nous pas à gagner la confiance de la société ? » ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, 2014, p27

« Dans le bâtiment, c’est différent : tout est fait à la main, parce que même si des produits livrés sur le chantier sont des objets manufacturés ou industrialisés, ils sont assemblés à la main pour la construction » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Ed. Actes Sud, 2006 p.88

HEBBELINCK P. – DE WIT P. , Méthodes, 2009, p176 1

Au sujet de L. Sullivan et R. Koolhaas : ce sont des citations, donc extraites de leur contextes (leur livre d’origine). L’exemple frappant est celui de «fuck context» qui fût isolé et détourné par nombre d’ouvrages lui succédant. Au départ cette phrase s’inscrit dans un raisonnement sur les echelles de conception d’un projet. (voir : KOOLHAAS, Rem et MAU, Bruce. S,M,L,XL. New York: Ed. Monacelli 1995.) 2

Les architectes et la société, aujourd’hui (fin XXe - début XXIe) Le système de production moderne, en tâches séparées, est aujourd’hui toujours en place dans certains domaines. Les ingénieurs automobiles sont encore formés aujourd’hui pour déterminer, à la seconde près, quels gestes les ouvriers doivent accomplir afin d’être les plus productifs possible. L’ouvrier n’a pas de liberté d’initiative au moment où il réalise sa tâche. J’ai pu constater également cela dans le domaine du bâtiment, au cours d’un stage dans une usine d’assemblage de charpentes métalliques (2013). L’ouvrier assembleur expérimenté, avec qui j’ai travaillé, détenait un savoir-faire et une connaissance de la matière que lui envieraient certainement nombre de jeunes ingénieurs. Il faisait preuve en plus, d’une motivation rare pour me transmettre ce qu’il savait. Il était fier de m’expliquer, de m’enseigner son métier. Mais le fait que les ingénieurs et dessinateurs lui envoyaient des plans indirectement, par l’intermédiaire d’une imprimante, anéantissait tout dialogue. Un ingénieur dessinait et envoyait des plans dans une machine, et l’assembleur venait chercher ces plans à cette machine. Il n’y avait donc plus aucun contact entre ces deux maillons du processus de production de charpente métallique. De plus ces mêmes plans, n’indiquaient jamais le lieu et la vue d’ensemble de la construction. L’ouvrier ne savait donc jamais pour quel bâtiment il assemblait des pièces, ni où ce dernier allait être construit. C’est à ce moment que j’ai mesuré la chance qu’ont les architectes puisque leur rôle leur impose de toujours avoir une vision d’ensemble d’un projet. Pierre Hebbelinck dans son livre Méthodes, par le biais d’une citation empruntée au philosophe Václav Havel, introduit un nouveau point commun entre lui, Bouchain et Caminada : la perte de contact avec la réalité des architectes. « La perte du contact avec la réalité mène logiquement à la perte de capacité d’intervenir efficacement dans le réel. Moins cette capacité est grande, plus profonde est l’illusion que l’on intervient. […] Savoir ce qui se produira vraiment suppose qu’on sache ce qui se passe maintenant. Tout l’enjeu est là. Entre les prévisions détaillées du futur et l’interprétation exhaustive du passé, il ne reste plus de place pour ce qui est fondamental : l’analyse concrète du présent. » 1 Vaclav Havel Si le XXe siècle fût le support de nombreux essais théoriques plus ou moins utopiques sur l’architecture, le mouvement moderne a initié et développé l’intérêt pour une architecture détachée de son contexte. De la citation emblématique de l’architecte américain Louis Sullivan « Form ever follows function », erigée malgrè lui en dogme 2, jusque celle plus contemporaine de l’architecte ‘star’ Rem Koolhaas : « fuck context » ; s’est amplifié l’attrait pour une architecture objet, suivant les modes.


L’utopie du grec U-Topos, littéralement qui n’a pas de lieu, tel un objet par essence, est bien là un sujet de critique du modernisme, commun autant à Hebbelinck qu’aux deux autres architectes. En effet, Gion Caminada, de son côté, critique les architectes ne faisant attention qu’à la forme et au désir des clients, il les qualifie d’ « architectes esthétiques ». L’architecture esthétique est selon lui « égoïste » et a pour conséquence « la perte du sens culturel » des constructions car cela « détourne l’ensemble du contexte concret. »3 Patrick Bouchain est aussi concerné par le souci de la réalité, en attestent les mots suivants : « (…) écarter le plus possible les modèles dévastateurs en architecture, car ils correspondent très rarement à la situation réelle. »4. Pour ce dernier l’architecture est avant toute chose une affaire de construction, avant d’être construite, elle n’est qu’image. Pierre Hebbelinck partage également, à quelques mots près, ce point de vue : «pas d’architecture sans construire »5 Se pose alors la question du contact avec la réalité des agences d’architecture qui focalisent leur travail sur les concours publics mais qui ne parviennent pas à en gagner, ou très rarement. Leur classement au concours leur garantit de financer leurs charges et elles peuvent ainsi appliquer ce schéma longtemps avant de superviser la construction d’un de leur projet. Ces entreprises, qui au final ne construisent que très peu, sont, du point de vu des trois architectes, déconnectées de la réalité ordinaire. Ce manque de réalisme se traduit également par un manque de compréhension d’un client lambda face au discours d’un architecte. Peut-être la création des CIAM (Congrès International d’Architecture Moderne), regroupant principalement des intellectuels initiés à l’architecture, a-t-elle élevée la réflexion et le champ lexical en dehors du niveau de compréhension commun ? 6. c’est ce que souligne P. Bouchain, en s’appuyant sur les propos de Daniel Burren , artiste Francais. Cela confirme donc que sont concernés de nombreux domaines créatifs et intellectuels. La difficulté des architectes à se faire comprendre, énoncée par l’architecte nippon Toyo Ito, à la page précédente 7, conforte l’idée d’une architecture détachée de la réalité. Et comment peut-on faire confiance à quelqu’un que l’on ne comprend pas ? Patrick Bouchain, Pierre Hebbelinck et Gion Caminada sont tous trois très conscients de ce problème d’actualité.

3

Gion Caminada, Conférence au CCS de Paris (Youtube) 4

BOUCHAIN P. et JULIENNE L., « Le chanel à Calais, entretien avec Patrick Bouchain », AMC, no 177, 2008

5

HEBBELINCK P. – DE WIT P. , Méthodes, ed. WBI, 2009

6

Daniel Burren, artiste Francais, soutient ce constat à propos de l’art, d’après un passage du livre de Patrick Bouchain : « […] c’est que l’habitude du musée, c’est à dire pour l’artiste de travailler consciemment ou non, pour un public spécifique et parfois éclairé, depuis plus de cent ans, l’a coupé de façon drastique d’un public tout aussi éclairé potentiellement mais non spécialisé et surtout dont l’éducation artistique n’a jamais été faite. » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Ed. Actes Sud, 2006, p.155

“I try not to discuss issues of form too early in the process, because otherwise they quickly come to the conclusion that the architect is talking to himself. You have to talk around the problem and also introduce what could be in it for them.” Gion Caminada, AA files 51, 2004, p. 6.

L’architecte suisse s’efforce de discuter des questions de forme le plus tard possible avec son client afin de faire émerger une « conception pertinente » et non « esthétique » . Il avoue également que le fait de travailler dans son village natal, là où il a déjà réalisé quelques maisons pour les habitants, l’a beaucoup aidé dans la construction de son mode de travail. Son expérience et son origine lui ont permis de se faire accepter plus facilement lorsqu’il proposa des nouvelles idées dans le village. 23


1

« Quand on exprime une chose à un lecteur, une pensée c’est-à-dire un acte de réflexion extrêmement rapide : voici le lieu, voici le projet, voici l’économie et voila comment on a combiné l’ensemble et quel est le dispositif. Eh bien à ce moment là, rien que le fait de l’énoncer, on y voit nettement plus clair. Simplement parce qu’on a invité quelqu’un qui n’est pas au cœur de la conception. On est obligé de lui exposer les choses plus clairement que les flux naturels de conception au sein d’un atelier, où on pourrait pratiquer le « non-dit » par exemple. On est obligé de nommer, ou de signifier. Ce travail de lecteur est vraiment essentiel pour vérifier le bilame. C’est-à-dire le différentiel entre le foyer de la conception - qui est d’y croire - et la matière agglomérée autour de cette conception. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par Bury Louis, Liège, le 25 Novembre 2014 N.B : «Bilame : Bande métallique double, formée de deux lames minces et étroites de métaux inégalement dilatables, soudées par laminage. ( Sous l’effet d’une variation de température, le bilame s’incurve )» source : www. larousse.fr

2

Patrick Bouchain ajoute immédiatement à cette phrase : « Il en résulte souvent des conflits et une image terrible, celle d’une architecture morte avant que d’être née car dès le moment où elle est finie elle n’intègre plus les changements de rapports et de désirs» BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, 2006 3

Au cours de l’interview que j’ai réalisée avec Sebastien Eymard, ce dernier explique la manière dont l’agence de Patrick Bouchain travaille avec l’idée d’éphémère, et comment dans le cas de Zingaro cela a permis de contourner, déplacer les questions qui s’opposent en barrière à l’avancement d’un projet. EYMARD Sebastien, interrogé par Bury Louis, Liège, le 27 Juin 2014 « C’est ainsi que convaincus d’être des contestataires, nous nous sommes tenus à l’écart du pouvoir. Voilà pourquoi je continue, dans mon travail, à faire de la résistance. Pour moi il est évident que l’architecte à un rôle de contradicteur. » ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, 2014, p.112

Cette question du défaut de confiance explique certainement le besoin qu’éprouve Pierre Hebbelinck de gérer la promotion de son travail (fondateur des éditions Fourre Tout). A travers la citation ci-contre1, on peut comprendre que c’est en expliquant, et ce par divers moyens : expositions, édition de livre, rendez vous sur le chantier, rendez vous à l’agence ; que l’architecte belge parvient à instaurer une relation de confiance avec ses interlocuteurs. De plus, il utilise ce temps d’explication à des fins qui dépassent la compréhension de son interlocuteur. Le fait d’expliquer un projet a pour conséquence de clarifier le sens du projet, et permet aussi de le tester. Patrick Bouchain enfin, évoque aussi ce problème de confiance dans la profession d’architecte. D’après lui, aujourd’hui les architectes «n’ont confiance ni en leur commanditaire, ni en leur utilisateur.»2. Un des leviers exploité par l’équipe de l’architecte Parisien pour remédier à ce défaut de confiance est l’usage de l’idée d’éphémère 3. Bien qu’il s’agisse par définition de quelque chose de temporaire, jouissant d’une durée de vie plus courte que le permanent, l’éphémère est plus facilement accepté dans le domaine culturel. Les risques pris semblent moins grands : l’idée d’un retour en arrière possible en cas d’échec, telle une bouée de secours aux yeux des commanditaires a permis par exemple au projet (devenu relativement célèbre) Zingaro de voir le jour. Etre considéré comme éphémère a rendu possible la construction du projet, dans un lieu d’une zone inconstructible.


ThĂŠatre Equestre de Zingaro, Patrick Bouchain (Construire) & Harari Architectes, 1989. c.p. : Harari Architectes 25


Sujets de comparaison

Action collective

Patrick BOUCHAIN _ importance et force du "comportament collectif citadin", oser l'autogestion _ l'acte de faire comme facteur de lien social _ Accepter les différences _ L' "Oeuvre commune"

Pierre HEBBELINCK _ l’Architecture est une transposition des échanges, une mise en œuvre des échanges _ vision Solidaire de la société _ schéma concentrique de l'atelier _ conscience collective : "un projet ne se comprend pas et ne se fabrique pas seul"

Gion A. CAMINADA _ reflèchir dans l'intérêt collectif _ Vision Holistique de la Société _ "La culture vit de la différence" Quelquechose qui nait des échanges. _ clarifier le programme par le dialogue _ s'entoure et collabore avec différents personnes compétentes dans des domaines différents

_ Utilise les compétences locales _ les matériaux locaux sont interprétés _ se nourrit de ce(ceux) qui l'entoure

_ "Ressentir dans un contexte ce qu'il ya de spécifique" _ les matériaux locaux , les compétences, savoir_faires locaux _ un modèle économique basé sur la force des régions _ un avis critique sur le "régionalisme critique" représenté par Peter Zumthor

_ laisser la ville définir ses règles _ " Quand l'état n'arrive plus à diriger c'est au citoyen de prendre l'initiative et de changer la règle "

_ augmentation des peurs et la juridisation des rapports

_ Il fut à l'initiative de la création des regles d'urbanisme de son village. Il fait attention à laisser des zonnes "grises" , volontairement libres.

responsabilités & Implication des acteurs

_ politique volontaire _ ouvrages "non-finis" : laisser la place à celui qui utilisera le lieu _ l'inattendu = un risque. Le risque tisse les liens entre les acteurs d'une construction : constitue un défi à relever. _ l'utilisateur participe à toutes les réunions de chantier.

_ responsabilités Contractuelles _ l'utilisateur participe à toutes les réunions de chantier. _ l'organisation concentrique de l'agence _" transmettre une idée plutot que la commander"

_ premières esquisses vagues (volontairement) pour susciter les commentaires et les débats => enrichit le projet _ cherche des modèles architecturaux dans lesquels le client peut participer à la construction

La perennité de la réalisation

_ durable si approprié et appropriable _ Transmettre les savoir-faires pour conserver l'Histoire _ l'architecture éphèmere dans un processus plus grand que la durée de la construction : les lois

_ le "non fini" comme quelquechose de positif _ "Expliquer, raconter, expliciter"

_ Aborde la perennité sous l'angle de la culture d'un lieu, son identité, sa spécificité. _ Ouvrages neutres, permet aux utilisateurs de mieux investir les lieux

_ partir du local, le micro vers le macro Influence de l'architecture suisse _ "un projet commence par : Qui commande ? Qui s'en sert? Qui construit ? " : le régionalisme critique

La surcharge normative


- II TRANSMETTRE : UN ACTE COLLECTIF AVEC UNE ORGANISATION HORIZONTALE

« Il s’agit également de mettre de côté nos vanités et de considérer tout objet architectural nouveau comme une pièce faisant partie d’une grande œuvre collective. »

LAMPUGNANI Vittorio Magnago, « Des gestes vides de sens », « ‘A’A’ », no 388, 2012

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«Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès» N. Mandela, discours d’investiture 1994 «Pour entendre l’idée de l’autre il faut accepter sa différence. […] L’échange avec l’autre est le b.a-ba de l’harmonie et de la vie possible.» BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p 48

Après avoir présenté ce que les trois architectes ont en commun dans leurs rapports avec l’histoire, nous avons commencé à énoncer quelques aspects de leur pratique. L’architecture qualifiée de «moderne» soulève des problèmes fondamentaux aux yeux d’un groupe d’architecte qui cherche au travers de leur méthode à regagner la confiance de leur client, à rester connecté aux réalités et aux envies, aux besoins des constructeurs mais aussi utilisateurs. Il s’agit maintenant de s’intéresser à un autre fondement qu’ils ont en commun : la démarche collective. L’obsolescence du modèle centralisé

Système pyramidal - c.p. Louis Bury Patrick Bouchain « L’impuissance actuelle des Etats et de leur bureaucratie est une occasion à saisir car c’est au moment où l’impuissance est la plus grande que se présente la chance unique de se sauver, c’est au moment où l’Etat trébuche pour cause de démesure, que l’individu seul doit se prendre en charge, dans l’intérêt collectif. » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ? Paris, Ed. Actes Sud, 2006, p18 « Aucune planification n’atteindra jamais la justesse des comportements collectifs citadins » AMC, Le Moniteur architecture, 2008, no 177, p68 « Plutôt que de faire analyser le dossier (de permis de construire) de manière indépendante par chaque service, il suffirait de créer une assemblée où tous les services donnant leur avis sur le permis de construire devraient débattre de l’objet à construire, de son utilité et de son harmonie dans le cadre du projet urbain, avant de le confronter au règlement. Cette réunion pourrait se tenir sur le lieu même de la construction avec le demandeur, car l’attribution du permis devrait faire l’objet d’une délibération publique. » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, 2006

Par « modèle centralisé » on entend ici l’idée simple qu’un pouvoir détenu par un tout petit nombre, au sommet, détermine toutes les actions du plus grand nombre, à la base d’une organisation. On obtient un schéma pyramidal constitué de couches, qui sont plus ou moins poreuses selon les époques et les sociétés de notre monde. Dans ce système l’individualisme est fortement marqué. Dans leur approche du métier, on sent bien que les trois architectes ne valorisent pas une organisation hiérarchique, verticale, dans laquelle ils s’érigeraient en détenteur d’un savoir que les ouvriers devraient mettre en œuvre. A l’inverse, l’oragnisation horizontale des compétences et l’intérêt collectif sont deux notions très importante dans leur pratique. Les quelques passages, en marges de ce chapitre, exposent l’attachement au collectif des trois architectes. La constitution d’un groupe et de la conscience de celui-ci autour d’un projet est un point commun, déterminant, entre les trois architectes. Ils partagent ensemble la vision d’un groupe qui créé ensemble, qui réfléchit, qui conçoit. L’individu n’est pas au cœur de la société, c’est l’intérêt commun qui prime : ici, le projet architectural. Par ailleurs, on peut identifier certaines différences dans leur conception de la démarche collective. Inspirés du schéma1 de son agence dessiné par Pierre Hebbelinck, c’est ce que tentent d’exprimer les trois schémas ci-dessous. Représentés à plat, ils expriment les interactions au sein d’une collectivité, qui s’effectuent sans rapports hiérarchiques (verticaux).

Schémas des pratiques. De Gauche à droite : Pierre Hebbelinck, Patrick Bouchain, Gion Caminada


Pierre Hebbelinck (comme G. Caminada) semble croire en un modèle holiste, même si il ne le nomme pas (voir définition plus bas). En attestent les propos de l’architecte belge lors de mon entretien avec lui : les conditions extérieures influencent les projets de l’agence mais aussi les acteurs du projet. Quand ils travaillent, les deux architectes sont au centre du processus du projet. Ils conservent le dernier mot sur toutes les décisions jusque dans la réalisation (dans la limite contractuelle des responsabilités qui leur sont attribuées). De manière presque paradoxale, nous allons le voir ultérieurement, leur pratique laisse une large place à la négociation et aux compromis. De son coté, P. Bouchain l’architecte parisien, porte son intérêt jusqu’au fonctionnement autogéré des pays d’Amérique latine. L’opposition avec le système pyramidal est alors à son paroxysme puisque c’est dans le sens inverse que l’autogestion fonctionne. Cela fait écho à la manière dont il décrit son processus de production. Il apparait alors faisant partie d’un groupe composé d’acteurs, chacun ayant le même statut, aucun n’a le dessus sur l’autre. S’il dit avoir une casquette de chef d’orchestre, il a aussi dans ce cas un rôle de médiateur. Il rassemble les acteurs, voir les laisse composer. Sa démarche met en avant la rencontre de personnes qui n’entretiennent habituellement aucun rapports. Cela le rapproche moins de l’attitude d’Hebbelinck que celle de Caminada. Les trois architectes attachent une grande importance aux avis des personnes extérieures sur un projet. Pour pierre Hebbelinck c’est même devenu une constante : à chaque projet les mêmes catégories socioprofessionnelles de personnes « gravitent » autour de la question. Ils apportent leur vision des choses, leur filtre. Ainsi c’est un travail réfléchi par diverses parties dont les intérêts quotidiens divergent. Pour Gion Caminada, le fait de s’entourer n’est pas quelque chose d’identifié. De plus l’entourage est proportionnel à la différence d’échelle du tissu urbain dans laquelle il intervient. Là où une dizaine de personnes travaillent à Liège, trois personnes travaillent à Vrin au quotidien. Impossible d’en accueillir une de plus, faute de place. C’est donc Gion Caminada qui sélectionne ponctuellement quelle personne il va rencontrer pour enrichir un projet. Des modèles sociétaux Cela nous mène à la question de l’emploi des ressources humaines locales (qui est développée dans la sous partie suivante), que l’on ne peut pas encore exposer sans avoir présenté la vision sociétale singulière de chaque personnage. Holisme, du grec Holos : le «Tout», l’«Entier». Ce néologisme est définit par Jan Christian Smuts (1926) comme étant : « la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice »

Pierre Hebbelinck un « ouvrage est parfois le fruit de six, sept, huit années de travail. L’entrepreneur est l’héritier de cela. Mais nous le sommes tout autant, puisqu’on a été conditionné par les rapports avec la maîtrise d’ouvrage et avec les normes. Le maître de l’ouvrage lui-même a été conditionné par les questions budgétaires, les normalisations et les découvertes liées au processus de création. » « nous faisons en permanence, Pierre Dewit et moi, du “casting”. On assemble des équipes de telle manière à avoir les meilleures équipes pour répondre à des concours. La meilleure étant celle la plus adaptée à une situation donnée. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

1

: Schéma extrait du livre Méthodes, p171

« L’Architecture est une transposition des échanges, une mise en œuvre des échanges. » « Je dirais que la manière dont j’envisage l’Architecture, repose sur [...] Un monde dans lequel l’entraide a une valeur importante. Mais l’entraide n’est qu’un moyen. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

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Gion Caminada « La Culture vit de la différence. Sans différence il n’y a pas du Culture. » 5min30 « J’ai invité les habitants de Vrin pour qu’on discute ensemble » 50min00s. Conférence de Gion A. Caminada au CCS de Paris, du 21-09-2012, hébergée sur youtube, consultée le 15/02/2014 « Political and Societal negotiations foster a community’s sensitivity and independence; self confidence and trust in others also increases » G.Caminada, SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p34

Les neufs point clés pour les périphéries selon Gion A. Caminada : 1 -La périphérie tel un catalyseur. Les périphéries doivent jouir de plus d’autonomie. 2 - Les différences d’identité entre périphéries et centres devraient être plus prononcées. 3 - L’Urbanisme devrait soutenir l’indépendance des régions 4 - Régulation du paysage agricole et de la beauté des paysages. Le but est d’éviter la standardisation et l’uniformisation: « Global uniformity and normative standards are inappropriate for the manufacture of agricultural machines (…) that serve the landscape. » « To have culture also means to be different. Global norms are the greatest enemies of culture » 6 -Mise en place d’un fonctionnement économique Holistique dans les régions montagneuses. -« L’invité est roi, ainsi que l’habitant natif » rapport avec l’attachement très prononcé des suisses à leur identité. 7 -Les particularités d’un lieu devraient rester constantes pour construire une nouvelle base d’architecture. 8 -Un développement économique basé sur un coût des matériaux le plus bas possible, et un large emploi de la main d’œuvre locale pour compenser. Favorise l’exploitation de matériaux locaux et entretient l’économie locale ainsi que les savoir-faire locaux. 9 - reprend les propos de Lucius Bruckhardt « To protect a landscape means to maintain its distinguishable features ». SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p 134-135-136

C’est chez Gion Caminada qu’il est le plus facile d’identifier un modèle, car il est déjà énoncé par d’autres : l’approche holiste. Il développe avec P. Rieder (économiste), un ensemble de critères pour le développement du village de Vrin. Par exemple, le minimum démographique d’un village dans cette région doit être de 500 habitants, pour qu’il comporte le nécessaire à la vie (équipements, vie communautaire etc.). Pour l’économie, il propose d’axer les efforts sur ce qui est spécifique au village, de la même manière qu’un pays défend et promeut les fleurons de son économie face aux autre pays. Pour Caminada, cela doit se faire au moyen d’un renforcement du rôle et de l’autonomie des régions. Etre attentif à ce qui existe est fondamental, être ouvert à de nouveaux horizons est une étape suivante. Cela traduit le proverbe local : L’invité est roi, l’habitant natif aussi. En fondant son raisonnement sur le cas de Vrin et de la Vallée du Lumnezia, dont le village fait partie, Gion Caminada émet l’idée que ce modèle est applicable à toute la région Alpine. Les régions gagneraient à mettre en avant leurs savoir-faire et leurs traditions locales, dans un contexte social et économique actuel délicat (nombre d’habitants faible et pas suffisamment d’activité commerçante). D’un fait local (microcosme), l’architecte propose une réflexion globale (macrocosme).


Patrick Bouchain soutient l’autogestion, qui permet la cohésion d’un groupe par la réalisation d’une œuvre commune. Il explique que l’autogestion implique un risque car on est responsable de soi-même. Et c’est précisément ce risque qui fabrique des liens entre les membres d’un groupe. Les notions de hiérarchie sont laissées de coté. L’organisation des acteurs d’un projet se fait de manière horizontale, «démocratique». Contrairement au statut de médiateur et/ou chef d’orchestre décrit précédemment pour Patrick Bouchain, Pierre Hebbelinck et Gion Caminada conservent une position de conseil et de décision auprès de leur interlocuteurs. Lors d’un chantier par exemple, ils ont le dernier mot sur les moyens à mettre en oeuvre pour réaliser un ouvrage, ce qui n’est pas le cas avec P. Bouchain.

« […] un projet d’architecture ne se comprend pas seul et ne se fabrique pas seul. Il se comprend de manière multiple et il faut échanger très vite au cœur même de l’atelier avec je dirais un nombre représentatif de personnes […] » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

L’acte collectif se remarque également dans l’énergie, dont font preuve les trois architectes, pour diffuser leur production. Gion Caminada à part des écrits dans sa langue natale n’a pas publié autant que les deux autres architectes étudiés. Par exemple il n’est pas l’auteur de l’ouvrage majeur faisant état de sa pratique, Cul Zuffel e l’Aura Dado 1. Il y est difficile de dire que Peter Schmid ou Bettina Schlorhaufer, les auteurs, tiennent la plus grande place dans les textes. Il est en fait question d’une association de multiples écrivains, de professions différentes : photographe, poète, ingénieur, journaliste, architecte, économiste etc. qui se sont associés dans un but commun. L’ouvrage est donc constitué d’une somme de parties. Il est intéressant de faire le rapprochement de cette méthode d’écriture avec la théorie holiste. Ce n’est qu’à partir du moment où cette idée est énoncée que la compréhension du livre Cul zuffel e l’aura dado prend une autre dimension, plus engagée.

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SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010

Pierre hebbelinck est trés différent de l’architecte Suisse sur ce point. En effet, en reaction face au contexte auquel il était confronté, l’architecte belge crée, en 2004, les Editions Fourre-Tout. Elles ont pour ambition de porter les débats sur l’architecture vers le reste de la sphère culturelle. A ce titre, la collection ARCHITEXTO interroge les liens avec l’écriture d’une jeune génération d’architectes belges. Mais au delà de le diffusion d’un contenu, il est question de réfléchir tant à la composition de l’objet livre qu’à son mode de réalisation, sa matérialité et sa diffusion. Patrick Bouchain se situe à mi-chemin entre les deux premiers. Il alimente son écriture dans Construire Autrement, comment faire? avec des passages, voir même des extraits entiers de textes d’autres auteurs, tels que Gilles Clément ou Michel Onfray. Il est maintenant important de re-situer ces idées dans un contexte plus large et de constater par exemple que les neufs points énoncés par Gion Caminada (à la page précédente) sont une interprétation du mouvement architectural : le Régionalisme Critique des années 1980. 31


L’influence de la Suisse : le Régionalisme Critique Depuis les années 2000, on bénéficie de plus en plus de la diffusion des expériences des architectes Suisses de la fin du XXe siècle. Le journal périodique d’architecture A’A’, dans un hors série consacré aux « Perspectives durables » nous dresse, entre autres, un tableau historique à travers l’opinion de Walter Unterrainer 1 (architecte impliqué dans le mouvement « Baukunstler » des années 1980) : le Vorarlberg, une région qui se situe à cheval sur l’Autriche, le Lichtenstein et la Suisse. Il est intriguant de constater que presque au même moment (1980-1990), des architectes d’autres régions suisses agissaient avec les mêmes préoccupations : Les Grisons et le Tessin.

Vallée du Lumnezia, entre Vrin et Cons, 2015 C.p. Louis Bury « A l’époque, la réputation des architectes (en Autriche) était très mauvaise. On disait d’eux qu’ils n’écoutaient pas les problèmes qu’on leur soumettait, qu’ils avaient des idées abstraites et que leurs projets coûtaient cher. Au contraire nous nous sommes inscrits délibérément dans le mouvement d’auto-construction du Vorarlberg et nous avons beaucoup appris en produisant» UNTERRAINER Walter, « Vorarlberg, Quand l’écologie joue de synergies », in ‘A’A’, HS Perspectives durables, 2012, p 26 à 31 1

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GREGOTTI Vittorio, Territoire de l’architecture.1966

Un des architectes représentatif de ce courant de pensée, justifie cette approche par un constat simple : « Avant de poser pierre sur pierre, l’homme a posé la pierre sur la terre pour marquer un lieu dans l’univers. […] Cette modification qui transforme le lieu en chose de l’architecture fonde l’acte originel et symbolique de la prise de contact avec le sol, avec le milieu physique, avec l’idée de nature comme totalité, à travers la construction du principe d’enracinement ». Vittorio Gregotti 2. Les propos de cet architecte milanais trouveront, d’une certaine manière, moins application dans sa production que dans celle de jeunes architectes du Tessin (Suisse), qui va étoffer les exemples de cette attitude.


Cela est d’autant plus questionnant que la Suisse, en comparaison avec la France, possède quatre langues vivantes sans avoir de langue commune à tous. Il y a donc quatre cultures distinctes. D’une région de suisse à une autre, les comportements et les pratiques culturelles sont très différenciées. J’ai pu le constater dans l’entretien que j’ai eu avec Gion Caminada : il existe en effet plusieurs cultures différentes au sein même de la vallée de son village. Cela est en partie dû à l’attachement historique des Suisses à leur indépendance.

Ci-dessus : la villa Kalmann. photo 2015 c.p. Louis Bury Luigi Snozzi fait partie des architectes les plus connus du Tessin, notamment pour cette réalisation.

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Dans L’architecture moderne : Une histoire critique, K. Frampton énonce sept principes du Régionalisme Critique : -1 : « Le Régionalisme Critique est une pratique marginale ; bien que réservé vis-à-vis de la modernisation, il reste attaché aux valeurs libératrices et progressistes de l’héritage moderne ». -2 : «il prône une architecture mesurée, qui privilégie le territoire généré par la construction d’un édifice sur un terrain donné, au bâtiment perçu comme un objet isolé » -3 : il est « incarné par un fait tectonique plutôt qu’à réduire le cadre bâti à une collection d’épisodes scénographiques disparates. » -4 : le R.C. « insiste toujours sur des facteurs propres au site. » « la topographie – matrice en trois dimensions dans laquelle un édifice vient s’installer –[…] La lumière est toujours comprise comme l’acteur principal par lequel un volume et sa valeur tectonique sont révélés. […] Les ouvertures, zones subtiles de transition à même de répondre aux spécificités du site, du climat et de la lumière. » -5 : Le R.C. « accorde autant d’importance aux sensations tactiles que visuelles » -6 : Le R.C. « promeut une culture qui se veut à la fois contemporaine et ancrée dans le local, sans tomber dans l’hermétisme […]. Il tend donc à la création paradoxale d’une « culture mondiale » attachée à diverses régions – condition nécessaire à toute forme pertinente de pratique contemporaine ». -7 : Le R.C. « tend à s’épanouir dans les interstices culturels qui échappent au nivellement induit par la civilisation universelle » KENNETH Frampton, L’Architecture Moderne, Une histoire critique, editions Thames & Hudson, 2009, p347

RIBEIRO Ugo, Le Régionalisme Critique : l’influence du lieu sur l’Architecture, Mémoire de fin d’études, ENSA-Lyon, France, 2012 Travail de fin d’études faisant l’analyse transversale des écrits d’ Alexander Tzonis, Christian Norbert Schulz et Kenneth Frampton. Etudes de cas portant sur les «Ecoles manifestes» de Porto, du Tessin et de Catalogne. 2

« Il est essentiel de considérer qu’il n’existe pas d’œuvre architecturale en dehors d’un contexte, qu’il soit géographique, topographique, politique, économique, social ou culturel, contradictoire ou catastrophique. Ce qui est intéressant, c’est de repérer ce qu’il y a de juste dans ce contexte, de le sortir comme l’élément fondateur de l’acte commun pour répondre à une demande. » BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.19

« En premier lieu se trouvent la définition et l’analyse du besoin, la nature et la disponibilité des ressources » FREY Pierre, Learning from Vernacular, Actes Sud, 2010.

« Chaque fois que j’écris un nouveau spectacle, il ya changement ; non pas de l’attitude, car l’attitude reste la même toute la vie, mais seulement des moyens formels ; il faut une nouvelle réponse à la réalité, au monde extérieur, à la situation actuelle. » Entretiens, KANTOR T. cité dans : Méthodes, HEBBELINCK P. – DE WIT P. , Méthodes, 2009, p176.

Kenneth Frampton, dans son livre1, nous explique que la Suisse « a toujours montré des tendances régionalistes ». Ce dernier fait la différence entre régionaliste et régionalisme critique en ce sens où l’adjectif «critique» apporte une dimension de questionnement à l’échelle globale; une prise de recul sur les pratiques et concepts locaux, confrontés aux influences extérieures. Il y définit sept caractères principaux, signe d’une attitude de régionalisme critique. D’après le mémoire de maitrise en architecture d’Ugo Ribeiro2, on comprend que Kenneth Frampton n’était pas le premier à qualifier ainsi le travail des architectes suisses de la fin du XXe siècle. Ainsi Alexander Tzonis et Christian Norbert Schulz se sont aussi illustrés dans cette analyse, avant lui. Sans nous attarder sur ces deux derniers, cela vérifie donc le parti pris de Bernard Huet, quant à la fabrication de la théorie de l’architecture (explicité en introduction). Parmi les points clés du Régionalisme Critique de Frampton, nous avons d’abord exploré celui de l’héritage moderne paradoxalement distant de la modernisation, dans la théorie des trois architectes étudiés. Ensuite nous nous sommes intéressés à l’aspect collectif : l’association des compétences diverses autour d’une question, non hermétique donc ; caractérise assez bien ce mouvement. Enfin c’est la notion d’exploitation des spécificités et des ressources locales , qu’elles soient humaines ou matérielles, qui termine d’influencer les trois architectes que je décris.


En effet ; ils estiment tous trois l’intérêt pour le « micro ». Tels des scientifiques et leur microscopes, ils commencent tous un projet en se questionnant sur ce qui existe (matériel) dans les environs du lieu d’intervention, mais aussi sur ceux qui y vivent (l’habitant). Nous développerons dans la partie suivante leur intérêt pour les ressources locales humaines. Pour la partie matérielle cela se traduit dans leurs réalisations par l’emploi de matériaux propres à un lieu et/ou une culture régionale. Par exemple le choix conscient de certaines essences de bois dans les ouvrages conçus par l’architecte Suisse, à l’image du catafalque de Vrin (Stiva da morts en Romanche). Gion Caminada expose un point de vue négatif envers le régionalisme critique, quant à son usage des matériaux. En fait,Il ne souhaite pas être associé à ce mouvement architectural, représenté selon lui par Peter Zumthor. Architecte Suisse des grisons (comme Caminada), Zumthor jouit d’une renommée largement plus importante grâce notamment à l’édifice des Thermes de Vals. L’architecte de Vrin voit dans ce projet une attention exagérée envers le matériau local : la pierre de Vals. Il ajoute que plus rien d’autre n’a de lien avec le village. La typologie et la taille des pièces intérieures n’ont selon lui aucun lien avec Vals. Néanmoins, je pense que ces deux architectes sont étroitement liés à leur manière au même mouvement, même si l’un des deux s’en garde. Le Régionalisme critique est par définition ouvert aux différences et, de facto, regroupe un grand nombre de pratiques différentes.

« Ce qui est intéressant ce n’est pas l’étude d’un bâtiment mais la vie qui est autour, dans, et au travers de celui-ci. L’analyse est une bonne chose si cela permet de connecter des intérêts, de les faire converger et devenir plus gros que les originaux. Puis l’idée vient de se demander : qu’est ce qui existe? qu’est ce qui a été fait ? Par exemple ici à Vrin, il n’y a pas de pierre comme à Vals, parcequ’ici elle n’est pas de bonne qualité. Cela permet donc déjà d’établir une série de différences avec Vals. Vous pouvez également identifier un contexte spécifique grâce aux gens qui vivent sur place. Ils peuvent détenir un savoir, ou savoir faire quelque chose très bien, que vous pourriez utiliser pour en faire quelque chose de spécifique. Ou encore utiliser le climat, vous pourriez en faire quelque chose de spécifique. » CAMINADA Gion A., interrogé par BURY Louis, Vrin, le 03 Juillet 2015

ZUMTHOR Peter, Les thermes de Vals, Grisons, Suisse, photo 2015

c.p. Louis Bury

La pierre de Vals mise en oeuvre aux Thermes. Elle est présente partout: sols, murs, banquettes... En plus de la pierre, seul le bronze des gardes corps s’offre au toucher de la main. (Le batiment est en cours de rénovation lors de de cliché, ne laissant visible que l’extérieur.)

« Certes ils ont utilisés les matériaux disponibles sur place ; mais les matériaux ne suffisent pas à rendre remarquable une œuvre. » H.H.Harris, dans FRAMPTON Kenneth, L’Architecture Moderne, Une histoire critique, Ed. Thames & Hudson, 2009, p340

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Maison Stine-Gybels, Uccle, Belgique, 2006, c.p. Atelier Pierre Hebbelinck et Pierre DeWit

Dans le cas de l’architecte Belge, c’est l’emploi de la brique et les variations de son utilisation qui sont remarquables. Parfois les briques sont peintes, comme au Mons Mémorial Muséum (Mons, Belgique, 2015), en blanc dans une recherche de dématérialisation et de légèreté du volume en porte-à-faux (cf. rapport de réunion de chantier du MMM, Mémoire Volume 2/2, A la croisée des paroles et des actes). D’autrefois elles sont mises en œuvre avec des joints de mortier saillants ou bien en creux comme l’illustre la maison Stine – Gybels. L’atelier Liégeois fait la part belle à la brique, unité de base de construction du brabant belge.

Maison Stine-Gybels, Uccle, Belgique, 2006, c.p. Atelier Pierre Hebbelinck et Pierre DeWit

Maison Dejardin, c.p. Marie F. Plissart

Mais leur réflexion reste ouverte à d’autres champs de réflexion, comme avec la maison Dejardin, cubique et toute couverte de métal. Elle fut préfabriquée par quatre entreprises de la région. Ce choix, en plus de convenir à une possibilité technique locale, répondait à une particularité de compétence du client : le père de ce dernier travaillait dans la métallurgie. Il s’agit donc bien de rester attentif aux spécificités d’un lieu, au sens large du terme.


MusĂŠum MĂŠmorial de Mons (MMM), Atelier Pierre Hebelinck et Pierre deWit, 2015 c.p. Francois Brix

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Implication et responsabilité des acteurs Si les trois architectes intègrent tous cette notion dans leur pratique, l’implication des acteurs est décrite, voir opérée différemment. L’implication, dans notre cas, désigne le fait de réellement intéresser les différentes catégories de personnes au projet, en dépassant donc le simple cadre contractuel. Il s’agit de constituer un groupe solidaire. Pour cela, les trois architectes commencent par expliquer aux acteurs que le projet n’est pas important uniquement pour ce qu’il est physiquement : une construction.

Certains enfants de Bagneux ont laissé leur trace dans la charpente du PPCM c.p. agence «Construire» « […] it is important to engage people in the process of building, so they have an investment in what is developed. Through thinking and working together people find that the built object becomes part of a bonding experience. » Francis Kéré, Sensing Spaces exhibition, R.A-London, 2014 « Favoriser la construction de leur logement par les usagers eux même » Adolf Loos « […] La première chose est de regarder qui, dans la proximité de ce qui va être construit, est capable de réaliser cet ouvrage : un habitant, un artisan, une entreprise qui pourrait être acteur, avec d’autres, de la transformation de son environnement. Ensuite, il faut repérer qui, aux alentours, se servira de cet ouvrage, s’en occupera, le revendiquera comme un équipement lui appartenant et où il invitera d’autres habitants plus éloignés ou différents de lui. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.19 « Laisser l’architecture ouverte, pour que quelqu’un qui s’en sert prenne sa place et la transforme, est une manière de faire participer l’usager à la transformation de l’œuvre et de lui permettre, par ce travail, d’en faire une critique positive. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006,p.81

Pierre Hebbelinck organise, par exemple, dés le début une réunion avec tous les acteurs du projet dans ce but précis. Puis, durant les réunions de chantier d’un ouvrage tel que le MMM, les acteurs du projet se réunissent autour d’une grande table, pendant toute une journée, chaque semaine. Durant ce temps, les différents entrepreneurs viennent tour à tour exposer leur avancement, les éventuels problèmes et le travail restant à effectuer. Ils se présentent généralement à un auditoire composé de l’architecte, du client, de l’utilisateur futur, du responsable coordination du chantier et du pilote du chantier. Ces derniers assistent à toute la journée de réunion. Parfois plusieurs entrepreneurs viennent en même temps autour de la table si il y a des interactions entre leurs lots respectifs. (cf. Réunion de chantier du MMM, du livret «A la croisée des paroles et des actes») Patrick Bouchain, provoque le dialogue direct entre des personnes qui ne se rencontrent pas d’habitude, et/ou à des moments inhabituels. Par exemple, Sebastien Eymard (chef d’agence de Patrick Bouchain) me confiait que très rapidement au début d’un projet, il convoque les différents acteurs autour de la même table, afin de réduire les intermédiaires de dialogue, nuisibles au projet. Puis, durant le temps du chantier, il continue de réunir tous les acteurs du projet dans la cabane de chantier (cf. Réunion de chantier du PPCM, du livret 2 «A la croisée des paroles et des actes») Organisée de la même manière que les réunions de l’agence de Pierre Hebbelinck, les commanditaires du projet du PPCM sont conviés à rester durant toute la réunion et à donner leur avis dès qu’ils le souhaitent. Cela améliore grandement le sentiment pour un client et/ou un futur utilisateur d’être complémentaires à l’équipe qui gère le chantier. Idem pour les ouvriers qui, parfois, prennent part à la réunion pour exposer un fait important. Durant le même temps, et à la différence de Pierre Hebbelinck, une soirée ouverte au public est organisée chaque semaine, lors de laquelle se déroule des animations ou des activités culturelles (expositions, concerts etc.). C’est le principe du « Chantier Ouvert ». Gion Caminada de son coté, recherche volontairement à créer la discussion entre les habitants sur une étude de projet, en la leur présentant de manière vague.


Très peu de choses sont définies à ce stade. Les critiques des jours suivants, et surtout le débat qui s’en suit est important pour vérifier la pertinence du projet. Il ya donc une proximité indentifiable chez Hebbelinck et Bouchain dans leur manière de jalonner le suivi d’un chantier. Gion Caminada sur ce point essaye d’y être le plus souvent possible, pouvant aller jusque deux ou trois visites du chantier par semaine. Cela est rendu possible par le contexte de proximité dans lequel Gion Caminada exerce son métier. De tous les points développés dans ce travail, l’implication des acteurs et des utilisateurs futurs dans le processus de conception et de réalisation est l’élément qui a le plus retenu mon attention et qui m’inspire beaucoup. Par exemple cela pourrait s’appliquer dans le cas d’un bâtiment public : faire découvrir les métiers de la construction à des jeunes et ainsi promouvoir les formations techniques et professionnelles, dont on cherche aujourd’hui à redorer l’image, en proposant des mises en situation réelles. Cela pourrait prendre la forme de stages gratuits durant les vacances scolaires ou d’une journée le samedi. Le temps que consacreraient les ouvriers à cela pourrait être une application du 1% Formation dont parle Patrick Bouchain. En plus d’être un levier de création de lien social pour les riverains d’un projet, cela proposerait une attitude où l’architecture aide le système éducatif.

Au PPCM de Bagneux, la Baraque de Chantier, abrite au quotidien les stages et activités extrascolaires de l’école voisine. Ci-dessus, une «pause gouter» des enfants en même temps que la réunion de chantier. c.p. Louis Bury

La Baraque de Chantier du PPCM accueille aussi ponctuellement des spectacles et des repas de quartiers. c.p agence «Construire»

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« Qui commande? Qui s’en sert? Et qui construit? » P. Bouchain, PISU Vittorio : “Une Conversation avec Patrick Bouchain Architecte”, video youtube. « Quand on fait un bâtiment public, on rassemble très vite les acteurs du projet, et on propose un voyage que l’on organise. On va voir deux projets similaires avec les équipes techniques, les équipes de direction, le pilotage politique etc., en somme avec tous les acteurs du projet ; de telle manière qu’ils voient que leur projet rentre dans un champ plus large. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par Bury Louis, Liège, le 25 Novembre 2014 «The day after the presentation, the villagers talked about it in the restaurants. They didn’t quite understand the whole thing- and this was good. If everything is already clear, then people stop talking about it, and the result is something less intelligent. It remains interesting as long as it is slightly vague. They decided the project should be pursued. » CAMINADA Gion, 2004, ‘A’A’ files 51 p. 6. « Gion Caminada voulait étendre le village et son activité, et dans ce but il chercha des modèles architecturaux auxquels ses clients pourraient participer dans leur réalisation » “I always personally tried to involve people in whatever was happening” SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p118 et 169 « Il est toujours plus compliqué de dire en face à une personne de changer ou de recommencer ce qu’elle vient de faire plutôt que de lui dire indirectement.» EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Liège, le 27 juin 2014 « En architecture, la personne qui commande un objet participe à l’ouvrage au même titre que celui qui le conçoit, que celui qui le réalise, et que celui qui s’en sert. L’architecture est un tout, mais il faut que chacun soit à sa place et soit responsable. […] Par son apport constructif, il faut retrouver cette liberté grâce à laquelle tout créateur prend le risque de produire quelque chose d’inattendu. A vouloir ne prendre aucun risque, on ne produit rien. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.80

La principale différence à noter, entre les trois architectes, sur cette question d’implication est le degré d’ouverture. A quel public soumettre le projet ? Ce public se compose de qui ? Ce sont des questions que les trois architectes ont bien réfléchi. Pierre Hebbelinck ne semble pas avoir pour habitude d’impliquer systématiquement les riverains de ses interventions. Il est évident que cela complique le processus de décision car il y a plus d’avis à prendre en compte. En ça, c’est un véritable défi que Caminada et Bouchain assument à chaque projet. On peut dire que les méthodes d’implication des acteurs développées par les trois architectes tendent à responsabiliser ces derniers. Plus un acteur est impliqué, plus il est censé apporter son point de vue et en conséquence avoir une responsabilité morale sur ce qui est exécuté. Lorsque les trois architectes réfléchissent sur un projet, nous avons vus qu’ils cherchent à impliquer les acteurs, mais cela a également l’ambition de les responsabiliser. En effet, le sentiment de manque de confiance entre les acteurs d’un projet, provoque une recherche de dégagement de responsabilité morale générale, et conduit parfois à un abandon des responsabilités contractuelles. Pour endiguer cela, les trois architectes tentent de transmettre leurs idées, plutôt que de les commander. C’est d’ailleurs à cela que sont utiles les maquettes. Faire comprendre à la personne ce vers quoi il tend. Cette attitude permet de laisser la liberté à l’interlocuteur de digérer l’information et de la reformuler à sa manière. L’interprétation qu’il fait a pour but qu’il propose les moyens à mettre en oeuvre, afin d’obtenir le résultat décrit au départ. C’est une façon de produire de l’inattendu, chère à l’architecte parisien, qui nécessite du temps. Cette notion peut sembler très controversée. En effet, nous vivons aujourd’hui dans une société où la course à l’innovation n’a jamais été autant marquée, et paradoxalement, la peur du changement est aussi trés présente. Cela s’explique car la perspective de l’inconnu place l’individu dans une situation inconfortable et peut éventuellement se terminer en échec. Ce n’est évidemment pas cet aspect que retient Patrick Bouchain. Effectivement si l’inconnu nous place sur une bascule, cela oblige l’acteur d’une construction à (ré)agir face à une siutation, ou un choix. En ce sens, l’inattendu, par nature, incite les gens à s’impliquer. Selon P. Bouchain l’inattendu a également pour qualité de nous débarrasser de nos préjugés. Cela nous pousse à nous questionner à chaque fois. Evidemment cela provoque parfois de longues discussions, mais là encore la discussion et la prise de position qui en résulte est aussi un signe d’implication. Cela s’illustre plus facilement dans les pratiques de Bouchain et Caminada, que dans celle d’Hebbelinck puisque, nous l’expliquerons plus tard, ce dernier conçoit tout jusque dans les moindres détails et les dessine, avant que le chantier ne commence. En évoquant le risque et la responsabilité, Patrick Bouchain nous guide vers la question des normes et des réglementations.


La question des normes Des contraintes vides de sens Lors d’un stage que j’ai effectué chez un architecte à Cambrai (France), ce dernier m’a dit : « les normes d’accessibilité sont contraignantes, mais elles profitent surtout au plus grand nombre, car si elles rendent possible l’accès à un bâtiment pour une partie de la population, elles le facilitent énormément pour tous les autres. Par exemple, un adulte avec un bébé dans une poussette profite aussi des rampes d’accessibilité PMR. » Laurent Vigneron (ancien étudiant St-Luc Tournai) A l’époque les normes d’accessibilité pour les Personnes à Mobilité Réduite (PMR) venaient de connaitre une application globale et générale, de manière tellement soudaine qu’elles étaient devenues une obsession pour beaucoup d’élus politiques et pour les architectes qui travaillaient pour ces derniers. Aujourd’hui le sujet est moins médiatisé et l’engouement est retombé, la cadence de mise aux normes des bâtiments recevant du public s’est ralentie (car parfois synonyme de travaux très onéreux). En France, la date butoir pour mettre aux normes toute cette catégorie de bâtiments était janvier 2015. Mais Seulement 50% des édifices concernés avaient entreprit les travaux nécessaires à cette date. L’échéance a donc été repoussée.

« Bien entendu, dans la conception de la Médiathèque de Sendai aussi, certains calculs ont été effectués sur la base des normes de sécurité quant à la résistance aux séismes et au vents, mais le problème réside dans l’étape suivante. Car une fois les chiffres fixés, plus personnes ensuite n’est responsable de rien. […] Or, sur la base des mêmes chiffres, c’est le degré d’attachement et l’attention apportée aux détails qui font toute la différence dans la conception d’un projet. […] Prendre des décisions basées sur les chiffres, faire porter la responsabilité sur eux seuls et en décharger les hommes, voilà une conception d’un rationalisme gestionnaire de la société qui me gène beaucoup. N’est-ce pas cette attitude qui a rendu les japonais froids et distants, qui leur a ôté leur force et leur passion d’entreprendre ? Il me semble même que c’est la doctrine moderne qui est à l’origine de l’apathie de la société japonaise. » ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, 2014, p 36

« L’augmentation des peurs et la juridisation des rapports ont favorisé la croissance des normes » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

« Il est dommage que notre société ne dispose pas de plus d’occasions pour débattre de la règle, surtout quand il y a un désintérêt à son élaboration. D’ailleurs, si les hommes ne la respectent pas, c’est qu’il y a un manque dans sa connaissance, son enseignement ou son expérimentation » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.33

Ajourd’hui les réglementations sont si précises, qu’elles circonscrivent souvent les choix techniques d’un projet. Il existe certainement un lien avec la volonté croissante d’avoir la garantie qu’un ouvrage soit bien exécuté et ainsi éviter les recours en justice qui s’en suivraient. Il est interessant de constater (cf extrait ci-dessous) que les toutes premières règles encadrant la construction, ne donnaient aucune indication quant à la manière de réaliser un édifice. Au contraire elles définissaient uniquement les sanctions encourues en cas de malfçons. « Les plus anciens textes de lois sur les constructions remontent au XIème Roi de Babylone, le code d’Hammourabi : Si un bâtisseur construit une maison pour un homme et ne fait pas sa construction solide et que la maison qu’il a bâtie s’effondre et cause la mort du propriétaire de la maison, alors que ce bâtisseur soit mis à mort. Si cela [l’effondrement] cause la mort du fils du propriétaire de la maison, que soit mis à mort un fils de ce bâtisseur. Si cela cause la mort d’un esclave du propriétaire de la maison, qu’il donne au propriétaire de la maison un esclave de valeur égale. Si cela détruit des biens, qu’il restaure ce qui a été détruit et parce qu’il n’a pas fait la maison qu’il a bâtie assez solide et qu’elle s’est effondrée, qu’il reconstruise à ses frais la maison qui s’est effondrée. Si un bâtisseur construit une maison pour un homme et que cette maison ne répond pas aux exigences et qu’un mur s’effondre, que ce bâtisseur reconstruise le mur à ses propres frais. Un architecte qui a réalisé une maison qui s’est effondrée sur ses occupants et ayant causé leur mort, est condamné à la peine de mort. Hammourabi roi de la Première dynastie de Babylone, règne de 1792 à 1750 av-J.C, découvert à Suse, en Iran. » SALVADORI Mario et LEVY Matthys, Pourquoi ça tombe ?, 2005, p169

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« La règle n’est pas intangible,, elle doit être interprétée et la jurisprudence est là pour la faire évoluer, car si elle est appliquée de manière autoritaire et bureaucratique un sentiment d’injustice domine. […] Chaque projet doit être confronté au code et le code au projet » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.33

« To have culture also means to be different. Global norms are the greatest enemies of culture » SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.134

Vallée du Lumnezia, carte issue du livre Cul zuffel e l’aura dado, SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., 2010.

«Limites de sols» - Vrin, 2015 c.p. Louis Bury


Au travers de ce stage j’ai pu constater qu’il est possible d’appréhender la réglementation positivement, et j’ai retrouvé cela chez Pierre Hebbelinck. En effet, ce dernier utilise la réglementation, qui impose (en Belgique) aux architectes de produire tous les détails techniques, pour en faire une force. Transformer une contrainte en force de motivation pour une équipe est une qualité. L’équipe de Pierre Hebbelinck, en attestent les acteurs du chantier du MMM, a la réputation d’être rigoureuse et exigeante quant aux détails techniques. (cf. Réunion de chantier du MMM, du livret «A la croisée des paroles et des actes») Patrick Bouchain au contraire, dresse une situation négative du cadre réglementaire de la construction. Il considère qu’il n’y a plus assez de liberté, de marge d’interprétation qui sont source de richesse. De plus quand elles sont appliquées arbitrairement dans une situation inadaptée, elles sont source de frustration. Il faut alors agir pour la transformer. Pour Gion Caminada le rapport aux réglementations est particulier. Il s’explique par son statut dans le village. Ce dernier fut nommé responsable des questions architecturales du village dans les années 80 et participa à l’élaboration du « Community Architectural Plan » du village. Dans l’élaboration des règles d’urbanisme de son village, il en adopta certaines qui témoignent d’un intérêt pour la différence. Subtil écho à l’inattendu de Patrick Bouchain, Gion Caminada a recherché un équilibre entre ce qui est spécifique au village de Vrin, et ce qui reste libre d’interprétation. Par exemple se trouve dans les règles d’urbanisme : l’absence de limites claires pour les sols des espaces publics. Il y a ainsi une limite floue qui subsiste entre les graviers d’une route et l’herbe du bas-côté. Ces « zones grises » sont volontairement conservées car elles constituent une spécificité du village. Autre exemple, il n’a pas définit de sens de pente de toiture, comme c’est le cas dans d’autres villages. Cependant la skyline des toits du village doit être conservée. Pour cela, il juge avec une commission(en tant que personne habilitée à délivrer le permis de construire) si le projet est profitable au village. (Voir entretien avec Gion A. Caminada, livret 2 «A la croisée des paroles et des actes») L’implication des utilisateurs, l’espace qui leur est laissé pour s’approprier convenablement la construction et l’inscription fondamentale du projet dans son contexte, sont au service d’un désir profond chez les trois architectes : la durée de la construction.

« […] on apporte l’ensemble de ce qui doit être mis en œuvre techniquement, ce qui permet d’éviter les errances financières, synonymes d’errances de temps. […] en France un architecte ne les fait pas (les plans d’EXE), ou pas vraiment. Nous avons en fait beaucoup plus de métier dans le ‘corps buisness’ ; le métier d’architecte est beaucoup plus complet en Belgique qu’en France et ce, surtout depuis les décisions de 2003 (en France), où les architectes ont abandonnés énormément de leurs prérogatives au sens plein et entier, comme vous allez retrouver chez Caminada par exemple. » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

« Les règles avec lesquelles nous travaillons sont en grande partie issues du Code Civil. Ce dernier constitue un fondement et donne l’esprit global. Puis les codes et règles qui en découlent détaillent les fondements. Le problème réside dans les détails donnant trop d’importance à des éléments quantifiables, se définissant par des chiffres. L’excès de détails, de quantités, finit par dévaloriser les règles qui ne sont pas quantifiables : le bien-être etc. Quand une règle devient dominante par rapport aux autres, cela crée un déséquilibre » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014

« Ce qu’on remarque avec cette réglementation (la garantie décennale), c’est l’influence qu’elle a sur les modes constructifs. […] En créant des normes pour les matériaux et les techniques, on obtient une impossibilité d’innover, de changer. » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014

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«Skyline» - Paysage, Vrin, 2015 c.p. Louis Bury Identifié comme une articularité de Vrin. Les regles d’urbanismes instaurées par Gion Caminada imoposent de conserver ce rapport au paysage. L’ajout de construction nouvelle ou de modification doit se faire dans le respect de cette image.


Un souci de pérennité La durée de vie d’un bâtiment, récemment sujet d’une exposition à la cité de l’Architecture et du Patrimoine de Paris (2015), est un sujet véritablement contemporain. Bien que la lecture du livre de Mario Salvadori 1 nous indique qu’il ne faut pas espérer construire pour l’éternité, il n’est pas non plus question que la construction ne supporte pas les premiers froids de l’hiver ou la chaleur de l’été qui suit. Les trois architectes s’inscrivent entre ces deux extrêmes quant à la durée de vie de leurs projets. Il s’agissait précédemment, entre autre, de mettre en évidence l’importance de transmettre une idée plutôt que la commander, afin d’impliquer un acteur d’une construction. Cette idée de transmission trouve une nouvelle dimension au regard de la pérennité d’un édifice. Pour Patrick Bouchain autant que pour Pierre Hebbelinck et Gion Caminada, le critère principal du ’bon’ vieillissement d’une construction est la transmission de celui-ci. Le fait de laisser volontairement des choses non-finies est considéré, par les architectes parisien et liégeois, comme une possibilité pour l’utilisateur futur de prendre possession du projet. Cet espace «libre» laissé au commanditaire, durant la conception autant que la réalisation est essentielle dans leur pratique. Cela permet selon l’architecte français au bâtiment d’être transmis, d’un utilisateur à un autre, en se perfectionnant au gré des interventions successives propre à chaque utilisation. D’après lui, c’est un des processus de fabrication du patrimoine (bâti). Cela fait subtilement echo à l’interet pour l’éphémère dont témoigne patrick Bouchain dans ses réalisations. Il conçoit l’éphémère dans une continuité. Le projet présent succède à un précédent et précède le projet futur. Ce n’est donc pas l’ouvrage en question qui est pérenne mais l’attitude. Cela résonne avec l’attention particulière de l’atelier P. Hebbelinck & P. DeWit, pour le classement. Chaque projet donne lieu à un archivage méticuleux, et participe ainsi à la constitution d’une énorme ressource d’information. Chaque projet en quelque sorte alimente (in)consciemment le suivant. Chez l’architecte belge, la transmission est aussi un des sujets portés par l’agence et se manifeste par un caractère impersonnel du projet. Impersonnel ne revêt pas de sens péjoratif dans cette situation. Il s’agit de faire participer tous les acteurs du projet dans l’élaboration de celui-ci, l’utilisateur a fortiori, afin que le projet soit issu d’un travail collectif, sans signature personnelle identifiable. La notion de patrimoine est traduite par l’architecte Suisse en terme de Culture. Selon lui, elle est se fabrique par la répétition de une ou plusieurs spécificité(s) d’un lieu. Néanmoins, elle doit aussi être ouverte aux influences extérieures, faute de quoi elle meurt progressivement.

« Nous croyons que ce que nous construisons durera pour l’éternité. Comme nous l’avons vu précédemment, les forces de la nature et les erreurs humaines se conjuguent souvent pour se jouer de notre optimisme et provoquent des effondrements. Peut être devrions nous considérer également d’autres causes, dues à la pression démographique, à notre manque de respect pour le passé ou à notre croyance que la violence peut résoudre certains problèmes. Cela concerne aussi la négligence, l’abandon, le renouvellement et la guerre. » SALVADORI Mario et LEVY Matthys, Pourquoi ça tombe ? 2005, p191 1

« Un bâtiment est durable quand il est approprié, quand il laisse la possibilité d’appropriation, de modification. Il laisse le droit d’y faire ce que l’on veut. […] C’est surtout au travers de l’implication des utilisateurs du projet que s’installe la permanence. Par exemple à Tourcoing ou encore à Boulogne-sur-Mer; nous avons incité les utilisateurs à prendre part au chantier. Nous avons exploité le système de réinsertion professionnelle, par la formation sur place des personnes qui étaient sans emploi. Impliquer les utilisateurs est essentielle à la réussite d’un projet. » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014 « Quand on construit,[...], il faut penser à ce que l’on transmet de soi en s’appuyant sur le passé […] Pendant le temps de la construction, la personne qui conçoit un bâtiment le transmet à la personne qui construit, et elle même à celle qui va s’en servir. Puis la personne qui s’en sert va le transformer, avant qu’une autre lui succède, le transforme à son tour, et l’emmène dans l’histoire. C’est cela le patrimoine. Celui qui préfère faire table rase du passé plutôt que de transmettre est celui qui a fait une faute. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.56 “I’d like to plan building that will last” SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.177 « To protect a landscape means to maintain its distinguishable features » Lucius Burckhardt, SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p. 67

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Patrick BOUCHAIN

Sujets de comparaison La perennité de la réalisation

_ durable si approprié et appropriable _ le "permanent chantier" Pas de séparation Conception- _ réduire le nombre d'intermédiaires Réalisation _ Comparaison à un chef d'orchestre _ Les maquettes à l'agence et sur chantier

Pierre HEBBELINCK

Gion A. CAMINADA

_ le "non fini" comme quelquechose de positif _ auteur et éditeur du livre Méthodes : maitrise du processus complet. l'ecriture est une construction en soi _ "Pas d'architecture sans construire" _ compositeur puis réalisateur de cinéma _ Les maquettes à l'agence et sur chantier

_ Aborde la perennité sous l'angle de la culture d'un lieu, son identité, sa spécificité. _ aller au bout d'une idée : la construction "StrickBau" _ Travail de maquette essentiel _ Important "d'être au plus prés du processus des choses" mais ne garanti pas la justesse d'un choix _ mise en valeur du travail manuel : Faire quelquechose de précieux avec quelquechose de simple

_ le doute = le moteur de l'agence _ P. Neruda : l'originalité = un délire inventé par l'époque moderne _ L'atelier fait "des choses simples, mais pas simplistes" : valorisation des savoir-faires.

_ Discussions avec les habitants de Vrin / amener le client à un résultat inatendu _ "L'invité est roi, mais l'habitant natif aussi" _ ses "projets n'ont rien de spectaculaires" _ ne cherche pas particulièrement à être diffusé

L'écoute de l'habitant / intérêt de l'ordinaire

_ caractère impersonnel des constructions _ provoquer le dialogue entre des catégories de gens qui ne se parlent pas de manière générale. _ (les "Vendredi baraque"): le Chantier Ouvert _ le 1% social

L'expérimentation et La répétition

_ laisser le temps : ne pas faire de choses dans l'urgence. _ la série, la nomenclature _ le 1% scientifique _ une agence labyrinthqiue, mirroir de la méthode de conception _ Ephemère = Une chose qui succède à quelquechose et qui précède une autre chose qui suivra => continuité dans la _ sa nomenclature permet de constituer un savoir, reflexion

_ la répétition est indispensable dans le domaine Culturel (ne parle pas ici d'art mais de société) _ Repertoire + travail sur les variations de typologie des construction StrickBau _ pour apprendre l'architecture, il n'y a pas une méthode prédéfinie, il faut expérimenter.

_ "Œuvre commune" , "Ouvrages impersonnels" _ Expérimenter produit l'inattendu => casse les préjugés. _ "L'architecture c'est la construction. Avant elle est image"

_ "toutes les tendances ne doivent pas etre suivies aveuglément" _ "Oublier l'image" : la cabine téléphonique de Vrin _ cherche à repousser les limites d'un aspect constructif " transcander l'image d'une chose"

Une architecture détachée de l'image

_ aller dans la substance de la langue _ il n'ya pas une recette prédéfinie, dépend du collectif humain de chaque projet.


- III MOINS « DIRE » ET PLUS « FAIRE » : LE CHANTIER, LIEU INDISSOCIABLE D’UN PROCESSUS COMPLET

« Il faut remplacer le dire par le faire et mettre le désir à l’épreuve car ce sont les contrastes qui, liés entre eux par l’acte de faire, pourront coexister pacifiquement et créer l’ensemble nécessaire à la vie en commun ».

BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p26

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« Tous les artisans qui rentrent et qui sortent d’ici, par ce que c’est comme ça que l’on conçoit : les mains dans la matière » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014 « Il ne s’agit pas d’aller contre les politiques mais avec eux et de manière non décontextualisée, sur des territoires concrets. Pour résumer, on passe directement à l’acte. L’objectif n’est pas de donner des leçons mais de procéder à une expérimentation concrète et d’observer » BOUCHAIN P., AMC 177, p.70

Dans le second chapitre, le sujet a mis en évidence que les trois personnages envisagent tous l’architecture comme un acte collectif qui change à chaque projet. Il semble donc logique que le résultat (en terme d’image) soit différent lui aussi. Nous allons voir maintenant que cela va plus loin que le changement de l’équipe des acteurs d’un projet. Pas de séparation Conception – Réalisation Il y a en fait une limite entre conception et construction chez les trois architectes, mais elle est extraordinairement mince et plus ou moins poreuse selon les personnages. Ainsi, on remarque en s’intéressant à cette question que les trois architectes conçoivent en construisant (maquettes, matières etc.) et continuent cet exercice, alors que le chantier du bâtiment a commencé.

Le Plus Petit Cirque du Monde (PPCM), Bagneux - c.p. Louis Bury Intérieur de la grande salle, quelque jours avant l’installation du revêtement des parois en toile de jute. Les échantillons du complexe de couverture (1m*1m) ont été produits dés le début du montage de la charpente, puis laissés dans la baraque de chantier, jusqu’a l’exécution du travail.

Patrick Bouchain laisse volontairement de nombreux choix en suspens. Cela s’inscrit dans une volonté d’établir le chantier comme étant le cœur d’un projet. Le plus souvent ces imprécisions sont liées aux moyens utilisés pour arriver à un but, qui lui en revanche est défini. A l’exemple du chantier du PPCM : les charpentiers présentèrent leurs essais de réalisation des revêtements en toile de jute pour les parois intérieures. Il y eut une discussion et une prise de décision suite à cela. J’ai retrouvé cette manière de procéder sur le chantier du MMM (Agence de Pierre Hebbelinck), de manière circonscrite aux détails de finition.


Chez Caminada, la proximité géographique et communautaire, avec ceux qui exécutent la construction est telle que les processus de conception et de construction s’emboitent l’un dans l’autre. Néanmoins, une fois que la construction commence, seuls les détails de finitions sont discutés sur place. Le reste est défini avant le chantier, en terme de résultats autant que de moyens. Sur leurs chantiers, une chose est commune à aux trois architectes (P. Hebbelinck dans une moindre mesure) : les maquettes spécialement faites pour le chantier. Il ya toujours au minimum une maquette de l’ensemble du projet, démontable ou non suivant le besoin. L’intérêt est le support explicatif et le coté intuitif de la compréhension de ce médium. En plus et souvent au moment du début du second œuvre, une maquette au 1-50e est apportée également, plus détaillée sur une partie du projet. A ces maquettes d’architectes viennent s’ajouter des maquettes « échantillons » des entrepreneurs, toutes stockées dans la cabane de chantier afin que tous les acteurs du projet y aient accès. Pierre Hebbelinck et Patrick Bouchain, en plus de construire des bâtiments, construisent des livres : la collection L’impensé, aux éditions Actes Sud, ou bien la collection Architexto aux éditions FourreTout. Ces deux attitudes entretiennent un point commun : faire collaborer des auteurs d’horizons et de compétences diverses, sur des questions culturelles.

Maquette du Mons Mémorial Museum, Belgique, présente dans la baraque du chantier. c.p. Atelier Pierre Hebbelinck et Pierre DeWit « Les maquettes sont mises à la vue de tous sur le lieu du chantier dés son début. Elles ont pour but de montrer l’objectif à atteindre, de la manière la plus intuitive possible. Car même les 3D ou les perspectives ne sont pas toujours bien comprises. Elles ne sont donc pas démontables, car elles sont mises à rude épreuve. » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014 « […] la maquette est une partie essentielle de son travail. Tous les projets sont étudiés en maquette. Parfois aussi il amène les maquettes sur le chantier, mais elle ne reste pas. Souvent cela est du à la taille du chantier. Pour un petit chantier comme une maison, il n’y a pas d’endroit pour stocker une maquette. Mais le plus souvent il n’a pas besoin de maquette pour se faire comprendre. Il connait très bien les artisans, il sait comment ils travaillent. L’inverse est vrai aussi. » BLUMENTHAL Silvan, au sujet de Gion Caminada, interrogé par BURY Louis, Vrin, le 3 Juillet 2015

Maquette du PPCM de Bagneux, présente dans la baraque de chantier.

c.p. agence «Construire»

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Le terme « construire » emprunté à un bâtiment se justifie dans leur cas, au travers de la vision de Victor Hugo, comme nous l’explique Chantal Brière1 : la description linguistique de l’architecture fait appel à un vocabulaire spécifique, « composé de trois-cent-cinquante mots ». Le savoir-faire technique se transpose ainsi en savoir-faire linguistique et le travail apparait alors comme une construction (de mots). Le processus d’édition d’un livre semble être comparable à celui du projet d’une construction.

«Stiva da morts»: Le catafalque, Vrin, photo 2015, conçu par Gion Caminada

c.p. Louis Bury

« […] on fabrique effectivement des maquettes de chantier, on en a dans l’atelier que je pourrais vous montrer tout à l’heure. Elles servent à se faire comprendre. [...] Comme ça la personne comprend, elle lit les plans tout de suite et visualise. Cela permet qu’ensuite cette personne explique à d’autres comment coffrer (dans l’exemple du MMM) » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

Enfin on peut aussi noter que l’architecte Belge et l’architecte Suisse ont en commun la volonté de valoriser le travail des artisans. Ainsi dans le projet de la Salle Communale de Vrin (illustration page suivante), une des questions au-delà du programme était de mettre en lumière le savoir-faire local du travail du bois. D’une simple planche, Gion Caminada prouve qu’il est possible de faire une magnifique poutre sur le plan esthétique mais surtout technique et statique, comme nous le confirme Jürg Conzett, (ingénieur très connu en Europe). Cette attitude s’illustre également dans la chapelle mortuaire, le catafalque du village de Vrin (ci-contre). L’architecte est parvenu à concevoir un bâtiment en bois dont l’image massive est comparable à l’église en pierre qui se trouve à coté.

«Stiva da morts», Le catafalque de Vrin, photo 2015, conçu par Gion Caminada, c.p. Nelson Taisne


BRIERE Chantal, Le langage architectural dans les romans de V. Hugo, 2000, Groupe de recherche Hugo 1

« […] quand bien même les tâches ne sont pas nobles, on va trouver à anoblir la moindre possibilité d’acte à poser. La noblesse s’entend ici au sens de geste portant, d’élégance de l’être, de vivant, et donc décloisonné ; mais pas forcément performant au sens perfectionniste du terme » HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014

«Si le dessin d’un projet architectural et sa description ne servent qu’à son éxecution, c’est aussi ridicule que s’il était demandé à un réalisateur de cinéma de ne pas assister au tournage de son film considérant que le scénario et son découpage sont suffisant !» BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p64

Salle Polyvalente Communale de Vrin, conçue par G. Caminada vue intérieure de la salle principale, photo 2015, c.p. Nelson Taisne

« Nous voulions que le savoir des gens sur place soit mis en exergue […] On essaie toujours, avec la solution la plus simple et avec le matériau le plus simple, de faire quelque chose de précieux. » Conférence de Gion A. Caminada au CCS de Paris, du 21-09-2012, hébergée sur youtube, 1h05min56s

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“Il était reproché à l’homme ordinaire d’être vulgaire. Ainsi certains sociologues, pour éviter cette ambigüité, ont-ils préféré se pencher sur les “pratiques ordinaires” afin de les réhabiliter. C’était un moyen de démystifier l’extraordinaire qui a toujours fasciné les hommes et dont on a exagéré l’importance. Existent-ils bien ces instants magiques, ces êtres hors du commun ? Nous découvrons en eux les mêmes petits calculs, faiblesses, ambitions que chez les autres individus avec en prime un certain charisme et un sens très poussé de la théâtralité. […] En revanche les pratiques ordinaires ne sont pas affectées de l’insignifiance dont on les crédite. Elles ont pour elles la continuité, ce fond de vie perpétuel sans lequel notre existence s’interromprait. Elles accordent nos journées, nos saisons entre elles et ce n’est pas peu de choses. Elles nous permettent de nous y reconnaître dans un monde qui change et dans lequel nous nous modifions. » SANSOT Pierre, Les Gens de Peu, Presses Universitaires de France (2002), p.11 « Quand j’ai entendu [leur point de vue], j’ai été convaincu qu’il fallait [...] faire en sorte que, d’une manière ou d’une autre, leur voix trouve sa place dans le projet de reconstruction des autorités. J’ai eu la conviction que, face à une plan venu d’en haut, les proposition de la base, des habitants, sont nécessaires aussi. » ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, 2014, p.43 « Quelqu’un marche : il fait une rue, elle est encore virtuelle mais il suffit d’emballer son agissement par des façades et elle existe visiblement. Ce piéton s’arrête devant un autre piéton qui vient à sa rencontre : il fait une place publique. […] c’est donc l’habitant qui fait la ville : ni les ingénieurs, ni les architectes. » Lucien Kroll BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.146 « Il faut s’attacher à un détail de la vie, consacrer toute son attention à la manifestation de ce détail car c’est le moyen de saisir les nouvelles formes de rencontre entre les hommes. Même si, apparemment, ces petites choses semblent toujours pareilles, elles sont en fait en perpétuelle transformation, et par ce que se produira là un dérèglement de ces modes traditionnels, se repèrera alors le rituel inconscient.» BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.26

L’écoute des habitants et l’intérêt pour l’ordinaire Par « habitants », il s’agit ici de ceux qui habitent à proximité du site avant que l’intervention n’ait lieu. Cela ne concerne donc pas les utilisateurs futurs d’un projet (au 1er degré), que nous avons déjà évoqué dans la partie de l’implication des acteurs et qui se trouve très fortement ancrée dans chacune des trois pratiques. A travers mes lectures connexes, j’ai remarqué que les trois architectes n’étaient pas les seuls à valoriser l’intérêt pour le microcosme et l’ordinaire. Autant Toyo Ito (succédant aux idées de Tadao Ando sur le sujet), que Pierre Sansot ou encore Lucien Kroll, tous insistent sur l’importance du « moi », du quotidien, et de l’habitant dans l’architecture. Cela s’inscrit évidemment dans les modèles de société que nous avons vu précédemment, s’attachant en premier lieu au local, pour ensuite considérer le global. Pour Gion Caminada et Patrick Bouchain, le dialogue avec les commanditaires d’un projet a pour but d’emmener ces derniers vers quelque chose auquel ils ne s’attendaient pas, avant de commencer. Selon Caminada cela permet à l’utilisateur de réellement prendre conscience de ses besoins, tandis que Bouchain insiste sur les préjugés : face à une situation inattendue, un Homme se questionne, et par ce biais se défait des idées préconçues. Par ailleurs j’ai constaté que leur manière d’être présents sur un chantier révélait leur intérêt pour les habitants riverains du chantier. Ainsi l’équipe de Patrick Bouchain fonctionne systématiquement avec un stagiaire (souvent un étudiant en architecture préparant la formation d’habilitation à la maitrise d’œuvre) présent tous les jours sur le chantier. A l’image de Damien, au chantier du PPCM, le « Permanent Chantier » profite des bureaux qui sont inclus dans cette grande baraque de chantier. Cela permet à l’agence d’avoir un lien visuel constant avec le chantier, de pouvoir réagir à n’importequ’elle situation rapidement et de nouer le contact entre l’auteur d’un projet et les habitants qui logent à proximité de celui-ci. Dans le cas de Caminada, c’est l’effort de soumettre le projet aux habitants du village avant qu’il ne se concrétise, qui témoigne de l’intérêt pour les habitants. Il est important de garder à l’esprit que la réglementation (en Belgique et en France pour le moins) témoigne aussi un intérêt pour les riverains puisqu’elle impose d’afficher une pancarte du projet en cours, sur le lieu où il va être construit, et ce plusieurs semaines en avance du début des travaux. Cette information permet déjà d’informer les riverains d’un projet. Cependant on comprend bien, de par leurs démarches (énoncées ci-dessus), que les trois architectes vont bien plus loin que ce que leur impose cette règlementation.


Enfin, à l’image de leurs environnement de travail respectif, on peut qualifier leur production de non-spectaculaire.

« Les besoins vernaculaires de la production architecturale ont envahi les quatre niveaux – entre caves et greniers- de ces deux maisons mitoyennes communicantes datant de 1900, et situé au centre de Liège. L’état de la conception se retrouve partout, animé par une douzaine de personnes jouant des tiroirs de cette boite magique au service de la création. Depuis sa fondation, ce lieu singulier d’architecture est l’image anthropomorphique illustrant la vie, les échanges et les rencontres qui construisent l’atelier. » HEBBELINCK P. – DE WIT P. , Méthodes, 2009, p.10

L’équipe de Pierre Hebbelinck travaille derrière une façade de maison mitoyenne, typique du centre Liégeois. La philosophie de rigueur et de sensibilité a complètement envahi la maison d’origine, au point qu’elle s’est étendue successivement aux deux maisons adjacentes. Il en résulte une imbrication labyrinthique de pièces et de paliers, dans lesquelles tout est organisé, rangé et classé, avec un soin méticuleux.

Vues Intérieures de l’atelier Pierre Hebbelinck & Pierre DeWit , à Liège, Belgique. c.p. Atelier Pierre Hebbelinck et Pierre DeWit

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L’équipe de Patrick Bouchain s’est installée dans un immeuble haussmannien, rue Rambuteau à Paris. L’agence CONSTRURE semble être installée pour un temps donné, sans avoir modifié l’esprit du lieu. Le minimum a été entreprit pour rendre possible le travail d’une agence d’architecture, éphémère.

Le mobilier de ces agences, les pièces et les murs, tout traduit la philosophie des architectes.

Vue intérieure de l’agence «Construire», Patrick Bouchain. c.p agence «Construire»


L’atelier de Gion A. Caminada, peut être à cause du contexte local, se situe au rez-de-chaussée de sa maison : un chalet en bois (de sa conception) s’inscrivant dans la tradition locale. Veritable sous-sol de sa maison, l’espace de travail est un petit atelier domestique. Derrière les gros murs en pierre du soubassement se côtoient les maquettes en bois, les outils d’ébénisterie et les ordinateurs, qui permettent de créer et d’imprimer les documents produits par l’équipe. Il apparait alors qu’il y a certainement chez ces architectes un souci de « normalité » ou d’ordinaire qui les a guidé chacun à leur manière, à choisir leur lieu de travail.

Vue intérieure de l’atelier Gion A. Caminada. c.p. Nelson Taisne

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« Il est important de se rapprocher au plus prés du processus des choses, pour une meilleure compréhension de ces dernières. » CAMINADA Gion, interrogé par BURY Louis, Vrin (Suisse), le 3 juillet 2015

«Il faut néanmoins que lieu construit soit impersonnel, [...]. L’ouvrage doit rester ouvert, «non-fini», et laisser un vide pour que l’utilisateur ait la place d’y entre pour s’en servir, l’enrichir sans jamais le remplir totalement et le transformer dans le temps.» BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.27

« Je ne crois pas à l’originalité. C’est un fétiche de plus créé à notre époque d’écroulement vertigineux. […] L’originalité délirante est une invention moderne et une mystification électorale. » Pablo Neruda HEBBELINCK P. – DE WIT P. , Méthodes, 2009, p176

« Les constructions que je conçois n’ont rien de spectaculaires. » Conférence de Gion A. Caminada au CCS de Paris, du 21-09-2012, youtube

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Miroslav Šik, architecte d’origine tchèque et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), est l’initiateur de ce que l’on a nommé «architecture analogue», qui prône la conception de nouveaux bâtiments comme partie intégrante de l’environnement existant. Pour lui, l’architecture est un art populaire et devrait fonctionner sur le mode participatif. ( source : Atricle du 30 aout 2012 sur la 13e biennale de Venise du site web www.swissinfo.ch http://www.swissinfo.ch/fre/biennale-de-venise_la-suisse-d%C3%A9fend-une-architecture-plus-humaine/33417028 )

2

3

HUET, Bernard. Sur un état de la théorie de l’architecture du XXème siècle. 2003.

LOOS Adolf, “Rules for Those Building in the Mountains”, in “2G Nexus”, Building in the Mountains, Espagne, 2000, p.130

Nous évoquions plus tôt l’influence du Régionalisme critique sur les trois architectes, et puisque nous venons de présenter leur intérêt pour l’ordinaire, il est indispensable d’évoquer le mouvement de pensée (aussi des années 1980) de l’Architecture Analogue. L’architecture analogue fût mise en pratique notamment par l’architecte Miroslav Sîk1, disciple de l’architecte Aldo Rossi qui avait introduit la notion de Ville Analogue. Leur pratique était tout comme les trois architectes sujets de ce travail, attachée à ce qui fait la spécificité d’un lieu, et surtout au caractère ordinaire des constructions (en réaction à l’architecture médiatique de star). Nous ne développerons pas plus en détail le travail d’Aldo Rossi, ni celui de Miroslav Sik, cependant il est intéressant de constater que les centres d’intérêts de Gion Caminada, Pierre Hebbelinck et Patrick Bouchain, ont aussi été (et le sont toujours) partagés presque en même temps par d’autres groupe d’architectes. Il s’agit surement du phénomène que nous décrit Bernard Huet dans son livre2, à savoir que les fondements d’une pratique existent bien avant sa synthèse théorique.


Une production détachée de son image

«Ne construit pas de manière pittoresque. L’homme qui s’habille de manière pittoresque n’est pas pittoresque, mais un bouffon. Le paysan ne s’habille pas de manière pittoresque. (...) Construit aussi bien que tu es capable de le faire.» 3 Cette citation d’Adolf Loos résonne de manière singulière avec le travail de Gion Caminada. En effet ce dernier a focalisé son travail sur la méthode de construction Strickbau qui pâti encore aujourd’hui d’un dédain des architectes car jugée pittoresque. Par l’expérimentation et la répétition, «en prenant les chose là où elles en étaient et en les poussant plus loin», ce dernier est parvenu à se défaire de cette image. En quelque sorte il a transcendé le genre vernaculaire des constructions traditionnelles utilisant la technique de construction « Strickbau » (signifie littéralement « coin croisés »). Mes recherches m’ont permis de comprendre que la méthode de construction et son expérimentation ont permis à l’architecte suisse de ne pas tomber le piège énoncé par A. Loos.

Le Catafalque de vrin, Gion Caminada, c.p L. Bury

Une construction traditionnelle de Vrin, c.p L.Bury

« A preoccupation with the traditional ‘Strickbau’ construction method may suddenly become extremely exciting ‘research’ for any engineer who sets about investigating the problems inherent in this static structure by observing its marginal values […] The aim of this approach, […] is to focus on discovering and quantifying the frame’s latent potential » of something. » Jurg Conzett “When you stay at a thing long enough it certainly improves […]; insofar the method itself is the most important aspect.” Jurg Conzett SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.83 et p 174

La Maison Caviezel (1995), à Vrin, G. Caminada

Une construction traditionnelle de la vallée

Illustrations ci dessus extrates de : Cul Zuffel e l’Aura Dado, Gion A. Caminada, B.Schlorhaufer et P. Schmid, Quart Verlag, 2010.

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Par ailleurs, lors de l’interview réalisée à son agence, Caminada expliqua qu’il était opposé à l’hybridation des typologies dans le cas des rénovations. Selon lui, une ferme si elle est abandonnée ne peut pas être restaurée pour devenir une habitation. L’enjeu se situe dans la typologie et l’image : le changement d’image d’une typologie, et d’autant plus une confusion des deux, remettrait en question l’identité du village. “People have done enough damage already by building things rich in contrasts. The people who live in a place provide contrasts. But contrasts can’t be built into a design.” SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.176

« L’esthétique est le produit du sens mais n’est pas un apriori » P. Bouchain PISU V.: “Une Conversation avec Patrick Bouchain Architecte”, Média vidéo youtube

« Ce qui fait la spécificité du projet, au delà de la diversité des formes possibles et des dénominations afférentes, c’est un lieu et un moment » Joseph Confavreux, in BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.126

« L’ambition de déroger à la norme ne découle pas d’un élan d’originalité créative, mais d’un constat réaliste : celui d’une incapacité fondamentale de la norme en général, à tenir compte des véritables défis de la vie plurielle. » BOUCHAIN P. et JULIENNE L., « Le chanel à Calais, entretien avec Patrick Bouchain », in AMC no 177, 2008, p69

Dans sa pratique Gion Caminada s’efforce de créer des espaces « neutres », des « zones grises » (peu riche de contrastes). Dans le cas de la cabine téléphonique de Vrin, cette neutralité est illustrée. Tout est fait à partir de la même section de bois, donnant à l’ensemble un aspect uniforme. Rien dans la cabine ne pourrait distraire visuellement l’utilisateur. Combinée à sa situation offrant un panorama sur la vallée, la neutralité permet aux utilisateurs de pouvoir « voyager » lorsqu’ils téléphonent. La réflexion sur ce qu’est une cabine téléphonique prend alors une dimension bien plus grande que le simple édifice muni d’un appareil de communication. Pierre Hebbelinck affirme que « le moteur de l’agence c’est le doute » : Pas de réponse, seulement des questions (cf. entretien avec Pierre hebbelinck, livret 2 «A la croisée des paroles et des actes»). Dans ce climat de travail, il est impossible d’appliquer une même démarche deux fois, tel un modèle. C’est, à mon avis, ce que l’on peut comprendre du titre du livre : Méthodes, accordé au pluriel. La méthode est à chaque fois remise en question et change en fonction du collectif humain qui est réuni pour le projet. Par conséquent, l’agence Hebbelinck & De Wit évite de produire un style individuel, identifiable. Cela se traduit dans la vie de tous les jours, par un aspect non spectaculaire. On risque très fortement de passer à pied devant un édifice conçu par l’agence, sans en reconnaitre l’auteur. Néanmoins on remarquera un édifice singulier, car il ne s’agit pas pour l’équipe de Pierre Hebbelinck de produire une architecture vernaculaire et ainsi de se fondre par mimétisme dans le tissu existant. Là ou Caminada parle d’ « image », Patrick Bouchain emploie le terme « Esthétique ». Néanmoins il s’agit du même sujet puisqu’ils relient tous les deux l’importance de l’inattendu à l’image d’un projet. Pour rappel l’inattendu, fait tomber les préjugés (cf. Patrick Bouchain). De ce fait les idées préconçues liées à l’imagination d’un client au début du projet finissent par s’évanouir. Face aux images (néfastes), les trois architectes adoptent des attitudes basées sur l’expérimentation et la répétition.


La Cabine téléphonique de Vrin, photo 2015, c.p. Louis Bury

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« LeMessurier : ‘’ Chaque fois que vous vous éloignez d’une pratique éprouvée, vous devez faire dix fois plus d’efforts, dix fois plus de vérifications, en particulier dans le cas des grands projets ‘’ » SALVADORI M. et LEVY M., Pourquoi ça tombe ?, 2005, p169 « Le 1% scientifique revendique la même liberté d’utilisation, prélude à la liberté d’invention, que le 1% artistique, c’est à dire une confiance dans le fait que l’absence partielle de contrôle normatif et d’objectif prédéterminé est importante dans le processus de construction » Joseph Confavreux, BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.126 « Nous travaillons sur des expérimentations qui questionnent souvent les règlementations en place. Ainsi, la dernière loi Duflos, a-t-elle été influencée par nos travaux sur le logement participatif. Les expériences servent de passerelles pour faire évoluer les lois et les règles. » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014

Maquette de recherche pour un projet de tour d’observation, échelle 1-10e. Photo 2015 c.p. Nelson Taisne

L’expérimentation et la répétition Il y a chez les trois architectes une partie importante de leur travail qui est consacrée aux expériences ; bien que par essence, un projet soit une expérience grandeur nature. De plus, le fait qu’ils produisent tous les trois des maquettes à différentes échelles durant le processus de conception du projet est aussi un signe d’expérimentation. Egalement, les trois architectes sont unanimes sur l’enseignement de l’architecture : Une méthode d’enseignement n’existe pas. Il faut expérimenter, se tromper, voir ce qui a été produit, en tirer les conclusions et recommencer. Mais ces derniers ajoutent une dimension supplémentaire à cet aspect. Ainsi, lorsque Patrick Bouchain, inspiré par le 1% Culturel, met en place le 1% Scientifique, ce montant fût alloué exclusivement à un temps de recherche, utilisé par des chercheurs, sur le lieu du chantier. De manière autogérée, il a pour but d’inventer, de vérifier ou de contredire des choix faits pour le projet. Par ailleurs, l’ambition sousjacente est de faire évoluer les normes de la construction lorsqu’il y a invention. Pierre Hebbelinck, dénonce justement cette relation épineuse entre les normes de la construction et l’expérimentation qui laisse place à une invention. Il relate dans l’interview, que lorsque cela arrive dans son travail, il lui faut alors produire beaucoup plus de travail pour faire accepter ce qu’il a expérimenté. L’expérimentation chez Gion Caminada se révèle dans son étude et dans les variations qu’il a créé de la typologie de maison en bois « Strickbau ». En réalisant un répertoire typologique de ce genre de construction dans la vallée du Lumnezia, il fût capable d’imaginer des variations (parfois subtiles) sur la façon d’utiliser cette technique de construction. Les matériaux et la méthode de construction sont utilisés comme des outils de recherche, ils sont les constantes (on ne doit pas les changer). Il fit ce choix car dans ce type de construction c’est la méthode de construction qui influence directement le dessin des plans. Dans l’exemple de l’école de Duvin, autre village de la même vallée, l’interprétation de la méthode constructive permet de réduire le besoin en grandes sections de bois, rendant le projet plus efficient. Aussi, le plan des pièces est inspiré de ceux traditionnels. Mais c’est surtout dans les planchers que réside l’expérimentation la plus intéressante. Dans une recherche de totalité, Gion Caminada voulut n’utiliser que le principe ‘Strickbau’ (et donc aussi pour les planchers) tout en répondant aux normes de constructions contemporaines relatives a l’accueil du public. Ceci peut sembler de l’ordre de l’entêtement mais il s’agit en fait pour Caminada d’épuiser les potentiels cachés d’une chose. Ainsi, en collaboration avec Jürg Conzett, ingénieur, ils mirent au point un système mixte associant béton et bois pour les surfaces horizontales de l’école de Duvin.


Ecole de Duvin, G.Caminada, Photo 2015 c.p. Louis Bury « Twenty tongue and grooved rectangular floorboards, each 14 cm thick were bonded with a 14 cm layer of concrete. Holes were drilled in the floorboards to ensure better bonding: the poured concrete fills the holes and claws into the timber as it hardens, which in turn reinforces the concrete. This type of flooring is well suited to block-house constructions and consists in fact, simply of a typical ‘Strickbau’-style timber wall used in the horizontal plane. » Jürg Conzett, SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.85

Ecole de Duvin, Gion Caminada. Plan du Rez+1 - Coupe du Plancher «mixte» - Coupe d’une façade Illustration extraite du livre Cul Zuffel e l’Aura Dado, Gion A. Caminada, B.Schlorhaufer et P. Schmid, Quart Verlag, 2010, et du cours de Construction (Master 1) du professeur Bernard Wittevrongel (Faculté d’Architecture UCL/LOCI-Tournai).

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« L’outil de répétition est la maquette. La maquette est un objet immédiat. Elle permet de tout de suite faire comprendre à une personne de quoi on parle. Il faut toujours se rappeler que nous arrivons avec un projet sur lequel on travaille depuis plusieurs mois, et que notre interlocuteur le découvre seulement. Nous travaillons surtout à l’échelle 1/50éme. C’est une échelle qui nous permet de dialoguer avec tous les intervenants du projet. Les maquettes restent «non finies» elles aussi, dans le but de dévoiler toutes les «couches» du projet. » EYMARD Sebastien, interrogé par BURY Louis, Paris, le 27 Juin 2014 HEBBELINCK Pierre, interrogé par BURY Louis, Liège, le 25 Novembre 2014 2

Les points clés du BIM source : http://www.autodesk.fr/

A la dimension expérimentale des pratiques des trois architectes, s’ajoute la répétition. Dans le travail à l’atelier de Pierre Hebbelinck, c’est le phénomène de la série qui est présent partout. Tout est rangé en série, faisant l’objet d’une nomenclature. Le sommaire du livre Méthodes ressemble d’ailleurs à une nomenclature industrielle1. De plus, ce n’est pas une simple accumulation d’information dont il s’agit. Cette rigueur d’organisation répétée et maintenue, permet de créer une ressource de connaissance, dans laquelle l’équipe de Pierre Hebbelinck puise à chaque projet et sans perdre de temps, car la « conception est minutée »2. Ceci constitue peut être une source pérenne de savoir. Pour Patrick Bouchain la répétition s’identifie au travail d’un chef d’orchestre. Il compare les disciplines artistiques telles que le théâtre, la musique classique et le cinéma, à l’architecture. Dans ces dernières, une association temporaire d’un groupe d’acteurs, musiciens, ou comédiens, se réunissent fréquemment pour répéter une pièce, un morceau, une séquence de film. Tout ceci se fait en perspective de la représentation devant le public. Patrick Bouchain pense que cette façon de travailler est transposable à un projet d’architecture. Les répétitions seraient à l’image d’une réunion de chantier et les ajustements d’interprétation à celle des expériences menées durant celui-ci ; le tout en vue d’un but commun : l’inauguration de la construction. Enfin, pour Gion Caminada, la répétition est importante sous l’angle de la Culture. La Culture revêt une signification particulièrement importante chez cet architecte. D’après lui, elle constitue la base d’une communauté. Il est question pour un individu de pouvoir s’identifier à une communauté. Or pour parvenir à cela, la répétition d’une spécificité (locale) est indispensable. C’est pourquoi l’architecte Suisse a autant insisté sur la méthode de construction Strickbau : elle permet de renforcer l’identité de la vallée du Lumnezia, dont Vrin fait partie. Avec les capacités grandissantes d’assistance au dessin («CAO-DAO») de l’informatique, est apparu récemment une nouvelle méthode de travail basée sur la maquette numérique virtuelle 3D : le BIM (Building Information Modeling). L’ambition de ce projet au départ est de permettre un travail collaboratif autour de la maquette numérique d’un projet. Ainsi tous les entrepreneurs, acteurs d’un ouvrage, pourraient participer à la définition la plus exacte du projet, virtuellement. Cela semble résonner idéalement avec les valeurs d’expérimentation et de répétition, défendues par les trois architectes étudiés ici. La répétition et l’expérimentation dont ils font usage en maquette, ou directement sur chantier, pourraient aussi se développer durant le dessin informatique du projet, apportant l’intérêt de la précision inhérente aux logiciels informatiques. Néanmoins, je pense que le dessin à la main doit rester une pratique transitoire entre toutes les étapes de conception et de réalisation, car l’outil informatique me semble très restrictif face aux possibilités de creation de la main de l’Homme.


« Après avoir donné cette indication, il faut laisser du temps pour que celui qui la réalise la digère et l’interprète, le laisser faire, plutôt qu’intervenir sans cesse pour le corriger. Si on ne le laisse pas faire, le constructeur n’aura pas les moyens d’expérimenter la chose qu’il veut faire pour répondre à l’indication donnée et il ne fera qu’exécuter le modèle. Un acteur a besoin de temps pour interpréter et chercher au cours de la répétition le jeu le plus juste pour répondre à l’indication. Sans ce temps, il n’y aurait pas de théâtre ; ni cinéma et encore moins de musique. » BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006, p.65 « Une chose éphémère remplace une autre éphémère, qui elle-même prépare la suivante. […] L’éphémère permet d’expérimenter. » Vittorio E. Pisu : “Une Conversation avec Patrick Bouchain Architecte”, Media vidéo, 22min50’s

« Le travail architectural est modeste et non-spectaculaire, les exemples sont nombreux et les procédures, quoique pas exactement identiques, sont globalement similaires. » Martin Tschanz SCHMID P. et SCHLORHAUFER B., Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, 2010, p.51

1

HEBBELINCK Pierre et DeWit Pierre, Méthodes, Ed.WBI, 2009

c.p. Louis Bury

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- Conclusion J’aime l’architecture car c’est une mise à l’épreuve permanente des idées. L’épreuve du dessin, puis de manière itérative, avec la maquette. Pendant ce temps, l’épreuve de la parole est également présente : le fait d’énoncer une idée, de l’expliquer le plus clairement possible, fait partie du processus. Ensuite vient l’épreuve du bâti, réel. Et enfin le tout est soumis au jugement du plus grand nombre, créditant ou discréditant l’idée génératrice du projet, issue d’un petit groupe de personnes. Il ya donc chez un architecte une qualité indéniable à pouvoir faire le lien entre le micro et le macrocosme. Travailler et dialoguer avec un petit nombre, puis dialoguer avec et satisfaire le plus grand nombre : cela nécessite un recul, une vision d’ensemble transversale. Mes études universitaires ont changé ma façon d’appréhender l’architecture, par deux fois. La première lorsque j’ai suivi une formation d’Economiste de la construction. Cela m’a donné un aperçu très concret de la construction. La seconde, avec l’école d’architecture où j’ai pris conscience de la richesse et de l’ampleur de ce domaine : une énorme ouverture d’esprit en quelque sorte. Aujourd’hui avec ce travail de fin d’études que l’on appelle mémoire, ce sera la troisième fois que mon regard sur l’architecture change. Je souhaitais faire un travail de synthèse sur huit années d’études, prendre du recul avant de me lancer dans la vie professionnelle; afin d’avoir une idée sur quel architecte je voudrais être. A travers l’attention que j’ai portée à ces trois architectes, j’ai trouvé des éléments de réponse : L’architecture qualifiée de «moderne» soulève des problèmes fondamentaux aux yeux d’un groupe d’architecte qui cherchent au travers de leur méthode à regagner la confiance de leur client, à rester connecté aux réalités et aux envies, aux besoins des constructeurs mais aussi utilisateurs. Ce souci de réalisme et de confiance se traduit par une présence soutenue sur le chantier, mais aussi la présence de tous les acteurs du projet pendant les discussions. A travers les approches de la répétition et de l’expérimentation des trois architectes j’ai également entrevu une possibilité de concilier les nouvelles technologies de dessin informatique et les méthodes «traditionnelles» de conception, basées sur le dessin à la main et la maquette. Cela confirme que les pratiques de ces trois architectes sont en perpétuel mouvement, non seulement par le fait de constituer une équipe différente à chaque projet, mais aussi par la souplesse d’adaptation aux nouveaux outils de travail dont elles semblent être capables. Les nouvelles technologies souffrent aujourd’hui, encore plus qu’hier, de la course à l’innovation, véritable guerre économique et médiatique dans notre monde globalisé. Beaucoup d’architectes, profitent de l’intérêt médiatisé, temporaire, pour un aspect d’une construction afin d’en faire un élément phare de leur image professionnelle, convaincus que se spécialiser leur sera bénéfique.


En France c’était, hier, les bâtiments « HQE », aujourd’hui les constructions « passives » et même « positives ». Bien sur ces questions sont importantes et légitimes face à la situation actuelle. Beaucoup de constructions du XXe siècle ont négligé ces aspects. C’est en partie ce que Patrick Bouchain désigne par « les manquements modernes ». Ne pas en tenir compte serait donc une erreur, déjà commise dans le passé. Mais aujourd’hui, si elles sont enseignées à l’école au même titre que la résistance des matériaux et du dessin, pourquoi devrait-on faire de l’écologie un argument de vente dans nos vies professionnelles ? Il me semble qu’aucun architecte ni constructeur, ne vante un édifice s’il tient bien debout, ou s’il a bien dessiné ses plans, ou encore que son projet est en conformité avec la loi. Ces derniers sont considérés comme des évidences. Je pense que les questions environnementales, qui touchent le domaine de la construction aujourd’hui, doivent au même titre, être intégrées au processus de conception quotidien d’un architecte, sans prendre le dessus sur les autres aspects tous aussi importants. Dans le livre de Patrick Bouchain, Construire Autrement, on trouve un texte écrit par Michel Onfray, Principes de contre-renardie (2002). En dehors de l’engagement politique de ce texte, les définitions qu’il propose sur l’architecture m’ont permis d’y voir plus clair dans les pratiques des trois architectes, mais aussi sur la manière dont j’ai envie de l’être: un architecte de souveraineté communautaire, pratiquant une architecture nominaliste, d’architecte, d’usager et militante. Cette combinaison d’attitudes permet tous les résultats possibles tout en proposant une démarche constante, celle du cas spécifique et de la collaboration entre les acteurs d’un projet. Est-ce la bonne marche à suivre ? Les démarches exposées ici sont trop récentes pour le savoir mais elles n’en sont pas à leurs débuts. Mais comment savoir si elles sont encore appropriées à la situation sociale actuelle, sans les expérimenter ? L’intérêt que j’ai développé pour cette attitude sera au pire un point de départ, une prise de position temporaire sur la manière de pratiquer, et au mieux un guide pour toute ma carrière d’architecte.

Michel Onfray nous décrit avec son regard de philosophe, plusieurs catégories d’architectes et d’architectures. Véritable tribune à l’encontre du capitalisme et du fascisme, il nous guide avec ses définitions successives, vers ce qu’il appelle la «renardie», héritage vicieux et dissimulé (tel l’animal) d’un fascisme qui était comparable à un lion à son apogée. Il nous incite à réagir en nous y opposant, d’où le terme de «contre-renardie». On y trouve l’architecte de «droit divin» opposé à celui de «souveraineté communautaire». Il définit, avec la même structure, «l’architecture platonicienne» et «nominaliste», de «l’idéal ascétique» et «hédoniste», «d’architecte» et «d’usager», «formelle» et «militante». Enfin il évoque l’urbanisme «d’agencement écosophique» opposé à celui «de masse». BOUCHAIN P., Construire Autrement, Comment faire ?, 2006

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« Merci » Tout d’abord je tiens à remercier mon promoteur Olivier Laloux et mon lecteur Olivier Camus. Tous deux, architectes et enseignants de ma faculté, possèdent des qualités pédagogiques bien distinctes. Leur complémentarité et leur disponibilité m’ont guidé efficacement vers ce travail final. Puis je pense immédiatement à Pierre Hebbelinck, mais aussi Patrick Bouchain au travers de Sebastien Eymard, et Gion A. Caminada. Je remercie aussi tous leurs collaborateurs que j’ai rencontrés : Axel Champennois (suivi de chantier du MMM), Denis Favret (suivi de chantier du PPCM), Silvan Blumenthal (assistant de Gion Caminada), ainsi que Damien, étudiant en stage chez P. Bouchain et permanent chantier du PPCM. Je remercie Marie Blanckaert qui a facilité le contact avec l’agence «Construire». La disponibilité et l’intérêt qu’ils ont manifesté à l’égard de mes questions, ont rendu possible ce travail. Merci également à Marine Watel, amie de longue date, qui a éclairé mon travail de mise en forme par ses compétences en la matière. Merci aussi à Nelson Taisne, camarade de promotion et ami, dans le camion duquel nous avons voyagé en Suisse. Enfin, je souhaite remercier ma famille, qui n’a jamais évité une conversation sur mon sujet d’étude. Cela a permis dans une certaine mesure de tester mon propos. Voir ce qui était pertinent et ce qui l’était moins. De plus elle s’est prêtée au jeu hypocrite de la relecture dans un empressement qui lui ajoute un mérite indéniable. Pour les mêmes raisons et dans une dimension encore plus grande, je pense également à Marie Cousin.

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Corpus d’étude: - Vittorio E. Pisu : “Une Conversation avec Patrick Bouchain Architecte”, Media vidéo, consulté le 20 novembre 2013. Url : vimeo.com/13851916 - Conférence de Gion A. Caminada au CCS de Paris, du 21-09-2012, hébergée sur youtube, consultée le 15/02/2014 URL : http://www.youtube.com/watch?v=mk9XziQVZEY - Conférence de Pierre Hebbelinck du 11/10/2004, Cité de l’Architecture et du Patrimoine de Paris. Consultée le 4 janvier 2015 URL: http://www.dailymotion.com/video/xn0amm - Présentation vidéo de l’exposition “Méthodologie du Sensible”, de l’atelier P-Hebbelinck & P-DeWit, consultée le 3 Décembre 2013. URL:http://www.pierrehebbelinck.net/article.php?id=120&lg=FR&type=media&PHPSESSID=b9d1d6841603a220160c9b27d802f98e&PHPSESSID=b9d1d6841603a220160c9b27d802f98e - Yve-Alain BOIS, « EXPOSITIONS UNIVERSELLES », Encyclopédie Universalis [en ligne], consulté le 5 décembre 2013. URL:http://www.universalis-edu.com.proxy.bib.ucl.ac.be:888/encyclopedie/expositions-niverselles/ - Anne-Marie LECOQ, « ÉPHÉMÈRE ARCHITECTURE », Encyclopédie Universalis [en ligne], consulté le 3 décembre 2013. URL: http://www.universalis-edu.com.proxy.bib.ucl.ac.be:888/encyclopedie/architecture-ephemere/

Terrain d’étude: Entretien avec Pierre Hebbelinck Entretien avec Sebastien Eymard (Agence Construire, de Patrick Bouchain) Entretien avec Gion A. Caminada et Silvan Blumenthal Réunion de Chantier du Mons Mémorial Muséum, Mons (Belgique) - Pierre Hebbelinck Réunion de Chantier du Plus petit Cirque du Monde, Bagneux (France) - Patrick Bouchain


Bibliographie : - BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Comment faire ?, Coll. « L’impensé », Paris, Ed. Actes Sud, 2006 - Atelier HEBBELINCK Pierre – DE WIT Pierre Architectes, Méthodes, Ed. WBI, 2009 - SCHMID Peter et SCHLORHAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado - Gion A. Caminada, Ed. Quart Verlag Luzern, 2010 - FREY Pierre, Learning from Vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire, Coll. « Architecture », Ed. Actes Sud, 2010 - HUET Bernard, Sur un état de la théorie de l’architecture au XXe siècle, Ed. Quintettes, 2003 - SALVADORI Mario et LEVY Matthys, Pourquoi ça tombe ?, Coll. « Eupalinos », Ed. Parenthèses, 2005 - ITO Toyô, L’architecture du jour d’après, Coll. « Réflexions faites », Ed. Les Impressions Nouvelles Editions, 2014 - FRAMPTON Kenneth, L’Architecture Moderne, Une histoire critique, Ed. Thames & Hudson, 2009. - SANSOT Pierre, Les gens de peu, Coll. « Quadrige Essais Débats », Ed. Presses Universitaires de France, 2002 - NERDINGER Winfried, Baumschlager- Eberle 2002-2007, Ed. Springer-Verlag/Wien, 2008 - LEFEBVRE Henri, La Nouvelle Critique, cité par GEORGI Frank, Autogestion, la dernière utopie, Ed. Publications de la Sorbonne, 2003 - ENGELS Friedrich, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Ed. Sociales, 1961 - DAUDET Alphonse, Lettres de mon moulin : le secret de maître Cornille, Ed. Le livre de poche, 2012 - SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776, trad. Germain Garnier, Paris, Ed. Veuve Agasse, 1822 - RICOEUR Paul, Histoire et vérité, Ed. Seuil, 1955 - “2G Nexus”, Building in the Mountains, Espagne, 2000 - ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI (‘A’A’), HS Perspectives durables, 2012 -- BOUCHAIN Patrick et JULIENNE Loïc, « Le chanel à Calais, entretien avec Patrick Bouchain », AMC, no 177, Ed. Le Moniteur architecture, 2008 - MADEC Philippe, A propos du Regionalisme Critique, à Luigi Snozzi, http://www.philippemadec.eu/afficher-tous-les-ecrits.html, www.philippemadec.eu, consulté le 27 avril 2015 - LAMPUGNANI Vittorio Magnago, « Des gestes vides de sens », « ‘A’A’ », no 388, 2012 - RIBEIRO Ugo, Le Régionalisme Critique : l’influence du lieu sur l’Architecture, Mémoire de fin d’études, ENSA-Lyon, France, 2012

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« Un architecte doit savoir : arpenter mais aussi charpenter, dessiner mais aussi destiner, compter mais aussi raconter intervenir mais aussi inventer créer loin des chantiers battus Un architecte doit non seulement mais aussi ensemble savoir faire des plans et faire des enfants. » (Inscription anonyme, sur un mur intérieur du bâtiment principal de la Paix Dieu d’Amay, Belgique) L’énergie de plusieurs individus mises en commun dans une action, n’attribue pas forcément d’auteur à cette dernière, mais cela n’enlève rien à sa pertinence. Dans ce cas, le lieu dans lequel l’intervention s’est faite devient l’auteur et le gardien.

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Diplôme de Master en Architecture, Faculté d’Architecture, d’Ingénierie et d’Urbanisme UCL-LOCI Tournai, Site de Saint-Luc Tournai Etudiant : Louis Bury Economiste de la Construction et Diplômant Master en Architecture Promoteur : Olivier Laloux, Architecte, enseignant et vice-doyen de la faculté d’architecture LOCI-Tournai Lecteur : Olivier Camus Architecte et enseignant à la faculté d’architecture LOCI-Tournai (Volume 1/2) Promotion 2014-2015, édité le 12/08/2015


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