LA TERRE CRUE, en route vers une architecture éco-responsable.

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LA TERRE CRUE EN ROUTE VERS UNE ARCHITECTURE ECO-RESPONSABLE

Promoteur - VAN MOESEKE Geoffrey Mémoire présenté par DEPRET Louise en vue de l’obtention du diplôme de master en architecture Faculté d’architecture, d’ingénierie architectrale, d’urbanisme (LOCI) UCL - Architecture Saint-Luc Bruxelles Année académique 2014-2015



remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon promoteur pour son suivi et l’aide apportée pour la réalisation de ce mémoire. Je remercie également Jean Dethier, pour son aide et pour l’importante récupération de documents qui m’ont permis de réaliser ce mémoire. Merci à mes lecteurs Pierre Vanderstraeten et Hubert Guillaud pour leur lecture attentive, ainsi que pour le suivi régulier et l’aide d’Hubert Guillaud lors de mon Erasmus à l’ENSA de Grenoble. Une attention toute particulière à toutes les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer et qui ont contribué à enrichir le contenu de ce mémoire : Alain Leclerc, Patrice Doat, Sabine Hrycenko, Christophe Delmastro, Sophie Bronchart, Nicolas Coeckelberghs, Ken De Cooman, Arnaud Evrard, Géry Despret et Etienne Guillaume. Enfin un tout grand merci à mes proches pour leur soutien, leurs conseils et leur relecture avisée.


Sommaire INTRODUCTION

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1/ PRÉSENTATION DU DOMAINE DE LA TERRE A- Origines et raisons stratégiques du projet

p.16

B- Contexte de la Ville Nouvelle et concept urbanistique

p.24

C- Projet du Domaine de la Terre

p.27

D- Choix des architectes - concours

p.29

E- Partenariats de l’opération

p.30

F- Rôle du CRAterre

p.31

2/ ANALYSE DES ÎLOTS D’HABITAT DU DOMAINE DE LA TERRE A- Ilot d’habitat édifié en pisé a. Présentation du projet b. Plans et approche critique de l’usage c. Principes constructifs d. Spécificités thermiques e. Evolution du chantier

p.38 p.38 p.41 p.43 p.44

B- Ilot d’habitat édifié en terre paille a. Présentation du projet b. Plans et approche critique de l’usage c. Principes constructifs d. Spécificité thermique e. Evolution du chantier

p.47 p.47 p.50 p.50 p.51

C- Ilot d’habitat édifié en pisé et en blocs de terre vibro compactés a. Présentation du projet b. Plans et approche critique de l’usage c. Principes constructifs d. Spécificité thermique e. Evolution du chantier

p.54 p.55 p.57 p.59 p.59

D- Comparaison des performances thermiques des différents îlots du quartier

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p.60


3/ INFLUENCES DU DOMAINE DE LA TERRE A- Suite au projet du Domaine de la Terre a-Réactions au Domaine de la Terre b-Attractivité du Domaine de la Terre c-Projet de création d’un Institut International de la terre vers la création des Grands Ateliers d-Festival de Grain d’Isère e-Classement du quartier comme Trésor régional du développement durable B- Quelles leçons en tirer ? a.Analyse propre au Domaine de la Terre b.Analyse externe, influences sur le développement du Domaine de la Terre c.Analyse du tableau SWOT sur le Domaine de la Terre

p.64 p.64 p.65 p.66 p.67

p.70 p.71 p.72

4/ LA TERRE CRUE EN BELGIQUE A- Analyse interne propre à la terre crue

p.79

B- Analyse externe, influences sur le développement de la terre crue

p.80

C- Analyse des tableaux

p.81

CONCLUSION

p.94

ICONOGRAPHIE

p.98

BIBLIOGRAPHIE

p.101

ANNEXES

p.106

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INTRODUCTION


La terre crue est un matériau ancestral qui a peu à peu été oublié par une société industrialisée, qui a principalement évolué en direction de la productivité et de la rentabilité. Mais aujourd’hui, dans une société de plus en plus consciente de l’impact écologique de la construction, comment un matériau tel que la terre crue pourrait-il sortir de sa marginalité ? Le chaos que l’Homme a créé sur terre n’est plus dissimulable, il faut réagir à tous les niveaux. La part du marché de la construction dans les émissions de Co2 n’est pas négligeable et les architectes ont un rôle important à jouer dans cette problématique. Les mouvements écologiques existent depuis déjà quelques décennies et la construction écologique est en évolution constante. En tant que future architecte, je me positionne face à cette problématique sociétale : il est nécessaire d’aller vers une architecture durable et éco-responsable. C’est lors de mon choix d’Erasmus que je me suis questionnée sur le sujet de mon mémoire. Quoi de mieux que de découvrir ce qui se fait ailleurs ? Le CRAterre étant dans l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Grenoble, ma destination, je me suis dis que c’était une chance d’aller découvrir l’architecture en terre crue au sein du meilleur laboratoire de recherches sur ce matériau. La terre crue est-elle une réponse pour une architecture éco-responsable ? Qu’est-ce qu’une architecture éco-responsable ? Réponse dans une interview de Dominique Gauzin-Müller architecte, enseignante et commissaire de l’exposition « Habiter écologique » à la Cité de l’architecture et du patrimoine. « Qu’est ce qu’une architecture éco-responsable ? Dans éco vous avez à la fois, économique et écologique et dans responsable vous avez le côté culturel et le côté humain. Ça veut dire qu’on retrouve là les quatre piliers du développement durable ; économie, écologie, social et culturel. Il y a plusieurs critères pour pouvoir définir une architecture éco-responsable. -Le premier critère, c’est le site et le territoire. C’est-à-dire qu’il faut d’abord réfléchir à toutes les données physiques du site ; la topographie, le micro climat, la géologie. Et choisir, en fonction de ces différents éléments, des principes bio-climatiques. Ensuite on regarde le territoire, qu’est ce qui est disponible, au niveau des matériaux, au niveau des savoir-faire, pour mettre en valeur ce territoire et en profiter aussi pour augmenter la fierté, le sentiment identitaire. -Le deuxième point concerne les matériaux et les techniques. Là encore on regarde les matériaux disponibles sur le site. Pourquoi ? Pour essayer de limiter l’énergie grise, c’est-à-dire l’énergie comprise dans la fabrication des matériaux mais aussi dans leur transport. Donc plus on a des matériaux locaux, moins on a de transport. Au niveau des techniques, il faut faire attention à bien choisir le matériau et à bien le mettre en œuvre dans un souci de pérennité, pour limiter la

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maintenance et pour que le bâtiment dure le plus longtemps possible. -Le troisième critère, c’est l’énergie et l’ambiance. Dans l’énergie il y a à la fois le choix de la source d’énergie, si possible une énergie renouvelable (le solaire, la biomasse) et d’abord limiter les besoins, c’est-à-dire avoir une enveloppe tellement bien isolée, autour du bâtiment, qu’au lieu de consommer 350 kWh/m2/ an, ce qui existe sur pas mal de maisons anciennes, c’est possible de limiter à 15 kWh/m2/an, uniquement en travaillant sur l’épaisseur de l’isolation, autour de l’enveloppe de la maison. Ensuite on s’intéresse au ressenti des gens, c’est ce que j’appelle l’ambiance, à la fois au niveau de l’ambiance lumineuse, essayer d’avoir un maximum de lumière naturelle, avoir une ventilation naturelle et profiter des apports gratuits pour limiter les besoins en énergie. Alors les apports gratuits, sont principalement ceux du soleil, on pensera à bien choisir les vitrages et l’orientation pour limiter les besoins et augmenter le confort . -Et puis le dernier point c’est l’humain et l’usage : dans l’humain il y a la relation entre l’architecte et toute son équipe, c’est-à-dire les ingénieurs structure, les ingénieurs fluides et aussi les entreprises les artisans qui travaillaient avec lui et aussi avant tout le client et le service que l’architecte offre à son client. Et puis par ailleurs, l’usage, c’est la manière dont les utilisateurs prennent possession du bâtiment et là au niveau du comportement on peut limiter les besoins particuliers, les besoins en énergie. Et on peut aussi rallonger la vie du bâtiment si les gens s’investissent dans ce bâtiment et s’y sentent bien. » S’interroger sur l’incidence de nos choix en matière de logement parait primordial à l’heure actuelle. Peut-on encore, aujourd’hui, réfléchir à la question de l’habitat sans considérer la notion de construction écologique, respectueuse de l’environnement ? Les architectes doivent pouvoir se projeter avec cette donnée et ne devraient plus construire, sans penser aux conséquences de la construction de leurs bâtiments sur la planète. Quelle est l’énergie grise des matériaux de construction utilisés, sont-ils durables, sont-ils recyclables ? Quelle énergie consommera le bâtiment ? Sera-t-il producteur d’énergie ? Toutes ces problématiques sont aujourd’hui soulevées et méritent d’être davantage prises en considération. Partant de ce postulat, une question émerge alors : comment construire des lieux de vie écologiques et durables, qui procurent un réel bien-être aux utilisateurs, tout en respectant l’environnement ? Face à une société dans laquelle les matériaux de construction énergivores tels que le ciment, le béton et l’acier sont rois, je vais dans ce mémoire explorer une autre voie, celle de l’architecture au service de la Terre, par la terre.

* http://www.reseau-canope.fr/tdc/tous-les-numeros/les-materiaux-de-construction/interview/ article/architecture-eco-responsable.html

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La terre est utilisée depuis toujours par l’Homme pour se loger. Plus d’un tiers de la population mondiale vit encore dans un habitat en terre aujourd’hui. Ce matériau est malheureusement associé à la pauvreté et n’est pas souvent vu d’un bon œil par la société industrialisée dans laquelle nous vivons. Cependant, suite aux différentes crises d’énergie, un certain nombre d’entre nous remet progressivement en question sa manière de vivre et de se loger. Ce n’est que depuis peu, que la terre crue tend à avoir meilleure presse en tant que matériau de construction. C’est un processus lent qui a démarré grâce à des avant-gardistes, des personnes convaincues et engagées. Par des architectes tels que Hassan Fathy, Rick Joy, Martin Rauch, Anna Heringer et d’autres encore, l’image de la terre crue a évoluée et son utilisation a de nouveau été valorisée dans l’architecture contemporaine. Mon intérêt pour ce matériau s’est éveillé à travers l’esthétique de celui-ci. Ce matériau naturel a des qualités sensibles, esthétiques et sensorielles grâce à sa matérialité qui lui permet de créer des ambiances et des espaces particuliers dans le bâtit. La terre crue met les sens en éveil de par sa matérialité ; sa rugosité, sa brutalité ou à l’inverse par sa douceur et sa précision. La terre a également de grandes qualités hygrométriques et d’inertie qui jouent un rôle important sur le confort. Pourtant, les constructions en terre sont encore mineures dans l’architecture d’aujourd’hui. Il est difficile pour ce matériau de se faire une place dans le monde actuel de la construction. Dans un premier temps, je vais analyser le quartier du Domaine de la Terre. On peut parler ici d’un quartier historique et précurseur. Il s’agit d’un quartier de logement social individuel qui a été réalisé dans les années 80 dans la ville nouvelle de Villefontaine, près de Lyon en France. Ce quartier a été entièrement construit en terre crue. Ce travail permettra de comprendre le contexte dans lequel il a été construit, de savoir quelles en ont été les démarches, les nombreuses collaborations, les difficultés rencontrées sur les chantiers, etc. Ces informations permettront d’extraire les points positifs et négatifs de ce quartier, d’en tirer les leçons pour l’avenir de cette architecture et d’obtenir une réponse à cette interrogation : La terre peut-elle être une réponse pour un habitat social de qualité? La méthode a été de travailler principalement à partir d’entretiens. Aucun travail n’avait été réalisé sur le Domaine de la Terre. Il existe peu de documents traitant de ce sujet. Il a donc fallu interroger les personnes-clés, pour comprendre ce quartier pilote en terre crue. J’ai tout d’abord rencontré l’initiateur du projet, Jean Dethier, ensuite j’ai pu rencontrer Alain Leclerc, l’urbaniste en chef de l’opération, puis Patrice Doat, l’un des fondateurs du CRAterre, Hubert Guillaud qui est lui

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aussi membre du CRAterre depuis la naissance de ce quartier, Christophe Delmastro, directeur de l’OPAC38 (Office public d’aménagement et de construction de l’Isère) ainsi qu’une habitante du quartier investie, qui y vit depuis son inauguration. Pour sortir de cette analyse les points positifs et négatifs du quartier du Domaine de la Terre, je vais travailler selon la méthode d’analyse SWOT, qui sera également le corps de ma recherche pour la deuxième partie. Dans un deuxième temps, de retour de mon Erasmus d’un an, baignée dans les savoirs de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, du CRATerre et surtout du Master Architecture et Culture Constructive, je reviens en Belgique en me demandant où en est notre pays dans l’architecture en terre crue. Ayant un bagage de connaissances, mon questionnement se tourne vers l’actualité et l’avenir de notre pays quant à l’utilisation de ce matériau. Cette partie sur la filière terre en Belgique, s’est principalement basée sur des entretiens. Différents acteurs ont été interviewés : des architectes, une conseillère en éco-construction de l’IBGE, des entrepreneurs mais aussi un artisan. Quelle est la place de la terre crue dans le marché de la construction, comment développer positivement sa place? Je vais chercher quels sont les atouts, les faiblesses du matériau terre mais aussi les opportunités et les menaces extérieures qui vont le faire évoluer. Pour comprendre la filière belge, j’ai donc utilisé la méthode SWOT appelée également AFOM, son acronyme français : Atouts, Faiblesses, Opportunités, Menaces. Cette méthode permet de déterminer les options stratégiques pour le développement d’une filière. Cette méthode est utilisée surtout dans le marketing, et pour les dossiers d’opportunités, d’innovation ou de lancement d’un nouveau produit. Le but de ce mémoire n’est pas de traiter de sujets tels que les techniques de mise en œuvre détaillées de la terre crue, l’historique ou les différentes architectures en terre crue dans le monde. Les sujets étudiés sont principalement dédiés aux logements : quelles sont les utilisations possibles de la terre dans l’habitat individuel ? Est-ce une réponse pour du logement social ? Mais également dans des bâtiments plus importants, des immeubles de logements, des bâtiments publics où la terre est utilisée comme élément architectonique et esthétique. C’est en considérant l’ensemble de ces données, l’urgence de penser le bâtit de manière durable et l’atout que représente le matériau terre face à cette problématique, que je vais orienter mes recherches sur l’état de la construction en terre crue en France et en Belgique.

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B- Contexte de la Ville Nouvelle et concept urbanistique C- Projet du Domaine de la Terre D- Choix des architectes - concours E- Partenariats de l’opération F- Rôle du CRAterre

1/ PRÉSENTATION DU DOMAINE DE LA TERRE

A- Origines et raisons stratégiques du projet


A- Origines et raisons stratégiques du projet L’origine de ce projet de village terre vient de l’exposition initié en 1980 par Jean Dethier, Des architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire. Il s’agit d’une exposition internationale sur l’histoire, l’actualité et l’avenir des architectures de terre.

Une exposition itinérante dans le monde montrait les différentes techniques et le patrimoine existant des constructions en terre crue. C’était une exposition innovante, le visiteur était immergé dans une reconstitution théâtrale de diverses architectures en terre reconstituées en maquettes à taille humaine. La volonté était de capter l’attention des visiteurs, de les informer mais aussi de les convaincre de la diversité et de la validité des architectures de terre.

« C’est dans les années soixante au Maroc que j’ai été sensibilisé aux atouts et aux enjeux de la construction terre. » (DETHIER, 2014) (1) Jean Dethier va être recruté par le Centre Pompidou en 1975. Son travail est de concevoir et réaliser des expositions d’architecture qui soient intéressantes et attractives, aussi bien pour les professionnels que pour le grand public. Ils vont privilégier des expositions thématiques et non-monographiques sur des architectes. Pour cela, les thèmes des expositions sont focalisés sur les grandes problématiques de notre société. A partir d’un événement important de l’actualité, qui pose un problème de société, ils développent un thème architectural. La grande question de la fin des années 70, est la crise mondiale de l’énergie.

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Entretien avec Mr Jean Dethier à Paris en date du 01.04.14


« Ce problème est partout dans la presse, partout dans les médias, c’est une révolution. L’alimentation énergétique de l’Europe et du monde se pose sous un nouveau jour. » (DETHIER, 2014) (2) C’est grâce à des statistiques, que l’exposition va pouvoir développer les questions du comment et du pourquoi une architecture moderne est très fortement concernée par l’énergie. Selon Jean Dethier, la terre crue est une bonne réponse à cette crise énergétique. Elle court-circuite l’utilisation de matériaux industrialisés qui utilisent une très grande quantité d’énergie. De plus la terre a de grandes capacités de confort thermique. « L’idée même de l’exposition est née de la volonté de répondre au problème de la crise énergétique. » (DETHIER, 2014) (3) Cette exposition est structurée en 3 parties, une première partie est destinée à rappeler la diversité, l’importance et la beauté du patrimoine traditionnel en terre présent dans le sud, en Afrique et en Europe.

Fig. 1 & 2 : Affiche et scénographie de l’exposition de Jean Dethier au Centre Pompidou en 1981 : «Des architectures de terre; ou l’avenir d’une tradition millénaire».

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Entretien avec Mr Jean Dethier à Paris en date du 01.04.14

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La deuxième partie montre que la terre était utilisée durant la période moderne par un certain nombre d’architectes visionnaires, comme François Cointeraux. Il a été le premier à théoriser la modernisation de l’architecture en terre durant le 19ème siècle, il a écrit de nombreux ouvrages sur ce sujet.

Fig. 3 : couvertures de deux ouvrages François Cointeraux, projet de maisons en pisé, c 1795

Fig. 4 : Cointeraux, projet de manufacture en pisé, c. 1798

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Le Corbusier a rédigé un livre pour réhabiliter la terre en 42, ensuite Frank Lloyd Wright a réalisé un projet d’habitat en terre aux Etats-Unis. Cette partie moderne de l’exposition est prolongée par une partie contemporaine qui présentait un certain nombre d’exemples pilotes. Des réalisations faites à l’étranger, des projets en Afrique, primés par le prix Aga Khan et depuis les années 60-70 des réalisations aux Etats-Unis, des réalisations ponctuelles, surtout des villas individuelles, privées, mais aussi des opérations un peu plus amples. La dernière partie de l’exposition était un plaidoyer pour l’avenir, cherchant à promouvoir le développement d’une architecture écologique en terre, aussi bien au Nord qu’au Sud. Pour faire ces recherches, Jean Dethier a voyagé aux USA, dans l’état du Nouveau Mexique à Santa Fe et à Albuquerque. Là-bas, de nombreuses villas de luxe sont construites en terre crue, mais aussi le quartier de la Luz. C’est le seul programme au monde, à l’époque, qui avait une dimension de quartier. Le programme est d’une soixantaine de maisons mitoyennes, très compactes, une innovation aux USA, ces maisons étant conçues pour des gens aisés. De retour en France, il a rencontré l’équipe du CRAterre, un centre de recherches et d’applications de la construction en terre, qui venait d’être créé en 1979 à Grenoble. Le CRAterre a été le conseiller scientifique de l’exposition. Leurs tâches étaient la vérification des écrits mais aussi de s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreurs d’ordre technique et scientifique dans l’exposition. Le CRAterre a eu un rôle important en aval de cette exposition. C’était une exposition prévue pour être itinérante dans le monde, après son établissement à Paris. Elle a circulé seize ans sur quatre continents et cumulé 3 millions de visiteurs. Aucune exposition d’architecture n’a jamais connu un tel taux de fréquentation dans le monde.

Fig. 5 : Ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA

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Fig. 6 : Ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA

Fig. 7 : vue aérienne de l’ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA

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Fig. 8 : Plan de l’ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA

Le Centre Pompidou a assumé pendant sept ans le déplacement de cette exposition et le CRAterre s’en est chargé durant les dix années suivantes. Pour rendre l’exposition attractive, Jean Dethier a eu l’idée de la compléter par une démonstration grandeur nature de la faisabilité des idées défendues dans celle-ci. L’idée première était de construire sur la Piazza devant Beaubourg deux réalisations en terre, mais cette idée a été abandonnée car il s’est avéré que la ville ne pouvait pas donner le permis de construire pour des questions de trop faible résistance du sol. C’est alors qu’est arrivé le projet du quartier du Domaine de la Terre. En allant à Grenoble, Jean Dethier a découvert qu’à l’Isle d’Abeau, une ville proche de Lyon, l’état projetait de construit une ville nouvelle, un laboratoire de l’habitat de l’avenir. Cette région ayant un patrimoine important en pisé, c’était une situation idéale pour réaliser un quartier expérimental. L’initiateur de l’opération-pilote du Domaine de la Terre était Jean Dethier. Le but de cette expérience était de faire connaître les techniques modernes de la terre crue et d’être un modèle international.

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Fig. 9 : Grange de ferme en pisé du 19e S en Isère

Fig. 10 : habitat rural du 19e siècle en pisé en Isère

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Fig. 11 : demeure bourgeoise en pisé du 19e siècle de la région Rhône-Alpes (au nord de Lyon)

Fig. 12 : Maison bourgeoise en pisé du 19e s. à Villefontaine, Isère

Le Domaine de la Terre et l’exposition ont toujours été imaginés dans une double perspective Nord-Sud, pays industrialisés-pays émergents. L’idée étant d’encourager un développement de l’architecture en terre, il fallait développer différents types de raisonnements, plutôt écologiques pour les décideurs en Europe, et plutôt des arguments sur l’économie, l’usage de ressources locales et l’auto-construction pour le tiers monde.

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B- Contexte de la Ville Nouvelle et concept urbanistique

DOMAINE DE LA TERRE

Le Domaine de la Terre s’est implanté en région Rhône Alpes, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Lyon dans la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau, en Isère.

Fig. 13 : Carte géographique du Domaine de la terre et ses alentours

Pour comprendre ce quartier il est nécessaire de connaître le contexte dans lequel il est apparu. Les informations proviennent essentiellement de l’entretien réalisé avec Alain Leclerc, l’urbaniste responsable du Domaine de la Terre. Contexte historique : Les grandes questions sur l’aménagement du territoire sont apparues vers 1955. Une réflexion sur les équipements publics et sur l’urbanisme est née. C’est dans les années 1960-1970 que sont apparus de grands ensembles préfabriqués. Vers 1965-1970 est arrivée l’idée des Villes Nouvelles, dites « La ville à la campagne ». A l’époque c’était un nouveau mode d’habiter. C’est l’OREAM (Organisation d’Etudes des Aires Métropolitaines) qui les a développés partout en France dans le but de créer de nouvelles métropoles. Apparaît alors la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau, située au Nord-Ouest de Lyon. L’EPIDA, un établissement public, était chargé de l’aménagement de la Ville nouvelle de L’Isle d’Abeau et s’est occupé des plans d’urbanisme des 33 communes de Villefontaine.

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En 1968 le projet de l’Isle d’Abeau est accepté. Équiper cette région pour qu’elle ne soit pas dépendante de Lyon était la première chose à faire. C’est par la construction des infrastructures comme des écoles, un hôpital, etc., qu’ont commencé les travaux. Ce projet rassemblait 33 communes, qui n’incluaient aucune distinction des limites politiques. La démarche de travail était de partir de la topographie des sites pour dessiner la ville. Il y a donc eu un dessin paysager et urbain des 33 communes par 5 urbanistes de l’EPIDA. Deux urbanistes ont ensuite été chargés de Villefontaine. Leur rôle était de superviser les opérations, de dessiner précisément les arrangements du quartier et de travailler avec les architectes. Contexte économique : C’était une période difficile à cause du premier choc pétrolier de 1973. Les prix dans le domaine du bâtiment avaient considérablement augmentés, ce qui a engendré une crise importante dans le domaine de la construction. Contexte géographique : En région Rhône-Alpes, les contraintes des technologies de production du logement sont très particulières, puisque les cimenteries placées à l’entrée de Grenoble sont de très gros groupes mondiaux. Cela amène l’utilisation du béton armé à profusion dans cette région, il était difficile de s’opposer au lobby du béton. Dans ce contexte, la dynamique des villes nouvelles était de s’opposer aux grands ensembles préfabriqués et de construire des logements de type individuel. Alain Leclerc était l’urbaniste en chef de l’opération expérimentale du Domaine de la Terre. Ce quartier compte 65 logements sur 850 dans le quartier des Fougères dans lequel il se situe. Cette opération est donc microscopique quand on la compare à l’entièreté de la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau. Il s’agit d’un terrain à dénivelé important, on oublie la tendance qui était de créer des grilles orthogonales pour les chemins de grue et on retrouve une liberté de composition des plans masses. La solution qui était proposée était de construire du R+2 pour l’utilisation de petites grues mobiles qui permettait de garder une liberté de plan masse.

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« Dans un site aussi vaste et éclaté de plusieurs collines, quelle structure peut-on donner à la ville pour qu’elle puisse se développer et se renouveler sur elle-même à long terme ? » se questionne Alain Leclerc (2014). (4) Il voulait permettre le développement de la ville à long terme et proposait un schéma des futurs transports qui viendraient se rajouter à ce quartier. Le schéma de l’Isle d’Abeau était fait sur les schémas des villes nouvelles finlandaises telles que la ville de Tapiola en Finlande. C’est une ville extrêmement dessinée qui travaille sur la trame verte. Le principe est de dessiner les parcs, les cheminements vélo, de déplacements doux ainsi que les transports en communs pour se relier aux grosses métropoles et puis de faire la ville autour. Pour l’élaboration du plan masse de 2 hectares, le concept urbanistique était de partir de la topographie, d’étudier les cheminements, les trouées, de prendre en compte la contrainte de l’orientation, des vents et à partir de là, de dessiner les implantations des vides entre les bâtiments. C’est ensuite que les habitations étaient positionnées pour connaître leur impact sur l’environnement.

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Entretien avec Mr Alain Leclerc au Domaine de la terre en date du 01.03.14


C- Projet du Domaine de la Terre

Fig. 14 : Plan masse du quartier du domaine de la terre

L’initiateur du projet, Jean Dethier, a eu l’idée de faire une réalisation en terre grandeur nature, un quartier à l’Isle d’Abeau. Il exprima l’idée au directeur de la ville nouvelle. Il lui donna l’exemple d’un quartier contemporain existant, la Luz aux Etats-Unis, un quartier de 60 logements réalisés en terre crue, destinés à une population aisée. Le directeur de la ville nouvelle décida d’aller visiter ce quartier, il rencontra l’architecte et fit une expertise pour connaître les qualités constructives de ces habitations. La Luz a permis de crédibiliser le projet, mais celui-ci n’a pas été pris comme exemple direct. Contrairement à ce quartier, le Domaine de la Terre n’a pas répété un seul type de logement, chaque îlot a été traité par un architecte différent. L’étape suivante était de trouver un promoteur prêt à prendre des risques, car depuis cinquante ans personne n’avait plus jamais construit en terre crue. Le directeur de la ville nouvelle ne voulait pas financer le quartier terre. Leur rôle était de financer toutes les infrastructures publiques. Ce fut très difficile de trouver un financement pour ce projet. C’est en 1981 que l’OPAC de l’Isère s’est porté volontaire pour être le maître d’ouvrage de ces 65 logements. Jean Dethier a mis le CRAterre en relation avec la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau et a passé la main. Son rôle d’initiateur de projet s’arrêtait là. Une fois ces différents acteurs rassemblés et le site trouvé, la suite des opérations était de trouver les architectes et les entreprises.

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La volonté était de démontrer qu’il était possible, à l’époque, de construire en terre de l’habitat social, à des prix normaux, aussi bien en France que dans le Tiers Monde et ce, malgré toutes les contraintes existantes dans l’habitat social. Pour le financement, un dépassement de dix pour-cent a été accepté par rapport aux prix de référence des logements HLM. Il y eu très vite beaucoup de demandes pour devenir locataires de ces nouveaux logements. Cette volonté venait du fait qu’on leur proposait un logement individuel qui avait un garage et un jardin, à la campagne. La totalité des logements a été mise en location par l’OPAC même si, à la base, deux tiers des habitations devaient être mises en accession. « Si on comparait l’importance de ce projet-là dans les années quatre-vingts, à un projet aujourd’hui c’est comme si on réalisait 50 éco quartiers avec deux milles personnes. » (DOAT 2014)(5) Les différents chantiers se sont étalés sur deux ans : 1982- Lancement de trois chantiers après la réalisation des voiries provisoires 1983- Quatre autres chantiers sont commencés ainsi que le traitement des espaces publics 1984- Quatre chantiers supplémentaires sont lancés 1985- Commencement de l’îlot du concours au printemps

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Entretien avec Mr Patrice Doat à Grenoble en date du 17.03.14


D- Choix des architectes - Concours C’est en 1981 qu’un concours national a été lancé par le Plan Construction et Habitat avec l’OPAC et l’EPIDA. Dans un projet d’habitat de soixante logements, en général un seul architecte et une entreprise sont sélectionnés. Mais pour ce quartier, ils ont choisi dix architectes et dix entreprises différentes. Deux arguments expliquent ce choix : le premier est qu’en prenant plus d’architectes, il y avait une diversité des expressions architecturales et le deuxième est qu’il y avait la volonté de développer et de diffuser les connaissances. Le but était de pouvoir renouveler l’opération, car à cette époque, il n’y avait plus aucun savoirfaire en France. Aucune opération d’une si grande ampleur n’a vu le jour depuis lors. La volonté était de choisir des architectes motivés et des petites entreprises régionales. La décision finale a été de prendre un architecte par îlot. Un concours national ouvert à tous les architectes de France a été réalisé. Une cinquantaine de candidats se sont présentés, le nombre d’architectes était hautement supérieur aux espérances. Ils augmentèrent le nombre d’îlots et gardèrent l’îlot clé pour un concours entre les architectes sélectionnés. Débute ensuite la phase d’esquisses, ceux-ci travaillaient individuellement et tous les quinze jours ils se retrouvaient pour travailler ensemble à l’EPIDA. Ils prenaient ainsi connaissance de l’étude des autres architectes. Le concours de l’îlot clé a été remporté par Jean-Vincent Berlottier, il proposait dans sa solution de créer une tour en pisé pour faire un centre à ce village. Celleci sert de belvédère en offrant une très large vue tout en logeant l’écomusée NordDauphine de la terre. L’architecte a fait la synthèse des différentes techniques de terre crue en s’inspirant du travail des autres architectes. En résumé : - Recherche nationale d’architectes à partir d’un concours ouvert - 10 architectes - 65 logements - Sélection et attribution des îlots par tirage au sort - Concours entre les architectes sélectionnés, pour l’îlot principal

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E- Partenariats de l’opération Une importante structure de coopération s’est mise en place entre l’État, la Région et le Département pour réaliser ce projet. Les principaux acteurs au niveau national sont : -Le ministère de l’urbanisme, du logement et des transports – le « plan de Construction et Habitat », la Direction de l’Architecture et la Direction de la Construction -Le ministère de la culture – le CCI du centre George Pompidou - Jean Dethier – Architecte initiateur du quartier du Domaine de la terre. -Les Architectes et urbanistes -Les Entreprises Au niveau régional : -L’Établissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau -Le Président du Syndicat d’Agglomération nouvelle, l’Isle d’Abeau, Serge Mauroit -L’EPIDA - Aujourd’hui appelée Epani, était un établissement public chargé de l’aménagement de la Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau, s’est occupé des plans d’urbanisme des 33 communes de Villefontaine Les partenaires scientifiques : -Le CRAterre - Le centre de recherche et d’application terre basé à Grenoble -ENTPE - Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat près de Lyon, Philipe Michel qui coordonnait les réunions de chantier toutes les semaines -CSTB - Centre scientifique et technique du bâtiment -L’Université Scientifique et Médicale de Grenoble - SOCOTEC - Bureau de contrôle, un ingénieur a suivi tout le chantier Au niveau départemental : - L’OPAQ de l’Isère - Office Public d’Aménagement et de Construction de l’Isère est le premier bailleur social de l’Isère. Le maître d’ouvrage avait pour nouveau directeur, Pascal Vicedo.

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F- Rôle du CRAterre Le CRAterre est le Centre de Recherche et d’Application terre situé à Grenoble. C’est une référence internationale dans le domaine de l’architecture en terre. La création du CRAterre date de 1979, mais depuis déjà cinq ans auparavant, il existait deux associations (Palafittes et Adeten) qui faisaient également des recherches sur les constructions en terre. Ils avaient déjà une certaine expérience quand ils se sont lancés dans le projet du Domaine de la Terre. Leur rôle était primordial dans ce projet. Leur première mission était de faire de la recherche pour trouver les techniques en amont. Hugo Houben, Patrice Doat, Dirk Belmans, Michel Dayre et d’autres ont participé à l’écriture d’un rapport, Village de terre. Il s’agit d’un document technique appelé un CCTP (Cahier des Clauses Techniques Particulières), c’est un document explicatif des différentes techniques de terre crue. Aucun écrit théorique, au delà de Construire en terre (1979), n’étaient encore publié sur les techniques modernes de la construction en terre à cette époque-là. La première difficulté importante était qu’il existait peu d’entreprises compétentes. Étant en situation de crise économique, de nombreuses entreprises ont répondu à l’appel d’offre, sans être compétente dans la construction en terre. L’équipe du CRAterre a dû infuser ces savoirs vers les architectes et les entrepreneurs très rapidement. Une journée de formation pour faire une remise à niveau a été réalisée, ce qui n’était pas suffisant. De plus, les membres du CRAterre n’ont pas été assez rigoureux sur la présence et l’apprentissage de chacun. Les plans ont été corrigés et revus par le CRAterre afin d’être justes et réalisables. Divers problèmes ont été rencontrés, par exemple au niveau des portées, de l’épaisseur des murs, de la thermique, etc. Par exemple, pour le pisé, le CRAterre conseillait d’avoir le moins de retour d’angle possible et d’avoir des murs simples. Ils se sont chargés de la prospection du matériau terre pour le chantier. En effet, tous les remaniements du site ont mélangés les terres entre elles et la veine de terre à pisé qui était disponible à la base ne l’était plus. Un rayon de déplacement d’une quinzaine de kilomètres a donc été établi, pour que le coût des matériaux ne soit pas rédhibitoire. Dans le village de Veyrins-Thuellin, une veine de terre à pisé de très bonne qualité avait été découverte dans une nouvelle zone industrielle en chantier. Pour les blocs de terre vibro compactés, ils devaient être faits sous le contrôle d’un

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laboratoire de recherche de l’école de Saint-Etienne. André Acetta avait mis au point cette technique de blocs vibro compactés stabilisés au ciment. Mais le transport de St-Etienne jusque Villefontaine était vraiment trop important. Le CRAterre a cherché une solution pour les faire venir de plus près et pour que les blocs de terre comprennent un taux de stabilisation plus faible que celui proposé (de 11 à 12 %). Une entreprise régionale de parpaings de ciment a fait une production de blocs de terre. Ils ont utilisé leur filière, la seule modification à faire était la fréquence de vibration, à adapter pour avoir un bon tassement de la terre. Par la suite, les expérimentations on permis d’abaisser le taux de stabilisation pour arriver à un pourcentage de 6%. La tâche la plus importante était le suivi du chantier durant la phase de construction. De nombreuses erreurs étaient faites par les entreprises peu qualifiées. C’est un architecte membre du CRAterre, Hubert Guillaud, qui s’est occupé du suivi de chantier. Une des grandes difficultés rencontrée était le peu d’investissement venant des entreprises. De plus, celles-ci n’avaient pas le matériel adéquat et nécessaire (ex : banches spéciales pour le pisé, dameuses,…) C’est un processus qui a été exceptionnellement long mais qui a tout de même abouti en 1985 à l’inauguration du quartier du Domaine de la Terre.

« Toute expérimentation est une période d’essais et d’erreurs. Petit à petit on se construit une expérience, des savoirs, des savoirs faire qui vont permettre de déboucher sur des projets de meilleure qualité. » (GUILLAUD, 2014) (6)

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Entretien avec Mr Hubert Guillaud à Grenoble en date du 25.03.14




B- Îlot d’habitat édifié en terre paille C- Îlot d’habitat édifié en pisé et en blocs de terre vibro compactés D- Comparaison des performances thermiques des différents îlots du quartier

2/ ANALYSE DES ÎLOTS D’HABITAT DU DOMAINE DE LA TERRE

A- Îlot d’habitat édifié en pisé


Fig. 15 : Vue aérienne du Domaine de la terre, photo du CRAterre

Trois techniques sont utilisées pour réaliser ce quartier ; le pisé, la terre paille et les blocs de terre vibro compactés. Malheureusement, dans ce quartier, de nombreux îlots voient leurs murs recouverts de bardages en bois ou d’enduits. Il y a ici une contradiction avec la volonté de départ qui était de montrer les nouvelles performances de la terre. De nombreux bâtiments ne paraissent pas être construits en terre.

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A- Îlot d’habitat édifié en pisé

Fig. 16 : Façade Nord îlot B, Architecte Jean-Vincent Berlottier

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a-Présentation du projet Équipe / Architecte : Jean Vincent Berlottier Structure : Caillaud et Chapuis Thermicien : THERMTEC Chantier démarré en juin 1983 Architecture / Programme: 4 logements, 2 x 4 pièces et 2 x 5 pièces Logements en bande Technique de construction : Murs en pisé, planchers en bois Les quatre logements sont mitoyens, construits sous une seule même toiture. Sur la façade Sud, les serres bioclimatiques offrent des espaces habitables en relation avec le séjour. Au Nord, ce sont les escaliers qui modulent la façade par de grands volumes cylindriques dans lesquels se trouvent la circulation et le cellier.

b-Plans et approche critique de l’usage

Fig. 17 : Coupe îlot B

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N

Fig. 18 : Plans îlot B

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Cet îlot est assez simple de par sa compacité. Les logements accolés profitent d’une seule et même toiture. La façade Sud est entièrement vitrée, des serres bioclimatiques captent la chaleur. Elles possèdent un système de ventilation supérieur pour l’été. Cependant aucun système de pare soleil n’est intégré architecturalement. Les murs en pisé entre la serre bioclimatique et le séjour amène l’inertie au bâtiment et gère les déphasages de température. Côté Nord, c’est la distribution qui sert d’espace tampon, non chauffé. Le mur de pisé est apparent en extérieur côté Nord et non isolé. La terre n’étant pas isolante, ces espaces deviennent des espaces froids, non utilisés, qui ont tendance à devenir des débarras. Hors ceux-ci sont aussi l’entrée dans le logement et la partie visible à rue. Cet espace est disproportionné par rapport à la taille du logement. La difficulté est qu’on se situe dans un site en pente. Cette déclivité dans le jardin au Sud prend la lumière et la chaleur du soleil. Le séjour qui voudrait être en communication directe avec la serre ainsi que la lumière naturelle et le jardin, est séparé de celle-ci par des murs en pisé et une cloison vitrée. La position de cette serre et des murs en pisé ne permet pas au séjour de profiter d’une lumière directe et rend le logement très sombre. La forme de la véranda donne des endroits résiduels non-appropriables pour les habitants. Le logement qui est généreux à la base, est fortement réduit car l’espace dans le volume cylindrique au Nord est un espace froid et inoccupable et la serre est un espace utilisable que pendant quelques mois de l’année. Une double circulation est présente dans cet habitat, ce qui est une dépense énergétique et économique ainsi qu’une perte d’espace. De manière générale, le point positif est que chaque logement a son propre garage et son jardin. C’est très rare pour des logements de type HLM. Dans cette construction, on peut apercevoir très clairement la technique du pisé à l’extérieur et à l’intérieur du logement. L’architecte met en avant l’aspect du matériau brut et naturel qui confère au logement une ambiance particulière.

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c-Principes constructifs Ces principes constructifs sont essentiellement basés sur les écrits du CRAterre provenant du Traité de construction en terre. Un mur en pisé est un ouvrage monolithique réalisé en terre, il peut être stabilisé à la chaux ou au ciment mais ce n’est pas obligatoire. La qualité du mur en pisé va dépendre essentiellement de la qualité de la terre, celle-ci doit être la plus uniforme possible. Il s’agit d’une technique, qui utilise une terre sèche. Le principe est de la verser dans un coffrage par lits successifs et de la damer. L’épaisseur de l’ouvrage est d’une quarantaine de centimètres minimum pour qu’un homme puisse se tenir debout dans le coffrage pour damer la terre. La technique du pisé offre de nombreuses variantes en fonction des régions, de la terre utilisée, de la granulométrie de la terre, de sa couleur, de la finition adoptée (rejointoiement au mortier,...). Dans les régions tempérées, la période de construction doit absolument éviter les mois de gel et les trois mois qui précèdent cette période. Ce qui est une grande difficulté pour le développement de ce matériau. C’est pour cela que la technique du pisé préfabriqué est aujourd’hui en plein essor. La main d’œuvre nécessaire pour réaliser du pisé varie en fonction de la taille du chantier. Le pisé absorbe l’humidité de l’ambiance intérieure et la restitue naturellement quand il fait trop sec. Il ne faut surtout pas rendre le mur étanche. Le pisé est rendu plus solide avec le temps car il indure (1). Les fondations sont réalisées en béton cyclopéen sur une hauteur de 80 cm par rapport au sol fini extérieur. Les murs en pisé font 50 cm d’épaisseur pour les niveaux R-1 et RDC, l’épaisseur diminue au R+2 pour atteindre 40 cm. A l’intérieur, la terre est recouverte d’un enduit plâtre, ce qui n’est pas le matériau le plus adéquat car il n’est pas naturel et donc moins respirant que la chaux ou qu’un enduit terre. Certains endroits sont en pisé apparent notamment à l’arrière des escaliers. Les planchers et les linteaux sont en bois. Un bardage en bois recouvre les façades extérieures. En partie la façade Nord, Est et Ouest. Les cloisons sont réalisées en doubles parois de contre plaqué, avec un remplissage de briques plâtrières crues. La charpente est constituée de pannes composites en bois, portantes entre les murs de refends. La couverture est réalisée en tuile de terre cuite rouge naturel.

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Étapes de réalisation du pisé : Extraction/ Avant toute utilisation de terre, celle-ci doit être préparée. Tout d’abord il s’agit de l’extraire. Cela peut être fait sur le site du chantier si la terre le permet ou en carrière. L’extraction peut se faire soit manuellement, soit mécaniquement. Criblage/ L’étape suivante est de cribler la terre, c’est à dire d’enlever les pierres qui ont un diamètre trop important. Cela peut être fait manuellement ou avec un tamis statique ou vibrant. Pulvérisation/ Si la terre est trop argileuse et forme des aggloméras de terre, il est nécessaire d’ajouter du sable et de la pulvériser. Dans le cas d’un pisé stabilisé cette opération est obligatoire. Malaxage/ Lorsqu’on stabilise la terre il faut la malaxer pour obtenir une terre homogène. Transport/ La terre doit être amenée au bon endroit, c’est là une étape difficile. Il faut l’emmener de la carrière jusqu’au chantier et ensuite la porter de manière verticale en haut du coffrage. Aujourd’hui, les techniques évoluent pour faciliter cette tâche, on utilise des engins élévateurs. Coffrage/ Il existe des coffrages traditionnels en bois, des métalliques, en aluminium,... Lors de ce chantier c’est un coffrage à béton qui a été utilisé. Dame/ Il existe différents types de dames : Des traditionnelles, qui utilisent deux techniques, un damage par impact ou un damage par fouloir pneumatique (les marteaux-piqueurs), ensuite dans les techniques actuelles, il y a le damage par vibration, par plaques vibrantes ou par dame vibrante. Lors de ce chantier ils ont utilisé des fouloirs pneumatiques, dérivés de l’industrie de la fonderie.

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d-Spécificités thermiques Il est certain qu’on ne travaillerait plus de la même manière aujourd’hui. Il y a eu de grandes avancées techniques au niveau de l’enveloppe du bâtiment et de la thermique. On peut cependant soulever le fait que c’est un ensemble de logements très compacts, ce qui amène des qualités thermiques. Le principe fort de ce projet est la serre bioclimatique en façade Sud. Une partie fonctionne en mur « trombe », le principe est d’avoir un mur de fond qui sert d’accumulateur. Ces logements ont une inertie importante, ce qui amène un confort thermique et une régulation naturelle permanente. Cette serre a un bon système de ventilation, le système fonctionne avec des ventaux en bas et en haut de la serre. Quand il y a un apport d’air neuf par le bas, l’air chaud est poussé vers les impostes en partie hautes, et l’air vicié est extrait de l’habitation. Par contre, la façade Nord est non isolée, ce qui est amène une déperdition thermique importante. C’est un espace tampon composé des escaliers, du cellier et des rangements. Ces espaces sont non chauffés. Les murs pignons sont isolés par une laine minérale protégée par un bardage bois. Pour des raisons thermiques et phoniques, les planchers sont réalisés en bois avec un remplissage de terre et de sable. Le plancher entre le niveau R-1 et RDC est isolé par de la laine de verre.

Fig. 19 : Serres façade Sud, îlot B, Architecte Jean-Vincent Berlottier

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e-Évolution du chantier Pas de problèmes rencontrés lors du chantier de l’îlot B, de l’architecte JeanVincent Berlottier.

Fig. 20 : Façade Nord, murs arqué en pisé, espace de circulation verticale

Fig. 21 : Coffrage en bois, présence de béton sur l’extrémité des murs

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Fig. 22 : Coffrage arqué en bois, lit de terre en train d’être damé à l’aide d’un fouloir pneumatique


Fig. 23 : Façades Ouest, recouverte de bardage en bois

Fig. 24 : Le mur en pisé se construit strate par strate, présence de lits de béton décoratifs pour marquer chaque niveau

Fig. 25 : Façade Sud, les serres bioclimatiques

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B- Îlot d’habitat édifié en terre paille

Fig. 26 : Façade Ouest, îlot E, architecte Paul Wagner

Fig. 27 : Vue Sud, îlot E, architecte Paul Wagner

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a-Présentation du projet Equipe / Architects: Atelier 4, Paul Wagner, Nicolas Widmer, Serges Theunynck Entreprise gros œuvre-charpente : GUEDY (La Verpillère) Chantier démarré en septembre 1982 Architecture / Programme: 6 logements, 3 x 4 pièces et 3 x 5 pièces Logements groupés et décalés Technique de construction : ossature bois remplissage en terre-paille, plancher en bois et en terre Les six logements sont en R+1, mitoyens et décalés. Le bâtiment est orienté SudEst, il s’agit d’un lieu abrité du vent de l’Ouest. Une protection du vent du Sud est assurée par les décrochements des bâtiments et par une rangée de peupliers. Les séjours se situent à l’étage et sont d’exposition Sud-Est, ils profitent d’un maximum d’ensoleillement. Leur situation traversante dégage des vues au Nord-Ouest.

b-Plans et approche critique de l’usage Cet îlot offre des logements traversants qui profitent de nombreuses vues. La disposition décalée des différents logements leur permet de s’ouvrir sur trois de leurs façades et de bénéficier de trois orientations. On trouve une diversité au niveau des logements de cet îlot. Malheureusement tous n’ont pas les mêmes qualités. Un des logements n’a pas de terrasse sur son jardin. Les séjours se situent au R+1, et tous ont accès à une terrasse, certaines sont Sud-Est et d’autres Sud-Ouest. Des logements n’ont pas d’accès au jardin depuis la terrasse. Le parcours pour ce rendre du séjour au jardin n’est pas des plus simple. L’entrée au RDC donne accès à la partie nuit du logement. Néanmoins, une chambre se situe au R+1, celle-ci est séparée des pièces à vivre par un hall de distribution et les sanitaires. Le rez-dechaussée est donc peu animé côté rue. Un décalage au niveau du sol de l’étage et des toitures amène une séparation entre les pièces du séjour. Tous les logements bénéficient d’espaces supplémentaires, un jardin privé, un garage et une pièce annexe en connexion avec le jardin.

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N

Fig. 28 : Plans de l’îlot E

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c-Principes constructifs La terre est utilisée ici comme liant, elle permet de tenir les fibres entre elles. Pour cette technique on utilise plus de paille que de terre. La paille amène l’isolation du bâtiment. Le mélange de la barbotine et de la paille est fait à la fourche. Il servira de remplissage à l’ossature en bois du bâtiment. Ce mélange doit être légèrement tassé. On arrive à des murs de 15 à 30 cm d’épaisseur. Composition du mélange : La terre doit être argileuse et sans gros granulats, elle est malaxée avec de l’eau pour former une barbotine. On ajoute à cela les fibres, ça peut être du blé, de l’orge, du seigle, du foin,... leur longueur doit être entre 15 et 40 cm. Le danger avec cette technique est d’avoir des épaisseurs de mur trop importantes qui entraînent un pourrissement. De plus il faut prendre en considération que les fibres vont capter l’humidité, il faut choisir les fibres les moins hydrophiles, l’orge par exemple. Il faut apporter une attention particulière au retrait vertical dû au tassement. Pour cela entre les structures portantes en bois, il doit y avoir des bois horizontaux qui vont éviter un tassement trop important du mélange terre paille. Cet îlot est le projet qui utilise le moins de terre de ce quartier. Ces parois en terre-paille offrent au logement une très bonne acoustique.

d-Spécificités thermiques Au Nord, on retrouve des espaces « tampons » comme le garage et une réserve. Dans ce projet il n’y a pas de concept bioclimatique mis en place. C’est l’isolation qui a été le point important de la recherche. En plus de la terre paille, ils ont positionné des carreaux de brique alvéolaire sur la face intérieure des murs, en laissant un vide d’air entre les deux. Ce projet, contrairement à l’îlot analysé dans le point précédent, ne travaille pas sur l’inertie et ne met pas le matériau terre en évidence car celui-ci est caché par un bardage en bois. Aucune recherche n’a été faite pour créer une architecture particulière à partir du matériau terre. C’est dommage, dans le cas d’un quartier expérimental sur un matériau, de ne pas le mettre en avant.

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e-Évolution du chantier Lors de la construction de cet îlot, quelques problèmes ont été rencontrés. L’entreprise n’avait jamais travaillé avec cette technique de construction. Le CRAterre n’était pas qualifié non plus pour cette technique. Ils ont donc dû faire appel à Franz Volhard, spécialiste allemand. Il a réalisé une formation de l’entreprise sur le chantier. Dans l’utilisation de cette technique il faut être vigilant au tassement de la terre paille. Il est nécessaire de placer des tasseaux horizontaux tous les 30 cm pour qu’il n’y ait pas d’affaissement. Ce qui n’a pas été fait lors du chantier et a engendré un tassement dans la structure verticale en bois. Il y avait un jour d’une quinzaine de centimètres en haut des murs. Ce problème a été rapidement réparé. L’architecte avait fait le choix de recouvrir l’intérieur de l’habitation avec des carreaux de brique alvéolaire. Ceux-ci étaient positionnés avec un vide d’air entre eux et le mur de terre paille, qui permettait au matériau terre de respirer. L’architecte voulait enduire à la chaux l’extérieur du bâtiment mais le bureau de contrôle SOCOTEC l’a interdit. C’était pourtant une grande tradition en Allemagne, des essais sur chantier avaient été réalisés mais ça n’a pas été accepté. Ce qui devait être chaulé a finalement été recouvert d’un bardage en bois, cachant la technique constructive du bâtiment.

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Fig. 29 : Préparation du mélange terre paille à la fourche

Fig. 30 : Structure portante en bois, positionnement d’un coffrage en bois

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Fig. 31 : Etape de la rĂŠalisation terre paille terminĂŠe

Fig. 32 : recouvrement du terre paille par un bardage en bois

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C- Îlot d’habitat édifié en pisé et en blocs de terre vibro compactés

Fig. 33 : Îlot L, Architecte Jean-Vincent Berlottier

a-Présentation du projet Équipe/ Architecte : Jean Vincent Berlottier Chantier en négociation en 1984 Architecture / Programme : 6 logements répartis en 5 x 4 pièces et 1x 5 pièces Logements groupés et mitoyens Technique de construction : murs en pisé, en bloc de terre vibro compacté et en bois. Planchers en bois.

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C’est le dernier îlot à avoir été construit, il faisait office de second concours ouvert aux architectes sélectionnés pour le quartier. L’architecte Jean Vincent Berlottier a remporté le concours. Il a proposé de construire un centre de village avec une tour. Il s’agit d’un point de repère mais aussi d’un belvédère. Deux techniques de constructions en terre crue sont reprises dans son îlot; la tour est réalisée en pisé et le reste de l’îlot en blocs de terre vibro compactés. Les six logements sont construits tout autour de la tour en pisé qui fait 15m de hauteur. Pour cet îlot, la Fondation des Pays de France a participé financièrement pour que la tour puisse être réalisée. Elle sert de lieu pour l’exposition permanente du quartier. A chaque étage une dizaine de panneaux expliquent la construction du quartier. La tour est aussi un belvédère offrant une large vue sur le quartier et le paysage.

b-Plans et approche critique de l’usage Chaque habitation est réalisée en deux parties, la première partie est un rez-dechaussée en structure bois et bardage, elle accueille le séjour et une mezzanine. La seconde partie qui est réalisée en blocs de terre vibro compacté est plus élancée et abrite la cuisine, les sanitaires et les chambres. Chaque chambre occupe la totalité d’un étage. L’espace du séjour en rez-de-chaussée est généreux, avec une hauteur sous plafond agréable. Trois des façades bénéficient d’ouvertures, ce qui offre des orientations différentes au logement, tout en ayant une grande intimité par rapport aux voisins. Les inconvénients de cet îlot sont les suivants : tout est chauffé à l’électricité, ce qui engendre des dépenses élevées, il n’y a pas de sanitaire à l’étage et il manque d’espaces dans les chambres pour le rangement. Ici l’architecte a laissé les blocs de terre apparents en extérieur et en intérieur, ce qui crée une ambiance agréable, selon les dires d’une habitante de cet îlot : « C’est un matériau noble, naturel sans solvants et c’est un matériau qui respire» Hrycenko (2014) (7)

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Entretien avec Mme Sabine Hrycenko au Domaine de la terreen date du 01.03.14

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N

RDC

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Fig. 34: Plans de l’îlot L


c-Principes constructifs La réalisation des blocs vibro compactés a été faite dans une usine de parpaings en ciment. Dans le processus de fabrication, seule l’intensité de la vibration des blocs a été modifiée. Étapes de réalisation : Extraction/ La terre est extraite dans une carrière proche. Criblage/ L’étape suivante est de cribler la terre, c’est-à-dire d’enlever les pierres qui ont un diamètre trop important. Cela peut être fait manuellement ou avec un tamis statique ou vibrant. Pulvérisation/ La terre utilisée pour ces blocs est stabilisée, l’opération de la pulvérisation doit être réalisée. Malaxage/ Lorsqu’on stabilise la terre il faut la malaxer pour obtenir une terre homogène. Moules/ La terre a une texture plus plastique que celle du pisé, elle est positionnée dans des moules, qui sont mis en vibration. Les moules sont ensuite retirés, il ne reste plus que des parallélépipèdes rectangles de terre crue pourvus de trous alvéolaires. Séchage/ Ceux-ci sont séchés en étuve de 9 à 14 jours Transport/ Ces blocs sont ensuite transportés par camion jusqu’au chantier. Cette étape est délicate, il y a eu beaucoup de casse durant le transport. Mise en œuvre/ Ils se mettent en œuvre comme les parpaings de ciment, la différence est qu’ils

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Fig. 35 : Machine réalisant les blocs de terre crue vibro compactés

Fig. 36 : Blocs en terre visible à l’intérieur de l’habitation, bloc coupé entre deux blocs non coupé

Fig. 37 : Blocs de terre sortant de la machine

Fig. 38 : Séchage des blocs en étuve


sont beaucoup plus lourds et que la mise en œuvre prend plus de temps. Pour la tour réalisée en pisé, la méthode de construction est la même que celle de l’îlot B, il s’agit d’une construction en pisé avec des planchers en bois. Les murs en pisé traditionnels sont d’une épaisseur de 50 cm allant en s’affinant vers le haut pour une économie des matériaux. La terre est recouverte d’un enduit plâtre à l’intérieur. Ce qui n’est pas un choix judicieux car cet enduit va empêcher la respiration de la terre. Certains murs intérieurs sont laissés apparents.

d-Spécificités thermiques Aucun dispositif bioclimatique n’est mis en place dans cet îlot. D’un point de vue thermique, la terre apporte une grande inertie à l’habitation. Les blocs gardent la maison fraîche, et redistribue la chaleur la nuit.

e-Évolution du chantier La tour en pisé a rencontré des problèmes au moment des finitions. Elle a été recouverte d’un additif. L’eau de pluie s’écoulant le long des murs, le pisé a très vite été abîmé. Les coulures ont provoqués des sillons aux endroits des lits de chaux, entre deux lits de pisé. Retirer ce polymère était très difficile, ils ont donc décidé de le recouvrir entièrement d’un enduit pour protéger le pisé. C’est une erreur de vouloir mettre un polymère sur de la terre crue. Un pisé doit respirer ! Ce qui est dommage c’est de ne plus voir l’aspect du pisé naturel sur cette tour, l’élément phare du quartier.

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D- Comparaison des performances thermiques des différents îlots du quartier

Une étude a été réalisée en 1997-1998, soit une dizaine d’années après l’inauguration du quartier du Domaine de la Terre, pour évaluer les performances thermiques des habitations. Il s’agit d’un comparatif des coûts en énergie entre le Domaine de la Terre et le quartier des Fougères, où les bâtiments sont réalisés en béton. La conversion de Francs français en Euro, a été faite en fonction de l’inflation, qui est de 29 % depuis 1998.* Le coût moyen de l’ensemble, chauffage et eau chaude sanitaire revient à :

23€/m2 12€/m2 9€/m2 6€/m2

11€/m2

20€/m2

9€/m2

10€/m2 10€/m2

Fig.39 : Quartier du Domaine de la terre, résultats de l’enquête sur les performances thermiques *(http://france-inflation.com/calculateur_inflation.php)

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-14€/m2/an dans le quartier des Fougères -13€/m2/an dans le quartier du Domaine de la Terre Nous constatons qu’il y a une grande différence de résultats de performance énergétique à l’intérieur du quartier du Domaine de la Terre. La différence maximum est de 17€/m2/an, entre les deux îlots d’habitation extrêmes ; - La moins bonne performance: Îlot H : 23€/m2/an - La meilleure performance: Îlot C : 6€/m2/an Référence de base de l’EDF pour toute utilisation d’électricité : 100F/m2 = 20€/m2 Avec un même matériau, on peut obtenir des résultats thermiques très différents, cela dépend de la technique employée, de la qualité de la mise en œuvre, de l’orientation du bâtiment, de sa compacité et de beaucoup d’autres facteurs. On peut se rendre compte qu’à cette époque-là, l’isolation n’était pas encore primordiale. Aujourd’hui, avec l’avancée du passif et l’évolution des techniques, on ne pourrait plus construire en tout terre. Ce matériau n’étant pas isolant, on ne peut l’utiliser pour l’enveloppe d’un bâtiment.

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a-Réactions au Domaine de la Terre b-Attractivité du Domaine de la Terre c-Projet de création d’un Institut International de la terre vers la création des Grands Ateliers d-Festival de Grain d’Isère e-Classement du quartier comme Trésor régional du Développement Durable

B- Quelles leçons en tirer ? a-Analyse propre au Domaine de la Terre b-Analyse externe, influences sur le développement du Domaine de la Terre c-Analyse du tableau SWOT sur le Domaine de la Terre

3/ INFLUENCES DU DOMAINE DE LA TERRE

A- Suite au projet du Domaine de la Terre


A- Suite au projet du Domaine de la Terre a-Réactions au Domaine de la Terre Dès le lancement de ce quartier expérimental, qui avait pour but de prouver la validité de la terre crue comme matériau de construction, nombreuses sont les personnes qui ont rédigé des commentaires. En annexesont compilés des extraits de commentaires publiés entre 1985 et 2013 à propos du Domaine de la Terre, conservés au Pôle des Archives du Centre Pompidou à Paris au sein du « fonds Jean Dethier » largement dédié à son exposition « Des architectures de terre ; ou l’avenir d’une tradition millénaire » et à son complément stratégique, le Domaine de la Terre. On retrouve des écrits de membres du gouvernement français, des élus politiques, des représentants de diverses institutions en France, en Belgique et des commentaires du CRAterre. Mais également des commentaires de la presse professionnelle à l’étranger et de la presse généraliste en France, en Belgique, en Afrique et en Allemagne. Après tous ces commentaires, la plupart positifs, on pourrait croire qu’il y aurait eu une suite à ce quartier du Domaine de la Terre. Mais jusqu’à présent, aucun autre projet de cette envergure n’a vu le jour en France ou en Europe.

b-Attractivité du Domaine de la terre Ce quartier a suscité énormément de réactions médiatiques, en France et à l’étranger. Ce qui a amené beaucoup de visiteurs sur place ; des professionnels et le grand public. Face à ce flux de gens imprévu, la ville nouvelle a organisé des visites. Un voyage d’étude dans la région était proposé aux visiteurs pour comparer le Domaine de la Terre avec le patrimoine en pisé de la région. Le quartier du Domaine de la Terre a engendré un tourisme culturel inattendu. Les visiteurs venaient de la région, de France mais aussi des pays voisins : de Suisse, d’Allemagne et d’Autriche. Pendant sa construction, il y a eu des visites «techniques et diplomatiques» de la part de pays étrangers concernés par l’architecture de terre. Une fois le quartier habité, de nombreuses visites scolaires ont eu lieu (primaires, secondaires, lycées). Également des étudiants en architecture venant de France mais aussi de l’étranger. L’Écomusée Nord-Dauphiné proposait des visites guidées à des groupes d’environ 25 personnes, à raison d’une quinzaine de fois par an.

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Des visites grand public et individuelles ont été organisées dans le cadre de l’exposition permanente installée par l’Écomusée Nord-Dauphiné. Cette exposition séjournait dans la Tour en Pisé, au sommet du Domaine de la Terre. Ces visites attiraient peu de monde, en moyenne dix personnes par week-end comparativement aux Journées Européennes du Patrimoine, du Festival Grains d’Isère, qui, elles occasionnaient des visites de groupes plus importants, entre trente et soixante personnes. « Le nombre de visiteurs venu des quatre coins du monde est de 40 000 par an les premières années. » (8)

c-Projet de création d’un Institut International de la terre vers la création des Grands Ateliers Le quartier du Domaine de la Terre a créé un enthousiasme général. Le jour de l’inauguration du quartier, trois ministres, le président de l’Assemblée Nationale et tous les élus régionaux étaient présents. Selon Patrice Doat et Jean Dethier, le problème du développement de la terre crue, c’est qu’il n’y a pas de formations qui permettent d’avoir des compétences, d’avoir des architectes qui soient capables de construire en terre dans d’autres villes, dans d’autres pays. Le CRAterre à Grenoble n’a pas la place ni les moyens de le faire. Sur cette lancée, il faudrait donner des moyens à CRAterre pour permettre un enseignement à visée internationale pour des étudiants, des chercheurs ou des professionnels. La ville nouvelle est candidate pour faire ce projet d’Institut International. Le projet obtient l’appui des États-Unis, dans le cadre de « l’année mondiale du logement » en 1987. Les États-Unis vont venir visiter le Domaine de la Terre. Suite à cela, le quartier va être récompensé de médailles. De plus, l’idée d’un Institut International de la terre est vivement reçue. La mise en place de ce projet était lancée, mais très vite des blocages politiques et institutionnels sont nés, principalement due au lobby du ciment très puissant dans la région Rhône Alpes. Ce projet a malheureusement été condamné. Patrice Doat ne s’est pas arrêté là, il continua son raisonnement et lentement ébaucha un nouveau projet, celui des Grands Ateliers. Ils ont vu le jour en 2001. Le but était de créer un enseignement similaire mais cette fois tous les matériaux étaient pris en compte ; l’acier, le béton, le bois, la pierre et la terre. « Les Grands Ateliers c’est surtout le lieu du déploiement d’une nouvelle pédagogie de l’enseignement de la construction, destinée conjointement aux architectes, aux ingénieurs, et parfois avec des plasticiens.»

(DETHIER, 2014)(9)

PEYZIEU, J. La terre crue dans tous ses états : Le Domaine de la Terre. Maison paysanne de France, 2010,

(8)

n°176, pp. 29-31 (9)

Entretien avec Mr Jean Dethier à Paris en date du 01.04.14

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d-Festival de Grain d’Isère La région Rhône Alpes lance un appel à projets nommé contrat global de développement Rhône Alpes, le but de cet appel à projets était la valorisation du patrimoine culturel et dans ce cadre il y avait la valorisation du pisé. Le CRAterre a fait une proposition au cours de l’année 2000, dans laquelle ils associaient la recherche, l’expérimentation, la formation et la sensibilisation. Tout d’abord c’était une remise en question des pratiques des entreprises, qui bien souvent, dénaturaient le patrimoine en faisant de mauvaises interventions. Ils utilisaient des matériaux non compatibles comme le béton coulé, les parpaings, de lourds chaînages, des enduits de ciment,… Le CRAterre a fait des actions de formation, d’abord pour les étudiants en architecture de l’ENSA de Grenoble, puis pour le public. C’était un cycle de plusieurs conférences réalisées dans diverses communes. La réaction du public était bonne, les gens tenaient à ce patrimoine. Il était possible d’avoir une action portée par des universitaires mais aussi par une volonté générale de la population Rhône Alpes. Il fallait trouver un lieu fédérateur, visible et centralisé. C’est à ce moment-là que le festival a eu lieu aux Grands Ateliers. Ils ont voulu le rendre plus international, puisqu’il y avait les mêmes problématiques dans d’autres pays. Le CRAterre a invité des architectes étrangers dans le cycle de conférences. Ce festival mettait en avant une approche expérimentale et didactique, principalement à partir d’expériences. Il y avait une grande mobilisation des étudiants du DSA terre et des étudiants du Master Architecture et Culture Constructive de l’ENSA de Grenoble. Depuis peu est apparu un concours pour valoriser les activités de ceux qui s’investissent dans ces questions du patrimoine. Il s’agissait d’une reconnaissance du travail de qualité effectué. Ce qui a donné suite à un autre concours lancé à un niveau national des architectures en terre crue. Des projets futurs sont déjà prévus comme un concours au niveau international, qui se tiendra lors du « Terra » 2016. Ce concours est organisé dans le cadre d’une grande conférence sur les architectures de terre qui a lieu tous les quatre ans. Patrice Doat explique que le festival de Grain d’Isère est un moment privilégié. Il permet à la fois de stimuler l’innovation en donnant un temps et des moyens aux entreprises pour développer de nouveaux procédés de mise en œuvre. Il permet également de valoriser le travail réalisé par ces entreprises en leur offrant une visibilité, à la fois par le chantier expérimental et par le prix national de la construction de la terre crue. Ce festival permet enfin les différents acteurs se rencontrent, se mettent en contact et créent ainsi des relations d’échanges et de confiance pour développer de nouveaux projets.

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Il s’agit de mettre en relation l’architecture, les arts et la science autour du matériau terre. La région Rhône Alpes se prêtait parfaitement à recevoir ce festival, de par son extraordinaire patrimoine en pisé, grâce aux Grands Ateliers mais également grâce au Domaine de la Terre. C’est un lieu où se rejoignent des professionnels et des visiteurs : architectes, entrepreneurs, artisans, étudiants, scientifiques, ingénieurs, artistes, mais aussi le grand public ; des familles et des écoles. L’idée est d’apprendre en mettant les mains dans la terre, de découvrir les potentialités de celle-ci grâce à des animations artistiques, scientifiques et expérimentales, ainsi que par un cycle de conférences et des expositions.

e-Classement du quartier comme Trésor Régional du Développement Durable Depuis peu, le Domaine de la Terre a été classé comme Trésor Régional du Développement Durable. Aujourd’hui un grand nombre de personnes, dont les élus politiques, portent un grand intérêt à l’écologie et au développement durable. C’est pourquoi la région Rhône Alpes a pris l’initiative de donner un prix à ce quartier. Un nouveau classement patrimonial propre à la région a été inventé, pour mettre en valeur des lieux qui ont une valeur sur le plan de l’écologie.

Fig.41 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - Pédagogie

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Fig.42 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - test de différentes techniques

Apprendre des techniques Fig.44 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - pisé

Fig.43 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - BTC

Faire des expériences Fig.45 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - BTC


Fig.46 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - tableau Gisèle Taxil

Fig.47 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - mur en pisé

La terre un matériau sensitif & artisique Fig.48 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - enduit terre

Fig.49 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - boules de terre Gisèle Taxil


B- Quelles leçons en tirer ? Quels sont les atouts et les faiblesses de ce quartier mais aussi quelles ont été les menaces ou les opportunités qui ont aidé ou désavantagé le développement de ce quartier ?

a-Analyse propre au Domaine de la Terre

ATOUTS - Diversité qui amène des expé riences variées - Ce quartier montre la faisabi lité de réaliser des habitations en terre crue - Ces habitations sont pérennes - Habitat social (HLM) de qua lité, maisons individuelles, jar din privé et garage pour chaque logement - Réalisation de 65 logements sociaux en terre crue

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FAIBLESSES - Manque de cohérence constructive, terre crue enduite de plâtre, béton - Manque d’investissement dans les abords des maisons, dans le quartier. - Utilisation de béton en désaccord avec la terre crue - Il manque de lieu de rencontre, d’une place avec un mobilier urbain adéquat - Manque d’entretien des bâti ments et des abords - Terre cachée par des bardages en bois, matériau peu visible - Processus qui a été exceptionnellement long - Les blocs de terre vibro com pactés sont stabilisés au ciment, ressemblent à des parpaings en béton (couleur grisâtre et arêtes vives ) - Certains logements sont mal conçus et sombres


B-Analyse externe, influences sur le développement du Domaine de la Terre OPPORTUNITÉS - Engouement de beaucoup de gens - Une importante structure de coopération s’est mise en place entre l’État, la Région et le département pour réaliser ce projet - Ce quartier a fait bouger les choses, réactions médiatiques, et ça a donné naissance aux Grands Ateliers, au Festival de Grains d’Isère - Classement du quartier comme Trésor Régional du Développement Durable - Patrimoine existant en pisé, en région d’Isère - Le CRAterre à Grenoble, a eu un rôle primordial dans ce projet, dans la diffusion des sa voirs et dans le suivi du chantier - Concours national ouvert à tous les architectes, grand nombre d’architectes sélectionnés pour pousser le déve loppement de la filière

MENACES - Le manque de connaissances, de compétences, risque de mettre les entreprises et des architectes en faillite - Beaucoup d’architectes et d’entreprises à gérer, à qui diffuser des connaissances très rapidement - Manque de règles - Le lobby du béton - La difficulté de trouver des personnes pour financer les logements

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C-Analyse du tableau SWOT sur le Domaine de la Terre, en quatre points

1) Les atouts se développent en deux points : -Il faut relever le fait que cette expérience était concluante, qu’on a utilisé un matériau durable et écologique, d’habitude réservé à une élite, pour du logement social. Un matériau sain, qui a des qualités de confort et qui est local. Le Domaine de la Terre existe depuis trois décennies, les habitations sont toujours là et 300 personnes y vivent aujourd’hui. Il s’agit d’un projet d’habitat social, quand on le compare aux barres d’appartements HLM des années 70, on est dans une qualité de logement bien supérieure. Ici ce sont des logements individuels qui disposent chacun d’un garage, d’un jardin, dans une ambiance de quartier résidentiel. -Ce qu’il faut retenir c’est qu’il s’agit d’une opération expérimentale. C’est un projet très ambitieux ; la réalisation d’un quartier social d’habitat individuel, dont l’objectif premier est de revaloriser le matériau terre, est une première mondiale. L’expérimentation passée a amené des erreurs et des difficultés, ce qui n’empêche que ce matériau puisse encore évoluer par l’expérience.

2) Les faiblesses de ce quartier se résument également en deux points : Premièrement d’un point de vue cohérence d’ensemble et esthétique du quartier; On peut ne pas adhérer à cet étrange patchwork d’une architecture néo-vernaculaire. L’utilisation de la terre crue, un matériau ancestral, aurait dû pousser les architectes à chercher de nouvelles formes, en adéquation avec le matériau et l’époque et non pas chercher à recopier des formes existantes. Aucune impression d’ensemble ne ressort de cet ensemble éclectique. Il manque d’investissement dans les abords des habitations. Aucune intention de mobilier urbain (présence de barrières en ciment). Malgré une volonté au niveau des plans, ce quartier n’a pas de centre, pas d’endroit où se rassembler, ni de place de village. Des espaces pourraient être aménagés, mais actuellement il n’en est rien. Ce qui ne favorise pas un échange entre les habitants. Deuxièmement, certains îlots manquent d’un concept fort au niveau de l’utilisation de la terre crue. Elle est utilisée parfois comme un parpaing en béton aurait pu être utilisé. Il n’y a pas de volonté de trouver une architecture de la terre crue « contemporaine ».

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L’utilisation de la terre crue, un matériau ancestral, aurait dû pousser les architectes à chercher de nouvelles formes, en adéquation avec le matériau et l’époque et non pas chercher à recopier des formes existantes. Par ailleurs, des erreurs de conceptions ont été réalisées, les habitations ne sont pas toutes de grande qualité.

3) Les opportunités qui ont permis le développement de ce quartier et celles qui ont suivi : -L’engouement, la motivation de diverses personnes, qui ont permis une coopération, nécessaire pour la bonne réussite d’un projet comme celui-ci. Dans le monde du bâtiment, celui des architectes et dans le monde politique, une synergie s’est créée entre de nombreux acteurs, pour « relancer la machine ». Dans le but que ce lien entre ces différents acteurs reste actif au-delà de la réalisation de ce quartier. -Le patrimoine en pisé, en Isère, était un levier important pour le développement de ce quartier. L’image collective de ce matériau était de manière générale positive. -La proximité du CRAterre a permis un bon déroulement et un bon suivi de l’élaboration des projets, de la prospection du matériau ainsi que le suivi du chantier. -Le concours ouvert à tous les architectes de France à permis de rendre ce projet connu de manière nationale et plus encore. De plus la volonté était de développer la filière en faisant participer plus d’architectes et plus d’entreprises. -Après l’inauguration de ce quartier, il y a eu de nombreuses réactions, par les médias de France, d’Europe et même du monde. Ce projet de quartier a engendré un mouvement important d’initiatives dans la filière terre. Tout ne s’est pas arrêté après l’inauguration du quartier. Au contraire, on a pu voir que ce quartier a été amplement visité par des gens du monde entier. Les Grands Ateliers sont nés, ils ont permis un nouveau type d’enseignement et une valorisation du matériau terre. Le festival Grain d’Isère a été mis sur pied, il rassemble de nombreuses personnes chaque année et met en relation 40 pays. -Ce quartier a été classé comme Trésor Régional du Développement Durable, ça prouve d’un point de vue politique l’importance que prend le développement durable et l’intérêt qui y est porté.

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4) les menaces qui ont ralenti la création de ce quartier, ou qui suite à celui-ci, ralentissent cette filière : -On peut soulever le fait que la terre n’avait plus été utilisée comme matériau de construction depuis plus de cinquante ans en France. Il n’y avait plus de main d’œuvre qualifiée et peu de personnes convaincues par ce matériau. De nombreuses entreprises et architectes ont répondu à l’appel d’offres, c’était une période de crise importante dans la construction : ils ont donc répondu à cet appel d’offres malgré leur manque de compétences, ce qui a amené de nombreuses faillites. -Pour les quelques personnes du CRAterre, il a été difficile de diffuser tout le savoir en si peu de temps et à autant de personnes. Ce travail était trop lourd et il n’y avait pas assez de personnes pour en assurer la tâche. -Il y a un manque de normes et de règles, qui ont amené la réalisation de cahier de charges très complet qui a pris beaucoup de temps. Le manque de structure juridique dans ce milieu, amène des risques importants qui effraye les entrepreneurs, les architectes, le maître d’ouvrage,... -Difficulté de trouver des personnes intéressées pour financer des projets expérimentaux. -Pression élevé due aux lobby du béton. Après avoir analysé ce quartier sous de nombreux angles, on constate que cette opération a amené une nouvelle dynamique et un investissement de nombreuses personnes pour voir ce quartier se réaliser. On peut se demander, pourquoi n’y a-t-il eu aucune autre réalisation de cette envergure dans cette région, en France ou même en Europe ? La filière est encore trop faible pour pouvoir envisager de réaliser tout un quartier aujourd’hui même si ce matériau s’est bien développé en France. Par contre, de nombreux projets, à plus petite échelle mais d’une grande qualité technique et esthétique, ont été réalisés ces dernières années. Ce qui est prometteur pour le développement de cette filière en France. Pour ce qui est de son développement en Belgique… il est en marche ! Mais il faudra encore du temps pour que la terre soit acceptée et sur le même pied d’égalité que les autres matériaux durables de construction, disponibles sur le marché. Nous allons donc maintenant étudier plus en profondeur le développement de la terre crue en Belgique...

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B- Analyse externe, influences sur le développement de la terre crue

C- Analyse des tableaux

4/ LA TERRE CRUE EN BELGIQUE

A- Analyse interne propre à la terre crue


Aujourd’hui, quel est l’état de la construction en terre crue en Belgique ? Quelles sont les opportunités mais aussi quels sont les freins dans le développement de cette « technique » dans notre pays ? Dans un premier temps, j’ai travaillé sur une recherche des atouts et des faiblesses. Recherche développée dans la partie « Analyse interne propre à la terre crue ». Et dans un second temps, mon travail a consisté à mettre en évidence les menaces et les opportunités extérieures qui ont une influence sur le développement de cette filière. Les résultats de cette recherche sont présentés dans la partie « Analyse externe, influences sur le développement de la terre crue ». C’est grâce aux entretiens réalisés avec différents acteurs belges que ce travail a été réalisé : -Sophie BRONCHART , de formation architecte, travaille aujourd’hui comme conseillère en énergie pour l’IBGE (1), elle a réalisé son DSA-Architecture de Terre (2) à Grenoble. -Du bureau BC Architects de Bruxelles, Nicolas COECKELBERGHS ayant réalisé son DSA-Architecture de Terre à Grenoble et Ken DE COOMAN, qui a participé à un workshop avec Martin Rauch. Tous deux réalisent des projets et des workshops terre en Belgique et à l’étranger. -Arnaud EVRARD, architecte, enseignant et chercheur pour Architecture et Climat (3), il s’intéresse aux propriétés physiques de matériaux naturels tels que le chaux-chanvre et la terre crue. -Étienne GUILLAUME, Artisan et artiste, il travaille les enduits terre et le pisé en Belgique. J’ai également suivi une conférence « L’ARGILE : Une redécouverte pour les maisons de demain » qui accueillait deux entreprises : - ARGIO S.A, une nouvelle entreprise qui développe une gamme de matériaux de construction à base de terre crue. C’est l’architecte-entrepreneur Géry DESPRET qui est à l’initiative de celle-ci. Elle siège à Tubize à proximité de Bruxelles. - Les Argilières de Hins. Il s’agit d’une entreprise familiale qui existe depuis 3 générations, à Saint-Aubin, près de Florennes dans la région Wallonne. Ils ont au départ une exploitation d’argile à des fins industrielles, ils ont ensuite développé cette argile pour la céramique et enfin ils ont développé toute une gamme d’enduits naturels à base d’argile.

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A- Analyse interne propre à la terre crue ATOUTS Environnement - La terre est un matériau durable - Matériau sain - La terre belge est argileuse Confort - Régulation hygrométrique - Inertie - Isolation acoustique - Matériau sensitif Technique - Évolution des connaissances du matériau et de ses capacités - Grande gamme de produits proposés en croissance Esthétique - La terre offre une grande variété de couleurs naturelles - La terre offre de grandes possibilités artistiques Économique - Entreprises en évolution, industrialisation et baisse des prix

FAIBLESSES Environnement - Non isolante Technique - Limites constructives, résistance à l’eau - La terre mise en extérieur - Le poids pour la mise en œuvre Scientifique - Résultats de recherches négligeables Esthétique - Joints du pisé apparents dans le préfabriqué Économique - Certaines techniques sont onéreuses car elles demandent beaucoup de main d’œuvre - Logique de « vendre » la terre, pourtant « accessible » à tous Image du matériau - Image négative du matériau et réticence des gens

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B- Analyse externe, influences sur le développement de la terre crue OPPORTUNITES Environnement

- Évolution vers une société à moindre carbone - Réponse au manque d’inertie des bâtiments passifs

Technique

- Mise en œuvre des briques de terre crue similaire au savoirfaire belge

Environnement

- Importance des performances énergétiques pour une baisse de la consommation - Pas de mesure prise qui nous ferait ressentir les limites des ressources naturelles

Technique

- Diversité et évolution industrielle du matériau terre - Collaboration de différentes filières

- Manque d’entreprises et de connaissances techniques - Le climat, l’eau, le gel/dégel - Il existe de nombreux autres matériaux performants - Nécessité de rédiger un cahier de charges très détaillé

Scientifique

Scientifique

Industriel

- Il existe des normes allemandes et françaises du CRAterre - Développement de logiciels pour permettre la recherche

- Manque de subsides pour la recherche - Nécessité de devoir tout prouver par des résultats scientifiques

Image du matériau

- Très faible patrimoine - Manque de formations

- L’image du matériau est en évolution, tente de devenir positive

Social

- Grandes qualités sociales, chantiers participatifs, réinsertion par le travail

Économique

- Pertinence économique en progrès

Qualifications

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MENACES

- Les entrepreneurs et ingénieurs sont demandeurs - Formation des maçons et architectes par les entreprises - Le CRAterre est très important dans l’évolution des connaissances

Image du matériau

Politique

- Pas de cadre juridique - Manque de normes adéquates - Les lobbys d’autres matériaux

Économique

- Prix des matériaux encore élevé aujourd’hui

Responsabilités

- Les risques sont importants pour les architectes, les entreprises et les maîtres d’ouvrage - Consultance pour d’autres architectes, où sont les limites des différentes responsabilités


C- Analyse des tableaux Une première observation nous amène à constater l’importante quantité d’atouts et d’opportunités de la terre crue. Il faut prendre en considération que tous ces points n’ont pas le même poids, que les acteurs rencontrés sont favorables au développement de cette filière et croient en ce matériau. Voici une analyse approfondie des points énoncés dans le tableau, qui ont besoin d’un complément. 1) Les atouts de la terre crue : Environnement : La terre crue est un matériau de construction qui a un impact positif sur l’environnement. Son ACV (Analyse du Cycle de Vie (4)) est positive, c’est un cycle court qui privilégie l’utilisation d’un matériau local. Ce matériau ne demande pas de transformation chimique et ne demande pas d’être cuit, ce qui diminue fortement les émissions de CO2. La terre, si elle est utilisée sans adjuvant (par exemple le ciment) est biodégradable. Ce matériau est disponible partout de manière abondante, l’argile est présente dans 70 % du sol. La terre belge est argileuse et schisteuse, très bonne pour le pisé, elle ne gonfle pas et a peu de retrait ce qui donne un mur très résistant. De plus, le sable de rivière est en voie de disparition(5). Il est donc important de mettre en œuvre des stratégies, de développer des techniques constructives, dans le but de ne pas nuire à la production naturelle de sable. Les matériaux en terre crue sans adjuvant, sont une réponse à cette problématique, malheureusement trop peu connue aujourd’hui. Argio SA, utilise 95% de déchets de carrière pour produire ses blocs et consomme 95 % d’énergie en moins que les industries produisant des produits réfractaires ou cimentiers. Confort : Le confort d’un bâtiment est amélioré par la terre crue, quand celle-ci est en contact avec l’ambiance intérieure. La terre crue amène de l’inertie au bâtiment et permet un déphasage au niveau de la chaleur. Les pics thermiques sont diminués, (2°C de différence dans une maison enduite en terre). Avec ce matériau on obtient des températures de parois agréables. Elle va aussi gérer l’hygrométrie grâce à la structure en feuillet de l’argile qui est hydrophile (6) et rendre les bâtiments plus durables car ce ne sont plus les boiseries ou les planchers qui vont absorber l’humidité, mais la terre crue. Dans un bloc de terre crue ARGIO, 75g de vapeur d’eau peuvent être contenu sans atteindre la condensation.

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La terre crue amène une bonne isolation acoustique grâce à la densité de la terre (les blocs ARGIO: diminuent de 56dB pour 14 cm d’épaisseur de mur. Les blocs plus un enduit terre annulent la résonance). De plus la terre est un matériau sain, :l’argile est utilisé dans de nombreux médicaments, cosmétiques mais aussi dans des cures contre des infections, c’est donc certainement un produit sain pour l’intérieur d’une habitation. La terre a des qualités qui ne sont pas encore prouvées scientifiquement : la terre bloquerait les émissions radio, les champs magnétiques mais elle absorberait aussi les ondes, les isotopes et le radon. Il s’agit aussi d’un matériau sensitif, de tout ça ressort un ressenti et vécu agréable. Technique : D’un point de vue technique, les connaissances ont évolué. Aujourd’hui on connaît comment reformuler une terre pour utiliser la terre locale. La terre belge est une terre argileuse, ce qui demande un ajout de sable de rivière et de cailloux. Lorsque la terre a une courbe de granulométrie la plus adéquate, la terre obtient une densité qui la rend solide. Les blocs ARGIO ont une densité idéale de 2,2t/ m3 (2,6t/m3, en laboratoire). Elle ne se détériore plus, ni à l’eau, ni à l’action du gel/dégel. La terre peut être porteuse, elle ne doit pas être limitée aux enduits. Les techniques qui se développent aujourd’hui sont celles qui s’industrialisent. Une grande variété de produits est en vente aujourd’hui et cela ne fait qu’augmenter. Il existe une grande gamme de dimensionnements des blocs de terre crue. ARGIO travaille sur le développement de murs en terre coulée. Dans une autre direction que la préfabrication, le pisé in situ, est une production unie, qui amène une fierté du travail exécuté. Esthétique : D’un point de vue esthétique, la terre crue permet une recherche sur la matière et sur la couleur. Dans le pisé comme dans les enduits, on peut arriver à des résultats très variés. Aujourd’hui, la terre se trouve aussi dans une vague design qui plaît beaucoup, on utilise le pisé comme élément architectonique et poétique. La terre offre une grande variété de couleurs naturelles. Économique : Le développement de la filière terre est en route, il existe différentes entreprises (7) qui développent de plus en plus de produits à base de terre crue et qui s’industrialisent. C’est surtout le cas pour le marché de la brique de terre crue et des enduits qui deviennent plus accessibles.

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2) Les faiblesses de ce matériau : Technique : Il est vrai qu’aujourd’hui la terre crue est encore un domaine d’expérimentation dans la construction. La terre a des limites constructives, cela implique un savoirfaire important. La résistance en stabilité n’est pas garantie quand la terre est mise en contact avec l’eau, en tête ou en pied de mur. C’est une donnée importante à prendre en compte lors de la conception. Une terre crue mise à l’extérieure, demande un entretien régulier. Les briques ARGIO ne sont pas encore des briques de façade (ils veulent encore améliorer leur produit). La fabrication du pisé est chronophage, ce qui rend ce matériau onéreux. Scientifique : Des recherches ont été réalisées par Arnaud Evrard, suite à son doctorat sur le chaux-chanvre, dans le but de pouvoir quantifier les échanges d’humidité entre l’ambiance intérieure et la terre. Mais les résultats sont peu convaincants. Est-ce par un manque de performance du logiciel, qui ne prend pas en compte assez de facteurs, ou par une mauvaise terre analysée,... ? Économique : « Actuellement nous sommes (généralement) dans une logique de vente de la terre, plutôt que dans une logique de partage/vente d’un savoir-faire pour utiliser la terre qui est sous nos pieds. Nous rallongeons au maximum un circuit qui devrait être le plus court possible. » (GUILLAUME Étienne, 2015) (10) Image du matériau : Malgré l’avancée de l’image de la terre, elle reste encore trop souvent négative. Les gens pensent que c’est un matériau qui n’est pas solide et qui ne sera pas pérenne.

(10)

Entretien avec Mr Etienne Guillaume en date du 04.01.15

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3) Les opportunités qui vont permettre le développement de la filière : Environnement : « Nous touchons aux limites (en matière d’environnement) de notre monde actuel, on se voit de plus en plus forcé de prendre des alternatives ; la terre en est une. » (GUILLAUME Étienne, 2015)(11) « Le prix de l’énergie va augmenter c’est certain que ce sera le cas. Les écobilans on y sera vite ! La réglementation va évoluer rapidement. Aujourd’hui la réglementation européenne oblige les producteurs de matériaux d’afficher les performances environnementales des matériaux, ça va devenir de plus en plus contraignant, au niveau des Analyse de Cycle de Vie,... La question de l’énergie va permettre de développer cette filière terre. » (BRONCHART Sophie, 2014) (12) On va vers une société à moindre carbone. Les matériaux écologiques et durables ont le vent en poupe. Le passif est l’avenir, pour y répondre il faut combiner les différentes filières. Industriel : PAILLE-TECH (8) est une production industrielle de ballots de paille enduit d’argile. Aujourd’hui on voit des filières différentes apparaître, celle-ci sont combinatoires, on voit des collaborations naîtrent entre différentes entreprises. Par exemple entre ARGIO et ISO HEMP. (9) Le pisé est un matériau qui a du potentiel à être industrialisé et donc préfabriqué. Sur le marché de la terre crue, les Belges ont une certaine renommée car ce sont les premiers producteurs de la machine de brique de terre crue comprimée, elle existe depuis 1970 et est exportée à l’étranger (entreprise APPROTECHNO (10)). On voit les entreprises se développer ; Les Argilières de Hins produisent des matériaux pour l’industrie, la céramique et la construction. Qualifications : Malgré un manque de personnes qualifiées dans ce domaine aujourd’hui, on constate un réel intérêt de la part de certains entrepreneurs mais aussi de la part d’ingénieurs. L’entreprise ARGIO forme par exemple des maçons et des architectes à leurs produits pour permettre une bonne mise en oeuvre de ceux-ci. Peu d’agences aujourd’hui sont qualifiées pour réaliser des projets en terre crue. L’agence BC ARCHITECTS est consultante pour la création de bâtiments en pisé. En Belgique actuellement nous avons Nicolas Coeckelberghs et Sophie Bronchart qui ont réalisé leur DSA- Architecture de Terre à Grenoble (2). En France, le CRAterre a fait évoluer les savoirs sur la reformulation de la terre ainsi que les techniques de mise en œuvre du pisé et ils continuent de faire évoluer les recherches. Entretien avec Mr Etienne Guillaume en date du 04.01.15 Entretien avec Mme Sophie Bronchart en date du 07.10.14

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Scientifique : Un logiciel pour connaître les propriétés des flux dans les murs (chaleur, humidité, s’il y a condensation, etc.) avait été inventé, mais on a vite été confronté à ses limites. Un autre logiciel encore plus poussé permet aujourd’hui de travailler par zonage.Ce nouveau programme permet de connaître la température intérieure à partir d’un climat extérieur imposé et celui de la composition d’une paroi. Ces logiciels ont été développés dans un centre de recherche allemand et utilisés par Arnaud Evrard dans le cadre de son doctorat sur le chaux-chanvre ainsi que pour les analyses réalisées sur les parois Paille-Tech. Des recherches ont été réalisées sur le MBV et le TBV de la terre. Le MBV est la quantité de vapeur qu’un matériau peut absorber et restituer. Le TBV donne l’inertie du matériau, la conductivité thermique, la compacité et la chaleur massique. Ses recherches ont été réalisées par Arnaud Evrard dans le cadre de son doctorat et de la suite de ses recherches sur la terre crue. Aujourd’hui en Belgique aucune norme n’est adéquate à la terre crue, nous pouvons nous tourner vers la norme DIN allemande et la norme française. Image du matériau : L’image de la terre tend à s’améliorer. L’entreprise ARGIO développe une bonne publicité et se rend visible grâce à des dépliants, à un site internet, à sa participation à des salons grand public. Il donne la possibilité à tout le monde de venir voir l’usine de production et de rencontrer les ouvriers. Aujourd’hui on constate qu’il y a un échange d’expériences possibles grâce à internet, à des plates-formes comme celle de Nature et Progrès (11), mais également des forums dédiés aux auto-constructeurs. Il existe de plus en plus une conscience et une connaissance de ce matériau. L’image et la visibilité de la terre crue pourraient évoluer grâce à la réalisation de projets publics. Prochainement, une tour en pisé va être réalisée en Flandre avec BC ARCHITECTS comme consultant. Il y a quelques années, Sophie Bronchart avait lancé une rencontre entre les différents acteurs pour créer un réseau terre. Cela n’a pas donné de suite, la question soulevée était de savoir s’il fallait faire partie du Cluster éco-construction. (12) L’importance de la sensibilisation, de l’interaction et de l’éducation dans l’enseignement et auprès des maîtres d’ouvrage, est primordiale. Cela peut se faire via à des workshops, des conférences, des salons de la construction grand public, mais également vers un système de vidéos pédagogiques pour expliquer comment fonctionne la terre crue d’un point de vue architectural (voir les vidéos d’Amàco (13))

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L’agence BC ARCHITECTS a organisé des workshops en Belgique et à l’étranger avec des étudiants. Martin Rauch a participé à l’image positive qu’on a aujourd’hui du pisé. Le pisé répond à un marché design, il est utilisé pour son esthétique, il pourrait être l’élan pour une architecture contemporaine en terre en Belgique. Social : Il ne faut pas négliger l’aspect social de ce matériau ; une réinsertion sociale grâce au travail de la terre crue par entreprises de formations par le travail est possible. Il existe déjà des entreprises de formations par le travail qui sont orientées vers les matériaux écologiques et durables, comme la Calestienne (14). De plus la terre crue est un matériau connu et maîtrisé par de nombreux immigrés, ce qui peut être un moyen de réinsertion sociale : ils y trouveraient une fierté sociale et culturelle grâce à la valorisation de leur savoir-faire. Les chantiers participatifs ont un effet bénéfique sur les gens qui travaillent la terre. Économique : La terre ne peut qu’aller vers un meilleur positionnement face aux autres matériaux sur le marché. Cela pour trois raisons : la première est la croissance du prix de l’énergie qui aura un impact sur toutes les filières qui ont de mauvais ACV, ce qui va naturellement permettre un développement de la terre crue. Deuxièmement, cette filière est en pleine croissance, par exemple avec la société ARGIBAT qui a transformé une usine de briques de terres cuite Wienerberger (14), en enlevant simplement le four du système de production. Ou comme la société ARGIO qui est également en plein développement et donne la mesure de l’avancée de ce domaine en Belgique. Troisièmement, on espère qu’il y aura un soutien de la filière, sous forme de subsides liés au développement de projets d’architecture durable. Il y a d’autres pistes comme celle de réaliser des chantiers terre crue en workshops, dans le cadre d’une production locale et manuelle. Il s’agit de chantiers participatifs, où tout le monde est gagnant : les personnes qui travaillent sur le chantier apprennent les connaissances de la mise en œuvre, le maître d’ouvrage y gagne financièrement, car c’est une main d’œuvre non payé. Pour l’architecte par contre c’est un travaille qui demande beaucoup de surveillance sur chantier, cette technique de « workshop » n’est possible que pour des chantiers privés. On peut évoluer en faisant du benchmarking, c’est-à-dire faire une étude de marché dans les filières allemandes qui sont établies depuis de longues années.

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4) Les menaces qui ralentissent le développement de la filière ; Environnement : Les nouvelles constructions mettent l’accent sur l’isolation, hors la terre n’est pas isolante. Cette volonté d’isoler au maximum, pour réduire les consommations énergétiques, se fait souvent au détriment de la masse. Or aujourd’hui on se rend compte de l’importance de l’inertie pour le confort thermique d’un bâtiment. Mais il est vrai que l’inertie et l’hygrométrie n’amènent pas de réduction de consommation énergétique. La terre ne sera donc pas la meilleure réponse pour construire l’enveloppe d’un bâtiment. Sachant que la terre n’est pas isolante, cette information va fortement orienter son utilisation. Construire entièrement en terre crue dans notre pays n’est pas raisonnable. Un mur en pisé doit avoir une certaine épaisseur (+-45cm) pour être stable mais sachant que la terre n’est pas isolante, on ne peut mettre un pisé en extérieur non isolé. Ce qui nous amène à des solutions non pertinentes ; soit un double mur en pisé avec une isolation respirante de type liège, pour garder un aspect pisé extérieur pour l’esthétique et un pisé intérieur pour des raisons de confort et d’esthétique. La question de mettre la terre crue en extérieur se pose alors avec le pisé. Actuellement, aucune mesure n’est prise par les politiques, qui nous ferait ressentir les limites des ressources naturelles et adopter des alternatives. Technique : C’est encore une filière fragile en Belgique, car on est encore dans l’expérimentation et il manque d’entreprises et de professionnels qualifiés pour faire des bâtiments à grande échelle. Il faut rédiger un cahier de charges très détaillé pour construire en terre, cela prend beaucoup de temps à l’architecte. Actuellement il n’existe pas de distributeur de terre à pisé en Belgique (Étienne Guillaume met sur pied un projet de terre à pisé et pisé préfabriqué) La terre crue demande plus d’attention que d’autres matériaux : la terre crue mise en extérieur, demande un entretien régulier, pour certaines techniques in situ, la possibilité de travailler en extérieur est limité à 4 mois de l’année, ce qui n’est pas concevable pour le développement d’une entreprise. Il faudra alors se tourner vers le préfabriqué. La concurrence est importante, il existe de nombreux autres matériaux, plus connus, plus évolués, moins chers, qui sont plus rapides à la mise en œuvre et qui demandent peu d’entretien... Le gel/dégel en présence d’humidité est un risque important pour la terre crue.

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Scientifique : Il y a un manque de connaissances scientifiques sur ce matériau et de preuves chiffrées. On rencontre de grandes difficultés pour analyser le confort du matériau. Il manque encore aujourd’hui de subsides pour pousser la recherche, pour développer des logiciels plus performants, car il est nécessaire dans notre société de prouver scientifiquement les bienfaits, les ressentis. On sait aujourd’hui que la terre plus un isolant ne donnent pas de très bons résultats thermiques (U= W/m2K) ce n’est donc pas très intéressant au niveau de la consommation, on ne favorisera pas ce matériau en couverture de bâtiments. Image du matériau : Il y a un manque, voire même une absence de formation sur ce matériau dans les écoles. Très souvent le matériau est même totalement ignoré. La diffusion des savoirs et le travail sur l’image du matériau ne sont pas encore assez développés aujourd’hui. De plus, la Belgique part avec un « handicap », car contrairement à la France, notre patrimoine en terre crue est très faible, voire inexistant. Le pisé n’est pas une technique ancestrale et connue en Belgique. Économique : Le pisé reste une technique très onéreuse, il ne peut concurrencer les autres matériaux industrialisés qui sont sur le marché. Le pisé coûte entre 700 et 1000 € du m2, ce qui rend ce matériau non accessible à la majorité des gens. Il sera destiné à des privilégiés pour des villas, des musées, des bâtiments publics,... «Les matériaux hautement transformés (avec une énergie grise importante), restent anormalement et inéquitablement bon marché par rapport à leurs « méfaits » (environnementaux et sociaux). Le KW (kilowatt) humain est vendu beaucoup trop bon marché par rapport au KW fossile. » (GUILLAUME Étienne, 2015) (13)

Aujourd’hui la terre est menacée par une mode « écolo-bobo ». Ce matériau se retrouve avec un prix « surfait ». Selon Etienne Guillaume, la terre devrait être un matériau de bon sens, synonyme d’économie et de décroissance. Politique : Aucun cadre juridique n’existe aujourd’hui pour la terre crue. Il manque de règles de l’art et des normes pour la mise en œuvre de la terre crue. De plus, il n’existe pas d’organisation entre les différents acteurs de cette filière. La terre n’a actuellement aucun lobby derrière elle. Il faudrait favoriser financièrement les matériaux qui ont un bon ACV ainsi qu’une importance sur le développement social, en terme de main d’œuvre. (13)

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Entretien avec Mr Etienne Guillaume en date du 04.01.15


Responsabilités : Actuellement, beaucoup de maîtres d’ouvrage, d’entrepreneurs ou d’architectes sont effrayés quant à la prise de risques. Pour une agence qui fait de la consultance, il manque de règles, il est difficile de savoir où sont les limites des responsabilités de chacun. Actuellement, il faut séparer une consultance pour la conception et pour la réalisation pour des raisons de trop grandes responsabilités. Mais comment une menace peut-elle devenir une opportunité ? Nous identifions ici 6 menaces, à savoir ; la mauvaise image de la terre crue, le manque de subsides et donc de recherches scientifiques, le peu de patrimoine belge, le manque de normes adaptées, la non-présence d’un réseau d’acteurs et pour finir le fait que la terre est peu isolante. Nous allons examiner, pour chacune de ces menaces, comment elle peut être changée en opportunité. -1Difficultés/freins On observe une certaine résistance de la part de ceux qui ne connaissent pas ce matériau, une fausse image circule encore aujourd’hui. Certains pensent que c’est un matériau dangereux et inadapté. Solutions/alternatives Mais ces croyances sont dues à un manque de connaissances, de sensibilisation et de pédagogie. Il est nécessaire de faire connaître ce matériau et de convaincre des publics variés : les architectes, les étudiants, les maîtres d’ouvrage, les entrepreneurs, ... Grâce à des salons ouverts aux architectes, aux entreprises et au grand public. Faire des conférences, expositions, workshops,… Une autre manière de développer cette filière serait de la rendre visible en réalisant des bâtiments publics en terre crue. Il est certain que notre pays ne pourrait assumer un concours comme celui du Domaine de la Terre, il manque aujourd’hui d’entreprises et d’architectes compétents. Mais imaginer d’avoir un bâtiment-phare avec des éléments en terre crue pourrait aider au développement de la filière. ARGIO travaille beaucoup sur l’image et la diffusion de leur gamme de produits en terre crue. C’est grâce à des personnes engagées que ce matériau pourra sortir de cette ignorance.

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-2Difficultés/freins Il est difficile de prouver scientifiquement les bienfaits de la terre, il manque aujourd’hui de subsides pour avancer dans les recherches. Comment faire face au lobby du béton et du passif ? Solutions/alternatives Il faudrait que des politiciens se sentent investis et aident, par des subsides par exemple, au développement de cette filière écologique et durable. -3Difficultés/freins Le patrimoine en terre crue est presque inexistant en Belgique. Il y a du torchis et de la bauge, mais ce n’est pas grâce à cela qu’on va pouvoir développer ce matériau chez nous. On ne peut utiliser le patrimoine comme point porteur pour le développement de la terre en Belgique. Solutions/alternatives Notre situation est différente de celle de la France, mais la terre à tout à fait sa place chez nous dans la lignée des matériaux éco-bio-construction. En Belgique, nous avons une culture de la brique très développée. Les briques de terre crue peuvent venir dans cette continuité et être acceptées d’un point de vue technique et savoir-faire mais aussi culturellement. -4Difficultés/freins De nombreuses normes et réglementations sont inadaptées et freinent le développement de la terre crue et d’autres matériaux éco-responsables. Solutions/alternatives Ce qu’il faut aujourd’hui c’est rassembler toutes les règles de l’art, (de la mise en œuvre de la terre crue et d’un cahier de charges complet). Cela permettrait d’aller vers le CSTB pour que ce matériau soit pris en compte dans les normes. Cette évolution permettrait de diminuer les prises de risques pour tous les acteurs. -5Difficultés/freins Il manque un réseau rassemblant tous les acteurs de la terre crue. Solutions/alternatives Il faut travailler sur une structure qui rassemblerait les architectes, les entreprises, les entrepreneurs. Pour permettre une collaboration entres les différents acteurs. Connaître exactement qui fait quoi, quelles sont ses capacités pour aider le développement de ce matériau. Il existe actuellement des réseaux comme le Cluster eco-construction, faut-il se ralier à celui-là ou en créer un nouveau plus spécifique à la terre ?

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-6Difficultés/freins Les avantages essentiels de la terre crue sont l’inertie et l’hygrométrie, malheureusement ces qualités n’ont aucune influence sur la consommation. La terre n’est pas isolante. Solutions/alternatives Il faut trouver la bonne place de la terre dans les constructions aujourd’hui, en sachant que la consommation des habitants est un des points-clés des nouvelles constructions. Pour une construction optimale et intelligente, la terre ne constituera pas l’enveloppe du bâtiment. Au delà de la consommation d’un bâtiment, le confort des habitants est un point très important à prendre en compte. « Mettre en œuvre la terre prend généralement plus de temps que de mettre en œuvre des produits industrialisés. Malgré les avantages écologiques, sanitaires et sociaux du matériau terre, les pouvoirs publiques ne mettent aucun incitant financier en place afin de privilégier ce matériau, sa mise en œuvre revient donc cher, ce qui ne rend paradoxalement pas ce matériau accessible à tous. Toutefois notons que dans certains pays (Suisse, Autriche) des mesures d’aide et avantages fiscaux sont pris afin de favoriser des matériaux locaux avec un ACV positif (comme la terre) » (GUILLAUME Étienne, 2015) (14) Les priorités sont maintenant de travailler premièrement sur l’image du matériau, pour convaincre les architectes, les maîtres d’ouvrage et les entrepreneurs des ses qualités. Deuxièmement de développer un cadre juridique et des normes adéquates et pour finir, créer une structure solide, par un réseau d’acteurs.

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Entretien avec Mr Etienne Guillaume en date du 04.01.15

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CONCLUSION


Depuis quelques années, on constate une évolution dans la filière de la terre crue en Belgique. Principalement dans le marché des briques de terre crue et des enduits. En Wallonie des entreprises ont vu le jour et ne cessent de se développer. Leur but est de pouvoir proposer leurs matériaux à des prix intéressants, de devenir accessibles à tous et non plus à une ‘élite écologique’. D’un autre côté le pisé se développe plus lentement et reste un matériau de ‘luxe’ utilisé pour son esthétique, le brut est pur et plaît beaucoup aujourd’hui. Cette technique de construction restera onéreuse et certainement inaccessible pour la majorité des gens. D’autres techniques sont en train de se développer comme des sols intérieurs en terre crue et des murs en terre coulés. La terre paille, le torchis ou encore la bauge resteront quant à eux, des techniques pour les auto-constructeurs. Celles-ci sont difficilement industrialisables. Pour répondre aux questions qui suivent, j’ai utilisé les éléments ressortis des tableaux d’analyse SWOT, sur le Domaine de la Terre et sur la filière terre en Belgique. La terre crue est-elle une réponse pour une architecture éco-responsable ? Estce la solution pour des lieux de vie écologiques et durables, qui procurent un réel bien-être aux utilisateurs, tout en respectant l’environnement ? L’architecture éco-responsable doit répondre à la question du développement durable. Celui-ci prend en compte l’économie, l’écologie ainsi que l’aspect social et culturel. On s’intéresse à divers critères, dont le premier qui traite du site et du territoire. A savoir, « qu’est ce qui est disponible, au niveau des matériaux et au niveau des savoir-faire, pour mettre en valeur ce territoire ? ». Deuxièmement, les matériaux et les techniques. On regarde ici aussi les matériaux disponibles sur le site. On cherche a avoir un bâtiment pérenne. Troisièmement, l’énergie et l’ambiance. Aller vers une enveloppe bien isolée, utiliser des énergies renouvelables. Mettre en valeur la qualité d’une ambiance lumineuse naturelle, une ventilation naturelle,... Et pour finir, l’humain et l’usage. Il faut privilégier une bonne relation entre les différents acteurs. Pour ce qui est de l’usage, il faut tendre à ce que les utilisateurs prennent possession de leur bâtiment. La terre crue répond à cette notion d’éco-responsabilité. La terre est un matériau présent presque partout en grande quantité. Ce qui fait d’elle un matériau local. De plus, on connaît aujourd’hui comment reformuler une terre. Cependant les savoir-faire belges en terre crue sont très faibles. Aucune technique ancestrale, telle que la bauge ou le torchis n’est restée connue dans notre culture constructive. Ces connaissances ont été perdues suite à l’industrialisation et à la découverte d’autres matériaux plus « performants » sur certains aspects. On ne peut négliger l’apport de matériaux tels que le béton ou l’acier. L’architecture a énormément évolué grâce à ces matériaux et pour beaucoup il n’est pas question de rétrograder son

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niveau de vie. Il faut parvenir à combiner la technologie, les avancées scientifiques avec un matériau vernaculaire tel que la terre. Aujourd’hui, on essaye de retrouver un savoir et des connaissances techniques. En Belgique, on ne revient pas vers des techniques ancestrales et régionales. Notre pays s’ouvre surtout aux techniques qui ont un avenir industrialisable, tel que le pisé et les briques de terre crue, qui répondent aux attentes actuelles. Actuellement on porte énormément d’importance aux performances énergétiques des bâtiments, dans le but de diminuer au maximum les consommations. Ce qui amène souvent, pour ces enveloppes très développées et hyper technologiques, l’utilisation de matériaux, qui ont un mauvais ACV. Une construction éco-responsable répond à un questionnement global. Tout est à considérer, de l’énergie de fabrication des matériaux, en passant par leur transport, jusqu’à la consommation des habitants. Il faut conscientiser les gens sur cette question et rendre les utilisateurs « responsables » de la conception à l’utilisation du bâtiment tout au long de leur vie. « Mais l’obsession doit-elle être l’énergie ou le confort ? Ma réponse est que l’énergie effectivement dépensée à l’utilisation est fortement dépendante du confort ressenti. D’autre part, au moins un bâtiment est complexe dans sa structure (pas de mélanges de systèmes constructifs), au plus il est économique et peu énergivore à la construction. Donc au final, construire en terre tous ses murs, ses sols et enduits, veiller spécialement à l’étanchéité à l’air et à l’absence de ponts thermiques, puis isoler l’ensemble avec des isolants locaux et naturels est la solution de bon sens qui devrait s’imposer à tous, en faisant fi des normes trop complexes. » (DESPRET, 2015) (15) La terre ne convient pas à tout type de bâtiments, ou en tout cas, son utilisation variera. C’est un matériau qui répond principalement à la question du logement individuel. Construire des gratte-ciel, des immeubles en terre crue en Belgique, serait une utopie. La terre est solide et peut être porteuse mais nous ne connaissons pas encore toutes les limites constructives de ce matériau. Ce qui est certain, c’est que notre climat belge nous oblige à penser les bâtiments « passifs ». Il faut une enveloppe isolante pour répondre à des performances thermiques. On peut donc utiliser la terre crue en intérieur, autant dans de grands immeubles que dans des habitats individuels ; elle amènera un confort d’ambiance grâce à l’inertie, l’hygrométrie ainsi que par la bonne acoustique due à sa densité. Elle peut aussi être utilisée sous forme de briques de terre crue, d’enduit, de sol, de mur en pisé ou encore en mur de terre coulée. Elle peut répondre à des questions de stabilité et de résistance pour des bâtiments de plus petite échelle. Les bâtiments d’échelle importante, peuvent également répondre à la question de l’éco-responsabilité. Pour ce faire, il faudrait faire travailler des industries locales. Dans ce type de bâtiments, la terre ne sera pas utilisée structurellement. (13)

Entretien avec Mr Géry Despret en date du 05.01.15

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De manière générale, il ne faut pas complètement exclure l’idée de mettre de la terre crue en extérieur. Cela comporte beaucoup d’exigences, quant au matériau, à sa mise en œuvre et sa conception. Il faut prévoir « des bonnes bottes et un bon chapeau ». La terre en extérieur demande un entretien régulier. Ce choix reste peu raisonnable vu l’inadéquation de la terre pour une réponse à une bonne performance thermique. Ce sera un choix motivé par des raisons esthétiques. La terre est aussi utilisée en intérieur pour sa beauté. On mettra en avant un beau mur de pisé dans un musée, dans un bâtiment public ou dans une villa. Mais ces éléments architectoniques entre construction et œuvre d’art, resteront certainement onéreux et réservés à une élite. Comment ce matériau pourra sortir de sa marginalité et redevenir courant ? Il est vrai que le développement de cette filière est lent car elle se voit confrontée à de nombreux freins. La terre a encore une mauvaise image, même si ça tend à évoluer. Il faudrait augmenter la visibilité du matériau terre, en participant à des salons, tel que Bois et Habitat, Batibow, NINO, Brussel Innova, Valériane,etc. Il y a un travail à faire pour convaincre les maîtres d’ouvrage, architectes, entrepreneurs. La pédagogie est un point à développer, il faudrait favoriser un enseignement sur l’architecture durable. Mais également travailler sur la sensibilisation, grâce à des expositions, des interventions artistiques dans les écoles, des conférences, etc. Le manque de règles, de cadre juridique et de normes freine énormément ce milieu. Les gens ne sont pas rassurés d’utiliser des matériaux qui n’ont pas d’agrégation technique. Le marché de la terre est complètement livré à lui-même, aucun cadre n’est établi. Il serait nécessaire de mettre sur pied un organisme pour constituer un réseau d’acteurs. Pour centraliser les données et permettre d’orienter autant les professionnels par l’entraide, la collaboration, que le grand public. Quelle est la place de la terre crue dans le marché de la construction ? Comment développer positivement sa place? La terre crue est une nouvelle niche, qui va évoluer tranquillement, sans éclabousser les autres filières qui sont bien établies aujourd’hui. A court terme, ce matériau sera sans doute une réponse à un habitat écologique. Et à plus long terme, ce sera peut-être une réponse à un manque réel de ressources naturelles. La terre a sa place dans la lignée des matériaux écologiques et durables. Les prix sont encore élevés aujourd’hui, mais on va vers une industrialisation la plus durable possible et un développement qui permettra à ce matériau de devenir intéressant financièrement, principalement dû à l’augmentation du prix des énergies et des bilans carbone.

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La baisse du prix de ce matériau lui permettra certainement de répondre autant au logement individuel de « monsieur tout le monde » qu’aux logements sociaux qui ont tout autant besoin de qualités architecturales. Le Domaine de la Terre nous prouve la validité de l’utilisation de la terre crue pour le logement social. Pour aller vers un développement positif de la place de la terre, dans notre société, la politique a un rôle très important à jouer. Il faut que les pouvoirs publiques privilégient ce matériau ainsi que les autres matériaux bio-sourcés, par des motivations financières, des aides et avantages fiscaux, pour privilégier le développement de ces matériaux aux ACV positif, sans lobbying derrière eux. Pour conclure, les qualités de la terre crue sont nombreuses. Autant sur le plan écologique, économique que culturel et social. Comme on a pu le constater, tant dans l’analyse du Domaine de la Terre que dans l’actualité de la terre crue en Belgique, la terre est un matériau qui a un grand potentiel. Du point de vue confort, ce matériau a de grandes qualités hygrométriques et d’inertie. Sur l’impact écologique, la terre est un matériau disponible, local, qui utilise peu d’énergie grise pour sa fabrication, qui a donc un bon bilan carbone. Ces qualités, on les connaît depuis déjà longtemps. Le Domaine de la Terre, en France, nous montre la validité de ce matériau, que ce n’est pas une simple utopie. L’architecture a beaucoup évolué, surtout sur l’aspect technique et confort thermique, on ne ferait plus aujourd’hui comme on a fait il y a trois décennies. Le « tout terre » n’est pas la réponse adéquate pour ce matériau. Mais on relève l’importance culturelle et sociale de celui-ci, qui est certainement une réponse cohérente à un logement social de qualité. Il est vrai que l’un des grands avantages de la terre est son aspect social… voyez comme la réalisation de ce quartier terre a enthousiasmé les gens et a permis de nombreuses collaborations ! Il ne faut pas sous-estimer sa force fédératrice sur le plan humain. La participation à des chantiers participatifs peut aider des gens à se reconstruire et permettre une réintégration dans la société. L’idée de travailler sur un matériau local, avec des entreprises régionales, redonne un sens au travail bien fait et à la fierté de la réalisation. Il est vrai que la terre est un piètre isolant et ne convient pas à tous les usages, dans notre climat belge. La « place » de la terre pour une construction neuve optimale, serait donc l’intérieur du bâtiment. Cette filière terre, s’installe et se développe fortement en Wallonie. De nombreuses entreprises sont apparues ces dernières années et développent une gamme de produits en terre crue. C’est une nouvelle niche de la construction durable, qui en convaincra plus d’un. « Sachant que les 200 dernières années ne représentent pas plus que 0,5% de l’histoire de l’humanité et que les ressources fossiles sont au bord de l’épuisement, que 1/3 de l’humanité vit toujours dans des maisons en terre, que la population ne cesse d’augmenter... Il y a fort à parier que la terre (et les autres matériaux bio sourcés) soit le matériau de l’avenir... » (GUILLAUME Étienne, 2015) (16) (16)

Entretien avec Mr Etienne Guillaume en date du 04.01.15

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ILLUSTRATIONS

ICONOGRAPHIE

RECUPEREES PAR JEAN DETHIER Fig. 1 & 2 : Affiche et scénographie de l’exposition de Jean Dethier au Centre Pompidou en 1981 : «Des architectures de terre; ou l’avenir d’une tradition millénaire». Fig. 3 : couvertures de deux ouvrages François Cointeraux, projet de maisons en pisé, c 1795 Fig. 4 : Cointeraux, projet de manufacture en pisé, c. 1798 Fig. 6 : Ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA Fig. 7 : vue aérienne de l’ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA Fig. 8 : Plan de l’ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA Fig. 10 : habitat rural du 19e siècle en pisé en Isère [PH Evard] Fig. 11 : demeure bourgeoise en pisé du 19e siècle de la région Rhône-Alpes (au nord de Lyon) [PH Lignon] Fig. 14 : Plan masse du quartier du domaine de la terre PERSONNELLES, réalisée durant le mois de mars 2014 Images des couvertures Fig. 16 : Façade Nord îlot B, Architecte Jean-Vincent Berlottier Fig. 19 : Serres façade Sud, îlot B, Architecte Jean-Vincent Berlottier Fig. 26: Façade Ouest, îlot E, architecte Paul Wagner Fig. 27 : Vue Sud, îlot E, architecte Paul Wagner Fig. 33 : Îlot L, Architecte Jean-Vincent Berlottier Fig. 36 : Blocs en terre visible à l’intérieur de l’habitation, bloc coupé entre deux blocs non coupé Fig.40 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - pédagogie Fig.41 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - Pédagogie Fig.42 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - test de différentes techniques Fig.43 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - BTC Fig.44 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - pisé Fig.45 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - BTC Fig.46 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - tableau Gisèle Taxil Fig.47 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - mur en pisé Fig.48 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - enduit terre Fig.49 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - boules de terre Gisèle Taxil Fig.50 : Entreprise de pisé préfabriqué, Martin Rauch AUTRE PHOTOGRAPHE Fig.51 : Festival de Grains d’Isère, 2014, Grenoble - pédagogie - photo de Clément Duvoux


VENANT D’INTERNET Fig. 5 : Ensemble d’habitation «La Luz», Antoine Prédock, Albuquerque, Nouveau Mexique, USA http://www.albuquerquehomes.com/ visité le 16.04.14 Fig. 13 : Carte géographique du Domaine de la terre et ses alentours http://m.geoportail.fr/# visité le 16.01.14

VENANT D’UN OUVRAGE ; Dir. GREZES, Denis. L’Isle d’Abeau. Ville nouvelle. Maisons de terre. - éd. L’Isle d’Abeau : EPIDA, 1984. 63 p. Fig. 17: Coupe îlot B Fig. 18: Plans îlot B (retracés) Fig. 28: Plans de l’îlot E (retracés) Fig. 34: Plans de l’îlot L (retracés) Fig. 39: Quartier du Domaine de la terre, résultats de l’enquête sur les performances thermiques / image retravaillée

DU CRATERRE Fig. 9 : Grange de ferme en pisé du 19e S en Isère Fig. 12 : Maison bourgeoise en pisé du 19e s. à Villefontaine, Isère Fig. 15 : Vue aérienne du Domaine de la terre Fig. 20 : Façade Nord, murs arqué en pisé, espace de circulation verticale Fig. 21 : Coffrage en bois, présence de béton sur l’extrémité des murs Fig. 22 : Coffrage arqué en bois, lit de terre en train d’être damé à l’aide d’un fouloir pneumatique Fig. 23 : Façades Ouest, recouverte de bardage en bois Fig. 24 : Le mur en pisé se construit strate par strate, présence de lits de béton décoratifs pour marquer chaque niveau Fig. 25 : Façade Sud, les serres bioclimatiques Fig. 29 : Préparation du mélange terre paille à la fourche Fig. 30 : Structure portante en bois, positionnement d’un coffrage en bois Fig. 31 : Etape de la réalisation terre paille terminée Fig. 32 : recouvrement du terre paille par un bardage en bois Fig. 35 : Machine réalisant les blocs de terre crue vibro compactés Fig. 37 : Blocs de terre sortant de la machine Fig. 38 : Séchage des blocs en étuve

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OUVRAGES - CRAterre. Villefontaine. HOUBEN, Hugo. GUILLAUD, Hubert. Traité de construction en terre. - 3ème éd. Marseille : Parenthèses, 2006. 355 p. - Dir. GREZES, Denis. L’Isle d’Abeau. Ville nouvelle. Maisons de terre. - éd. L’Isle d’Abeau : EPIDA, 1984. 63 p. - CAIRE, K. CATTIAUX, S. DERROUCH, P. SIGOT, F. 40 ans de FABRIQUE URBAINE : La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau. - éd. Paris : Innovapresse, 2011. 146 p. - BELMANS D. DAYRE M. DOAT P. GUILLAUD H. HOUBEN H. Recommendation pour la conception des bâtiments du quartier en terre de l’Isle d’Abeau, Plan Construction secrétariat permanent, Ministère de l’urba nisme et du logement, 205 p. - DETHIER. Jean, Des architectures de terre ou l’avenir d’une Tradition millénaire. - éd . Paris : Centre de Création Industrielle, 1981. 192 p.

BIBLIOGRAPHIE

- CRAterre Grenoble, Dir DOAT, Patrice. Marrakech 87 : habitat en terre. - éd Grenoble : CRAterre, 1987, 253 p. - ANGER, Romain. et FONTAINE, Létitia. Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture. Ed. Belin, février 2010, 223 p. - TRACHTE, S., Matériau, matière d’architecture soutenable : choix responsable des matériaux de construction, pour une conception globale de l’architecture soutenable. Presse universitaire de Louvain, juillet 2012, p. 80.

ARTICLES/ REVUES - « H »: Terre d’Avenir. publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris. octobre 1985, n° spécial 111. 96 p - SAN et Le CRAterre; A l’Isle d’Abeau : le Domaine de la Terre. Année Internationale du Logement des Sans-Abris Monographie de projet, 2ème éd : 1987, 7 p - PEYZIEU, J. La terre crue dans tous ses états : Le Domaine de la Terre. Maison paysanne de France, 2010, n°176, pp. 29-31 - JEANNERET, C. Logement en terre : le pas de l’Europe Expérience d’un village en terre à L’Isle d’Abeau (F). Construire en terre crue aujourd’hui, Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne, département d’architecture-Technique du bâtiment, 1987, pp.10-11 - LEFEVRE, P. Retour d’expérience Le Domaine de la Terre. Ecologik, Paris, 2009, n°12, pp. 70-73 PRESSE - France Informations, n° 137, 1990 mensuel du Ministère des Affaires Etrangère, Paris - Livret publié par le ministère sur le Domaine de la Terre, Paris,1987


- « Dimension 3 », revue du ministère, Bruxelles,1986 - THE ARCHITECTURAL REVIEW Editorial / octobre 1985, Londres - EARTH BUILDER, N° 44, 1985, USA - Revue URBANISME, Paris, 1985 - LE NOUVEL ECONOMISTE, Paris - LE FIGARO, Paris - LE MONDE, Paris - LIBERATION, Paris - TELERAMA,Paris - GEO, Paris - LE DAUPHINE LIBERE, Grenoble - JOURNAL RHONE-ALPES, Lyon - LE SOIR, Bruxelles - JEUNE AFRIQUE, Dakar - LA PRESSE, Tunis - ZEITSCHRIFT FUR ARCHITEKTEN, Berlin MEMOIRES - CHANSAVAG, Quentin. Terre et Architecture Contemporaine, Mémoire Master 1, Architecture et Culture Constructive : Grenoble : Ecole nationale supérieure d’architecture, 2008, 58 p -CORNELIS, N. La terre crue répond-elle aujourd’hui à la question d’un développement durable en Belgique ?, Institut supérieur d’architecture Saint-Luc Bruxelles, mémoire pour l’obtention du diplôme d’architecture, 2005-2006. ENTRETIENS - LECLERC Alain, entretiens réalisé au Domaine de la terre en date du 01.03.14 - HRYCENKO Sabine, entretiens réalisé au Domaine de la terre en date du 01.03.14 - DOAT Patrice, entretiens réalisé à Grenoble en date du 17.03.14 - GUILLAUD Hubert, entretiens réalisé à Grenoble en date du 25.03.14 - DETHIER Jean, entretiens réalisé à Paris en date du 01.04.14 - DELMASTRO Christophe, directeur de l’OPAC 38, entretiens téléphonique le 15.04.14 -BRONCHART Sophie, entretien réalisé à l’IBGE à Bruxelles en date du 07.10.14 -COECKELBERGHS Nicolas, entretien réalisé dans le bureau BC Architects à Bruxelles du 10.10.14 -DE COOMAN Ken, entretien réalisé dans le bureau BC Architects à Bruxelles du 10.10.14 -EVRARD Arnaud, entretien réalisé à l’UCL LOCI Architecture de Bruxelles en date du 17.10.14 -GUILLAUME Étienne, entretien réalisé par téléphone en date du 04.01.15 -DESPRET Géry, entretien réalisé par mails, 05.01.15 CONFÉRENCE - « L’ARGILE : Une redécouverte pour les maisons de demain » à la Maison des Architectes (Place A. Bosch 17 – 1300 Wavre) le 09.12.14

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SITES INTERNET - Travail de Sophie Bronchart sur la terre crue: http://fr.slideshare.net/ClusterEcobuild/conference-eu-eco-materiaux-sophie-bronchart - Amàco: http://www.amaco.org/ - IBGE: http://www.ibgebim.be/ - Le CRAterre: http://craterre.org/enseignement:dsa-terre/ - Architecture et Climat: http/www-climat.arch.ucl.ac.be/ -ACV: http://energie.wallonie.be/fr/choix-des-materiaux-ecobilan-des-parois. html?IDC=6099&IDD=44702

BIBLIOGRAPHIE

- Energie + : http://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=11243 - APPRO-TECHNO: http://www.approtechno.com/ - ARGIO: http://www.argio.com/ - ARGIBAT: http://www.argibat.com - LABAILLY: http://www.lebailly.com/ - Argilière de Hins: http://www.hins.be/ - PAILLE-TECH: http://www.pailletech.be/ - ISOHEMP: http://www.isohemp.be/ - Winerberger: http://www.wienerberger.b - Interview de Dominique Gauzin-Müller : http://www.reseau-canope.fr/tdc/tous-les-numeros/les-materiaux-de-construction/interview/ article/architecture-eco-responsable.html - La Calestienne: http://www.calestienne.be/




ANNEXES


A- Réactions au Domaine de la terre Extraits des commentaires publiés entre 1985 et 2013 a propos du «Domaine de la terre» conservés au Pôle de Archives du Centre Pompidou à Paris au sein du «Fonds Jean Dethier» argement dédié à son exposition «Des architectures de terre; ou l’avenir d’une tradition millénaire» et à son complément stratégique : le «Domaine de la terre» a. Commentaires exprimés par des membres du gouvernement ou des élus

Le quartier expérimental du Domaine de la terre constitue une étape décisive dans le renouveau des techniques de construction en terre : cette réalisation constitue une première mondiale. Cette réalisation-pilote consacre l’existence d’un nouveau réseau national et régional de compétences qui s’est mobilisé pour prouver les possibilités techniques, économiques et architecturales d’un matériau naturel de construction qui semblait irrémédiablement relégué dans la panoplie des technologies archaïques. Le fait que cette opération ait été conduite - certes avec le soutien actif des pouvoirs publics mais selon les procédures habituelles de la production de l’habitat social - donne à la démonstration toute sa force : le maître d’ouvrage social (…) apporte ici une nouvelle preuve de sa compétence dans la modernisation de l’appareil de production par le soutien de l’innovation technique et architecturale. Le Domaine de la terre a déjà assuré sa renommée : il a su attirer à lui diverses délégations françaises et étrangères venues s’informer à propos de ce renouveau en France. En prouvant la fiabilité de nouvelles méthodes de construction en terre, ce quartierpilote apporte une contribution concrète aux efforts de recherche pour construire avec les ressources naturelles du site des habitats à moindre contenu énergétique. Les retombées du Domaine de la terre vont bien au-delà d’une simple expérimentation : par sa qualité architecturale et les performances atteintes, par le sérieux de sa démarche pionnière et du débat qu’il a provoqué, il constitue la référence à partir de laquelle va se développer un réseau national et international de compétences. Ce quartier est aussi la démonstration de la modernité du matériau terre.

PAUL QUILES Ministre de l’Urbanisme et du Logement p. 31-32 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ____________________________________________________

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Les architectures de terre constituent en France un patrimoine architectural remarquable et abondant qui a souvent jusqu’ici été trop méconnu. Dès 1981, l’exposition sur ce thème initiée par le Centre Pompidou a heureusement contribué à faire reconnaître l’existence et la qualité de ces architectures. (...) Il faut aussi se réjouir que le groupe CRATerre se soit établi à Grenoble depuis 1979 avec l’objectif culturel et scientifique de réactualiser les techniques de construction en terre crue, aussi bien pour les pays du Tiers-Monde que pour l’Europe. Cette technologie peut en effet contribuer à affronter la crise du logement. Afin de montrer l’exemple, un quartier expérimental d’habitat social a été construit en terre dans la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau en Isère : le Domaine de la Terre. Je tiens à saluer cette initiative du Centre Pompidou à laquelle ont été associés de nombreux partenaires locaux, régionaux et nationaux. Que tous ceux qui ont contribué à mener à bien cette première mondiale soient ici remerciés pour leurs efforts. Cette opération-pilote est le témoignage d’une union fructueuse entre art et technique, entre culture et habitat: sa synergie ouvre une voie nouvelle à la création architecturale.

JACK LANG Ministre de la Culture p. 30-31 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985 ____________________________________________________ J’ai eu le plaisir d’inaugurer en 1985, dans la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau, le quartier expérimental du «Domaine de la Terre». La qualité et l’intelligence novatrice de cette opération-pilote m’a d’emblée séduit. La riche et ancienne tradition en région Rhône-Alpes de la construction en terre crue – en pisé – est ainsi judicieusement actualisée et modernisée. (...) C’est un projet sur le plan de l’écologie appliquée et ainsi une démonstration exemplaire qui participe du renouveau architectural en France. C’est aussi un projet ambitieux susceptible d’assurer une synergie nouvelle entre les aspects techniques et culturels de l’habitat.

LOUIS MERMAZ Président de l’Assemblée Nationale in France Informations, n° 137, 1990 mensuel du Ministère des Affaires Etrangère, Paris ____________________________________________________

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Au cœur de l’Europe, le département de l’Isère rassemble beaucoup d’atouts pour assumer les divers enjeux relatifs à l’actualité et à l’avenir de la construction en terre crue. Depuis des siècles, l’Histoire nous a légué de nombreux témoignages des traditions populaires et savantes dans ce domaine. Depuis les années 1970, l’Isère a aussi vu se constituer sur son territoire un nouveau réseau de compétences qui a d’emblée acquis une renommée internationale. Grenoble, métropole universitaire de la recherche scientifique, s’honore d’être la seule ville au monde à dispenser au sein de son école d’architecture un enseignement spécialisé sur la construction en terre initié et piloté par le CRATerre (..) Les progrès induits par l’action de ces experts apparaissent avec évidence en Isère qui est devenu un laboratoire vivant d’expériences ambitieuses valorisant les ressources et potentialités de la terre crue comme éco-matériau de construction. Ainsi par exemple pour le Domaine de la terre, le premier quartier-pilote de logements sociaux édifiés en terre crue au cœur de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau : symbole d’un nouveau leadership international de la France dans ce secteur de la construction.

ALAIN CARIGNON Président du Conseil Général de l’Isère (Grenoble) p. 33-34 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ____________________________________________________ Je me réjouis de l’achèvement du Domaine de la terre au cœur de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau : ce quartier expérimental d’habitat social entièrement édifié en terre crue constitue en effet un évènement. Et ceci pour bien des raisons. Nous le considérons comme le symbole vivant de la réhabilitation culturelle et de l’actualisation technologique d’un art de bâtir très spécifique à notre région auquel nombre d’entre nous s’identifient. Il témoigne d’un retour créatif aux sources vives et au bon sens régional puisque les architectures en pisé étaient ici omniprésentes depuis des siècles. Ce ne sont que les fluctuations de l’histoire contemporaine qui avaient relégué ce savoir-faire ancestral aux « objets perdus » et ceci en faveur d’une architecture moderne trop souvent uniforme : celle-ci avait engendré un redoutable nivellement culturel ainsi qu’un irresponsable gaspillage énergétique. La crise mondiale de l’énergie a notamment eu pour conséquence de démanteler le mythe de l’architecture dite de style international. Dans la mouvance de cette mutation, une nouvelle génération de bâtisseurs a redécouvert les vertus oubliées de la construction en terre crue. Mais cette reprise en compte de notre tradition régionale n’a jamais été motivée par une quelconque nostalgie passéiste. Au contraire,

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je considère que ce quartier est un acte de foi dans un avenir désormais attentif aux bons usages des ressources naturelles locales, aux économies d’énergie et à la valorisation des particularismes culturels du site choisi.

SERGE MAUROIT Président du Syndicat d’agglomération de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau p. 34 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ___________________________________________________ L’édification du «Domaine de la Terre» à L’isle d’Abeau s’est révélée être un véritable succès. Nous nous félicitons d’avoir pu suivre en ce sens la proposition culturelle du Centre Pompidou et les avis scientifiques du groupe CRATerre de Grenoble. Cinq ans après l’achèvement de ce quartier-pilote d’habitat social, ses divers bâtiments en terre se sont révélés fiables et économes en énergies. Les habitants se déclarent favorables à cette architecture chaleureuse et respectueuse - grâce à son matériau naturel - de l’environnement et des écosystèmes ; des citoyens enthousiasmés par cette heureuse réactualisation d’une tradition intelligente, à la fois régionale et universelle. En cinq ans aussi, ce quartier unique a reçu des dizaines de milliers de visiteurs : architectes, experts et décideurs venus du monde entier, sensibles à cette performance éco-technologique. Ce quartier est désormais célèbre et a contribué à donner à notre Ville Nouvelle son identité. Ce bilan, en tous points positif, a convaincu les élus de la nécessité de poursuivre et amplifier cette recherche d’une nouvelle architecture contemporaine en terre crue.

JEAN-PIERRE PHILIPPE maire de Villefontaine et président du Syndicat d’Agglomération de la Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau in France Informations, n° 137, 1990 mensuel du ministère français des Affaires Etrangères, Paris ____________________________________________________ La première réaction des habitants de la ville furent volontiers ironiques pendant la construction du Domaine de la terre ; ils disaient « est-il vraiment besoin de réutiliser des techniques que nos ancêtres connaissaient déjà et ont pourtant abandonnées ? ». Leurs réactions se sont modifiées lors de leurs visites du quartier après son inauguration. Ils ont été séduits par l’architecture contemporaine des maisons et des immeubles en terre. Il est vrai que les nouvelles techniques de construction qui y ont

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été développées donnent désormais une allure moderne à un matériau très ancien de notre région. En tant que citoyen, j’apprécie le confort et le caractère de ces architectures de terre ainsi que leur esthétique. En tant qu’élu, je suis intéressé par les innovations technologiques tendant ainsi à améliorer le cadre de vie et le confort de mes concitoyens.

ALAIN ROSSOT Maire de Villefontaine (Isère) p. 58-59 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985 . _________________________________________________

b. Commentaires exprimés par les représentants de diverses institutions : en France et en Belgique

Le « Domaine de la Terre » est le couronnement de l’idée de construire à nouveau en terre crue. Avec ce projet d’habitat social, un matériau ancien et oublié - particulièrement fréquent dans la région Rhône Alpes - redonne des preuves actuelles de sa pertinence technologique et de ses potentialités architecturales. Ce quartier-pilote apparaît comme un projet exemplaire (...) qui a bien rempli sa vocation première : celle d’être ce “chaînon manquant” entre les réalités anciennes des traditions aujourd’hui inadaptées aux besoins et des réalités plus actuelles, plus rationnelles, d’une construction en terre crue résolument moderne et bien située dans le champ des contraintes de production. Un précédant existe désormais : il n’excuse plus l’ignorance de ces atouts. Le “Domaine de la Terre” n’interpelle pas seulement les pays du Nord, soucieux de produire des logements moins coûteux et mieux adaptés aux exigences de l’environnement. Il concerne aussi les pays du Sud qui affrontent un défi sans précédant dans leur histoire: celui du logement économique pour le plus grand nombre.

MINISTERE DU LOGEMENT ET DE L’EQUIPEMENT Extrait du livret publié par le ministère sur le Domaine de la Terre, Paris,1987 ____________________________________________________

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La réalisation du Domaine de la terre démontre que l’aménagement d’un territoire - en l’occurrence celui de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau en Isère - peut notamment se faire en actualisant une tradition locale, ce qui peut engendrer un cheminement riche de développement. Elle permet aussi de mesurer combien l’usage d’un matériau de construction « chargé de culture » peut devenir un facteur de cohésion et de valorisation d’un nouveau quartier, tout en assurant une diversité d’expression pour les architectes et une diversité d’usages pour les habitants. (...) A la lumière de cette expérience, il semble désormais possible d’envisager d’autres usages de ce matériau pour des équipements publics, des écoles notamment.

PAUL MARTIN Directeur de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville nouvelle de L’Isle d’Abeau (EPIDA) p. 101-102 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ____________________________________________________ La volonté du Plan Construction a été - au sein au ministère de l’urbanisme et de l’habitat - de contribuer à la modernité de la construction en terre. Deux étapes marquantes ont illustré cette démarche en France. D’abord l’exposition produite en 1981 au Centre Pompidou intitulée « Des architectures de terre ; ou l’avenir d’une tradition millénaire ». Elle a entrainé un enthousiasme international et soulevé l’intérêt des professionnels. Dans cette mouvance, le quartier d’habitat expérimental du Domaine de la terre - inauguré en 1985 - est devenu le laboratoire en vraie grandeur de l’ambition annoncée.

JEAN-PAUL ALDUY Secrétaire Permanent du Plan Construction & Habitat p. 54-55 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ____________________________________________________ Dès l’origine du projet du Domaine de la terre, l’OPAC a souscrit aux objectifs d’expérimentation de ce quartier-pilote d’habitat à édifier en terre crue : [1] Rénover une tradition régionale qui avait conféré à ce matériau des expressions architecturales multiples et dignes d’intérêt. [2] Inscrire une architecture contemporaine dans le prolongement de cette tradition. [3] Faire progresser les techniques de construction et les logiques de mise en œuvre de la terre crue. [4] Actualiser les usages d’un matériau naturel local économe en énergies. Ces objectifs étaient ambitieux. (..) Les chan-

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tiers ont été plus difficiles à maîtriser que prévu. Une difficulté majeure a résidé dans la volonté de procéder à des expériences tout en respectant les cadres réglementaires existants. (..) Malgré les obstacles, les objectifs ont été pour l’essentiel respectés, notamment en ce qui concerne la diversité architecturale du quartier.

PASCAL VICEDO Directeur-Général de l’Office Public d’Aménagement et de Construction de l’Isère (OPAC 38) p. 56-57 in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM, Paris, octobre 1985. ____________________________________________________ C’est en France que la résurgence d’intérêt pour la construction en terre est sans doute la plus caractéristique. Et ceci avec trois références majeures reconnues internationalement et qui ont su assumer un puissant rôle de conviction.(1) : L’action menée par Jean Dethier au Centre Pompidou avec son exposition et son livre «Architectures de Terre», (2) : Le travail pédagogique et scientifique du groupe CRATerre basé à Grenoble. (3) : Et, sur cette double assise, la construction du quartier expérimental du «Domaine de la Terre» près de Lyon à L’Isle d’Abeau.

MINISTERE BELGE DES AFFAIRES ETRANGERES in « Dimension 3 », revue du ministère, Bruxelles,1986 ____________________________________________________ Le texte rédigé par

PHILIPPE MICHEL ingénieur chargé de mission auprès du Plan Construction publié dans « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée par l’Union Nationale des HLM à Paris en octobre 1985 est ici présenté en annexe car il est particulièrement long, présentation d’un compte-rendu détaillé de la conception, de la réalisation et du bilan du Domaine de la terre . ____________________________________________________ cf Annexe p. 93 - 98

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c. Commentaires du CRAterre (en 2013)

Le recul historique nous permet en 2013 d’analyser - sereinement et objectivement - les spécificités de l’exposition « Des architectures de terre ; ou l’avenir d’une tradition millénaire » réalisée par Jean Dethier au Centre Pompidou en 1981 et complétée par la construction du Domaine de la terre inauguré en 1985. Avant d’entamer la rédaction de ce texte, notre équipe s’est réunie pour fixer l’esprit d’un bilan global à ce propos. Les premiers commentaires exprimés parmi nous ont d’emblée pris la pleine mesure de l’opportunité que le CRATerre a eu, dès l’année même de sa création en 1979, d’être sollicité pour participer à cet ambitieux projet-pilote. Cette mission nous a été confiée par Jean Dethier et a été officialisée par le Centre Pompidou et le CCI, son département en charge de l’architecture. Cela a conforté notre opinion que seules deux institutions alors aussi jeunes et dynamiques que le CCI [fondé en 1969] et le Centre Pompidou [inauguré en 1977], aussi ouvertement interdisciplinaires et visionnaires, aussi radicalement entreprenantes et créatives dans leurs ambitions et actions novatrices - en bref aussi « révolutionnaires » - avaient alors pu imaginer, cautionner et matérialiser un Grand Projet à son tour aussi « révolutionnaire » . A savoir, sa conception et sa mise en œuvre comme un « moteur à quatre temps » : une « mécanique culturelle » - ou plutôt une « ingénierie culturelle » - d’une nature que nous décrivons (ici avec un recul ironique) en resituant ainsi sa formulation initiale dans le contexte qui régnait il y a trois décennies : (1) Se fixer pour objectif de valoriser culturellement les traditions architecturales historiques et vernaculaires du monde entier (y compris celles du Tiers-Monde) - ne figurant alors dans un aucun livre d’histoire de l’architecture - issues des usages ancestraux du plus pauvre et du plus méprisé de tous les matériaux de construction : la terre crue, donc de la boue ! (2) De plus - sur cette base totalement improbable dans le milieu culturel qui régnait en Europe au début des années 1980 - on osait prétendre qu’on voulait métamorphoser cette vile matière première (omniprésente sous nos pieds) en la hissant au statut d’un noble matériau naturel de construction pouvant répondre aux récentes contraintes issues des crises énergétiques mondiales (de 1973 & 1978) dans le secteur de l’habitat pour lui faire acquérir un rôle pionnier au cœur même des mutations alors balbutiantes visant à inventer des architectures écologiques moins énergivores, plus conviviales et éthiquement plus responsables ! (3) Alors que ce projet pouvait ainsi légitimement apparaître d’emblée comme une double Utopie - dont on aurait notamment pu craindre cer-

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taines connotations potentiellement nostalgiques, passéistes voire même réactionnaires - l’ambition du Centre Pompidou à ce propos s’est avérée être d’emblée d’une audace démesurée en programmant, dès l’amont de cette aventure risquée, son « itinérance longue » dans une vingtaine de grandes métropoles (et notamment une douzaine d’entre elles en Afrique, en Amérique Latine et en Asie) où cette institution n’avait jamais encore présenté aucune de ses expositions ! (4) Outre ces trois ambitions fondatrices, chacune apparemment « déraisonnable » dans ses objectifs, le Centre Pompidou cautionne l’idée - vraisemblablement irréaliste ? - de son « architecte-conseil » : il entend élargir la vocation de son institution culturelle de tutelle en lui faisant assumer le statut d’un «initiateur de la construction, à titre expérimental d’un quartier d’habitat écologique » … à bâtir entièrement en terre crue ! Et cela dans le but de démontrer en « vraie grandeur » la fiabilité des idées préconisées par l’exposition et les matérialiser au cœur d’une ville nouvelle, celle de L’Isle d’Abeau, alors en cours d’édification … en Isère ! L’ensemble de ce projet correspondait donc à une stratégie si novatrice et ambitieux - mettant en cause tant de pratiques culturelles jusque là dominantes - qu’elle semblait condamnée d’avance à un refus institutionnel : afin de ne pas cautionner une aventure intellectuelle aussi risquée. Le tout a pourtant été scrupuleusement assumé comme tel par le Centre Pompidou, cautionné par le directeur du CCI (Jacques Mullender dont il faut saluer la lucidité, l’ouverture d’esprit et la confiance à l’égard de ce projet) et mis en œuvre par Jean Dethier : ses divers talents se sont épanouis pour imaginer et piloter avec succès ce programme global et toutes ses déclinaisons. En effet : après son itinérance mondiale durant laquelle elle a su capter l’intérêt de trois millions de visiteurs, l’exposition deviendra non seulement « légendaire » mais se révèlera avoir été réellement influente. Et ce, notamment grâce à ses multiples actions d’accompagnement et surtout la construction du quartier d’habitat social du Domaine de la terre inauguré en 1985. En complément de notre opinion à son propos, on retiendra celles de deux institutions majeures. (I) Pour l’ONU et son agence en charge de l’habitat, il s’agit bien d’une « opération-pilote novatrice de portée internationale ». (II) Quant au ministère français alors en charge de l’habitat, il a publié en 1986 une monographie sur ce quartier. Il y affirme que « le Domaine de la terre est le couronnement de l’idée de construire à nouveau en terre crue. Avec ce projet d’habitat social, un matériau ancien et oublié - particulièrement fréquent dans la région Rhône Alpes - redonne des preuves actuelles de sa pertinence technologique et de ses potentialités architecturales. Ce quartier-pilote apparaît comme un projet exemplaire (...) qui a bien rempli sa vocation première : celle d’être ce “chaînon manquant” entre les réalités anciennes des traditions (aujourd’hui inadaptées) aux besoins et des réalités actuelles (bien plus rationnelles),d’une construc-

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tion en terre crue résolument moderne et bien située dans le champ des contraintes de production. Un précédant existe désormais : il n’excuse plus l’ignorance de ces atouts. Le Domaine de la terre n’interpelle pas seulement les pays du Nord, soucieux de produire des logements moins coûteux et mieux adaptés aux exigences de l’environnement. Il concerne aussi les pays du Sud qui affrontent un défi sans précédant dans leur histoire: celui du logement économique pour le plus grand nombre ». Au terme de l’argumentation à ce propos au sein du CRATerre, nous qualifions de « révolutionnaires » les trois composantes de ce Grand Projet : (1) « l’institution productrice » (le CCI, le Centre Pompidou et ses décideurs), (2) « l’auteur du projet » (Jean Dethier, leur architecte-conseil) et enfin (3) les « produits novateurs » ainsi mis en œuvre, à savoir : (a) « l’exposition » (tant sur le fond que la forme), (b) « la performance » de sa longue itinérance mondiale et (c) le « passage à l’acte » matérialisé avec succès par le Domaine de la terre. Afin de vérifier à ce propos le bien fondé de l’usage du terme « révolutionnaire », la consultation de nos dictionnaires aboutit à un double consensus : sur l’usage approprié du « terme en question » vis-à-vis des trois destinataires mentionnés et sur l’adoption d’une définition conjointement appropriée au projet évoqué : Révolutionnaire : terme s’appliquant à une personne, une institution ou une action militante instaurant un changement radical mettant en cause des pratiques dominantes. Qui caractérise ou qui est partisan et acteur de changements radicaux et soudains, dans quelque domaine que ce soit.

L’EQUIPE DU CRATERRE Texte rédigé en décembre 2013 pour publication dans l’ouvrage alors en préparation au Centre Pompidou sur les expositions et stratégies de Jean Dethier ____________________________________________________

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d. Commentaire publiés dans la presse profesionnelle : en France, aux USA, en Angleterre et en Allemagne

L’inauguration en 1985 du Domaine de la Terre - un quartier d’habitat social de 65 logements édifié à Villefontaine dans la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau - constitue en Europe une étape décisive dans le développement d’une technologie fiable de la construction moderne en terre crue. Cette première mondiale constitue une date significative dans l’histoire de l’habitat social en France. (...) Ce quartier révèle en effet la continuité souvent méconnue des multiples recherches entreprises par des équipes françaises dans ce domaine qui est désormais sorti de ses marges confidentielles. Il révèle aussi la maturité et la nouvelle dimension de la Filière Terre. On y lit le réalisme d’un projet ambitieux et digne d’intérêt par les alternatives qu’il propose. (...) C’est une éthique et une stratégie qui est ici ébauchée : un plan d’action par rapport à un nouveau marché encore souvent insoupçonné. Qui savait - avant l’édification du Domaine de la Terre - que les estimations des experts du ministère de l’urbanisme et du logement révèlent une potentielle offre financée de 500.000 logements économiques à bâtir en terre dans le Tiers Monde ? Et que sait-on de la demande du public en France vis à vis des architectures contemporaines en terre ? Et si on avait négligé une réelle aspiration des habitants à renouer avec la tradition désormais modernisée d’un habitat en terre ? Par rapport à ces questions et perspectives, il faut se réjouir qu’une dynamique nouvelle soit désormais en place pour aller de l’avant. Et pour préparer cet avenir, il n’y a pas de meilleur investissement à terme que la formation des futurs bâtisseurs qui sauront maitriser les potentialités de la construction en terre.

PIERRE GUINCHAT Rédacteur en chef de la revue «H »publiée par l’ UNION NATIONAL DES HLM p. 25 in in « Terre d’Avenir », n° spécial de la revue « H » publiée à l’occasion du Domaine de la terre, Paris, octobre 1985 ____________________________________________________ Voilà 25 ans déjà que naissait un quartier d’habitat improbable, que certains qualifieraient aujourd’hui encore d’utopique : le Domaine de la terre. Un ensemble de 65 logements sociaux composé de maisons individuelles et de petits immeubles collectifs implantés à flanc de colline au cœur de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau en Isère. Son originalité : son matériau de construction, la terre crue, qui n’avait alors jamais

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donné lieu à un projet architectural d’une telle nature et envergure en France. (..) La terre a tenu ses promesses. Le matériau vieillit bien. « On a l’impression d’être à mille lieues d’une ville nouvelle » s’enthousiasme Geneviève Cornier, directrice de l’agence locale de l’OPAC 38 qui a assuré sa construction en 1985. « C’est un quartier réputé qui a une bonne image et qui ne subit aucune dégradation ». Grâce à son inertie thermique et son bon comportement hygrométrique, le pisé offre un très bon confort global.(..) En 1987, l’ONU a élevé ce quartier urbain au statut d’une « opération-pilote de portée internationale ». En dépit de quelques critiques, l’expérience du Domaine de la terre a joué un rôle décisif dans le développement de la construction en terre crue en Europe, particulièrement en Allemagne, en Autriche et en Suisse.

Pierre Lefèvre ECOLOGIK mensuel d’architecture, n° 12, décembre 2009, Paris

________________________________________________________ Dès 1981, la France a mis sur pied un important programme conçu pour prouver qu’il était possible et réaliste, en cette fin du XXe siècle, de construire en terre crue des architectures modernes, plaisantes et économiques. Et ceci aussi bien dans le Tiers-Monde que dans les pays industrialisés. Le défi ainsi lancé a abouti en 1985 à une démonstration opérationnelle avec l’achèvement de la construction - avec ce matériau écologique - du Domaine de la Terre, aux portes de Lyon, dans la ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau. L’achèvement de ce projet pilote confère désormais à la France et à la Région Rhône-Alpes le statut de leader dans ce secteur technologique porteur d’avenir.

THE ARCHITECTURAL REVIEW Editorial / octobre 1985, Londres ___________________________________________________ Durant les années 1970, les Etats du sud-ouest des USA apparaissaient au monde entier comme les pionniers dans le domaine de la construction moderne en terre crue. Mais depuis les années 1980, ce leadership ne semble plus exister car ce secteur de l’innovation n’a jamais su se développer en une filière spécifique, ni en un réseau cohérent de compétences. Désormais, en 1985, c’est ailleurs que se déploie la créativité de la construction en terre. La France a pris le leadership dans la conception et la réalisation de programmes novateurs bâtis en terre crue : particulièrement [comme en

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témoigne le Domaine de la terre] dans le secteur de l’habitat économique.

EARTH BUILDER N° 44, 1985, USA ____________________________________________________

Élément d’une architecture post-industrielle, la terre crue ne constitue pas une solution miracle. Elle est toutefois capable de devenir une composante non négligeable d’un environnement bâti alternatif et moins marginal qu’il n’y parait. Revue URBANISME, Paris, 1985

___________________________________________________ La crise énergétique a ébranlé le monopole du ciment - énergivore, coûteux en matières premières et en frais de transports - alors que pour la terre crue, on utilise les ressources naturelles du site de construction. C’est peut-être un marché qui s’ouvre. LE NOUVEL ECONOMISTE, Paris

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e. Commentaires publiés dans la presse généraliste : en France, en Belgique et en Afrique

Le regain d’intérêt pour la terre crue n’a rien d’une nostalgie historique ou de quelque fantaisie alternative. Bien au contraire, il se situe dans la perspective très contemporaine d’une redécouverte des techniques anciennes réactualisées à la lumière d’apports scientifiques nouveaux. ( …) Une redécouverte stratégique tant pour les pays industrialisés définitivement préoccupés de leur indépendance énergétique, que par ceux du Tiers Monde animés d’une triple volonté d’autonomie culturelle, technologique et économique. Le coût énergétique de la chaîne de production de la terre crue reste très inférieur à celui du béton ou du ciment.

LE MONDE, Paris ____________________________________________________

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Au carrefour de l’écologie et de la technologie, de l’histoire et d’un urbanisme en crise, l’architecture de terre crue devient une voie nouvelle pour l’avenir.

LE MONDE, Paris ____________________________________________________ La réactualisation de la construction en terre : un pragmatisme lucide qui ne s’embarrasse pas de mythes, fût-ce celui de la modernité. Personne ne conteste que le béton armé ait ouvert à l’architecture d’immenses possibilités; mais il arrive que son emploi confine à l’absurde: ainsi dans les pays du Tiers Monde riches en main d’œuvre et pauvres en énergies.

LE FIGARO, Paris ____________________________________________________ Fort de son premier grand succès initié au Centre Pompidou sur l’architecture des gares, Jean Dethier exalte désormais les “Architectures de Terre” et “l’avenir de cette tradition millénaire“. Il réussit ici l’essentiel de son propos. Il a incontestablement inventé les ingrédients d’une nouvelle dynamique médiatique pour porter ses idées en les mettant en espace. Ses maquettes géantes happent les visiteurs comme des plantes carnivores. Elles évoquent une mise en scène de théâtre mais au sein de laquelle le public est complètement immergé. L’exposition systématise surtout un modèle neuf de “politique culturelle intégrée” avec une gamme diversifiée de produits dérivés. En amont, cela va du catalogue à l’émission de télévision avec Antenne 2, et du déploiement d’un atelier d’initiation architecturale des enfants (au cœur même de l’exposition) à la publication en 500 exemplaires trilingues d’un “portfolio” de 80 grandes planches illustrées faisant office de “version réduite de l’exposition” conçue pour être postée de par le monde aux universités et centres culturels. En aval, l’exposition est “reliée” à un vrai quartier d’habitat, près de Lyon, initié aussi par Jean Dethier : il a pour but de démontrer en vraie grandeur la faisabilité des techniques de construction modernes en terre crue. LIBERATION, Paris

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De tout temps la terre crue a été l’un des principaux matériaux de construction. Mais les sociétés dites évoluées dédaignaient, récemment encore, ce matériau qui souffrait de préjugés d’archaïsme et de pauvreté. Mais depuis I973, la crise de l’énergie et la prise de conscience écologique les ont amenées à réviser leur jugement et à lui rendre ses lettres de noblesse. On se souvient alors que la terre est une matière première à priori inépuisable, au coût modeste et aux qualités thermiques. Que les habitats édifiés avec ce matériau savent être confortables, chaleureux, sécurisants et même sensuels. Et que son utilisation repensée à la lumière des connaissances de notre époque peut répondre à nos nouveaux besoins et à nos exigences modernes. La terre crue sort ainsi d’une longue amnésie culturelle pour entrer dans le présent et assurer - qui sait ? - un nouveau confort domestique pour notre avenir.

TELERAMA,Paris ____________________________________________________ Le Domaine de la Terre achevé en I985 dans la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau, près de Lyon, constitue une première mondiale. Jamais en effet n’a été réalisé un quartier de logements sociaux de cette ampleur utilisant comme principal matériau de construction la terre crue. Cela donne naissance à un ensemble diversifié de maisons individuelles et de petits immeubles d’appartements de 2 à 5 niveaux. Cette opération-pilote s’inscrit dans le renouveau de la très ancienne tradition constructive de la région Rhône Alpes dont ses initiateurs ont réactualisé et modernisé les techniques constructives. Les responsables du projet estiment à 5% l’économie réalisée par rapport aux techniques conventionnelles du béton armé. Ils ont incontestablement réussi leur objectif de sensibilisation. Les premiers convaincus sont les habitants de ce quartier pilote.

GEO, Paris ____________________________________________________ Le quartier pilote du “Domaine de la Terre” édifié en terre crue à L’Isle d’Abeau par l’OPAC de l’Isère a converti les derniers incrédules et contribué à donner à cette expérience pionnière une portée internationale. Un quartier est né : il pourra servir de modèle à des réalisations similaires dans divers pays. Écono-miquement, le marché mondial pour ce genre de “transfert de technologie” est loin d’être négligeable.

LE DAUPHINE LIBERE, Grenoble ____________________________________________________

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Délaissée depuis une cinquantaine d’année, la terre crue (notre « pisé » régional) pourrait bien effectuer un retour en force dans le domaine de l’habitat. (..) L’usage moderne de ce matériau écologique paraît assuré de nouveau d’un bel avenir puisque son prix n’est pas plus élevé que celui d’autres matériaux [comme le prouve l’expérience du « Domaine de la Terre »]. Avec sa production rationalisée, et bientôt industrialisée, on peut même espérer atteindre des prix encore plus bas.

JOURNAL RHONE-ALPES, Lyon __________________________________________________________

La construction moderne en terre crue constitue désormais une alternative réaliste (...). Il s’agit en effet d’une technique de construction tout à fait capable de s’adapter aux exigences les plus contemporaines tout en proposant une solution alternative au problème de l’habitat; notamment dans le Tiers Monde.

LE SOIR, Bruxelles __________________________________________________________ La construction en terre crue a été souvent abandonnée au profit d’une architecture dite de “style international”. Elle est aujourd’hui “redécouverte” et réactualisée pour au moins trois raisons : elle n’est pas polluante, elle est économique en énergie et relativement peu onéreuse.

JEUNE AFRIQUE, Dakar __________________________________________________________ Les architectes d’aujourd’hui redécouvrent que les constructions en terre crue sont parmi celles qui s’adaptent le mieux à la problématique de l’habitat du Tiers Monde. L’usage judicieux et modernisé de ce matériau permet d’assumer une autonomie économique et technologique, culturelle et sociale.

LA PRESSE, Tunis __________________________________________________________ L’idée, émise dès 1981, d’édifier en France un premier quartier d’habitat moderne en terre crue revient à Jean Dethier. Avec cette opération-pilote, sa stratégie fut de dépasser les limites muséographiques et culturelles de son exposition et de son livre produits par le Centre Pompidou. Elle débouche sur une démonstration socio-économique et politique qui interpelle désormais les décideurs : aussi bien en Europe que dans le Tiers Monde.

ZEITSCHRIFT FUR ARCHITEKTEN Berlin ___________________________________________________

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4/ La terre crue en Belgique C- Analyse des tableaux Bibliographie des différents organismes, études, structures cité dans l’analyse de la filière belge: (1) IBGE Il s’agit de l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement. C’est l’administration de l’environnement et de l’énergie de la Région de Bruxelles-Capitale. http://www.ibgebim.be/ (2) DSA-Architecture de Terre C’est une formation post-master qui a pour objectif de répondre à une demande sociale internationale pour tout ce qui est relatif aux métiers de l’architecture de terre et dans les domaines suivants : l’aspect scientifique et technique du matériau, les savoir-faire millénaires, la conservation du patrimoine, la recherche de l’innovation des techniques constructives, une approche contemporaine prenant en compte l’aspect de durabilité, l’habitat économique et le développement durable, une formation universitaire et une formation de recherches dans un but doctoral. http://craterre.org/enseignement:dsa-terre/ (3) Architecture et Climat C’est une cellule de recherche qui travaille sur différents points tels que ; « La recherche, la conception, la modélisation et la construction en vue de la meilleure adéquation entre le bâtiment, le climat et l’occupant, dans le but d’élaborer et de développer, dans le cadre du développement durable, la théorie de l’architecture climatique et de l’architecture durable », mais également une recherche sur l’efficacité énergétique du bâti et des équipements en travaillant sur les ressources énergétiques, un travail au sein de l’enseignement de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme (LOCI) et un cycle de formation dédié aux architectes et techniciens en énergie. http://www-climat.arch.ucl.ac.be/ (4) ACV L’ACV est l’Analyse du Cycle de Vie des matériaux. C’est une étude globale réalisée sur les matériaux de construction, dans le but de construire durablement. « ÉLABORATION D’UN OUTIL D’AIDE À LA CONCEPTION DE MAISONS À TRÈS BASSE CONSOMMATION D’ÉNERGIE. Choix des MATÉRIAUX ÉCOBILAN de parois » Guide réalisé par Sophie Trachte et André De Herde. « [...] différentes études ont également démontré que lorsqu’on tend à diminuer sensiblement la consommation d’énergie à l’utilisation d’une habitation en travaillant sur la performance de l’enveloppe, on consomme proportionnellement davantage d’énergie grise liée à l’utilisation de matériaux de construction. Cette énergie grise devient alors prédominante dans le bilan énergétique global. De plus, augmenter la performance thermique d’un bâtiment implique à la fois une multiplication de composants et une augmentation de la quantité de matière mise en œuvre. L’enveloppe devient donc un élément à considérer en priorité lorsqu’on veut diminuer sensiblement les impacts environnementaux d’un bâtiment : - appauvrissement de ressources : ressources naturelles, ressources énergétiques, eau - pollution : gaz à effet, acidification de l’air, de l’eau et du sol, formation d’ozone troposphérique, réduction de la couche d’ozone stratosphérique… - production de déchets Si, dans un contexte global et mondial, les économies d’énergies fossiles et la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont des priorités majeures, ces deux enjeux ne peuvent plus aujourd’hui être considérés que des critères uniques. Au contraire, ils doivent être englobés dans un ensemble d’autres critères tels que la consommation des ressources, la consommation en eau, le recyclage des déchets… Il est donc essentiel que l’architecte et le maître d’ouvrage œuvrent à une conception cohérente en tenant compte d’un équilibre entre performances énergétiques à atteindre et performances environnementales. » http://energie.wallonie.be/fr/choix-des-materiaux-ecobilan-des-parois.html?IDC=6099&IDD=44702 (5) Disparition du sable Voir le documentaire : « Le sable, enquête sur une disparition » Réalisation : Denis Delestrac voir site; http://www.arte.tv/guide/fr/046598-000/le-sable

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(6) L’hygrométrie Pour plus d’explication voir ouvrage ; ANGER R. et FONTAINE L., Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture, Ed. Belin, février 2010, 223 p. Voir le site ; « Énergie + Aide à la décision en efficacité énergétique des bâtiments du secteur tertiaire » http://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=11243 (7) Entreprise de BTC (Briques de Terre Crue) et enduits - La société Argio Géry Despret, architecte de formation, s’est lancé dans la création de cette SPRL Terraco Group en 2010. Qui sera ensuite appelée Argio. Il développe aujourd’hui plusieurs produits comme les B.T.C. brevetées et standardisées, un mortier-colle naturel et des enduits terre. http://www.argio.com/ - ARGIBAT ARGIBAT est une société qui est née d’une collaboration entre les entreprises ‘Nonet’ et ‘Thomas & Piron’. Ils siègent à Wanlin, où ils ont réaffecté une ancienne briqueterie (Winerberger), où ils produisent aujourd’hui des briques de terre crue et des enduits terre. www.argibat.com - La société LEBAILLY S.A. Jules Lebailly a fondé cette société en 1842. L’entreprise se situe à Hautrage. Celle-ci est divisée en deux parties ; des carrières d’argile (carrière de Sirault et carrière du Danube) et une usine de produits réfractaires et céramiques. Ils développent aujourd’hui une production de BTC, et d’enduits terre. http://www.lebailly.com/ - Les Argilières de Hins Les Argilières de Hins, il s’agit d’une entreprise familiale, qui existe depuis 3 générations, à Saint-Aubin, près de Florennes, en région wallonne. Ils ont une exploitation d’argile à des fins industrielles, ils ont ensuite développé cette argile pour la céramique et enfin ils ont créé une gamme d’enduits naturels à base d’argile. http://www.hins.be/ (8) Paille-Tech Il s’agit d’une entreprise de construction qui réalise des ballots de paille enduits d’argile. Leur but est de réaliser des bâtiments préfabriqués, performant en isolation thermique. http://www.pailletech. be/ (9) ISOHEMP Entreprise qui réalise des blocs de chanvre, des enduits naturels, de la laine de chanvre pour des rénovations ou des nouvelles constructions. http://www.isohemp.be/ (10) APPRO-TECHNO APPRO-TECHNO, est une industrie de fabrique de presse de BTC (Briques de Terre Crue) et autres machines. Pour plus d’informations : http://www.approtechno.com/ (11) Nature et progrès Un de leurs axes d’action est le développement de l’éco-bioconstruction et les énergie renouvelables. http://www.natpro.be/

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(12) Cluster écoconstruction « Il s’agit d’un réseau dynamique rassemblant divers experts : - des architectes et des spécialistes en thermographie infrarouge et en pollution électromagnétique. - des constructeurs et des entreprises actives dans le secteur de la rénovation écologique. - des fabricants, des fournisseurs de matériaux écologiques (isolants, peintures, enduits, …) et des bio-électriciens, - des bureaux d’études et entreprises actives dans le domaine des énergies renouvelables : pompe à chaleur, éolienne, chauffe-eau solaire, chaudière au bois, hydraulique, …,


- des auteurs de projets et des entrepreneurs spécialisés dans l’épuration des eaux par lagunage, l’installation de piscines naturelles, le traitement et la récupération d’eaux de pluies, - des organismes d’informations et de promotion (du bois, des matériaux naturels, des énergies renouvelables...), - des centres de recherche, hautes écoles et universités » http://clusters.wallonie.be/ecoconstruction-fr/ (13) AMACO Il s’agit d’une association entre des chercheurs, des enseignants, des professionnels de la construction, faisant de la recherche sur la science de la matière. Une recherche pédagogique sur les sciences de la matière pour une construction durable. Ils développent une pédagogie par l’expérimentation. www.amaco.org (14) La Calestienne Entreprise de formation par le travail, dans l’éco-construvtion www.calestienne.be/ (15) Winerberger C’est une entreprise fondée en 1819, c’est l’un des plus grands producteurs briquetiers au monde. Ils produisent également des tuiles en terre cuite. www.wienerberger.be/fr

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« Ce nom éclaire à la fois ce sur quoi et en quoi l’homme fonde son séjour. Cela, nous le nommons la Terre… La Terre, c’est le sein dans lequel l’épanouissement reprend, en tant que tel, tout ce qui s’épanouit. En tout ce qui s’épanouit, la Terre est présente en tant que ce qui héberge. » Martin Heidegger

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