11 minute read

Edito

Next Article
de super-pouvoirs

de super-pouvoirs

Bienvenue à toutes et à tous, en particulier aux petits nouveaux, pour cette année qui débute ! L’équipe du Louvr’boîte vous réserve de belles surprises à venir… À commencer par un numéro plein de magie ! Quoi de mieux à l’approche d’Halloween ?

Attention les yeux, vous croiserez, au détour de nos pages, le grand Méliès, le poétique Miro, d’incroyables légendes pragoises… Vous aurez même droit aux confidences les plus intimes de Zeus (on sait que vous attendez tous celles de Maximilien Durand, mais c’est pour vous faire patienter). Vous cherchez un petit moment de détente après l’HGA ? Ne manquez pas la rubrique mode, l’horoscope et les mots croisés. Et faites un petit tour sur notre site… il se pourrait que quelques sorcières vous y attendent.

Advertisement

Bonne lecture, Cassandre et Marie, les rédactrices en chef

Louvr’Boîte

Quatorzième année

N°68, 0,50€

Directeur de publication : Cassandre Bretaudeau

Rédactrice en chef : Marie Vuillemin

Responsable communication : Raphaëlle Billerot-Mauduit

Maquette : Mélissande Dubos, Lilou Feuilloley, Coralie Gay, Blandine Adam, Noémie Carpentier, Romane Demonet

Couverture : Suzanne Floc’h

Ont contribué à ce numéro : Adrien Barbault, Anouk Hubert, Aubin Maudeux, Axel Martin, Blandine Adam, Cassandre Bretaudeau, Coralie Gay, Djama Espinola-Serrano, Dylan Brune-Armessen, Elio Cuillère, Flora Fief, Hippolyte Campe, Jeanne Berlande, Jo Callas, Johanna Ruyant, Lilou Feuilloley, Lilou Corbet, Louise Gaumé, Lyse Debard,

Marie Vuillemin, Mathilde Bailly, Matteo Vassout, Mélissande Dubos, Naïs Ollivier, Noémie Carpentier, Raphaël Papion, Raphaëlle Billerot-Mauduit, Sofiya Pauliac, Solène Roy, Suzanne Gauthier, Suzanne Floc’h, Victoria Larrieu

École du Louvre, Bureau des élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 PARIS CEDEX 01. louvrboite.fr

Courriel : journaledl@gmail.com

Facebook : fb.com/louvrboite

Twitter : @louvrboite

Instagram : @louvrboite

Spotify : @louvrboite

ISSN 1969-9611. Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, ©Louvr’Boîte et ses auteurs.

Non, la pièce n’est pas truquée pour un quelconque tour de magie, mais avouez que s’en remettre au hasard pour prendre une décision avec ce genre de monnaie pourrait vite poser problème. Et c’est plus signifiant que ça en a l’air. Laissez vous guider, voici la petite histoire.

Commençons par le commencement : à qui appartiennent ces deux portraits ? Facile ! C’est écrit. Bon, je vous donne un coup de pouce, il s’agit d’Aurélien (AVRELIANVS) et de Wahballath (VABALATHVS). Le premier est empereur romain et le second, roi de Palmyre.

Contexte !

Nous sommes en 270 après Jésus-Christ. Tout le Proche Orient est occupé par les Romains… Tout ? Non, un petit royaume syrien peuplé d’irréductibles Palmyréniens résiste encore et toujours à l’envahisseur.

Cette année là, Odénath, roi de Palmyre, meurt, laissant derrière lui sa femme, Zénobie et son fils, Wahballat, alors âgé de onze ans. Autant dire qu’il n’est pas en âge de régner et que c’est Zénobie qui assure une forme de régence. Elle parvient tout de même à faire reconnaître son fils par l’empereur. Ce dernier, qui a déjà pas mal de problèmes en Gaule, a peu d’énergie à concentrer en Orient. De son côté, Zénobie a décidé qu’elle ne se laisserait pas dicter sa conduite par qui que ce soit. Alors, quand il s’est agi de faire frapper monnaie, elle a produit quelques séries quelque peu… provocatrices.

Penchons nous un peu sur l’iconographie. Ici, Aurélien est considéré empereur et auguste, il se fait représenter en buste portant une couronne radiée. Jusque là, tout va bien, même si représenter le roi Wahballat sur l’autre face, c’est lui donner une importance assez grande. La suprême provocation intervient quand on regarde la petite lettre en dessous du buste d’Aurélien, en exergue. Sur notre monnaie, c’est la lettre H. C’est ce qu’on appelle la marque d’atelier. Dans notre cas, cela signifie qu’elle a été frappée dans le sixième atelier d’Antioche. Et cette marque, elle est traditionnellement apposée… au revers !

Ça annonce la couleur des intentions de Zénobie pour le royaume de Palmyre. En 270, elle envahit l’Égypte avec une armée de 70 000 hommes et se fait proclamer reine. Elle se tourne vers l’Anatolie en 271 et Aurélien disparaît complètement de la monnaie, au profit de Wahballat, qui se fait appeler auguste alors que Zénobie se proclame impératrice de Rome.

Cela va sans dire, les échanges sont tendus. Aurélien décide de s’occuper de la situation en 272. Il lui envoie des lettres lui ordonnant de se rendre. Nicomaque devait traduire les réponses de Zénobie en grec, puisqu’elle dictait ses lettres en syriaque (même si elle connaissait très bien le grec). Elle est catégorique : suivant l’exemple de Cléopâtre, plutôt mourir que de se rendre. « Tu me dis de me rendre, comme si tu ne savais pas que la reine Cléopâtre a préféré la mort à toutes les dignités qu’on lui promettait.». Elle continue d’affronter l’empereur. Les troupes d’Aurélien franchissent le Bosphore en 272 et après combats à Antioche et Emèse, Zénobie est capturée alors qu’elle tente de s’enfuir vers l’empire sassanide.

Elle est alors exilée à Rome avec son fils Wahballath, après quoi les sources les concernant se font rares. On pense même que Wahballath est mort en route. Pourquoi l’exil ? Parce que l’empereur trouve indigne de faire périr une femme. Pourtant, à en croire ses dires dans l’Histoire Auguste, elle fut une remarquable adversaire, et ce, déjà du temps de son époux : « C’est grâce à elle qu’Odénath vainquit les Perses, mit Sapor en fuite puis parvint à Ctésiphon ».

Un règne assez bref pour Zénobie, mais dont les divers rebondissements ont su marquer les esprits des auteurs de l’époque.

5

conseils pour enchanter votre garde robe!

L’automne arrive et vous ne retrouvez plus votre bon vieux grimoire de mode ? Ne vous tracassez plus, notre rubrique pour fashion victim est là ! Comme par enchantement, ces conseils seront plus efficaces qu’un philtre d’envoûtement sur vos admirateurs.

Le retour de la chaussure magique! Plutôt poulaines ou bottes de sept lieues ?

Les longues chaussures biscornues des sorcières ne vous font pas peur? Adoptez les poulaines pour une vibe so XIVe siècle ! Ces superbes chaussures pointues égayeront vos tenues les plus ennuyeuses : avec leur extrémité pouvant aller jusqu’à 30 cm au bout du pied, vous garderez les envieux à distance. Attention, cependant, car une étude de l’université de Cambridge menée par la paléopathologiste Jenna Dittmar publiée en décembre 2021 a montré que les porteurs de ce type de chaussures avaient de très nombreuses fractures résorbées.

Aïe… Pensez donc à vous équiper de béquilles!

Plutôt boots ? Les bottes de sept lieues émerveilleront autour de vous, tant par leur solidité que par leur praticité. Eh oui ! Cerclées de fer pour garantir des chutes à cheval, elles font référence dans l’œuvre de Perrault aux chaussures que portaient les « postillons », les facteurs sous l’Ancien Régime. Ils parcouraient en moyenne sept lieues par jour, soit une trentaine de kilomètres. Magique ! Avec elles, vous enjamberez quatre kilomètres en un pas. Plus possible d’être en retard en TDO désormais.

Conjurer le mauvais sort qui plane sur votre chevelure

L’été se termine et vos cheveux ont plus l’air d’avoir subi de la magie noire que blanche ? Pas de panique nous avons les bons conseils pour vous. Sur le modèle de Samson, influenceur capillaire biblique, devenez un nazir, personne consacrée à Dieu par un vœu temporaire ou permanent et qui ne pratique plus certaines activités. Fini les verres en terrasse et les rendez-vous chez le coiffeur : en effet, un nazir ne boit plus de vin, ni ne se coupe les cheveux. C’est comme cela que notre héros vétérotestamentaire aurait obtenu sa force exceptionnelle. On connaît la suite puisque la coupe courte ne lui a pas trop réussi…

Rappelez-vous, on parle là du SUPERBE chapeau de fée qui composait votre déguisement de carnaval pour vos 5 ans ! N’était-il pas adorable ce couvre-chef conique avec son petit voile en son sommet ? Eh bien son histoire fait moins rêver. En effet, cette coiffe était mal vue dans la seconde moitié du XVe siècle, à l’époque où elle était très à la mode. Ça craignait de débarquer avec ce genre de couvre-chef à l’église : le prêtre ne se privait pas de faire un petit sermon sur la vanité des tenues et c’était vraiment la honte pour la dame.

Notre conseil : si vous voulez faire preuve d’originalité dans votre costume d’Halloween, privilégiez la coiffure à cornes, elle aussi du XVe siècle. Les dames qui la portaient étaient accusées de ressembler au Diable ou à de grosses limaces ! A vous de voir !

Talisman, amulette… Bien accessoiriser sa tenue ensorcelée

Les fameuses amulettes en forme de scarabée sacré. Si vous optez pour le look momie, placez votre amulette en malachite sur votre poitrine pour s’assurer lors du Jugement de l’âme que votre propre cœur ne témoignera pas contre vous ! Les Égyptiens pensaient que le scarabée remplaçait celui-ci pour assurer

Un ravissant bracelet rituel vaudou en cuir recouvert de cauris et d’un doux mélange de sang séché et de talc, entre autres. Venant de la population Fon au Bénin, ce bracelet était porté par le prêtre pour lui donner de la force dans ses cultes. Un « sofio », un élément métallique, symbole du dieu de la foudre, Hébiéso, surmonte le tout.

Dans tous les cas si vous trouvez un bracelet sur votre chemin, petit conseil : ramassez-le. En effet, une prêtresse du dieu en question négligea à plusieurs reprises un de ces accessoires aperçu sur son chemin. Lorsqu’elle le récupéra, celui-ci lui serra si fort le bras qu’il révéla sa nature « vaudou ».

Enfin quoi de mieux que de se débarrasser de la concurrence pour être seul à resplendir ? Quelqu’un vous fait ombrage et prétend avoir plus de classe que vous ? Faites-le disparaître avec panache en vous inspirant du conte popularisé par les frères Grimm, Blanche-Neige (1812). Dans cette version, la méchante reine n’en est pas à sa première tentative avec la pomme empoisonnée. Avant cela, elle tente de tuer Blanche-Neige en l’étouffant avec un lacet pour corset puis en la coiffant d’un peigne vénéneux. Des alternatives élégantes qui feront du défunt une véritable victime de la mode !

Autre option : Si vous êtes plutôt adepte d’un style sobre mais gore, le choix d’une tunique trempée dans du sang de centaure puis d’Hydre de Lerne et enfin d’un peu d’huile d’olive semble tout indiqué pour vous. Nous ne pouvons que vous recommander de vous adresser à Déjanire, l’épouse d’Héraclès, pour toutes les contre-indications. En effet, cette dernière s’est vue conseiller cette technique par le centaure Nessos (qui venait de tenter de la violer donc ses conseils n’étaient peut-être pas les plus bienvenus). Elle offrit par la suite la fameuse tunique imbibée à Héraclès alors qu’elle était en pleine angoisse de se faire tromper. Pas de pot, l’habit enflamma littéralement le héros qui préféra mourir tant il souffrait…

Ainsi, nul besoin de baguette magique ou de pouvoir occulte pour hypnotiser par votre allure, seuls ces conseils vous suffiront. Puisez dans les inspirations les plus féeriques et maléfiques pour parfaire votre look de saison. En bref, misez sur de l’exceptionnel, du terrifiant, du fantastique pour le retour de l’automne !

Rêver et faire rêver, n’est-ce pas là un caractère fondamental de la magie ? Cette dernière peut être définie sous plusieurs sens, et se subdivise en de nombreuses sous-catégories dont fait partie la prestidigitation. Elle se veut en effet être une source importante de divertissement, de joie, voire de fascination, et ne se cantonne pas aux notions de sorcellerie ou d’esprits démoniaques entraînant méfiance et peur chez les populations.

La magie au sens moderne où on l’entend se caractérise davantage par la constitution d’illusions et de trucages voulant créer des phénomènes surnaturels, épatants, extraordinaires ! Cet amour pour les illusions et l’imaginaire est le cœur de l’œuvre et de l’ambition artistique d’un des piliers du cinéma en France, Georges Méliès, définissant lui-même son travail ainsi : « Donner l’apparence de la réalité aux rêves les plus chimériques ; il faut réaliser l’impossible et le faire voir. ».

Tout d’abord retraçons le parcours de ce cinéaste fantastique, souvent considéré comme l’inventeur des premiers trucages et effets spéciaux du cinéma. Né en 1861 à Paris, Georges Méliès se voit contraint de suivre la carrière professionnelle de son père, à savoir la fabrication de chaussures, au lieu d’étudier les arts comme il aurait tant aimé le faire.

Finalement, c’est dans le domaine de la prestidigitation, l’art de produire des illusions en présentant des tours, que l’on peut plus généralement intégrer dans le domaine de la « magie simulée », qu’il décide de faire carrière. Ainsi, il achète le théâtre du prestidigitateur Robert-Houdin où il présente de très nombreux tours et spectacles. Mais c’est sa rencontre avec le cinéma qui marquera à jamais l’ambition professionnelle et artistique de Méliès, suite au visionnage de L’arrivée d’un train en gare de Louis Lumière en 1895.

Dès cette année-là, il commence à réaliser ses premiers courts-métrages puis crée sa société de production Star Film en 1897 avec son célèbre studio de cinéma dans sa propriété de Montreuil. Intégralement en verre autour d’une structure métallique, il permet une exposition exceptionnelle à la lumière, idéale pour tourner ses futurs chefs-d’œuvre. Ce sanctuaire d’art totalisant va faire naître un univers imaginaire qui durera presque quinze ans. Costumes, décors, mise en scène importés du théâtre et les choix des thèmes travaillés vont largement y contribuer.

Cet attrait pour le cinéma ne va en aucun cas éloigner Méliès de ses talents et de ses compétences de prestidigitateur, bien au contraire ! Même si certaines de ses productions ont pu avoir un sens plus ancré dans la réalité, voire politique, comme L’Affaire Dreyfus en 1899, l’univers de la magie et de l’enchantement s’exprime pleinement dans ses films.

La grande spécificité de Méliès est l’utilisation de trucages dans ses films, inspirés de ses spectacles de prestidigitation. Pour cela, il utilise différents procédés, d’abord dans sa manière de filmer avec des gros plans, des « zooms » en approchant la caméra et l’utilisation de nombreux décors. Mais c’est surtout dans le montage que la magie opère.

L’utilisation de « cuts » lui permet de faire disparaître ou apparaître des objets, des personnages, le tout amplifié par l’utilisation du décor comme un dégagement de fumée par exemple. Aussi, Méliès joue avec les pellicules au montage, permettant la superposition de plusieurs éléments comme un dédoublement de personnages, de parties du corps en faisant des surimpressions, des grossissements, des fondus enchaînés, ou bien encore de « couper » des personnes en deux, similaires à de célèbres tours de magie. Le cinéma est ainsi un moyen de diffuser cet art populaire sous forme de mise en scène presque théâtrale de ses spectacles de prestidigitation, mais derrière une caméra. Son génie a su voir tout le potentiel de cette récente invention en créant un cinéma de vue à « transformations ».

L’autre caractéristique importante du cinéma de Méliès est certainement l’omniprésence de la féérie, des mythes, de l’imaginaire et même du burlesque dans ses films. Son ambition est de faire rêver les spectateurs. On se retrouve ainsi transporté aussi bien dans des laboratoires de savant fou que sur la Lune. Parmi ces figures de la féérie, on retrouve celle de la sirène dans le film éponyme (La sirène, 1904), des références à des célèbres contes pour enfants comme celui de Barbe-Bleue assassinant ses différentes femmes (Le chaudron infernal, 1903), mais aussi des figures antiques très appréciées au XIXe siècle notamment les Sélénites, habitants de la Lune, liés à l’intérêt pour l’astronomie (Le voyage dans la Lune, 1902).

La figure du magicien se mêle aussi aux innovations scientifiques et technologiques qui sculptent le XIXe siècle ainsi que le développement de ce qu’on appellerait aujourd’hui la science-fiction. Georges Méliès s’inspire de plusieurs œuvres de ses contemporains telles que De la Terre à la Lune dans la collection des voyages extraordinaires de Jules Verne publié en 1865 mais aussi Les premiers hommes dans la Lune de H.G Wells paru en 1901. Ces deux œuvres ont une importance capitale dans la réalisation de ce qui est certainement le film le plus célèbre de Georges Méliès, à savoir Le Voyage dans la Lune sorti en 1902.

Cette folle aventure s’arrête avec le début de la Première Guerre Mondiale stoppant net les productions de Méliès qui, à cause de problèmes financiers trop importants, se voit contraint de mettre fin à sa carrière. Bon nombre de ses pellicules ont ainsi été fondues pour en faire des talons de chaussures. Heureusement, de nombreuses copies sauvegardées ont permis de redécouvrir l’œuvre de Méliès notamment lors du « Gala Méliès » organisé en 1929. Georges Méliès s’éteint finalement en 1938, marquant à jamais le cinéma par son imagination et sa créativité sans limites et inspirant encore aujourd’hui les plus grands réalisateurs.

Raphaëlle Billerot-Mauduit

Sources :

France Culture, Georges Méliès, maître de l’illusion, 2021 : https://www.youtube.com/watch?v=pU9Ri-oRxG8

MANNONI, Laurent. Méliès : La magie du cinéma. Paris, Flammarion, 2020, 400p.

This article is from: