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La petite histoire du siège du PCF – 14 La terrasse

Depuis le sixième étage, après avoir emprunté un grand escalier en colimaçon, la porte franchie, sur notre gauche, apparaît une vue sur Paris qui n’offre qu’un champ visuel restreint. Poursuivons, et devant nous le Sacré-Cœur, cette « verrue versaillaise qui insulte la mémoire de la Commune de Paris », comme l’a dit la communarde Nathalie Le Mel qui fut déportée en Calédonie avec Louise Michel. À droite, trois ruches installées depuis 2016, qui peuvent compter jusqu’à 60.000 abeilles. Elles surplombent l’un des patiosdu restaurant.

La terrasse est occupée par deux blocs de béton conçus en gradins inclinés qui abritent les tours d’air conditionné, reliées par une marquise à l’intérieur de laquelle passent les gaines ; de cette façon les tours ne sont pas visibles de la rue.

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Sur l’arrière du bâtiment nous pouvons voir les deux tours de circulation verticale, ascenseur et escalier de secours, de même que le jardin intérieur circulaire avec, derrière lui, « la cité rouge », cité HBM (Habitation à loyer bon marché) construite entre 1924 et 1929 et baptisée ainsi pour la couleur de ses briques.

Nous découvrons aussi le mur de cette cité qui jouxte le bâtiment du PCF avec ses ouvertures appelées « jours de souffrance » qui lui donnent l’air d’un mur de prison. La réglementation imposait qu’elles soient bouchées, mais Oscar Niemeyer y a placé des panneaux translucides qui laissent passer la lumière tout en conservant la discrétion. En nous dirigeant vers la gauche nous prenons pleine tête un panorama exceptionnel sur Paris et au loin les collines qui l’entourent, dont le Mont-Valérien. Tous les monuments de la capitale sont là, ou presque.

Une fois fait ce tour d’horizon, jetons un œil en direction de la place du Colonel-Fabien et partons pour un voyage dans le temps.

Le boulevard de La Villette marquait la limite de Paris jusqu’en 1860 et là, au bas de ce qui est aujourd’hui l’avenue Mathurin, se dressait une arène dans laquelle, de 1781 à 1850, combattaient des animaux, en particulier des taureaux. Ce lieu pris donc le nom de Place du Combat du Taureau, qui donna le nom de Combat à la barrière d’octroi, au 76e quartier de Paris en 1860 et à la place en 1904. Le 7 juillet 1945 la place prend le nom de Place du Colonel Fabien, jeune communiste du quartier Combat, héros de la Résistance. Il s’appelait Pierre Georges, preux de France, comme le titra l’Humanité du 30 décembre 1944.

À dix-sept ans il veut s’engager dans les brigades internationales pour aller combattre en Espagne. Trop jeune il falsifie sa carte d’identité. En Espagne, il suit une formation militaire ; il est lieutenant en 1938 quand, gravement blessé, il doit rentrer en France. Il milite à nouveau et, en 1939, il est interné pour activité communiste. En 1940 il s’évade lors d’un transfert. En 1941 il devient commissaire militaire de l’Organisation spéciale (OS) chargé de monter le premier groupe armé de la Résistance. Le 21 août, sur le quai du métro Barbès, sous le pseudonyme de « Frédo », il tue un officier de la marine allemande. En mars 1942, l’OS devient les FTP. Sous le pseudonyme de « Capitaine Henri », il met sur pied les premiers maquis FTP dans le Doubs. En juillet, blessé à la tête, il échappe à ses attaquants. De nouveau arrêté en novembre, il est torturé, condamné à mort et transféré au

Fort de Romainville pour être déporté.

En 1943 il réussit une nouvelle fois à s’évader et circule sous le pseudonyme d’« Albert ». Puis, en soutane, sous le nom de « Paul Grandjean » comme prêtre.

En 1944, sous le nom de Colonel Fabien, il participe à la libération de Paris comme responsable des FTP de la région sud de l’Île-de-France. Constitue une brigade, « la brigade Fabien », et avec des FFI rejoint la 1re armée de De Lattre de Tassigny connue sous le nom de « Rhin et Danube ».

Le 27 décembre 1944, à l’âge de vingt-cinq ans, il est tué par l’explosion d’une mine. Les circonstances de sa mort restent une question. Un livre a été écrit intitulé Qui a tué Fabien ?■

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