ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE LYON Formation Professionnelle Continue
LICENCE
RAPPORT D’ACTIVITÉ
Article 23 de l’arrêté du 20 juillet 2005 relatif aux cycles de formation des études d’architecture conduisant au diplôme en architecture conférant le grade de licence.
LE REEMPLOI DE MATERIAUX EN ARCHITECTURE Dans quelle mesure le principe du réemploi de matériaux alimente-t-il la conception architecturale ?
Réalisé à L’ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE LYON Vaulx-en-Velin par LUCAS BRUNETTE Etudiant stagiaire Accepté sur proposition du jury à Vaulx-en-Velin le 23 juin 2018 Jury : JEAN-FRANCOIS PERRETANT
Arch. D.P.L.G E.A.L - Dipl. Ing. Arch. E.N.S.A.P.L.V Master Européen U.C.L - Master of Advanced Studies E.P.F.L
MARINE FABRE-AUBRESPY Arch. D.E E.N.S.A.L – Ing. I.N.SA.L
ALAIN PARIS Arch. D.E E.N.S.A.L
Suivi du rapport d’activité JEAN-FRANCOIS PERRETANT
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Antoine Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, éd. Cuchet, 1789, Chapitre I, p.107
« Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau » Anaxagore de Clazomènes, Philosophe, 450 av. J-C
RESUME L’objet de cette étude est de comprendre dans quelle mesure le principe du réemploi de matériaux peut contribuer à la conception architecturale d’un bâtiment. Dans cette optique, les compétences professionnelles en ingénierie environnementale et en économie de la construction sont mises en résonnance avec les connaissances du processus architectural acquises pendant le cycle de licence. Il apparaît d’une part que l’absence de filières structurées destinées à la mise en relation des acteurs de la pratique du réemploi ne permette pour le moment pas de créer un contexte favorable d’offre et de demande pour la professionnalisation et la démocratisation de la pratique du réemploi. Dans ce cadre, les possibilités de valorisation économique de la pratique sont aujourd’hui inexistantes, la valeur de soutenabilité qu’elle représente constitue ainsi le principal levier du réemploi à ce jour. D’autre part, il est mis en évidence que l’application du principe du réemploi est étroitement liée avec les valeurs éthiques, sociologiques et philosophiques du propos architectural. De par le caractère préconçu et le vécu de la matière qui est mise en œuvre, le réemploi d’un matériau contribue autant à la matérialité d’un projet d’architecture qu’il est corrélé à sa mise en espace, induisant des possibilités plastiques authentiques et inédites pour l’architecte.
SOMMAIRE
RESUME ........................................................................................................................................................... 3 INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 5 ETAT DES LIEUX DES PRATIQUES DU REEMPLOI ...................................................................................... 7
1. A. B. C.
CONTEXTE HISTORIQUE .................................................................................................................................... 7 OPPORTUNITES ET ACTEURS DU REEMPLOI ........................................................................................................... 9 FILIERES ET GISEMENTS DE MATIERE .................................................................................................................. 12 VALORISATIONS DU PRINCIPE DU REEMPLOI.......................................................................................... 15
2. A. B. C.
SOUTENABILITE............................................................................................................................................. 15 VALORISATION ECONOMIQUE .......................................................................................................................... 17 FREINS AU DEVELOPPEMENT DU REEMPLOI ET PERSPECTIVES .................................................................................. 19 LE REEMPLOI DANS LA PRATIQUE ARCHITECTURALE ............................................................................ 21
3. A. B. C.
MEMOIRE DE LA MATIERE ............................................................................................................................... 21 PARTI ARCHITECTURAL ET REEMPLOI ................................................................................................................. 23 MISE EN ŒUVRE DES MATERIAUX DE REEMPLOI ................................................................................................... 26 PRESENTATION DES CAS D’ETUDES ....................................................................................................... 28
4. A. B. C.
PAVILLON CIRCULAIRE DE LA COP 21 ............................................................................................................... 28 SIEGE DU CONSEIL EUROPEEN EUROPA ........................................................................................................... 33 MUTATION DE LA CASERNE DE REUILLY.............................................................................................................. 37
CONCLUSION .................................................................................................................................................. 41 GLOSSAIRE .................................................................................................................................................... 42 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 43 TABLEAU DE COMPETENCES .......................................................................................................................... 45
E 641_E642 – Rapport d’activité / Lucas Brunette Page | 4
INTRODUCTION
L
a prise de conscience du risque d’irréversibilité de l’activité anthropologique vis-à-vis du climat et des ressources naturelles disponibles suscite aujourd’hui une préoccupation croissante pour les problématiques environnementales. Héritage des révolutions industrielles de ces deux derniers siècles, les modes de production et de consommation actuels de la société sont remis en question au profit d’une incitation à des pratiques plus respectueuses de l’environnement : elles consistent à produire mieux et à consommer moins, tout en générant moins de déchets. A l’instar des questionnements sur l’efficacité et la sobriété énergétique des bâtiments, la politique de gestion des déchets est dorénavant au centre des interrogations dans le secteur du BTP, responsable de 70% de la production mondiale de déchets. En réaction à ce constat, la revalorisation des produits de construction apparait comme une solution crédible afin de minimiser la quantité de déchets produits par le démantèlement des bâtiments en fin de vie. Tandis que le recyclage d’un matériau de construction implique sa transformation physique ou chimique en matière première pouvant être réinjectée dans une processus industriel, son réemploi consiste à en conserver la forme et à le réutiliser sans obligation de le mettre en œuvre dans sa fonction ou son usage d’origine, s’adressant plus naturellement au secteur du bâtiment. Récemment, l’intérêt écologique et politique du réemploi de matériaux a été remis en évidence dans plusieurs projets d’architecture, sans toutefois dépasser le cas isolé ou le stade de l’expérimentation en fonction du contexte qui leur est propre. La pratique du réemploi ne connait en effet pas le même stade de développement selon les pays et leur histoire : celle-ci est d’ores et déjà ancrée dans les mœurs en Amérique du Nord et en Chine, alors qu’elle s’émancipe seulement en Belgique et bien plus difficilement en France. En se positionnant du point de vue de l’architecte en exercice dans un processus de projet, la problématique posée a pour but d’établir dans quelle mesure le principe du réemploi des matériaux alimente la conception architecturale. Pour ce faire, les compétences professionnelles acquises durant huit années de pratique en ingénierie environnementale et en économie de la construction seront mises au service de la résolution de cette problématique. Premièrement, il sera nécessaire de s’interroger sur le rôle et le développement des filières de réemploi, il apparaît en effet essentiel d’en maîtriser l’ensemble des acteurs. L’enjeu est également de cerner la part d’opportunisme nécessaire à l’architecte pour l’identification des différentes catégories de ressources issues de ces filières. La valorisation de la pratique du réemploi sera ensuite à questionner. Alors qu’elle implique intrinsèquement la réutilisation de matériaux de seconde main et donc assimilés comme moins pérennes, il apparaît important d’identifier les leviers permettant de valoriser le principe de leur réemploi sur les plans économique, écologique, énergétique, voire esthétique. En parallèle, cette étude a pour intérêt de questionner la maîtrise du coût d’un projet de construction impliquant le réemploi d’un ou plusieurs types de matériaux, problématique inhérente à leur valorisation économique notamment dans le cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre publique.
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A contrario, les freins présupposés à la pratique du réemploi dus au lobbying existants de certains acteurs de la construction – par exemple celui de l’industrie du béton – ne seront pas étudiés dans le cadre de ce rapport d’activité, l’objectif n’étant pas de dresser un état des lieux de leurs influences sur les pratiques constructives actuelles ou d’analyser la conjoncture politique actuelle du secteur du BTP. Du point de vue de l’architecture comme discipline artistique, sociologique et technique, les apports intellectuels du principe du réemploi dans le processus créatif d’un projet sont également à interroger. En outre, la dimension technique et constructive du réemploi au travers d’un projet architectural sera questionnée. L’objectif sera alors de comprendre les particularités induites par l’utilisation de matériaux réemployés en termes de technicité et de réglementation, et d’appréhender les différentes possibilités pour leur mise en œuvre au regard de ces deux critères telles que l’expérimentation au cas par cas ou pouvant déboucher sur l’élaboration de procédés constructifs réutilisables. Enfin, Il s’agit également de faire le point sur le rôle de l’architecte vis-à-vis de la question de la production et de gestion des déchets du secteur BTP, et de voir dans quelle mesure celui-ci peut être porteur de la politique de soutenabilité induite par le principe du réemploi des matériaux. Son corollaire sera d’appréhender cette pratique non pas en tant que responsabilité contraignante mais également comme vecteur de la conception architecturale et opportunité génératrice de créativité. La mise en place d’une grille d’analyse commune de trois cas d’études constitue l’outil méthodologique qui sera principalement utilisé pour répondre à la problématique posée ainsi qu’à ses questions sousjacentes. Les grilles d’analyse obtenues sont présentées ci-après.
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1. Etat des lieux des pratiques du réemploi a. Contexte historique Le phénomène émergent du réemploi n’est pas nouveau : il est issu d’une pratique artisanale multiculturelle séculaire existant depuis l’antiquité dans l’architecture vernaculaire, et notamment utilisée dans les zones sinistrogènes. Pratique courante au cours des XVIIIème et XIXème siècles avant de connaître un déclin soudain au sein de la société moderne, celle-ci a perduré de manière marginale dans des contextes plus contemporains et intrinsèquement différents de l’urgence écologique. La pratique du réemploi a ainsi continué d’exister dans l’architecture informelle des bidonvilles ou encore dans les contre-cultures de la société de consommation actuelle comme ce fut le cas avec le mouvement Hippie aux Etats-Unis dans les années soixante et soixante-dix. Aux XVIIIème et XIXème siècles, exercer le métier de démolisseur est une pratique courante. Les chantiers de réhabilitation ou de reconstruction constituent à cette époque des gisements de matériaux importants, qui sont mis en vente à cette occasion par les pouvoirs publics au mieux-disant, à la façon d’un marché de travaux actuel. Au cours de cette période, les démolisseurs perdurent ainsi la pratique consistant à formuler des offres pour obtenir le droit d’exploiter les chantiers de déconstruction et revendre les matériaux extraits par la suite, dans l’objectif d’en dégager un certain gain financier. Ces reventes sont réalisées au sein de leurs entrepôts qui constituent alors de véritables plateformes commerciales permettant la circulation des matériaux au cœur du secteur de la construction. L’envergure des lots de matériaux proposés sur les différents chantiers de déconstruction sont ainsi achetés par des entrepreneurs ou artisans de taille plus ou moins importante selon les moyens qui sont nécessaires pour les évacuer. L’un des exemples les plus représentatifs est le démolisseur parisien Achille Picart 1 qui remporte le chantier de déconstruction et l’évacuation de l’ancien Palais des Tuileries, étant le seul démolisseur de l’époque à posséder les effectifs nécessaires à la déconstruction de ce chantier dans le temps imparti. Durant la période de l’entre-deux guerres, la mécanisation du chantier s’accompagne du développement de l’outillage de démolition. En parallèle, un grand nombre d’anciens militaires se professionnalise au sein des entreprises du secteur des travaux publics et de la construction, en y apportant les compétences de construction et de démolition acquises lors de l’exercice de leurs fonctions. Ces deux facteurs contribuent ainsi à l’évolution des pratiques des entrepreneurs de la construction qui s’emparent des marchés de démolition : c’est le début du déclin naissant des démolisseurs et revendeurs spécialisés. A partir des années 1950, la pression immobilière et foncière augmente considérablement, imposant aux démolisseurs de réaliser des interventions toujours plus rapides tandis que le risque auquel ils se soumettent sur les chantiers est de moins en moins accepté, notamment par les compagnies d’assurance. Les modifications subies par le marché de l’immobilier durant la période des trente glorieuses auront pour conséquence de faire augmenter le prix du foncier : le terrain devient alors plus cher et plus important que le prix du bâtiment et donc du gisement de matière qu’il représente. Sa valeur matérielle est également reléguée au second plan par l’augmentation significative du prix de la main d’œuvre indirectement due à l’amélioration du niveau de vie de la société.
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Voir Figure 1 page 9
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Le secteur du bâtiment bascule dès lors dans une situation économique où les activités de déconstruction s’orientent vers des opérations de démolition portées par l’objectif de libérer l’espace toujours plus rapidement afin que les nouveaux chantiers de construction puissent débuter en lieu et place. Les bâtiments en fin de vie sont désormais systématiquement démolis mécaniquement ou par implosion par la démocratisation de l’usage de la dynamite. Les bâtiments deviennent des sources de déchets en puissance et les matériaux de construction cessent ainsi de circuler. Au cours des années 1970, les pratiques en matière de gestion des déchets de construction évoluent parallèlement avec la création des premiers ministères de l’environnement en Europe et aux Etats-Unis, qui marquent le début des réglementations sur les déchets. C’est ainsi que depuis l’instauration d’une directive européenne de 2012, tout chantier de démolition de plus de 1000 m² nécessite un diagnostic déchet avant travaux. Bien qu’il puisse constituer une première porte d’entrée vers l’identification des ressources de matériaux potentiellement réutilisables, ce diagnostic reste destiné pendant une longue période à prévenir d’éventuels risques sanitaires en imposant un traitement différencié entre les déchets inertes et les déchets dangereux dont la classification fait son apparition, ainsi que le suivi de leur prise en charge par des organismes spécialisés. L’ensemble des déchets inertes de construction s’orientent ainsi vers des plateformes de recyclage tandis que les déchets dangereux sont dirigés vers des centres de valorisation ou des sites d’enfouissement, ce qui constitue dès lors la principale notion écologique de la politique générale de traitement des déchets mise en place jusqu’à ce jour. Les matériaux possédant de réelles capacités de réemploi ou de réutilisation continuent ainsi aujourd’hui d’être majoritairement évacués sans distinction vis-à-vis des autres déchets. Bien que conscients du potentiel offert par le réemploi et de la nécessité de faire émerger un marché de l’occasion ayant disparu aujourd’hui, les pratiques du réemploi peinent aujourd’hui à se mettre en place à nouveau notamment du fait du contexte économique et culturel de la construction, mais aussi des contraintes techniques et des conditions financières peu avantageuses qu’impliquent les besoins de stockage et d’extraction de ces matériaux.
Figure 1 : Entrée de l’entrepôt d’Achille Picart, célèbre déconstructeur et revendeur de matériaux parisiens. Le fronton est issu de la démolition du Palais des Tuileries au XIXème siècle
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b. Opportunités et acteurs du réemploi Il n’existe à ce jour aucune incitation – ni aucune obligation – au réemploi de matériaux de construction en Europe, contrairement aux Etats-Unis où la pratique est plus répandue du fait de la culture constructive du pays ainsi que des incitations financières mises en place au niveau fédéral. La pratique du réemploi s’expérimente ainsi de façon isolée et plus ou moins développée en réponse aux préoccupations des différentes métropoles vis-à-vis du développement durable, et de l’impact environnemental de leur politique locale de gestion des déchets. Ce sont les collectivités territoriales et les organismes publics locaux qui sont le plus souvent porteurs de ces problématiques (par exemple, le développement d’un programme de recherches « zéro déchets » a été initié au sein de la région de Bruxelles par l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement depuis plusieurs années). La pratique du réemploi est ainsi majoritairement guidée par les efforts de soutenabilité dus aux préoccupations environnementales des exécutifs locaux. Comme cela est mis en avant au sein des trois cas d’études présentés ci-après, la mise en pratique du réemploi de matériaux dans un projet d’architecture est en réalité dépendante d’un large panel d’acteurs, allant des organismes publics aux entreprises du secteur de la construction en passant par les architectes, les maîtres d’œuvre, etc. La pratique du réemploi est ainsi majoritairement facilitée par les porteurs de projets, les partenaires ou les commanditaires sensibles à ce sujet. On retrouve d’une part un certain nombre de Maîtres d’Ouvrages tels que des Offices Publics de l’Habitat (OPH), des villes, des collectivités, des régies immobilières ou encore des organismes culturels qui s’impliquent peu à peu dans les politiques de développement durable dans le secteur de la construction. Pour ce faire, ils vont généralement être amenés à rechercher les compétences adéquates afin de faire les bons choix dans l’optique de valoriser leurs projets, en s’entourant par exemple de spécialistes agissant en qualité d’expert vis-à-vis des pratiques du réemploi et assurant la communication sur le sujet entre les différents autres acteurs d’un projet. L’inscription du réemploi de matériaux dans un projet de conception architecturale peut alors être initiée lors de l’établissement d’un programme d’opération, tout comme elle peut également être amenée par le concepteur ou l’architecte qui décide d’en faire un élément fondateur de la position architecturale et sociétale qu’il souhaite véhiculer, dès l’instant celle-ci est soutenue par son commanditaire. Ainsi un nombre conséquent d’architectes s’emparent aujourd’hui de la pratique du réemploi comme une façon de répondre aux enjeux actuels de développement durable en minimisant l’impact environnemental de leurs constructions, tout en faisant de cette contrainte apparente une génératrice de leur architecture. Par leur science de la construction, ils participent à définir peu à peu les différentes possibilités de mise en œuvre des matériaux en les mettant au service de leur créativité. Cette nouvelle émergence contemporaine des pratiques du réemploi fait ainsi apparaître des opérateurs tiers qui prennent une place importante dans l’exécution des projets architecturaux intégrant cette pratique : il s’agit de revendeurs ou autres fournisseurs spécialisés qui vont ainsi agir comme des intermédiaires entre les concepteurs et les ressources disponibles. La plus-value de ces entreprises est de proposer une activité qui simplifiera les travaux ultérieurs en maximisant à la source le tri des déchets de construction, leur recyclage ou leur réutilisation et bien sûr leur remise en état.
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Deux des trois cas d’études sélectionnés 2 font ainsi intervenir des entreprises spécialisées dans la récupération et la remise en état d’éléments de construction, et qui interviennent en tant que connaisseurs d’un savoir-faire donné afin de rendre leur mise en œuvre possible dans le cadre de la construction du projet architectural. La démarche de réemploi au sein d’un projet peut être motivée directement par ses acteurs mais également impulsée par le contexte dans lequel il s’inscrit. En effet, un projet prévu en zone urbaine dense aura de fortes probabilités de nécessiter une réhabilitation en cas de conservation de tout ou partie du bâti existant, ou bien la démolition préalable des existants sur la parcelle si ceux-ci s’avèrent inadaptés au projet. Chacune de ces deux éventualités est susceptible de représenter un gisement de matière non négligeable en termes de réemploi et peut donc participer à la prise de décision initiale. Plus rarement, l’opportunité de réemployer des matériaux de construction de seconde main est amenée en cours de conception et l’initiative n’est pas présente au départ du projet. L’inscription de la démarche de réemploi au sein d’un projet de conception peut toutefois s’initier en cours de projet par l’apparition inopinée d’un gisement de matière à proximité plus ou moins immédiate du projet tel qu’un chantier de démolition, la revente à durée limitée dans le temps de produits ou matériaux neufs invendus ou n’ayant pas été mis en œuvre sur leur chantier initial, etc. Il est à noter que dans ce cas précis, il est primordial de savoir opérer A l’heure actuelle, les pratiques de réemploi et de réutilisation dans le secteur du bâtiment restent peu développées et concernent encore la plupart du temps des projets expérimentaux. Dans tous les cas, il apparaît clairement que ce choix de conception n’est délibérément pas fait dans une optique économique et/ou ne provient pas d’une contrainte budgétaire ayant pu amener le principe de réemploi au cœur du processus de conception d’un projet architectural. Ainsi les valeurs éthiques, politiques et sociales qu’incarne la mise en œuvre du principe de réemploi semblent être aujourd’hui la principale motivation pour les porteurs de ces pratiques.
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Voir Figure 2 page 12 et Figure 3 page 12
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Figure 2 : Châssis bois en chêne collectés au sein des pays membres de l’UE et remis en état par le brocanteur belge spécialisé Antiekbouw pour les besoins du chantier du bâtiment EUROPA, siège du Conseil Européen à Bruxelles
Figure 3 : Exposition temporaire des matériaux prévus réemployés in situ dans le cadre du projet de mutation de la caserne de Reuilly à Paris 12ème, ici des radiateurs fonte remis en état par une entreprise spécialisée
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c. Filières et gisements de matière Il existe à ce jour très peu de filières de matériaux structurées à destination du réemploi, alors qu’elles ont pour objectif la mise à disposition globale et permanente de produits et matériaux de construction dans un contexte à la demande grandissante. Celles-ci peinent en effet à se mettre en place, notamment en France ou la culture constructive – ainsi que les lobbys – sur les matériaux neufs tels que le béton sont fortement ancrés. L’émergence de nouvelles plateformes de revente de matériaux de seconde main en ligne s’observe cependant depuis quelques années : elles permettent de rendre les ressources existantes aisément consultables en mettant en relation un plus grand nombre d’acteurs et dans un contexte géographique plus large. Ces plateformes internet de type Opalis en Belgique ou plus récemment Cycle Up 3 en France recensent ainsi les entreprises du secteur de la construction, spécialisés ou non dans les métiers de la déconstruction, qui disposent de ressources disponibles. Même si les points de revente bénéficient aujourd’hui de l’essor des pratiques commerciales par le biais des technologies de communication comme internet, le besoin physique d’espace reste d’actualité pour créer les ressourceries adéquates et stocker temporairement ces matériaux à l’instar des déconstructeurs qui revendaient physiquement les pièces récupérées au sein de leurs entrepôts (cf. Achille Picart). La problématique de la faible demande actuelle ne permet pas une rentabilité suffisante de revente de produits ou matériaux de seconde main, ce qui empêche l’émancipation d’une offre pléthorique et variée de produits de réemploi en raison des coûts de location ou d’acquisition des espaces de stockage nécessaires. Ces ressourceries dédiées aux matériaux et produits de construction peinent également à vendre leurs biens aux professionnels de la construction : cette difficulté s’explique principalement par la problématique de la responsabilité juridique de leur mise en œuvre, qui ne permet pas à ce jour aux entreprises d’être assurées par l’intermédiaire d’une garantie décennale pour la mise en œuvre de ces produits ou matériaux dans le cadre d’un marché public par exemple. Les acheteurs de ces ressources restent donc principalement des particuliers ou des bricoleurs qui utilisent ces ressources pour leurs besoins personnels, mais qui ne créent pas une demande suffisamment importante pour faire progresser ces filières. A titire d’exemple, la filière de briques de réemploi structurée et mature en Belgique illustre bien la nécessité d’un équilibre entre offre et demande : ces briques de réemploi proviennent de la déconstruction de bâtiments traditionnels et sont utilisées dans la construction neuve de maison individuelles et de petits immeubles collectifs. Bien que la brique soit un matériau pouvant aisément être extrait et réemployé, il apparaît que la structuration du marché de réemploi autour de ce matériau dépende autant de facteurs externes (demande du marché et filières) que des facteurs propres à celuici (facilité de démontage et conservation des propriétés mécaniques notamment). Il semble donc que l’augmentation globale de la demande de matière soit le principal levier pour que les filières se structurent et se développent naturellement par le biais de fournisseurs et d’entreprises spécialisés dans la remise en état de matériaux de première main. Il y a donc par ailleurs également un enjeu de professionnalisation de la pratique de ces filières qui se doit d’être mis en avant. Dans un contexte de projet architectural récemment favorable aux pratiques du réemploi, l’identification des matériaux nécessaires au projet nécessitent donc pour le moment de la part des porteurs de projets de devoir se saisir des opportunités locales en faisant leurs recherches par eux3
Voir Figure 4 page 15
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mêmes et de manière isolée. Ces investigations peuvent ainsi prendre principalement deux formes : la consultation de ressources déjà déconstruites et disponibles à la demande si elles existent, ou bien le suivi d’un projet de déconstruction et/ou de sélection de matière en collaboration avec les acteurs concernés. Dans ces deux cas de figure, l’objectif est au préalable d’appréhender la nécessité pour l’architecte de concevoir cette phase de recherche de matière comme faisant partie intégrante de son travail de conception. Dans les trois cas d’études réalisés 4, l’architecte et les concepteurs jouent un rôle primordial dans la recherche et la sélection des éléments qui vont être par la suite réemployés dans leurs projets. Bien qu’ils aient la nécessité de s’entourer des compétences nécessaires à la recherche, à la déconstruction et à la remise en état de ces matériaux préalablement au chantier – d’où l’importance grandissante de ces intermédiaires – l’architecte reste le principal décisionnaire quant à leur potentiel de réemploi, à la manière et dans quelles proportions ils seront mis en œuvre. La demande en matériaux et donc la structuration des filières de réemploi relève ainsi en partie de la responsabilité indirecte de l’architecte : de sa propension à favoriser la pratique du réemploi avec bon sens et dans des conditions raisonnables pour la crédibiliser aux yeux de la société va ainsi dépendre son émancipation et son potentiel de professionnalisation à l’avenir.
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Voir Figure 5 page 15
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Figure 4 : Site internet de la plateforme française CYCLE UP de revente de matériaux issus de la filière de réemploi
Figure 5 : Processus de sélection des matériaux de réemploi pour le projet du Pavillon Circulaire, Encore Heureux architectes, 2015
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2. Valorisations du principe du réemploi a. Soutenabilité Au sein de la hiérarchie européenne des leviers en matière de traitement des déchets du secteur de la construction – qui représentent près de 70% de la masse mondiale de déchets loin devant l’industrie et les ménages – il est utile de rappeler que le réemploi 5 arrive en première position devant le recyclage 6. On peut ainsi en déduire que la pratique du réemploi est donc porteuse d’une éthique affirmée en matière de politique de réduction des déchets, ce qui est dû à son fort potentiel de transformation des matériaux existants en gisement de matière pour les nouvelles constructions par l’intermédiaire de circuits courts. La matière est ainsi déplacée d’un chantier à un autre sans nécessiter de refonte ni de reconcassage par le biais d’un processus industriel qui serait fort consommateur d’énergie grise 7 : elle est le plus souvent extraite manuellement, puis réagencée et réparée avec un minimum de moyens supplémentaires. Le processus de réemploi ne consomme également que peu d’énergie pour le transport des matériaux d’un site à un autre même si cela dépend de leurs localisations respectives – le réemploi in situ étant donc à privilégier dans une optique d’efficience environnementale. L’intérêt du réemploi d’un matériau réside donc dans sa capacité à mobiliser le moins d’énergie possible pour sa revalorisation dans un nouveau projet de construction par l’intermédiaire d’un circuit court, et ce avec un minimum de transformation. Au sein des trois cas d’études, aucun outil n’a été utilisé pour mesurer les gains d’énergie grise réalisés par la pratique du réemploi de matériaux vis-à-vis de l’utilisation de produits de construction neufs, cependant la logique de conception adoptée fait sens en faveur d’une balance énergétique favorable. Le projet de construction du nouveau Siège du Conseil Européen en constitue l’exemple le plus probant : la collecte et la récupération des châssis bois réemployés au sein des 27 Etats membres de l’UE sont sans nul doute moins consommatrices d’énergie grise que l’ensemble des étapes qui auraient été nécessaires à leur fabrication, et ce malgré les distances parcourues par la matière réemployée pour arriver sur le chantier. Il y a en effet une dépense conséquente d’énergie grise évitée par l’absence d’extraction de matière et de processus de fabrication des châssis, en comparaison du peu d’énergie nécessaire à leur réadaptation. Il est à noter que l’énergie grise évitée pour le recyclage des châssis dans le cas où ceux-ci n’auraient pas été réemployés peut également être comptabilisée dans cette balance énergétique. En définitive et même en l’absence de quantification énergétique, il convient dès lors pour les concepteurs de faire preuve de bon sens en jaugeant par leurs connaissances constructives l’énergie grise liée à l’extraction et transport d’un matériau réemployé avec celle nécessaire au processus d’extraction de matière première et de fabrication d’un produit de construction neuf assurant les mêmes fonctions. Dans un avenir proche, il est fort probable qu’il devienne nécessaire de quantifier les dépenses en énergie grise dans le cadre de la future Réglementation Thermique 2020 qui se basera sur les référentiels des labels actuels E+ / C- (Energie + / Carbone -) ou encore BBCA (Bâtiment Bas Carbone). A termes, il deviendra alors courant de comparer les solutions constructives voire les matériaux réemployés entre eux, et ce dans l’optique d’effectuer les choix les plus judicieux.
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Voir définition du glossaire Voir définition du glossaire 7 Voir définition du glossaire 6
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Dans cette attente et en partant d’une hypothèse communément admise qui consiste à considérer qu’un matériau réemployé possède un impact environnemental plus faible qu’un matériau neuf équivalent, l’outil de quantification – des matériaux cette-fois – peut s’avérer utile pour valoriser la pratique du réemploi. Ainsi plus le projet comporte de matériaux réemployés plus il s’inscrit dans une démarche soutenable en matière de réduction des déchets de construction. Dans le cas d’étude du Pavillon Circulaire, les choix de sélection réalisés par les architectes ainsi que la conception du projet ont par exemple permis d’atteindre un taux de réemploi de matériaux de 60% sans que celui-ci ne nuise à la qualité d’exploitation du bâtiment qui atteint les standards du Bâtiment Basse Consommation. Ces deux arguments croisés permettent ainsi de valoriser la pratique du réemploi tout en démontrant qu’elle ne se fait pas au détriment d’autres points de vigilance existants et acquis en termes d’impact énergétique. Il appartient donc aux concepteurs d’utiliser de trouver et d’utiliser les indicateurs leur permettant de faire les bons choix de conception et par la même occasion de valoriser le réemploi en communiquant autour des projets qu’ils réalisent.
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b. Valorisation économique La valorisation économique d’un projet architectural impliquant une pratique de réemploi de matériau dépend principalement de deux facteurs : il y a d’une part la maîtrise de l’équilibre économique inhérent à la gestion du projet et à ses choix de conception, et d’autre part le contexte budgétaire dans lequel il s’inscrit. En ce qui concerne ce deuxième facteur, il s’agit principalement des incitations économiques pouvant amener la pratique du réemploi au cœur de projets de construction ou de réhabilitation par le biais de financements publics ou d’avantages fiscaux exclusivement accordés dans ce cadre. Les politiques mises en œuvre sur ce point par les administrations étatiques des différents pays sont ainsi clairement différentes : alors que le fait de réemployer des matériaux permet de bénéficier de déduction d’impôts aux Etats-Unis et tandis que le gouvernement belge s’inscrit dans une politique drastique d’amélioration de sa production de déchets en proposant des financements participatifs pour les projets impliquant du réemploi, l’Etat français ne propose aucun dispositif d’éligibilité à d’éventuelles aides financières pour les projets de réemploi de matériaux réalisés sur son territoire. Ainsi, la valorisation économique de la pratique de réemploi est uniquement dépendante de la maîtrise financière à l’échelle du projet. Dans les 3 cas d’études présentés, il a été mis en évidence qu’aucun gain financier n’est pour l’heure possible pour un projet de construction utilisant des matériaux réemployés. Il s’avère en effet que les coûts de fourniture et de mise en œuvre atteints sont équivalents à des travaux utilisant des matériaux neufs, impliquant l’impossibilité d’en dégager une quelconque économie financière. A titre d’exemple, le ratio de coût au mètre carré pour le Pavillon Circulaire est de 2142 €/m² et est équivalent à celui d’un pavillon neuf. De même le coût au mètre carré pour la façade réalisée en châssis bois pour le Siège du Conseil Européen EUROPA est de 725 €/m² et est environ équivalent à celui d’une façade rideau vitrée neuve, tenant compte des dimensions de l’édifice. A l’heure actuelle, la rentabilité du réemploi par chantier semble donc inexistante même si certains matériaux réemployés peuvent paraître rentables en termes de fourniture vis-à-vis d’un matériau neuf : le coût de la main d’œuvre nécessaire à la déconstruction des matériaux s’ajoute à celle nécessaire à leur mise en œuvre bien que le coût de traitement du matériau en qualité de déchet soit évité. Cela est par ailleurs dû à l’ordre de grandeur du rapport entre matière et main d’œuvre : cette dernière étant prépondérante, elle continue de prendre le pas sur la matière et compense pour le moment le gain financier réalisable sur celle-ci. S’il est entendu que les coûts sur la matière réemployée sont amenés à diminuer avec la structuration des différentes filières – instaurant un équilibre entre l’offre et la demande comme cela est le cas pour les matériaux manufacturés aujourd’hui – il existe néanmoins un gain possible sur la productivité des entreprises à manipuler le processus de réemploi de matériaux (déconstruction, remise en état, remise en œuvre, etc.) et donc un gain financier potentiel à venir. Pour autant, il est judicieux de souligner que l’aspect financier n’a pas été un frein au sein des exemples analysés, et que l’acception de solutions de réemploi pas ou peu compétitives par rapport à des matériaux neufs a été permise par la différenciation de l’édifice construit en termes de soutenabilité : leur volonté est ici de mettre en avant la pratique du réemploi y compris si le coût résultant du projet est plus important. Il est également à noter que la maîtrise du budget économique d’un projet se pose particulièrement dans le contexte du marché public, où la problématique de la responsabilité des entrepreneurs du secteur de la construction est souvent mise en avant. Dans un contexte de réemploi, l’identification des matériaux à réemployer se fait en effet lors de la phase de conception et indépendamment des entreprises qui seront sélectionnées sur leur capacités techniques et financières Page | 17
à réaliser les travaux. Le fait de remettre en œuvre les matériaux de seconde main choisis est ainsi imposé aux entreprises désireuses de répondre au marché, ce qui implique au préalable de les placer dans un contexte de confiance vis-à-vis de la qualité des matériaux à réemployer afin d’obtenir des offres économiquement raisonnables et viables. Pour ce faire, il devient primordial pour l’architecte de bien communiquer sur la provenance des matériaux, de trouver des informations sur la façon dont ils ont été produits et mis en œuvre initialement. A titre d’exemple pour le projet de mutation de la Caserne de Reuilly à Paris, les matériaux pressentis pour être réemployés in situ ont été extraits et remis en état par des entreprises spécialisées, qui ont été en mesure de fournir des garanties décennales sur ces matériaux. Cela a ainsi permis de rassurer les entrepreneurs en charge de travaux en cadrant les limites de leurs responsabilités pour les mettre dans des conditions favorables. En outre, des visites de site ont été organisées pour les entreprises intéressées par la réalisation du chantier, afin qu’elles puissent jauger par elles-mêmes de la qualité des matériaux remis en état. Préalablement au fait d’imaginer pouvoir réaliser des gains financiers en optant pour des matériaux réemployés, la maîtrise économique d’une opération impliquant du réemploi nécessite donc de la part des porteurs de projets et particulièrement de la part de l’architecte d’instaurer un dialogue de confiance et de transparence entre ses différents acteurs.
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c. Freins au développement du réemploi et perspectives Un certain nombre de freins au développement des pratiques du réemploi existent à ce jour dans le secteur du bâtiment. La majorité des freins identifiés concernent aujourd’hui le fait de mettre en œuvre des matériaux ou produits issus initialement d’opérations de dépose, l’aptitude à l’usage de ces produits ou l’assurabilité des ouvrages résultants comme cela a été mis en évidence précédemment. Concernant les trois cas d’études présentés, la qualification des produits et matériaux réemployés n’a cependant pas soulevé de problématique particulière et ce pour trois raisons différentes : -
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la façade du bâtiment EUROPA à Bruxelles n’a pas nécessité de requalification pour sa mise en œuvre, les matériaux réemployés pour la transformation des baraquements de la caserne de Reuilly à Paris ont été requalifiés par des professionnels qui ont endossé la responsabilité de la garantie décennale sur ces produits, les matériaux réemployés pour la construction du Pavillon Circulaire sur le parvis de l’Hôtel de Ville à Paris ont relevé de techniques de mise en œuvre traditionnelles (isolation, bardage, platelage, etc.) et n’ont de fait pas présentés de raison particulière d’être refusés par les organismes de contrôle.
Toutefois ces cas d’études ne peuvent être généralisés à tous les cas de figure et l’ensemble des conditions nécessaires à la mise en œuvre de matériaux de réemploi peuvent néanmoins être difficiles à respecter. L’absence de filières structurées constitue également un frein à la démocratisation de la pratique : la mise à disposition des matériaux au sens large reste aujourd’hui une difficulté notoire tout comme la mise en relation inhérente des acteurs susceptibles de trouver des intérêts communs dans l’achat ou la revente de produits et matériaux de réemploi. D’autre part, les recours aux filières de réemploi ne sont pour l’heure par fiscalement encouragées par l’Etat, ce qui maintient une pression économique forte notamment sur les commanditaires publics. Ces derniers n’ont alors d’autre choix que de continuer à privilégier le précepte de l’entreprise moinsdisante, ce qui a pour conséquence de favoriser la tendance aux matériaux neufs importés au détriment de l’expérimentation de matériaux de réemploi locaux malgré le degré de soutenabilité qu’ils sont susceptibles de représenter. Enfin, le contexte normatif et réglementaire n’est aujourd’hui pas adapté aux nouvelles pratiques de construction telle que le réemploi et peine à évoluer en ce sens : il constitue pour l’heure un frein à l’expérimentation et au cas particulier en encadrant l’acte de construire de manière relativement stricte. Corollairement, des surprimes d’assurance sont quasi systématiquement imputées aux Maîtres d’Ouvrages en cas de dérogation à une norme, rendant leur application imposée et ne laissant pas d’écart possible notamment au regard du réemploi ou de l’artisanat. Le dépassement de ces différents points durs est à l’avenir conditionné par la mise en place d’un cadre législatif des pratiques du réemploi, dont l’objectif sera d’inciter à les mettre en œuvre mais aussi de faciliter les prescriptions des matériaux issus de ses filières. Cela permettra d’instaurer une meilleure confiance aux acteurs et entreprises vis-à-vis de ces pratiques notamment sur les questions de responsabilité et de maintien de la qualité des ouvrages. Sans cet encadrement, le réemploi restera probablement cantonné à des initiatives traitées au cas par cas et à potentiel limité (expérimentation, ouvrages à faibles contraintes, etc.).
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Aussi, les filières devront être amenées à se développer de manière à créer de l’offre et à mettre en relation les acteurs du réemploi afin de faciliter la mise à disposition des matériaux et produits de réemploi par l’intermédiaire de plateformes d’entreposage ou d’autres moyens de distribution.
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3. Le réemploi dans la pratique architecturale a. Mémoire de la matière Un matériau réemployé se distingue d’un matériau neuf manufacturé par le fait que celui-ci a généralement vécu une première vie et est donc porteur d’une histoire singulière qui lui est propre. Lorsque l’on observe l’appétence actuelle des architectes et des commanditaires pour les matériaux de façade prépatinés et de mobiliers porteurs des signes du temps, on peut aisément considérer que la force poétique des matériaux de réemploi puisse constituer un atout pour la valeur architecturale d’un édifice. Les matériaux et produits de réemploi sont donc à considérer comme les symboles d’une histoire et d’une culture pouvant être mise au service de la matérialité d’un projet architectural. Au-delà de l’aspect plastique recherché, le réemploi de matériaux de seconde main offre également la possibilité de redécouvrir certains savoir-faire traditionnels, et permettent la plupart du temps de renouer avec la tradition d’une époque donnée. En ce sens, ils sont ainsi porteurs d’un enseignement pour les concepteurs qui se voient offrir la possibilité de s’approprier leurs caractéristiques ainsi que les techniques constructives avec lesquelles ces matériaux ont été mis en œuvre initialement. Le réemploi de ces matériaux constitue donc une opportunité de perpétuer leur mémoire en conservant toute ou partie de leur forme et de leurs propriétés intrinsèques, ce qui l’oppose de ce point de vue diamétralement au recyclage dont l’opération de destruction et de reformation de la matière fait perdre toute référence à l’objet ou matériau initial. Il y a donc un potentiel clairement établi à faire perdurer la mémoire de la matière dans le processus de réemploi, conférant une opportunité unique de s’en servir pour alimenter le propos architectural. Pour les deux premiers cas d’études présentés ci-après, il est possible de mettre en avant la mémoire de la matière réemployée qui est mise au service de l’harmonie du projet avec la puissance des matérialités existantes et qui contribuent ainsi à l’inscription du projet dans le site. En effet, la matérialité des portes palières en bois massif qui constituent les façades du Pavillon Circulaire instaure un rapport harmonieux avec la dimension historique des bâtis environnants du parvis de l’Hôtel de Ville 8, ce qui n’aurait pas nécessairement été le cas avec l’emploi d’un bardage bois neuf manufacturé. De même, l’emploi de châssis bois en chêne pour la façade de la partie neuve du bâtiment EUROPA fait écho aux menuiseries du Residence Palace existant 9 faisant partie intégrante du projet, ce qui contribue à l’unité architecturale entre ces deux entités ainsi qu’à la matérialité chaleureuse qui s’en dégage. Dans ces deux exemples, la valeur patrimoniale véhiculée par la matière de réemploi est ainsi mise au service du dialogue urbain et architectural entre les projets et leurs contextes respectifs d’inscription dans le site. En ce qui concerne le projet de mutation de la Caserne de Reuilly, l’inscription du projet dans le contexte et le site est dans ce cas d’étude précis favorisée par le réemploi de matériaux in situ ou de proximité, qui permettent de générer une matérialité familière au sein des espaces et contribue à une forme de continuité entre l’existant et le projet par le biais de la matière. Dans tous les cas, le réemploi de matériaux porteurs de mémoire dans un projet architectural permet de se saisir du génie du lieu et de son histoire, si tant est que cela constitue le positionnement de 8 9
Voir Figure 6 page 23 Voir Figure 7 page 23
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l’architecte et de son projet. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une opportunité de redécouvrir et de tirer l’apprentissage de savoir-faire traditionnels qui n’auraient pu être saisis autrement.
Figure 6 : Inscription du Pavillon Circulaire dans un contexte historique et patrimonial, Encore Heureux architectes, 2015
Figure 7 : Dialogue de matière entre l’une des façades neuves du bâtiment EUROPA et la façade existante du Residence Palace, Philippe Samyn and partners, 2016
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b. Parti architectural et réemploi Au préalable de tout argumentaire, il est utile de préciser que l’on s’intéresse ici au rapport entre la matière et la recherche plastique du projet architectural dans le cadre de sa mise en espace, mais également à au propos philosophique et sociologique de la pratique du réemploi en architecture en tant que tel, ces deux aspects étant étroitement liés. Dès lors que cette pratique est mise en application, une première hypothèse pouvant être émise consiste à affirmer que le sens moral porté par le principe du réemploi est corrélé à la mise en œuvre physique et spatiale recherchée par l’architecte au sein de son projet. Comme cela a pu être mise en évidence dans les cas d’études, le fait de recourir au réemploi est automatiquement porteur d’une signification précise qui constitue alors l’élément principal du parti architectural. Dans le cas du Pavillon Circulaire, l’usage du réemploi de matériaux est associé à la recherche d’une architecture empreinte de sobriété et de justesse, dont l’attention est portée sur l’adéquation entre la consommation primaire des ressources et les besoins sociétaux sans toutefois négliger l’esthétique du projet dans l’optique de contrer les aprioris qui accompagnent la pratique du réemploi dans la construction, injustement associée à l’architecture du déchet. En ce qui concerne le siège du Conseil Européen, le bâtiment entend représenter symboliquement par le principe du réemploi la diversité et la solidarité de l’UE représentées par la diversité et les dimensions des châssis bois – provenant de l’ensemble des Etats membres – unifiés par leur assemblage et par leur matérialité. Dans ces deux cas, il y a donc une valeur philosophique et sociétale associée au projet architectural, et qui est exclusivement permise par le principe de réemploi avec lequel elle fait sens. Une seconde hypothèse consiste à considérer que les matériaux que l’architecte décide de réemployer participent à la création des volumes et de l’espace de son projet, autant qu’à sa matérialité. Comme il a été vu précédemment, recourir au principe de réemploi lors du processus de conception d’un bâtiment implique un rapport particulier à la matière mise en œuvre puisque son apport physique s’accompagne d’un apport intellectuel lié à son histoire et sa culture. Le(s) matériau(x) qui vont être réemployés vont ainsi apporter leur matérialité au bâtiment mais également leurs géométries initiales : le processus de réflexion de l’architecte va ainsi consister à trouver comment intégrer ces formes préconstruites à la conception spatiale globale du projet afin de générer l’espace voulu. Ce n’est donc pas uniquement le produit ou le matériau réemployé qui s’adapte au parti architectural bien qu’il puisse être partiellement taillé, séparé ou remodelé : les proportions, la forme voire la volumétrie générale du projet vont également découler plus ou moins directement de la géométrie initiale des éléments réemployés. En reprenant le cas d’étude sur le Pavillon Circulaire, les principaux matériaux réemployés pour les besoins de la construction vont être un déclencheur créatif dès le moment de leur identification, ils vont ainsi être générateurs de forme pour marquer son identité architecturale. Pour ce pavillon, c’est principalement l’assemblage des portes qui influence sa géométrie globale 10 et ses proportions. Même si cela est moins certain, les suspensions lumineuses s’intégrant très bien dans une hauteur sous plafond généreuse ont également pu avoir un impact sur le ressenti intérieur recherché. Dans le cas du bâtiment EUROPA, la spatialisation recherchée a consisté à concevoir un volume enveloppé d’une double peau transparente pour travailler la transition avec la rue dans un site très dense. La nécessité de trouver un apport de lumière conséquent a ainsi induit l’architecte à réemployer 10
Voir Figure 8 page 26
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des éléments vitrés laissant pénétrer la lumière dans le bâtiment tout en la filtrant 11. C’est cependant le rapport d’échelle entre le bâtiment et les dimensions existantes de ces anciens châssis à usage d’habitation qui a permis de générer le patchwork qui compose aujourd’hui la façade. Les anciens châssis de fenêtres sont ainsi réutilisés pour composer une matrice de façade à la manière d’un patchwork, fixés sur une ossature métallique pour former une double peau et conférer une transparente au bâtiment. En définitive, il apparaît clairement que la pratique du réemploi peut être considérée comme un vecteur générateur d’architecture et d’espace. C’est également l’occasion pour l’architecte d’apprendre à appréhender des matériaux souvent préconstruits pour alimenter sa conception architecturale. Si cela peut au départ constituer une contrainte, les matériaux et produits réemployés peuvent au final contribuer à générer les proportions et la volumétrie globale d’un projet, et de fait offrir l’opportunité d’aboutir sur des formes de construction originales qui n’auraient pas nécessairement pu été imaginées sans recours au réemploi.
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Voir Figure 9 page 26
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Figure 8 : Rapport entre la géométrie initiale des portes palières et la forme générale du Pavillon Circulaire, Encore Heureux architectes, 2015
Figure 9 : Vue intérieure du patchwork de châssis rémployés en façade et jouant un rôle majeur dans l’apport de lumière au sein du bâtiment EUROPA, Philippe Samyn and partners, 2016
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c. Mise en œuvre des matériaux de réemploi L’opération de mise en œuvre de matériaux réemployés ne peut être dissociée de leur extraction préalable qui va finalement grandement l’influencer. A partir du moment où l’architecte adhère à la valeur morale véhiculée par le réemploi, celui-ci va éthiquement se positionner au cœur d’un cycle continu de matière ne se limitant pas à son propre projet architectural, mais qui pourra à son tour faire l’objet d’une extraction de matière dans un futur plus ou moins proche. Qu’il participe ou non à l’extraction du matériau qu’il va réemployer, il est ainsi nécessaire que l’architecte maîtrise les notions intrinsèques à son processus d’extraction qui lui permettront par la suite de réintégrer ledit matériau à son projet architectural. Dans la plupart des cas, celui-ci va donc inconsciemment chercher à remettre en œuvre les matériaux dans une optique de sobriété, ce qui permettra de faciliter leur déconstruction ultérieure le temps venu. La sobriété et la simplicité sont donc des critères fondamentaux pour favoriser l’extraction et la mise en œuvre des matériaux. Pour le Pavillon Circulaire, c’est précisément dans cette optique que les architectes ont conçu le bâtiment : après avoir identifié les portes palières comme matériau principal de réemploi, ils ont ensuite travaillé sur des assemblages en chevron dont le motif est basé sur deux portes tournées à 45 degrés et qui est ensuite systématisé pour réaliser la majeure partie du parement de façade. De ce fait les assemblages font état d’une composition simple et sont aisément démontables par la suite. En ce qui concerne le projet de la caserne de Reuilly, les éléments retenus dans une optique de réemploi sont les éléments qui possèdent le potentiel le plus élevé 12, c’est-à-dire les plus simples à extraire (lavabos, radiateurs, façades de mobilier, garde-corps, etc.) mais également les plus simples à remettre en œuvre, que leurs fonctions respectives soient détournées ou non. Bien que ce pragmatisme soit dû au contexte particulier du marché public, les pratiques du réemploi en sont à leurs balbutiements et nécessitent encore aujourd’hui d’expérimenter au fur et à mesure leur faisabilité pour se diriger progressivement vers des procédés élaborés et mettant en œuvre des matériaux de réemploi à plus forte contrainte technique. Pour finir, on constate également par les cas d’études présenté que les assemblages des différents matériaux ont systématiquement fait l’objet de singularités de mise en œuvre, écartant toute ambition de standardisation tant les procédés et les matériaux réemployés sont variés. Bien qu’il soit toutefois techniquement possible de reproduire certaines techniques architecturales de réemploi d’un projet à l’autre, ce n’est en tous les cas pas l’intention architecturale qui en découle. En règle générale il a été observé que c’est bien le temps d’expérimentation sur le chantier qui est souvent l’acte principal pour expérimenter et définir leur mise en œuvre, ce qui s’inscrit bel et bien dans une logique d’unicité et non de standardisation des solutions de réemploi.
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Voir Figure 10 page 28
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Figure 9 : Exemple de réemploi détourné à faible contrainte technique de rambardes de garde-corps en mobilier urbain, ROTOR Deconstruction, 2017
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4. Présentation des cas d’études Dans le cadre de cette étude, trois projets d’architecture ont été délibérément choisis en rapport avec la diversité de critères qu’ils présentent les uns par rapport aux autres : commande, contexte géographique et culturel, envergure, principes constructifs, usages, etc. Cette diversité intentionnelle permet de répondre plus largement aux questionnements posés en effectuant un recoupement des éléments de réponses apportés par chacun de ces cas d’études en fonction de ses particularités de réalisation. Autant que possible, des éléments de réponses ont été apportés à chacune des questions soulevées par la grille méthodologique élaborée au début de l’étude. Ces éléments sont présentés ci-après.
a. Pavillon Circulaire de la COP 21
Façade principale du Pavillon Circulaire de la COP 21, Paris, Encore Heureux architectes, 2015
Données générales -
Nom : Pavillon Circulaire de la COP 21 Commanditaire : Pavillon de l'Arsenal Lieu : Parvis de l’Hôtel de Ville, Paris 4ème (puis délocalisation programmée à Paris 14ème) Date : 2015 Mission : Complète Programme : pavillon d’exposition puis lieu d’accueil pour une association sportive Surface : 70 m² Budget : 150 000 € Architectes mandataires : Encore Heureux architectes Equipe : Tribu (BET HQE) + Bonnefrite (dessin) + Camping Design (graphisme)
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Dans quel contexte politique, économique, sociétal, environnemental, etc. s’inscrit le principe du réemploi dans ce projet ? Implanté sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris à l’occasion de la COP 21, ce pavillon est une expérimentation architecturale autour du réemploi de matériaux de construction. L’objectif est de sensibiliser l’opinion aux possibilités existantes en matière de réemploi et de réutilisation de matériaux ainsi que de sa mise en pratique dans le domaine de l’architecture.
Quel est le contexte de disponibilité des matériaux réemployés et comment ont-ils été sélectionnés ? Le contexte de l’émergence du projet a nécessité en premier lieu l’identification d’un gisement de matière. Les architectes concepteurs ont eu l’idée d’investiguer les stocks de matériels non utilisés de la Ville de Paris – qui soutient l’opération – et ont également listé et visité les différentes opérations de réhabilitation en cours au moment du projet afin de récupérer les matériaux nécessaires à la réalisation du projet.
Quelle est la nature et la provenance des ressources ou des matériaux utilisés ? Les architectes ont retenu différents ensembles de matériaux de nature et de provenance diverses : -
un lot de 180 portes palières en chêne massif provenant d’une opération de réhabilitation de logements HBM en cours dans le 19ème arrondissement ; un isolant de type laine minérale issu de la dépose d’un complexe de couverture d’un supermarché ; des éléments de structure et tasseaux en bois issus des chutes d’un chantier de construction d’une maison de retraire ; des panneaux d’exposition de seconde main ; des caillebottis en bois provenant de l’opération d’aménagement estival des berges de Seine « ‘Paris plage » ; du mobilier collectés dans des déchetteries de la Ville de Paris ; de l’éclairage public non utilisé.
Quels sont les acteurs ayant joué un rôle dans leur identification ? Les architectes mandataires du collectif Encore Heureux ont identifié les différents gisements de matières, dirigé les études de conception du projet ainsi que le suivi de réalisation. Le Pavillon de l’Arsenal (organisme public), en qualité de Maître d’Ouvrage du projet, a financé l’opération et soutenu la démarche de mise en pratique du principe de réemploi. La Ville de Paris, acteur politiquement impliqué dans l’opération, est propriétaire du foncier où est disposé le pavillon. Enfin, l’exécution du chantier a été réalisée par des entreprises spécialisées pour les ouvrages de structure bois, de façade et de couverture, les ouvrages restants ont été réalisés par des bénévoles (associations et particuliers) suite à un appel collectif de la part des acteurs principaux du projet.
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Quelle est la fonction d’origine des matériaux réemployés ? La fonction de destination ? Quel lien existe-t-il entre ces fonctions ? Les anciennes portes palières en chêne massif de l’immeuble HBM ont été réemployées en tant que bardage sur les façades du bâtiment. Leur fonction d’origine a été détournée. Les rouleaux de laine minérale ont été réutilisés dans leur fonction d’isolant thermique sur l’ensemble des parois du pavillon. Les éléments de charpente bois ont été réemployés pour réaliser la structure du bâtiment. Les panneaux d’exposition ont été détournés pour réaliser les parements intérieurs des murs à ossature bois ainsi que le sol du pavillon. Les éléments d’éclairage public extérieur ont été utilisés en tant que suspensions lumineuses intérieure. Les caillebottis en bois ont été réemployés pour réaliser une terrasse en bois extérieure à l’entrée du pavillon. Enfin, le mobilier récupéré a été réparé et réutilisé en tant que tel au sein du pavillon.
Quel(s) critères et/ou outil(s) de valorisation a(ont) été(s) utilisé(s) pour mettre en avant la pratique du réemploi appliquée au projet ? L’outil de valorisation principalement utilisé dans le cadre de ce projet est la quantification des matériaux : la part de matière réemployée constitue un élément convaincant de la pratique du réemploi d’autant plus fort que celle-ci est importante. La quantification est ainsi utilisée comme un levier de valorisation dans ce projet. L’aspect énergétique est également mis en avant dans le cadre du projet du pavillon : même si aucune labellisation n’est associée au projet, le bâtiment affiche un niveau de performance équivalent aux standards du Bâtiment Basse Consommation (BBC) en termes d’exploitation énergétique. Enfin, l’aspect artistique est utilisé comme vecteur de communication et de valorisation de la pratique du réemploi : outre l’aspect architectural, les fresques décoratives des murs intérieurs relatent l’historique de la pratique du réemploi au sein du projet.
Quel(s) objectif(s) de valorisation est(sont) ciblé(s) et/ou atteint(s) (politique, économique, écologique, etc.) et de quelle manière ? En termes de quantification de matière réemployée, 60 % des matériaux mis en œuvre ont déjà eu une première vie et seulement 40% des matériaux sont donc neufs et issus de l’industrie. Les résultats de cette quantification contribuent à montrer que la pratique du réemploi constitue un gisement de matière important et que celle-ci peut toucher l’ensemble des cœurs de métiers du secteur de la construction. Le budget de l’opération est de 150 000 € HT pour un pavillon d’une surface de plancher de 70 m², soit 2142 €/m² : le projet présente un coût de construction équivalent à du neuf, cependant ses faibles dimensions additionnées à l’intégration du mobilier intérieur dans le coût du projet permettent vraisemblablement d’atteindre un coût inférieur à un pavillon neuf de même envergure et de nature
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contructive équivalente. Le gain est toutefois relativement faible pour une fourniture en matériaux neufs de seulement 40 %. L’approche des architectes a simplement pour but d'éviter le gaspillage et non de réaliser un gain financier : le chantier a demandé plus d'énergie qu'un chantier neuf et a phase de recherches des matériaux a duré près de 5 mois sachant que chacun d'entre eux demande un traitement préalable. L’autre objectif de cette démarche expérimentale et d’innovation constructive est d’inciter à la création d’une nouvelle filière et de nouvelles relations entre les acteurs du bâtiment, dans l’idée de professionnaliser la pratique du réemploi et de créer de nouvelles sources d’emploi et de formation telles que pour le métier du déconstructeur / récupérateur voué à remplacer à terme le profil du démolisseur.
Quel lien existe-t-il entre le principe de réemploi utilisé et le parti architectural du projet ? Le concept architectural de ce pavillon est de se poser en démonstrateur du réemploi et non en modèle de construction ou en catalogue de solutions selon ses architectes. L’attention à la matière déjà existante permet de diminuer la consommation primaire de ressources tout en évitant l’accumulation de déchets, à enfouir ou incinérer, à la recherche d’une architecture empreinte de sobriété et de justesse. Il s’agit de démontrer que le réemploi peut s'appliquer au domaine de la construction et permet de livrer une architecture sobre mais aboutie. Aussi l’architecture n’est pas négligée et l’esthétique a son importance pour contrer tout apriori pouvant accompagner le fait réemployer des éléments de construction pouvant être considérés comme des déchets. La situation urbaine du pavillon sur le parvis de l’hôtel de Ville implique une relation forte au patrimoine : il y a donc nécessité de trouver comment s’inscrire dans le site tout en considérant le caractère éphémère du projet.
Quelle est le lien entre les matériaux réemployés, la conception spatiale et la matérialité du projet ? Les principaux matériaux réemployés pour les besoins de la construction vont être un déclencheur créatif dès le moment de leur identification, ils vont ainsi être générateurs de forme pour marquer son identité architecturale. Pour ce pavillon, c’est principalement l’assemblage des portes qui influence la géométrie globale, les proportions et qui génère également la matérialité du bâtiment. Les portes palières en chêne massif identifiées sont considérées comme le gisement principal de matière ayant contribué à la volumétrie du pavillon, cependant les suspensions lumineuses s’intégrant très bien dans une hauteur sous plafond généreuse ont également pu avoir un impact sur sa forme.
De quelle manière sont mis en œuvre les matériaux réemployés dans le projet de construction ? Quels sont les principes constructifs utilisés et comment ces matériaux y participent-ils ? Après avoir identifié les portes palières comme gisement principal de matière, les architectes travaillent ensuite sur des assemblages sur la base des dimensions d’origine de celles-ci : ici les portes sont tournées à 45° dans le cadre de cette recherche et vont ainsi forment un assemblage qui est
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systématisé ensuite pour réaliser l’ensemble du parement de façade. La mise en œuvre est différente entre le soubassement et la partie haute de l’édifice.
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b. Siège du Conseil Européen EUROPA
Vue du bâtiment EUROPA, Siège du Conseil Européen, Bruxelles, Philippe Samyn & Partners, 2016
Données générales -
Nom : EUROPA, Siège du conseil de l’Union Européenne Commanditaire : Régie des bâtiments de l’Etat Belge pour le compte du Conseil de l’Union Européenne Lieu : Bruxelles Date : 2016 Mission : Complète Programme : bureaux, espaces de réunion, espaces de conférence, auditoriums, etc. Surface : 53 815 m² (superstructure) + 17 184 m² (infrastructure) Budget : 240 000 000 € Architecte mandataire : Philippe Samyn & Partners architects et engineers Equipe : Lead and Design Partner + Studio Valle Progettazioni architects + Buro Happold engineers
Dans quel contexte politique, économique, sociétal, environnemental, etc. s’inscrit le principe du réemploi de matériaux dans ce projet ? Le nouveau siège du conseil européen est un bâtiment destiné à accueillir de manière permanente les sommets européens au sein de la Ville de Bruxelles, se tenant historiquement dans l’une des villes du pays dont l’exécutif assure la présidence tournante. Il s’agit donc d’un projet de construction de grande ampleur censé symboliser l’Union Européenne, véhiculer ses valeurs et les enjeux à venir.
Quel est le contexte de disponibilité des matériaux réemployés et comment ont-ils été sélectionnés ?
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Encouragé par l’évolution des recommandations Européennes en matière d’énergie, les performances énergétiques des bâtiments font l’objet d’améliorations et de travaux de rénovation à travers toute l’Europe. En conséquence, des millions de vieux châssis de fenêtre bois en bon état sont actuellement remplacés par des nouveaux châssis à double vitrage plus performants : c’est en partant de ce constat que l’architecte prévoit de récupérer et de restaurer une partie de ces châssis pour les réutiliser dans le cadre du projet afin de contribuer à la politique de développement durable de l’Union Européenne.
Quelle est la nature et la provenance des ressources ou des matériaux utilisés ? C’est essentiellement la peau extérieure de la façade double peau du bâtiment qui a fait l’objet de la mise en œuvre des châssis bois en chêne récupérés et collectés dans chacun des Etats membres de l’UE. La mission de récupération des châssis de fenêtres a été confiée par l’équipe de conception à une entreprise spécialisée dans la récupération de matériaux de construction historiques en imposant la qualité du bois neuf. L’entreprise a ainsi visité différentes brocantes en Europe et collecté les 3000 châssis bois composant la façade sur une durée d’un mois. Il y a ainsi eu une offre pléthorique de matière et aucun problème d’approvisionnement n’a vraisemblablement été rencontré.
Quels sont les acteurs ayant joué un rôle dans leur identification ? L’agence d’architecture mandataire de l’opération Philippe Samyn & Partners a réalisé la conception du projet en collaboration avec son équipe de maîtrise d’œuvre, est à l’origine de la demande d’identification du gisement de matériaux de réemploi utilisé. Le brocanteur Antiekbouw, entreprise spécialisée dans la récupération de matériaux de construction historiques à Ypres a réalisé la collecte et la sélection des châssis bois utilisés pour la réalisation des façades. La Régie des bâtiments de l’Etat Belge pour le compte du Conseil de l’Union Européenne a quant à elle spécifié précisément ses attendus en matière de politique de développement durable au sein du règlement de concours ayant initié l’initiative du réemploi de matériaux pour le projet.
Quelle est la fonction d’origine des matériaux réemployés ? La fonction de destination ? Quel lien existe-t-il entre ces fonctions ? L’échelle du bâtiment et l’envergure de la façade ont nécessité le réemploi de 3000 châssis de fenêtres en chêne ou en châtaignier collectées pour recouvrir les 3890 m² de surface, le bâtiment comprenant 11 étages. La fonction de ces anciens châssis en bois provenant d’immeubles d’habitation pour la plupart est détournée pour former un mur rideau vitré de façade par leur assemblage.
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Quel(s) critères et/ou outil(s) de valorisation a(ont) été(s) utilisé(s) pour mettre en avant la pratique du réemploi appliquée au projet ? L’aspect architectural est utilisé comme vecteur de communication et de valorisation de la pratique du réemploi. Il s’agit essentiellement d’un critère de communication, le projet se veut porteur des valeurs et des ambitions véhiculées par l’Union Européenne. Ce projet de réemploi est reproductible sur d’autres territoires sans en être l’objectif premier, il montre néanmoins la possibilité qu’offre le réemploi pour des usages architecturaux d’un point de vue plastique notamment.
Quel(s) objectif(s) de valorisation est(sont) ciblé(s) et/ou atteint(s) (politique, économique, écologique, etc.) et de quelle manière ? Ce chantier répond à deux exigences : la première est environnementale, et consiste à favoriser la réutilisation de matériaux. La seconde concerne plutôt l’aspect design et symbolique. Pour répondre à ces deux exigences, le projet de sur-façade en patchwork en matériaux de réutilisation a été privilégié. La réalisation d’une façade entière en châssis récupérés est permise grâce à l’implication d’un brocanteur bruxellois qui mobilise son réseau et effectue le relevé précis de chaque fenêtre. Egalement, la représentation symbolique de la diversité et de la solidarité de l’UE est permise par la diversité des châssis bois et de leurs dimensions, unifiés par leur assemblage et par l’unicité de l’essence du bois (chêne) utilisée. Le coût du complexe de façade fourni posé est de 724,86 € / m² (prix d’adjudication du marché) dont : -
194,18 € / m² pour fourniture et conditionnement de vieux châssis ; 361,00 € / m² pour les cadres en acier inoxydable et la fixation des châssis ; 169,68 € / m² pour le placement et cadres.
Par ailleurs, la fourniture et pose des coursives en caillebotis ont coûté 264,86 € / m². Etant donné les dimensions importantes de la façade, on peut considérer que le coût est celui d’un mur rideau standard de grande hauteur à la différence près que l’assemblage d’anciens châssis bois n’offre pas les mêmes performances thermiques qu’une façade neuve.
Quel lien existe-t-il entre le principe de réemploi utilisé et le parti architectural du projet ? Dans ce contexte, la nouvelle façade représente une déclaration à la fois pratique et philosophique pour le réemploi d’éléments traditionnels de construction qui expriment la diversité culturelle de la Communauté Européenne. En premier lieu, le Genius Loci du Résidence Palace qui est prévu rénové et intégré au projet instaure une nécessité de dialogue avec sa dimension patrimoniale : le principe de réemploi permet de tisser ce lien avec la partie neuve du bâtiment qui utilise pour sa part les matériaux réemployés.
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Quelle est le lien entre les matériaux réemployés, la conception spatiale et la matérialité du projet ? Le programme de l’opération induisant un volume de transition entre le cœur du projet et la rue (salle des pas perdus) fait naître chez l’architecte l’idée de concevoir un volume enveloppé d’une double peau transparente pour travailler la transition avec la rue dans un site très dense : l’apport de lumière est permis par les châssis réemployés. Il y a également la présence d’une matérialité chaleureuse et d’une unité qui se dégagent du patchwork de châssis bois dans leur disposition.
De quelle manière sont mis en œuvre les matériaux réemployés dans le projet de construction ? Quels sont les principes constructifs utilisés et comment ces matériaux y participent-ils ? Les anciens châssis de fenêtres sont réutilisés pour composer une matrice de façade à la manière d’un patchwork, ils sont fixés sur une ossature métallique pour former une double peau de type mur rideau et conférer une transparente au bâtiment. Le patchwork et la disposition de chacun des châssis a été optimisée en fonction du caractère unique de chacune de leurs dimensions, néanmoins quelques panneaux de bois massifs ont été construits entre les cadres pour absorber les irrégularités résultantes de l’assemblage et pour atteindre les dimensions exactes voulues.
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c. Mutation de la caserne de Reuilly
Modélisation 3D du site de la caserne de Reuilly, Paris 12ème, 2017 Données générales -
Nom : Mutation de la caserne de Reuilly Commanditaire : Paris Habitat OPH (Ville de Paris) Lieu : Paris 12ème arrondissement Date : 2013 - 2020 Mission : Complète logement locatif social + VEFA inversée Programme : logements collectifs sociaux, logements en accession, crèche de 66 berceaux, espaces publics urbains et espaces verts Surface : 40 000 m² (logements) + 4 820 m² (jardin public) + 1049 m² (espaces publics) Budget : 170 000 000 € Architecte mandataire : H2O (Coordination & espaces publics) Equipe : NP2F / Office KGDV (127 logements familiaux, 7 ateliers d'artistes) + Anyoji-Beltrando (133 logements familiaux) + Rotor (AMO Réemploi) + Lacroix Chessex (79 logements sociaux, Crèche de 66 berceaux) + Charles-Henri Tachon (22 logements familiaux) + LIN (92 logements familiaux, 129 logements étudiants + MIR (Commerces et activités)
Dans quel contexte politique, économique, sociétal, environnemental, etc. s’inscrit le principe du réemploi de matériaux dans ce projet ? Le projet s’inscrit dans un ancien site militaire composé de casernements vides et désaffectés. Il constitue une enclave au sein du contexte urbain historique de la Ville de Paris et revêt un caractère public et une histoire particulière. La problématique urbaine du projet consiste ainsi à trouver comment faire muter le site et à répondre au besoin de la Ville de Paris en matière de logement dans un contexte de forte densité tout en maintenant un espace vert public central et en ménageant des accès à la parcelle. Le principe du réemploi de matériaux s’inscrit dans le cadre d’un marché public de grande ampleur, il s’agit d’un projet pilote pour ce type de pratique de la part du bailleur commanditaire de l’opération.
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Quel est le contexte de disponibilité des matériaux réemployés et comment ont-ils été sélectionnés ? La disponibilité des matériaux pouvant être réemployés sont issus du site même et des bâtiments à rénover dans le un contexte de mutation typologique et de réhabilitation. On parle ici de réemploi in situ pour ces matériaux. Au préalable du choix des matériaux réemployés, un diagnostic exhaustif est réalisé sur l’existant dans l’objectif de distinguer le potentiel de réemploi de chacun des éléments présents sur site : des fiches de synthèse sont réalisées pour chacun des matériau ou produits avec identification des contraintes d’extraction, de risque de pollution de repose etc. Ainsi les éléments les plus facilement démontables et qui font état d’un marché/filière connu sont mis en évidence dans l’objectif d’être réemployés tandis que les matériaux moins valorisables sont proposés gracieusement à des associations dans le cadre d’un projet de ressourcerie.
Quelle est la nature et la provenance des ressources ou des matériaux utilisés ? A l’issu des choix réalisés à l’aide du diagnostic réalisé, l’intégralité des matériaux réemployés sont prélevés in situ sur les bâtiments existants : -
Les parquets en chêne massif des anciens baraquements ; Les ardoises de couverture des bâtiments ; Les armoires en bois massifs ; Les 60 lavabos en faïence ; Les séparatifs et cabines de sanitaires en HPL stratifié ; Les 300 radiateurs en fonte des locaux chauffés existants ; Les grilles et garde-corps en acier.
L’ensemble de ces éléments sont révisés et remis en état par des entreprises spécialisées dans les cœurs de métiers correspondants.
Quels sont les acteurs ayant joué un rôle dans leur identification ? L’entreprise belge ROTOR Déconstruction, spécialisée en déconstruction d’éléments de construction et en réemploi, a été spécifiquement missionnée par le commanditaire de l’opération Paris Habitat en tant qu’Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) pour effectuer une opération de diagnostic d’identification des matériaux réemployés. L’objectif a été d’aider les concepteurs et MOA à faire les bons choix dans un contexte de marché public. Des entreprises spécialisées dans la remise en état d’éléments de construction ont également été impliquées dans le choix de ces matériaux.
Quelle est la fonction d’origine des matériaux réemployés ? La fonction de destination ? Quel lien existe-t-il entre ces fonctions ?
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Les matériels de réemploi initialement manufacturés ont été réemployés dans leur fonction d’origine tels que les radiateurs, les lavabos ainsi que les éléments de parquets en bois massif. Les armoires en bois massif sont réemployées dans des dispositions différentes de mobilier tels que les placards coulissants des chambres, le mobilier de cuisine, etc. Les grilles et les rambardes des garde-corps existants sont transformées en mobilier urbain à destination des espaces publics.
Quel(s) critères et/ou outil(s) de valorisation a(ont) été(s) utilisé(s) pour mettre en avant la pratique du réemploi appliquée au projet ? La transition énergétique et de la politique de réduction des déchets de construction de la Ville de Paris sont les principaux enjeux éthiques mis en avant dans le cadre de l’opération. A la fin de l’étape de déconstruction, un reconditionnement d’échantillon a été réalisé pour chacun des matériaux prévus réemployés dans le cadre du projet. Ces échantillons rénovés ou remis en état de fonctionnement ont fait l’objet d’une exposition in situ des échantillons destinée à pouvoir rassurer les entrepreneurs souhaitant répondre à la consultation de travaux en leur démontrant que le réemploi de matériaux est une pratique faisable et viable dans le temps.
Quel(s) objectif(s) de valorisation est(sont) ciblé(s) et/ou atteint(s) (politique, économique, écologique, etc.) et de quelle manière ? Afin d’instaurer une confiance réciproque entre les différents maîtres d’œuvre et les entrepreneurs des travaux, les matériaux réemployés le nécessitant se sont vu délivrer au préalable une nouvelle garantie décennale, de la part des entreprises spécialisées mobilisées pour remettre en état les différents lots avant leur remise en œuvre. L’un des objectifs de valorisation ciblé dans le cadre du projet consiste en l’expérimentation de la pratique du réemploi dans un marché public en France qui n’est à ce jour pas initiée de manière systématique par les différents maîtres d’ouvrage ni imposé par la législation. A termes, les ambitions de ce type de projet sont de participer à l’émancipation de la professionnalisation de la pratique du réemploi dans les secteurs de l’industrie et de la construction et notamment dans le cadre des marchés publics.
Quelle est le lien entre les matériaux réemployés, la conception spatiale et la matérialité du projet ? Il n’a pu être établi de lien entre la conception spatiale des parties de programme de construction neuve et les matériaux réemployés. Les matériaux sélectionnés sont principalement des équipements qui ne participent pas à proprement parlé à la conception spatiale et architecturale du projet. Concernant les baraquements existants restructurés et transformés en logements, le choix des matériaux réemployés a été réalisé dans une optique vraisemblable de conservation de la valeur
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patrimoniale et historique du site et de ses bâtiments. En outre, ils sont utilisés pour conférer un certain « cachet » qui se retrouve dans les finitions des logements créés dans les bâtiments restructurés.
De quelle manière sont mis en œuvre les matériaux réemployés dans le projet de construction ? Quels sont les principes constructifs utilisés et comment ces matériaux y participent-ils ? Les matériaux réemployés sont essentiellement des matériaux de finition ou de mobilier, leur mise en œuvre ne nécessite pas de spécifications particulières.
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CONCLUSION En définitive, il apparait par l’intermédiaire de cette étude que le principe du réemploi en est à un stade d’émancipation relativement récent dans la pratique architecturale contemporaine. C’est par l’expérimentation progressive du réemploi dans une sobriété de mise en œuvre que la faisabilité et la crédibilité de son application seront démontrées. Aujourd’hui, il en va ainsi de la responsabilité des porteurs de projet – et particulièrement de celle de l’architecte – de s’impliquer fortement et avec modestie vis-à-vis de valeurs éthiques et morales qu’il véhicule pour faire progresser cette pratique par le biais de la réalisation de projets architecturaux toujours plus nombreux, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés dans un climat de confiance et de dialogue. A termes, l’objectif sera également d’œuvrer à la mise en place d’un cadre incitatif et levant les contradictions législatives et techniques actuelles, pour permettre l’adéquation entre l’offre et la demande de matière réemployable ainsi que la structuration des filières. C’est en effet par la professionnalisation du secteur du réemploi que l’architecte se verra offrir les possibilités de réemployer les matériaux au sein d’application constructives à fort potentiel, en mettant les pratiques du réemploi au service de sa créativité et de son parti architectural, mais également de ses ambitions en matière de soutenabilité. Dans le cadre de cette étude, les compétences actuelles en ingénierie environnementale et en économie de la construction ont été mises en résonnance avec les compétences acquises lors de ce cycle de licence en architecture, dans l’optique de comprendre dans quelle mesure le réemploi de matériau pouvait alimenter la conception architecturale. Ainsi le degré de soutenabilité offert par le réemploi, les possibilités de valorisation financière et de maîtrise économique d’un projet tout comme l’apport plastique et philosophique du réemploi sont autant de facteurs qui ont pu être identifiés et mesurés pour appréhender la manière dont peut être saisie cette pratique dans un projet de conception architecturale. En approfondissant un domaine à l’égard duquel des affinités techniques, éthiques et sensibles étaient pressenties, ce développement personnel a contribué à la recherche d’une identité architecturale qui permettra à l’avenir de se positionner en tant que futur architecte praticien.
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GLOSSAIRE Recyclage : opération par laquelle la matière première d’un déchet est physiquement ou chimiquement retransformée en matière première pour fabriquer un nouvel objet ou produit par le biais d’un processus industriel. Réutilisation : opération par laquelle un déchet est réutilisé dans un nouveau cycle d’utilisation sans qu’il y ait modification de son usage initial et dont la forme et les propriétés sont conservées. Réemploi : opération par laquelle un déchet est réutilisé en détournant éventuellement sa fonction d’origine et dont la forme et les propriétés peuvent plus ou moins être modifiées. Déconstruction : opération qui consiste à « dé - construire », c’est-à-dire à retirer les éléments un à un en vue de pouvoir les utiliser à nouveau dans d’autres travaux de construction. Démolition : opération qui consiste à détruire ou à supprimer. Dans cette opération, la réutilisation ou même le recyclage ne sont pas envisagés. Le tri des déchets est alors réalisé dans un centre de regroupement. Energie grise : quantité d'énergie nécessaire lors du cycle de vie d'un matériau ou d'un produit : la production, l'extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l'entretien et enfin le recyclage, à l'exception notable de l'utilisation.
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BIBLIOGRAPHIE Ouvrages -
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Vidéos -
Paris Habitat, ROTOR + Equipes de Maîtrise d’œuvre, Mutation de la caserne de Reuilly, vidéo de la conférence du 10 octobre 2017 donnée au Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1 heure et 32 minutes, URL : http://www.pavillon-arsenal.com/fr/arsenal-tv/conferences/grand-format/10852mutation-de-la-caserne-de-reuilly.html (consultée le 18.03.18)
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Lionel Billiet et Michaël Ghyoot (ROTOR), Faire circuler les éléments de construction, vidéo de la conférence du 10 octobre 2017 donnée au Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1 heure et 32 minutes, URL : http://www.pavillon-arsenal.com/fr/arsenal-tv/conferences/hors-cycle/10949rotor.html (consultée le 13.05.18)
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TABLEAU DE COMPETENCES Champ(s) disciplinaire( s) Conception et mise en forme du projet architectural
Représentatio n de l’architecture
Sciences et techniques pour l’architecture
Prise en compte des contraintes économiques et de réalisation
Réhabilitation et intervention sur le bâti existant Sciences humaines sociales
et
Compétence(s) Conception des structures et des enveloppes Conception des détails de construction Conception des ambiances (thermique, lumineuse, acoustique) Représentation du parti technique d’un projet de construction Représentation architecturale d’un projet de construction Utilisation dans la compréhension, la conception et la communication des projets Mathématiques, géométrie Matériaux, structures, principes constructifs, produits de construction Techniques de maîtrise des ambiances et de l’environnement Réalisation de diagnostics adaptés et évaluation de la vulnérabilité des lieux face aux risques prévisibles Conception et conduite de dispositifs pertinents de conception, de construction et des capacités techniques et économiques de réalisation Connaissance du bâti existant Enseignements de l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme Les techniques de relevés Les modes constructifs Les outils réglementaires Connaissance des pratiques culturelles et traditionnelles en lien avec l’architecture Prise en compte des mutations sociales et sociétales dans la
Niveau de Analyse critique vis-à-vis de maîtrise (VA, A, la pratique professionnelle M)* X X X X X X
Développer la conception et la mise en forme du projet architectural en s’appuyant sur l’expertise technique et environnementale
Développer la représentation architecturale et la communication autour du projet à en s’appuyant sur les connaissances en matière de représentation technique
X X
A mettre au service de la pratique architecturale X
X A mettre au service de la pratique architecturale X X X X X X X X
Connaissances des principes constructifs existants, élaboration de diagnostics techniques, relevés A mettre au service de la pratique architecturale Connaissances en voie d’acquisition A développer dans la pratique professionnelle du projet architectural et urbain
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théorie et la pratique de l’architecture Expérimentation de modes de savoir habiter / savoir vivre X alternatifs dans la pratique de l’architecture Cycle de vie, bilans énergétiques, caractéristiques environnementales des matériaux Potentiel énergétique et environnemental des techniques constructives Techniques de contrôle des ambiances pour le confort et l’hygiène (systèmes acoustiques, d'éclairage, d'adaptation climatique et Développeme d'utilisation et production de nt durable l'énergie) Réutilisation des matériaux, réduction des consommations et des déchets sur le site Ecologie urbaine, la gestion des ressources naturelles (énergie, eau), écoconception Labels énergétiques, certifications environnementales (BBC, BEPOS, Passivhaus, H&E, etc.) Réglementations incendie, accessibilité, thermique Contexte Code du travail, ERP, code de réglementaire la construction et de l’habitation Marchés publics, loi MOP, Commanditair bailleurs, collectivités es et marchés Promotion immobilière, commande privée Encadrement d’équipes, Management / planning de charge, gestion encadrement des compétences Gestion Facturation, prévisionnel administrative commercial, gestion d’une et entreprise commerciale
X
X A mettre au service de la pratique architecturale X
X X
A mettre au service de la pratique architecturale en développant un positionnement architectural critique
X
X A mettre au service de la pratique architecturale
X X X
A mettre au service de la gestion d’un projet architectural
X
A mettre au service de la gestion d’un projet architectural
X
A mettre au service de l’activité d’une agence d’architecture
* VA : Voie d’acquisition, A : Acquis, M : Maîtrisé
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