Loupe #12 - Septembre / Octobre 2016

Page 1

Sept. 2016 #12

FOCUS MUSIQUE: KERY JAMES

RÉALISATEUR

FABRIcant d’images JEAN-CLAUDE BARNY - Chris Macari - LEILA SY FABIEN DUFILS - ARMEN DJERRAHIAN - MARC-AuRÈLE VECCHIONE

FOCUS CULTURE: HECTOR POULLET - LE VERBE & LA PLUME STEEVE VÉRIN - TRAPÈZE VOLANT - 360° PRODUCTIONS


RETROUVEZ LES ANCIEN

www.loupe-ma #1

#2

#3

LOUPE

2

#4

LOUPE

#5

#


Sept. 2016 #12

NS NUMÉROS SUR LE SITE

magazine.fr

#6

#7

#8

#9 3

#10

LOUPE MAGAZINE

#11



DIRECTeUR DE PUBLICATION David Dancre david.dancre@loupe-magazine.fr ReDACTEUR EN CHEF David Dancre JOURNALISTES 3D-4.0, Mr. Chung, Ceebee

CrossFit CACT

www.CROSSFITCACT.COM VOUS ACCUEILLE DANS la plus grande salle de la caraïbe dédiéE au crossfit

SECRETAIRE DE ReDACTION Cécile Borghino cecile.borghino@loupe-magazine.fr PHOTOGRAPHES Fifou (Kery James) MAQUETTISTES David Dancre, Charles Eloidin WEBMASTER Charles Eloidin, Juba Lamari

280M2 de

surface

INTÉRIEUR / EXTERIEUR

SITE INTERNET www.loupe-magazine.fr impression PRINT MARKETING CARAÏBES REGIE PUBLICITAIRE LOUPE REGIE 05.90.555.415 Magazine gratuit - Numéro #12 Septembre / Octobre 2016 © LOUPE est édité par David Dancre 97 118 Saint-François N° SIREN : 805 060 878 Toute reproduction, adaptation totale ou partielle est interdite.

DU LUNDI AU SAMEDI de 8H30 à 9H30 DU LUNDI AU VENDREDI 3 COURS 17H30/18H30/19H30

06.90.99.87.18 Z.A. DE COCOYER IMM. AGATHE THE POWER 97 118 SAINT-FRANÇOIS

CROSSFIT CACT


EDITO 05 L’Art En Trait BRUITS DE COULOIR 09 Olympisme 10 Actualités Panoramique 12 Porto Rico 14 Équitation focus 16 Hector Poullet: Le Verbe & La Plume 20 Kery James: Bomayé

GRAND ANGLE 27 Réalisateur: Fabricant d’images à la loupe! 80 Culture: Steve Vérin 82 Loisirs: Trapèze Volant 86 Société: 360° Productions Chroniques 90 Séries 92 Cinéma 94 Jeux Vidéos

P.12

P.20

P.27

P.82

6


Edito par David Dancre

L’ART EN TRAIT Parler de culture dans le monde actuel constitue un luxe tout autant qu’un réel besoin. Pour donner naissance ou consolider nos émotions, nos passions, cristalliser l’espoir dans chacun de nos actes. Notre aptitude à la création laisse entrevoir les opportunités à saisir afin de poursuivre une épopée qui nous rattache tous à la même famille. Cultivons nos différences pour communiquer, échanger et partager dans cette unité qui fait notre force. 7



BRUITS DE COULOIRS

OLYMPISME par Ceebee Les J.O. de Rio achevés, les Jeux Paralympiques vont débuter dans une plus grande intimité. Boudés par les spectacteurs, ils se dérouleront dans des stades vides, sans la couverture médiatique et les installations sportives que les athlètes méritent. ou travailleurs ordinaires, reprennent le slogan “Yes I can!” La vidéo, parfaite vitrine de ce que l’on peut faire avec un mental en acier, défie les préjugés. Au-delà de la promotion des Jeux, elle a également l’ambition de faire changer le regard sur le handicap. La faible médiatisation des Jeux Paralympiques traduit au final l’attention que nous portons à ces personnes, pas toujours admises comme nos homologues. Elles sont accoûtumées pourtant aux défis, surmontant toutes les difficultés, tels des “super-héros” du quotidien et le confirmeront encore à Rio du 7 au 18 septembre.

Exhaltant et combinant les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit, l’olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur l’effort, la valeur éducative et et le respect de principes éthiques universels. Créés en 1960, les Jeux Paralympiques regroupent des athlètes handicapés physiques, visuels ou mentaux. Ils sont considérérs comme solidaires des J.O., les athlètes pouvant se dépasser et réaliser des performances sportives dignes des champions. Dans un spot publicitaire dévoilé par Channel 4, We’re The Superhumans, 140 personnes handicapées, sportifs, musiciens

LES JEUX PARALYMPIQUES Site officel: www.olympic.org/fr/jeux-paralympiques Le spot de Channel 4, We’re The Superhumans: www.youtube.com/watch?v=IocLkk3aYlk 9


BRUITS DE COULOIRS

JOURNÉES

PATRIMOINE Le samedi 17 et le dimanche 18 septembre auront lieu les Journées Européennes du Patrimoine. Comme chaque année, le public sera accueilli gratuitement sur les principaux sites culturels (musées, parcs, bâtiments historiques...) et pourra participer à des circuits ou des animations autour du patrimoine dans la plupart des communes. A titre indicatif, seront ouverts le MACte, le Musée Schoelcher, Beauport Pays de la canne, le Fort Louis Delgrès, le Fort Napoléon... Le programme complet est à consulter en ligne.

JOURNÉES EUROPÉENNES DU PATRIMOINE Site officiel: www.journees-du-patrimoine.com

FESTIVAL

DROITS HUMAINS La 3ème édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme de Guadeloupe se tiendra du 7 au 14 octobre, dans plusieurs villes de l’archipel. La programmation est composée en majorité de films inédits en Guadeloupe. Une vingtaine de longs-métrage seront projetés et serviront de base à des discussions entre le public, des spécialistes des sujets traités et certaines réalisateurs présents. Créé pour promouvoir une culture des Droits Humains, éduquer et informer les publics, le Festival est aussi un espace supplémentaire pour encourager la production audiovisuelle régionale sur ce thème.

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DES DROITS DE L’HOMME Site Officiel: www.festival-droitsdelhomme.org/guadeloupe 10


PLAYLIST#1.2

ACTUALITÉS

DJ Poska nous présente en direct de New York un mix de ses dernières séléctions et vous propose la “PLAYLIST LOUPE” en exclusivité. Retrouvez DJ Poska et DJ Akil tous les samedis sur Bushwick Radio App à 18h (00h en France)

DISPONIBLE SUR www.loupe-magazine.fr

RENTRÉE LITTÉRAIRE Voici venir les rêveurs, le premier roman d’Imbolo M’Bué raconte l’histoire d’une famille d’immigrants clandestins à New York. Parti du Cameroun, Jende Jonga vient de décrocher un emploi de chauffeur pour Clark Edwards, un riche banquier. Au fil des trajets, entre le clandestin de Harlem et le financier de l’Upper East Side va se nouer une complicité faite de pudeur et de non-dits. Mais les rêves des Jonga tardent à s’accomplir: menacés d’expulsion, leur “American Dream” pourrait prendre fin, alors que la crise des subprimes menace également le monde de la finance.

VOICI VENIR LES REVEURS Imbolo Mbue, Éditions Belfond, Août 2016

1 - COOKIN Fat Joe, Remy Ma & French Montana 2 - LOVE YOURZ J-Cole 3 - BARZINI DJ J Hart Featuring Sean Price & Rim P 4 - SUMMER STORY Young M.A. 5 - Stop my flow Blahzay Blahzay 6 - KICKIN’BACK Napoleon Da Legend 7 - C’EST COMMENT Sam’s 8 - OH LALA PNL 9 - LE CROUPIER Sadek 10 - RACAILLES Kery James

DJ POSKA Facebook: DJ Poska Facebook: Live From La Grosse Pomme

LOUPE MAGAZINE


panoramique

PORTO RICO Cette île où se côtoient un mode de vie américain et une culture hispano-caribéenne vieille de quatre siècles est reliée à la Guadeloupe par des vols quotidiens.

SAN JUAN Histoire, Shopping Note : •••••• Fondée au début du XVIe siècle, c’est la ville la plus ancienne d’Amérique après Cuzco. Son centre historique à l’architecture coloniale contraste avec son front de mer bordé de gratte-ciel. Les amateurs de shopping aprécieront Las Americas, le plus grand centre commercial de la Caraïbe, ainsi que les magasins d’usines situés dans la périphérie.

PONCE Culture, Patrimoine Note : •••••• Surnommée la ville des musées, Ponce abrite le Centro Ceremonial Indígena de Tibes, consacré à la culture amérindienne taïno. Son centre historique a été déclaré “trésor national”. Il abrite plusieurs plazas et églises, des bâtisses coloniales richement décorées et de somptueuses fontaines. 12


PORTO RICO

www.caribholidays.fr

CONSEILLÉ PAR:

FACEBOOK: CARIb HOLIDAYS

CULEBRA Snorkeling, Plongée sous-marine Note : •••••• Cette petite île au large de la côte Est offre une succession de plages, de mangroves et de baies très peu fréquentées. Maintenue à l’écart du tourisme de masse, elle est un refuge pour les iguanes et les tortues. Son seul village, Dewey, est un lieu convivial pour déguster des spécialités locales ou faire la fête au son des rythmes antillais.

EL YUNQUE Randonnée, Paysage Note : •••••• Dans la chaîne de montagne des Luquillo, une réserve forestière de 11 200 hectares abrite plus de 400 espèces d’arbres et de fougères. La zone est sillonnée par 13 sentiers bien entretenus, de la promenade de 15 minutes à la grande randonnée jusqu’au sommet qui culmine à 1 065 m. 13


panoramique

ÉQUITATION Centre équestre affilié à la Fédération Française d’Equitation, le Haras de Saint-François offre un cadre unique pour découvrir le hippisme ou se perfectionner.

LES COURS A partir de 3 ans Note : •••••• De l’initiation au poney au grand galop, le Haras vous propose des leçons en groupe ou en cours particuliers, à la carte ou au forfait. Des stages se déroulent également sur trois jours pendant les vacances scolaires. Des tarifs préférentiels sont accordés aux familles à partir de deux enfants.

LA GRANDE BALADE A partir de 12 ans ou cavaliers Note : •••••• Partez pour 3 heures de randonnée en forêt et bord de mer et découvrez le site d’Anse à l’eau où vous pourrez vous baigner avec les chevaux. Des petites balades sont également proposées, sur un parcours ombragé ouvert aussi aux non licenciés. 14


Balades Stages Evenements

Pensions Cours BALADES La grande balade :

70€ pour 3h de randonnée forêt et bord de mer avec baignade avec les chevaux. Ouvert aux adultes tous niveaux, enfants à partir de 12 ans ou cavaliers. 50€ pour nos licenciés.

La petite balade :

40€ pour 1h30 de promenade en forêt. Parcours ombragé, ouvert à tous. 30€ pour nos licenciés.

Moniteurs 06 90 39 90 00 Info / Rando 06 90 58 99 92 Horaires d’ouverture 8h00 / 12h00 - 15h00 / 19h00

leharasdesaintfrancois@gmail.com


FOCUS


HECTOR POULLET

CULTURE

LE VERBE ET LA PLUME par Ceebee Photos: 3D-4.0

Auteur et traducteur, Hector Poullet a été l’un des pionniers qui ont oeuvré pour donner au Créole guadeloupéen son titre de dignité. Un travail débuté il y a trente ans, qui s’étoffe grâce au dévouement de nombreux écrivants. Cela fait un peu plus de trente ans que vous avez publié le premier dictionnaire Créole/Français. Peut-on considérer aujourd’hui que votre travail pour que cette langue soit davantage reconnue et enseignée ait abouti? Ce travail n’est pas seulement le mien. Au début, nous étions une équipe d’une dizaine de personnes, certains ont abandonné, par manque de constance, parce qu’ils n’y croyaient pas ou par incompatibilité d’humeur des uns envers d’autres. Plus tard ils ont regretté l’avoir fait, se sont plaints de ne pas voir leur nom figurer sur la couverture en tant qu’auteur, alors qu’ils s’étaient retirés au cours de la première année de cette aventure qui a bien duré dix ans. Beaucoup d’autres, anonymes, ont participé sans le savoir ou ont préféré rester dans l’ombre. Trente ans après, pour ce tout premier dictionnaire Créole/ Français, (avant celui-ci il n’existait que le Faine en Français Créole d’Haïti et le Ti-diksyonnè kréyòl haïtien de A. Bentolila), six éditions successives et de nombreuses déclinaisons non avouées, oui, nous pouvons tous être fiers d’avoir donné au Créole son titre de dignité dû à toute

langue. Cependant ce n’est, à mon avis, qu’un début, tout le reste est encore à faire, entre autre un dictionnaire des synonymes en cours, mais également travailler à permettre l’émergence d’une véritable littérature créole pour se sortir de l’oraliture actuelle. Il y a eu également des traductions et des parutions d’ouvrages en Créole (comme Astérix et Obélix ou les Fables de la Fontaine que vous avez traduits). C’est pourtant un marché très étroit, en termes de lecteurs potentiels. Comment ces projets sont-ils nés? Les maisons d’édition soutiennent-elles les publications en langue régionale généralement? Le marché en effet est étroit et les maisons d’éditions ne se bousculent pas pour éditer en Créole. Certaines prennent le risque avec beaucoup de courage et auraient bien besoin de soutien des collectivités locales. Certains éditeurs y ont perdu leur mise, c’est le cas des éditions Désormeaux, d’autres se maintiennent vaille que vaille, avec des initiatives originales. C’est le cas de Caraïbéditions qui a eu l’idée 17


FOCUS Quels sont les vecteurs les plus importants qui font vivre la langue? La société guadeloupéenne parle encore spontanément Créole, c’est la langue la plus parlée en Guadeloupe quel que soit le milieu. Cependant le Créole reste la langue basse, la langue haute étant le français. Il est vrai que de plus en plus d’associations ainsi que l’école participent à la propagation du Créole écrit.

des Astérix, Titeuf, Tintin, Petit Prince. Les “écrivants” créoles des Antilles, souvent militants de l’identité antillaise, conscients des difficultés des éditeurs, ne font pas montre de rapacité envers ces éditeurs et souvent oublient ou font semblant d’oublier leur droits d’auteurs.

“L’ouverture aux autres sera indispensable pour aller de l’avant...” Les pratiquants du Créole martiniquais, guadeloupéen, haïtien etc… se comprennent-ils à travers la Caraïbe? Les principaux créoles de la zone américanocaraïbes à base lexicale française, parlés en Dominique, Guadeloupe, Guyane, Haïti, Sainte-Lucie, sont inter-compréhensibles. Cependant, il faut toujours compter un temps d’adaptation pour comprendre son interlocuteur quand il ne parle pas le même Créole que vous.

Les linguistes s’intéressent au Créole, car apparue tardivement (en regard de l’histoire humaine), son étude permettrait de mieux comprendre comment les langues se forment. Sait-on comment elle s’est construite? Les linguistes s’intéressent aux Créoles car il n’y a pas un Créole mais une bonne centaine de langue dites créoles. En général, elles prennent naissance comme souvent quand deux ou trois langues sont parlées massivement par des populations différentes en situation de contact. Le processus n’est pas toujours le même pour tous et les linguistes ne sont pas toujours d’accord sur l’interprétation de ces processus. Il s’agit souvent de courants idéologiques, d’écoles américaines, canadiennes, allemandes, françaises, caribéennes selon lesquelles nous avons des théories différentes: monogenèse, polygénèse, socio-génèse, et même biogénèse ou neurogénèse, tous ces modèles théoriques ne sont jamais ni totalement vrais ni totalement faux.

Parle-t-on “réellement” un bon Créole en Guadeloupe? Il faudrait déjà définir ce qu’il faut entendre par un “bon Créole”. La notion de norme dans ce domaine est très subjective. C’est en culpabilisant les locuteurs qu’on finira par obtenir qu’ils ne parlent plus Créole. Il faut cependant bien faire admettre à chacun qu’il existe des règles de prononciation, de vocabulaire et de grammaire à respecter. D’abord laisser parler, puis avec beaucoup de tact et de pédagogie leur faire découvrir la règle à respecter pour parler correctement sa langue. 18


CULTURE Le Créole est le moyen d’expression d’artistes actuellement très populaires dans notre archipel et même audelà (Kalash, Admiral T...), c’est un appauvrissement ou une richesse pour la langue? Je dirais que c’est un enrichissement provisoire, l’étape suivante devrait être que ces artistes améliorent leur niveau de langue. Dans un monde globalisé et interconnecté, parler créole c’est aussi préserver une identité locale. En même temps, la Guadeloupe est un département français. Pensez-vous que les jeunes guadeloupéens, habitués au “bilinguisme”, à cette “double culture”, soient mieux armés que d’autres pour être des acteurs de ce monde global? Celui qui parle deux langues dès l’enfance sera toujours plus apte à en apprendre une troisième puis une quatrième…. Avoir une double culture rend plus tolérant aux autres cultures, donc permet d’être plus à l’écoute des autres à condition de ne pas vivre cette double appartenance comme un déchirement. Dans un monde où nous sommes amenés à côtoyer des hommes et des femmes de toutes les cultures, de toutes les ethnies, de toutes les religions, il vaut mieux en effet y être préparé dès le plus jeune âge car l’ouverture aux autres sera indispensable pour aller de l’avant, c’est à dire vers une société humaine plus fraternelle. Il nous faudra alors sortir du multiculturalisme, de la simple tolérance, pour aller vers l’interculturel. L’interpénétration des cultures correspond à une richesse, seul ce mode de captation des cultures nous permettra d’éviter “les identités meurtrières”.

HECTOR POULLET www. potomitan.info

EDITION NUMÉRIQUE AVEC LES Interviews complètes de JEAN-CLAUDE BARNY

CHRIS MACARI - LEILA SY

KERY JAMES + BONUS

+44 Pages

SUR www.loupe-magazine.fr

LOUPE

LOUPE

LOUPE MAGAZINE


FOCUS


KERY JAMES

MUSIQUE

BOMAYÉ par David Dancre Photos: Fifou

Après le titre Racailles sorti cet été, Kery James livre son nouvel album, Mouhammad Alix, à découvrir le 30 septembre. 25 ans ont passé depuis ses débuts dans le Rap mais sa voix a encore plus de résonance aujourd’hui. Tu arrives cette année à tes 25 ans de carrière (ta première apparition discographique sur le titre Ragga Jam tiré du premier album de MC Solaar Qui sème le vent récolte le tempo sorti en 1991). Que reste-t-il de tes premières expériences? Quelles sont celles qui ont été pour toi les plus déterminantes, “qui t’ont forgé”? On n’arrête jamais d’apprendre, donc l’expérience continue chaque jour. Parmi les choses les plus importantes que j’ai apprises, c’est qu’il faut toujours rester fidèle à ses convictions, tant qu’elles sont justes, et justement la persévérance et la constance finissent un jour par payer.

éjecté Black M de la commémoration de Verdun, que c’était “la victoire des patriotes contre la musique nègre”. Dans le clip, il y aura une grande partie du Rap français qui apparaîtra. Il est vrai que cela fait longtemps que nous n’avons pas entendu un projet comme 11’’30 car le Rap s’est dépolitisé et que je pourrais fédérer ce type de projet. Si le quart de ce qui se passe aujourd’hui s’était passé il y a quinze ans, les rappeurs auraient bougé et se seraient manifestés. Aujourd’hui, tout le monde est un peu dans le chacun pour soi. De Kery B à Mouhammad Alix, de Hardcore à Racailles en passant par Savoir et Vivre Ensemble, on peut définir ton Rap comme engagé, contestataire, ce qui est une des première vocations du Rap après le fait d’être de la musique. Ressens-tu d’abord l’envie de faire de la musique ou de partager tes opinions? En principe, parler de rap engagé devrait être un pléonasme. C’est comme ça que j’ai connu cette musique, elle est censée être la voix des sans voix et devrait toujours être engagée,

À la vue du climat social, un morceau à l’image de 11’’30 contre les lois racistes ne ferait-il pas du bien au Rap français? Car tu serais un des rares à pouvoir fédérer une grande partie des rappeurs, toutes générations confondues. Il y a Musique Nègre sur mon album avec Youssoupha et Lino qui est une réponse à Henri De Lesquen qui avait déclaré, lorsqu’ils ont 21


FOCUS Ton discours est toujours d’actualité, mais nous avons pu constater avec le temps que les beaux propos ne suffisaient pas. À titre individuel, tu es engagé dans un rôle social avec la bourse que tu as créée par exemple (ACES - Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir - 2007). Comment entrevois-tu les solutions? Non seulement les choses n’ont pas changé mais elles se sont empirées. Aujourd’hui la parole raciste en France s’est complètement décomplexée.

ce qui ne veut pas dire que je renie l’égotrip mais ce n’est pas pour moi son sens premier. Je ne sais pas faire de la musique autrement que ce que je fais, il y a toute une partie de la population française qui n’a pas l’occasion de prendre la parole, j’essaie donc de le faire pour eux, j’utilise le Rap comme un vecteur.

“Je suis discriminé en tant que Noir, en tant que banlieusard,en tant que musulman... même en tant que rappeur...” Né aux Abymes, tu es d’origine haïtienne, tu as grandi en France, et c’est l’islam que tu as adopté à l’âge adulte. Ce sont ces identités multiples à contre-pied de ton environnement qui ont construit ta force à représenter ces sans voix. C’est vrai que tu portes mon attention sur quelque chose que je n’avais pas remarqué auparavant. Mon parcours est vraiment atypique. Qui aurait pu penser que je sois celui que je suis aujourd’hui. Ma mère a voyagé de Haïti en Guadeloupe alors qu’elle était enceinte, ensuite en métropole, c’est ce qui me permet aussi d’accumuler des richesses et de me sentir concerné par plusieurs combats à la fois. Si tu parles de discrimination en France, je suis discriminé en tant que Noir, en tant que banlieusard, en tant que musulman… même en tant que rappeur et tout cela fait qu’il est très peu probable que je fasse une musique qui ne soit pas engagée.

Il y a un peu plus d’un an, Lino me disait exactement la même chose (LOUPE#5). Juste avant ton appel, j’ai reçu un mail qui expliquait que le Maire de Béziers se plaignait du fait qu’il y avait trop d’enfants musulmans. Il disait que dans une classe il 22


MUSIQUE y avait 91% d’enfants musulmans et parlait d’un seuil de tolérance dans ce pays. Il est maire et peut dire ce qu’il veut. J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas confondre la classe politique, les médias et le peuple français. L’intérêt des deux premiers se trouve dans la division, celui du peuple est dans l’unité et la cohésion. Il faut que chacun à son niveau essaie d’apporter sa pierre à l’édifice, je ne crois pas aux politiciens, comme je le dis dans Racailles, je crois au réveil citoyen, à ceux qui font des actions sociales sur le terrain au quotidien, à l’éducation. 2017 sera l’année des Présidentielles, un nouveau cap dans ton engagement? Je continue avec ce que je sais faire. Là, j’ai écris une pièce de théâtre que je vais jouer en 2017 au théâtre du Rond Point. Elle aura un certain écho politique. Je raconte l’histoire de deux futurs avocats qui se retrouvent en finale du concours d’éloquence de La petite conférence et débattent sur la question: “L’Etat est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France?” Un jeune Noir (que j’interprète au théâtre) répond non, un jeune Blanc répond oui et fustige l’Etat. J’essaie de prendre à contre-pied les clichés et de poser des questions qui seront sûrement soulevées pendant les présidentielles. Le fil conducteur est le message et j’utilise différents véhicules pour le transporter. Sur ton album on retrouve Medelin à la prod… Fifou à la photo. Une ambiance Illicite Projet? Sur mon album précédent (Dernier MC), ils avaient composé le morceau La Mort Qui Va Avec et sur celui-ci, ils ont fait le morceau Pense À Moi. Ils se sont professionnalisés, ils ont toute une équipe avec des musiciens, des chanteurs, ce sont d’ailleurs eux qui m’ont présenté Madame Monsieur.

&

CARAIBEEN BOXING CLUB

DE SAINT-FRANÇOIS VOUS PROPOSENT UN STAGE DE

BOXE THAÏLANDAISE AVEC

FABIO PINCA (3 TITRES DE CHAMPION DU MONDE WBC)

LES 15 & 16 OCTOBRE 2016 AU GYMNASE MUNICIPAL DE SAINT-FRANÇOIS RENSEIGNEMENTS et INSCRIPTION Erikc Anselme: 06.90.424.300 CARAIBEEN BOXING CLUB


FOCUS Il y a pour moi deux ambiances qui ressortent vraiment sur l’album. Il y a un côté grand public et les morceaux Rap que l’on ressent vitaux pour toi. Le fil conducteur c’est le message. Cela ne m’a jamais dérangé de changer la forme, de travailler avec des musiciens, des chorales, pour moi ce n’est pas la forme qui est la plus importante, ce n’est pas ça qui fait Kery James. Quelque soit l’issue, je pense que j’ai livré un gros album et il y en a pour tout le monde, sans que ce soit une compilation.

Leila Sy est ta Directrice Artistique depuis une dizaine d’années, comment expliques-tu cette alchimie? Déjà, elle a beaucoup de talent. Je pense que c’est un génie de l’image et que n’importe qui travaillant avec elle pourra s’en rendre compte. Elle dira que je lui donne la matière qui lui permet d’exprimer ce génie, mais moi je pense qu’elle pourrait le faire avec quasiment n’importe qui. Ça a été une rencontre très importante pour moi, depuis 2008 elle s’occupe de toute l’image, c’est elle qui a réalisé presque tous mes clips et ce sera aussi la réalisatrice de mon premier long-métrage que j’ai écrit. La pièce de théâtre est basée sur le scénario du long métrage mais sortira avant.

“Celui qui maîtrise la langue d’un peuple est sauf de ses injustices” Tes morceaux sont toujours caractérisés par cette élocution qui te distingue, avec une diction parfois proche de la poésie. As-tu pris des cours pour apprendre à poser tes textes de façon aussi claire? En fait, j’ai toujours eu le souci d’être compris. Si l’on prend la parole c’est dans l’objectif d’être compris (rires). J’ai toujours essayé d’avoir une élocution qui soit compréhensible, certains diront que j’abuse un peu mais je ne m’adresse pas qu’à des gens qui savent écouter du Rap et ceux-là auront toujours l’impression que je vais trop vite. Tu as tourné hier le clip de Musique Nègre avec Lino et Youssoupha. Pourquoi eux ? Parce qu’il me fallait deux “lyricistes”. Ils ont une belle plume et ont toujours été engagés. Lino a toujours été concerné par la cause noire, et le dernier album de Youssoupha s’appelle Negritude, c’était presque évident.

Cette maîtrise de la langue est-elle selon toi un critère de pouvoir dans notre société? Bien sûr. Un jour, je suis entré dans une boulangerie, je ne sais plus pourquoi le boulanger m’a dit ça mais il m’a parlé en arabe et affirmé que “celui qui maitrise la langue d’un peuple est sauf de ses injustices”. 24


MUSIQUE

KERY JAMES Facebook: Kery James 25


Le n 1 de la Basket SPÉCIA L RENTRE É DES CLASSE S

ÉGALEMENT DISPONIBLE

SPORT ACTION

C.C. DESTRELAND 97 122 BAIE-MAHAULT 05.90.26.16.20

SPORT ACTION KID’S C.C. DESTRELAND 97 122 BAIE-MAHAULT 05.90.99.00.71

SPORT ACTION

SPORT ACTION 124, RUE FRÉBAULT 97 110 POINTE-À-PITRE 05.90..21.22.45


GRAND ANGLE

RÉALISATEUR fabricant D’IMAGEs par Ceebee & Mr. Chung est le premier regard qui fait l’image: celle que nous avons de l’Autre, celle que la société se fait d’elle-même et celle qu’on lui renvoie. Le clip, le long ou le court-métrage, le spot publicitaire, le documentaire constituent des documents contemporains de la mémoire collective. En transgressant ou en réinventant des règles, ils peuvent aussi devenir objets de polémique, surtout quand la mémoire a été occultée (guerres coloniales, persécutions, violences d’Etat…) La dimension politique et sociale d’un film n’est pas toujours la clé de son succès, mais nous avons tous en mémoire une œuvre qui a façonné ou renversé nos convictions. A cela s’attachent les réalisateurs que nous avons retenus pour notre dossier.

Nous vivons dans une société de l’image. Notre œil est sollicité en permanence par des représentations qui se veulent de plus en plus réalistes, pour nous séduire, nous convaincre et nous informer, parfois en en quelques minutes seulement. L’invention du cinématographe des frères Lumières est très vite devenue une machinerie illusionniste. Le réalisateur, qui dirige la fabrication d’œuvres audiovisuelles, raconte une histoire dont le scénario suit sa propre logique spatiotemporelle. Il suggère une impression de réalité tout en nous entraînant dans l’imaginaire. Fabriquant de rêves éveillés, il véhicule aussi des idées auprès d’un public moins restreint que le théâtre ou la littérature. Le réalisateur 27


GRAND ANGLE


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS

JEAN-CLAUDE

BARNY

LE GANG DES ANTILLAIS

Figure emblématique du cinéma antillais, Jean-Claude Barny puise dans ses racines et ses convictions pour construire un cinéma afro-caribéen. Avec le Gang Des Antillais qui sortira dans les salles le 15 octobre prochain, il signe une nouvelle fois une oeuvre qui atteste de l’authenticité de sa démarche.


GRAND ANGLE Comment est née ta passion pour la réalisation? Comme beaucoup d’entre nous, elle est née en se créant, enfant, un monde presque imaginaire en parallèle, où tu te réfugies quand autour de toi cela ne va pas. Tous les artistes créent cet univers parce que ce qui les entoure ne leur convient pas forcément. J’allais beaucoup au cinéma, je regardais les films de Kung Fu, les Westerns, les films italiens de la Nouvelle Vague, qui racontaient la vie sociale… J’ai trouvé cela assez magique, ce moyen de communication qui nous permettait d’être intégrés à quelque chose que quelqu’un avait décidé. C’est ce qui a été déterminant pour moi, l’image est devenue très vite un outil fascinatoire. J’ai eu envie de raconter à mon tour ce que j’avais à dire.

Que ressens-tu derrière l’objectif? Déjà, j’ai beaucoup de chance, je considère cela comme précieux. Sur mes plateaux, il y a toujours un mélange de rigueur et de bonne humeur, un côté “funky”. Il y a quelque chose de fluide, d’évident. Que ce soit avec Tropiques Amères, Rose et le soldat ou Le Gang des Antillais, tu portes toujours ton regard sur l’histoire antillaise. Dans quel but? Tu te rends compte au bout de trois ou quatre films que tu travailles sur les mêmes sujets. Aujourd’hui, je peux me retourner et voir que mes films ont toujours cette thématique afrocaribéenne, beaucoup plus large que nos Antilles francophones. C’est une sorte de mouvement qui nous a entraînés dans l’Histoire et j’ai l’opportunité de faire des films là où il y a parfois déficience. Nous avons encore très peu de narration filmographique sur nous, il y a eu des documentaires, des livres, quelques belles pièces de théâtre. Sur Internet, il y a eu une vraie prise de conscience et ce média a été pris d’assaut, on trouve beaucoup de sites, d’informations sur les Afro-Caribéens.

“Je n’ai jamais été abandonné, ni par les comédiens, ni par les producteurs” Ton premier souvenir d’une caméra dans la main? C’est en tant que réalisateur que j’ai commencé à tenir une caméra. Je suis d’abord passé par la photo, à l’âge de 17/18 ans j’avais toujours un appareil dans les mains, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Mon ordinateur est rempli de photos, j’ai du mal à les effacer. Chaque instant pour moi est mémorisé, cristallisé.

Par qui es-tu conseillé pour t’informer sur ces différentes périodes historiques? J’ai la chance d’être entouré de vrais spécialistes, moi j’ai seulement des compétences de mise en scène. J’ai fait en sorte très tôt que les scénarios soient crédibles d’un point de vue historique, pour ne pas qu’ils puissent être contestés. En face, on ne nous fera pas de cadeaux si nous n’avons pas cette crédibilité. 30


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Tu participes également à l’écriture des scénarios? Au début, j’écrivais beaucoup plus que maintenant, il y a des gens dont c’est le métier. J’accompagne vraiment l’écriture, pour que cela soit comme j’en ai envie, pour tous mes films.

difficulté a été de garder le côté innovant de ce projet, sa fraîcheur. Le sujet était tellement original qu’il est resté vivant, même si c’est une histoire qui se déroule dans les années 1970. Pourquoi ton choix s’est-il porté sur cette histoire? J’ai rencontré l’auteur, Loïc Léry, au moment où je venais de faire Neg’marron, c’était comme si j’avais rencontré un personnage historique, un monument. Il a fait quelque chose d’historiquement inconnu pour notre communauté et m’a donné ce qu’il fallait pour faire le film, un personnage romanesque comme Robin des Bois, Mesrine, Guillaume Tell… Pour moi, Le Gang des Antillais c’est une légende. Quand j’ai travaillé sur La Haine, les gens sur le tournage savaient qu’ils étaient en train de faire quelque chose de fort. C’était la même chose pour nous. Notre conviction était sans faille.

Le Gang des Antillais est un projet de longue date, qui a connu semble-t-il beaucoup d’obstacles à sa réalisation. Lesquels? Comment l’expliques-tu? Ce film a été cherché alors que personne ne voulait nous le donner, je suis allé le chercher “au couteau”, avec les gens qui voulaient m’accompagner jusqu’au bout pour le faire. Je n’ai jamais été abandonné, ni par les comédiens, ni par les producteurs… Il avait une force en lui que je ne contrôlais plus. Il y a beaucoup de bons réalisateurs et de bons projets, mais il y a tellement d’obstacles, il faut pouvoir faire vivre sa famille… La

31


GRAND ANGLE Quels étaient tes critères pour le casting? J’ai voulu choisir les meilleurs comédiens afro et pas seulement antillais pour incarner chaque personnage. Le Gang a dépassé les clivages communautaires. Aujourd’hui, notre énergie pour faire connaître notre histoire est de vampiriser les autres. On nous a envoyé l’image d’ailleurs, l’image des autres a envahi notre mental. Et bien faisons le contraire, envahissons les autres et donnons-leur notre vision.

rencontrés on avait envie de participer à une construction de ce que pouvait être l’outil cinématographique, au service des idées qu’on avait. C’est comme une confrérie d’artisans, quand on construit sur quelque chose de complice, vingt ans après nous sommes toujours les mêmes dans le combat. Ce n’est pas un style, c’est un combat que tu mènes au nom de tes convictions. C’est un peu la même chose que des hommes politiques qui font partie depuis quarante ans du même mouvement. Quand tu vas quelque part et que tu y crois, tes films ont tous cette verve-là.

“Je veux montrer ma communauté de la façon la plus authentique et la plus sociale possible” Quelles sont tes convictions? Elles sont humanistes et communautaires. Je viens d’une communauté qui a subi des traumatismes, a été piétinée, je fais partie de cette génération des banlieues qui était considérée comme “le paillasson des Français“ Les Antillais y étaient considérés ainsi, ils n’avaient pas fait leur Révolution comme les Algériens ou les Africains, mais ils n’étaient pas mieux logés qu’eux en venant de départements français, et pourtant, on se sentait supérieurs. Il fallait que je fasse des films qui remettent un peu de plomb dans la tête des gens, qui leur montrent ce qu’on est réellement, c’est cela mes valeurs. Je veux montrer ma communauté de la façon la plus authentique et la plus sociale possible.

Ce n’est pas seulement une question d’origine mais aussi un ordre social. Un film comme La Haine est aussi engagé sur le thème des communautés que Neg’marron par exemple. Exactement. On retrouve Mathieu Kassovitz avec lequel tu avais déjà travaillé pour La Haine, qu’est-ce qui vous rapprochent, votre envie de traiter de sujets qui “dérangent”? On se connaît depuis un bail et ce qui n’a pas changé, c’est que lorsqu’on s’est 32


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Où as-tu grandi? A Pointe-À-Pitre jusqu’à l’âge de 6 ans, puis dans le 95. J’ai été élevé par une mère très engagée politiquement qui m’a transmis cette passion. Elle faisait partie de cette génération d’Antillaises qui auraient pu défiler avec Martin Luther King, car très tôt elles ont lutté contre toutes les discriminations qu’elles pouvaient subir. Elle est partie au moment du BUNIDOM et s’est pris “une claque raciale”. Elle voulait élever ses enfants dans une sorte d’utilité.

à force d’être exclus, beaucoup d’Antillais ou d’Africains ont créé leur économie, je pense aux vêtements, aux produits capillaires… C’est l’idée de se prendre en main. Mais de plus en plus on essaie de les séduire, pour les remettre dans la consommation générale. Et il faudra être forts, en disant que l’on peut consommer, mais en étant représenté avec valeur, en fabriquant sa propre image, en donnant une sincérité, une humanité à tout cela. Récemment le rappeur Snoop Dog s’est insurgé contre les films ou les séries sur l’esclavage aux Etats-Unis, prétextant qu’à force de regarder le passé, on ne se concentrait pas assez sur les problèmes du présent (violences policières, pauvreté…) Qu’en penses-tu? L’histoire est simple. Ce qui a tué le cinéma africain, qu’il soit ivoirien, burkinabé…, c’est qu’il était produit par la France via le CNC. Les

Y a-t-il des obstacles (donc de nouveaux challenges) à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Aujourd’hui, ce qui est paradoxal c’est que nous sommes à un tournant. On se rend compte que la communauté afro est économiquement viable, elle consomme, elle crée une économie parallèle que beaucoup de sociétés veulent happer. Car

33


GRAND ANGLE seuls films qui étaient produits étaient ceux qui racontaient le village. Ceux qui pouvaient contester la France coloniale ou le pouvoir en place n’étaient pas produits. De ce fait, toute une génération de réalisateurs talentueux n’a pas émergée car ils ne rentraient pas dans le format. On voulait un cinéma africain tribal, qui parlait de la polygamie… Effectivement il ne faut pas une concentration excessive sur les seuls sujets historiques car d’autres

super héros… Le cinéma est une question de positionnement et d’angle de vue. Tu peux ne prendre qu’un seul point de vue ou en montrer plusieurs, tout dépend de ce que tu veux mettre en avant. Malheureusement, il n’y a pas la désinhibition suffisante pour le faire. On nous a induits en erreur sur le territoire caribéen, on nous a fabriqués et maintenant il faut “brûler” cette éducation qu’on nous a mise en tête pour repartir à zéro. C’est une prise de conscience, se rendre compte que la forme de pensée que tu as est néfaste pour ton évolution. C’est un travail qui n’est pas aidé par celui qui te contrôle, chaque jour tu vas faire deux pas en avant mais la télé va t’en faire faire quatre en arrière!!! Le cinéma c’est aussi reconsidérer et révéler le formatage que l’on a subi. Moi, il y a des films qui m’ont fait avancer, comprendre.

“Mon univers est vraiment afrocaribéen, afromaghrébin. C’est mon patrimoine, ma Terre...” Le Gang des Antillais est basé sur un roman autobiographique et tu as aussi travaillé avec Patrick Chamoiseau. Es-tu un lecteur assidu de littérature antillaise? Je lis beaucoup de livres qui font référence à la géopolitique, au combat humain. Mon univers est vraiment afro-caribéen, afromaghrébin. C’est mon patrimoine, ma Terre, ce qui ne m’empêche pas de respecter les autres. On a fait en sorte de nous séparer, les Martiniquais et les Guadeloupéens par

sujets contemporains passeraient à l’as et méritent d’être traités. Je pense aux sujets abordés par Spike Lee qui ont fait résonnance car l’Américain moyen pouvait tout de suite se sentir concerné. Si l’on concentre effectivement tout sur l’esclavage, cela ne valide pas notre modernité. Mais certains ont compris que la demande est forte. Un film comme Creed par exemple nous aide à avancer dans l’inconscient, on a dit pendant longtemps que le Noir ne pouvait pas être un 34


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Le film sort avec une Bande Originale inspiré du film. De quelle manière es-tu investi dans ce projet? Une bande originale qui est magnifique. Tous les artistes ont vraiment composé pour le film. Il y a Saïk, Lino, Gato Da Bato, Bridjathing, Keros-N, Ben L’Oncle Soul avec Talib Kweli. C’est le même producteur BKS a.k.a. James Edjouma pour toute la musique, ce qui lui donne son unité. J’ai fait une liste de tous ceux que j’avais envie d’avoir, qui font déjà un travail conscient, pour mettre en avant leur talent. Il n’y a pas de “business”, c’est dans l’énergie du film.

exemple, on nous a empêché de commercer, de fusionner, pour ne pas nous révolter contre l’oppresseur. Pourquoi est-ce que l’on ne se sentirait pas les mêmes? Qu’estce que l’on a de plus que l’île d’en face? Ce sont des graines que l’on a semé dans notre esprit, nous diviser pour mieux régner. Ton fils Timour a un rôle dans le film, comment a-t-il vécu cette expérience? Souhaiterait-il lui aussi travailler dans le cinéma? Pour moi il était important de le faire intervenir dans le film pour la transmission. On prépare notre futur, on rattrape lentement notre retard et j’aimerai qu’il prenne de l’avance. Intervention de Timour: C’est une expérience unique, cela faisait un moment que j’attendais cela. Mais je ne pense pas que j’irai démarcher pour travailler dans le cinéma.

Tu t’occupes de la promotion en ce moment? Je termine la bande-annonce et l’affiche. Une belle tournée se prépare car le film a été demandé par la diaspora africaine de Montréal, New York, d’Afrique du Sud… Nous devons nous étendre et ne pas simplement rester dans le “lokal”.

JEAN-CLAUDE BARNY Facebook officiel: Jean-Claude Barny 35


GRAND ANGLE

CHRIS

MAcaRI TCHIMBÉ RAID

Natif de la Martinique, passionné par l’image et la nature, Chris est devenu en quelques années un acteur incoutournable de l’univers du clip musical.


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS


GRAND ANGLE Comment es-tu venu à t’intéresser à l’image? Je regardais beaucoup de publicités et de films, de séries, quand j’étais enfant, plus que des dessins-animés. Je dessine depuis mon plus jeune âge. Un de mes premiers dessins représentait le décollage d’un hélicoptère, avec l’herbe en mouvement…ma mère me le rappelle souvent.

Justement, c’est aussi chez The Source où tu t’occupais de la rubrique du Mot de la Fin (rubrique qui consistait à porter en dérision l’artiste en couverture) que tu avais fait ton premier travail sur Booba. Est-ce que tu dessines encore? Cela fait un bail que je n’ai pas dessiné mais je m’y remettrai quand je serai en vacances à la fin de l’année. Parfois ça me manque, parfois non. Mais j’ai quand même dessiné la tête de Pharaon comme modèle pour mon tatouage du bras droit (Big Up à Caribbean Art Tattoo d’ailleurs).

“Ce sont tous les clips de Rap que je voyais sur BET, ceux de Hype Williams particulièrement...” Comment est née ta passion pour la réalisation? Ce sont tous les clips de Rap que je voyais sur BET, ceux de Hype Williams particulièrement… C’est ce qui m’a donné envie de faire de la réalisation. En même temps, tous les films que j’allais voir avec mes parents m’intriguaient, j’étais curieux de savoir comment on réalisait. Mon père m’avait acheté une mini-DV, je faisais des vidéos personnelles sur la Martinique, ma famille…J’ai appris quelques techniques et astuces avec des logiciels, pour faire des effets spéciaux etc. Mes parents m’ont toujours encouragé et fait confiance, même si cela peut faire un peu peur car c’est un métier dans lequel il n’y a pas de sécurité. Mon cousin voyait ce que je faisais chez moi, il était dans un groupe de Rap et je leur ai fait un premier clip, un deuxième etc… J’ai fait mon site Internet

Quelle est ta formation? J’ai fait l’école Penninghen (cinq ans), j’ai un Master de Direction Artistique et de Concepteur Graphique. On m’avait auparavant refusé en section Arts Plastiques au Lycée de Bellevue, je n’avais pas suffisamment un profil artistique selon eux! Donc je suis allé en section Economie, parcours classique. Je voulais être mon propre patron, je suis passé par The Source France (magazine de Hip-Hop, NDLR), pour manger un peu (rires), mais j’ai tout appris tout seul. 38


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS personne de la société, j’ai demandé à partir avec une indemnisation. Grâce à cet argent j’ai pu créer ma société de production, Tchimbé Raid en 2006.

et je suis allé voir des artistes Zouk que je connaissais pour leur présenter mon travail. J’ai fait beaucoup de clips de zouk. Ton premier souvenir d’une caméra dans la main? En novembre 2003, j’ai participé au tournage et au montage pour un groupe de Rap du 77 qui s’appelle Baguioz.

Ce nom revendique aussi ton identité antillaise? Exactement. Tchimbé Raid, c’est le courtmétrage que j’avais fait pour ma thèse en 2003. J’ai toujours aimé ce mot car c’est le terme que mon père utilisait pour me dire de garder la pêche, de “tenir le coup”. C’est un mot qui m’est cher.

Quand et pourquoi as-tu créé Tchimbé Raid? Officieusement en juin 2004, c’est parti d’une déception personnelle et en même temps d’une rage de m’en sortir. Je signais “Tchimbé raid” à chaque fois que je faisais un clip. C’était une époque difficile, je m’en sortais comme je pouvais. J’étais ensuite en CDI dans une société d’audiovisuel et je travaillais sur une émission hebdomadaire pour Clara Morgane, qui à l’époque venait de créer sa ligne de lingerie. A cause d’une mésentente avec une

Tu réalises tous les clips de Booba depuis 2009, comment vous êtes-vous rencontrés? J’ai réalisé 95% des clips de Booba depuis 2009. 50 clips pour être précis. Je l’avais rencontré au salon de l’auto à Versailles en 2004. Je ne pense pas qu’il s’en souvienne mais j’étais allé lui parler. Je l’ai revu au Quai

39


GRAND ANGLE Interviens-tu en dehors de la réalisation de clips? Dernièrement sur la tournée de Bercy, je suis intervenu sur la scénographie visuelle du concert. D’ailleurs je remercie Anne Cibron et Ben Jourdain de m’avoir donné cette opportunité. On a travaillé avec deux autres graphistes, Cédric Richer et Michel Cuertas, pour insérer des vidéos à certains morceaux.

54 à Paris et lui avais laissé ma carte de visite. Il m’a contacté en décembre 2008, pendant les vacances de Noël et m‘a demandé si j’avais écouté son album 0.9, si je voulais réaliser un clip et le morceau que je préférais. J’ai répondu Game Over, ça tombait bien, c’était celui qu’il voulait tourner. Comment procédez-vous dans votre collaboration? Il me laisse m’exprimer, surtout sur les clips scénarisés, de type court-métrage. Si c’est plus attitude, “égo trip”, il me dit quelles sont ses idées et on en discute. On échange et communique beaucoup, c’est ce que j’aime chez lui. La plupart des artistes avec lesquels je travaille ont leur manager ou leur chef de projet mais lui non, il m’appelle directement et je sais exactement ce qu’il veut, il n’y a pas d’intermédiaires et donc pas de risque de mauvaise compréhension.

Ce sont toujours tes images que tu utilises dans tes clips, comme dans les premières secondes de Comme Les Autres? Non, la plupart du temps ce type d’images viennent des stocks shots, j’ai mélangé les deux pour ce clip. Sinon, je préfère utiliser mes images. Beaucoup de réalisateurs vont avoir recours à un premier assistant pour être derrière la caméra, et toi, tu préfères être en première ligne? Cela dépend des clips. Sur les clips à gros budget, je fais appel à un assistant mais sinon je me débrouille tout seul. Aujourd’hui, les budgets sont restreints et cela devient difficile de faire appel à des assistants.

“Je suis content de faire des clips militants mais aussi de montrer que je peux faire autre chose.” Tu as pu t’exercer à la pyrotechnique, aux effets spéciaux, travailler avec des animaux sauvages. Le clip te permet de développer ta palette de réalisateur ou astu d’autres objectifs ? Le clip m’a vraiment aidé à m’exercer. En 2013, j’ai fait un court métrage, La mort leur va si bien. Le clip m’a permis d’aller plus vite, d’être

Tu disais il y a quelques années que tu le considérais comme un grand frère, avec le temps ce rapport est-il toujours le même? Je le considère toujours comme un grand frère, un mentor. Il m’a donné beaucoup de conseils, m’a averti, il a toujours été là pour moi. C’est comme s’il faisait partie de ma famille. 40


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Booba me disait que vous aviez tourné Salside en 5 minutes… Y a-t-il un travail de fond, de préparation ou est-ce dans la spontanéité? On a tourné Salside en une après-midi, ça a été très spontané. Booba m’a envoyé le son, on a trouvé les idées ensemble. On a tourné Pinocchio en même temps que Salside. Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il a toujours des références, des images très fortes, il me permet de faire cela, de faire de petits clins d’œil sur l’histoire comme avec Salside.

sûr de moi. Le clip est un outil d’observation et d’entraînement. Je ne peux pas encore dire à quoi cela va me servir, je préfère garder un certain suspens… Tu baignes aujourd’hui dans le domaine musical mais tu prépares également un long métrage. Peux-tu nous en parler? Peut-être (rires). On voulait continuer La mort leur va si bien en long métrage mais il y a eu des petits soucis de production. Pour l’instant, c’est en stand-by. Mais je ne suis pas fermé à d’autres propositions, les choses se dérouleront tranquillement.

Avec un tel rythme, ne crains-tu pas de perdre, non pas en qualité, mais une partie de ton identité visuelle? Non, cela m’entraîne. Les nouveaux réalisateurs en font beaucoup plus. J’ai fait un clip dernièrement pour Kendji Girac qui fait de la variété française, c’est l’un des plus gros

Est-ce que réaliser des documentaires ou des publicités fait partie de tes objectifs? Oui, il faudrait que les agences me fassent confiance. J’ai déjà fait quelques pubs récemment pour de l’audio, du matériel informatique.

41


GRAND ANGLE vendeurs, sa musique touche des millions de personnes et son label était très content du clip. Quand il est sorti, les gens étaient choqués que Chris Macari puisse faire autre chose que du Booba…

non plus pleurer sur notre sort. Il faut se battre pour avancer et être considérés comme égaux, cesser de nous quereller. Il faudrait vraiment que je pose ces idées un jour dans un documentaire ou un film.

Cela ne te pose pas de problème de travailler pour des artistes qui sont loin de tes affinités musicales? Je suis content de faire des clips militants mais aussi de montrer que je peux faire autre chose. J’ai une assise qui me permet d’être à l’aise dans mon domaine.

Quels sont les atouts d’un bon clip selon toi? L’image aide la musique. Les clips esthétiques, si cela ne va pas avec le son, cela ne va pas apporter grand-chose. Un bon clip, c’est un clip que l‘artiste valide, dont le réalisateur est fier et qui est plébiscité par le public. Dès que le clip sort, il doit “donner une gifle” au public.

“j’aime la nature et les animaux. j’ai regardé beaucoup de documentaires animaliers dans ma jeunesse.” Un très beau clip peut-il faire le succès d’un morceau “très moyen” musicalement? Il y a des sons d’artistes qui ne passaient pas très bien aux oreilles du public mais le clip a permis d’apprécier le morceau. Cela m’est arrivé souvent. Il y a aussi des morceaux que les gens n’arrivent plus à écouter sans le clip.

Tu travailles également beaucoup avec Kalash, un artiste martiniquais comme toi. Était-ce une évidence de travailler ensemble? Je ne sais pas si c’est une évidence mais il est fort et pour moi c’est comme un frère ou un cousin, même si on ne se voit pas trop. Je le suivais déjà depuis quelques années et son évolution est impressionnante, c’est même fou… Je suis fier de lui car il illumine notre petite île de la Martinique et le reste des Antilles-Guyane.

Y a-t-il des obstacles à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Oui, si par exemple on avait tourné un clip de rue avec des armes à feu ces deux dernières années, cela aurait choqué les gens après les attentats. Il y a des choses qu’on peut se permettre durant certaines périodes et d’autres moments où il faut respecter. C’est mon avis en tout cas.

Quelles sont tes convictions? Je sais que mon peuple a souffert et n’a pas encore été dédommagé, mais il ne faut pas 42


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Dans quels univers puises-tu ta créativité? Beaucoup dans le cinéma et les documentaires. Cela se ressent dans mes clips, j’aime la nature et les animaux. J’ai regardé beaucoup de documentaires animaliers dans ma jeunesse, j’ai voyagé. Mon univers se développe autour de cela. Il y a aussi une touche africaine et antillaise, je n’ai pas honte de mes origines.

je citerai Man On Fire, Traffic, Interstellar, Transformers, The Dark Knight, Inception, Training Day, The Book of Eli, John Q, Crazy Stupid Love, Drive, Heat, Miami Vice. Côté séries Narcos, Rick Hunter, Ray Donovan, The Wire, Vikings, Les Experts-Miami et j’en passe, tu vois c’est vaste. Tu habites à Paris maintenant, ton île ne te manque-t-elle pas? J’ai fait le choix de rester à Paris car j’ai beaucoup d’opportunités ici mais cette ville commence un peu à me lasser donc je compte voyager ou partir mais chaque chose en son temps.

Quelles sont les réalisateurs, les films, les séries que tu aprécies? Tony Scott, Ridley Scott, Spike Lee, Zack Snyder (300, Man of Steel, Batman Vs Superman), Antoine Fuqua, Ben Affleck, Michael Mann, Michael Bay…Les films, il y en a trop mais

CHRIS MACARI Facebook officiel: Chris Macari Films

Site Officiel: www.chrismacari.com 43


GRAND ANGLE


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS

LEILA SY HIP HOP STORY

De ses débuts dans la photographie et le graphisme à son épanouissement dans la réalisation, Leïla a participé à la grande Histoire du Rap français. Toujours avec passion et un oeil singulier, elle compose l’image d’une génération riche de sa mixité.


GRAND ANGLE Comment es-tu venue à t’intéresser à l’image? Ma mère travaillait beaucoup et a eu l’intelligence de m’inscrire, ainsi que mon frère et ma sœur, à de nombreux cours après l’école. J’ai fait de la musique, de la danse, des claquettes, du dessin. Ma grand-mère m’amenait souvent au musée, voir beaucoup d’expositions. Elle-même dessinait aussi. C’est comme cela que je me suis intéressée à l’image.

pour le dessin, les enseignants et les élèves m’ont renvoyé une très bonne image de moimême, et cela a été un vrai basculement. J’ai appris à être plus précise dans ce que je voulais faire passer comme idées à travers l’image. Quel a été ton parcours artistique jusqu’à la réalisation? C’est un parcours de passionnée. J’ai eu la chance de découvrir les pratiques artistiques très jeune. Je suis tombée dans la danse à l’âge de 8 ans, ma professeure était francoaméricaine et nous passait les premiers sons Hip-Hop, le WuTang etc. C’est par le biais du milieu Hip Hop que j’ai rencontré David Dancre qui a lancé le magazine Track List, j’étais encore à l’école et il m’a demandé de travailler comme photographe et graphiste. Je réunissais deux de mes passions, le son et l’image. Nous parcourions la ville, les quartiers, les concerts, nous rencontrions beaucoup d’artistes. Il y avait à l’époque dans notre équipe Noé Two, Obsen (Charles Eloidin), et d’autres personnalités brillantes. Cela a été une période très importante pour moi. La base de tout ce que j’ai développé par la suite.

“ Quand on réalise un clip, il y a déjà un morceau et un artiste qui transmet une intention.”

Tu es diplômée de l’école Penninghem, une référence dans le domaine des Arts Graphiques, qu’as-tu appris dans cette école? Déjà, j’ai appris à avoir confiance en moi. J’ai fait toute ma scolarité dans de très bons établissements du quartier latin, où à l’époque, il y avait très peu de métissage. Je me suis confortée au dernier rang, j’ai grandi dans la contradiction en affirmant de cette manière ma différence. Avec le recul, ce n’était pas la meilleure chose à faire, j’ai perdu du temps. En arrivant à l’école Penninghen, ayant des facilités

Tu travaillais beaucoup sur de l’image fixe, comme “photographiste”, comment s’est faite la transition vers l’audiovisuel? Après Track List, j’ai travaillé pour The Source. Les Américains nous ont contactés car ils voulaient développer le magazine en 46


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS France, puisque la scène Hip Hop était déjà très importante. Dans le Hip Hop, il y a le son, l’image, la danse, et la danse c’est le mouvement. J’ai endossé le titre très prestigieux de Directrice Artistique, incluant beaucoup de responsabilités. J’ai dû apprendre à déléguer, c’était déjà un glissement vers la réalisation car il faut savoir travailler avec les équipes et faire converger les énergies. J’étais présente sur les séances photos mais juste en étant un œil qui repère, les meilleurs décors, les meilleures scènes... J’ai fait un petit break lorsque je suis devenue maman, j’ai eu deux enfants. Un jour, Kery James est venu vers moi car il avait besoin de faire un teeshirt. Cela s’est tellement bien passé qu’il m’a ensuite demandé de réaliser

son clip. J’ai saisi l’opportunité et j’ai donné le maximum. C’était parti, j’avais attrapé le virus des plateaux. C’est un travail très prenant, mais à l’arrivée, c’est une trace que je laisse et qui me permet d’être engagée dans un milieu que j’apprécie énormément. Ton premier souvenir d’une caméra dans la main ? Que ressens-tu derrière l’objectif ? J’ai appris à travailler “à l’ancienne”, aujourd’hui il existe beaucoup de réalisateurs orchestre qui sont en mesure de faire leur lumière, de cadrer, de monter, de faire les effets spéciaux. Le vrai souvenir, ce n’est pas lorsque j’ai tenu une caméra mais lorsque j’ai pris du plaisir à parler à mon chef opérateur (celui qui fait la lumière

47


GRAND ANGLE et tient parfois la caméra), à discuter avec les machinos, les électros, l’équipe beauté, les stylistes. C’est cet aspect que j’apprécie le plus, travailler avec une équipe et leur donner une place pour ensuite tous converger dans la même direction. Quand on réalise un clip, il y a déjà un morceau et un artiste qui transmet une intention. C’est assez chorale, c’est une aventure de groupe et non personnelle.

je suis bien. C’est ce que je recherche dans mon métier. Un clip, cela va vite, tes idées sont rapidement mises en forme. Même si l’artiste n’est pas commode, cela me demande une gymnastique, j’essaie de décrypter son univers, ses envies. Tu travailles également avec les LEJ, cela fait-il une différence de travailler avec un groupe féminin? Ce que j’aime chez Lucie, Élisa et Juliette, c’est que je me retrouve en elles, je retrouve une énergie. J’aime leur naturel. Elles ont des goûts déjà bien affirmés, ce ne sont pas des produits. On a le vecteur Hip Hop en commun. Je ne les vois pas comme des filles, tout comme lorsque je travaille avec des hommes, je les vois comme des alter ego.

Le premier clip que tu as réalisé était pour Kery James? J’ai coréalisé mon premier clip avec Chris Macari, qui fait partie des personnes qui m’ont permis de mettre le pied à l’étrier, c’était Le combat continue Part III. Puis j’ai coréalisé Banlieusards avec Gaël Cabouat (Fulldawa) qui m’a appris beaucoup sur le découpage.

“Avoir des gens autour de toi qui te comprennent, c’est très précieux...” Que cherches-tu à apporter à tous ces artistes en terme d’image? Déjà, lorsque je réalise un clip, je me mets une grosse pression. Cela peut aussi exaspérer les gens avec qui je travaille, je suis toujours passionnée, j’y mets beaucoup de sentiments. C’est un exercice de style compliqué avec de grandes ambitions et souvent des budgets serrés. Je le vois toujours comme un test, un exercice pour apprendre. J’apporte un regard féminin, parfois presque maternel. J’apporte aussi un regard de métisse. Ma technique, mon savoir et surtout mes équipes. Avoir des gens autour de toi qui te comprennent, avec lesquels tu es connectée, c’est très précieux et cela met du temps à se construire.

Tu baignes aujourd’hui dans le domaine musical, quels sont les artistes avec lesquels tu apprécies travailler ? Avec Kery James on a un lien artistique particulier. J’ai aussi eu la chance de travailler avec Lino. J’adore son tempérament, sa liberté, son côté “rue”. A partir du moment où l’artiste me laisse une marge de manœuvre, 48


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Tu interviens aussi sur les concerts, les tournées, quel est ton rôle dans ces moments-là? Je m’occupe de la scénographie, avec Kery James pour lequel je suis Directrice Artistique, on a fait le Zénith et Bercy ensemble. C’est comme un tournage mais en live, tu ne peux pas te louper. C’est extrêmement palpitant, cela allie le son, la lumière, le mouvement.

et se consume tellement rapidement. Bien évidemment, un très bon clip peut hisser un morceau très moyen. Par exemple le clip de Gangnam Style a obtenu des milliards de vues, alors que la musique coréenne n’intéresse pas le monde entier. Selon moi c’est l’univers du clip qui a beaucoup participé à son succès. Y a-t-il des obstacles à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Dans le dernier clip que j’ai fait pour Kery, Racailles, il y a des séquences de torture. Cela faisait longtemps que je voulais m’atteler à l’exercice. On s’était dit que cela ne passerait jamais à la télé et qu’on n’allait pas s’autocensurer, on nous a finalement demandé de faire des encodages par la suite pour la télévision. Parfois, on se met des barrières mais grâce au Net, tout devient possible.

Quels sont les atouts d’un bon clip selon toi? Il doit mettre en avant le morceau et apporter un autre niveau de lecture, même si ce n’est pas évident de le faire à chaque fois. Proposer des choses différentes, faire passer une émotion. Un très beau clip peut-il faire le succès d’un morceau “très moyen” musicalement? Je ne me permettrai pas de critiquer les artistes ou les autres. A notre époque tout va très vite sur les réseaux, tout se consomme

49


GRAND ANGLE Ta carrière professionnelle est jalonnée d’actes citoyens engagés, te considères tu comme une militante? Quelles sont tes convictions? J’ai tellement d’estime pour le mot militant que j’ai du mal à me définir comme telle. Pour moi, un militant c’est une personne qui s’engage au péril de sa vie parfois. A mon niveau, je fais ce que je peux mais je ne suis pas une

dans les quartiers. Moi, Française métisse, j’ai vécu le racisme dans le regard des autres. J’aimerais que les jeunes et les moins jeunes dans ma situation puissent enfin se sentir chez eux. Ce sont ces motivations qui nous ont amenés à créer Devoir de mémoire, trouver des raisons et des solutions solides pour qu’on ne soit plus considérés comme des citoyens de seconde zone.

“Le Hip Hop est comme un tuteur pour moi... ” On t’a également sollicitée pour jouer un rôle au sein de la future “Maison du Hip Hop” à Paris, est-ce que c’est une partie intégrante de ton identité dont tu ne peux te détacher? J’ai été contactée pour être membre qualifié au sein du conseil d’administration du centre culturel La Place, dans les Halles, sous la nouvelle Canopée ; il y a 1400 mètres carrés dédiés au Hip Hop. C’est vraiment une fierté et un bonheur incommensurables. Qu’ils viennent jusqu’à moi alors qu’il y a beaucoup de personnes en France qui travaillent à cette culture, cela m’a vraiment touchée. C’est Agnès B. qui en est la Présidente. C’est un centre culturel avec beaucoup de projets et qui va rayonner, je l’espère. Le Hip Hop est comme un tuteur pour moi, j’étais un peu comme une plante folle qui poussait dans tous les sens, cette passion m’a guidée et m’a permis d’avancer.

activiste. Je suis engagée, mais avec le temps et le poids des responsabilités, je manque de temps. Je suis vraiment engagée sur toutes les questions d’immigration, j’aimerais que la France reconnaisse la force qu’elle a d’avoir une jeunesse et un pays aussi riche de ses différences et ce n’est pas du tout le cas. Kery le dit à sa façon lorsqu’il parle de l’ingérence

Dans quels autres univers puises-tu ta créativité? Beaucoup dans l’art, cela me vient de ma grandmère et de mes études. Dans le cinéma aussi, même lorsqu’on est fatigué on peut toujours regarder un film et apprendre. 50


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Tes deux enfants ont déjà été figurants dans plusieurs clips que tu as réalisés, ils sont entourés d’artistes… Quel regard portent-ils sur ce milieu, ton travail? Ils ont souvent été figurants par la force des choses, lorsqu’il fallait que je les amène sur les tournages. Ils sont fiers de moi j’espère, et dans ces moments-là ils comprennent aussi pourquoi leur mère fait parfois des nuits blanches!

Quelles sont tes activités aujourd’hui? Estu totalement consacrée à la réalisation ou travailles-tu sur d’autres projets? Je continue à évoluer dans mon métier. J’ai à peu près travaillé pour tous les artistes Hip Hop qui me faisaient rêver. Dernièrement, j’ai réalisé le clip de Squat qui était l’un des leader du groupe d’Assassin, à 18 ans je rêvais déjà de travailler avec lui. J’aimerai faire de la fiction, du cinéma, j’ai plusieurs projets de long-métrage dont un écrit par Kery James. Si j’y arrive, je franchirais une étape importante.

Dans quel domaine te sens-tu le plus à l’aise? Je suis vraiment bien et je m’oublie complètement quand je danse sur du gros son.

LEILA SY Facebook: Lala Sy 51


GRAND ANGLE

FABIEN DUFILS ONE BUCK

Fabien Dufils s’est fait connaître auprès du grand public avec le clip réalisé pour Demon, You Are My High. Ce cinéphile expatrié aux Etats-Unis présente son premier long-métrage, One Buck, une sombre odyssée au pays du billet vert.


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS


GRAND ANGLE Comment est née ta passion pour la réalisation? Depuis le temps où je collectionnais les VHS. J’étais abonné à Télé K7 pour les jaquettes et j’avais plus de 1000 films. Toute une organisation. Je décortiquais tous les films, un par an, et par genre. Puis je passais mon temps à acheter des livres de poche en librairie.

Ton premier souvenir d’une caméra dans la main? Que ressens-tu derrière l’objectif? J’étais tout gosse et j’empruntais la caméra VHS de mon père pour filmer dans son jardin. Ensuite, j’ai économisé comme un malade pour me payer une caméra HI8, ça valait une fortune, des mois de petits boulots pour y arriver. Derrière la caméra, je me sens libre, je passe en mode écriture visuelle. Un monde qui m’émerveille.

“...un clip représentait en moyenne un dixième du budget d’une pub de 30 secondes.” Tu as été exposé médiatiquement avec le clip de Demon, You Are My High, qui était basé sur le principe du “french kiss”. Quelles ont été les retombées? Ce clip est un bon et un mauvais souvenir dans ma vie. Un bon souvenir, car sans le digital et Youtube à l’époque, on a réussi à cartonner en France et ailleurs. Nous l’avions produit avec mes amis à l’époque. Un mauvais souvenir, car suite au succès du clip notre bande a éclaté. C’est la vie et les erreurs de jeunesse. J’avais 26 ans si mes souvenirs sont bons.

Quel a été ton parcours jusqu’à la réalisation? J’ai commencé assez jeune, en ayant la chance de bosser pour des gens très talentueux, dans le documentaire, des reportages, puis est venue la période du clip. J’ai touché un peu à tous les métiers, que ce soit à la caméra comme en lumière, au cadre, au son, au montage. Une fois que j’avais cerné le métier, je me suis entraîné en faisant des courts métrages, des essais avec des potes, des comédiens. Ensuite, sortant de nulle part, sans vraiment de contact, j’ai décidé de comprendre le métier de producteur. J’ai donc monté une première bande démo avec mon travail de réalisation et avec des amis nous avons démarché des clients en maison de disque. On savait fabriquer les clips, on connaissait le matériel, les équipes, et on avait tellement envie de tourner qu’on apprenait très vite. J’ai produit plus de 100 clips et 100 publicités dans le monde entier en quelques années.

Tu as réalisé beaucoup de publicités, un format réservé à une petite catégorie de personnes. Quels sont les challenges qui t’ont attiré? Quelle expérience en retires-tu? La publicité est une vraie passerelle qui m’a permis d’expérimenter un paquet de choses, avec des moyens techniques que je ne trouvais pas dans le clip. Pour te donner une idée, un clip représentait en moyenne un dixième du budget d’une pub de 30 secondes. De nos jours, 54


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Tu as finalisé One Buck il y a quelques jours, ton premier long métrage. Quelle en est l’histoire? A chaque départ à l’étranger, j’ai pour habitude de laisser un petit mot à ma femme sur un coin de table, ou bien aimanté sur le frigidaire. Un jour, j’ai rapidement écrit trois mots sur un billet de 1$, un One Buck. Il est resté pendant un moment sur le frigo, au milieu d’autres papiers. Quelques mois plus tard, j’ai eu la fâcheuse idée de le dépenser en complétant un pourboire pour un livreur. Un drame était né à la maison. Par miracle, quelques mois plus tard, je retournais dans un autre magasin proche de chez moi, et le caissier m’a rendu la monnaie sur 20 dollars, incluant mon billet de 1$. Improbable mais vrai. Mon One Buck était de retour. En rentrant chez moi, sur le chemin, j’avais déjà l’idée de mon premier film, et si l’argent pouvait parler… Ce billet égaré m’aurait raconté une tonne d’histoires entre le moment où je l’ai dépensé et le jour où je l’ai retrouvé. De poche en poche, de drame en drame, One Buck, un modeste billet de un dollar, nous transporte dans une

nous sommes plus proches d’un vingtième. Tu peux toujours faire des clips comme Demon, pas chers, bonne idée. Mais concrètement, faire un bon clip demande aussi des moyens techniques, une équipe, des décors, des stylistes, le maquillage, le montage etc… Et tout cela a un coût. J’ai très vite eu un sentiment de frustration. Tandis que dans la publicité, tu as davantage de moyens mais tu bosses pour un produit et un client en respectant un cahier des charges et des objectifs de communication, c’est du marketing pur. Ce n’est pas simple non plus de faire ce qui te ressemble réellement. Le seul moyen pour moi de me retrouver était de passer à la fiction avec mes scripts, mes productions. Tu vis maintenant aux Etats-Unis (depuis 2008), pourquoi ce choix ? Les gens imaginent que j’ai bougé pour le travail, mais non, j’ai tout simplement rencontré ma femme et pour des raisons de cœur, on a décidé de vivre dans sa ville plutôt que la mienne. Elle est américaine.

55


GRAND ANGLE odyssée à travers le cœur d’une ville oubliée en Louisiane. Parmi toutes ses rencontres, One Buck ne cesse de croiser la route d’Harry, un homme plongé dans une spirale descendante suite à la mort soudaine et violente de sa femme. Main après main, One Buck nous dévoile les différentes facettes du vice lié à l’argent.

je n’aurais jamais l’argent pour les réaliser. Je suis resté en flux tendu tout au long de l’écriture entre mes envies artistiques et la réalité du budget. Puis est venu la seconde étape, celle du financement. Je me suis associé avec un ami, un passionné de voitures américaines, pour qui j’avais déjà réalisé et produit des films publicitaires. Nous avons

“Mad Street est le nom de la rue où j’aimerais vivre. Celle où tout est envisageable.” pris les risques à deux avec l’aide précieuse de quelques producteurs exécutifs. Notre société de production fiction s’appelle Mad Street Pictures, et One Buck est son premier long métrage. Elle porte bien son nom, cette aventure était tout simplement de la folie. Mad Street est le nom de la rue où j’aimerais vivre. Celle où tout est envisageable. Je ne parle pas d’anarchie mais de libertés, d’envie, de folie et de dépassement de soi. J’aimais bien ce nom pour ma société de production. Et puis, ma femme plaisante souvent en disant que je suis fou. Un petit Français qui débarque seul en Louisiane et arrive à convaincre des amis à le rejoindre pour y tourner un film. Aux USA, ton film est SAG ou non SAG, syndicat des acteurs. Nous n’avions pas le budget d’être SAG donc le casting a pris un peu de temps; nous avons auditionné plusieurs milliers de personnes avec le directeur de casting, cela nous a pris plus de 5 mois. Les acteurs et les décors sont les choses les plus importantes dans ma mise en scène et ma narration. Une fois arrivé au bout de ces deux étapes, j’ai fait appel à des équipes américaines et françaises, principalement des amis, qui ont trouvé leur intérêt sur le projet. Sans eux, ce film aurait été très difficile à monter techniquement.

Tu considères le film comme sombre, peux-tu le définir? Ce film est plutôt sombre mais il ne reflète quasiment que des faits réels. Il y a deux types de cinéma, le divertissement et le cinéma qui parle, qui touche, qui dérange. Pour mon premier film, je souhaitais faire un film peu divertissant, voire pas du tout … Au contraire, je souhaitais partir de ma petite histoire avec mon billet de 1$ et la transposer à des sujets délicats. C’est un film dans la veine de Fight Club? Non pas vraiment, nous sommes entre Bad Lieutenant et un True Detective. L’argent y est le “nerf de la guerre”? Oui, et si l’argent pouvait parler ? Nous serions en guerre à longueur de temps. Les gens se haïraient beaucoup plus. L’argent est un vice et l’humain aime le vice. C’est un film indépendant, qui l’a produit? As-tu obtenu des soutiens financiers? J’écrivais mon script en pensant au budget. J’ai dû m’arrêter pour certaines scènes, sachant que 56


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS du civisme et de la participation collective. C’est ma manière de contribuer et de me sentir en équilibre avec moi-même. Je crois en l’humain, pas au pouvoir et aux millions de dollars.

Je ne pouvais pas faire un film Union (syndicat des techniciens américains), donc il a fallu trouver des équipes flexibles. Le film a été porté par un grand nombre de personnes talentueuses qui nous ont aidés à la production, aux postes artistiques mais aussi en post-production. One Buck a fédéré de belles énergies.

Tu travailles déjà sur l’écriture de ton prochain projet? Je passe mon temps à développer des projets de longs métrages en solo ou en collaboration avec un scénariste. L’écriture et la réalisation sont comme des muscles, il faut les maintenir en forme.

Te considères-tu comme engagé dans un combat? Militant? Non, je ne suis pas engagé, j’essaye d’être le plus juste possible et de rester moi-même. J’ai arrêté de croire à la politique depuis un paquet d’années. La politique est devenue un pur produit de masse, un outil marketing puissant et qui rapporte des milliards à une poignée de personnes dans le monde. Nous ne sommes que des consommateurs, nos voix ne veulent plus dire grand-chose car celui qui est élu au pouvoir suprême est soutenu par de puissants industriels et doit leur rendre des comptes. C’est pour cette raison que je me suis enfuit dans mon travail et ma famille. J’aide les gens le plus possible au quotidien en ayant le sens

Tu travailles également sur un film qui se déroulerait dans le milieu de la musique à Harlem? Peux-tu nous en dire plus? Je vis à Harlem depuis 6 ans. Oui, j’ai très envie de faire un film ici dans le Harlem que je connais, celui que je partage au quotidien avec mes proches. La musique y est un vecteur très important et risque d’être la direction de ce script. Quelles sont les prochaines étapes pour toi? Ma famille, j’ai une petite fille de 2 mois et demi et bien-sûr mon prochain film.

FABIEN DUFILS

MAD STREET PICTURES

Facebook: Fabien Dufils

Facebook: Mad Street Pictures 57


GRAND ANGLE

ARMEN DJERRAHIAN B.BOY

Observateur du monde, Armen transpose derrière l’objectif sa vision du “Lifestyle”. C’est pour élargir son univers qu’il a choisi les Etats-Unis où il s’émancipe.

58


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS

59


GRAND ANGLE Ton parcours avant de devenir photographe? Je suis né un 8 Juillet 1969 à Aubervilliers, dans le 93, d’une mère française et d’un père d’origine arménienne. J’ai d’ailleurs grandi dans la communauté arménienne toute mon enfance car mes parents étant artistes et voyageant énormément, ma sœur et moi avons grandi avec nos grands-parents. Aussi, j’ai été éduqué un peu différemment des autres enfants de mon âge, parce qu’il a fallu m’intégrer à la France (le pays dans lequel je suis né) tout en vivant et apprenant la dure histoire qu’avait vécu mes ancêtres mes également ma famille. C’est une histoire trop longue à raconter dans une interview, mais j’ai dû jongler entre ma vie de privilégié, celle d’un enfant qui a grandi en France, et celle de ma famille, mes cousins qui vivaient encore les drames de la guerre au Liban, en Syrie et ailleurs. Cela forge le mental et aide à garder les pieds sur terre.

(rires). J’aime observer les gens, leur histoire, leur culture. Aussi, c’est un peu par réflexe que je me suis mis à la photo. J’ai vécu le Hip Hop à ses débuts et à travers cette culture j’ai principalement dansé, puis je me suis initié au graffiti. Parallèlement, je faisais du freestyle BMX et c’est à travers ce dernier que j’ai commencé la photographie. Tu as collaboré avec beaucoup d’artistes français et américains, quels souvenirs en gardes-tu? Une exposition de ton travail est-elle en projet? Ma vie de photographe a été et est toujours très privilégiée. J’ai la chance, même si je suis autodidacte, de faire un métier qui me passionne et que j’aime. De plus, au travers les cultures que j’ai vécu depuis leurs premiers jours, je ne peux garder qu’un souvenir inoubliable de ce qui a fait

“J’ai plus de 20 ans de Hip Hop français à montrer en images” de moi ce que je suis toujours aujourd’hui. Est-ce que le talent y est pour quelque chose? J’aime à le croire, car j’ai travaillé pour. Y’a-t-il eu une part de chance ? Oui sûrement, des rencontres et des partages. C’est d’ailleurs comme cela que je conçois mon travail: une rencontre, un partage, un cliché souvenir. Exposer mon travail, je n’arrive pas à m’en persuader. J’ai très peu de recul sur ma carrière, même si j’ai été très souvent sollicité, c’est une expérience qui me terrifie. J’ai peur de montrer des choses que je n’aime plus, même si elles racontent une histoire. Mais avec le temps, l’idée de sortir mon premier livre murit chaque jour. J’ai plus de 20 ans de Hip Hop français à montrer en images et je sais que les choix seront cruciaux. Je vais avoir besoin d’aide!

Comment est née ta passion pour l’image? Vraiment par pur hasard…Quoi que! J’ai toujours été passionné par l’aspect visuel des choses qui m’entouraient. Ce qu’on appelle en anglais le “Lifestyle”. J’ai toujours eu un regard très observateur sur ce le monde, presque comme une sorte de “maladie”, je suis un peu voyeur mais pas comme un détraqué mental 60


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Ton premier souvenir d’une caméra dans la main? Que ressens-tu derrière l’objectif? C’est drôle mais j’en ai plusieurs. D’abord alors que je n’étais pas photographe, j’avais un appareil 8mm avec lequel je shootais sans vraiment m’appliquer. C’était plus par envie d’immortaliser les graffiti du terrain vague de La Chapelle et de garder cela en souvenir. Puis un de mes amis, dont je tairai le nom, a un jour “subtilisé” un Canon AE1 au Trocadero à un touriste de passage et me la donné en me disant qu’il me verrait bien faire de la photo. J’ai donc commencé ainsi, je shootais mes potes qui faisaient du BMX, mais sans m’appliquer, sans comprendre le sens d’une composition ni même de quoi que ce soit d’esthétique. C’est en ouvrant des magazines américains de Skateboard et de BMX, puis plus tard la presse rap américaine, que j’ai vraiment pris gout à la photographie et ai ainsi décidé de m’y mettre. C’était comme dans le Break Dance

ou le Graffiti, j’ai d’abord reproduit ce que je voyais dans les magazines jusqu’à trouver mon style. On parle là de la fin des années 80 et du début des années 90. J’ai vraiment commencé la photo en 91. Lorsque j’ai compris comment exposer et shooter correctement, j’ai pris un immense plaisir qui est en réalité indescriptible. C’était comme avoir appris la coupole ou avoir rentré un trick en vélo. Est-ce que c’est avec Booba que tu es passé à la réalisation? Penses-tu que vos chemins se recroiseront (professionnellement)? Non ce n’est pas avec à lui que je suis passé à la réalisation. J’ai fait mon premier clip en 1997 pour Rocca, Les Jeunes de L’univers (en coréalisation avec Xavier De Nauw) puis Ideal J. Hardcore - la version non censurée. Ces deux clips sont vraiment ceux qui m’ont donné envie de passer à la réalisation tout en sachant que je ne n’en avais pas la prétention

61


GRAND ANGLE ni l’ambition. Ce qui est drôle, c’est que j’ai connu Booba à travers la Cliqua et le label Arsenal Records. C’est plus à eux que je dois une partie de ma carrière. Malgré les hauts et les bas de la vie, de sa vie, Booba et moi avons toujours gardé contact jusqu’au jour où il m’a demandé de réaliser la pochette de Temps Mort. C’est là que notre véritable collaboration professionnelle a commencé. La

cette décision et je pense qu’il a trouvé une sorte d’équilibre avec Chris. C’est plus à lui qu’il faudrait poser cette question. Moi, j’ai préféré garder “un ami” que de perdre une relation de travail.

“J’ai eu la chance de travailler avec l’immense Spike Lee” Tu habites maintenant à New York, depuis combien de temps? Pourquoi ce choix? Cela va faire maintenant dix ans que je vis aux Etats-Unis. Le choix était simple, toujours progresser et faire d’autres choses professionnellement parlant. Mine de rien, en France ma carrière se limitait à mon travail dans la musique. Impossible de faire de la pub, de shooter de la mode bref de faire autre chose que “du Rap”. Je ne crache pas dans la soupe, j’avais juste besoin d’évoluer et ce n’était pas en France que cela aurait pu arriver. C’est une des raisons qui m’ont poussé à aller vivre aux USA. Tu as également collaboré avec Spike Lee, dans quel cadre? Encore une expérience surprenante! Je participe depuis 2013 à la direction artistique image de la marque Cazal. Je connais et collectionnais déjà les lunettes depuis les années 80. Cazal, c’est avant tout un classique de la culture urbaine newyorkaise et implicitement de la culture Hip Hop depuis les années 70. Aussi, j’ai réalisé toutes leur dernières campagnes et catalogues depuis 2013 avec l’aide de Sven Christ (d’origine allemande et Directeur Aritistique pour la marque), également acteur de la culture Hip Hop et graffiti artiste depuis les années 80. Notre idée était de tout d’abord rendre hommage à ce qui avait fait la popularité de la marque, ce qui était très difficile, puisque jusqu’à ce jour, seul

suite, c’est Ouest Side pour lequel j’ai eu en quelque sorte le rôle de Directeur Artistique Image et sur lequel Booba et moi avons tout donné à 300%: de la pochette de l’album aux clips, Garde La Pêche, Boulbi, Au Bout Des Rêves et enfin Pitbull. Après cette inoubliable expérience, je suis parti vivre aux USA et Booba avait l’envie de travailler avec d’autres réalisateurs, tout d’abord Nathalie Canguilhem (que je lui ai présenté), puis Chris Macari qui a repris le flambeau et réalisé tous ses clips jusqu’à aujourd’hui. Retravailler ensemble? Pourquoi pas, mais c’est plus à lui de prendre 62


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS le photographe Jamel Shabazz avait au travers de ses œuvres photographiques immortalisé une époque que je n’avais vécu qu’en tant qu’acteur mais malheureusement pas en tant que photographe. Aussi, il ne fallait surtout pas reproduire son travail, mais y amener une touche plus personnelle et moderne. La première campagne a eu un succès fou au point que Spike Lee ait lui même remarqué ce “revival” de la marque allemande et les a contacté directement. Son personnage de Mars Blackmon dans She’s Gotta Have It en 1986 est devenu légendaire et par la suite une icône de la marque Jordan tout en portant ces énormes lunettes: des Cazal 616! Il était évident que sa présence était indispensable pour la campagne 2014. On a

toutefois mélangé différents styles et modernisé le look de la marque depuis, histoire qu’elle ne vive pas dans son passé. J’ai donc eu la chance de travailler avec l’immense (par le talent !) Spike Lee et j’ai gardé depuis une excellente relation avec lui et son équipe. Te considères-tu comme engagé dans un combat? Militant ? Quelles sont tes convictions? C’est très compliqué. J’ai bien évidement des convictions. Après, me sentir engagé dans un combat, ce n’est pas forcément ma place. Je suis très attaché à ma culture arménienne et à la reconnaissance d’un génocide qui n’a toujours pas été reconnu, ou partiellement.

63


GRAND ANGLE Mais ayant grandi avec différentes cultures, mes convictions sont devenues plus larges. Le Hip Hop y a beaucoup contribué. Quand je dansais, c’était parmi mes amis Africains, NordAfricains, Espagnols, Portugais, Antillais… On ne jugeait personne sur son appartenance sociale, religieuse ou sur sa couleur. Tout ce qui nous intéressait, c’était ce que tu valais dans le cercle. C’est d’ailleurs très paradoxal, mais à cette époque, tout le monde respectait les cultures et traditions de chacun sans que le mot “religion” ne fasse partie d’aucune conversation. Cela a malheureusement beaucoup changé depuis.

assez de murs pour pouvoir m’en octroyer le titre. J’ai eu la chance d’évoluer à une époque où j’ai côtoyé les pionniers du graffiti français et mes mentors que sont les BBC, j’ai vu naître le premier crew de “vandal”, les TCG, et tout cela parce que je passais la plus grande partie de mon temps au terrain vague de la Chapelle. Forcément, il y a eu une influence, mais jamais je ne me considèrerai comme un “writer” pour toutes les raisons évoquées plus haut. Je suis certes aujourd’hui membre des GT (Grim Team), mais c’est plus par relation amicale que pour mes activités dans le graffiti. Eux ce sont de vrais “writers”! Pour le BMX, c’est encore une autre histoire, toute aussi longue et pleine d’aventures. Je roule d’ailleurs toujours avec la scène newyorkaise, enfin, quand mon vieux corps me l’autorise. En faire un documentaire, pourquoi pas. C’est dans mes projets, enfin plus sous forme d’un court métrage, mais je ne peux pas en parler pour l’instant.

“Ce qui se passe aujourd’hui aux USA est intolérable.” Y a-t-il des obstacles (donc de nouveaux challenges) à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Bien sur! Mon rôle de photographe et de réalisateur, c’est de mettre en image les acteurs de notre société. Forcément quand la réalité dépasse parfois la fiction, tu te retrouves dans un climat plus que sensible. Même si je m’intéresse à l’actualité en France, ce qui se passe aujourd’hui aux USA est intolérable. Ces policiers qui tuent des Afro-Américains chaque jour pour des raisons inexistantes me rappelle de très mauvais souvenirs. Et le pire, c’est que ces officiers restent impunis. J’ai l’impression

Tu viens du Hip Hop, et plus directement du Graffiti mais tu as aussi une autre passion avec le BMX. Est-ce que réaliser un documentaire fait partie de tes projets? Je viens avant tout la danse, du B.boying ou Break dance appelle ça comme tu veux, et ce depuis 1983. Le graffiti est venu beaucoup plus tard et je ne me considère d’ailleurs pas comme un graffiti “writer” et pour cause, je n’ai pas peint 64


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS de revivre la période où les maîtres esclaves fouettaient et frappaient des êtres humains pour les avilir et leur rappeler qui est le chef. C’est intolérable et insupportable d’autant que tout cela se passe sous les yeux du premier président Afro-Américain qui ne fait strictement rien.

de révolutionnaires Tchèques qui ont tenté d’assassiner le général SS Reinhard Heydrich pendant la seconde guerre mondiale. Quelles sont tes références dans la photographie et la réalisation? Helmut Newton si il n’y en avait qu’un, mais il y en a tellement. En réalisateur, c’est plus compliqué car mes choix sont très éclectiques.

Une sortie récente (film, documentaire) que tu as appréciée? Je suis très féru de séries ces derniers temps. J’ai adoré me plonger dans l’univers de Stranger Things qui est une superbe allégorie des années 80 qui ont bercé mon adolescence. A côté de cela, j’ai beaucoup aimé le dernier film de Sean Ellis (grand photographe de mode), Anthropoid, qui raconte l’histoire vraie

Si tu travaillais sur un long-métrage, quel serait le sujet? Si je travaillais sur un long métrage, ce serait Les Misérables de Victor Hugo. Mais dans une version plus contemporaine. Claude Lelouch s’y était attelé en 1995, la mienne serait plus “réaliste”.

ARMEN DJERRAHIAN www.armendjerrahian.com

Facebook: Armen Djerrahian 65


GRAND ANGLE

MARC-AURÈLE

VECCHIONE STAR

Auteur de Writers, le premier documentaire sur le grafitti dont il est issu, Marc-Aurèle aborde sans tabou les thèmes qui lui sont chers. Il prépare aujourd’hui la sortie de son premier long métrage, Star.


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS


GRAND ANGLE C’est avec le graffiti que tu as d’abord approché l’image, comment es-tu passé à la réalisation? Après ma période de “Compet”, je suis rentré en école d’architecture. J’habitais encore chez mon père, j’avais le luxe de ne pas avoir à travailler tout de suite et il fallait que je m’occupe. Cela n’a pas duré longtemps car j’ai perdu mon père deux ans plus tard et j’ai dû me mettre à bosser. J’avais 20 ans et je me suis retrouvé tout seul du

le même genre de blouson que toi, j’ai préféré partir sur une piste peu fréquentée par les gens de mon milieu. C’était ma petite posture un peu précieuse de l’underground”, pour ne pas faire comme tout le monde. Tu avais déjà un entourage bien marqué par cette culture, les GT, l’équipe de Wrung, Profecy, Armen… Il y a bien plus de personnes qui sont parties du Graffiti pour atterrir dans la musique ou le graphisme que dans l’audiovisuel. Il y a effectivement beaucoup de photographes, comme Armen. J’arrivais sur une terre où il n’y

“En réalité, c’est un métier beaucoup plus dur à approcher que l’on croit...” avait pas énormément d’amis. Cela a un côté inconfortable parce que tu avances tout seul, alors qu’en bande il y a l’esprit de compétition qui t’anime, t’enrichit, permet de se serrer les coudes et te pousse tous les jours. J’avais l’impression de garder une forme d’originalité. Longtemps je n’ai pas aimé le cinéma, détestant le milieu, ses acteurs, une aristocratie moderne selon moi au sein de laquelle il n’y a que des “fils de”, il n’y a pas de milieu où il y en a plus que dans le cinéma, bien que beaucoup de raisons peuvent l’expliquer. En réalité, c’est un métier beaucoup plus dur à approcher que l’on croit, avec de nombreux paramètres à maîtriser. Sans vouloir catégoriser les disciplines artistiques, ce n’est pas la même production quand tu réfléchis au fait qu’une heure trente d’images, de dialogue et une bonne quarantaine de minutes de musique, cela demande un peu plus de travail que de réunir un groupe de musiciens en studio pour faire douze morceaux et sortir un premier album. La musique

jour au lendemain. J’ai donc appris le montage car je m’y intéressais déjà, j’ai fait ça pendant toutes mes études pour pouvoir payer mon loyer. Dans le montage et dans le cinéma, je retrouvais avec beaucoup de naïveté à l’époque, une sorte de liberté qui pour moi était comparable à celle du graffiti. Cela me semblait une entreprise beaucoup moins importante de faire un film que de construire un immeuble. En réalité, je me suis un peu fourvoyé là-dedans. En découvrant le film documentaire, je suis retombé sur mes pattes car c’est une économie de film qui est très modeste. J’ai toujours eu une mentalité très indépendante et du coup, j’ai pu faire les films que j’avais envie de faire sans avoir l’aval de personne. Pour parler honnêtement, je ne suis pas un cinéphile, j’aurais presque préféré faire de la musique, mais comme tous mes potes avaient un sampler ou une MPC et que je ne suis pas le genre à acheter 68


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS egos surdimensionnés. Disons qu’à 80%, les gens ont adoré le film. Les 20% restant ont su se faire entendre et pointer le personnage qui manquait dans le documentaire.

est plus accessible que le cinéma. Le métier de monteur qui me permettait de survivre me faisait composer avec les images, les musiques etc… Je ne dis jamais que je suis réalisateur, je fais des films, je les écris, je les produis, je les tourne, je les monte. Quand j’ai commencé cette entreprise il y a 15 ans avec Writers, c’était le début de la DV, la possibilité d’acquérir ta caméra et de faire de la vidéo. Auparavant et quand j’ai commencé le montage, il fallait toucher sa bille en informatique pour que cela marche.

Des jugements négatifs qui viennent en général de personnes qui ne font rien… Bien sûr. Et ma réponse a été que je n’étais pas là pour réaliser l’annuaire des taggeurs! Il s’agit là du retour des artistes, quel a été celui des professionnels? Les choses se sont faites en deux temps. Writers m’a permis de me mettre en place comme réalisateur de film documentaire. Les gens de l’audiovisuel ont apprécié le film. Mais dans sa forme narrative, je n’ai vraiment pas respecté la tradition du documentaire, dans le sens où je n’avais pas de recul; j’étais à 100% avec les personnages, je défendais cette culture. Souvent des gens parlent de choses qu’ils ne connaissent pas et ça ne m’intéresse pas de les entendre en parler. Pour la petite anecdote, un de mes amis qui voulait devenir écrivain a un jour rencontré James Elroy qui faisait une séance de dédicace et lui a demandé quel conseil il donnerait à un jeune. Il lui a répondu, je n’en ai qu’un seul :

Writers, ton documentaire sur le Graffiti est devenu aujourd’hui une référence sur le sujet. Quel regard portes-tu sur cette œuvre avec du recul? Antifa a fait un buzz à l’international beaucoup plus important que Writers. Il a été traduit sur Youtube en douze langues, cela n’a jamais été le cas de Writers. J’ai reçu des mails du Chili, de la Colombie, de toute l’Amérique du Nord, de la Pologne, de la Russie, de tous les rockeurs antifascistes et anarcho-alter-mondialistes du monde entier. Pour Writers, j’étais face au milieu du Graffiti. Même si ses représentants ont apprécié le film, ils mettent six ans à te le dire car dans le Graffiti, nous avons tous des

69


GRAND ANGLE Pourquoi as-tu créé Résistance film ? Je vais citer Deleuze (philosophe français 19251995, ndlr): “Créer est un acte de résistance”. Quand tu crées en général, tu prends une position par rapport à la norme et de ce fait tu résistes. L’art est une belle arme, intéressante à manier. Il ne fait pas de mal aux gens et ils ne sont pas obligés d’y accéder. Si tu n’aimes pas un musicien, tu peux changer de morceaux ou de radio. Il y a là le respect de la liberté de l’autre.

“Write what you know”. Et c’est le meilleur conseil que l’on m’ait donné dans la vie. Writers m’a fait connaître, il y avait aussi Vincent Cassel dans le film. Par la suite, quand j’ai fait Antifa, on m’a demandé pourquoi je n’avais pas donné la parole aux fachistes, c’était comme s’il n’ y avait qu’une thèse dans ma dissertation. Je leur ai répondu que l’antithèse, on en avait rien à faire. Il y avait déjà eu des tonnes de films sur les skinheads et jamais un seul sur ceux qui leur font face. Je n’ai pas envie de défendre les fachos. C’est après Antifa que Arte et Programme 33 sont venus vers moi et que j’ai réalisé Black Music, mon premier film pour l’antenne.

“Ceux qui sont un peu libres aujourd’hui sont ceux qui rejettent la société de consommation” Te considères-tu comme engagé dans un combat ? Plus maintenant. Peut être que j’y retournerais. Cela fait un petit moment que je traverse une période de doute politique et humaine. Fondamentalement, je trouve que tout est gris. Avant, j’étais dans le blanc et noir, très tranché… Mais quand tu avances dans la vie et que tu commences à connaître les personnes de différents bords, tu te rends compte qu’il y en a qui tiennent des discours mais vivent toute autre chose, et même le contraire. Je pense que c’est lié à la période à laquelle nous vivons. A une autre époque, on avait la possibilité d’avoir une influence sur nos sociétés, j’ai l’impression que ce n’est plus le cas. C’est dramatique, mais si tu vis dans le monde occidental et que tu as l’impression que tu appartiens à un pays ou à une territorialité, tu te trompes, tu appartiens à une banque. Les combats sont durs à mener. Je déteste les théories du complot, il n’y a pas de société secrète, juste depuis la nuit des temps des rois, des reines, des

Tu as réalisé quelques clips comme Hardcore pour Ideal J dans sa version non censurée, tout en sachant qu’il n’allait pas être diffusé. Pourquoi ce choix? Pour être honnête, sur ce clip de Kery j’ai surtout fait un gros travail d’archives mais l’idée venait de Brian, “Oeno”. Il avait envie de faire un clip tout en archives, il savait que j’avais beaucoup de vidéos et d’accès par des amis un peu plus dingues. Et il faut savoir que lorsque nous avons présenté la première version du clip chez Arsenal, ils ont eux-mêmes autocensurés certains passages. Je l’ai fait parce que j’aimais vraiment beaucoup le travail de Kery James et que je considère Brian comme un frère. 70


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS empereurs, des tyrans qui ont des fils et des filles avec de l’argent, des gens qui n’en ont pas, de bons ou de mauvais guerriers… Aujourd’hui, tout ces pouvoirs sont balayés par un système financier qui n’est pas du tout caché, tu peux tout savoir, et nous sommes tous dirigés par ce truc-là. Ceux qui sont un peu libres aujourd’hui sont ceux qui rejettent la société de consommation. Les clivages gauche/droite, ça n’existe plus, tout comme les clivages de couleur. Il suffit de donner de l’argent à quelqu’un, il va vite ressembler à ceux qu’il détestait auparavant.

des temps modernes. Tu ne peux plus monter sur un galion et partir de l’autre coté d’un océan pour essayer de trouver une nouvelle terre. Les jeunes, leurs aventures, ils les inventent sur leur territoire, à l’intérieur de leur ville en général. C’est un terrain de rébellion sur lequel tu peux bouger un petit peu des blocs censés être figés, ce qui change l’image et redonne de l’intérêt. Que ressens-tu derrière l’objectif? Quand je suis derrière, je suis fou un peu (rires) ! Je crie, je suis Jean-Pierre Mocky. Si tu questionnes des membres de l’équipe ils te diront qu’ils m’ont surnommé “Il Duce” qui était le surnom de Mussolini. Je ne pense pas trop à la caméra, je pense plutôt à la préparation avec mon chef opérateur de la séquence. Ce qui m’intéresse, ce sont les gens avec qui je suis en train de créer le moment. Quand je fais des films documentaires, je suis en demande de la parole et du témoignage des gens que je vais voir, j’ai de longues discussions avec les personnes, pour bien comprendre leur état d’esprit et me remettre dans leur perspective historique, ne pas faire d’erreurs de compréhension et être précis dans mon interview. Pour une fiction, tu cherches à capter une émotion et à faire que les comédiens arrivent à créer ce moment magique.

Y a-t-il des obstacles à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Oui, il n’y a que des obstacles mais qui ne peuvent que devenir des forces. C’est “l’attitude punk”: on te dit que tu ne sais pas jouer de la guitare mais ce n’est pas grave, parce que tu vas faire un meilleur spectacle que celui qui sait en jouer et qui ennuie toute la salle. Si je fais quelque chose que je n’ai pas le droit de faire, tout le monde va trouver ça génial. On a aussi besoin d’électrons libres pour braver les interdits afin d’avoir l’impression qu’on est libre. C’est pour cela qu’on apprécie les rebelles, les gangsters, ce sont les hommes libres

71


GRAND ANGLE Comment choisis-tu et élabores-tu tes sujets? Récemment, j’ai fonctionné à la commande pour un film que l’on m’a proposé, pour tous les autres c’est moi qui ai proposé les idées. En octobre dernier, j’ai sorti un film pour Arte, ce sont eux qui m’on sollicité, je n’en suis pas l’auteur. Il y avait un certain nombre de choses, de personnages à l’intérieur qui me plaisaient et puis j’avais aussi besoin de travailler. Le film en l’occurrence s’appelle Cheveux en bataille et traite de la rébellion par la coupe de cheveux. De la banane de rocker à aujourd’hui, toutes les coupes qui ont permis de porter des courants, l’afro, la crête, les dreadlocks…

dans ma ville avec Writers. Star est un projet que j’écris, réécris, encore et encore depuis douze ans et récemment en approchant de la quarantaine. Cela me semblait intéressant de me servir de mon documentaire comme bagage et de faire un film plus proche de la réalité que tous les films qui étaient sortis auparavant sur le graffiti (ex: Bomb the system, Quality of life, Wall Train, Moebus 17 – 4 films fictions sur le Graffiti). Je trouvais dans chacun de bonnes idées mais par rapport au graffiti, on n’y était pas. Pour ramener une sorte de vérité, il fallait que les scènes de graffiti soient réelles. Je voulais mettre en action de vrais graffeurs sur le modèle de Kids (Larry Clark), il a attrapé toute la bande de skateurs de Washington Square, les a “casté” pour voir avec qui ça marchait en terme de comédie, a monté son équipe et réalisé son film. C’est un de mes films préférés. Je voulais vraiment recréer ce truc-là et je me suis jeté.

“Je voulais faire voir que le Graffiti est rempli de paradoxes.” Tu disais que suite à Writers, tu as essuyé de mauvaises critiques de certains. Dans Star, on sent une volonté de marquer des positions qui font encore débat au sein de la communauté Graffiti. Je voulais faire voir que le Graffiti est rempli de paradoxes. Tu marques ton nom partout, tu fais de la pub en étant illégal à mort pour au final rentrer dans le système. Star est autobiographique, le coté vandale, arrestation, je l’ai vécu. La partie artistique, je ne l’ai pas vécue parce que ça ne m’a pas interessé. Je n’aime pas les toiles et je le fait un peu dire à mon personnage : “oui, ca fait vieillot comme

Star qui sort prochainement raconte l’histoire d’un jeune qui s’initie au Graffiti. Tu n’arrives pas à te détacher de ce milieu? Le film devrait sortir début novembre. J’avais écrit beaucoup de sujets de fictions mais celuici, je le trimbalais depuis très longtemps, avant Writers pratiquement. J’avais plutôt vocation à faire de la fiction sauf que je me suis heurté à une difficulté économique importante et à l’époque, les fictions, ce n’était pas encore évident au niveau technique. Même au niveau de mon écriture, je n’étais pas prêt et je le sentais. J’ai d’abord raconté la vraie histoire du graffiti 72


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS des réalisateurs mis sous cloche parce qu’ils sont devenus cultes et portés par des intellos alors qu’ils s’adressent au peuple. Il y a ce coté très précieux d’intellectualisation de tout, ce qui dans la critique peut être intéressant mais aussi sans intérêt. On est en France, le pays de Diderot, qui était un grand critique et tous les Français pensent être Diderot, sauf que ce n’est pas vrai.

truc, je ne veux pas faire ça”. Même si il respecte les autres personnages du film qui sont ses aînés, leur transition vers le monde de l’art avec ce médium. C’est tout ça le Graffiti. Le point qui me semblait relativement important à soulever, c’est que le Graffiti représente une lutte avec toi-même, avec la ville, parfois même avec d’autres graffeurs mais au final, il y a toujours un état d’esprit rigolard, qui passe pardessus les problèmes et les embrouilles.

Les prochaines étapes? Continuer à faire des films. Avec Star, j’ai tenté une confrontation entre l’art moderne et l’art classique. Pour moi, Michel-Ange et son école étaient des taggueurs. J’ai voulu donné une dimension internationale au projet en le portant jusqu’en Italie. Dans le Graffiti, nous sommes vraiment les premiers à avoir franchi les frontières, à être hyper connectés, nous avons beaucoup voyagé. Ce que j’ai toujours aimé dans le Graffiti, c’est que tu vois d’abord le nom d’une personne, peu importe ensuite si tu la rencontres et si tu vas l’apprécier. Un trait est une production artistique live qui ne ment pas.

Quelles sont tes références en réalisation? Tes inspirations? J’adore le travail de Larry Clarck. A la base, je préfère des réalisateurs tel que Sam Peckinpah, des trucs plutôt violents issus des sixties. Avec le temps, j’ai aussi apprécié des réalisateurs que plus jeune, je pensais réservés à des intellos. Je pense à Truffaut, Godard, en redécouvrant leur travail et si tu replaces leur discours dans leur époque, ils n’ont pas fait des films pour les mecs qui les ont défendus 25 ans plus tard mais pour des personnes comme nous. Dans le cinéma, il y a

RESISTANCE FILMS Facebook: Resistance Films 73


GRAND ANGLE


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS

APSITA BERTHELOT-CISSÉ REGARD ETHNIQUE

Apsita Berthelot-Cissé a réalisé plusieurs documentaires sur la société et l’histoire guyanaises. Au sein de sa boîte de production, Terre Rouge, elle met en images la réalité sur le terrain.


GRAND ANGLE Comment est née ta passion pour la réalisation? Ma passion est avant tout celle d’une cinéphile. J’ai passé de longues soirées à regarder les cases cinéma et ciné-club à la télé, j’ai eu des parents plutôt sympas de ce côté là, qui ne m’ont pas obligée à me coucher à 20h30 et un papa qui nous emmenait au “cinéma permanent” le mercredi après-midi.

Ton premier souvenir d’une caméra dans la main? J’étais à la FAC à Paris 1. Mon professeur de pratique du cinéma, Joseph Morder, un grand cinéaste indépendant par ailleurs, nous avait donné un exercice périlleux avec une caméra Super 8. Cet exercice de “tourné monté” consistait à faire un film de 3 minutes le temps de la bobine, en anticipant chaque plan et en coupant au bon endroit.

Quel a été ton parcours artistique jusqu’à la réalisation? C’est parcours assez linéaire, porté par la passion de ce métier, d’œuvres que j’ai vues depuis l’enfance. Pour moi le cinéma et la culture en général sont un langage universel, qui s’affranchit des frontières. Dès le collège, j’ai su que je voulais faire du cinéma, cela a guidé mes choix dans les langues vivantes: l’Allemand à cause de l’expressionisme, l’Italien pour le néoréalisme. Après un Bac littéraire, j’ai fait une Fac de cinéma, beaucoup de petits boulots, de l’assistanat au montage et à la réalisation. Puis j’ai fait le Conservatoire Européen d’Ecriture Audiovisuelle, et en parallèle un DESS d’ethnométhodologie. J’ai écrit des scénarios, certains ont été portés à l’écran et d’autre pas. Cela fait partie du métier.

“...je m’attache d’abord aux personnages et le sujet s’impose de lui-même.” Que ressens-tu derrière l’objectif? De la concentration, une attention aux détails techniques, au contenu. Je pense au plan suivant aussi. Quels sont les sujets que tu as déjà traités? Pourquoi ceux-là? L’orpaillage en Guyane, un road-movie sur la musique Guyanaise, le carnaval guyanais 76


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS avec un retour sur l’histoire et le conflit entre les tirailleurs sénégalais et les créoles durant le carnaval de 1946. Masques, mon dernier documentaire, est aujourd’hui visible en streaming sur la chaine Youtube d’Archipel, le magazine de France O. Actuellement, nous finalisons le montage d’un nouveau documentaire intitulé Rythmes & Toys que j’ai coréalisé avec Arnaud Berthelot. Ce documentaire entraîne le spectateur à la découverte du circuit “bending”, une pratique à la fois technique et musicale, à laquelle se livrent des musiciens inventifs toujours à la recherche de nouveaux sons. Au-delà de la musique, ces musiciens partagent également une philosophie de vie, un rapport différent à la société de consommation. La bande annonce du documentaire est visible

sur la chaine Vimeo de Terre Rouge. J’aime bien parler de sujets que le grand public ne connaît pas forcément et lui donner envie d’aller plus loin, de modifier un peu la vision que les gens peuvent avoir sur les choses. Comment élabores-tu tes sujets? Ça passe souvent par les personnages, leur histoire, je m’attache d’abord aux personnages et le sujet s’impose de lui-même. Les contraintes sont-elles plus importantes dans la réalisation d’un documentaire que dans la fiction? Ce ne sont pas les mêmes contraintes, dans la fiction tout est planifié, il y a un enjeu financier important. En documentaire,

77


GRAND ANGLE il faut essayer de coller à ce que l’on a pu anticiper à l’écriture mais rester ouvert à la réalité du terrain, les imprévus liés à la vie des personnages, tout en gardant en même temps à l’esprit le film que l’on a plus ou moins en tête, sans pour autant forcer le réel. C’est un aller-retour permanent, il faut s’adapter. En fiction, on choisit les meilleurs plans au montage. En documentaire, on écrit, réécrit le film à la table de montage.

Y a-t-il des obstacles (donc de nouveaux challenges) à la réalisation dans un climat social et politique de plus en plus sensible et tendu? Il y a toujours des obstacles, faire un film n’est jamais très facile, et ce depuis toujours. Le climat social et politique peut être source de sujet forts, et de nouveaux challenges en effet, plus qu’un réel obstacle. En même temps aujourd’hui, avec les nouvelles technologies et les caméras

Te considères-tu comme engagé dans un combat? Militante? Quelles sont tes convictions? Je ne me considère pas vraiment comme militante, ni engagée, au sens ou l’on peut l’entendre. En même temps, je fais des films à l’instinct et à l’émotion. Ce qui me motive, c’est de donner à voir la complexité du monde, ce qui m’intéresse c’est de poser des questions, sans avoir de réponses toutes faites. Si militer c’est pousser à regarder le monde et à s’interroger, alors en ce sens je suis militante.

“Il n’est pas toujours facile de trouver le chemin du public” de plus en plus accessibles techniquement et financièrement, c’est plus facile. On parle beaucoup de “cinéma guérilla”, c’est-à-dire faire des films à tout prix avec les moyens du bord, des équipes réduites et passionnées. Ce qui est compliqué, c’est le modèle économique: on veut 78


RÉALISATEUR: fabricant d’imageS Tu as monté ta boite de production avec tes frères? J’ai travaillé avec pas mal de boîtes de production, beaucoup de sujets n’ont pas forcément abouti, c’est un peu frustrant de ne pas pouvoir maîtriser les étapes qui précèdent la fabrication d’un film. C’est très motivant de travailler en famille, il y a une dimension artisanale tout à fait passionnante, même si cela demande beaucoup plus de travail et des prises de risque financières. Notre société s’appelle Terre Rouge.

payer tout le monde au tarif syndical, et puis une fois que le film est fait, c’est l’accès au public qui reste difficile. Il y a un gros travail de marketing et de réseautage. Si on ne veut pas faire de films trop formatés, il n’est pas toujours facile de trouver le chemin du public. Les minorités et notamment les populations issues des anciennes colonies sont peu représentées dans le milieu cinématographique, comment les choses pourraient-elles s’améliorer selon toi? En boostant la formation des jeunes aux métiers du cinéma et à la culture cinématographique, qu’il s’agisse des métiers artistiques ou techniques. En boostant aussi de nouveaux auteurs. En développant un regard critique sur les œuvres. En évitant aussi l’idée du ghetto, faire des films pour tous les publics. “À force” ils “s’habitueront”, comme on dit.

Une sortie récente (film, documentaire) que tu as appréciée? Mustang de Deniz Gamze Ergüven, un film franco-turc qui traite d’une problématique très contemporaine avec un regard humaniste, dans lequel le côté engagé part de l’émotion des personnages avec subtilité.

APSITA BERTHELOT-CISSÉ

TERRE ROUGE

Facebook Officiel:

Site Officiel: www.terrerouge.eu 79


A la loupe!

STEEVE VÉRIN propos recueillis par Ceebee

Dévoilés au public grâce au peintre Stan, les dessins de Steeve Verin dépeignent des personnages énigmatiques, parfois inquiétants. Itinéraire d’un jeune artiste prometteur. Tu as récemment exposé à la Galerie de Saint-François une série de portraits, c’était ta première exposition personnelle. Comment as-tu vécu cette rencontre avec le public ? Etait-ce difficile de parler de ton travail, d’entendre les commentaires sur tes dessins? Tout d’abord je tiens remercier Stan, la Galerie à St François, le C.M.A., la papèterie Louard,

Catherine et Jérôme Filleaux de m’avoir donné la chance d’exposer gratuitement à leur galerie. Sans eux, l’exposition n’aurait jamais vue le jour. C’est l’artiste Stan qui a été mon professeur au collège et au CMA qui m’a proposé de la mettre en place. J‘ai été très content et ravi des remarques du public. Cela a été un exercice parfois périlleux. Entendre les bons ou moins commentaires ne m’a été que bénéfique pour cette première exposition. 80


CULTURE Quel a été ton parcours artistique jusque-là? J’ai un Bac Littéraire, option Arts Plastiques que j’ai obtenu au L.G.T. de Baimbridge. Puis j’ai fait le CMA de Bergevin, dont je garde de très bons souvenirs. J’ai suivi l’enseignement des Beaux-Arts durant quatre ans à Limoges. Aujourd’hui, je suis en première année de Master de l’Education. Je me prépare pour le concours de professeur d’Arts Plastiques pour enseigner au collège ou au lycée.

As-tu visité le Mémorial Acte? Qu’as-tu apprécié? Un lien direct ou indirect entre tes dessins et les souffrances du passé en Guadeloupe? J’ai visité le Mémorial Acte, c’est une très bonne chose. Je pense que l’on ne prend connaissance des choses qu’en se les appropriant. J’ai eu l’impression que cela était possible avec le MACte. Je n’écarte pas un lien direct avec l’histoire guadeloupéenne mais j’espère qu’il n’y a pas que cela.

“La plupart des dessins étaient des portraits pris dans des revues...” Qui sont ces gens que tu dessines? La plupart des dessins étaient des portraits pris dans les revues telles que Créola, Karumag. D’autres étaient des membres de ma famille, des autoportraits, et parfois des personnages issus de mon imagination. Dans quels univers puises-tu ton inspiration? Les artistes que j’affectionne particulièrement sont Chuck Close, Baselitz, Van Gogh, John Cage, Pierro della Francesca pour ne citer qu’eux.

Comment un jeune artiste vit-il de son travail sur une petite île? Cela n’est pas facile. Mais pour celui ou celle qui souhaite s’y aventurer il y a de très bonnes structures, des acteurs et actrices qui sont là pour aider un jeune ayant de la bonne volonté. La persévérance et l’abnégation sont de mise.

As-tu d’autres thèmes de prédilection, en dehors des portraits? J’aime bien la photo et la vidéo, cela est encore au stade d’expérimentation. Si tu n’avais aucune limite ni dans le temps ni dans l’espace, quel type d’œuvre aimerais-tu réaliser? Cela peut paraître prétentieux, mais La Joconde serait pour moi l’œuvre ultime.

Des contacts, des projets dans la Caraïbe? Pour l’instant je me consacre à mon concours. Sinon, je souhaiterais faire une résidence. Je ne sais pas encore où, cela reste à voir.

STEEVE VÉRIN Facebook Officiel: Steeve Verin 81


A la loupe!

TRAPÈZE VOLANT propos recueillis par Ceebee

Sur sa structure installée au Helleux (SainteAnne), l’école de trapèze volant forme à la voltige, une activité sportive et artistique qui porte l’esprit du Cirque et procure un sentiment de liberté. Quelle est l’origine du trapèze volant? Le trapèze volant a été inventé vers 1850 par Jules Léotard, un toulousain. Son père était propriétaire d’un gymnase et le trapèze était à l’époque utilisé comme agrès de gymnastique et d’exercices physiques. Mais le jeune Jules eut l’idée d’accrocher plusieurs trapèzes et barres fixes pour s’amuser à passer de l’un à l’autre en se balançant…Très doué dans cet

exercice, il venait d’inventer le trapèze volant! Le premier spectacle de trapèze volant, par son inventeur, a eu lieu à Paris en 1859. Pendant longtemps, le trapèze volant se développera sous forme de voltige en “bâton bâton”, qui consiste à faire des passages variés d’une barre à une autre en atteignant la plateforme en face. Vers le milieu du 20ème siècle, on verra se développer le trapèze “bâton porteur”: 82


LOISIRS Est-ce un sport ou bien un loisir? On peut le voir à la fois comme un sport, une activité physique, si c’est au niveau de la régularité de la pratique, qui dans l’évolution technique demande au corps de suivre le rythme. Passée une certaine étape en technique et en intensité dans les voltiges, le renforcement

à partir d’une plateforme, on s’élance avec la barre de voltige pour exécuter une acrobatie qui sera rattrapée par un autre trapéziste, le porteur, pour revenir ensuite sur sa barre de voltige et la plateforme de départ. Ce dernier type de trapèze volant est celui que nous proposons ici en Guadeloupe.

“ Voltiger toute l’année en extérieur en profitant d’un cadre magnifique...” On pense bien sûr aux Arts du cirque quand on parle trapèze, c’est un esprit particulier que de vouloir réaliser ces acrobaties ou bien un sport comme un autre? C’est une activité particulière, qui ne ressemble à aucun autre sport, d’ailleurs le but n’est pas de faire mieux qu’une autre personne, ou de battre son adversaire pour avoir la médaille d’or, il n’y a pas de compétition avec les autres, au contraire. L’esprit des trapézistes, en tout cas celui que j’essaie de faire émerger, c’est de se dépasser soit même, d’aller au delà de ce que nous pensons pouvoir faire en tant que “terriens”, croire en ses possibilités, faire de son mieux à chaque passage et vivre pleinement l’action au bon moment. Une voltige ne dure que quelques secondes, et comme je le dis souvent aux élèves, durant ce moment, tu n’as pas le temps de réfléchir! Lorsque tu es sur la plateforme, que ton porteur se balance, prêt à te donner le signal de départ, tu sais déjà ce que tu dois faire, partir au “HEP” et être dans ta voltige, dans l’action, et franchement, même si tu as des fois le cœur qui palpite, c’est cela qui est bon! C’est vraiment un autre monde quand tu es là-haut.

musculaire, ou au moins une bonne condition physique sont des atouts. Mais le pratiquant occasionnel peut aussi bien se faire plaisir, en voltigeant de temps en temps, l’évolution sera peut être moins rapide mais toujours là, ainsi que le plaisir, bien sûr, c’est l’essentiel. Au trapèze volant, c’est à chacun son rythme. Comment as-tu découvert le trapèze? Après avoir passé ma licence STAPS, il y a 11 ans, j’ai entendu parler d’une formation aux Arts du cirque et au trapèze volant qui avait lieu dans le Sud de la France. Même si jamais je n’aurais pensé pratiquer ce type d’activité, ma soif d’apprendre et de découvrir m’a conduit vers ce qui est devenu rapidement ma nouvelle passion: la voltige. Je me suis investi dans cette formation, et de fil en aiguille, je suis devenu animateur puis responsable d’équipe de trapèze volant et cirque dans des clubs de vacances. Ensuite, j’ai cherché d’autres expériences sur diverses structures qui m’ont fait voyager, rencontrer différents trapézistes, écoles et méthodes d’enseignement. Pendant deux ans, j’ai côtoyé en Corse une super équipe et des trapézistes d’expérience qui m’ont transmis ce 83


A la loupe!

été testée auparavant auprès de la population etc... Mais bien que conscient de la difficulté, je savais au fond de moi qu’en me mettant à 200% dedans et qu’en transmettant au mieux ma passion, les choses ne pourraient aller que dans le bon sens, c’était ma vision et ça l’est toujours. Comme partout il y a des périodes plus confortables que d’autres mais c’est le jeu, l’école est toujours là, avec de nouveaux adeptes de la voltige au fil du temps et plein de sourires dans les airs. Comme on ne peut encadrer seul cette activité, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de contrats aidés. J’ai formé plusieurs trapézistes, notamment Davy, qui apprend aujourd’hui à gérer les différent postes. Par la suite, nous aimerions créer un deuxième contrat afin de développer l’activité. Un portique pour trapèze fixe et tissu vient juste d’être monté, les choses avancent et se diversifient.

qui allait me permettre d’ouvrir quelques temps plus tard ma propre école, en Guadeloupe.

“ Le trapèze est d’abord un art.” Quand et comment est née l’idée de créer une structure pour la pratique du trapèze en Guadeloupe? Mes premiers contrats comme animateur de trapèze volant en village vacances m’ont amené à faire une courte saison durant l’hiver 2008/2009 ici en Guadeloupe. Je suis tombé amoureux de l’île et ne voyant pas d’activité de ce type ouverte à tous sur le territoire, je me suis dit pourquoi pas. Le fait de pouvoir voltiger toute l’année en extérieur en profitant d’un cadre magnifique et d’une nature sans égale m’a vraiment motivé, même si je savais que cela n’allait pas être facile à mettre en place.

Existe-t-il un diplôme pour enseigner? Pour enseigner les Arts du cirque, il existe depuis un moment le Diplôme Fédéral, le B.I.A.C. (Brevet d’Initiateur aux Arts du Cirque) que j’ai passé en 2010 mais qui n’est reconnu que dans les structures de la F.F.E.C. (Fédération Française des Ecoles de Cirque). Depuis peu a été créé le BPJEPS Cirque, le Diplôme d’Etat.

L’investissement de départ était un vrai défi pour activité très peu connue. Quel est votre bilan à ce jour? C’est vrai qu’on m’a souvent dit que j’avais pris un gros risque de monter un tel projet ici, une activité complètement nouvelle, qui n’avait pas 84


LOISIRS Avant les trapézistes étaient reconnus pour leurs spectacles et pouvait même devenir l’attraction principale d’un cirque. Où peuvent-ils aujourd’hui faire de telles représentations? Les écoles de trapèze volant sont en train de se développer, tout comme les écoles de cirque en général. De plus en plus d’artistes aériens sont formés et l’on voit des compagnies naître dans de nombreux pays, dont la France. Des spectacles se créent, que ce soit au sein de cirques traditionnels ou bien plus contemporains. Le trapèze volant est présent dans de nombreux spectacles du Cirque du Soleil par exemple.

Le trapèze volant est une activité encore rare qui n’a pas son propre diplôme. Pour ma part, en plus du B.I.A.C., j’ai mon BE d’Educateur Sportif et d’ici peu je serai titulaire du BPJEPS Cirque par V.A.E. (validation des acquis et de l’expérience, NDLR). Votre structure répond-elle à des normes imposées? Oui, toute structure accueillant du public doit être contrôlée et validée par le B.V.C.T.S. (Bureau de Vérification Chapiteaux Tente et Structure) ou par un autre organisme certifié. Quelles sont les règles et normes de sécurité? La structure et les matériaux (câbles, plateforme, accroches, filet…) sont testés au niveau de leur résistance et de leur solidité. Quel est le profil des pratiquants réguliers? Il n’y a pas de profil type. Comme notre enseignement est adapté à chacun, enfants, adultes, sportifs et non sportifs y trouvent leur compte. En combien de séances arrive-t-on généralement à effectuer les passages aériens? En une ou deux séances seulement la première expérience de “rattrape” peut avoir lieu. Celles-ci se multiplient avec la pratique, on apprend plus tard à mieux vivre ce moment, à se préparer à le réussir et à en comprendre le fonctionnement.

Peut-on considérer le trapèze comme un sport extrême? Le trapèze est d’abord un art. Les notions de création et de liberté peuvent aboutir à dépasser certaines limites, comme exécuter des figures et acrobaties jamais tentées, évoluer sur plusieurs lignes de voltiges avec plus de passages et de trapézistes, en cherchant des synchronisations et des effets visuels toujours plus incroyables. Rien n’est figé, tout peut et doit évoluer. Arriver à mettre ses rêves en action, voilà la magie extrême du trapèze volant.

Existe-t-il des degrés dans la progression? La progression est sans limite. On peut toujours aller plus loin en technique, plus haut dans les airs. Et celui qui est motivé et qui a vraiment envie pourra en faire son métier dans le milieu du spectacle, ou bien de l’enseignement.

TRAPEZ’COOL

Info et réservation: 06.90.19.34.28 trapezcool971@yahoo.fr

Facebook: Trapez’cool ecole de trapeze volant 85


A la loupe!

360° PRODUCTIONS propos recueillis par Ceebee

En seulement trois ans, la société 360° Productions s’est constituée une banque d’images, proposant des vues inédites de sites ou d’événements en Guadeloupe. Qui sont les créateurs de la société? Ontils suivi un cursus en audiovisuel? Les créateurs sont Sonia Ordonez et Benjamin Sargenton-Callard, nous venons tous deux de formations extérieures à l’audiovisuel, comme la gestion et le commerce. Après quelques années

d’expériences professionnelles diverses, c’est une forme de prise de conscience ou de révélation qui s’est produite. Ce sont quelques petites coïncidences, beaucoup de passion et un peu d’audace qui nous ont conduit à vouloir nous professionnaliser. Nous avons donc cerné 86


SOCIÉTÉ ce que nous voulions apprendre et nous nous sommes lancés avec une motivation très forte. Sonia, pour compléter les compétences internes, a suivi diverses formations en conception d’animation 2D. J’ajouterai qu’avant de se lancer, nous avons étudié le marché en profondeur notamment à travers un business plan qui nous a demandé presque un an de réflexion.

à leur contenu, créer une WebTv et/ou une page pro sur un ou des réseaux sociaux (Offre Social média). Nous nous adressons également aux particuliers en proposant des réalisations de films de mariage.

“ Nous utilisons des drones dernière génération offrant une stabilité et une qualité d’image sans précédent.” Pourquoi ce choix de nom, 360°? Car il est facile à retenir et qu’il évoque un service audiovisuel à 360°, de la réflexion stratégique à la conception de produits audiovisuels modernes et efficaces. Une communication à 360° c’est aussi un panel d’outils, de compétences et de réseaux pour mener à bien une production sur mesure.

L’explosion du numérique et de l’outil informatique a donné à chacun la possibilité de réaliser des clichés et des vidéos. L’image reste-t-elle encore l’affaire de spécialistes? Est-ce le matériel ou l’œil du photographe qui fait la différence? Il est vrai que le numérique s’est énormément démocratisé et c’est tant mieux, de plus en plus personnes utilisent des outils de plus en plus performants. Cela booste la créativité en général. Avec quelques années de pratique et de recul, l’œil me semble important. De plus, il est peut être innée chez certain mais même quand on l’a on le travaille sans cesse, je dirai que c’est le couple œil-imagination qui est important. Il est indéniable que le bon matériel est très utile pour faire du beau ou du qualitatif mais cela ne va pas sans la capacité à avoir bonne lecture des choses, une vraie sensibilité artistique, une ouverture d’esprit, de la culture, qui doivent être des sources d’inspiration permanente dans notre travail.

Quels services proposez-vous ? Votre travail s’adresse-t-il exclusivement aux professionnels? Nous écrivons, réalisons et produisons selon les projets, tous types de sujets du web à la télévision. Donc essentiellement de la production vidéo et photo. Nous sommes également un exploitant aérien déclaré DSAC-AG, qui propose de l’imagerie aérienne. Nous utilisons des drones dernière génération offrant une stabilité et une qualité d’image sans précédent. C’est aussi un peu d’accompagnement en ligne pour les clients qui souhaitent donner de la visibilité 87


A la loupe!

On voit de plus en plus de films réalisés grâce à des drones, alors qu’auparavant il fallait un avion pour les vues aériennes, est-ce un gain de temps et d’argent pour ceux qui, comme vous, “chassent” les images? Oui absolument, pour des missions localisées et une faible altitude, également pour des coûts de fonctionnement sûrement moindre. Toutefois, dès qu’il s’agit de distance ou de vitesse, l’ulm/ gyrocoptère ou l’hélico restent incontournables. C’est le cas notamment pour la Karujet ou le tour cyliste. Mais nous devons reconnaître le côté ergonomique, intuitif et économique des drones et leur utilisation ne va qu’augmenter.

“ Nos productions oeuvrent à la promotion de l’île.” en terme de chaîne pour l’instant. Ce sujet va nous demander du temps, car il est ambitieux. La période est vaste, de l’esclavage à nos jours entre recherches dans le passé et témoignages d’aujourd’hui. Sur votre site Internet et votre page Facebook, on peut découvrir de très belles vidéos tournées sur notre île, ont-elles été réalisées pour la promotion du tourisme ? Oui, c’est instinctif pour nous, natif de l’île pour ma part et amoureux tous deux de celle-ci, nous la parcourrons sans cesse en quête de ses plus

Vous travaillez actuellement sur un documentaire historique en Guadeloupe, sur quelle période précisément ? Sera-t-il diffusé à la télévision? Oui il sera diffusé à la TV, pas de certitudes 88


SOCIÉTÉ Quels sont les projets dont vous êtes les plus satisfaits ? Ceux auxquels vous aimeriez participer? C’est peut-être tôt pour être satisfait, nous existons depuis trois petites années, néanmoins plus motivés que jamais et il le faut car ces métiers demandent de l’implication et de l’énergie. Nous avons créé un film en 5 volumes, Guadeloupe Islands, qui nous a donné beaucoup de plaisir à réaliser. C’est un interlude en musique composée de time lapses et d’images aériennes dans des endroits qui nous feront toujours vibrer. On trouve facilement ces petits clips sur Youtube ou Vimeo. La production de documentaire nous attire, cette année nous devrions en réaliser plusieurs. C’est une tâche difficile car la réflexion doit être approfondie dans un documentaire, avec une bonne maîtrise du sujet tout en proposant une belle image tant que possible. Notre île, notre archipel, la Caraïbe, la planète comptent tellement de gens, de lieux, de choses et d’histoires à raconter…

beaux visages. Nos productions œuvrent bien évidemment à la promotion de l’île. Aujourd’hui, nous commençons à avoir une belle banque de données d’images qui va nous conduire à proposer de nouveaux concepts sans tarder. Vous avez également réalisé un petit film sur le surfeur Jordan Oueslati, les sports de glisse représentent-ils une forte demande en images? Je serai tenté de dire complètement, mais finalement la création de la caméra embarquée Gopro nous a montré que tous les sports avaient une forte demande en images.Pour revenir à la glisse, voilà un sport où le drone est un point fort en terme d’images. En quelques années, nous avons découvert des vues inédites de ces sports, avec de plus en plus de sensations pour celui qui visionne, toujours plus “inside”. Enfin, au delà des sensations, la vidéo est un outil très pédagogique en sport, dont l’utilisation devrait naturellement encore se développer.

360° PRODUCTIONS Site officiel: www.360-productions.net

Facebook Officiel: 360 Productions 89


SÉRIES

MARVEL’S LUKE CAGE Créé par: Cheo Hodari Coker (2016) Avec: Mike Colter, Mahershala Ali, Simone Missick Genre: Fantastique, Action

Personnage introduit dans la saison 1 de Jessica Jones, Luke Cage est un colosse surpuissant à la peau impénétrable. Après avoir été le cobaye d’une expérience sabotée, le super-héros (connu dans les comics Marvel sous l’alias de Power Man) devient un fugitif tentant de reconstruire sa vie à Harlem. Dans une ambiance musicale Hip-Hop (le premier teaser de la série est accompagné d’un morceau du rappeur Nas), la série débutera le 30 septembre. Note: ••••••

TIMELESS Créé par: Shawn Ryan, Eric Kripke (2016) Avec: Abigail Spencer, Matt Lanter, Goran Visnjic Genre: Aventure, Science fiction

Un mystérieux criminel vole une machine à voyager dans le temps classée “secret défense” par le gouvernement américain. Une équipe composée d’une scientifique, d’un soldat et d’un professeur d’histoire se lance à ses trousses à bord du prototype de la machine, mais doit faire attention à ne pas modifier le passé. Le pilote de la série nous ramène à l’époque du LZ 129 Hindenburg, un gigantesque dirigeable qui s’est écrasé dans le New Jersey en 1937 après un violent incendie. Note: •••••• 90


www.loupe-magazine.fr

ATLANTA Créé par: Donald Glover (2016) Avec: Donald Glover, Brian Tyree Henry, Keith Stanfield Genre: Comédie

Au coeur de la scène rap de la ville américaine d’Atlanta, deux cousins tentent d’intégrer le milieu, malgré des divergences d’opinions qui ne vont pas leur faciliter la tâche. Le créateur et protagoniste de la série, Donald Glover, s’est lui-même lancé dans une carrière musicale sous le nom de Childish Gambino. Note: ••••••

PITCH Créé par: Dan Fogelman, Rick Singer (2016) Avec: Kylie Bunbury, Mark-Paul Gosselaar, Ali Larter Genre: Drame, Sport

Ginny Baker est une athlète extrêmement douée, formée par un père très exigeant. Elle est démarchée pour intégrer une équipe de la Ligue majeure de baseball aux États-Unis. Mais devenir la première femme dans ce sport très masculin ne va pas être de tout repos pour elle. A suivre dès le 22 septembre. Note: ••••••

EMPIRE / THE STRAIN - SAISON III / BLINDSPOT - SAISON II

à partir de

6,50€ (450g)

Le bar à pâtes par excellence, venez déguster nos savoureuses recettes cuisinées maison!

COMMANDes AU

0590.94.34.25

CENTRE COMMERCIAL DESTRELAND

PASTACOSY DESTRELAND


Cinema

LES SEPT MERCENAIRES Réalisateur: Antoine Fuqua Avec: Denzel Washington, Ethan Hawke, Chris Pratt, Vincent D’Onofrio Genre: Western/ Aventure Date de sortie: 28 septembre 2016

Près de 50 ans après la sortie au cinéma du mythique western, Antoine Fuqua réalise une nouvelle adaptation qui se veut plus réaliste, puisque le Far-West a été façonné par des Noirs, des Mexicains, des Chinois, des Européens ou encore des Amérindiens. L’histoire se déroule dans le Nord du Mexique. Un petit village est menacé par des bandits. Les paysans décident de faire appel à Chris Adams (Denzel Washington), un excellent tireur, qui recrute six autres mercenaires. Note : ••••••

DOCTOR STRANGE Réalisateur: Scott Derrickson Avec:Benedict Cumberbatch, Chiwetel Ejiofor, Tilda Swinton Genre: Fantastique, Action Date de sortie: 26 octobre 2016

Neurochirurgien accidenté, le docteur Stephen Strange perd l’usage de ses mains et donc de son métier. Il regagne espoir quand il entend parler d’un sorcier qui pourrait le guérir de son mal. C’est en voyageant dans l’Himalaya qu’il va découvrir un tout autre monde, celui de la magie. Il devient alors l’intermédiaire entre le monde réel et ce qui se trouve au-delà, en utilisant un vaste éventail d’aptitudes métaphysiques et d’artefacts. Note: •••••• 92


www.loupe-magazine.fr

Free State Of Jones Réalisateur: Gary Ross Avec: Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Keri Russell Genre: Guerre/ Biopic Date de sortie: 14 septembre 2016

En pleine guerre de Sécession, un fermier du Mississippi prend la tête d’un groupe de modestes paysans et d’esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Résolument engagé contre l’injustice, il fonde le premier État d’Hommes libres où Noirs et Blancs sont à égalité. Note: ••••••

THE FOUNDER Réalisateur: John Lee Hancock Avec: Michael Keaton, Laura Dern, Patrick Wilson Genre: Biopic/ Drame Date de sortie: 28 spetmebre 2016

Le parcours de Ray Kroc, qui a fait de la firme américaine McDonald’s l’empire mondial du fast-food. Celui-ci a rencontré Mac et Dick McDonald, deux frères qui tenaient un restaurant de burgers dans le sud de la Californie dans les années 1950 et a immédiatement vu le potentiel de l’entreprise. Note: ••••••

CHOUF/ MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS

SPÉCIALISTE COCKTAILS & GRILLADES N RESTAURATIOH 16 JUSQU’À

SNACK DE LA PLAGE

BAR D’AMBIANCE

vous propose une grande variété de brochettes, salades, grillades, paninis, sandwichS, glaces, gâteaux et boissons désaltérantes.

Plage de l'Anse à la Gourde, Pointe des Châteaux 97118 Saint François

Reservation - NICO: 06.90.642.880 / CHRISTOPHE: 06.90.939.121

SNACKDELAPLAGE


Jeux vidéos

THE LAST GARDIAN Editeur: Sony Computer Entertainment Catégorie: Action / Aventure Date de sortie: 25 Octobre 2016

CONSEILLÉ PAR:

Troisième volet du tryptique débuté avec Ico et Shadow of the Colossus, The Last Guardian est un jeu d’aventure. Vous incarnez un jeune garçon qui, dans des ruines anciennes, découvre un animal fabuleux. Entre les deux êtres, une véritable amitié va naître. Le jeu, minimaliste dans ses indications, laisse le joueur face aux situations et à son environnement, d’où émaneront les solutions pour avancer. Note : ••••••

THE TOMORROW CHILDREN Editeur: Sony - Q Games Catégorie: Action / Création Date de sortie: 6 Septembre 2016

À la suite d’une expérience ayant tourné au désastre, la conscience humaine s’est perdue dans une masse informe appelée le Void. Choisissez une des nombreuses classes (mineurs, ingénieurs, opérateurs radio...) et réunissez ce que la civilisation a de plus précieux pour la faire renaître, ville par ville, le tout dans une ambiance qui évoque l’URSS kolkhozienne. Note: ••••••

FIFA 17 / PES 2017 / NBA2K17 / NHL 17 94


Nov. 2016 #13

w w w. lou p e - magazin e . fr

Le PROCHAIN NUMÉRO En NOVEMBRE 2016 RETROUVEZ LES ANCIENS NUMÉROS SUR LE SITE

www.loupe-magazine.fr

#1

#3

#2

#7

LOUPE

#8

#4

#9

LOUPE

#5

#10

#6

#11

LOUPE MAGAZINE


EST DISPONIBLE SUR Canal 130

Canal 164

Canal 64

WWW.TRACE.TV


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.