Comment recycler les espaces délaissés par l’industrie? Réflexions autour du site industriel de Charleroi Porte-Ouest Lucas Brusco Promoteur : Geoffrey Grulois
Comment recycler les espaces délaissés par l’industrie? Réflexions autour du site industriel de Charleroi Porte-Ouest
Lucas BRUSCO Promoteur : Geoffrey Grulois Mémoire pour l’obtention du grade de Master en Architecture Année académique 2015-2016 Faculté d’Architecture La Cambre-Horta de l’Université Libre de Bruxelles Place Flagey, 19 B-1050 Bruxelles
Remerciements : Je tiens tout d’abord à remercier mon promoteur de mémoire Geoffrey Grulois pour ses précieux conseils et son encouragement. Ensuite, je tiens à remercier Bernadette Stevens pour ses relectures très attentives. Finalement mes remerciements vont vers mes proches pour leur soutien et leurs encouragements.
SOMMAIRE 1) Introduction 1 2) Préambule et problématique 3 3) Charleroi Porte-Ouest 14 3.1) Situation 14 3.2) Redéveloppement actuel de la ville 16 3.2.1) Le paysage exemplaire de Bas Smets 16 3.2.2) Redéfinition du territoire par Districts 17 3.2.2.1) District Ouest 18 3.2.2.2) District Centre 19 3.2.2.3) District Est 20 3.2.2.4) District Sud 20 3.2.2.5) District Nord 21 3.2.2.6) Le bassin de vie 21 3.3) Historique du lieu 22 3.3.1) Les forges de la Providence 24 3.3.2) ACEC 25 3.3.3) FAFER 26 3.4) Outils visant à la restructuration du site 28 3.4.1) Cooparch, Agora et Chavannes 28 3.4.2) Patrimoine industriel Wallonie Bruxelles et la commission de sauvegarde du patrimoine sidérurgique 28 3.4.3) Le comité de développement stratégique de Charleroi Sud-Hainaut 30 3.4.4) La SPAQuE 30 3.4.4.1) Aciérie Allard à Marchienne-au-Pont 31 3.4.4.2) Fonderie Léonard Giot 32 3.4.5) ASBL Marchienne Babel 32 4) Recyclage urbain 34 4.1) Définitions 35 4.2) Le recyclage et la ville 39 5) Pistes de réflexions autour du recyclage urbain et de la Porte-Ouest 43 5.1) Dimensions sociales et culturelles 45 5.1.1) Le pur produit du marketing urbain : le «Guggenheim effect» 46 5.1.2) Réhabilitation, recyclage et participation citoyenne : le ParckFarm (Taktyk et Alive Architecture) 50 5.2) Dimensions écologiques et paysagères 53 5.2.1) L’intérêt écologique et énergétique de la reconversion des sites économiques désaffectés. 53 5.2.2) La reconversion des friches industrielles à travers l’art 57 5.3) Dimensions patrimoniales 64 5.3.1) Les musées de l’industrie : la mémoire comme pratiquede régénération urbaine 68 5.4) Dimensions économiques 74 7) Conclusion 79 8) Bibliographie 82
1) Introduction Est-ce qu’un site ou un bâtiment à l’abandon, dont la structure reste dans le paysage, figé par le temps, peut être comparé à un déchet ? De nos jours, la plupart de ceux-ci sont vus comme des ressources propices au recyclage. A partir du moment où l’on considère la multiplicité d’échelle des déchets, la ville post-industrielle peut être regardée comme un lieu potentiellement riche en ressources. Aujourd’hui, de nombreuses théories urbaines plaident pour une construction de la ville sur elle-même afin d’éviter un étalement urbain trop conséquent. Celui-ci est pointé du doigt comme un développement non durable de la ville car il implique une intensification de l’utilisation de la voiture et une bitumisation progressive du territoire. Selon l’American Institute of Architects, les espaces urbains abandonnés présenteront 90% des interventions architecturales dans les milieux urbains. Aujourd’hui, 80% des friches urbaines sont issus du déclin de l’industrie1. Habitant non loin de la Porte Ouest à Charleroi, l’un des plus vastes sites sidérurgiques en friches de Belgique, ces problématiques nous interpellent. En effet ce site représente une fracture profonde dans l’imaginaire et le paysage carolorégien. De plus, la ville de Charleroi opère en ce moment une grande restructuration urbaine amorcée par la revitalisation du centre-ville. Nous pensons que les sites industriels en désuétude seront sans doute la problématique urbaine prépondérante pour le développement territorial à venir. Dans son livre «Déclin et survie des grandes villes américaines», l’urbaniste américaine Jane Jacobs conclut que les villes, à condition d’être vivantes, diversifiées et actives, portent en elles la source de leur régénération et
1 VANHAMME, M., LOUBON, P., Arts en friches, Usines désaffectés, fabriques d’imaginaires, Les Editions Alternatives, Paris, 2001.
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que ce dynamisme peut profiter à leur environnement1. Premièrement, ce mémoire présentera un préambule contenant des réflexions autour de la construction de la ville sur elle-même en lien avec la problématique des friches. Ensuite, une présentation du site de la PorteOuest en rapport avec le développement actuel de la ville de Charleroi sera exposée afin d’en dégager les principaux outils et acteurs pour la reconversion du site. Puis, le terme du recyclage urbain sera précisé et comparé à d’autres termes employés pour désigner une réutilisation d’une source existante en architecture ou en urbanisme. Ce mémoire proposera finalement une réflexion sur la réutilisation d’éléments urbains non utilisés en tant que ressources au développement de la ville post-industrielle. Plusieurs projets, réalisations ou notions théoriques seront mis en exergue pour étayer nos propos. Le développement urbain des villes occidentales forgées par une activité industrielle en déclin touche à de nombreux domaines. Nous envisagerons des lors notre approche de manière pluridisciplinaire. Quelles valeurs sociales, culturelles, économiques, patrimoniales, paysagères ... ont ces sites urbains dans la construction d’une ville durable ? Quelles stratégies adopter ? Quelles réflexions aborder pour penser l’avenir des sites en désuétude ? Les pistes présentées ici ne se veulent pas exhaustives par rapport à la vaste question de la reconversion des friches industrielles mais tenteront d’apporter des visions nouvelles quant à cette pratique.
1 JACOBS, J., Déclin et survies des grandes villes américaines, Mardaga, Liège, 1991, p. 433.
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Gustave DorĂŠ - Over London by rail - 1856 (The British Library)
2) Préambule et problématique L’Europe compte de nos jours plus de 200.000 ha de friches industrielles 1. Parsemés à travers le paysage, ces (non-)lieux demandent une réflexion qui va plus loin que la problématique du patrimoine. Le traumatisme de l’industrialisation et de l’urbanisation s’est attardé dans notre mémoire collective depuis des décennies, malgré le temps passé 2. A partir des années 1980, avec l’impact de la désindustrialisation en Europe, le phénomène de friches urbaines a commencé à devenir perceptible dans la plupart des pays du continent. La vision de cette ressource foncière stratégique mais inexploitée a lentement fait son chemin parmi les responsables politiques et les représentants de la société urbaine 3. Aujourd’hui, les gens qui vivent à la campagne profitent des mêmes équipements et des mêmes perspectives que ceux qui vivent en ville. Les villes n’offrent plus les meilleures conditions de vie. Malgré tout, elles peuvent être vues comme l’absence de distance entre les personnes, les biens et les institutions. Elles permettent l’émergence et le renouvellement constant de réseaux denses et hautement productifs dans lesquels chaque habitant est impliqué. De nos jours, cela s’applique également à ceux qui ont tourné le dos à la ville pour s’installer en périphérie. La maison individuelle en périphérie n’est pas un modèle de campagne à la ville mais plutôt l’extension des choix urbains 4. La périphérie n’est, bien entendu, pas seulement 1 GILSOUL, N., AERTS, J., UYTTENHOVE, P., LAMBERTS, E., DE WEVER Hardwin, Paysages postindustriels, dans : A+, n°183, août- septembre 2003, pp. 42-61. 2 RINIETS, T., The city as resource, an introduction, dans : CHRISTIAANSE, K., The city as resource , Jovis, Berlin, 2014, pp. 9-23. 3 REY, E., Régénération des friches urbaines : entre enjeux stratégiques et complexités opérationnelles dans : YOUNES, C., D’ARIENZO, R, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, MétisPresses, Paris, 2014, pp. 275-290. 4 RINIETS, T., op. cit.
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Ebenezer Howard - Villes satellites autour de Londres (1898)
Frank Lloyd Wright - Broadacre City (1930)
Le Corbusier - Plan Voisin (1925)
composée de maisons individuelles. Nous retrouvons également des territoires industriels parfois à l’abandon dû au passage d’une crise économique. Ces territoires fracturant le paysage et les zones urbaines sont à reconquérir, reste à savoir de quelle manière. Il y a une surprenante corrélation entre le degré d’urbanisation d’un pays et sa prospérité. Plus il y a d’urbains, plus la productivité est haute. Les chercheurs qui ont travaillé avec le physicien Luis Bettencourt ont calculé pour la première fois ce que l’expérience nous a longtemps enseigné : les villes fournissent un environnement extrêmement productif et innovant 1. Partout dans le monde, les villes comptent environ 70% des demandes totales en énergie et environ 80% des gaz à effets de serres sont émis depuis les villes. D’autant plus que 50% de la population mondiale vit en ville 2. Beaucoup d’architectes renommés et visionnaires ont préconisé la dissolution de la ville existante pour être remplacée par des types d’établissements plus humains et plus modernes : Ebenezer Howard, le père fondateur des cités jardins, suggérait de réduire d’au moins 20% la taille de Londres. Le Corbusier suggérait de détruire un quartier entier de Paris pour y implanter son Plan Voisin. Frank Lloyd Wright soutenait de manière véhémente l’abolition des cités industrielles, dans lesquelles il ne voyait qu’une spéculation étroite et entachée, à la faveur de nouvelles constructions diamétralement opposées à ce modèle d’établissement qui pourrait combiner les avantages de la propriété privée et d’une basse densité bâtie 3. 1 ibidem. 2 United Nations - World Population Prospects. The 2006 Revision, United Nations, New York, 2007. 3 ibidem.
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De nos jours, les villes ne cessent de se transformer à travers des mutations de natures très différentes : économiques, techniques, sociales ... Et ce, à grande vitesse, à tel point qu’il est difficile d’en mesurer ses effets 1. «La société contemporaine se transforme vite et, emportés par cette évolution, nous mesurons parfois combien ont changé, en très peu de temps, les objets dont nous nous servons, les manières dont nous agissons, les façons dont nous travaillons, nos relations familiales, nos loisirs, nos mobilités, les villes où nous vivons, le monde qui nous environne, nos connaissances, nos espoirs, nos craintes ...» 2 Cette société contemporaine qui est la nôtre est définie selon Yves Chalas comme une «société de l’incertitude» 3, une société qui peine à déterminer quels problèmes la transforment. Selon lui, cette société n’est plus capable de prévoir. Elle est donc réduite à ne découvrir ses potentialités néfastes qu’une fois l’événement produit. Dans ce contexte de changements continus et d’incertitudes s’installe généralement un climat d’inquiétude voire de peur quant à l’avenir de nos villes. Aussi bien la population que les professionnels de l’urbain sont touchés par cette perte de confiance en voyant leur environnement se modifier. L’urbanisme du XX ème Siècle fut un urbanisme de planification mais actuellement, celui-ci devient insuffisant pour comprendre les nouveaux enjeux des territoires urbains. D’où l’apparition de nouvelles définitions de la ville à la fin du siècle dernier telles que la ville émer1 MICHEL, A., BRUNETTA, V., Shrinking cities, entre peurs et réalités, La Cambre, 2008 2 ASCHER, F., Les nouveaux principes de l’urbanisme, L’Aube, La tour d’Aigues, 2001 3 CHALAS, Y., L’imaginaire aménageur en mutation : cadres et référents nouveaux de la pensée et de l’action urbanistique, L’Harmattan, la Librairie des Humanités, Paris, 2004
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gente d’Yves Chalas, la ville diffuse de Paola Vigano ou la ville générique de Rem Koolhaas. Yves Chalas propose une «pensée faible» qui est, par opposition à une «pensée forte» plus déterministe et certaine, une «attitude devenue incertaine plus complexe, moins systématique et par-là même, moins polémique, mais constituée en doctrine, ou comme une stratégie, comme un système adapaté à la société d’incertitude, comme une méthode ou un programme pour une refondation de l’action publique.» 1 A travers cette «pensée faible», Yves Chalas nous propose 6 nouvelles figures de la ville contemporaine, celles-ci caractérisant ce qu’est la ville émergente selon lui : la ville-mobile, la ville-territoire, la ville-nature, la ville polycentrique, la ville au choix et enfin la villevide (ville de la discontinuité, ville des ruptures, ville disparate, désunifiée) 2. La «pensée faible» propose de nouvelles réflexions sur la ville, multipliant le nombre d’acteurs et des compétences de plus en plus diversifiés vers plus de participation, de flexibilité, de coproduction. «[...]Laisser mûrir et fermenter, fertiliser d’idées ou de programmes neufs. » 3 Pour en revenir aux friches, ce mot provient d’un terme médiéval néerlandais « versch » qui signifie terre fraîche 4. Cette notion est issue du vocabulaire agricole pour désigner des champs inexploités 1 GUYAUX, M-C, BERGILEZ, J-D., Conversations avec Yves Chalas ... et autres pensées faibles, La Cambre, 2006 2 CHALAS, Y. DUBOIS-TAINE, La ville émergente, L’Aube, la Tour d’Aigues, 1998 3 GILSOUL, N., AERTS, Jens, UYTTENHOVE, Pieter, LAMBERTS, Ellen, DE WEVER Hardwin, opcit. 4 REY, E., op. cit.
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pendant une certaine durée afin que la terre se régénère. Cet usage de la terre s’inscrit dans un temps long avec l’objectif de préserver la fertilité du sol et d’en éviter sa détérioration en raison d’une exploitation abusive. Une friche ne signifie pas un abandon, mais plutôt une préservation pour y développer de meilleures cultures. Transposé à l’urbain, cette signification initiale prend son sens dans une logique de développement pour autant que ce potentiel soit exploité au bon moment 1. Ces sites ont en commun de générer une certaine détérioration du milieu urbain et questionnent la vitalité qui le caractérise habituellement. Ces friches sont définies par : - une situation de déséquilibre correspondant à une incompatibilité entre le potentiel fonctionnel du site et les activités qui s’y déroulent (dysfonctionnement, déshérence, obsolescence), - une durée prolongée sans investissement qui tend à réduire de manière significative la valeur d’usage, voire la valeur d’échange, dans un avenir prévisible 2. L’apparition de ce genre d’espace est principalement due à la différence de temporalité entre les données socio-économiques, qui s’inscrivent dans des cycles temporels relativement courts, et les constructions et équipements servant de supports à ceux-ci, qui eux s’inscrivent dans des logiques à long terme. Ce décalage de temporalité est une des causes principales de l’apparition des friches urbaines 3. Les évolutions technologiques de la société influencent fortement 1 GILSOUL, N., AERTS, J., UYTTENHOVE, P., LAMBERTS, E., DE WEVER H., opcit. 2 REY, E., op. cit. 3 ibidem.
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Cedric Price - Potteries Thinkbelt (1966)
l’occupation du sol, particulièrement en ce qui concerne les innovations industrielles et les nouveaux modes de transports. Celles-ci permettent en théorie une meilleure productivité et un meilleur rendement, mais elles entraînent une diminution des surfaces nécessaires à leur fonctionnement. Sous l’angle historique, nous pouvons constater que le risque de constituer un nombre élevé de friches urbaines s’applique surtout dans des régions où une activité industrielle dominante s’y développe. Si cette activité industrielle vient à muter, cette dernière risque de laisser derrière elle des surfaces trop importantes pour les besoins d’autres activités 1. Le premier architecte à s’être intéressé à la réappropriation des espaces délaissés par l’industrie est l’architecte anglais Cedric Price avec son projet « Potteries Thinkbelt » en 1966. Le projet tire son nom de la région du North Staffordshire en Angleterre, région qui a accueilli des industries telles que la céramique et le charbon ainsi qu’un réseau ferré dense permettant de les desservir. Suite à la crise économique des années 1950-1960 en Angleterre provoquant la chute de l’industrie de la céramique, cette région fut marquée par le chômage et un paysage d’infrastructures industrielles abandonnées. Pour ce projet théorique, Cedric Price imagina de pouvoir réemployer au maximum les infrastructures présentes sur place et de les réutiliser en un vaste réseau éducatif qui pourrait accueillir 20.000 étudiants. Il entendait par là véritablement recycler le paysage industriel afin de proposer un nouveau système éducatif qui permettrait de redévelopper toute une région touchée par la crise post-industrielle. 2 D’autres techniques sont plus radicales et visent l’élimination d’un site devenu inutile. “Les temps ne sont pas si lointains où la mé1 ibidem. 2 AURELI, PV, Travail et architecture, une mise en perspective du projet Potteries Thinkbelt de Cedric Price, dans: Tracés, n°15-16, Aout 2015, pp.6-19.
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Patrick Bouchain - Le lieu Unique à Nantes - 2000 Source : BOUCHAIN, P., Construire autrement, comment faire ?, Actes Sud, Arles, 2006, pp.110-111
thode régulièrement retenue pour rénover un quartier ou un bâtiment vétuste consistait à tout raser au bulldozer et à reconstruire par-dessus des logements neufs et standardisés ...”. 1 Selon Patrick Bouchain, celui qui commet de telles opérations de table rase plutôt que de conserver et de transmettre peut être comparable à un criminel qui essaie d’effacer toute trace et ne veut pas qu’on le retrouve. Une attitude qu’il trouve problématique sur le plan de la transmission car on ne considère plus la ville d’un point de vue historique mais comme une chose consommable, jetable, alors que tout peut servir, se recycler ou se transformer 2. Il nous livre le même constat concernant le rejet actuel de l’architecture moderne : détruire des lieux de vie ou de l’industrie revient à détruire quelque chose qui fut l’expression d’une demande objective : être logé et travailler. C’est pourquoi il nous confie que « Les zones industrielles (ZI) et les zones d’urbanisme prioritaire (ZUP) ne doivent plus être considérées comme des zones mais comme de la ville. » 3 De nos jours, le fret et le transport de passagers prennent une quantité énorme d’espace nécessaire à la ville sous forme de routes, de ponts, de rails, de gares et de parkings. Ces surfaces réduisent la densité bâtie de la ville et font office de barrières qu’il est difficile ou impossible de traverser. La conséquence immédiate de ce processus est la limitation des interactions sociales dans l’espace public par le transport rapide de biens et de passagers. Mais dès lors que certaines de ces infrastructures sont vétustes et inexploitables, il devient nécessaire de réinvestir ces lieux afin de créer de
1 CHENARD, A., Député-Maire de Nantes, Extrait du fascicule “Nantes, Manufactures de tabac”, 1982 2 BOUCHAIN, P., Construire autrement, comment faire ?, Actes Sud, Arles, 2006 3 ibidem.
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nouveaux liens dans la ville 1. Malgré ces constats, la ville peut être considérée comme le lieu qui offre les meilleures conditions d’un mode de vie durable : une densité urbaine plus grande qui implique moins de consommation de chauffage qu’en zone péri-urbaine, des distances plus courtes entre les zones fonctionnelles de la ville, le partage d’énergie et d’infrastructures … Malheureusement ce potentiel de durabilité a été entravé durant ce dernier siècle. La modernisation et l’expansion urbaine massives qu’a connues le XX ème siècle a eu comme résultat une croyance ferme dans les progrès technologiques et la disponibilité à long terme d’une énergie bon marché. De nos jours, les villes sont définies par des structures qui demandent beaucoup d’énergie pour fonctionner et se maintenir 2. Aujourd’hui, faire des villes écologiques et économes en ressources est une des tâches les plus importantes de la politique et de la planification urbaine. Les sites d’activités économiques désaffectés, qu’on appelle plus communément aujourd’hui « friches industrielles », peuvent faire partie de ce constat. La crise post-industrielle de ces dernières décennies laisse des traces dans le paysage et dans le territoire de nos villes occidentales. Avec la croissance démographique et urbaine, ces zones en désuétude extrêmement consommatrices d’espace commencent à s’intégrer dans l’urbain et ne deviennent plus péri-urbaines comme prévu initialement 3. L’exemple de la PorteOuest, que nous développerons plus loin dans ce mémoire est significatif de ce point de vue là : ce site est tangent au centre-ville de Charleroi et fait partie du paysage de celui-ci. Ces ruines indus1 RINIETS, T. op. cit. 2 ibidem. 3 DE LA VINGNE H., CASABELLA, N., Le potentiel des friches industrielles en Wallonie : la dépollution : élément stratégique d’une reconversion, La Cambre-Horta, 2014.
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trielles, témoins d’une époque florissante et signifiantes d’un profond malaise économique à l’heure actuelle, deviennent parfois des freins à l’urbanisation ... à moins d’envisager leurs reconversions, leurs réutilisations ! De plus, les sites en friches peuvent représenter de véritables oasis biologiques : la diversité des espèces dans ces milieux dépasse celles couramment rencontrées en ville mais aussi en campagne dû à leurs conditions très particulières. Le biologiste irlandais Peter Bowler s’étonnait de la biodiversité des paysages post-industriels des houillères du West Yoshire : « Les houillères regorgent toutes d’orchis de Fuchs ou d’ophrys abeille, et parfois des deux. Les marcheurs des sites post-industriels aperçoivent fréquemment des lièvres, une espèce en voie d’extinction qui figure sur la liste du plan d’action anglais en faveur de la biodiversité. J’ai trouvé des terriers de blaireaux à l’intérieur d’avions désaffectés, et de grands tritons crêtés dans la plupart des étangs des anciennes briqueteries. L’un de ces étangs abritait trois espèces de tritons ainsi que des grenouilles et des crapauds communs.» 1 Ces lieux à l’abandon posent aux politiques des questions difficiles quant à la gestion du territoire, du paysage et du patrimoine. Ils représentent une blessure profonde dans l’imaginaire collectif. Les friches industrielles peuvent révéler l’altérité d’un territoire, devenir un espace de confrontation symbolique, mettre à nu des questions de transformation de nos sociétés, rendre possible des interventions qui permettent la réinvention du territoire 2. Les premières études sur les vestiges de l’industrie se sont opérées à travers l’archéologie industrielle, une branche de l’archéologie qui 1 DAVIS, M., Dead Cities, Les prairies ordinaires, Paris, 2009, pp.119-120 2 LAMARD, P., VITOUX, M-C., GASNIER, M., Les friches industrielles, point d’ancrage de la modernité, Panazol : Lavauzelle, 2006
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Bernd & Hilla Becher – Typologies de monuments industriels (1979-1991) Source : BECHER, B., BECHER, H., Anonyme skulpturen. Eine Typologie technisker, ArtPress, Dusseldorf, 1970.
s’intéresse essentiellement aux restes matériels de l’industrie. Cette discipline est apparue en Angleterre vers 1940. Plus tard, les artistes allemands Bernd et Hilla Becher ont photographié, durant les années 1960, toutes sortes de puits de mine, hauts-fourneaux, châteaux d’eau ou gazomètres. Une attitude distanciée certes, mais qui a permis, peu à peu, une prise de conscience sur ces sites d’un discours d’abord patrimonial, de sauvegarde et de classement, et ensuite écologique, d’assainissement de notre cadre de vie, une discipline tout juste émergente elle aussi à cette époque. Les mesures de sauvegarde pour protéger l’architecture industrielle en péril sont, quant à elles, relativement récentes en Europe. Considérée comme patrimoine historique, l’industrie fait l’objet d’une reconnaissance au travers d’opérations de sauvegarde, de protection, de classement, et de plus, en plus de réaffectation. 1 En région wallonne, la direction de la Division des Monuments, Sites et Fouilles et de la Commission Royale des Monuments et Sites a effectué, en 1994, un inventaire du patrimoine industriel à l’occasion des Journées du Patrimoine consacrées cette année-là au patrimoine industriel et social 2. Les stratégies de reconversion de sites d’activités économiques désaffectés suscitent depuis la fin du XX ème siècle un intérêt grandissant dans une série de domaines : l’architecture, l’urbanisme, la sociologie, l’économie, l’histoire, l’écologie, l’art ... L’objectif principal de ces études est l’embellissement du paysage, la restructuration économique et sociale d’un territoire, la prise de conscience d’un certain patrimoine à conserver, la présentation d’études de cas, etc. 1 VAN MALDEREN, L., COIRIER, L., Archéologie industrielle, Belgique, Editions Racines, Bruxelles, 2002. 2 ibidem.
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Ce mémoire tentera de mettre en parallèle l’existence de friches industrielles et les enjeux actuels de durabilité urbaine. Il nous semble qu’une utilisation plus rationnelle du sol devrait permettre de diminuer les effets négatifs qu’un urbanisme dispersé semble induire. Les vastes zones industrielles en désuétude posent problème quant à leurs statuts de no man’s land donc de ségrégation spatiale à l’intérieur des villes post-industrielles. La reconversion des friches industrielles induit beaucoup de questions quant à l’évolution de l’image de la ville, de sa patrimonialisation et de l’attractivité urbaine. En effet, si ces espaces sont réinvestis, ils sont destinés à perdre leur statut de ruines. Une dialectique s’instaure alors entre anciens et nouveaux utilisateurs de ces lieux, liés par l‘histoire de ces friches. La reconversion instaure donc une conservation patrimoniale par détournement fonctionnel. 1, 2
Comment concevoir efficacement, de manière significative et responsable dans le contexte dynamique de l’écologie urbaine, la reconversion de ces espaces en désuétude ? Qu’en est-il pour le site de Charleroi Porte-Ouest ? Le chapitre suivant consacré à celui-ci dresse un portrait du site et des initiatives réalisées ou en projet. Il sera suivi par une réflexion plus globale et comparative avec d’autres sites présentant des problématiques équivalentes, en Belgique et dans d’autres pays européens.
1 LAMARD, P., VITOUX, M-C., GASNIER, M., op. cit. 2 FAGNONI, E., Amnéville, de la cité industrielle à la cité touristique : quel devenir pour les territoires urbains en déprise ?, dans : Mondes en développement, 2004/1 N°125, pp.5166.
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Le site de Charleroi Porte-Ouest (production personnelle)
3) Charleroi Porte-Ouest 3.1) Situation Le site qui nous intéresse est le complexe industriel de la PorteOuest. Celui-ci est situé à l’ouest du centre-ville de Charleroi entre la Sambre et le Canal. La Porte Ouest, malgré son état d’abandon presque total, est une des entrées principales de la ville de Charleroi. Le périmètre de ce site s’étend sur les communes de Marchienneau-Pont, Monceau-sur-Sambre, Dampremy, Marcinelle et Goutroux. L’étendue de ce lieu est relativement gigantesque car il représente à lui seul près de 400 hectares, ce qui équivaut environ à la surface du centre-ville de Charleroi. Actuellement, ce site présente à la fois un faible pourcentage d’industries en activité, des zones industrielles en mutation et des liaisons routières et ferroviaires importantes. Charleroi Porte Ouest présente aussi un potentiel paysager grâce à la Sambre, au canal Charleroi-Bruxelles, à la vallée de l’Eau d’Heure, aux espaces boisés, à une chaîne de terrils et bien sur à des friches industrielles 1. Pour l’instant, un accord est établi entre la région Wallonne, la ville de Charleroi et Duferco (propriétaire du site) afin de reconvertir ce site. Le budget alloué à cette tâche est de 130 millions d’euros. Cette dernière sera financée par un partenariat public-privé entre la Région Wallonne et Duferco 2. A ce jour, le site de la Porte Ouest doit faire face aux stigmates de son passé. En effet ce site industriel, bordant le centre-ville de 1 «Comité de développement stratégique de la région de Charleroi et du Sud-Hainaut» (en ligne) : http://www.notreregion.be/sites/igretec/files/dossiers/fichiers/dossiers_prioritaires_2014.pdf 2 MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.286
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Charleroi Bouwmeester - Plan d’intensification urbaine et paysagère (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 20152025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.37
Charleroi et parcourant environ deux kilomètres, pose aux acteurs politiques et locaux toute une série de questions quant à son futur à la fois d’un point de vue paysager, urbain ou même fonctionnel. La ville de Charleroi réfléchit actuellement à une densification de son territoire. Nous émettons l’hypothèse que cela passera par une reconsidération de l’existant, du «déjà-là», donc des friches industrielles. L’équipe du Charleroi Bouwmeester précise dans son dernier ouvrage que cette intensification sera urbaine et paysagère : - Urbaine : en tenant compte du fait que Charleroi n’est pas une ville mono-concentrique mais qu’elle possède plusieurs centres suite à la fusion des communes de 1977. L’équipe choisit ainsi de déterminer cinq centres urbains, appelés «Districts» (Nord, Sud, Ouest, Est et Centre) qui respectent la structure urbaine des anciennes communes de Charleroi, - Paysagère : en se basant sur le postulat que la région de Charleroi possède de manière répartie sur son territoire beaucoup d’espaces ouverts qui peuvent former à grande échelle un important système paysager. L’équipe du Bouwmeester choisit de cette façon six grandes structures paysagères à valoriser afin de former une trame paysagère claire et identifiable par tous 1. Dans ce volet d’objectifs, nous rencontrons l’activation de la Sambre, qu’elle caractérise comme une zone économique et industrielle sous-exploitée. En effet, l’objectif à terme serait de rendre cette zone mixte avec de l’économie et du logement 2.
1 MAILLIS, G, op cit., p.38-40 2 «Comité de développement stratégique de la région de Charleroi et du Sud-Hainaut» (en ligne) : opcit.
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Bas Smets - Paysages - 2014 Source : CULOT, M, PIRLET, L, Charleroi, d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, 150 ans d’imaginaire urbain, Editions AAM, Bruxelles, 2015, p.353
3.2) Redéveloppement actuel de la ville 3.2.1) Le «paysage exemplaire» de Bas Smets En juin 2014, le musée des Beaux-Arts de Charleroi a accueilli l’exposition «Paysages» de Bas Smets. L’architecte-paysagiste flamand a proposé une analyse du territoire carolorégien afin d’en révéler les qualités intrinsèques 1. Pour ce faire, il a réalisé différentes cartes de Charleroi desquelles il extrayait couche par couche les éléments structurants du paysage tels que le bâti, l’hydrographie, les lignes de chemin de fer, les espaces verts, les bâtiments industriels, les voiries ... A partir de ces couches, il a défini un « paysage exemplaire », en combinant des « éléments exemplaires » de ces différentes couches. Ce travail a mis en évidence les spécificités et les qualités du paysage existant afin de développer un discours de reconquête et de transformation urbaines autour de l’identification des qualités inhérentes du paysage carolorégien. Bas Smets est parvenu à dégager deux axes structurants du paysage carolorégien en les nommant : - La vallée sèche : constituée d’une chaîne de terrils et de chemins de fer parcourant d’est en ouest le sud du centreville en passant par les communes de Gilly, Lodelinsart, Jumet et Roux, - La vallée humide : constituée de la Sambre, du canal Charleroi-Bruxelles et des friches industrielles 2. Ces 2 axes se rejoignent, encerclant le centre-ville. Ce paysage est formé par l’homme, sur base des anciennes traces de l’industrie. En 1 SMETS, B., Paysages, 13 juin 2014, Palais des Beaux-Arts de Charleroi, Biennale d’art urbain Asphalte 2 CULOT, M, PIRLET, L, Charleroi, d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, 150 ans d’imaginaire urbain, Editions AAM, Bruxelles, 2015, p.353-354
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Charleroi Bouwmeester -Division du territoire par districts (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 20152025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.76
les mettant en exergue, l’architecte-paysagiste souligne les caractéristiques d’un paysage unique. Cette analyse paysagère, à travers les spécificités urbaines, pourra dès lors servir de base à un projet de ville et de territoire. Un premier projet s’inscrivant dans cette revalorisation de l’existant est l’installation du futur Grand Hôpital de Charleroi (GhdC) sur l’ancien terril des Viviers à Gilly conçu par les bureaux d’architecture Reservoir A et VK Group. Ce projet a pour ambition de rassembler les différents centres hospitaliers de la région dans un complexe qui pourra offrir aussi bien des services de soins de pointe que des formations et de la recherche dans le domaine des soins de santé 1. Nous trouvons cette analyse intéressante et espérons que d’autres projets seront initiés suivant ces principes de revalorisation du paysage. 3.2.2) Redéfinition du territoire par districts La ville de Charleroi est composée de 15 communes différentes et de 55 quartiers qui ont été fusionnés en 1977, formant de cette manière le grand Charleroi de 200.000 habitants que l’on connaît aujourd’hui 2. Depuis peu, la ville a décidé de regrouper ces 15 communes en cinq districts pour plus d’égalité sur le territoire. En premier lieu, les 15 communes d’origine n’avaient pas toutes le même poids démographique ou politique. L’intention était de traiter l’agglomération de manière équilibrée afin d’assurer une logique territoriale et une politique équivalente 3. En second lieu, ce redécoupage par districts vise une distribution équitable des services urbains tels que les guichets citoyens, les hôtels de police, les services sociaux,
1 ibidem. 2 «Charleroi découverte» (en ligne) : http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=137 3 MAGNETTE, P., La transition d’une ville industrielle à une ville post-industrielle, 8 mars 2016, Palais des Beaux-Arts de Charleroi, UMons
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Charleroi Bouwmeester -District Ouest(2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 20152025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.284
les infrastructures scolaires, sportives et culturelles 1, ceci afin de garantir un service public de proximité. Chacun de ces districts est composé d’environ 40 à 45.000 habitants 2. Nous détailleront spécialement le district Ouest en rapport direct avec le site de Charleroi Porte-Ouest. Les autres districts seront évoqués brièvement. 3.2.2.1) District Ouest Le district ouest comprend les communes de Monceau-Sur-Sambre, Roux, Marchienne-Au-Pont et Goutroux. Lors de sa dernière conférence qui traitait de Charleroi et de sa transition d’une ville industrielle vers une ville post-industrielle, Paul Magnette présente le District Ouest comme étant « incontestablement le plus difficile » car il représente « un défi colossal » à relever 3. En effet, ce site s’étend sur 200 hectares et possède le haut-fourneau 4, un des deux derniers haut-fourneaux de Wallonie. Sa valorisation dans le cadre du patrimoine industriel est essentielle. Il pointe également l’attention sur le potentiel paysager du site avec la Sambre, le Canal et les quais bordant ceux-ci. Comme pour la plupart des sites industriels en désuétude, Paul Magnette met en évidence le double ressenti face à ces lieux : potentialité et rejet. Malgré tout, il entrevoit le District Ouest comme une chance inouïe de développer un nouveau quartier aussi grand que le centre-ville pour pouvoir y implanter de nouvelles idées de développement territorial 4. Parallèlement, le district Ouest est également un des districts les plus boisés, l’objectif sera donc retrouver une cohérence paysagère entre ces différentes figures 5. Le projet d’un parc de la Porte Ouest est évoqué dans le schéma stratégique de développement de Charleroi Métropole 2015-2025. 1 MAILLIS, G., opcit, p.77 2 MAGNETTE, P., opcit. 3 ibidem. 4 ibidem. 5 MAILLIS, G., op cit, p.285
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Charleroi Bouwmeester -District Centre(2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 20152025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.80
Celui-ci porte sur l’assainissement du site de 104 hectares. Cet assainissement sera supporté par un partenariat public-privé entre Duferco et la région Wallonne avec un coût de 130 millions d’euros. Le comité de développement stratégique de Charleroi Sud-Hainaut a récemment commencé des études concernant cette zone en se penchant prioritairement sur les problématiques de mobilité et d’accessibilité 1. L’étude urbaine sera ensuite complétée par une étude paysagère, une analyse des sols, une programmation urbaine, etc. Celle-ci a pour finalité de requalifier la trame paysagère, telle qu’envisagée par Bas Smets, afin de structurer un paysage mêlant espaces industriels en activité, des espaces verts et des logements. L’objectif est également une articulation entre les différents quartiers bordant le site 2. Nous pouvons également citer la reconversion du site Martinet situé entre les communes de Roux et de Monceau-sur-Sambre. Cette revalorisation tient d’abord de l’initiative d’un collectif de citoyens qui fut ensuite accompagné par la ville de Charleroi. Ce site de 53 hectares a connu une transformation intense grâce à des opérations d’assainissement, de réhabilitation, de revalorisation paysagère et de restructuration d’anciens bâtiments industriels liés à l’activité de charbonnage 3. 3.2.2.2) District Centre Nous retrouvons dans ce district les communes de Charleroi (le centre-ville composé de la ville basse, de la ville haute et du quartier de Charleroi-Nord, Lodelinsart et Dampremy). La politique de développement actuel à Charleroi s’est, en premier lieu, penchée sur les problèmes urbains du centre-ville afin de rendre celui-ci plus at1 «Comité de développement stratégique de la région de Charleroi et du Sud-Hainaut» (en ligne) : opcit. 2 MAILLIS, G., opcit, p. 286 3 MAILLIS, G., opcit. p. 292
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Charleroi Bouwmeester -District Sud (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.270
Charleroi Bouwmeester -District Est (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.254
tractif. Dans cette optique, ce district est celui qui contient le plus de projets. Nous pouvons citer parmi ceux-ci les nouveaux quais de Sambre et le centre culturel Quai 10, le centre commercial Rive Gauche et le réaménagement de la place Albert Ier. Nous épinglons aussi le projet de Charleroi DC 1 comprenant la création d’un pôle de conférences et de grands événements. Ce projet impliquera les rénovations du Palais des Expositions et du Palais des Beaux-Arts ainsi que la création d’un centre de congrès, une requalification du campus de l’Université du Travail (campus des sciences, des arts et des métiers) et une requalification des espaces publics reliant ces différents lieux. 3.2.2.3) District Est Le district Est comprend seulement deux communes : Gilly et Montignies-sur-Sambre. Celles-ci sont densément peuplées et offrent beaucoup d’opportunités du point de vue du contraste paysager, entre naturel et artificiel, entre la Sambre et les terrils et du point de vue de la mobilité douce. C’est dans ce district que sera créé le futur Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) près du terril des Viviers 2. 3.2.2.4) District Sud Ce district fait le lien entre le centre-ville, les parties boisées du sud de la ville et la campagne proche. Il comprend les communes de Marcinelle, Mont-sur-Marchienne et Couillet. Quelques institutions culturelles se trouvent dans cette partie de la ville telles que le musée de la photo à Mont-sur-Marchienne ou les éditions Dupuis à Marcinelle. C’est également un des districts les plus verts avec le centre de délassement de Marcinelle et son centre aquatique réalisé par l’architecte carolorégien Jacques Depelsenaire et transformé 1 «Charleroi District Créatif» (en ligne) : http://www.charleroi-dc.be/ 2 MAILLIS, G., opcit. pp. 254-269
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Charleroi Bouwmeester -District Nord (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.240
Charleroi Bouwmeester -Bassin de vie (2015) Source : MAILLIS, G, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, Charleroi Bouwmeester, Charleroi, 2015, p.24
depuis peu par le bureau d’architecture Réservoir A 1. Nous pouvons également trouver des éléments paysagers marquants tels qu’une carrière à Mont-sur-Marchienne visible depuis le Ring ou la nouvelle réserve naturelle du Brun Chêne situé à une centaine de mètres. 3.2.2.5) District Nord Le district Nord comprend les communes de Jumet, Gosselies et Ransart. C’est le plus vaste dû à sa basse densité de surfaces bâties. Ce district contient l’aéroport de Charleroi-Sud et le développement compris autour de celui-ci : l’aéropôle. Celui-ci comprend les nouvelles institutions de recherches scientifiques et technologiques du Biopark ou encore le nouveau centre social de la société de distribution de gaz et d’électricité Ores 2. Du point de vue paysager, on retrouve dans ce district le bois de Heigne à Jumet ou encore l’arboretum du parc de la Serna. 3.2.2.6) Bassin de vie Le grand Charleroi s’inscrit dans un réseau de villes et de villages. La ville partage avec son alentour des liens d’appartenance territoriale et est également liée par une trame hydrographique et géologique avec ce territoire. Le bassin de vie est composé de 25 municipalités et regroupe environ 500.000 habitants. Son objectif est de développer à terme des stratégies territoriales cohérentes entre la ville industrielle de Charleroi et les territoires semi-ruraux environnants 3.
1 MAILLIS, G., opcit. pp. 270-283 2 MAILLIS, G., opcit. pp. 240-253 3 MAILLIS, G., opcit. p. 25
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3.3) Historique du lieu Dans cet historique nous situerons les étapes importantes de l’activité industrielle développée depuis le XIX ème siècle. Ensuite nous dresserons un portrait des plus grandes sociétés qui se sont implantés entre et aux alentours de la Sambre et du canal Charleroi-Bruxelles, à la «Porte Ouest» et qui ont un intérêt dans notre recherche sur la reconversion des sites industriels. Charleroi s’est développée sur base d’une activité industrielle intense. Après la crise économique, la ville a connu un déclin sans précédent qui a eu comme conséquence, entre autres, un lâcher prise politique pendant plusieurs dizaines d’années. Aujourd’hui, le centre-ville de Charleroi connaît une mutation urbaine considérable afin de le rendre plus attractif. Cependant, la région du Grand Charleroi reste encore un terrain à reconquérir. De plus en plus, des études sur le développement de la métropole carolorégienne voient le jour, montrant ainsi l’intérêt des chercheurs et des politiques 1. La région étudiée est située dans la vallée de la Sambre, dans le bassin houiller traversant la Wallonie. A partir du XIX ème siècle, Charleroi se développe autour de trois ressources : le charbon, l’acier et le verre. En 1832, juste après l’indépendance de la Belgique, le canal Charleroi-Bruxelles est mis en service afin d’acheminer ces ressources vers la capitale 2. Nicolas Rochet d’Espace Environnement explique que « la révolution industrielle est la période qui a le plus marqué le territoire, avec le développement de l’essentiel des quartiers résidentiels, la cohabitation parfois surprenante entre habitat et tissu industriel, et le développement d’infrastructures aussi imposantes que l’activité qu’elles soutiennent. » 3 1 VANDERNOOT, C., Charleroi, dans un élan, dans : A+, n°256, octobre-novembre 2015, pp. 44-49. 2 ibidem. 3 ibidem.
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Ligne du temps des grandes entreprises sidĂŠrurgiques wallonnes. Source : http://www.cockerill-sambre.com/fr/historique/historique.htm
Charleroi sera à la pointe de l’industrie, la ville prospérera jusqu’à l’arrivée du pétrole vers 1960. La chute de l’industrie a d’abord commencé avec les fermetures des mines de charbon, laissant peu à peu les ouvriers au chômage. S’ensuit alors la chute de la sidérurgie durant les années 1980. Depuis les années 2000, une nouvelle prise de conscience progressive est apparue pour la revitalisation de cette région auprès des acteurs locaux. En premier lieu, des démarches citoyennes ont vu le jour. Ensuite des acteurs culturels ont pris le relais. Enfin, en 2012, Paul Magnette est élu bourgmestre de la ville. L’implication de la classe politique est alors nette et précise : elle entend donner un nouveau rayonnement à la ville. S’inspirant des modèles flamands et bruxellois, la cellule Charleroi Bouwmeester est créée en 2013 1.
1 VANDERNOOT, C., opcit.
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Photo aérienne des forges de la Providence vers 1960 - Collection AAM
Georges Ricquier Avant- projets d’un nouveau bâtiment administratif forges de la Providence vers la fin des années 1930 Collection AAM.
Jacques Depelsenaire - Avant- projets d’un nouveau bâtiment administratif forges de la Providence (1960) - Collection AAM.
Source : CULOT, M, PIRLET, L, Charleroi, d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, 150 ans d’imaginaire urbain, Editions AAM, Bruxelles, 2015, p.224, 228, 229-230
3.3.1) Les forges de la Providence Les forges de la Providence ont été créées par Ferdinand Puissant d’Agimont (1785-1833) et Thomas Bonehill (1796-1858). Ferdinand Puissant d’Agimont détenait au début du XIXème siècle le plus grand complexe industriel de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Cependant, durant les années 1820, la concurrence anglaise possédait des infrastructures plus performantes. Il fit donc appel à Thomas Bonehill, un ingénieur de Birmingham. De cette association naquirent les forges de la Providence en 1832. Celles-ci connaîtront un essor international principalement en France en 1843 et en URSS en 1895 1. Les dégâts occasionnés par la première guerre mondiale sont relativement importants à Marchienne-au-Pont. L’entreprise connaît un arrêt durant cette période et reprendra à partir de 1922. A partir de 1930, un projet pour la reconstruction de bâtiments administratifs est envisagé. Les dessins de ces nouveaux bâtiments sont réalisés par l’architecte belge Georges Ricquier dans le style des rationalistes italiens. Ce projet sera retardé et ensuite annulé à cause de la seconde guerre mondiale. En 1960, la Providence confie le projet à l’architecte carolorégien Jacques Depelsenaire. A nouveau, ce projet n’aboutira pas 2. En 1966, la Providence est rachetée par le groupe Cockerill-Ougrée. Elle fermera progressivement ses portes à partir de 1980. La France puis la Belgique verront leurs usines arrêtées à cause de la crise de la désindustrialisation. Peu de temps après sa fermeture, la Providence a accueilli le musée de l’industrie avant qu’il ne soit transféré au Bois du Cazier. L’ASBL Rockerill occupe les lieux depuis 2005. Celle-ci organise des évènements culturels tels que des concerts, 1 «Charleroi découverte» (en ligne) : http://www.charleroi-decouverte.be/index. php?id=314 2 CULOT, M, PIRLET, L, opcit, p.225-233
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Atelier de modelage des ACEC (1909-1911) - Collection AAM. Source : CULOT, M, PIRLET, L, Charleroi, d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, 150 ans d’imaginaire urbain, Editions AAM, Bruxelles, 2015, p.150 1. Atelier de modelage (1909-1911) 2. Câblerie (1909-1911) 3. Ateliers (1909-1911) 4. La nouvelle fonderie (1939-1947) 5. La nouvelle usine électrique (1951-1954) 6. Bureaux principaux (1948) 7. Services expéditions
Source : CULOT, M, PIRLET, L, Charleroi, d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, 150 ans d’imaginaire urbain, Editions AAM, Bruxelles, 2015, p.155
des expositions tout en respectant le caractère industriel du lieu et en permettant une préservation et une mise en valeur de ce patrimoine 1. 3.3.2) ACEC Les Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi, abréviés ACEC, naissent sous l’initiative de l’ingénieur Julien Dulait (18551926). Celui-ci fonde en 1881 la Compagnie générale d’électricité qui assurera, entre autres, l’éclairage des serres royales de Laeken. En 1888, suite au succès grandissant de l’entreprise, il décide de créer la Société d’électricité et d’hydraulique qui l’amène à avoir des commandes internationales de lignes de tramways électriques, de locomotives, d’ascenseurs, ... En 1897, l’entreprise compte 1500 ouvriers. Suite à la concurrence accrue avec le groupe allemand AEG, Julien Dulait profite d’un appui financier du groupe Empain et d’un soutien du roi Léopold II afin de fonder ce qui deviendra les ACEC 2. En premier lieu, le site des ACEC s’implantera à 500 mètres à l’ouest de la ville basse, le long des voies de chemin de fer. La construction de ce grand complexe industriel sera terminée en 1911. Cette date concorde pour l’Exposition de Charleroi qui met en avant les réalisations des avancées technologiques de la révolution industrielle. Ensuite, l’entreprise va prospérer pendant des dizaines d’années, les ACEC verront défiler des générations de travailleurs et illustreront ainsi la maîtrise industrielle belge de manière internationale. Entre 1960 et 1970, l’entreprise compte 10.000 travailleurs à Charleroi et environ 17.000 dans les filiales à l’étranger, par exemple, aux PaysBas, en Allemagne, en Argentine, en Uruguay ou encore en Afrique du Sud. Malgré ce succès, l’entreprise ne survit pas à la crise économique qui traverse le secteur industriel durant les années 80 et 1 ibidem. 2CULOT, M, PIRLET, L, opcit. , pp.147-155,
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Carsid Charleroi Source : http://tchorski.morkitu.org/2/4445.htm
est démantelée en 1984 1. Aujourd’hui, le site accueille le Technopole de la Villette, hélas en état de délabrement avancé dû à un non-entretien des bâtiments vides ne trouvant pas d’acheteurs 2. Cependant, quelques grosses entreprises sont encore présentes sur le site telles qu’une filiale du constructeur aérospatial Thales Alenia Space ou un fabricant de câbles électriques Nexans, dont la tour du château d’eau a été repeinte en jaune lors de l’événement «Couleurs Carolos» pendant l’été 2011. Cette initiative consistait en la mise en couleur d’éléments urbains importants dans le paysage carolorégien afin de mettre ceux-ci en valeur. 3.3.3) FAFER La Fabrique de Fer de Charleroi est née de l’initiative de l’industriel Victor Gillieaux (1832 - 1898) en 1863. Celui-ci entame la construction de l’usine qui deviendra dix ans plus tard la FAFER. Au début de son activité, cette société est spécialisé dans la fabrication de tôles pour la construction de ponts, de locomotives et de navires. Durant la première guerre mondiale, l’usine est démantelée par les Allemands pour être ensuite reconstruite à la fin de la guerre. La FAFER prospère jusque dans les années 1990. La société est revendue au groupe sidérurgique français Usinor en 1997 et est rebaptisée Usinor-Industeel en 2000. Par la suite, Usinor rachète Cockerill-Sambre et vend le site de Marcinelle à Duferco, un groupe sidérurgique international, qui deviendra Carsid. Industeel est intégré au géant Arcelor-Mittal en 2006. C’est aujourd’hui une des seules usines en fonctionnement sur ce site. Carsid, quant à lui, connaîtra un triste sort, puisque l’activité cessera en 2008 et l’usine fermera définitivement 1 ibidem. 2 «Comité de développement stratégique de la région de Charleroi et du Sud-Hainaut» (en ligne) : opcit.
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ses portes en 2012 1. Aujourd’hui, une association de citoyens, d’amoureux du patrimoine industriel et d’anciens travailleurs œuvrent à une patrimonialisation de certains éléments du site : trois cheminées, deux passerelles, mais surtout, le haut-fourneau 4 qui constitue un des deux derniers hauts-fourneaux de Wallonie 2. Duferco a élaboré en 2013 un plan de reconversion du site en partenariat avec le Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles (PIWB). Ce plan est pour l’instant au stade d’étude. Le site de 104 hectares est actuellement vu comme une ressource foncière potentielle pour le développement économique et social de la région. Toutefois, comme ce plan implique clairement ses auteurs dans la prise en charge et la contribution financières, nous pensons que la reconversion de ce site connaîtra sans doute encore de longues heures de palabres avant de voir le jour.
1 «France Metallurgie» (en ligne) : http://www.france-metallurgie.com/index. php/2013/07/01/industeel-charleroi-fete-ses-150-ans/ 2 «Télésambre» (en ligne) : http://www.telesambre.be/social-carsid-reconversion-du-site-_d_14300.html
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Schéma directeur de la Porte-Ouest - Patrick Chavannes & associés (2008) Source : http://www.aaupc.fr/projets/fiche/id/31
3.4) Outils visant à la restructuration du site Parmi les acteurs de la reconversion industrielle à Charleroi, nous pouvons citer quelques entreprises notables qui agissent à des fins de nettoyage des sols, de revalorisation du patrimoine ou de participation citoyenne. Nous allons brièvement présenter chaque entreprise ainsi que quelques-unes de ses réalisations. 3.4.1) Cooparch, Agora et Chavannes Il s’agit de trois bureaux d’étude en urbanisme et en paysage qui ont réalisé entre 2008 et 2012 pour la zone de la Porte-Ouest une étude de restructuration du territoire. Cette étude présentée sous forme d’un masterplan vise à une reconfiguration complète du site. Au vu des images proposées par cette étude, une très grande partie des infrastructures industrielles semblent avoir disparu au profit d’un paysage formé de blocs et d’espaces verts génériques. Cette étude a été contestée par les anciens sidérurgistes et les amoureux du patrimoine industriel de la région. Elle n’a pas été mis en œuvre. 3.4.2) Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles et la commission de sauvegarde du patrimoine sidérurgique. Cette ASBL créée en 1984 a pour rôle la fédération des sites d’archéologie industrielle en Région Wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale. Cet organe découle directement des initiatives de classement du patrimoine industriel du Comité International pour la Conservation du Patrimoine Industriel (TICCIH). L’objectif de cette association est de mettre en valeur les sites réhabilités et de sou-
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Lettre ouverte de Jean-Louis Delaet Ă Paul Magnette ( 2015) Source : http://patrimoineindustriel.be/fr/publications/actualite/+marcinelle-le-dernier-haut-fourneau-ne-doit-pas-disparaitre
tenir un discours de patrimonialisation pour les sites potentiels 1. Depuis 2014, le PIWB milite pour la préservation du Haut-Fourneau 4 à Marcinelle. Jean-Louis Delaet, un des président du PIWB et le directeur du Bois du Cazier, accompagné de Gilles Durvaux, l’administrateur du PIWB et Luigi Spagnuolo, un ancien sidérurgiste de la Porte-Ouest sont à l’origine de la création d’un comité citoyen visant à la préservation du patrimoine sidérurgique de Charleroi. Ce comité a réalisé en 2014 une ébauche de projet alternatif au plan présenté par la Cooparch. Celui-ci met particulièrement l’accent sur la préservation du Haut-Fourneau 4. Selon ce comité, il est inconcevable de dissocier Charleroi et sa dimension industrielle car celle-ci représente un des fondements principaux de la ville. Ce comité a mis sur pied un dossier afin de démontrer aux autorités locales l’intérêt qu’une telle opération de sauvegarde représente pour la région. Suite aux efforts fournis par ce groupe, les autorités communales de Charleroi ont créé une commission d’étude pour la conservation du patrimoine sidérurgique. Durant l’été 2015, celle-ci a finalisé un rapport pour la sauvegarde de ce patrimoine. Ce rapport a été remis au Collège des Échevins et des Bourgmestres et à la commission consultative d’aménagement du territoire. Ceuxci l’ont accueilli favorablement et ont encouragé la commission à poursuivre ses recherches concernant la sauvegarde d’éléments périphériques au haut-fourneau. Ce rapport a également été remis aux responsables de Duferco Developpement. Ceux-ci comptaient valoriser quelques éléments du haut-fourneau en les revendant au plus offrant. Jean-Louis Delaet a dès lors demandé dans une lettre ouverte adressée à Paul Magnette en juin 2015 que ce démantèlement en vue de la vente de certains éléments du haut-fourneau n’ait pas lieu. 1 «Patrimoine Industriel Wallonie Bruxelles (PIWB)» (en ligne) : www.patrimoineindustriel. be/
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3.4.3) Le comité de développement stratégique de Charleroi Sud-Hainaut Ce comité est créé en 2007. Son objectif principal est la mise en place d’une structure qui permet de parler de projets et de stratégies à mettre en œuvre à l’échelle du territoire de Charleroi et du Sud-Hainaut. Il est composé de chefs d’entreprises, de politiciens, de syndicats et de représentants des grandes institutions comme par exemple le représentant de l’aéroport de Charleroi 1. Un autre objectif de ce comité est le développement économique de la région en créant de la valeur ajoutée et de l’emploi. Selon Nathalie Czerniatynski, chef du service développement stratégique et territorial d’IGRETEC, cela ne peut pas se faire sans avoir connaissance du territoire et de ses dimensions socio-économiques. C’est pourquoi ce comité réalise annuellement un atlas socio-économique du bassin de vie de Charleroi 2. Ce comité de développement stratégique réfléchit actuellement et prioritairement à une reconversion durable du site de la Porte-Ouest. Il a d’ailleurs déjà réalisé des études concernant l’accessibilité et la mobilité autour de ce site. 3.4.4) La SPAQuE Cette société est créée en 1991. La SPAQuE 3 est un acteur majeur dans la dépollution et la réhabilitation des friches industrielles et des décharges en Wallonie. Elle a pour objectif de recenser sous 1 «Comité de développement stratégique de Charleroi» (en ligne) : http://www.notreregion.be/ 2 CZERNIATYNSKI,N., Le comité de développement stratégique de Charleroi, 17 octobre 2015, Brasserie de l’EDEN, Charleroi, Charleroi Academy 3 Société Publique d’Aide à la Qualité de l’Environnement
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forme d’inventaire les sites pollués en Wallonie et d’agir sur ceuxci de manière durable, à travers le développements de projets en lien avec les énergies renouvelables. La SPAQuE est également un acteur majeur dans le secteur de la collecte, du traitement et du recyclage des déchets de construction 1. Actuellement, 171 sites font l’objet d’un projet de réaffectation par cette société : 74 (687 hectares) sont déjà reconvertis tandis 97 (1316 hectares) sont en cours d’études 2. La SPAQuE jouit de financements octroyés par les Fonds Européens de Développement Economique et Régional (FEDER) et du Plan Marshall mis en place par la Wallonie. 3.4.4.1) Aciérie Allard à Marchienne-au-Pont Ce site se situe entre les communes de Marchienne-au-Pont et de Mont-sur-Marchienne sur une superficie de 22,5 hectares. Cette aciérie était installée à cet endroit depuis 1905 et a fermé ses portes en 1979. La production de ce site avoisinait les 35.000 tonnes d’acier par an et employait 525 personnes. Presque tous les bâtiments servant à la production de l’acier ont été détruits entre la fermeture et la dépollution opérée par la SPAQuE exceptés un bâtiment administratif et deux châteaux d’eau. Comme on peut l’imaginer, la terre et l’eau présentes à cet endroit étaient fortement polluées par des métaux lourds. La réhabilitation de ce site va permettre l’installation d’une zone urbaine mixte comprenant des activités économiques, des commerces, du logement et des espaces verts 3.
1 SPAQUE, Rapport annuel 2014, SPAQuE, Liège, 2014 2 «SPAQuE» (en ligne) : http://www.spaque.be/0122/fr/Societe 3 «SPAQuE» (en ligne) : http://www.spaque.be/0133/fr/16/Acierie-Allard?Archive=
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Site dépollué des fonderies Léonard Giot. Source : www.spaque.be/
3.4.4.2) Fonderies Léonard Giot Ce site de 5,7 hectares est situé à Marchienne-au-Pont, à quelques centaines de mètres des anciennes ACEC. Les fonderies Léonard Giot se sont implantées à cet endroit en 1862, spécialisées dans la chaudronnerie du cuivre et ensuite tournées vers le travail de la fonte et des aciers. La fin des activités de la fonderie a lieu en 1978. Entre temps, des parties du site ont été revendues à un constructeur automobile et à la brasserie Piedboeuf. La SPAQuE a commencé son travail de réhabilitation des sols en 2002 pour se terminer en 2013. Ils prévoient pour l’instant l’installation d’une microzone économique et le développement d’une zone résidentielle. Une façade néoclassique industrielle a été conservée et inscrite au patrimoine monumental de Belgique, elle sera à intégrer dans les plans des futurs projets 1. 3.4.5) ASBL Marchienne Babel Cette ASBL créée en 2012 et située à Marchienne met l’accent sur la participation citoyenne et sur l’appropriation par les habitants de leur cadre de vie. Une des intentions de ce petit organe est de permettre aux habitants de Marchienne de porter un regard différent sur leur quartier à travers des événements socio-culturels. Cette ASBL est à l’origine du festival Mai’Tallurgie. Ce festival a lieu tous les deux ans et réunit des événements festifs, des expositions, des colloques, ... La thématique choisie par l’équipe pour l’édition 2016 de ce festival était les friches industrielles, élément marquant du paysage marchiennois. De cette manière, Marchienne Babel entend développer une sensibilisation du potentiel culturel, 1 «SPAQuE» (en ligne) : http://www.spaque.be/0133/fr/45/Fonderie-Leonard-Giot?Archive=
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architectural, créatif et artistique de la région et aussi un investissement participatif de la part des habitants 1. Dans les chapitres suivants, nous nous sommes basés sur la littérature scientifique existante et sur des exemples concrets de reconversion de sites industriels délaissés en Europe. Le but est de dresser un portrait des possibles reconversions de friches et d’en offrir plusieurs exemples significatifs pour Charleroi.
1 «Marchienne Babel» (en ligne) : http://www.marchiennebabel.be/crbst_1.html
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4) Recyclage urbain Le processus de reconversion n’a rien de nouveau dans l’histoire des villes. Avant l’ère industrielle, les bâtiments avaient une durée de vie beaucoup plus longue et une multitude d’usages comparés à aujourd’hui. Quand un bâtiment changeait d’usage, il ne devenait pas une pièce de musée mais il continuait, entre autres, d’être une partie physique de la vie quotidienne avec une fonction nouvelle. Chaque génération a modifié, adapté, transformé, agrandi ... des bâtiments en fonction de ses besoins. Néanmoins, il arrivait bien un jour ou l’autre qu’un bâtiment ne soit plus capable d’être converti pour toutes sortes de raisons (substantielles, pratiques, idéologiques, accidentelles ...). Il était alors démoli ou laissé à l’abandon. Régulièrement, des matériaux et certaines parties de sa structure étaient réutilisés pour construire de nouveaux bâtiments 1. L’industrialisation a émis une cassure dans cette pratique. La relation à l’existant et à sa réserve de ressources a changé. A cause de la croissance démographique rapide dans les villes, les structures existantes n’ont pu combler la demande massive en espace et en matériaux. Les méthodes de production, après la première révolution industrielle, nécessitaient beaucoup d’espaces, de bâtiments et d’infrastructures à tel point que dans la plupart des villes industrielles, la densité structurelle et fonctionnelle menait à des conditions de vie instables 2. Le XX ème siècle a connu un développement urbain rapide et massif entraînant des démolitions à grande échelle pour permettre de nouveaux développements. Mais ce mode de fabrication de la ville a été totalement remis en question à la fin du XX ème siècle avec le modèle 1 BAUM, M.., Re-Use, From Exception to Normality : Re-use in Urban Development, dans : CHRISTIAANSE, K., The city as resource, Jovis, Berlin, 2014, pp. 145-154. 2 ibidem.
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de la ville post-industrielle. Nous allons dès lors assister à une remise en question de la primauté du neuf. Il en résultera une meilleure estimation des anciens bâtiments avec des discours qui iront plus vers une préservation du cadre bâti que vers une destruction et une reconstruction de bâtiments neufs 1. Penser le recyclage à l’échelle de la ville ou d’un morceau de ville permet de l’envisager différemment et de proposer des stratégies qui considèrent l’adaptation comme actions qui priment sur la tabula rasa. Cette activité de recyclage est porteuse d’une multitude de significations. Les expériences urbaines liées à l’activité de recyclage participent à un changement important dans nos représentations de l’urbain. Le recyclage cherche à tirer parti de la matière ou des agencements qui la constituent, au-delà du premier cycle, pour permettre à ceux-ci de nouveaux usages. La ville peut donc être le lieu de recyclage par excellence 2. 4.1) Définitions Plusieurs stratégies existent quant aux opérations qui permettent de faire revivre un lieu. Ces opérations peuvent être vues comme des typologies de reconversion d’un patrimoine quel qu’il soit, mais nous ferons essentiellement des liens avec l’architecture industrielle ou des restes de l’anthroposphère de l’activité industrielle. Etant donné que ce mémoire traite en partie de questions patrimoniales et plus spécifiquement de patrimoine industriel, des termes relatifs à ce domaine doivent être éclaircis. Lorsqu’en architecture ou en urbanisme, on travaille sur une matière existante sans en faire table rase, le projet se définit comme étant une restauration, une 1 ibidem. 2 YOUNES, C., D’ARIENZO, R., Recycler l’urbain : Pour une écologie des milieux habités, vues D’ensemble Essais, Métis Presses, Paris, 2014, pp. 9-15
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réhabilitation, une rénovation ou une reconversion. Ces éclaircissements de vocabulaires se réfèrent essentiellement soit à la Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et Sites, dite « Charte de Venise » 1, soit au Trésor de la Langue Française informatisé, abrévié TLFi 2. Dû à son utilisation abusive, la restauration est une notion complexe à définir. Des divergences significatives peuvent être constatées selon que le terme est employé par un historien, un architecte ou le grand public. Le TLFi nous donne comme définition une « opération d’urbanisme ponctuel consistant à sauvegarder et à mettre en valeur des immeubles ou groupe d’immeubles anciens dont on a décidé la conservation » 3.La charte de Venise précise le sens de ce type d’intervention comme ayant pour but de garder un caractère exceptionnel. Elle doit conserver et révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument en se fondant sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. « Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, … » 4 C’est donc une opération extrêmement rare dans le cadre d’une architecture industrielle que l’on voudrait préserver à moins que celle-ci n’ait une grande valeur historique. Nous pouvons néanmoins citer l’exemple la saline royale d’Arc-et-Senans en Bourgogne-Franche-Comté érigé par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux. La reconversion est certainement un terme plus approprié à ce genre de bâtiments et d’infrastructures. Le TLFi définit seulement 1 ICOMOS, Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et Sites (Charte de Venise, 1964). Restauration, Article 9, p.2 (en ligne) http://www.icomos.org/charters/venice_f.pdf 2 «Le Trésor de la Langue Française informatisé», (en ligne), http://atilf.atilf.fr/ 3 «Le Trésor de la Langue Française informatisé», (en ligne), http://atilf.atilf.fr/dendien/ scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1687902630; 4 ICOMOS, Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et Sites (Charte de Venise, 1964). Restauration, Article 9, p.2 (en ligne) http://www.icomos.org/charters/venice_f.pdf
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ce concept dans le sens économique, sociologique ou religieux du terme 1. Dans le sens architectural du terme, on peut le comprendre comme étant la réutilisation d’un bâtiment en l’affectant à un nouvel usage, forcément différent de celui attribué après sa construction. La Charte de Venise apporte plus de précision quant à son objectif puisque sa définition « implique le changement de la fonction de l’édifice afin d’éviter sa désaffection » 2. Ce terme est néanmoins plus précis que la réutilisation car cette notion signifie juste le fait d’utiliser à nouveau. La rénovation est définie dans la Charte de Venise comme étant « l’action de remettre à neuf par de profondes transformations qui aboutissent à un meilleur état, rajeunissement ou modernisation » 3. Il y a donc conservation d’usage et remise à neuf mais sans le caractère exceptionnel présent dans la notion de restauration précédemment définie. Nous pouvons également parler de rénovation urbaine définie par le Conseil économique pour l’Europe des Nations unies en 1972. Celui-ci entend par rénovation urbaine toutes opérations qui ont pour but de traiter un quartier bâti en vue de l’adapter aux nécessités de la vie urbaine. Les opérations peuvent être la reconstruction complète, la réhabilitation ou la restauration d’un quartier 4. Enfin, la réhabilitation, telle que définie dans le TLFi, est une « opération d’urbanisme consistant dans le nettoyage et la remise en état d’un quartier ou d’un immeuble ancien » 5. Cette définition ne prend pas en compte les effets de modernisation et de remise à niveau 1 «Le Trésor de la Langue Française informatisé», (en ligne), http://atilf.atilf.fr/dendien/ scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1687902630; 2 NORMAN, A., L’architecture sans fin. Restauration, rénovation, réaffectation, du patrimoine bâti, Court-Saint-Etienne, Jacques Benthuys, Centre culturel du Brabant Wallon, 2002, p.22 3 ibidem. 4 VICTOR G., MARTINY, Propos sur la restauration et la rénovation urbaine, in : Bulletin de la classe des Beaux-Arts, Palais des Académies, 5e série, tome LXV, 1983, 3-4, p.49. 5 «Le Trésor de la Langue Française informatisé», (en ligne), http://atilf.atilf.fr/dendien/ scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1687902630;
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réglementaires (énergétiques, écologiques, etc) énoncés dans la Charte de Venise. Celle-ci nous définit la réhabilitation comme étant une «action qui vise la restauration d’immeubles, d’îlots ou de quartiers anciens en pratiquant parallèlement la modernisation des équipements. Elle implique le maintien de l’édifice dans sa fonction principale» 1. Elle est donc «une modernisation des équipements pour maintenir l’édifice dans sa fonction principale.» 2 Le contexte politique d’aménagement du territoire en France a réintroduit la notion de « renouvellement urbain » ou « régénération urbaine » à travers la loi SRU en France(Solidarité et Renouvellement Urbain) en 2000 3. La définition que nous donne cette loi du « renouvellement urbain » ne correspond pas entièrement au sens initial du terme. Étymologiquement, le renouvellement urbain entraîne le remplacement d’éléments urbains par d’autres 4. Claude Chaline nous parle d’un « urbanisme de la transformation » par opposition à un « urbanisme de création et d’extensions périphériques » 5. Malgré tout, cette dynamique de modification de la ville sur elle-même ne date pas d’hier. Elle reste très proche de la notion de rénovation urbaine précédemment expliquée.
1 NORMAN, A., op cit., p.22 2 ibidem. 3 BADARIOTTI, D., Le renouvellement urbain en France : du traitement morphologique à l’intervention sociale., HAL, 2006 4 ibidem. 5 CHALINE, C., La régénération urbaine, Presses Universitaire de France, Paris, 1999
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Martina Baum - Life Cycle Source : BAUM, M.., Re-Use, From Exception to Normality : Re-use in Urban Development, dans : CHRISTIAANSE, K., The city as resource, Jovis, Berlin, 2014, pp. 146.
Martina Baum - Value of a building Source : BAUM, M.., Re-Use, From Exception to Normality : Re-use in Urban Development, dans : CHRISTIAANSE, K., The city as resource, Jovis, Berlin, 2014, pp. 146.
4.2) Le recyclage et la ville Des auteurs ont tenté d’aller plus loin dans ces définitions en y ajoutant des termes supplémentaires plus spécifiques à certaines situations. Les concepts expliqués précédemment recouvrent essentiellement des dimensions patrimoniales. D’autres branches peuvent enrichir le débat telles que l’écologie, l’économie, la sociologie, le paysage, etc. Ces points de vue permettent d’intégrer la notion de recyclage dans le débat des espaces urbains délaissés. Roberto D’Arienzo et Chris Younes nous parlent de « Recyclage appliqué à l’urbain » 1. Ce concept met l’accent sur les différents cycles de vie de tout ce qui existe. Ce concept peut être étendu non seulement aux objets et aux matériaux mais également aux bâtiments, aux villes, aux milieux et ce d’un point de vue environnemental, social, économique. Selon les auteurs, le recyclage à cette échelle peut s’entendre de deux manières différentes : - Questionner les procédures de reprise, de remploi, de reconversion de la ville contemporaine, - Porter l’effort de recyclage plus loin en fabriquant de l’espace avec les décombres, les ruines, en leur trouvant de nouveaux rôles à jouer, d’autres valeurs à assumer. 2 Le recyclage signifie revenir au début d’un cycle à partir d’un reste ou d’un déchet. C’est donc prendre en considération les cycles de vie de ce qui est créé, que ce soit un bâtiment, un objet ou des matériaux. Dés qu’ils sont appliqués à l’urbain, les points de vue sur les 1 YOUNES, C., D’ARIENZO, R., op cit. p.11 2 BONZANI, S., Dehors, frontières : d’une pensée de l’espace à l’autre, dans : YOUNES, C., D’ARIENZO, R., Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités vues D’ensemble Essais, Métis Presses, Paris, 2014, pp. 19-32.
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activitiés de recyclage se multiplient : social, économique, écologique, ... etc 1. Recycler signifie également considérer ce qui existe comme «porteur d’une signification culturelle et sociale partagée» 2. L’introduction de ce terme dans des débats sur la ville permet de faire émerger des stratégies qui privilégient l’adaptation plutôt que la construction ex-novo et la tabula rasa. 3 Cette activité de recyclage peut s’effectuer à plusieurs échelles : elle permet de faire un retour sur les qualités d’objets voire d’édifices ou de morceaux de ville. Elle s’efforce de tirer parti de la matière ou des éléments qui les constituent au-delà du premier cycle de vie, afin de leur trouver une nouvelle fonction. Lorsque le recyclage prend place à l’échelle de la ville, celle-ci peut alors devenir porteuse d’énormément de significations. L’activité de recyclage est relativement étrangère au monde de l’urbain mais l’arrivée de ce terme dans le discours de la ville remet en cause une partie de nos représentations et de nos imaginaires urbains 4. Le rythme du cycle est un élément spécifique de toute activité de recyclage. En instaurant des boucles de valorisation, on induit une volonté de préserver certaines qualités matérielles des objets concernés. Dès lors, le recyclage rend possible un retour sur ces objets, chose qui est impossible dans une appréciation linéaire et progressive de consommation de n’importe quel objet 5. Paola Vigano considère également la ville comme une ressource 1 YOUNES, C., D’ARIENZO, R., op cit. p.11 2 ibidem. 3 ibidem. 4 BONNAUD, X., En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ?, dans :YOUNES, C., D’ARIENZO, R., Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, vues D’ensemble Essais, Métis Presses, Paris, 2014, pp. 41-51. 5 ibidem.
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réutilisable et recyclable dans son ouvrage « Recycling City ». Elle définit trois termes qui peuvent être inclus dans la réflexion de réutilisation d’espaces urbains : les cycles de vie, l’énergie grise et l’inclusion. Ceux-ci servent de bases à sa théorie «Recycling City». Si l’on considère la ville comme étant constituée de ressources renouvelables, il devient crucial de comprendre les « cycles de vie » et les processus qui la modèlent. Cela permet de considérer les restes, les matériaux et les infrastructures qui ont supporté la formation d’un capital économique et social comme étant recyclables. Ceux-ci ne doivent pas être vus comme des constituants mineurs de la possibilité d’ouvrir des nouveaux cycles de vie. Recycler ne revient pas à simplement réutiliser mais surtout mettre en avant les nouveaux cycles de vie que la réutilisation impliquera 1. Les bâtiments n’ont, en théorie, aucune fin du point de vue de leur utilisation. Le type d’utilisation est habituellement établi par la loi et orienté selon le contexte et le cadre social dans lequel il s’inscrit. L’usage original d’un bâtiment peut disparaître dans son cycle de vie. Cela mène soit à la démolition soit à sa réutilisation. En cas de démolition, le terrain sera prêt à accueillir de nouvelles bâtisses, en cas de réutilisation, cela générera certainement une utilisation temporaire qui pourra ensuite amener une nouvelle utilisation des lieux 2. Chaque cycle produit son propre espace, à travers des processus de rationalisation, de changements technologiques, des habitudes et des pratiques qui varient. Paola Vigano considère cette accumulation et cette stratification spatiale comme de « l’énergie grise ». Cette dernière est constituée d’énergie nécessaire à la production d’un cycle de vie, elle inclut les matières premières, le transport, la 1 VIGANO, P., Recycling City, Lifecycle, Embodied Energy, Inclusion, Giavedoni Editore, Pordenone, 2012, p.17 2 BAUM, M.., Re-Use, From Exception to Normality : Re-use in Urban Development, dans : CHRISTIAANSE, K., The city as resource, Jovis, Berlin, 2014, pp. 145-154.
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manufacture, l’assemblage, l’installation, le désassemblage, la déconstruction et/ou la décomposition de tout ce qui se trouve sur un territoire 1. Si une partie d’une ville ou une portion de territoire traverse de nouveaux cycles, la prise en compte des dynamiques sociales est inévitable. L’arrivée de nouvelles populations crée de la marginalisation ou incite de l’inclusion. Le recyclage de la ville ne considère pas seulement les parties matérielles de la ville mais aussi ses dimensions sociales et politiques. De ce point de vue, « l’inclusion » signifie une redistribution des ressources, une « isotropie » 2 territoriale et une mixité sociale 3.
1 VIGANO, P., opcit, p.19 2 Ce concept emprunté à d’autres disciplines que l’architecture ou l’urbanisme désigne un objet stable, présentant les mêmes caractéristiques physiques dans toutes les directions. Bernardo Secchi précise que l’«Isotropie» n’est pas une métaphore pour eux mais un mot qui décrit et dessine une situation concrète de perméabilité et d’accessibilité généralisées. Il décrit une situation physique dans laquelle on n’a pas de direction privilégiée. Il précise aussi que l’isotropie n’est pas un concept utopique. L’isotropie s’oppose à la hiérarchie, mais comme cette dernière, elle est une situation limite qui ne s’avère jamais complète ni parfaite. Comme la hiérarchie a pris des siècles pour se mettre en place, l’isotropie prendra du temps pour intégrer les imaginaires collectifs et se réaliser. Il ne s’agit pas d’opposer ces deux systèmes ni de substituer l’un à l’autre, mais d’enchevêtrer, dans une mise en oeuvre en termes concrets d’aménagement, les deux systèmes se transformant l’un dans l’autre. 3 VIGANO, P., opcit, p.21
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5) Pistes de réflexions autour du recyclage urbain Les bouleversements politiques et économiques dans l’Europe occidentale de ces 30 dernières années ont eu comme conséquences un abandon de vastes territoires industriels, commerciaux ou militaires. Les changements logistiques ont aussi une part de responsabilité dans ce phénomène urbain. L’idée de convertir ces lieux n’est pas neuve, beaucoup d’exemples de projets démontrent des stratégies qui représentent autant d’approches différentes pour faire face aux structures abandonnées. Ces dernières décennies, de nombreux projets ont été mis en œuvre comme des initiatives « bottum-up », mais la reconversion de ces espaces a plus souvent été choisie comme une option formelle 1. Ce qui constitue la ville post-industrielle peut être regardé comme un stock de ressources réutilisables. Ce stock représente les terrains développés constructibles et les structures existantes inutilisées. Cette réserve peut être vue comme une ressource physique et spatiale pour le développement urbain. Plusieurs raisons nous portent à croire aujourd’hui que la réutilisation de structures existantes vaut mieux que la construction de nouveaux bâtiments ou infrastructures. Nous pouvons citer parmi celles-ci l’évolution des questions urbaines vers plus de durabilité, les changements démographiques, les changements économiques ... 2 De nos jours, nous observons un intérêt grandissant de la part des responsables politiques en matière de développement urbain afin de poursuivre une reconnaissance du patrimoine bâti à travers des stratégies de préservation historique ou encore des stratégies plus écologiques dans un but de protection de l’environnement. En Europe, les opérations d’urbanisme majeures et l’intérêt de l’architecture et 1 REY, E., opcit 2 BAUM, M., opcit
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de l’urbanisme se sont de plus en plus tournés vers l’utilisation de bâtiments existants. Plus récemment, ce discours a été également renforcé par les efforts opérés pour la protection du climat, de l’environnement et vers plus de durabilité. De plus, on retrouve parmi les citadins des villes en déclin un véritable désir d’identité, de références historiques et un sens du passé plus accru qui permettrait de porter l’attention sur ce stock existant d’espaces à l’abandon. Ces espaces peuvent être vus comme des espaces de possibilités, offrant un autre niveau de ressources. De ce point de vue, la ville a besoin de telles structures avec une histoire et une identité mais également une modularité et un certain degré d’ouverture dans leur conception et leur signification. Cette modularité rend ces bâtiments précieux et intéressants tant socialement qu’économiquement : ils stimulent notre imagination. De plus, ce sont des espaces où il devient possible de projeter des idées novatrices et de nouveaux usages. Comme nous l’avons vu précédemment, ces territoires ne sont pas uniquement à regarder d’un point de vue patrimonial. Les sites industriels désaffectés recouvrent une multitude d’aspects. Nous avons ici choisi d’en développer quatre d’entre eux : socio-culturel, patrimonial, écologique/naturel et économique. Les réflexions entamées dans cette partie ne se veulent certainement pas exhaustives sur la question de la reconversion du patrimoine industriel. Celles-ci proposent des pistes de réflexions pour penser l’aménagement de ces zones en désuétude.
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5.1) Dimensions sociales et culturelles L’approche la plus rencontrée dans les figures de reconversion de friches industrielles est celle des reconversions culturelles et de loisirs. Elles permettent une approche différente de ces lieux de mémoires mais aussi une remise en valeur d’un territoire. Les années 1990 et 2000 ont connu un grand nombre d’opérations de ce type, avec leurs limites et leurs divergences. La plupart de ces projets adoptent l’approche de l’urban entertainment center, dont l’ambition est de centraliser des fonctions de commerces et de services récréatifs et culturels dans des lieux industriels en désuétude patrimonialisés 1. Les équipements culturels jouent un grand rôle dans la dynamique économique des territoires 2. La culture est souvent vue comme un outil de développement urbain 3. Mais pas que ... Plusieurs exemples, allant d’une véritable opération de redéveloppement d’une ville en décroissance économique par la participation citoyenne à de pures opérations de marketing urbain, peuvent en témoigner. Nous l’avons souligné précédemment, la réutilisation de bâtiments est un concept plutôt familier. Toutefois, considérer ceux-ci comme des éléments structurants de la ville et comme des ressources est un concept relativement nouveau. Les bâtiments révèlent leurs potentiels et leurs objectifs dans leur architecture et leur conception. Ils font partie du passé et forment aujourd’hui l’identité d’un lieu. Cela ne vaut pas uniquement pour les bâtiments remarquables ou historiques mais également pour les structures communes telles que l’habitat, l’industrie ou le commerce. Dans ce respect, les bâtiments ont un rôle social très important : les gens s’identifient à 1 LECARDANE, R., TESORIERE, Z., «Bunker culturel : la régénération du patrimoine militaire urbain à Saint Nazaire», dans : In Situ (en ligne), n°16, 2001. 2 PLAZA, B.,« The return on investment of the Guggenheim Museum Bilbao ». International Journal of Urban and Regional Research, Vol. 30 (N. 2), pp. 452-467, 2006 3 LANDRY, C., The creative city a toolkit for urban Innovators, Earthscan Publications, Londres, 2000.
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eux et les utilisent comme point de repères. Même si de tels bâtiments sont convertis, ils resteront une partie active de la structure urbaine 1. Nous avons choisi de développer ces points de vue à travers deux approches diamétralement opposées de ce genre de stratégie de développement urbain : - Le pure produit du marketing territorial, - Réhabilitation, recyclage et participation citoyenne. 5.1.1) Le pur produit du marketing urbain : le «Guggenheim effect». Après 20 ans de changements économiques et de désindustrialisations massives, la ville de Bilbao a joui d’un tournant spectaculaire. La ville est maintenant au milieu d’une impressionnante renaissance urbaine qui a son origine dans nombre d’initiatives prises dans les années 1990. Celles-ci avaient pour but de restructurer et de redonner une image attractive de la ville. Ce genre d’interventions semblent devenir un standard dans les études liées à la ville, voire même un modèle de régénération urbaine pour d’autres villes affectées d’un déclin 2. L’économie de Bilbao était essentiellement fondée sur trois secteurs : la construction navale, l’industrie métallurgique et sidérurgique. La fermeture des industries lourdes et manufacturières a eu un double impact : - d’une part, socio-économique, avec un haut taux de chô1 BAUM, M., opcit. 2 VICARIO, L., MANUEL MARTINEZ MONJE, P., The Guggenheim effect, dans : OSWALT, P., Shrinking cities volume 2 : interventions, Hantje Cantz, Allemagne, 2006, pp.744-752
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Développement urbain autour du musée Guggenheim à Bilbao Source : VICARIO, L., MANUEL MARTINEZ MONJE, P., The Guggenheim effect, dans : OSWALT, P., Shrinking cities volume 2 : interventions, Hantje Cantz, Allemagne, 2006, pp.746-747
mage allant jusqu’à 25% de la population active et jusqu’à 45% chez les jeunes, - d’autre part, urbanistique et paysager avec des friches industrielles tout au long du fleuve Ria. 1 Cependant, bien que les stratégies de régénération appliquées à Bilbao soient perçues comme uniques, innovantes et exemplaires, ce genre de stratégies sont la suite d’un développement urbain qui a déjà vu le jour quelques années auparavant aux USA et au RoyaumeUni. En effet, le modèle d’intervention suivi à Bilbao est explicitement inspiré par des stratégies développées dans des villes telles que Pittsburgh, Birmingham et Glasgow. Bilbao est donc un exemple significatif de cette approche bien connue datant des années 1980 dans laquelle un produit vedette est un ingrédient central d’une régénération urbaine. Les visions et les trajectoires de la ville de Bilbao reflètent clairement les thèmes et les discours d’une « nouvelle économie urbaine » et de pratiques plus connues sous le nom d’« entrepreneurialisme urbain » 2. A la fin des années 1980, les représentants politiques de Bilbao et de la province de Biscaye étaient convaincus du besoin de mettre au point et d’implémenter des stratégies de planification pour faire face au déclin qui s’installait progressivement dans cette région depuis la fin des années 1970. Il fallait revitaliser l’économie et repositionner la ville dans le nouveau contexte d’une économie globale. Cela a donné naissance au « Plan Stratégique pour la Revitalisation de la Métropole de Bilbao » lancé en 1989 par le gouvernement Basque et conseil provincial de Biscaye, le « Masterplan pour Bilbao » lancé par le conseil municipal de Bilbao en 1985 et le « plan de zonage de la métropole de Bilbao » initié en 1992 par le gouvernement Basque et 1 LAUMIERE, F., SIBERTIN-BLANC, M., SIINO, C., Trois projets urbains : Lyon - Bilbao-Tunis, Café Géographique, Toulouse, 2007. 2 VICARIO, L., MANUEL MARTINEZ MONJE, P, opcit.
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le conseil provincial de Biscaye. 1 Le premier objectif de ces différents plans était de diminuer voire de faire disparaître l’empreinte industrielle en valorisant le cadre de vie et en donnant plus de place au piéton. Ceci a impliqué une suppression plus qu’une reconversion des friches industrielles. Le deuxième objectif était de repositionner le fleuve Ria comme axe structurant de la ville en aménageant les berges afin d’en créer un lieu de cohésion entre les différents quartiers de la ville 2. Une fois mises en place, les stratégies de régénération conçues pour Bilbao ont été sujettes à un grand nombre de critiques 3. Deux problématiques principales ont été relevées à cause des conséquences socio-spatiales que ce masterplan a entraîné : - La prédominance de logiques de marketing dans l’élaboration des projets de restructurations, - Les préjugés des citoyens inhérents à ce modèle de régénération 4. Beaucoup de critiques se sont dirigées vers ce genre d’opérations de restructurations qui donne la priorité aux lois du marché. Cette stratégie de développement s’est orientée vers un pragmatisme par lequel seul l’économiquement rentable a été vu comme désirable pour la ville. Les projets développés dans le cadre de ces opérations ont été adaptés pour convenir aux objectifs et intérêts des entreprises privées désireuses d’investir dans ceux-ci. Les autorités publiques ont utilisé ces opérations en partie pour provoquer une
1 ibidem. 2 LAUMIERE, F., SIBERTIN-BLANC, M., SIINO, C, opcit. 3 PLAZA, B., The Guggenheim- Bilbao museum effect : a reply to Maria V. Gomez «Reflective images : the case of urban regeneration in Glasgow and Bilbao, Joint Editors, 1999. 4 VICARIO, L., MANUEL MARTINEZ MONJE, P, opcit.
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montée des prix de l’immobilier afin de pouvoir financer ces projets 1. Au vu de cette première critique, les préjugés des citoyens concernant ce type de développement urbain sont faciles à comprendre. Comme conséquence de la désindustrialisation et du déclin, le centre ville a été parsemé de sites potentiels. Depuis le début, les stratégies de régénérations urbaines se sont concentrées sur la restructuration du centre ville donnant ainsi moins d’importance aux autres parties de la ville. Cela a certes donné naissance à un nouveau paysage du centre ville et des rives de la Ria avec des logements de luxes, des bâtiments de bureaux, des hôtels de luxes, des nouveaux lieux de divertissements et de commerces, des palais des congrès ... Cependant, les autres parties de la ville étaient aussi détériorés et dans le besoin d’investissements 2. Les effets pervers de ce modèle de régénération urbaine et les conséquences socio-spatiales de ces projets semblent évidents. Etant donné la hausse des prix du logement dans tout le pays, cette revitalisation économique générée par les nouveaux projets ont activé la flambée des prix dans les quartiers avoisinants affectant de cette manière la ville entière, c’est ce qu’on a appelé le « Guggenheim effect » 3. Ce modèle de régénération a exacerbé les disparités sociales et territoriales dans la ville. Les citoyens les plus influents de la ville résidant dans le centre-ville ont pu se permettre d’y rester, au détriment des populations moins favorisées et des habitants des quartiers avoisinants qui ont dû se contraindre à déménager dans la plus large périphérie de la ville, leur offrant moins d’opportunités. Nous pouvons donc parler ici d’une gentrification du centre-ville. Ce genre 1 ibidem. 2 ibidem. 3 ibidem.
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de nouveau projet de développement accompagné de logements luxueux, d’espaces de loisirs et de commerces, misant sur une nouvelle image de la ville et par conséquent sur une évolution du marché de l’immobilier permet aux centre-villes de devenir encore plus exclusifs et privatisés 1. Les pouvoirs publics ont transformé la crise industrielle en une opportunité de développement de la ville sur elle-même au détriment de la majorité de la population en installant sur les friches industrielles des secteurs tertiaires afin d’y développer des nouvelles activités. Cette stratégie de développement s’apparente vraisemblablement à une opération de marketing territorial. Bilbao a voulu se trouver une nouvelle vitrine en s’appuyant sur une architecture de renommée internationale. Le développement de Bilbao est, de cette manière, devenu un autre exemple de développement urbain à grande échelle qui accentue l’exclusion sociale et la polarisation de la ville 2. 5.1.2) Réhabilitation, recyclage et participation citoyenne : le Parckfarm (Taktyk + Alive Architecture) En 2014, l’IBGE (Bruxelles Environnement) a organisé la biennale Parckdesign autour du thème de la ferme urbaine. Les organisateurs ont sélectionné une équipe multi-disciplinaire afin de développer un plan pour la partie haute de la friche industrielle de Tour & Taxis sur laquelle le développement d’un large parc urbain est projeté. L’équipe est composé de Taktyk (Thierry Kandjee) et Alive Architecture (Petra Pferdmenges) en association avec Jacques Abelman, Eric Dil et Hilde van Schie. Ils ont élaboré ensemble une proposition pour cet espace public situé dans un quartier fragile qui combine les
1 ibidem. 2 ibidem.
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caractéristiques d’un parc urbain avec une petite ferme 1. La prise en compte d’une activité de potager informel déjà existante sur le site fut un élément clef dans le processus de conception du projet. Une des idées de base était de réintégrer ces potagers dans le projet, ce qui a donné l’idée principale de mixer la fonction d’espace vert et de ferme. Afin de proposer ce concept, Taktyk et Alive Architecture ont lancé un appel à idées auprès des habitants avoisinant le site en développant 5 thématiques : la ferme, les animaux de ferme, les déchets, l’apiculture et le potager expérimental. Pour assurer une certaine cohérence entre ces thématiques, les différents participants devaient respecter la devise du festival : «Du paysage à l’assiette». Grâce à cet appel, ParckFarm a été capable d’assurer un grand niveau de participation citoyenne. Ces cinq initiatives ont été renforcées par la suite grâce à l’intégration des activités proposées par les habitants voulant s’investir dans le projet 2. Initialement, ce projet devait rester sur le site de Tour & Taxi durant 5 mois mais Bruxelles Environnement décida de garder la plupart des installations du Parckfarm. A la fin 2014, les habitants du quartiers ont créé l’ASBL FARMHOUSE T&T 3 afin de pérenniser le projet. L’objectif de cette organisation est de créer une économie sociale qui soit locale et durable. Cette association agit également comme une plateforme d’échange entre tous les habitants de ce quartier mais aussi entre tous les agriculteurs urbains intéressés dans la participation de ce projet. Malgré la petite échelle de cette intervention, Parckfarm est devenu une référence dans le débat autour de la restructuration du site de Tour & Taxi. La localisation du projet a été choisie de manière stra1 DEHAENE, M., DUMONT, M., PROVE, C., Urban agriculture in Brussels, COST - Action Urban Agriculture Europe, Gent Universiteit, 2016. 2 ibidem. 3 «Parckfarm T&T ASBL» (en ligne) : http://www.parckfarm.be/
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Parckfarm Source : http://www.parckfarm.be/
tégique dans le corridor vert qui était anciennement les voies de chemin de fer reliant les infrastructures de Tour & Taxi et l’entrepôt royal. Parckfarm a démontré que la force d’un projet qui croit en une appropriation des habitants dans le processus de conception accompagné d’une approche pluri-disciplinaire peut avoir un impact dans le développement d’une zone urbaine. Ce projet a permis d’ouvrir les pratiques qu’un parc peut accueillir, en multipliant les points de vue afin d’amener une multitude de publics. Parckfarm a su démontrer qu’un urbanisme et une architecture ne se limitant pas qu’aux tâches de concepteurs de dessiner des espaces figés peut mener à diverses formes d’appropriations. Cette équipe pluridisciplinaire a pu voir évoluer la conception de cet espace public après la fin de sa construction 1. Parckfarm a été récompensé par le prix de l’espace public en 2015 donné par la compagnie Anversoise Infopunt Publieke Ruimte. Ce projet a principalement été retenu grâce à son approche participative et pluridisciplinaire. Ce mode d’aménagement peut en effet fonctionner comme un levier pour tout un quartier, permettant de cette manière un meilleur vivre-ensemble en ville, la construction d’une ville durable et la réalisation d’espaces publics plus adaptés 2. Nous pensons qu’une telle initiative est difficilement envisageable sur l’entièreté du site de Charleroi Porte-Ouest vu son envergure. De plus,le projet n’est pas tout à fait transposable car son essence réside dans la participation citoyenne. Il faudrait donc l’adapter à de nouvelles conditions, le confronter à de nouvelles idées et construire un réseau citoyen avec les habitants aux alentours du site.
1 JOHNSTONE, C., WARE, S., Parckfarm, dans : Architecture AU, n°147, Aout 2015 2 «IBGE» (en ligne) : http://www.environnement.brussels/news/parckfarm-tour-taxis-remporte-le-prix-de-lespace-public-2015
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5.2) Dimensions écologiques et paysagères Martina Baum entrevoit les friches urbaines comme une ressource au point de vue de la ville qu’elle nomme un «stock de structures urbaines». Ce stock peut être réutilisé pour permettre à la ville de se reconstruire sur elle-même 1. A travers ces réflexions nous pouvons non seulement entrevoir des logiques plus écologiques sur le potentiel physique des villes post-industrielles, mais aussi un discours visant à l’économie d’énergie grise à travers ces stratégies territoriales. Derrière les concepts de transformation de la ville sur elle-même, il y a également un discours de durabilité par rapport aux problématiques d’extension de nos villes contemporaines. De plus, ces lieux représentent une ressource du point de vue de l’imaginaire à travers le caractère d’abandon, de reconquête et d’oubli. L’atmosphère spécifique des friches évoque un univers alléchant pour l’artiste. Nous exposerons ici différents cas d’études de réemplois de ces lieux par détournement fonctionnel à travers les œuvres de plusieurs artistes ou collectifs d’artistes. Celles-ci ont eu des conséquences auprès du grand public visant à une redécouverte de ces espaces urbains en désuétude. Ce qui a mené, entre autres, à une reconsidération de ces opportunités de développement auprès des responsables politiques. Nous nous poserons la question de comment l’art a permis la redécouverte des paysages industriels. 5.2.1) L’intérêt écologique et énergétique de la reconversion de sites économiques désaffectés. Comme nous l’avons souligné ci-dessus, cette option fait également sens d’un point de vue écologique et énergétique, là où d’habitude une grande quantité d’énergie est nécessaire pour la production et 1 BAUM, M, opcit.
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l’acheminement de matériaux de constructions. Cette économie d’énergie grise déjà présente dans un bâtiment construit peut faire une différence avantageuse dans la balance énergétique à travers une réutilisation des matériaux ou des structures. Notons également que démolir consomme une part non-négligeable d’énergie et de matériaux 1. La problématique du développement durable comprend une réutilisation des ressources qui implique à l’échelle de la ville de considérer le stock de friches industrielles et de structures vides. Martina Baum voit ce stock de bâtiments existants pas seulement comme une ressource matérielle et économique, mais également comme un élément important qui peut transformer la ville en une source de nouveaux développements et de nouveaux styles de vies 2. Certes, une prise en compte des notions d’économie foncière et de sauvegarde du patrimoine sont des éléments essentiels de la régénération des friches urbaines, mais ce ne sont pas les seuls enjeux à considérer. La complexité inhérente de ces sites suppose des discours qui aillent plus loin que la densification de la ville. La transformation durable de ces sites se doit d’intégrer des objectifs en lien avec la durabilité environnementale, socio-culturelle et économique. Emmanuel Rey évoque le lien entre quartier durable et régénération de friches urbaines dans son ouvrage « Des friches urbaines aux quartiers durables » 3. Les objectifs de ces quartiers durables, sont selon lui « la réalisation de pôles caractérisé entres autres par une densité optimale, une maîtrise coordonnée de l’urbanisation et de la mobilité, la construction d’édifices à haute qualité environnementale, des espaces publics de qualité, des services de proximité, la promotion d’une mixité fonctionnelle et sociale et la recherche 1 ibidem. 2 BAUM, M., CHRISTIAANSE, K., City as loft, gta Verlag, Zurich, Suisse, 2012. 3 REY, E., LUFKIN, S., Des friches urbaines aux quartiers durables, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2015.
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Ecoparc de Neufchatel en Suisse Source : MERZAGHI, F., WYSS, M., Comment une friche ferroviaire se transforme en quartier durable : le quartier Ecoparc Ă Neufchatel en Suisse, dans : VertigO, Volume 9 NumĂŠro 2 | septembre 2009.
d’une qualité de vie accrue en milieu urbain » 1. Pourtant, le lien entre ces deux thématiques ne va pas toujours de soi de nos jours. Depuis 15 ans, nous assistons à beaucoup de projets de transformations de friches, tandis que les objectifs de durabilité sont bien souvent intégrés de manière implicite ou superficielle. Une telle intégration suppose une implication des acteurs qui portent le projet quant à l’évolution de la qualité globale du site et un suivi attentif de l’évolution des différents critères de la durabilité énoncés ci-avant. La création d’un quartier durable entraînerait dès lors une cohérence architecturale et urbanistique pour gérer l’évolution spatiale d’un lieu mais également une considération des enjeux liés à la durabilité, c’est-à-dire les critères environnementaux, socio-culturels et économiques. L’expérience de l’Ecoparc de Neufchatel en Suisse est très pertinente à ce sujet. Le projet a consisté en la création d’un nouveau quartier durable sur une ancienne friche ferroviaire de 4 hectares proche de la gare principale de Neufchatel. Cette friche était constituée d’anciens bâtiments industriels aujourd’hui transformés en logements, écoles, lieux de travail et commerces de proximité. La création de ce quartier est considérée de nos jours comme une expérience pionnière en matière d’alliance de reconversion de friches industrielles et de durabilité urbaine. Plusieurs étapes ont été nécessaires pour atteindre ces objectifs telles que : - Mettre sur pied une densification urbaine et une mixité fonctionnelle à proximité des transports publics permettant de valoriser les potentiels de la mobilité durable tels que la réduction des places de stationnement et la mise en place 1 REY, E., Quartiers durables. Défis et opportunités pour le développement urbain, Berne,Office fédéral du développement territorial (ARE) / Office fédéral du de l’énergie (OFEN), 2011
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d’un réseau de mobilité douce, - Développer des concepts du point de vue énergétique et écologique tels que la réduction des besoins en énergies fossiles, l’intégration de principes bioclimatiques, une construction plus écologique, etc., - Inciter des synergies fonctionnelles entre usagers grâce à des espaces de rencontres entre différentes institutions afin d’optimiser l’utilisation d’équipements tels que des centrales de chauffages communes, - Sensibiliser les usagers via la formation d ‘un groupe ayant pour but la promotion du développement durable en ville et également via la mise en place d’outils communicationnels tels que des manuels d’utilisation de chaque bâtiment pour une meilleure gestion des énergies consommées par celui-ci 1. Tous ces objectifs font de l’Ecoparc de Neufchatel un véritable «laboratoire de la durabilité urbaine» 2. Ceux-ci permettent de produire une dynamique de projet et de concilier les intérêts privés et publics. Cependant, il n’existe pas de recette miracle pour transformer durablement la ville. Il faut toujours porter l’attention sur le contexte de chaque friche afin de développer des solutions adaptées à chaque lieu. L’évolution vers plus de durabilité dans les processus de fabrication de la ville doit être entrevue à travers des solutions sur mesure. L’attention portée sur les régions et les sites en voie de reconversion doit s’appliquer tant sur le projet que sur les processus de mise en place de celui-ci 3. Selon Emmanuel Rey, cette transition 1 REY, E., opcit. 2 MERZAGHI, F., WYSS, M., Comment une friche ferroviaire se transforme en quartier durable : le quartier Ecoparc à Neufchatel en Suisse, dans : VertigO, Volume 9 Numéro 2 | septembre 2009. 3 REY,E., opcit.
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peut s’opérer par le projet urbain et architectural ce qui pourrait «favoriser l’émergence de solutions à la fois créatives et fédératrices, à même de favoriser l’engagement d’un nombre de plus en plus élevé d’acteurs» 1. Les acteurs qui mènent ces projets doivent donc être capables de revêtir plusieurs rôles étant donné la multiplicité des paramètres à prendre en compte mais ceux-ci devront savoir aussi s’entourer de partenaires interdisciplinaires pour répondre à un maximum de besoins. 5.2.2) La redécouverte des friches industrielles à travers l’art. En attendant que les terrains vagues et friches issus de l’exploitation industrielle soit reconverties, nous pouvons observer dans certaines villes une réappropriation temporaire de ces espaces par des artistes ou collectifs d’artistes. Ceux-ci nous invitent à poser un regard différent sur ces lieux. L’appropriation de ces espaces par les artistes a été désignée en France comme la création de «Nouveaux Territoires de l’Art» (NTA) d’après le rapport Lextrait rédigé en 2001 2. Celui-ci désigne ces appropriations comme des projets «multiformes et éclatés» qui sont portés par des artistes ou des collectifs d’artistes qui ont investi ces sites qui, à l’origine, étaient non-dédiés à l’art comme les friches industrielles ou les immeubles inoccupés 3. Les Nouveaux Territoires de l’Art ont suscité un grand intérêt dans les champs de la sociologie, de la géographie et des sciences politiques avec, entre autres, les travaux des sociologues Jean-Yves Authier ou ceux de Fabrice Raffin à propos des friches artistiques en Europe. Ceux-ci démontrent pourquoi certains collec1 REY,E., Vers une architecture durable, dans : REY,E., Green density, Lausanne, Presses polytechniques et Universitaires Romandes, 2013. 2 LEXTRAIT, F., Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires ... : une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport à Michel Duffour, Secrétariat d’État au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle. Paris, Ministère de la Culture, 2001 3 RAFFIN F., Friches industrielles : un monde culturel européen en mutation, Edition L’Harmattan, Paris, 2007
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Le Rockerill, installĂŠ dans les Forges de la Providence depuis 2005. Source : www.rockerill.com
tifs d’artistes veulent sortir des schémas classiques de modes de création et de diffusion en faisant le choix d’investir des lieux inoccupés, sans être soutenus par les autorités locales 1. Ce phénomène est apparu en Europe aux cours des années 1970. 2 Il correspondait à un manque cruel d’infrastructures culturelles et à un besoin de grands espaces pour permettre des processus de créations qui soient les plus libres et les moins contraints possible. De plus, ces friches permettent une appréhension autre de l’espace. Ces espaces supposent des postures d’abandon et de reconquête, ce qui constituerait un univers de choix pour la création artistique. Le champ architectural de ces lieux, tels que les hangars, les ateliers ou les halles, peut fonctionner comme un espace formo-créateur, c’est-à-dire que l’esthétique industrielle peut servir à la création artistique contemporaine malgré ses contraintes par les caractéristiques architecturales et fonctionnelles de ces lieux 3. Etant donné le caractère modifiable et adaptable de ces lieux, leur architecture offre une liberté quasi totale à l’expérimentation et à la création artistique 4. Depuis 2005 à Marchienne-au-Pont, le collectif artistiques «Les têtes de l’art» 5 investissent le Rockerill 6, un ancien bâtiment des forges de la Providence. Ce lieu a été transformé en un centre urbain 1 AUBOUIN N., COBLENCE E., Les Nouveaux Territoires de l’Art, entre îlot et essaim : Piloter la rencontre entre friche artistique et territoire, Territoires en mouvement, 2013/17-18, Volume 1, pp. 91-102. 2 DIETRICH, M., TransEuropeHalles, Les Fabriques : lieux imprévus, Bordage, Paris, 2001, pp.4-5 3 DE LA BROISE P., GELLER- EAU M., “De l’atelier à l’atelier : la friche industrielle comme lieu de médiation artistique”, dans : Culture & Musées. N° 4, 2004. Friches, squats et lieux autres : les nouveaux territoires de l’art ? (sous la direction de Emmanuelle Maunaye) pp. 19-35. 4 THORION G., Espaces en friches, des lieux dédiés à l’expéri- mentation et à la création culturelle, Communication et organisation, 26 / 2005, pp. 114-126. 5 «Les têtes de l’art» (en ligne) : http://www.tetesdelart.org/ 6 «Rockerill» (en ligne) : http://www.rockerill.com/
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Mise en valeur des cheminées de Roubaix par l’association NON-Lieu. Source : http://non-lieu.fr/
dédié à la création et à la diffusion artistique. «Les têtes de l’art» utilisent ces lieux pour créer et exposer leurs œuvres, conférant au lieu une ambiance particulière entre ancienne usine à l’abandon et culture populaire et alternative. Peu à peu, le Rockerill est devenu une institution culturelle de renom à Charleroi et en Wallonie. Cet espace accueille des événements culturels et artistiques et permet ainsi la sauvegarde de traces de la première usine sidérurgique de Charleroi. D’autres associations ont voulu révéler l’altérité de ces paysages industriels en désuétude à travers des manifestations socio-culturelles. C’est le cas de l’Association NON-LIEU basée à Roubaix fondée par Olivier Muzellec, ancien professeur de lycée, en 2002. Son intention est de tisser des liens entre le patrimoine industriel et la création artistique contemporaine. La ville de Roubaix ne jouit pas d’une image reluisante auprès des médias : haut taux de chômage, pauvreté, désindustrialisation massive ... Malgré tout, la ville de l’ancienne industrie textile foisonne d’initiatives culturelles et de créations artistiques. Suite aux traumatismes de la chute de l’industrie textile, la politique qui était appliquée aux bâtiments industriels vétustes était une remise à niveau de ceux-ci afin de les vendre en tant que lofts aux classes moyennes et élevés entraînant un processus de gentrification. L’association NON-LIEU s’est, entre autres, insurgée de ce processus et a proposé de «sanctuariser» 80 cheminées d’usine. L’action de «sanctuariser» consistait en une mise en valeur de ces cheminées, éclairées la nuit et habillées le jour. Cette action a permis une prise conscience de la part des habitants et des responsables politiques de l’importance de la sauvegarde de ce patrimoine. Suite à cette mise en lumière de ce patrimoine négligé, la ville de Roubaix a décidé de ne plus en détruire aucune 1. 1 FAVIER, O., La ville la plus pauvre de France sauvée par ses richesses culturelles ?, 22
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Mur le long de la Route Latérale après le festival Urban Dream.
Château d’eau Nexans après l’événement Couleurs Carolos. Source : www.reservoira.org
Groupe ON/Stalker Explorations des alentours de Rome (1995) Source : TIBERGHIEN, G., La vraie légende de stalker, dans : vacarme, n°28, été 2004, pp.94-99.
La ville de Charleroi, y compris le site de la Porte-Ouest, a connu des opérations de mise en valeur de son cadre bâti par divers événements visant à faire émerger son patrimoine. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer le festival de graffiti «Urban Dream». Ce festival a eu lieu en 2004 et a fait participer une centaine d’artistes peintres et graffeurs belges et internationaux à investir les murs situés le long de la Route de Mons, de la Route Latérale et du Canal Charleroi-Bruxelles. Plus récemment, nous pouvons citer également la mise en couleur d’éléments singuliers du paysage opérée par «Couleurs Carolos» lors de l’été 2011. Cet événement est initié par le centre culturel «Le Vecteur» situé en plein centre de Charleroi. A la Porte-Ouest plus spécialement, le château d’eau Nexans et la station de métro Providence ont été repeints suite à cet événement. D’autres artistes nous invitent à découvrir le caractère naturel des friches à travers des actions de revendication envers une surdétermination architecturale des espaces libres urbains . C’est le cas du collectif d’artistes et d’architectes italiens ON/Stalker (Osservatorio Nomade/Stalker). Ce groupe est issu d’étudiants de l’université de Rome, essentiellement en architecture mais également en sciences humaines. Il est fondé par l’architecte Francesco Careri en 1994. Ce «laboratoire d’art urbain» prend officiellement ce nom en 1995, suite à des promenades qu’ils ont menés dans les terrains vagues et friches autour de Rome 1. Francesco Careri explique la provenance de ce nom dans un entretien pour la revue d’architecture en ligne suisse Archimade : « Au moment où nos premières expériences se sont déroulées, nous octobre 2014, dans : BastaMag, (en ligne) : http://www.bastamag.net/La-ville-la-pluspauvre-de-France 1 LE RESTIF, C., Dossier de réflexion sur l’exposition de Lara Almarcegui - Ivry Souterrain, dans : Reflex, n°21, 2013.
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n’avions pas encore de nom. C’est un journalisme qui nous a rendu attentifs au fait que le film Stalker du cinéaste russe Andrei Tarkovski avait beaucoup de similarités avec notre démarche lors de notre projet de «Tour de Rome», c’est-à-dire visiter quelque chose d’inconnu.» 1. Bien que la plupart des Stalkers soient des architectes, l’architecture n’est pas le sujet dominant de leurs démarches, même si leurs actions en disent long sur l’urbanisme et l’espace public. Selon Cesare Brandi, qui est un de leur maître à penser, «l’espace qui appartient à l’architecture, ce n’est pas un endroit géométrique et individualisé, ce n’est pas la projection idéale d’une pensée humaine ou le contenant de notre être-dans-le-monde, mais, en réalité, c’est notre être-dans-le-monde même, qui est invisible et indistinguable» 2. L’objectif principal que se sont donné les Stalkers est bien de rendre visible et de distinguer afin de ne pas oublier, ignorer ou confondre ces espaces en désuétude. A travers leurs marches et leurs interventions dans les zones urbaines délaissées, ils nous suggèrent de réfléchir sur la ville et ses transformations, tout en incluant les habitants avoisinants de ces lieux. La réflexion de ces actions touche autant les espaces urbains que les contextes sociaux. Sans définir à l’avance la forme qu’aura ces marches, elles ont pour intention d’éveiller les spécificités propres des territoires auprès de leurs populations locales. Cette nouvelle prise en compte du paysage existant passe par l’expérience et l’échange. Ces promenades permettent aux habitants de se plonger dans une réflexion sur leur cadre de vie. A la suite de ces marches, le groupe Stalker garde une trace visuelle et graphique de ces actions à travers la réalisation de cartes, de plans et de vidéos 1 Entretien pour Archimade par Stephane Collet et Philippe Rahm avec Laurenzo Romito et Francesco Careri le 1er juillet 2001. 2 BRANDI, C., La spazialita antiprospettica dans ZEVI,B., Archittetura concetti di una controstoria, Newton Comption, Rome, 1994, p.74
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Charleroi Adventure Source : www.charleroiadventure.com/
retraçant les parcours empruntés 1. La démarche du groupe Stalker n’est pas sans rappeler les safaris urbains organisés par Nicolas Buissart et le groupe Charleroi Adventure sur le territoire carolorégien. Celui-ci organise, avec humour, des promenades à caractère touristique à travers les terrils, les usines désaffectées et les stations de métro abandonnées de la région de Charleroi. Contrairement au groupe Stalker, Nicolas Buissart effectue ces promenades majoritairement avec des personnes étrangères à Charleroi, même si aucun public n’est visé à la base. Comme le descriptif l’indique sur le site de Charleroi Adventure, l’intention ici est de jouer sur l’image négative de la ville afin de l’observer comme un cabinet de curiosités : « Visitez la ville industrielle la plus incroyable d’Europe. Élue «plus laide ville du monde» par un récent sondage Néerlandais, Charleroi offre une large gamme d’attractions excitantes. Suivez-nous pour un safari urbain où la mère de Magritte s’est suicidée, la maison de Raymond La Science (de la bande à Bonnot), le métro fantôme, la rue la plus déprimante de Belgique, grimpez au sommet d’un terril et visitez une authentique usine désaffectée. Charleroi Adventure vous fera découvrir les mystères de la plus intéressante région post-industrielle d’Europe.» 2 L’artiste espagnole Lara Almarcegui adopte également cette posture à travers des interventions artistiques en faisant appel à la mémoire collective dans des lieux marginaux tels que des terrains vagues, des friches, des lieux abandonnés ... Sa position artistique lie engagement politique et méthodes créatives conceptuelles. Ses œuvres revendiquent la méfiance qu’elle a envers une architecture et un urbanisme qui seraient trop déterministes. Les actions me1 TIBERGHIEN, G., La vraie légende de stalker, dans : vacarme, n°28, été 2004, pp.94-99. 2 «Charleroi Adventure» (en ligne) : http://www.charleroiadventure.com/
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1. Restaurer le marché de gros quelques jours avant sa démolition, San Sebastian 1995. 2. Balade dans les terrains vagues de Liverpool, Liverpool, 2002 3. Creuser, Amsterdam, 1998 4. -6. Cartes des terrains vagues d’Amsterdam, un guide des espaces vides dans la ville, Stedelijk Museum Bureau, Amsterdam, 1999 Source : <?> SCHMIT, C., Paysages postindustriels, dans : A+, n°183, août- septembre 2003, p.77.
nées par Lara Almarcegui participent à ces lieux en désuétude par leur description, leur embellissement, leur rénovation ou leur accessibilité voire même par une occupation temporaire. Son travail permet de comprendre comment s’opère la fabrication de la ville. Elle instaure également un discours sur la visibilité de ces lieux et une prise de conscience de la nécessité de les investir. L’exploration est donc l’outil de prédilection de Lara Almarcegui 1. De cette manière, à Amsterdam, elle creuse un trou un peu plus tous les jours dans un terrain vague jusqu’à ce que la ville décide de le reboucher à coup de pelleteuses. Elle repeint la façade d’un bâtiment voué à être démoli à San Sebastian, par cette embellissement de surface, elle fait appel à la mémoire collective en rendant hommage au bâtiment ou au lieu lui-même 2. Les interventions de Lara permettent de réfléchir à des problématiques qui demeurent essentielles sans pour autant en introduire de nouvelles : le rôle de l’art dans l’espace public, le développement urbain, les espaces délaissés de la ville ... Durant les années 1990, elle opère une réflexion sur les espaces inoccupés de la ville en tant qu’espaces non planifiés. Les recherches qu’elle mène sur ces terrains sont en lien avec le développement économique et les potentiels de décroissance. A travers son travail, les lieux oubliés de la ville retrouvent une certaine visibilité, nous rappelant de cette manière à quel point certains endroits de la ville peuvent être dégradés lors d’un développement urbain. On peut citer parmis ses actions, des demandes de préservation de friches pendant un temps déterminé dans le Port de Rotterdam entre 2003 et 2018 ou encore à Genk de 2004 à 2014 3.
1 LE RESTIF, C., opcit. 2 SCHMIT, C., Paysages postindustriels, dans : A+, n°183, août- septembre 2003, p.76. 3 ibidem.
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La production graphique des expériences de Lara Almarcegui se formalise à travers des photographies, des cartes retraçant l’inventaire des lieux sur lesquels elle a travaillé, des vidéos voire même des matériaux qu’elle récupère des lieux afin de les muséaliser et de les scénographier 1.
1 LE RESTIF, C., opcit.
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5.3) Dimensions patrimoniales Le patrimoine industriel voit officiellement le jour en Europe francophone lors d’un colloque au Creusot en Bourgogne en 1977. Cette catégorie de patrimoine surgit de la volonté de se différencier de l’archéologie industrielle, branche de l’archéologie naît aux alentours de 1955 au Royaume-Uni à partir des mouvements associatifs 1. Depuis 2003, le patrimoine industriel possède une charte qui lui est propre : la charte de Nizhny Tagil. Celle-ci énonce le patrimoine industriel comme étant « l’ensemble des vestiges de la culture industrielle qui sont de valeur historique, sociale, architecturale ou scientifique. Ces vestiges englobent : des bâtiments et des machines, des ateliers, des moulins et des usines, des mines et des sites de traitement et de raffinage, des entrepôts et des magasins, des centres de production, de transmission et d’utilisation de l’énergie, des structures et infrastructures de transport aussi bien que des lieux utilisés pour des activités sociales en rapport avec l’industrie (habitations, lieux de culte ou d’éducation.» 2 Les principes de cette charte ne sont pas sans rappeler ceux de la Charte de Venise réalisée 30 ans plus tôt tels que la nécessité d’identifier, d’inventorier, de documenter et d’étudier les éléments du patrimoine industriel; la nécessité d’une protection légale des sites et structures; le maintien de l’intégrité et de l’authenticité maximale des sites et des structures; la nécessité d’une conservation intégrée au contexte socio-économique; l’importance de la sensibilisation des plus jeunes générations; la conservation des techniques et du savoir-faire attachés à ce passé industriel; ... 3
1 ROBERT, Y., Nouveaux patrimoines et enjeux du développement, Presses universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2010. 2 ICOMOS, TICCIH, Charte Nizhny Tagil pour le patrimoine industriel, Juillet 2003. 3 DE MERODE, E., Bulletin de liaison ICOMOS, n°25, Avril 2006, Bruxelles.
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Le plan-guide de l’île de Nantes Source :CHEMETOFF, A., Le plan-guide (suites), Archibook, Paris, 2010, pp. 52-53.
De cette manière, le patrimoine industriel regroupe aussi bien les bâtiments ayant servi à l’industrie que ceux ayant servi aux ouvriers, tels que leurs habitations. La volonté d’intégrer ces vestiges au patrimoine culturel reste donc un fait relativement récent. Cette tendance s’est étendue à la majorité des pays industrialisés qui ont connu une chute dans le secteur de l’industrie. Nous ne pouvons nier la valeur individuelle de chacun des édifices ayant trait à l’industrie. Cependant leurs véritables dimensions se révèlent seulement quand ils sont confrontés à leurs contextes respectifs 1. Toutefois, le nombre de sites et de bâtiments restants de l’époque industrielle est trop élevé pour qu’on les patrimonialise tous. Une sélection s’avère très souvent obligatoire. Leur reconversion est un acte souhaitable si nous désirons conserver ces lieux. Utiliser les ressources présentes dans un bâtiment pose la question de comment l’exploiter pour un développement futur. Il est toutefois primordial de bien analyser le contexte dans lequel s’inscrit cette ressource afin d’en dégager une stratégie appropriée. Il faut identifier les caractéristiques d’un lieu, comprendre sa situation spécifique, comment il fonctionne, à quoi il servait, ses éléments fondateurs, ... afin de déterminer son réel potentiel. Que faut-il détruire ? Qu’estce qui peut être transformé ? Quel rôle devrait jouer ce site dans le futur ? 2 Ces questions se retrouvent dans l’élaboration du plan-guide de l’île de Nantes par Alexandre Chemetoff. Selon lui, la définition du planguide est double, c’est « un terme utilisé dans différentes acceptions. Le Plan-guide est une carte en deux parties : l’état des lieux et le projet. Le Plan-guide est un ensemble de missions concomitantes, une méthode de travail. Le Plan-guide est le résultat tangible d’un projet de transformation de la ville». Son intention avec 1 DE MERODE, E., opcit. 2 BAUM, M., opcit.
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Le plan-guide de l’île de Nantes Source :CHEMETOFF, A., Le plan-guide (suites), Archibook, Paris, 2010, pp. 49, 51, 64
cette méthode de travail était de le substituer au « projet urbain » qu’il estime être « galvaudé » et ne plus créer de qualités urbaines 1. L’île de Nantes est ce bout de territoire formé par la séparation de la Loire en 2 bras. L’occupation industrielle et portuaire a laissé de nombreux vestiges. Ce projet a pour ambition de « reconquérir les bords de Loire et d’ouvrir l’île sur son paysage » 2. Il s’agit ici de ne surtout pas faire table rase, mais au contraire de tirer parti des spécificités du site en les intégrant dans un projet urbain. Les bâtiments à reconvertir sont soigneusement choisis, à travers un inventaire des structures présentes, la matière déjà-là, jusqu’à des matériaux qui peuvent faire l’objet de réemploi. « Le projet compose avec l’existant. ». Jacques Lucan interprète la notion de composer avec l’existant comme mettre au premier plan les raisons relatives à la préservation de ce paysage 3. Le plan-guide est alors vu comme un processus ouvert, sans cesse en évolution où rien n’est figé. Même si les bâtiments industriels ne sont pas architecturalement exceptionnels, ils ont l’avantage d’offrir de la flexibilité quant à l’installation de nouveaux programmes. Ils sont des « espaces capables ». Les projets ayant suivi ce type de réflexion s’inscrivent dans des temps longs afin de préserver la substance du site d’origine qui joue un rôle important dans la ville. On ne peut pas réellement parler de fin ou d’achèvement avec le plan-guide, le renouvellement urbain est ici considéré comme un processus où chaque opération peut être transformé en fonction des besoins présents ou futurs , sans déterminer de laps de temps 4.
1 CHEMETOFF, A., Le plan-guide (suites), Archibook, Paris, 2010, p. 87. 2 LUCAN, J., Où va la ville aujourd’hui ? Formes urbaines et mixités, Editions de la Villette, Paris, 2012, pp. 189-197 3 ibidem. 4 ibidem.
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Centrum Industriekultur à Bochum Source : http://www.bergbaumuseum.de/
Museum für Technik und Arbeit à Nuremberg Source : http://www.ifb-fink.de/
5.3.1) Les musées de l’industrie : la mémoire comme pratique de régénération urbaine. A la fin des années 1960, il était impossible de fermer les yeux sur la crise économique qui impliquait la transformation et la relocalisation d’anciennes industries. La croyance en une reprise en main de ces grands terrains vides entourés de clôtures par de nouvelles industries devenait de plus en plus illusoire. A partir des années 1970, les revendications pour une préservation des monuments industriels ont augmenté et la préservation de sites entiers a commencé à être considérée. Nous pouvons citer les exemples allemands du « Museum für Technik und Arbeit » à Mannheim construit entre 1982 et 1990 ou encore le « Centrum Industriekultur » créé en 1988 à Nuremberg. Avant cela, la préservation de sites industrielles était un concept assez rare 1. De plus, nous pouvons mettre cela en parallèle avec la révolution de Mai 1968 : une demande pour plus de démocratie pour le présent mais également pour le passé. De ce point de vue, cela a induit une meilleure considération de l’Histoire populaire et ouvrière, et pas seulement de l’Histoire de la noblesse et des classes moyennes 2 car les objets du quotidiens, les conditions de travail et les conditions de vie des ouvriers ont acquis une valeur commémorative. Dans ce contexte, le regard envers la préservation des sites industriels a changé et ceux-ci ont acquis une reconnaissance et une popularité. Ce développement par la culture locale constitue une réponse possible parmi tant d’autres aux questions centrales de régions anciennement industrielles de nos jours à savoir : 1 HAUSER, S., Making museums of industrial heritage sites : practices of remembrance, dans : OSWALT, P., Shrinking cities volume 2, interventions, Hatje Cantz, Berlin, 2006, pp.816-822 2 DOSSE, F., Mai 68, les effets de l’histoire sur l’Histoire, dans : Politix, Volume 2, N°6, 1989, pp.47-52.
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Lâ&#x20AC;&#x2122;arche Euston Ă Londres Source : https://ruination-scotland. com/2013/04/13/what-is-it-about-ruins-part-ii/
-Comment gérer les conséquences émotionnelles d’une crise économique ? -Comment cette dernière affecte-t-elle les notions d’identité ? -Comment les processus de planification devraient-ils gérer ces vestiges de modes de productions traditionnels ? 1 Les débats autour de l’héritage industriel ont commencé un peu plus tôt en Angleterre que dans d’autres pays. Les appréciations esthétiques des sites industriels délaissés et le désir de préservation de ceux-ci sont apparus aux alentours de 1955. L’élément déclencheur de ces types de développement fut entre autre la démolition du bâtiment industriel emblématique londonien de l’arche néoclassique Euston : un portique de style dorique haut de 20 mètres qui se tenait devant l’entrée de la gare Victoria. Beaucoup de citoyens ont joint leurs forces dans une campagne de préservation de celle-ci. La gare est reconstruite en 1962 mais sans son fameux point de repère. Dès lors, les débats sur les préservations de bâtiments industriels sont accompagnés de débats sur l’identité nationale anglaise. L’idée de ces campagnes était de présenter l’Angleterre comme le berceau de la révolution industrielle . Cette idée gagne lentement en popularité auprès des organismes de financements publics 2. L’évolution des prémisses d’une muséification de l’industrie se retrouve dans le concept d’«écomusée». Cette idée est lancée par le muséologue français Genorges-Henri Riviere au début des années 1950. La première formalisation de cette idée est réalisée au Creu1 HAUSER, S., opcit. 2 DELFONS, J., Politics and Preservation: A Policy History of the Built Heritage 1882-1996, E & FN SPON, Londres, 1997, pp.80-82.
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sot en 1971. Depuis, les écomusées sont devenus un phénomène culturel international. Une charte des écomusées est mise en place le 4 mars 1981 par le ministère de la Culture et de la Communication en France. Celui-ci définit l’écomusée comme étant « une institution culturelle assurant d’une manière permanente, sur un territoire donné, avec la participation de la population, les fonctions de recherche, conservation, présentation, mise en valeur d’un ensemble de biens naturels et culturels, représentatifs d’un milieu et des modes de vie qui s’y succèdent. » 1 Ici, les questions identitaires sont au centre de la problématique mais nous parlerons plus d’une identité régionale et locale voire supra-locale. Le programme du premier Ecomusée en France au Creusot est de transformer ces paysages industriels en un lieu d’héritage et de développer du tourisme comme une nouvelle base économique pour les anciens sites industriels. Un écomusée combine la création de sites d’héritage industriel avec le développement d’un paysage culturel. Cela peut amener la population à avoir un regard fier sur leur passé et leur histoire. Une donnée importante d’un écomusée est d’essayer de contrer la dépression causée par une crise économique 2. Nous pouvons également citer les exemples Wallons des Ecomusées du Bois-Du-Luc près de La Louvière entrés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012 ainsi que le Bois du Cazier à Marcinelle et le Grand Hornu à Boussu. Depuis les années 1970, de nombreux sites et régions industriels se sont transformés en musées ou écomusées avec des styles très différents. Ces exemples démontrent les limites et les possibilités des stratégies de préservation d’un patrimoine industriel. Celles-ci ne peuvent néanmoins être répétées à l’infini. Les amoureux du pa1 «Fédération des Ecomusées et des Musées de Sociétés (FEMS)» (en ligne) : http:// www.fems.asso.fr/wp-content/uploads/2012/04/Charte-%C3%A9comus%C3%A9es. pdf 2 HAUSER, S., opcit.
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trimoine industriel et les historiens experts en la matière ne sont pas assez nombreux pour encourager ces démarches dans la plupart des sites industriels en désuétude. Egalement, le revenu potentiel engrangé par ce genre d’activité touristique, bien que considérable, ne peut augmenter indéfiniment. De plus, les coûts de préservation et de fonctionnement de tels musées dépendent en grande partie de fonds publics 1. D’autres limites s’appliquent envers la manière dont ces musées devraient préserver les friches et les identités projetées par ces sites. La création d’un site à vocation patrimoniale implique nécessairement une certaine distance des pratiques originales et des processus de productions, ce qui peut être perçu parfois comme des souvenirs disponibles et consommables. La mise en scène et l’attirail provenant de ces lieux changent de statut par leur muséification et leur commercialisation 2. Ces musées transforment des objets du quotidien en marchandises, leur conférant ainsi une nouvelle signification. Ce processus commence dès qu’un objet matériel ou immatériel (un outil, un bâtiment, un ensemble, un quartier, une chanson, une danse ...) est extrait de son contexte originel et de son champ de référence. Il devient alors isolé, placé dans un contexte muséographique et devient dès lors sujet à de nouveaux paramètres de classification. Les nombreuses pratiques et les effets des médias employés pour afficher le matériel d’exposition forment un mécanisme de distanciation supplémentaire. L’acte de préservation et d’affichage forme des artefacts, leur attribuant une signification de transmission, définissant ainsi leur pertinence historique et culturelle à la lumière de la préservation de ce patrimoine. Ce processus de muséification n’efface pas ces artefacts, mais leur manifestation actuelle est étrangère aux 1 ibidem. 2 ibidem.
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Le Bois du Cazier Source : Luc Viatour
Le Bois du Luc Source : Bourgeois A.
personnes pour qui ils ont joué un rôle dans leur vie quotidienne 1. La transformation des friches industrielles en lieu d’héritage patrimonial a modifié les contextes dans lesquels ces sites s’inscrivaient. Ceux-ci ont agi en général comme des attractions touristiques. Sans l’écomusée du Bois-Du-Luc à la Louvière ou le Bois du Cazier à Marcinelle, les mines de charbons Wallonnes attireraient moins de touristes de transit qu’à l’heure actuelle. Cette stratégie permet à une région de faire face à des problèmes typiques de la plupart d’anciennes zones industrielles relativement peu peuplées tels que des infrastructures en mauvais état, une marginalisation de la part des médias et/ou des perspectives limitées au point de vue de son développement 2. Ce qu’un musée devrait apporter à l’identité d’un site ou d’une région est également une notion très variable. Quelques sites de patrimoine industriel ont fait leur apparition au cours des années 1970 à partir de l’idée d’exploiter la mémoire vivante des processus de productions qui s’étaient récemment arrêtés. Ces musées étaient parfois perçus comme une sorte de mémoire collective régionale de substitution. Le lien entre les lieux et la mémoire ne peuvent pas être aussi facilement exposés, du jour au lendemain. De plus, de nouvelles conditions de préservation s’affirment quand la production industrielle de ces lieux a complètement changé. Ces conditions poussent de plus en plus les anciennes industries en arrière-plan et rendent ces lieux étrangers et obsolètes au yeux de la population locale 3. Par ailleurs, les musées étaient parfois créés longtemps après que la fermeture des usines aient privé une région de sa compétitivité. 1 ibidem. 2 ibidem. 3 ibidem.
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Quand l’Ecomusée du Bois-Du-Luc a été conçu au début des années 1990, presqu’aucun habitant qui avait eu un lien avec l’ancienne mine n’habitait à cet endroit. L’intention était ici, depuis le début, d’incorporer ce site dans le contexte plus large de l’industrie wallonne et ainsi d’assurer la préservation de bâtiments remarquables et la mise en évidence d’une histoire sociale supra-locale 1. L’éloignement inhérent dans les musées est précisément ce qui permet un grand potentiel aux découvertes, aussi bien pour les touristes que pour la population locale. Les musées ne sont qu’après tout des lieux dans lesquels de nouvelles perceptions peuvent prendre forme et où de nouveaux concepts peuvent s’articuler. Ils invitent l’exploration en permettant la confrontation avec des objets, des circonstances et des processus éloignés. De ce point de vue, il n’est pas surprenant que beaucoup de projets de reconversion d’anciens sites industriels revendiquent la vision du musée de l’industrie et un usage de ces sites comme des laboratoires vivants du patrimoine. Au mieux, on peut espérer que de nouvelles identités se dévoilent avec un regard intelligent sur les anciens matériaux 2.
1 ibidem. 2 ibidem.
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5.4) Dimensions économiques La transformation de sites de productions industrielles en une composante de la vie urbaine est un phénomène mondial qui est vu dans beaucoup de pays comme une transition réussie d’une société industrielle à une société basée sur les services et les connaissances. Les recherches sur les reconversions d’anciennes zones industrielles mono-fonctionnelles en lieux de vies ont montré des résultats très prometteurs, pas seulement pour des projets similaires mais également pour d’autres projets de restructurations urbaines 1. Cependant, ces sites représentent une ressource foncière afin d’intégrer d’autres sortes de mixités fonctionnelles dans nos villes que certains spécialistes de l’urbain et économistes souhaiteraient de plus en plus voir émerger. La thématique de la dernière biennale d’architecture de Rotterdam portait sur «The Next Economy». Celle-ci prenait le postulat que dans un demi-siècle, la quasi-totalité des hommes vivront en ville. La ville deviendra donc le moteur principale de l’économie mondiale. La question à se poser est la suivante : Quelles potentialités la ville a-t-elle actuellement afin de devenir le pilier de cette prochaine économie ? Dans ce contexte, de quelle manière devrons-nous bientôt dessiner et gouverner nos villes ? 2 De plus en plus, les logiques de développement urbain plaident pour plus de circularité dans l’utilisation des ressources urbaines en supportant une ré-industrialisation de nos régions, l’introduction d’économies circulaires et de dynamiques socio-économiques plus inclusives. En effet, les objectifs de l’Europe d’ici 2050, définis dans le septième Programme d’Actions Environnementales sont tels que nous devons respecter les limites de production de la planète tout 1 BAUM, M., CHRISTIAANSE, K., opcit. 2 «IABR 2016» (en ligne) : http://iabr.nl/en
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en vivant bien 1. Pour cela, il sera essentiel de respecter trois objectifs : - Évoluer vers une économie pauvre en carbone, - Évoluer vers une économie circulaire, - Protéger davantage la biodiversité 2. Néanmoins les stratégies dominantes en terme de développement urbain dans les villes européennes sont post-industrielles. Les activités industrielles et logistiques sont de plus en plus rejetées en dehors de la ville et les sites d’activités économiques à l’abandon sont majoritairement reconvertis en zones résidentielles et de consommation avec des activités telles que le tourisme et le commerce 3. Selon Mark Brearley, chercheur en urbanisme londonien, les villes doivent avoir des industries : «A good city has industry» 4. Selon lui, les zones industrielles doivent devenir le nouveau composant du développement urbain. Un des principaux objectifs des politiques urbaines de ces dernières années en Europe est d’atteindre plus de mixité fonctionnelle en ville. Pour cela, il faut en assumer la partie la plus difficile : réintégrer l’industrie dans les villes 5. Brearley propose ainsi de repenser les typologies de bâtiments industriels afin de permettre une meilleure intégration de ceux-ci dans le tissu urbain pour atteindre cette mixité urbaine fonctionnelle. Cette vision de la ville peut répondre à plusieurs problématiques. 1 Commission Européenne, Bien vivre, dans les limites de notre planète, 2016 (en ligne) : http://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/7eap/fr.pdf 2 Architecture Workroom, Brussels - Productive Capital of Europe, 2016 (en ligne) : https://vimeo.com/168665222 3 ibidem. 4 BREARLEY, M., A good city has industry, 02/01/2016 (en ligne) : https://www.youtube. com/watch?v=XzM3AERvM70 5 Architecture Workroom, opcit.
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En effet, si nous réintégrions plus d’industries en ville, cela permettrait de produire plus localement donc de diminuer l’énergie nécessaire à l’acheminement de toutes choses nécessaires à notre vie quotidienne. Cela pourrait également diminuer la fracture sociale que notre modèle économique induit en éjectant les fonctions industrielles hors de la ville, dans des zones moins attractives. De cette manière, nous pouvons entrevoir un modèle économique et urbain qui envisage d’utiliser des modes de productions qui soient plus durables, qui affectent moins les matières premières et notre environnement mais qui permettent également des revenus convenables en valorisant des capacités et des compétences locales. Un des rôles importants de la politique est de créer une dynamique économique afin de faire place à des activités productives qui impliqueraient plus la population à travers des initiatives locales 1. L’économiste et le prospectiviste américain Jeremy Rifkin illustre, entre autres, ces idées dans son ouvrage : «La troisième révolution industrielle». Ce dernier émet l’hypothèse que la transition écologique que nous sommes en train de vivre est beaucoup plus signifiante qu’une évolution technologique. Rifkin parle de la fin de l’économie industrielle basée sur les énergies fossiles et les modes de productions centralisées. Il introduit dès lors une prochaine «troisième révolution industrielle» basée sur les énergies vertes et un mode de production «distribuée». Celle-ci sera introduite par l’association de trois révolutions technologiques : - La révolution des technologies de l’information et de la communication, permettant l’échange d’informations de façon décentralisé, entre des milliards d’ordinateurs et autres appareils pouvant être connectés. Cette révolution a déjà eu lieu, - La révolution énergétique, c’est-à-dire la substitution du 1 ibidem.
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système de production d’énergie centralisé, sur base de combustibles fossiles ou nucléaires, à un système de production décentralisée de production d’énergie renouvelable. Chaque bâtiment devra être capable de fournir sa propre énergie, - La révolution de stockage de l’électricité, permettant de compenser le caractère aléatoire des énergies éoliennes et solaires 1. Selon Rifkin, cette troisième révolution industrielle ne sera pas seulement technologique. Elle sera aussi et surtout sociale. A travers cette triple révolution, il entrevoit de nouvelles façons de produire de l’énergie renouvelable de manière décentralisée et de fournir des services développés grâce au Net basés le fait de petits producteurs individuels interactifs et coopératifs. Ainsi Rifkin aperçoit la fin de la concentration du capital et des organisations hiérarchiques pyramidales 2. «Le jour où des millions de petits acteurs seront connectés dans des réseaux distribués et coopéreront à travers les secteurs et les industries, c’est une force économique considérable qui apparaîtra (...), qui éclipsera les gains économiques réalisés par les firmes centralisées et hiérarchiques qui ont dominé la deuxième révolution industrielle.» 3 La troisième révolution industrielle permettrait donc une gestion plus durable des ressources et l’émergence d’une nouvelle économie, profitant des avantages de notre monde ultra connecté 4. 1 MICHEL, P., Rifkin, entre rêves et prédictions, dans : L’économie politique, février 2013, , n°58, pp.105-112. 2 ibidem 3 RIFKIN, J., La troisième révolution industrielle, Les Liens qui Libèrent, Paris, 2012. 4 BISET, S., La manufacture urbaine : cultures à la carolorégienne, dans : Détours, le trimestriel de PointCulture, Avril/Mai/Juin 2016, Bruxelles, p.40.
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Les friches industrielles semblent être le terrain parfait pour y (re) développer ces nouvelles idées d’économies circulaires et locales. Dans la perspective où nous devons de plus en plus porter l’attention sur la quantité de matière et d’énergie à mettre en œuvre dans nos villes, la réutilisation de ressources internes de celles-ci ne pourrait-elle pas s’apparenter à une économie circulaire à grande échelle ? A Charleroi, peu d’initiatives semblent émerger de ces réflexions pour l’instant. Toutefois, nous pouvons citer la future «Manufacture urbaine» qui prendra place le long des quais de Brabant. Le lancement de ce lieu de production est prévu pour la fin de l’année 2016. L’ambition de cette entreprise est de se positionner comme un modèle de micro-économie à l’empreinte écologique réduite. La production de cette manufacture urbaine sera centrée sur une activité de micro-brasserie. De plus elle souhaite instaurer une véritable activité de recyclage : les céréales et les levures pourront servir à la production de pains, une réutilisation des appareillages de torréfaction du malt pour permettre la torréfaction du café ... Ce lieu prévoit également une promotion de la production artistique et culturelle carolorégienne. Ce lieu pourra permettre l’émergence d’une image dynamique et innovante de la ville de Charleroi 1.
1 BISET, S.,opcit.
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6) Conclusion Cette recherche est axée sur le recyclage urbain et le potentiel des réutilisations des ressources internes aux villes. Elle se base sur l’exemple des friches industrielles et plus particulièrement, celle du site de Charleroi Porte Ouest. A l’issue de celle-ci, nous avons constaté, par nos lectures et nos réflexions, que des solutions alternatives et durables sont possibles pour développer une ville ou une région en utilisant ses ressources internes. La destruction de ces dernières ne nous parait pas justifiée ni même à envisager. D’abord, les différents aspects de cette pratique de soutenabilité (développement durable/sustainability), qu’ils soient économiques, environnementaux ou encore sociaux montrent que le traitement de ces friches industrielles allie une considération essentielle de l’existant à une multitude d’acteurs ainsi qu’à une prise en compte soignée et éclairée du contexte. Ces facettes multiples et variées obligent l’architecte, le sociologue, le politologue, l’économiste et tous les citoyens à coordonner leurs discussions et réflexions, rendant la tâche extraordinairement complexe. On peut ici parler sans ambage de multidisciplinarité obligée. Ensuite, mises en relation avec le site de Charleroi Porte-Ouest, ces réflexions épinglent les différents champs d’application nécessaires pour mener à bien une telle opération de réutilisation durable de la ville sur ellemême. Les nouveaux outils politiques et urbanistiques élaborés à Charleroi ont démontré l’importance de traiter tous les aspects liés au territoire dans leur globalité. De plus, les dimensions écologiques sont dès aujourd’hui à intégrer dans ces processus de reconversions. L’enjeu de la durabilité dans la construction de la ville de demain est un des impératifs au sein de l’Europe et du Monde. Ces espaces gigantesques offrent la capacité foncière de dévelop79
per la ville autrement. Puis, plusieurs exemples nous ont montré que le temps n’est pas un obstacle à la revitalisation d’une zone mais plutôt un levier. Le développement de l’île de Nantes est toujours en cours actuellement. Même si l’équipe d’Alexandre Chemetoff n’est plus le maître d’œuvre depuis 20101, il n’en reste pas moins le concepteur. L’exemple de Bilbao montre les limites et les effets néfastes qu’un développement urbain trop empressé pourrait engranger du point de vue socio-économique. Un processus de conception ouvert impliquant une participation citoyenne, tel qu’appliqué à Parckfarm, est une solution viable pour la reconversion de petites zones industrielles proches de l’habitat mais constitue, à notre avis, une démarche compliquée à appliquer pour des zones vastes. Malgré tout, les initiatives locales existantes et futures sont à soutenir car elles sont le miroir d’une société en mutation. Nous ajouterons que le patrimoine est une question très importante à traiter à nos yeux car il touche aux racines de l’homme. Même si une reconnaissance de l’ancienne identité de ces lieux est indispensable, il ne faudrait cependant pas convertir tous ces lieux en musées célébrant une certaine nostalgie. De plus en plus de projets démontrent qu’il devient préférable de ne pas trop muséifier ces lieux mais plutôt d’en faire des nouveaux lieux de vie permettant de rapprocher différents quartiers. De cette manière, la mémoire collective de ces lieux n’est pas gelée dans des processus d’exposition. Finalement, ces friches industrielles peuvent aussi devenir la toile de fond de la nouvelle économie. Celle-ci s’élabore petit à petit et se veut plus circulaire, plus soucieuse de l’environnement et portée davantage sur la réutilisation et le partage. Ce site de Charleroi Porte-Ouest fut à la pointe des anciennes révolutions industrielles.
1 CHEMETOFF, A., Le plan-guide (suites), Archibook, Paris, 2010, p. 24
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Pourquoi ne pas en faire un exemple de reconversion pionnière en matière économique, environnementale, sociale, à la base de la «troisième révolution industrielle»1 ?
1 RIFKIN, J., opcit.
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