M AGA Z I N E 2018 SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDE
Riccardo Chailly et le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA
« COSMOS STOCKHAUSEN » Un hommage de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY
« SOL » VEUT DIRE SOLEIL L’« artiste étoile » Sol Gabetta
QUAND TOUT EST NOUVEAU « L’Enfance », thème de l’été
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LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
© Peter Fischli/LUCERNE FESTIVAL
FESTIVAL D’ÉTÉ 2018
INTÉGRALE LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA Les trois programmes en une formule 17/19 août
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly | Lang Lang Stravinsky Dumbarton Oaks | Mozart Concerto en ut mineur K. 491 | Stravinsky L’Oiseau de feu
24 août
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Chœur de la Radio bavaroise | Riccardo Chailly Debussy Prélude à l’après-midi d’un faune | Trois Nocturnes | Ravel Daphnis et Chloé
25 août
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly Wagner Ouverture de Rienzi | Ouverture du Vaisseau fantôme | Bruckner Symphonie no 7 en mi majeur WAB 107
On trouvera des informations détaillées sur nos formules dans le calendrier des concerts ci-joint, page 16.
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LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Réservations : tél. +41 (0)41 226 44 80 | lucernefestival.ch
Éditorial
Chers amis de la musique,
E Michael Haefliger Directeur du festival
n 2018, le LUCERNE FESTIVAL aura un triple anniversaire à fêter : les quatre-vingts ans de sa naissance – les « Semaines musicales internationales de Lucerne » avaient démarré en 1938 par un concert de gala dirigé par Arturo Toscanini dans la villa de Wagner, à Tribschen ; les trente ans du festival de Pâques ; et les vingt ans du festival de piano, qui fut lancé en 1998 dans le KKL tout juste inauguré. Nous avons bien évidemment déployé des trésors d’imagination pour fêter ce triple anniversaire dignement. Notre magazine annuel est l’occasion de vous présenter la programmation 2018. Vous découvrirez sur les pages suivantes tout ce qu’il faut savoir sur le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA et la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY. Vous trouverez des portraits et des interviews de nos « artistes étoiles » Sol Gabetta et Dan Tanson, du compositeur en résidence Fritz Hauser, de Simon Rattle, qui vient pour la première fois à Lucerne avec l’Orchestre symphonique de Londres, et du Philharmonique de Berlin, qui se produit régulièrement au festival depuis soixante ans. Vous pourrez vous plonger dans l’univers merveilleux de « l’Enfance », thème de l’été 2018. Et vous serez conviés à embarquer pour le « Cosmos Stockhausen », commémoration du visionnaire allemand. Nous n’avons bien sûr pas oublié de dresser une liste de nos coups de cœur et de vous proposer des formules de concerts à des prix attractifs. Si vous souhaitez connaître le détail de chaque concert, il vous suffira de consulter le calendrier joint au magazine. Comme vous le constaterez dans votre lecture, ce ne sont pas les raisons qui manquent de venir à Lucerne en 2018. Nous nous réjouissons de vous y accueillir. Bien cordialement,
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Notre engagement? Etre à la hauteur des talents de demain. Les grands ont d’abord tous été petits. C’est pourquoi le Credit Suisse encourage la nouvelle generation de la musique classique avec le Credit Suisse Young Artist Award et le Prix Credit Suisse Jeunes Solistes. Le Credit Suisse est sponsor principal du Lucerne Festival depuis 1993.
credit-suisse.com/sponsorship
Sommaire
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« Nous sommes sur la même longueur d’onde » Riccardo
Chailly et le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA abordent leur troisième saison
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Le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA
6 « Maintenant nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde » L’altiste Wolfram Christ parle du travail de Riccardo Chailly avec l’orchestre 12 Précision et Poésie Le chef d’orchestre Riccardo Chailly La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY
14 Le regard dans les étoiles La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY explore le cosmos Stockhausen
« Cosmos Stockhausen »
20 Au sommet de l’Olympe musical La violoncelliste Sol Gabetta, « artiste étoile »
La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY commémore la naissance du visionnaire allemand, il y a quatre-vingt-dix ans.
26 Transcendance sans partition Le percussionniste et compositeur Fritz Hauser, en résidence à Lucerne 28 Un musicien moderne Sir Simon Rattle − un portrait THÈME DE L’ÉTÉ : « L’ENFANCE »
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34 Ces années où tout arrive pour la première fois
Une violoncelliste solaire L’« artiste étoile »
36 Enfants prodige De Mozart à Alma Deutscher 43 Être jeune n’est pas une question d’âge Un entretien avec l’« artiste étoile » Dan Tanson
Sol Gabetta
48 Jeu loterie : « Qui est sur la photo ? » 50 Scènes d’enfants Les coups de cœur de l’été 2018 56 Une vraie fête pour la musique Le Philharmonique de Berlin fête soixante ans de concerts au LUCERNE FESTIVAL
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« L’Enfance »
Thème du festival d’été 2018
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Une exploration percussive du monde Le compositeur en
résidence Fritz Hauser aime traverser les frontières
60 Des moments de bonheur spirituel Le Festival de Pâques 2018 62 De l’exceptionnel, du sensationnel et de l’inédit Le Festival de piano 2018 64 « Une impression magique » Ce qu’il faut voir à Lucerne, selon le directeur du festival Michael Haefliger et son épouse
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Les formules de concerts de l’été 2018 Comment réserver Venir à Lucerne Les partenaires du LUCERNE FESTIVAL La Fondation des Amis du LUCERNE FESTIVAL Adresses | Mentions legales
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Le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly
« Maintenant nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde » La troisième année de Riccardo Chailly avec le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA
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Le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly
Depuis les débuts du LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA, en 2003, Wolfram Christ en est l’alto solo. Nous l’avons interrogé sur le développement de l’orchestre et le travail avec Riccardo Chailly. PROPOS RECUEILLIS PAR SUSANNE STÄHR
Wolfram Christ, le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA entre en 2018 dans sa troisième saison avec Riccardo Chailly. Dans quelle mesure la formation a-t-elle changé sous sa direction ? En 2017, nous avons pour la première fois joué trois programmes différents sous sa direction. Apprendre à mettre au point rapidement des œuvres extrêmement exigeantes a transformé l’orchestre. Nous étions tous très tendus à ce moment-là, mais cela s’est répercuté de manière positive. Le programme Strauss que nous avons joué en ouverture était particulièrement difficile et nous a mis à l’épreuve, ça a été vraiment athlétique. On voulait faire le mieux possible.
Qu’est-ce qui différencie Chailly d’Abbado et quelles sont leurs ressemblances ? Les interprétations d’Abbado avaient à la fin une transcendance que probablement aucun autre chef n’a jamais atteinte. Ce que Chailly a en commun avec Abbado, c’est la préparation en amont, longue et approfondie, l’étude intensive des partitions – comme Abbado, il creuse l’œuvre jusqu’à son essence et la maîtrise complètement. Bien sûr, Chailly ne peut pas avoir au bout de deux ans le même degré de familiarité avec l’orchestre qu’Abbado après douze ans. Il ne faut pas non plus oublier que le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA était l’orchestre d’Abbado. Arriver à un travail aussi fructueux avec les musiciens que l’était le sien n’est pas simple, et Chailly s’en tire merveilleusement bien. Notre jeu collectif va certainement encore progresser et s’harmoniser, nous n’en sommes qu’au début. Mais nous avons déjà senti que nous allons former un très bon tandem. L’idée d’Abbado était de former un orchestre « d’amis ». Dans quelle mesure cette idée a-t-elle survécu ? Le bon climat qui règne entre les musiciens n’a pas changé, il ne pourrait pas en être autrement car les nouveaux venus sont peu nombreux. Il y avait d’ailleurs déjà de la fluctuation à l’époque d’Abbado, certains ne
« Il connaît chaque note de la partition et sait exactement comment il veut qu’on la joue. » (Wolfram Christ à propos de Riccardo Chailly)
Quelles sont les qualités particulières de Riccardo Chailly ? Il se prépare méticuleusement, connaît chaque note de la partition et sait exactement comment il veut qu’on la joue. Il sait aussi parfaitement répartir le temps de répétition. À mon sens, la glace s’est brisée en 2017 dans le deuxième programme, et plus précisément avec la Symphonie Manfred de Tchaïkovski. Là il s’est vraiment « lâché » et l’orchestre a interprété l’œuvre de manière très émotionnelle, c’était vraiment fantastique. Ce concert a sûrement été un moment-clé de notre collaboration. J’ai pensé à ce moment-là : maintenant nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde. Ce n’est simple de succéder à Abbado… Certes, mais c’est toujours comme ça avec les grands chefs et les grands orchestres. Abbado a vécu la même chose lorsqu’il a succédé à Karajan à la tête du Philharmonique de Berlin. Maintenant c’est au tour de Chailly de prendre le relai d’Abbado. Évidemment, il ne faut pas oublier ce qu’Abbado a accompli ; cela, l’orchestre va le garder vivant dans sa manière de jouer. Malgré tout, il vient un moment où il faut tourner la page et s’ouvrir à quelque chose de nouveau, à une nouvelle voie. On ne peut pas copier un chef, chacun est différent.
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Le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly
pouvaient ou ne voulaient plus venir et étaient remplacés. En tout état de cause, la charpente de l’orchestre n’a pas bougé et nous nous sentons plus liés les uns aux autres que jamais. Ce qui veut dire aussi que nous réfléchissons ensemble à ce qui pourrait être amélioré dans le déroulement des répétitions et dans le planning. Et qu’en est-il de l’idéal de musique de chambre, autre credo de l’orchestre ? Ce qui est bien, c’est que chaque musicien arrive parfaitement préparé, c’est rarement le cas dans d’autres orchestres – certes, ils bénéficient d’une grande routine et les œuvres programmées ont déjà été souvent jouées. Chez nous, elles sont nouvelles pour beaucoup de musiciens. Il faut donc se préparer de manière d’autant plus soigneuse avant les répétitions. Ce qui implique de savoir à quel endroit quoi est important, qui il faut écouter et suivre, avec qui on interagit. Cette attitude de chambriste est profondément ancrée dans notre orchestre, c’est une condition sine qua non pour arriver à une telle qualité musicale. Chacun connaît sa partition, écoute les autres et ne se contente pas de suivre ce qui se passe devant, même si nous pouvons faire totalement confiance à Riccardo Chailly. L’été prochain, vous allez de nouveau présenter trois programmes différents : du Mozart et du Stravinsky d’abord, du Debussy et du Ravel ensuite, du Wagner et du Bruckner pour terminer. Lequel attendez-vous avec le plus d’impatience ? C’est difficile à dire parce que j’aime tous ces compositeurs. Je me réjouis énormément de pouvoir enfin jouer à nouveau du Mozart, et en plus le merveilleux Concerto pour piano en ut mineur ! Mais le programme français est tout aussi superbe – entend-on souvent la version intégrale de Daphnis et Chloé avec chœur ? Dans le troisième programme, j’ai été un peu surpris par l’ouverture de Rienzi. La dernière fois que je l’ai jouée, c’était avec l’Orchestre des jeunes d’Allemagne, vers 1969. Mais c’est un morceau intéressant, sans aucun doute. Et la Septième de Bruckner est évidemment un sommet absolu. Qu’est-ce que le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA fait mieux que d’autres orchestres ? Notre phalange a un potentiel incroyable pour ce qui est des dynamiques – autant dans le forte que dans le piano – et des timbres. Je crois que même Riccardo Chailly a été parfois sidéré de voir ce que nous avons donné en plus aux concerts par rapport au résultat du travail de répétition, déjà excellent. Maintenant qu’il a découvert ce potentiel, il va en faire usage de manière subtile, notamment dans le registre du pianissimo. Pour arriver à un parfait calibrage, il faut de l’expérience et de la confiance, et cette confiance grandit de répétition en répétition et de concert en concert. ■ 10 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
17 août | 18h30 Concert d’ouverture KKL Luzern, Salle de concert
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly direction | Lang Lang piano Stravinsky Dumbarton Oaks | Mozart Concerto pour piano en ut mineur K. 491 | Stravinsky L’Oiseau de feu. Ballet en deux tableaux (version originale de 1909–1910) 19 août | 19h30 Concert symphonique 3 KKL Luzern, Salle de concert
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly direction | Lang Lang piano Stravinsky Dumbarton Oaks | Mozart Concerto pour piano en ut mineur K. 491 | Stravinsky L’Oiseau de feu. Ballet en deux tableaux (version originale de 1909–1910) 24 août | 19h30 Concert symphonique 8 KKL Luzern, Salle de concert
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Chœur de la Radio bavaroise | Riccardo Chailly direction Debussy Prélude à l’après-midi d’un faune | Trois Nocturnes | Ravel Daphnis et Chloé. Ballet en un acte 25 août | 18h30 Concert symphonique 9 KKL Luzern, Salle de concert
LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly direction Wagner Ouverture de Rienzi | Ouverture du Vaisseau fantôme | Bruckner Symphonie no 7 en mi majeur WAB 107
Chailly au festival de Pâques Dès le festival de Pâques, en mars, Riccardo Chailly se produira à Lucerne avec la Filarmonica della Scala. 21 mars | 19h30 Concert symphonique 2 KKL Luzern, Salle de concert
Filarmonica della Scala | Riccardo Chailly direction Tchaïkovski Symphonie no 2 en ut mineur op. 17, Petite Russie | Chostakovitch Trois extraits de l’opéra Lady Macbeth de Mtsensk | Stravinsky Pétrouchka
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Le chef d’orchestre Riccardo Chailly
Précision et Poésie
Riccardo Chailly peut mettre à profit sa longue expérience à la baguette dans son travail avec le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA, dont il est chef titulaire, un poste qui couronne la relation de confiance qui le lie au Festival de Lucerne depuis maintenant trente ans. PAR ANGELO FOLETTO
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ans la carrière artistique de Riccardo Chailly, né en 1953 à Milan, il y a des rencontres qui l’ont particulièrement marqué. Celle avec Claudio Abbado notamment. Chailly lui doit ses débuts à La Scala de Milan – en 1978, avec les Masnadieri de Verdi –, mais aussi de nombreuses autres expériences grâce auxquelles s’est formé son profil de musicien précis et concentré sur la partition, de chef qui a soif de reconnaissance mais en même temps estime qu’il y a une dimension sociale dans son métier. Milan était une école idéale pour cela durant l’ère Abbado. Bien sûr, la tradition musicale de sa famille a joué un rôle essentiel : dès l’âge de quatorze ans, il se retrouve devant un orchestre. Il est instruit à l’époque par son père Luciano, compositeur aux domaines d’intérêt très larges qui préside aux destinées de La Scala comme directeur artistique dans une phase décisive de l’histoire du théâtre. Durant la période politiquement et socialement mouvementée des années 1970, le jeune Riccardo suit
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l’enseignement musical de Franco Ferrara et avec lui se forme autant humainement qu’artistiquement. Il règne alors un climat enthousiaste et créatif, à La Scala comme dans la ville, des courants intellectuels divers s’entrecroisent de manière fructueuse. ANNÉES DE FORMATION À UNE ÉPOQUE MOUVEMENTÉE Il est question à Milan de conceptions artistiques, on discute de l’état de la musique et de son rôle dans la société moderne. Cela influence évidemment le jeune Chailly. Les plus grands chefs et chanteurs se produisent à La Scala, certaines représentations vont restées longtemps ancrées dans les mémoires. Notamment les cycles thématiques suscitent un grand intérêt. Au moment où Chailly fait ses études, les compositeurs Bruno Bettinelli, Giacomo Manzoni et Franco Donatoni enseignent au Conservatoire, Bruno Maderna dirige l’Orchestre de la RAI et lance une série de concerts dévolue à la musique actuelle, Musica nel nostro tempo, à
Le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Riccardo Chailly
laquelle participent plusieurs institutions et qui est emmenée par Maurizio Pollini et le Quartetto Italiano. Chailly est encore étudiant lorsqu’il fait ses premières expériences à l’opéra et dans le symphonique, au Conservatoire et aux Pomeriggi Musicali, une série de concerts dont l’objectif est de mettre les projecteurs sur de nouveaux compositeurs et de jeunes interprètes. Il ne tarde pas à attirer l’attention et l’Association des théâtres lombards ainsi que l’Associazione Lirica e Concertistica l’engagent pour des représentations et des concerts. Puis Abbado en fait son assistant. Il a tout juste vingt ans. Ensuite, son ascension est rapide. Bruno Bartoletti, modèle de chef lyrique dévoué, le fait venir à Chicago où il se lance pour la première fois dans les opéras de Puccini et s’intéresse aux vues de Mahler sur ces œuvres. Par ce biais, il se plonge dans l’univers du compositeur autrichien pour lequel il se prend de passion et qu’il approfondit à Amsterdam, échangeant ses vues avec Abbado. Sa conception d’un Mahler compositeur de transition entre deux siècles remonte à cette époque. Selon Chailly, en effet, Mahler réunit avec une grande force créatrice les tendances progressistes du début du XXe siècle et les confronte au monde musical du XIXe siècle – ce qui par la même occasion permet au chef italien d’être mieux en mesure de comprendre tous les compositeurs qui ont cherché à développer un style moderne. De cette conception résulte la prédilection de Chailly d’accentuer dans ses interprétations de Mahler les contrastes d’atmosphère et la structure rythmique, de souligner les voix secondaires ou de mettre en valeur les fausses relations harmoniques, le contrepoint et les irrégularités de l’écriture comme autant de signes d’audace et de volonté d’expérimenter. D’un seul geste, il sait emmener l’orchestre dans un élan irrésistible et enflammer le public. De l’engagement de Chailly en faveur des modernes, un héritage de ses jeunes années à Milan, témoignent avec éloquence les programmes qu’il a concoctés successivement comme directeur musical de l’Orchestre radio-symphonique de Berlin, du Concertgebouw d’Amsterdam, puis du Gewandhaus de Leipzig. Il puise cependant son énergie artistique autant dans le répertoire du XVIIIe et du XIXe que dans celui du XXe siècle. Qu’il se penche sur les fondements du grand répertoire,
sur Bach ou l’un des inévitables autres « B » de l’histoire de la musique, ou qu’il jette son dévolu sur une partition rarement entendue ou une œuvre nouvelle, il cherche toujours à aboutir à une interprétation pleine de vitalité. Chailly adore fouiller dans les archives et remonter jusqu’aux œuvres de jeunesse et aux partitions inédites. Nonobstant sa polyvalence, il ne perd jamais de vue l’opéra italien ni l’œuvre de Wagner. L’importance de ses recherches et de l’étude des manuscrits originaux se mesure dans ses nombreux enregistrements novateurs. Mais s’il fait confiance au texte original, il ne lui délègue pas la responsabilité de l’interprétation, bien au contraire. Le
texte original est pour lui le point de départ pour explorer de nouveaux espaces, faire preuve de précision technique et trouver une poésie. Chailly a une vue d’ensemble de l’histoire de la musique occidentale. Ainsi aime-t-il cultiver systématiquement le répertoire français et russe – comme le montrent ses concerts de l’été 2018. Il considère que sa tâche ne s’arrête pas au travail au pupitre ; il veut servir la culture de manière large, étudier en profondeur les grandes œuvres pour pouvoir les « recréer » de manière convaincante au concert. Avec ce mélange de curiosité et d’anticonformisme intellectuel, il suit finalement les traces du grand Arturo Toscanini, fondateur en 1938 du Festival de Lucerne et de son « orchestre d’élite », prototype de l’actuel LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA. Il revient désormais à Chailly de poursuivre le développement de cette phalange unique, de maintenir sa vitalité et d’en faire le vecteur musical de notre temps. ■
Il y a trente ans Riccardo Chailly se produisait pour la première fois à Lucerne, avec le Concertgebouw d’Amsterdam.
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La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY explore le cosmos Stockhausen 14 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY
Il y a quatre-vingt-dix ans naissait Karlheinz Stockhausen, charismatique pionnier de l’avant-garde. Le LUCERNE FESTIVAL lui rendra hommage avec « Cosmos Stockhausen », une série de concerts organisée à l’initiative de Wolfgang Rihm avec pour interprètes principaux les stagiaires de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY. PAR ANSELM CYBINSKI
Le regard dans les étoiles
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l n’y avait que quelques notes isolées. Une musique raréfiée pour deux pianos, à première vue guère plus qu’une succession fortuite de sons. Le célèbre professeur avait écouté attentivement, mais maintenant qu’il devait livrer son jugement sur ce qu’on lui avait présenté, il semblait perplexe. Il voulait savoir où se trouvait le motif, où étaient l’introduction et la conclusion. Le cadet des deux interprètes, un jeune homme de vingt-trois ans originaire de Rhénanie, prit alors la parole et dit d’un ton très poli : « Monsieur le professeur, vous cherchez une poule dans un tableau abstrait ». La remarque fit son effet. Ce n’était pas seulement formulé de manière pertinente, mais témoignait d’une immense assurance : le jeune musicien talentueux, Karlheinz Stockhausen, semblait savoir déjà précisément que l’avenir de la composition allait appartenir à une nouvelle génération – la sienne – et à ses idées révolutionnaires à tous égards. Le morceau sur la sellette n’était pas de sa plume mais du Belge Karel Goeyvaerts. Stockhausen s’identifiait cependant avec sa démarche – il méditait lui-même déjà sur des projets semblables de conception encore bien plus rigoureuse. L’épisode, qui avait eu lieu à l’été 1951 à l’académie d’été de Darmstadt, est vite devenu une légende dans les cercles d’avant-garde. Schönberg devait donner les cours de composition mais il avait dû annuler sa participation pour raisons de santé – il s’éteignit le 13 juillet de cette année-là dans son exil californien. Il fut remplacé par Theodor Adorno, philosophe, sociologue et fin penseur de la musique, ancien élève d’Alban Berg et propagandiste résolu de la seconde école de Vienne. Au cœur du programme de cet été-là figuraient les problèmes de la composition dodécaphonique. Au lendemain de la LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 15
La LUCERNE FESTIVAL ACADEMY
STOCKHAUSEN FORME AVEC PIERRE BOULEZ ET LUIGI NONO LE TRIO DE LA RÉVOLUTION MUSICALE D’APRÈS-GUERRE
Les pionniers de l’avant-garde, Luigi Nono, Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen (en haut, de gauche à droite), et les pianistes Alfons et Aloys Kontarsky avec Stockhausen (ci-dessus,, lors d’une répétition de Mantra)
16 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
guerre, les jeunes compositeurs avaient un besoin de rattrapage. La nouveauté fit cependant rapidement son chemin. À peine assimilée, la technique de Schönberg et de ses élèves fut considérée comme dépassée par les plus impatients de la jeune génération. Le maître viennois ne s’était éteint que depuis quelques mois quand Pierre Boulez lui reprocha dans son essai Schönberg est mort d’être inconséquent dans l’utilisation de sa propre technique dodécaphonique. Messiaen avait indiqué le chemin de l’avenir dans son étude pour piano Mode de valeurs et d’intensités, que Stockhausen découvrit à Darmstadt à l’été 1951. Non seulement les hauteurs de son devaient s’organiser en séries, mais tous les autres paramètres musicaux : l’intensité, la durée et le timbre. Les pionniers de cette musique « sérielle » créèrent leurs œuvres non plus à partir d’éléments reconnaissables intuitivement – motifs, thèmes, gestes –, mais suivant un système unitaire établissant des rapports quantitatifs entre les sons isolés. « ON PEUT REPARTIR DE ZÉRO » Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, non seulement l’« heure zéro » avait fait réaliser qu’une humanité dotée de l’arme atomique était désormais en mesure de s’anéantir presque instantanément, mais le traumatisme du régime nazi et de l’Holocauste avait remis en question la légitimité de l’ordre ancien, qu’il soit politique ou esthétique. Les systèmes de référence de l’art calqués sur le langage paraissaient suspects et encore plus l’idée d’une « expression » comprise comme vecteur de messages sensés d’êtres autonomes. Aucun artiste ne l’a ressenti à l’époque plus nettement que Stockhausen, qui avait perdu ses deux parents pendant la guerre : sa mère, dépressive, avait été victime du « programme euthanasie » du IIIe Reich, son père était tombé sur le front de l’Est, en Hongrie. Travaillant lui-même comme brancardier pendant des mois, il avait vu de près d’atroces souffrances physiques. « Les villes sont rayées de la carte, on peut repartir de zéro sans se préoccuper des ruines et des résidus “insipides” », clame le jeune compositeur après-guerre. Tous les systèmes conventionnels d’ordonnancement des sons lui
semblent inutilisables pour sa musique du futur, il a aussi le sentiment que son instinct de la sonorité est contaminé par tout ce qu’il a entendu jusque-là. Rétrospectivement, il décrira le tournant des années 1950 comme le début d’une nouvelle époque dans laquelle « on s’est détourné de l’homme. On a de nouveau regardé les étoiles, on a commencé à mesurer et à compter avec zèle ». Stockhausen forme avec Boulez et Luigi Nono le trio de la révolution musicale d’après-guerre. C’est cependant lui, le pieux catholique, qui est considéré comme le pionnier le plus radical, poussé qu’il est non seulement par une aspiration, née à l’école des sciences naturelles modernes, à la pureté, la précision et au contrôle, mais aussi par la motivation religieuse d’un « rapprochement vers la perfection de l’ordre en pensée » où l’individuel doit se dissoudre dans un tout plus élevé, une sorte de structure cosmique globale. Tous les niveaux du matériau et de la forme sont soumis à des séries unitaires et à leurs variations combinatoires. Un aspect autoritaire est inhérent à la conception musicale de Stockhausen dès cette époque. L’absolutisation de l’acte artistique, telle que le compositeur l’exprimera dans des propos malheureux sur l’attentat du 11 septembre 2001, est déjà présente en germe. Cela dit, sa fureur créative entre 1951 et 1976 est immense. Il donne naissance à une série d’œuvres spectaculaires qui
réussissent à séduire bien qu’étant pratiquement incompréhensibles selon les critères traditionnels et compréhensibles tout au plus dans la cohérence de leur facture. POINTS, GROUPES, SONS EN MOUVEMENT En l’espace de quelques années, Stockhausen a domestiqué la « musique ponctuelle » et la « forme groupe », entre autres. On peut s’en rendre compte à l’audition des Klavierstücke (pièces pour piano) extrêmement difficiles que Pierre-Laurent Aimard interprétera intégralement à Lucerne. Dans CE N’EST PAS PAR HASARD le studio radiophonique QUE STOCKHAUSEN FIGURE de la WDR de Cologne, le compositeur crée les pre- SUR LA POCHETTE DU miers morceaux purement DISQUE DES BEATLES électroniques et bientôt des montages de sons « SERGEANT PEPPER’S », électroniques et de sons IL A ÉTÉ UN MODÈLE POUR joués ou chantés obéissant à une organisation LES MUSICIENS POP extrêmement complexe. Après avoir testé le mouvement du son dans l’espace avec le médium électronique dans son célèbre Gesang der Jünglinge (1955–1956), il l’applique à des phalanges instrumentales, et ce de manière particulièrement spectaculaire dans Gruppen (1957–1959), une partition écrite
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LUCERNE FESTIVAL ACADEMY
1er septembre | 18h30 Concert symphonique 15 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Matthias Pintscher direction | Pierre-Laurent Aimard et Tamara Stefanovich piano Kurtág Stèle pour grand orchestre | Eötvös Reading Malevich pour orchestre (Roche Commissions, création mondiale) | Bella Lethe pour orchestre à cordes | B. A. Zimmermann Dialogue. Concerto pour deux pianos et orchestre 2 septembre | 11h00/17h00 Cosmos Stockhausen 2 & 3 KKL Luzern, Salle Lucerne
Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Peter Eötvös, Lin Liao et David Fulmer direction Stockhausen Inori. Adoration pour deux solistes et grand orchestre 8 septembre | 16h00 Cosmos Stockhausen 4 Salle paroissiale MaiHof
Solistes de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Pierre-Laurent Aimard piano | Dirk Rothbrust percussions
Stockhausen Zyklus pour un percussionniste | Kontakte pour sons électroniques, piano et percussions | une troisième œuvre
Cologne, 1989 : Stockhausen dirige Inori, pièce orchestrale avec deux mimes danseurs qui combine sensualité sonore, profondeur spirituelle et construction rigoureuse.
25 août | 11h00 Modernes 2 KKL Luzern, Salle Lucerne
Musiciens de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Matthias Pintscher direction « Genesis ». Pièces pour ensemble instrumental de Czernowin, Nikodijevic, Bedrossian, Thorwaldsdottir, Magrané Figuera, Gervasoni et Andre 1er septembre | 11h00 Cosmos Stockhausen 1 Salle paroissiale MaiHof
Pierre-Laurent Aimard piano | Tamara Stefanovich piano
Stockhausen Mantra pour deux pianistes et pianos avec ring modulator 1er september | 15h00 Modernes 4 Maskenliebhabersaal
LUCERNE FESTIVAL ALUMNI | chefs stagiaires du « Conducting Fellowship » | Wolfgang Rihm direction Œuvres des stagiaires du séminaire de composition
18 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
8 septembre | 21h00 Modernes 4 Neubad
we spoke : percussion | Solenn’ Lavanant-Linke, Leslie Leon, Rebecca Ockenden, Barbara Schingnitz voix solistes (Hauser) | Quatuor vocal SoloVoices Hauser Klangkörper. Voix – percussions – espace | Stockhausen Stimmung 9 septembre | 11h00 Cosmos Stockhausen 5 Salle paroissiale MaiHof
Pierre-Laurent Aimard piano Stockhausen Klavierstücke I−XI 9 septembre | à partir de 18h30 Cosmos Stockhausen 6 & 7 | Concert symphonique 24 KKL Luzern, Salle de concert et Salle Lucerne
Orchestre symphonique de Londres | Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Sir Simon Rattle, Matthias Pintscher et Duncan Ward direction Stockhausen Gruppen pour trois orchestres | Nono No hay caminos, hay que caminar… Andrej Tarkovskij pour sept groupes instrumentaux | Messiaen Et exspecto resurrectionem mortuorum | Stockhausen Gruppen pour trois orchestres
« TOUT CE QU’IL A CONÇU, IL L’A SENTI. » Pierre-Laurent Aimard
Gruppen de Stockhausen, jeu sur le mouvement du son dans l’espace, a été donné à Lucerne en 2007 par la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY, deux fois de suite au même concert. L’œuvre sera reprise en 2018 et jouée également deux fois de suite.
pour trois orchestres totalisant cent neuf musiciens et disposés en fer à cheval autour du public. Trois chefs sont indispensables pour les diriger parce qu’ils jouent le plus souvent dans des tempi différents. Bien que la partition soit régie par des principes sériels, elle semble librement improvisée et vivace. Impulsions, lignes et timbres se succèdent sans discontinuer tandis que de délicates parties solistes alternent en déchargeant une énergie explosive. Stravinsky fut profondément impressionné par Gruppen, György Kurtág aussi, qui considérait cette œuvre comme l’une des plus novatrices de l’après-1950. Elle sera donnée à Lucerne deux fois de suite le même soir. Dès 1956, Stockhausen expérimente dans le domaine de la musique aléatoire avec sa Klavierstück XI où le pianiste peut jouer les dix-neuf groupes de notes dans l’ordre qu’il souhaite – le tempo, l’intensité sonore et l’articulation sont cependant fixés et indiqués à la fin de chaque groupe pour le groupe suivant. Autre forme aléatoire, le Cycle pour un percussionniste (1959) : le musicien, entouré de ses percussions, commence la partition sur la page de son choix, puis tourne les pages en même temps qu’il tourne sur sa chaise pour jouer de chaque instrument. Kontakte (1958–1960), pour sons électroniques, piano et percussion, combine la rencontre entre le synthétique et l’instrumental avec le mouvement du son. ICÔNE DU MOUVEMENT HIPPIE Héros de la musique électronique, Stockhausen s’avance de plus en plus profondément dans le domaine d’une musique instrumentale intuitive déterminée seulement par des instructions verbales. Dans Stimmung, où six chanteurs assis par terre en cercle chantent pendant soixante-quinze minutes un seul accord fondé sur les
Expert du répertoire contemporain, Pierre-Laurent Aimard interprétera les Klavierstücke I−XI de Stockhausen, d’une redoutable difficulté.
harmoniques du son fondamental, on est proche à la fois de la musique répétitive américaine et du mouvement hippie. Protée moderne, Stockhausen n’a pas seulement inspiré et irrité des générations de compositeurs classiques, il a joué le rôle de modèle pour des musiciens pop comme Frank Zappa, David Bowie ou Björk et pour le mouvement techno. Il est le seul compositeur classique auquel les Beatles ont accordé une place parmi les cinquante-huit personnalités représentées sur la pochette du disque Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967). Les forces contraires de la production de Stockhausen n’ont probablement jamais trouvé d’équilibre plus heureux que dans les « compositions formule » des années 1970, inspirées par les pratiques rituelles d’Inde et du Japon. Puis, en 1977, le compositeur se tournera définitivement vers son gigantesque cycle d’opéras Licht. Dans Mantra pour deux pianistes (1970) et la pièce orchestrale avec deux mimes danseurs Inori (1973–1974) se mêlent sensualité sonore, profondeur spirituelle et la logique implacable d’une construction méticuleuse. Il faut écouter, vivre, mesurer en esprit cette musique pour pressentir qu’il en va ici d’un nouvel ordre du monde. ■ LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 19
Sol Gabetta | « artiste étoile »
La violoncelliste Sol Gabetta en 2018
Au sommet de l’Olympe musical En 2004, elle remportait à Lucerne le « Credit Suisse Young Artist Award », point de départ d’une carrière éblouissante. Elle revient l’été prochain en « artiste étoile » avec une place privilégiée dans la programmation. PAR SUSANNE STÄHR
est à Lucerne que tout a commencé, au festival d’été 2004, avec le Philharmonique de Vienne et Valery Gergiev. Sol Gabetta n’a que vingt-trois ans et interprète le Deuxième Concerto pour violoncelle de Chostakovitch avec une telle passion que le public en reste stupéfait. « En écoutant aujourd’hui la captation de ce concert, je m’étonne d’avoir pu jouer ce concerto de manière si détendue, confie-t-elle. Je venais de l’apprendre et ne l’avais encore jamais joué en public. Et bien sûr c’était un concert extrêmement important pour moi : jouer pour la première fois avec le Philharmonique de Vienne, un rêve ! et en plus dans un festival aussi renommé ! J’avais donc d’autant plus le trac. Mais ce concert montre qu’être jeune permet d’aborder un défi avec une parfaite évidence et une belle spontanéité. » Lucerne 2004 devient la carte de visite de la violoncelliste argentine et fait rapidement d’elle une incontournable du monde de la musique classique. Elle signe un contrat exclusif avec une major du disque, collectionne les prix, donne des concerts dans le monde entier. En 2006, elle fonde un festival à Olsberg, près de Bâle, où elle réside depuis 2005, et peu après un ensemble baroque, la Cappella Gabetta, avec son frère Andrés comme premier violon solo. Mais elle n’échappe pas à la rançon du succès, notamment à la mécanique impitoyable du marketing. Une jeune violoncelliste blonde d’une beauté rayonnante, n’est-ce pas le sujet idéal pour des séances photos ? Dans le même ordre d’idée, une partie de la presse cherche matière à 20 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
SOL GABETTA PEUT TOUT EXPRIMER AVEC LA SONORITÉ DE SON VIOLONCELLE, BONHEUR OU TRISTESSE, RAGE OU HUMOUR.
« Je ne me suis jamais dit : je serai soliste ! Les choses se sont produites d’elles-mêmes. » – Sol Gabetta.
raconter des histoires alléchantes, s’intéresse plus à sa vie privée qu’à son art. Et puis on ne cesse de la comparer à une éminente violoncelliste du XXe siècle, Jacqueline du Pré. C’est tout à son honneur qu’elle ait continué son chemin sans se décourager ni se fourvoyer dans des batailles inutiles. Une chose est sûre, elle sait marquer son territoire. Si l’on ne veut entendre d’elle que les trois ou quatre grands classiques du répertoire, il vaut mieux passer son chemin. Et les projets insipides qui promettent d’être un succès commercial mais ne peuvent la satisfaire du point de vue artistique, elle les refuse tout net. Il est ainsi d’autant plus encourageant pour elle de constater à quel point sa réputation a grandi ces dernières années. Qu’elle revienne en 2018 au LUCERNE FESTIVAL en « artiste étoile » et qu’ainsi la boucle soit bouclée semble d’une parfaite logique. TROIS GRANDS CONCERTOS POUR VIOLONCELLE « 2018 sera une année particulièrement importante pour moi », estime-t-elle. Effectivement, dès le printemps elle jouera le Concerto de Schumann à Salzbourg, au Festival de Pâques, avec Christian Thielemann et la Staatskapelle de Dresde, et recevra le prix Herbert-
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von-Karajan. En avril, elle se produira pour la première fois avec le Philharmonique de Vienne au Musikverein – ce sera leur premier concert en commun depuis ses débuts de 2004. Et cet été suivra sa résidence au festival de Lucerne, qui a pour elle d’autant plus d’importance que la Suisse est devenue depuis longtemps sa patrie d’adoption. Elle s’y sent bien, aime s’y détendre et reprendre des forces entre deux tournées. Elle interprétera à Lucerne trois grands concertos qui ne pourraient être plus différents : « Chacun d’eux joue un rôle-clé dans ma vie, explique-t-elle. Le Concerto en ut majeur de Haydn, je l’ai joué lors de mon tout premier concert avec orchestre ; c’était en 1991, avec l’Orchestre symphonique de Córdoba. Depuis, je l’ai repris sous toutes les formes possibles : avec instruments anciens ou modernes, avec orchestre de chambre ou en grande formation. C’est pour moi un honneur de l’interpréter maintenant avec le Philharmonique de Vienne. » Le Premier Concerto pour violoncelle du Tchèque Bohuslav Martinů est une de ses partitions favorites. « Je l’ai découvert il y a dix ans, on me l’a proposé pour un concert avec Andris Nelsons. Aucun de nous deux ne le connaissait et nous étions d’autant plus curieux qu’il
Sol Gabetta se distingue par son rayonnement, son sens de l’humour, mais aussi par le feu intérieur que la musique suscite en elle (ici à l’issue de son concert avec le Concertgebouw d’Amsterdam, en 2016). Sol Gabetta n’a pas peur du contact avec le public (ici avec une festivalière).
n’en existait pas de bon enregistrement à l’époque. La surprise a été totale : ce concerto est vraiment génial de par son contenu musical comme d’un point de vue “violoncellistique”. L’écriture orchestrale est opulente, les thèmes, qui s’appuient sur des mélodies populaires tchèques, superbes, et la structure rythmique, surtout, me semble très intéressante. La partie de violoncelle est extrêmement virtuose, mais Martinů l’a révisée deux fois et la troisième version convient parfaitement à l’instrument. J’ai décidé de faire connaître cette partition au public, même si certains organisateurs de concerts ne sont pas très chauds. Je suis heureusement tombée à Lucerne sur des interlocuteurs très ouverts. » Le troisième concerto sur lequel elle a jeté son dévolu est celui d’Elgar, ce qui surprendra moins sans doute. Depuis que Jacqueline du Pré et Sir John Barbirolli l’ont tiré de l’oubli au début des années 1960, il a conquis le public qui aime son côté nostalgique, mélancolique. Sol Gabetta l’a déjà enregistré deux fois, elle le joue en moyenne quinze à vingt fois par saison – elle l’a interprété par exemple en 2014 lors de son premier concert avec le Philharmonique de Berlin et en 2016 pour l’ouverture des BBC Proms. « C’est l’œuvre dans laquelle ma conception a le plus évolué », dit-elle. C’est aussi
l’œuvre avec laquelle elle a essayé son nouvel instrument, de facture vénitienne, un Goffriller vieux de trois cents ans. UN TIGRE DANS LE VIOLONCELLE Ce Goffriller a été déniché par le restaurateur de violon Balthazar Soulier, le compagnon de Sol Gabetta qui l’accompagne à ses concerts et règle l’instrument sur le programme du jour, les conditions climatiques et l’acoustique de la salle. « Un Goffriller est pour les violoncellistes ce qu’est un Stradivarius pour les violonistes, explique-t-il. Il a plus de grain et de volume que le Guadagnini que jouait Sol jusqu’ici et pour cette raison convient particulièrement bien pour les concertos avec grand orchestre. De nombreux violoncellistes renommés ont une préférence pour les Goffriller, c’était le cas de Pablo Casals, par exemple ». Sol Gabetta ajoute : « Le son du Goffriller est puissant mais pas agressif, son énergie me permet de ciseler certaines structures comme un sculpteur avec son burin. Il y a un tigre dans cet instrument ! » Et probablement aussi dans sa nouvelle propriétaire… Elle n’a pas pour autant mis de côté son Guadagnini, qu’elle a pris en affection au fil des ans, mais l’utilise LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 23
« IL Y A UN TIGRE DANS CET INSTRUMENT ! »
Sol Gabetta à propos de son nouveau violoncelle
Il faut peut-être voir en Sol Gabetta une chercheuse qui concocte de nouveaux mélanges dans le laboratoire de la musique. Elle a à sa disposition tous les ingrédients nécessaires, la virtuosité ici, le lyrisme là… et peut tout exprimer avec la sonorité de son violoncelle, bonheur ou tristesse, rage ou humour. Mais surtout, elle est toujours très exigeante envers elle-même, ne laisse rien passer et se défend de recourir à des ficelles. Le public sent cette honnêteté, et c’est aussi pour cela qu’elle est arrivée au sommet de l’Olympe musical. ■
18 août | 14h30 Musique de chambre 2 KKL Luzern, Salle de concert
Matthias Goerne baryton | Sol Gabetta violoncelle | Kristian Bezuidenhout piano Le programme sera communiqué ultérieurement. 28 août | 19h30 Concert symphonique 11 KKL Luzern, Salle de concert
« Je voulais absolument avoir un instrument qui soit plus gros que celui de mon frère ! » Ce rêve d’enfant a débouché sur une grande carrière.
pour la musique ancienne avec des cordes en boyau. Pour ce répertoire, sa sonorité chaude et intime est idéale. Qu’elle joue désormais en alternance sur deux instruments différents en dit long sur sa polyvalence et son exigence. Le fait est qu’elle maîtrise un répertoire remarquablement vaste, depuis la musique baroque jusqu’à des partitions contemporaines, et qu’elle aborde chaque époque avec un souci du détail et une grande exigence d’authenticité. DANS LE LABORATOIRE DE LA MUSIQUE Sol Gabetta adore monter des programmes qui sortent des sentiers battus, de préférence avec des partenaires ayant les mêmes affinités, de Cecilia Bartoli à Patricia Kopatchinskaja. À Lucerne, elle donnera un récital avec Matthias Goerne. Violoncelle et baryton, est-ce bien raisonnable ? demandera-t-on. C’est justement ce mélange insolite qu’elle trouve intéressant. « Je suis fascinée par la voix de Matthias Goerne et l’idée de la mélanger avec le son de mon violoncelle a quelque chose de captivant. Et puis sa manière intransigeante de faire de la musique m’a profondément impressionnée. » Elle a déjà demandé à plusieurs compositeurs d’écrire quelque chose pour leur duo. Le programme comportera sinon des transcriptions, notamment de pages de Schumann qui cadrent avec le thème de l’été, « l’Enfance ».
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Mahler Chamber Orchestra | François-Xavier Roth direction | Sol Gabetta violoncelle Bartók Divertimento pour orchestre à cordes Sz 133 | Martinů Concerto pour violoncelle no 1 | Bizet Jeux d’enfants (version pour orchestre) | Haydn Symphonie La Poule en sol mineur Hob. I : 83 7 septembre | 19h30 Concert symphonique 21 KKL Luzern, Salle de concert
Philharmonique de Vienne | Franz Welser-Möst direction | Sol Gabetta violoncelle Haydn Concerto pour violoncelle en ut majeur Hob. VIIb : 1 | Bruckner Symphonie no 5 en si bémol majeur WAB 105 14 septembre | 19h30 Concert symphonique 27 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre philharmonique de Londres | Marin Alsop direction | Sol Gabetta violoncelle Elgar Concerto pour violoncelle en mi mineur op. 85 | Mahler Symphonie no 1 en ré majeur
© Archiv der Stockhausen-Stiftung für Musik, Kürten
FESTIVAL D’ÉTÉ 2018
COSMOS STOCKHAUSEN Il y a quatre-vingt-dix ans naissait Karlheinz Stockhausen, un musicien visionnaire auquel le LUCERNE FESTIVAL rendra un hommage vibrant. Stockhausen Gruppen | Inori | Klavierstücke I−XI | Kontakte | Mantra | Stimmungen | Zyklus Avec Pierre-Laurent Aimard, Peter Eötvös, Matthias Pintscher, Sir Simon Rattle, Tamara Stefanovich, Duncan Ward, l’Orchestre symphonique de Londres, l’Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY…
lucernefestival.ch/stockhausen
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 25
Transcendance sans partition Le percussionniste et compositeur Fritz Hauser aime traverser les frontières. Il sonde les limites entre improvisation et composition, intuition et raison, bruit et son, et ce faisant recourt à une pratique adorée des enfants : le hachurage. PAR MARK SATTLER Qu’il est difficile d’être en même temps jeune et vieux, sage et enfant. d’après Jules Michelet
26 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
I
l ne faut pas forcément du Beethoven ou du Mahler au programme pour faire une expérience transcendantale à un concert. C’est possible aussi avec de la musique contemporaine. Avec de la musique qui naît durant le concert. Avec de la musique de Fritz Hauser. Les partitions ne deviennent vivantes que lorsqu’elles sont jouées. C’est encore plus vrai avec celles de Fritz Hauser. Car il imagine des compositions de grandes dimensions dépourvues d’un texte musical fixe, comme ses Schraffuren (« hachures »), pour diverses instrumentations. Mais s’agit-il
vraiment d’« œuvres » ? Et Hauser n’est-il pas plutôt un percussionniste improvisateur qu’un compositeur ? Cet artiste qui sera en résidence à Lucerne à l’été 2018 se dérobe à toute classification. Il préfère renvoyer au peintre Jean Dubuffet qui disait : « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime, c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » Une stratégie artistique très prometteuse, surtout lorsqu’on travaille si intensément et si près des sons que Fritz Hauser.
Fritz Hauser | compositeur en résidence
18 août | 21h00 Modernes 1 KKL Luzern, Salle Lucerne
Madrigalistes de Bâle | contrapunkt chor | Trio Klick | Fritz Hauser direction artistique Une exploration percussive du monde : Fritz Hauser crée un univers sonore fascinant et extrêmement original (ici à Lucerne, avec le Basel Sinfonietta, en 2010).
Il ne vise pas un produit parfaitement cohérent une fois achevé, mais une genèse sonore guidée autant par un suivi critique que par l’intuition, processus dans lequel les interprètes comme les auditeurs peuvent se sentir libres. Ses compositions naissent et se produisent au moment du concert. La conception de l’œuvre ouverte de John Cage lui est par conséquent plus proche que celle fondée sur le texte musical d’un Pierre Boulez ou d’autres représentants de la musique contemporaine. Au reproche d’ésotérisme et de vague indétermination, on peut répondre en citant l’exemple de Stockhausen qui a beaucoup travaillé sur le concept d’improvisation dans les années 1970. Il parlait de « détermination intuitive » à partir de laquelle la musique naîtrait organiquement. Pour ce genre de « musique intuitive », il estimait indispensables un autocontrôle et une autocritique de l’interprète. De ce point de vue, Fritz Hauser ne manque pas de rigueur lui non plus. RIGUEUR, LIBERTÉ, SENSUALITÉ C’est en outre un minimaliste qui conçoit et met en œuvre son esthétique sonore originale avec la plus grande précision. Ses pièces donnent aux interprètes une grande responsabilité mais aussi une grande marge de manœuvre. L’objectif : créer une liberté qui se transmette directement au public à travers les sons. Pour peu que l’auditeur s’affranchisse des conventions et de ses attentes – ce qui se produit inévitablement dès lors qu’il s’abandonne à la dramaturgie sonore de Hauser −, il ressentira une merveilleuse sensation de liberté. Commencer, jouer, finir : Fritz Hauser a une conception limpide de la forme. Ce qui
dégénère chez d’autres compositeurs en une « science » faite de stratégies formelles complexes sonne chez lui simplement et organiquement. On a pu s’en rendre compte au Festival de Lucerne 2010 où il a donné la première audition de sa Schraffur pour gong et orchestre avec le Basel Sinfonietta. Un organisme orchestral produit dans cette œuvre un arc sonore fascinant, sans partition aucune, seulement avec la simple technique du hachurage. FROTTER, CARESSER, GRATTER Décalquer au crayon toutes sortes d’objets en hachurant est quelque chose que les enfants adorent. Non seulement on donne naissance à une image, mais on produit un bruit : le va-et-vient apparemment monotone du crayon engendre des sons et des harmoniques, des diminuendos et des crescendos, des formes musicales… Fritz Hauser s’est remis à hachurer et en hachurant écoute attentivement. Ainsi a-t-il créé au fil des ans une série de Schraffuren pour divers musiciens, théâtres et musées, série qu’il complétera au festival d’été 2018, à la « Journée spéciale », le 26 août, par une Schraffur pour le KKL Luzern. C’est aussi à partir d’une perspective enfantine qu’a vu le jour Trommel mit Mann (« Tambour avec homme »), un spectacle théâtral que Fritz Hauser a créé avec la metteuse en scène Barbara Frey. Les décors sont rudimentaires et il n’y a pas de texte. Un homme aussi inexpérimenté qu’un enfant est assis en culotte courte devant un tambour. Pendant longtemps, il ne se passe rien. Puis soudain résonne un coup, et l’exploration percussive du monde commence : frottements, caresses, grattements… ■
« Chœurtambour » Création mondiale de dix œuvres de Olivier Cuendet, Fritz Hauser, Christian Henking, Leonardo Idrobo, Vera Kappeler, Lucas Niggli, Katharina Rosenberger, Denis Schuler, Mike Svoboda et Helena Winkelman 25 août | 22h00 Modernes 2 KKL Luzern, Salle Lucerne
we spoke : percussion | LUCERNE FESTIVAL ALUMNI Hauser Rundum (création mondiale) 26 août | 10h15 Journée spéciale – Concert d’ouverture KKL Luzern, Foyer et Salle de concert Hauser Schraffur pour le KKL Luzern Concert performance au KKL Luzern avec la participation de deux cents enfants et adultes de Suisse centrale 26 août | 20h00 Récital KKL Luzern
Fritz Hauser percussions « Fritz Hauser en solo » 8 août | 21h00 Modernes 5 Neubad
we spoke : percussion | Solenn’ Lavanant-Linke, Leslie Leon, Rebecca Ockenden, Barbara Schingnitz voix solistes (Hauser) | Quatuor vocal SoloVoices Hauser Klangkörper. Voix – percussions – espace | Stockhausen Stimmung 15 septembre | 21h00 Théâtre musical 3 Théâtre de Lucerne
Fritz Hauser percussions | Barbara Frey mise en scène | Brigitte Dubach lumières « Tambour avec homme »
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 27
Sir Simon Rattle | Un portrait
En 2018, Simon Rattle viendra pour la première fois à Lucerne avec l’Orchestre symphonique de Londres, dont il a pris les rênes en 2017, et dirigera le merveilleux Enfant et les Sortilèges de Ravel, parfait pour le thème de l’été : « l’Enfance ». Musicien sans fron-tières, il fera également travailler la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY.
L
PAR PETER HAGMANN
e public est installé, le silence s’est fait, on peut commencer. Mais avant de lever la baguette, Simon Rattle prend la parole. Il annonce que l’œuvre va être jouée deux fois de suite et suggère aux auditeurs de changer de place pour la deuxième exécution, cela leur permettra de faire une expérience acoustique tout à fait différente. Il ajoute que la présence de Pierre Boulez dans la salle lui donne passablement le trac. Cette scène se déroulait le 23 mars 1996 au Konzerthaus de Vienne où Rattle se produisait avec son Orchestre de Birmingham. L’œuvre au programme était Gruppen de Stockhausen dont les trois orchestres requis nécessitent trois chefs, lesquels avaient été lors de la création, à Cologne, le 24 mars 1958, le compositeur, Bruno Maderna et… Pierre Boulez. Cette anecdote révèle un trait de caractère manifeste chez Simon Rattle depuis ses tout débuts, depuis qu’à seize ans il est entré à la Royal Academy of Music de Londres en classe de percussion et peu après en classe de direction d’orchestre : un talent pour la communication. Dès cette époque, raconte-on, le jeune homme a un don pour gagner l’attention des instrumentistes depuis son podium de chef. Aujourd’hui, au moment où il va abandonner ses responsabilités à Berlin, il est considéré par les musiciens du Philharmonique comme le chef certainement le plus amical qu’ils aient eu, si on en croit les bruits qui circulent. Avec lui se confirme une fois de plus le fait que le maniement de la baguette ne représente qu’une petite partie de ce qui fait un chef d’orchestre. L’aptitude à communiquer avec les musiciens, le public et les bailleurs de fonds est bien plus importante. En communicateur-né, le chef britannique sait transmettre à ceux qui l’entourent une passion qui remonte elle aussi à ses jeunes années : la musique 28 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Le chef d’orchestre Simon Rattle
Un musicien moderne LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 29
Sir Simon Rattle | Un portrait
actuelle. Quand d’autres adolescents se découvrent un penchant pour la musique classique à travers Bach, Mozart ou Beethoven, il commence par raffoler de Schönberg puis se délecte de toutes les partitions où domine la percussion. La musique du XXe siècle a toujours été pour lui d’une même évidence que le répertoire traditionnel. On le note en filigrane dès ses premiers engagements à l’Orchestre de Bournemouth, à celui de Liverpool, sa ville natale, puis au BBC Scottish Symphony Orchestra, et cela éclate au grand jour au City of Birmingham Symphony Orchestra où il débute en 1978, à vingt-trois ans, et deux ans plus tard est choisi comme directeur musical : sans hésiter, il inaugure ses nouvelles fonctions avec Rituel de Boulez. AMBASSADEUR DE LA MODERNITÉ… Si la musique actuelle s’inscrit tout naturellement dans le champ d’action de Simon Rattle, il n’en fait pas tout un plat et ne prétend pas être un spécialiste, ce qui le rapproche de ses confrères Kent Nagano, Marc Albrecht et Cornelius Meister. À Birmingham, il a beaucoup fait avancer les choses dans ce domaine. Il n’a pas seulement élevé le niveau de l’orchestre en lui donnant une visibilité sur la scène internationale ; il n’a pas seulement déployé des trésors d'énergie pour obtenir la construction d’une spectaculaire salle de concert ; il a également montré comment transformer l’orchestre en une phalange moderne sans pour autant perdre le public. La programmation de ses vingt années à Birmingham est éloquente à cet égard. S’y détache notamment un projet aussi osé que captivant de présenter la musique du XXe siècle en dix panoramas de dix ans. L’un de ces
En 1996, Simon Rattle faisait ses débuts à Lucerne avec l’Orchestre de Birmingham (à droite). Depuis, il est revenu régulièrement ; en 2014, il a fait travailler pour la première fois la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY.
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panoramas était le programme présenté en 1996 au Konzerthaus de Vienne où figurait, outre Gruppen de Stockhausen (que Rattle reprendra à Lucerne à l’été 2018), Chronochromie (1960) de Messiaen. Dans ses concerts de tournée avec le Philharmonique de Berlin, qu’il a emmené à Lucerne de 2003 à 2017, il a également fait une plus grande place à la musique actuelle que ce n’avait été le cas jusqu’alors. Pour sa première année à Lucerne, il a dirigé Surrogate Cities de Heiner Goebbels, en résidence dans la ville suisse cette année-là. Il a ensuite créé le Concerto pour violon de Sofia Goubaïdoulina In tempus praesens (2007) et la pièce orchestrale multicolore Laterna magica de Kaija Saariaho (2009). Et il a également réussi à remplir la grande salle du KKL Luzern jusqu’à la dernière place, à l’été 2004, avec pour seule œuvre au programme Éclairs sur l’au-delà de Messiaen.
lightenment, créé un an plus tôt à Londres. Après le succès de cette production sur instruments anciens suivent Les Noces de Figaro en 1989, Così fan tutte en 1991 et Don Juan en 1994. Simon Rattle fait alors partie des principal artists dont l’orchestre (dépourvu de directeur musical) s’entoure, un cénacle qui comprend non seulement des spécialistes de premier plan comme Frans Brüggen ou e René Jacobs, mais aussi des généralistes particulièrement intéressés comme Vladimir Jurowski ou Iván Fischer. Lorsque Rattle était en classe de percussion à la Royal Academy, la musique ancienne n’était pas son sujet. Il s’était cependant déjà entretenu avec une camarade de l’Academy qui s’intéressait à ce domaine, la violoniste Monica Huggett. Pour l’essentiel, le chef britannique s’est initié à la musique ancienne sur le tas, recueillant les conseils de ceux qui avaient l’expertise et l’expérience, sans jamais s’en cacher d’ailleurs. Pour le Don Juan de Glyndebourne, il profita d’une version de concert que John Eliot Gardiner avait dirigée à Londres, au Queen Elizabeth Hall. Il avait déjà travaillé avec Gardiner en 1975 à l’occasion de la première exécution intégrale des Boréades de Rameau. Il eut aussi des discussions intenses avec le claveciniste et chef d’orchestre William Christie sans lequel ses grandioses
LA MUSIQUE DU XX SIÈCLE A TOUJOURS ÉTÉ POUR RATTLE D’UNE MÊME ÉVIDENCE QUE LE RÉPERTOIRE TRADITIONNEL
… AVEC UN FAIBLE POUR LA MUSIQUE ANCIENNE En même temps, et cela rend ce chef si particulier, Simon Rattle s’est tourné de bonne heure vers l’interprétation « authentique » de la musique ancienne. Dès l’été 1987, il dirige au Festival de Glyndebourne Idoménée de Mozart à la tête de l’Orchestra of the Age of En-
Pour Simon Rattle, jouer de la musique contemporaine est une évidence (on le voit ici à l’issue de la création du Concerto pour violon de Sofia Goubaïdoulina In tempus praesens, en 2007, avec AnneSophie Mutter et la compositrice).
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 31
9 septembre | à partir de 18h30 Cosmos Stockhausen 6 & 7 | Concert symphonique 24 KKL Luzern, Salle de concert et Salle Lucerne
Orchestre symphonique de Londres | Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Sir Simon Rattle, Matthias Pintscher et Duncan Ward direction Stockhausen Gruppen pour trois orchestres | Nono No hay caminos, hay que caminar… Andrej Tarkovskij pour sept groupes instrumentaux | Messiaen Et exspecto resurrectionem mortuorum | Stockhausen Gruppen pour trois orchestres 10 septembre | 19h30 Concert symphonique 25 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre symphonique de Londres | Chœur symphonique de Londres | Sir Simon Rattle direction | Magdalena Kožená | Marie-Nicole Lemieux | Jane Archibald | Anna Stéphany | Elizabeth Watts | Sunnyboy Dladla | Gavan Ring | David Shipley Boréades salzbourgeoises de la Pentecôte 1999, avec l’Age of Enlightenment, auraient été impossibles. L’ANTI-SPÉCIALISTE En musique ancienne aussi, Rattle échappe au qualificatif de spécialiste. Il rejoint d’autres musiciens qui, depuis les hauteurs de notre temps, s’efforcent de couvrir l’horizon musical le plus large possible : le chef François-Xavier Roth par exemple, capable de créer les partiSIMON RATTLE EST UN ANTI- tions les plus contemporaines Festival de DonaueschinSPÉCIALISTE QUI S’EFFORCE au gen et dans la foulée d’enreDE COUVRIR L’HORIZON gistrer la Symphonie « avec » de Saint-Saëns à la MUSICAL LE PLUS LARGE orgue tête de son orchestre Les POSSIBLE ET CE FAISANT Siècles jouant sur instrud’époque (Roth se CONCILIE LES DIFFÉRENTES ments produira à Lucerne à l’été ÉCOLES INTERPRÉTATIVES EN 2018 avec le Mahler Chamber et l’« artiste étoile » UN DIALOGUE FRUCTUEUX Orchestra Sol Gabetta) ; ou encore la soprano Anna Prohaska, qui chante aussi volontiers et avec autant de bonheur la musique de Salvatore Sciarrino que des œuvres de Monteverdi. Le chef britannique concilie les différentes écoles interprétatives en un dialogue fructueux, on ne peut pas ne pas l’entendre. En 2002, lorsqu’il enregistre avec le Philharmonique de Vienne les symphonies de BeethoEn 2018, Simon ven, il s’efforce d’intégrer dans son interprétation ce que Rattle se produira les champions du son authentique ont révélé dans ces pour la première partitions. Il suit la même idée en 2013 à Lucerne où il fois à Lucerne dirige les trois dernières symphonies de Mozart à la tête avec l’Orchestre du Philharmonique de Berlin. Que par ailleurs il compte symphonique de parmi les rares chefs à défendre passionnément l’œuvre Londres dont il a de Haydn, et avec succès, ne suscitera pas d’étonpris la direction nement. à l’automne 2017. 32 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Ravel Ma mère l’Oye | Shéhérazade | L’Enfant et les Sortilèges 10 septembre | 19h30 Concert symphonique 26 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre symphonique de Londres | Sir Simon Rattle direction | Krystian Zimerman piano Bernstein Symphonie no 2 The Age of Anxiety | Dvořák Danses slaves op. 72 | Janáček Sinfonietta
Pour autant, le grand répertoire romantique n’en représente pas moins une partie importante de son activité. Brahms, Bruckner et Mahler forment des piliers de son agenda, ses concerts à Lucerne en sont le témoignage. Il y met cependant sa pâte bien personnelle. À la différence de Karajan et d’Abbado, ses prédécesseurs à Berlin, il habille les symphonies de Brahms d’un caractère lyrique et d’une sonorité lumineuse. Inversement, lorsqu’il donne de 2007 à 2010 l’intégrale de La Tétralogie de Wagner à Aix-en-Provence et au festival de Pâques de Salzbourg, il fait ressortir de manière si grandiose les parties orchestrales jouées par le Philharmonique de Berlin que les drames musicaux en deviennent presque des poèmes symphoniques – au grand dam des critiques viennois qui se perdent en lamentations. Mais il peut aborder la musique de Wagner de tout autre manière, comme le montre la sonorité inhabituellement claire et transparente qu’il donne en 2004 à L’Or du Rhin, à Baden-Baden, avec les instruments originaux de l’Orchestra of the Age of Enlightenment. Même si ça ne plaît pas à tout le monde, peu importe, il continue à cultiver son riche jardin interprétatif, depuis l’automne 2017 à la tête de l’Orchestre symphonique de Londres, avec lequel il se produira pour la première fois à Lucerne en septembre 2018. ■
L’art prend des formes diverses.
Chez Roche, nous embrassons à la fois la science et l’art. Tous deux éveillent notre imagination et alimentent notre capacité d’invention - contribuant ainsi à créer un monde meilleur.
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Thème de l’été : « l’Enfance »
Ces années où tout arrive pour la première fois
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n aura rarement vu autant d’enfants au KKL Luzern qu’à l’été 2018, et pour cause, le thème du festival sera « l’Enfance ». La programmation comporte beaucoup de projets conçus exprès pour la jeune génération car il s’agit de mettre le public de demain à l’honneur. Nous avons notamment invité le metteur en scène et performeur luxembourgeois Dan Tanson, qui a déjà présenté des productions grandioses dans le cadre de LUCERNE FESTIVAL YOUNG et sera « artiste étoile ». Et nous nous réjouissons d’accueillir comme compositeur en résidence le percussionniste Fritz Hauser, lequel créera une œuvre pour deux cents participants de tout âge, Schraffur, qui recourt à une pratique adorée des enfants : le hachurage. Par ailleurs, les grands orchestres symphoniques auront à leur programme plusieurs œuvres au sujet enfantin ou évoquant la poésie de l’enfance. Ce sera l’occasion de se demander : à quoi ressemble l’enfance, ou à quoi devrait-elle ressembler idéalement ? Quels souvenirs avonsnous gardés de nos jeunes années ? Une chose est sûre, dans l’enfance tout nous arrive pour la première fois. Tout est nouveau, inconnu, voire inquiétant, mais une force nous pousse à découvrir, analyser, comprendre. En même temps, l’enfance est l’âge de l’individualité absolue où chacun se construit sa propre histoire sur ce qu’il appréhende. Les enfants inventent des noms pour les objets et les personnes, ils imaginent des explications fantaisistes pour les choses de leur univers, réelles ou non. Ce n’est qu’en grandissant qu’ils doivent se conformer aux conventions de la société et d’un monde régi par la science. Un adulte qui exprime des vues décalées et serait resté enfant, en quelque sorte, est considéré comme naïf, rêveur, voire cinglé. Nous avons centré notre programmation de l’été 2018 sur un répertoire qui a trait à l’enfance. Il y aura notamment des pages de Bizet, Tchaïkovski, Debussy, Stravinsky et le merveilleux opéra de Ravel L’Enfant et les Sortilèges, dirigé par Simon Rattle, dans lequel un garçon resté seul à la maison voit soudain tout s’animer autour de lui : le fauteuil, l’horloge, la théière, même le feu de cheminée… On entendra également des œuvres à but pédagogique comme Pierre et le Loup de Prokofiev ou le Young Person’s Guide to the Orchestra avec lequel Benjamin Britten présente les instruments de l’orchestre. Les contes de fée ne manqueront pas, bien sûr. On retrouvera notamment Cendrillon et Casse-noisette, d’horribles sorcières, des ondins, des oiseaux enchantés… On aura aussi l’occasion de plonger dans la psyché de compositeurs comme Mozart et Bruckner – qui n’ont pas hésité à transgresser les règles du monde des adultes –, de se pencher sur le phénomène fascinant des enfants prodige, et de sonder l’enfance comme lieu de désir, paradis, havre de l’innocence et du bonheur perdu. ■
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Thème de l’été : « l’Enfance »
Enfants prodige De Mozart à Alma Deutscher
De nombreux musiciens de premier plan ont fait parler d’eux de bonne heure, suscitant l’admiration du monde entier. L’été prochain, le LUCERNE FESTIVAL se penchera sur le phénomène des enfants prodige et en présentera quelques-uns. PAR WOLFGANG STÄHR
A
u XVIIIe siècle, au moment où les Européens cessent de croire aux miracles, ils commencent à se passionner pour les enfants prodige. Parmi eux, aucun ne leur paraît autant briller d’un génie surnaturel que le petit Wolfgang Amadeus Mozart de Salzbourg. En juin 1763, ce jeune fils de musicien, âgé de sept ans, part en voyage à travers toute l’Europe avec son père et sa sœur. La famille est introduite dans les cours prin« UN PHÉNOMÈNE COMME cières, les châteaux, les palais, MOZART DEMEURE UN les salons de l’aristocratie. Partout, le petit Mozart joue et MIRACLE QUE L’ON NE PEUT suscite la stupéfaction, même EXPLIQUER PLUS AVANT. » les plus sceptiques sont désarçonnés. Incroyable ! Sidérant ! Johann Wolfgang von Goethe Inouï ! « Dites-moi, cela ne dépasse-t-il pas l’entendement ? – Et pourtant, c’est bien vrai ! », écrit un correspondant du Augsburgischer Intelligenz-Zettel. À Francfort, alors qu’une soirée avec le jeune virtuose et sa sœur Nannerl, à peine moins étonnante que lui, en a déjà suscité trois autres, une cinquième est fixée « à la demande de divers grands connaisseurs et amateurs ». Le fabuleux Mozart, lit-on dans une annonce, donnera « un concert au violon, accompagnera les symphonies au piano, couvrira le clavier d’une étoffe et jouera sur l’étoffe aussi bien que s’il voyait le clavier ». Parmi les curieux venus écouter l’enfant prodige à ces concerts de Francfort se trouve la famille de Johann Caspar Goethe, conseiller privé auprès de l’empereur. Près de soixante-dix ans plus tard, son fils Johann Wolfgang reviendra sur cette soirée mémorable dans une conversation rapportée par son confident Johann Peter Gamin, déjà une Eckermann : « À table chez Goethe. On a parlé de Mostar : portrait de zart. “Je l’ai vu alors que c’était un gamin de sept ans, dit Mozart à six ans Goethe, il était en voyage et donnait un concert. J’avais dans le « costume de moi-même environ quatorze ans et je me souviens très gala » que lui avait bien de cet enfant avec sa perruque et son épée.” » donné le prince À une autre occasion, les deux hommes abordent à héritier Maximilien nouveau le sujet de l’enfant prodige : « C’est étrange, d’Autriche
remarque Eckermann, le talent musical est celui qui se révèle le plus tôt : Mozart, dès sa cinquième année, Beethoven, dans sa huitième année, et Hummel, dans sa neuvième année, ont stupéfait leur entourage par leurs prouesses instrumentales et leurs compositions. “Le talent musical, répond Goethe, se manifeste probablement le plus tôt parce que la musique est quelque chose de complètement inné qui n’a pas besoin d’un grand apport de l’extérieur ni d’une expérience de la vie. Cela dit, un phénomène comme Mozart demeure un miracle que l’on ne peut expliquer plus avant.” » GÉNIES ET NUMÉROS DE CIRQUE Mozart est devenu pour la postérité le musicien prodige par excellence, une sorte de prototype, même si d’un point de vue strictement historique il n’est pas le premier. Les tournées organisées avec un sens des affaires et la certitude de remplir une mission, la publication des premières compositions, les concerts destinés à exhiber une virtuosité époustouflante – jusqu’à la présentation de tours d’adresse douteux comme celui consistant à jouer du piano en dissimulant le clavier sous une étoffe – toutes les recettes du succès, les stratégies publicitaires et autres ficelles utilisées par le père de Mozart, on les retrouve dans les biographies des enfants prodige des générations suivantes. Et leur nombre augmente considérablement au XIXe siècle, tandis que le sérieux de leurs prestations diminue tout autant, ce qui explique que le terme « enfant prodige » se charge bientôt d’une connotation négative et soit associé aux numéros de cirque et aux chiens savants. C’est en connaissance de cause que le compositeur Ignaz Moscheles, qui, jeune pianiste virtuose, avait enthousiasmé le public dès l’âge de douze ans, fait une claire distinction entre l’enfant étonnant et le musicien à prendre au sérieux lorsqu’il se confie à son journal après avoir rendu visite aux Mendelssohn à Berlin, en 1824 : « Voilà une famille comme je n’en ai jamais rencontré ; le jeune Felix de quinze ans est un phénomène comme on n’en fait plus ! Que sont tous les enfants prodige à côté de lui ? Rien sinon des enfants prodige ; ce LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 37
Thème de l’été : « l’Enfance »
Felix Mendelssohn à douze ans (portrait de Carl Begas)
« LE JEUNE FELIX DE QUINZE ANS EST UN PHÉNOMÈNE COMME ON N’EN FAIT PLUS. QUE SONT TOUS LES ENFANTS PRODIGE À CÔTÉ DE LUI ? RIEN SINON DES ENFANTS PRODIGE. » Ignaz Moscheles
Enfants prodige d’hier et d’aujourd’hui 18 août | 18h30 Concert symphonique 1 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre de chambre d’Europe | Bernard Haitink direction | Alina Ibragimova violon Mendelssohn Ouverture de La Belle Mélusine op. 32 | Concerto pour violon en mi mineur op. 64 | Schubert Symphonie no 8 en ut majeur D 944, La Grande 21 août | 19h30 Concert symphonique 5 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre du Divan occidentaloriental | Daniel Barenboïm direction | Lisa Batiashvili violon Brahms Concerto pour violon en ré majeur op. 77 | Debussy La Mer | Scriabine Le Poème de l’extase op. 54 22 août | 19h30 Concert symphonique 6 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre du Divan occidentaloriental | Daniel Barenboïm direction | Elsa Dreisig soprano Coleman Palestine pour soprano et orchestre (création suisse) | Bruckner Symphonie no 9 en ré mineur WAB 109
Wilhelm Furtwängler l’avait qualifié de « phénomène » : le jeune Daniel Barenboïm, dans la maison natale de Mozart, jouant sur l’épinette de Mozart (1952)
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29 août | 12h15 Débuts d’« enfant prodige » 1 Église Saint-Luc
Alma Deutscher violon et piano Œuvres de Alma Deutscher, J.-S. Bach et Domenico Scarlatti
« Je viens de découvrir une jeune violoniste qui est un miracle pour nous tous. » – Herbert von Karajan, en 1976, à l’issue des débuts d’Anne-Sophie Mutter à Lucerne (on la voit ici avec son frère Christoph au piano)
Felix Mendelssohn est déjà un artiste mûr et n’a pourtant que quinze ans ! » De nombreux enfants « vendus » comme prodiges sont apparus et ont disparu. La plupart n’étaient que des créatures singulières vouées à une « existence éphémère », comme disait Kant. Pour certains, comme le « petit dieu du violon » Franz Clement, qui donna la première audition du Concerto de Beethoven, l’enthousiasme hystérique du public se transforma au fil des ans en son exact contraire. À la fin de sa vie, Clément était considéré comme un original et mourut au terme d’une existence ratée. Mais bien sûr d’autres musiciens exceptionnellement doués ont fait une brillante carrière qui a supplanté, voire relégué dans l’ombre leurs débuts de concertiste prodige. Que l’on songe à Clara Wieck, Frédéric Chopin et Franz Liszt ou, plus près de nous, Yehudi Menuhin, Lorin Maazel, Daniel Barenboïm, Rudolf Buchbinder et Anne-Sophie Mutter, dont la carrière concertante internationale a été lancée en 1976 par ses débuts au Festival de Lucerne et une audition devant Herbert von Karajan. « Je viens de découvrir une jeune violoniste qui est un miracle pour nous tous », aurait dit à cette occasion le célèbre maestro.
5 septembre | 12h15 Débuts d’« enfant prodige » 2 Église Saint-Luc
Lionel Martin violoncelle | Luisa Schwegler piano
œuvres de Debussy, Tchaïkovski et Penderecki 12 septembre | 12h15 Débuts d’« enfant prodige » 3 Église Saint-Luc
Dmitry Ishkhanov piano Le programme sera communiqué ultérieurement. 15 septembre |16h00 Musique de chambre 3 Église Saint-Luc
casalQuartett
Mozart Quatuor en ut majeur K. 170 | Arriaga Quatuor no 1 en ré mineur | Deutscher Rondo pour quatuor à cordes | Mendelssohn Quatuor en la mineur op. 13
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Elle écrit des opéras, des concertos, de la musique de chambre, se produit dans le monde entier au piano et au violon et n’a que douze ans : l’Anglaise Alma Deutscher.
« Little Maazel » s’est produit à la tête d’un orchestre dès l’âge de neuf ans, en culotte courte, à la Foire internationale de New York de 1939. Les enfants chef d’orchestre ont cependant plutôt tendance à susciter le rire que l’admiration comme l’a noté le double prodige Daniel Barenboïm en débutant sa formation avec Igor Markevitch à Salzbourg : « J’étais le plus jeune dans la classe de direction, tous les autres avaient bien plus de vingt ans. Je me souviens que nombre de mes camarades d’étude, qui étaient déjà chef d’orchestre, ne m’ont pas traité de manière particulièrement amicale ; j’étais, tout bien considéré, encore un enfant. Un de mes camarades faisait cependant exception : Herbert Blomstedt. Il était très gentil avec moi et prenait toujours la peine de m’expliquer les choses. » « DES INDIVIDUS QUE NOUS REGARDONS AVEC DE GRANDS YEUX » Le violoniste Yehudi Menuhin raconte dans ses mémoires que les dames respectables de la « Pacific Ladies Musical Society » de San Francisco sont tombées en disgrâce auprès de lui en le qualifiant de « mignon » (il avait sept ans) – une faute impardonnable ! Lorsque l’une des bienfaitrices élève le petit Yehudi au rang de « deuxième Paganini », il répond de manière impertinente : « Avez-vous déjà entendu jouer Paganini ? » Menuhin reconnaissait que les quatre premières années de sa vie lui avaient offert quelque chose qu’aucun conservatoire du monde ne pouvait lui donner : le sentiment d’une vocation. « Ce sentiment est probablement inné chez tous les enfants, avance-t-il. Peut-être que 40 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Lorin Maazel dirige à neuf ans l’Orchestre d’élèves d’Interlochen | en haut à gauche : Yehudi Menuhin, âgé de onze ans, avec le chef d’orchestre Fritz Busch
seuls les privilégiés conservent au-delà de l’âge de l’innocence la certitude de leurs possibilités infinies et le sens des vraies valeurs qui permettent aux enfants de s’identifier plus facilement aux grands solistes, aux grandes âmes qu’à de braves citoyens moyens ? » Fait-elle aussi partie de ces « privilégiés », l’Anglaise Alma Deutscher, née en 2005, qui a déjà composé des opéras, des sonates, des quatuors à cordes, un concerto pour piano, un concerto pour violon, et qui joue du piano et du violon avec un talent exceptionnel ? Elle fera ses débuts lucernois de compositeur et de virtuose l’été prochain. Tiendra-t-elle ses promesses comme les enfants prodige Mozart, Menuhin ou Mutter ? On ne sait pas encore ce que l’avenir lui réserve, ni aux deux autres jeunes interprètes invités dans la série « Débuts » : le violoncelliste Lionel Martin et le pianiste Dmitry Ishkhanov. Laissons le dernier mot à Goethe, qui confiait à Eckermann : « Comment la divinité pourrait-elle trouver l’occasion de faire partout des miracles si elle ne s’y essayait de temps en temps sur des individus exceptionnels que nous regardons avec de grands yeux et dont nous nous demandons d’où ils viennent ? » ■
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Ce qui nous unit avec les musiciens, c’est l’amour D’UNE COMPOSITION PARFAITE.
CLARIANT, UN PROMOTEUR PASSIONNÉ DES ARTS L’union parfaite de l’harmonie et du rythme crée de la musique qui nous touche tous au plus profond de nous. En cela, nous sommes presque pareils: lorsque nous désirons avoir un impact mémorable, nous inventons, à force d’engagement, de savoir-faire et de recherche, des solutions novatrices pour la chimie de spécialité qui réduisent les émissions, économisent les matières premières et génèrent une valeur durable. C’est ce qui nous tient à cœur.
WWW.CLARIANT.COM LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 41
© Priska Ketterer/LUCERNE FESTIVAL
LUCERNE FESTIVAL YOUNG
DES CONCERTS POUR TOUTE LA FAMILLE ! Concerts pour les petits, théâtre de marionnettes, concerts familiaux… Des programmes riches et variés à l’intention du jeune public, LUCERNE FESTIVAL YOUNG en proposera aussi au festival d’été 2018, d’autant plus que « l’Enfance » sera le thème de l’été. Domande – Fragen sur des textes de Jostein Gaarder | 25 août 2018 La Boîte à joujoux | 1er septembre 2018 Sénégalliarde | 15 septembre 2018 Réservations : tél. +41 (0)41 226 44 80 | lucernefestival.ch
Thème de l’été : « l’Enfance »
Être jeune n’est pas une question d’âge Metteur en scène, performeur et auteur de productions jeune public débordant d’imagination, le Luxembourgeois Dan Tanson est le parfait « artiste étoile » pour l’été Lucernois 2018, placé sous le signe de l’enfance. Il nous parle de sa conception artistique et de son parcours musical. PROPOS RECUEILLIS PAR MALTE LOHMANN
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Thème de l’été : « l’Enfance »
« Mes productions sont divertissantes », explique Dan Tanson qui mélange volontiers les styles et les époques.
Le thème du festival d’été 2018 est « l’Enfance ». D’où ma première question : quelle a été votre « première fois » dans le domaine musical ? La musique exerçait-elle déjà son emprise sur vous dans vos jeunes années ? Oui, dès le moment où j’ai chanté dans le chœur de la paroisse et découvert le répertoire traditionnel du service religieux, Bach et consorts. Ma mère chantait, mon père jouait du piano. Cela m’a marqué de voir comment une maison se transforme dès qu’il y a de la musique. Mais ma véritable socialisation musicale n’a eu lieu que plus tard : je suis un « pop kid », j’ai découvert de bonne heure des groupes post-punk comme The Cure ou Joy Division et ensuite joué de la guitare rock. 44 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Vous utilisez cependant beaucoup de musique classique dans vos productions… Lorsque je me suis lancé dans les productions jeune public – je viens à l’origine du théâtre de marionnettes −, je voulais donner plus d’importance à la musique, ne pas me contenter d’une musique de fond superficielle. Je me suis vite retrouvé avec du jazz, du Arvo Pärt ou du Meredith Monk et suis revenu par ce biais vers le classique. Les innovations dans le domaine de la danse contemporaine, que j’ai suivies durant mes études à Bruxelles, ont également joué un rôle important. lets op Bach de Alain Platel, par exemple, a été un moment-clé pour moi : la musique de Bach n’était plus liée à l’église et à la croix mais placée dans un contexte moderne, le mien ; les danseurs étaient des
…et revient en 2018 au festival comme « artiste étoile ».
Dan Tanson a signé la première production de Young Performance, HEROÏCA…
punks tatoués, les chanteurs portaient un short et une chemise Hawaï. Aujourd’hui j’écoute de tout, depuis la musique ancienne jusqu’à la musique minimale, la techno, le rap metal et le jazz, sans faire de hiérarchies. Y a-t-il des ruptures de style à la Platel dans vos productions ? Non, parce que les enfants écoutent avec le cœur et n’ont pas le bagage qui leur permettrait de reconnaître une rupture. Je mélange cependant des œuvres de diverses époques, surfe comme un DJ d’un style à l’autre, et la plupart du temps je demande aux musiciens avec qui je travaille de faire des propositions, je découvre ainsi plein de choses nouvelles.
LUCERNE FESTIVAL YOUNG Concerts pour toute la famille où chaque génération y trouve son compte. 25 août | 11h00/15h00 Young – Concert familial Petit Théâtre de Lucerne
« Domande – Questions » Un concert comico-philosophique autour de textes de Jostein Gaarder avec le Teatro Dimitri (à partir de 8 ans) 26 août | 10h15 Journée spéciale – Concert d’ouverture KKL Luzern, Foyer et Salle de concert
Hauser Schraffur pour le KKL Luzern Concert performance au KKL Luzern avec la participation de deux cents enfants et adultes de Suisse centrale 1er septembre | 11h00/15h00 Young – Concert familial Neubad
La Boîte à joujoux de Debussy
Un spectacle d’Elisabeth Anliker (idée originale) et Sarah Keusch (chorégraphie) avec des élèves du Conservatoire de Lucerne (à partir de 6 ans) 15 septembre | 11h00/15h00 Young – Concert pour les petits Maskenliebhabersaal
« Sénégaillarde » Jeu collectif avec des œuvres de Saint-Saëns, Donizetti, Cage, Pärt et de la musique traditionnelle du Sénégal (à partir de 5 ans)
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« Cela facilite les choses quand les musiciens sont curieux » – Dan Tanson en répétition
servent précisément ce qui se passe sur scène : lorsqu’un des acteurs entre en scène avec un tuba qui pèse dix kilos, cela définit d’emblée son rôle. Un nouveau type de musicien est-il nécessaire pour ce genre de production ? Cela facilite les choses si les musiciens sont curieux et prêts à se jeter à l’eau – ce qui est généralement le cas, même si quelques-uns sont formatés à l’école du « beau son ». Je constate régulièrement, avec étonnement, que la présence scénique est pratiquement absente de la formation donnée dans les conservatoires. Certains musiciens ont par nature le sens de la scène. D’autres ont accumulé de l’expérience dans le domaine de la musique contemporaine, ils connaissent par exemple le théâtre instrumental d’un Mauricio Kagel, ce qui est évidemment un avantage. À mon sens, l’important est de ne pas forcer les musiciens d’entrée dans un rôle déterminé comme on peut le faire avec des acteurs professionnels. J’essaye d’abord de voir quel genre de personne ils sont : on « joue » dans un premier temps ensemble, j’observe en même temps très précisément ce qu’ils font, et on développe la suite sur ces bases. Cette manière de procéder nécessite plus de temps de répétition mais on en récolte les fruits au concert. Vos productions sont destinées aux « jeunes auditeurs de 3 à 99 ans ». « Jeune » est donc pour vous moins une question d’âge que de disposition d’esprit. Malgré tout, qu’est-ce qui prime pour vous lorsque vous vous lancez dans un projet jeune public ? Cela dépend beaucoup de l’âge des enfants. Il y a quand même une constante dans mes productions : elles sont divertissantes, il ne faut pas que ça devienne une affaire purement intellectuelle. Je propose des situations, pas un « message », parce que les enfants vivent dans l’instant. Une scène peut ainsi tourner autour du thème du « conflit ». Comment naît-il, comme le résoudre ? Je mets cela en scène sous la forme « les filles contre les garçons ». Les enfants connaissent ça et ont besoin de pouvoir reconnaître une situation. Raconter une histoire à l’emporte-pièce peut donner une impression de lourdeur. J’ouvre cependant la porte à différents niveaux de lecture pour m’adresser à 46 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
un public plus âgé qui doit être diverti lui aussi. Je fais allusion aux rapports entre les sexes, par exemple, ou au thème foncièrement humain de la guerre. Le type d’instrument de musique est également important dans mes productions car les enfants ob-
Repères biographiques Dan Tanson étudie la communication visuelle (spécialité illustration de livres d’enfants). Cours d’art dramatique, de théâtre de marionnettes contemporain, de théâtre physique et d’improvisation. Fondation en 2003 de Traffik Theater, une troupe qui monte des productions de théâtre musical destiné au jeune public et se produit désormais partout en Europe. Création de trois productions pour le LUCERNE FESTIVAL : Drumblebee, HEROÏCA et Goldmädchen.
Les concerts jeune public se multiplient, le domaine éducatif prend de plus en plus d’importance. Comment l’expliquez-vous ? Je crois que les festivals et les organisateurs de concerts considèrent de plus en plus les jeunes auditeurs comme un public exigeant et souhaitent proposer aux enfants et aux familles une offre culturelle variée. Peut-être cherchent-ils aussi à prévenir le risque d’une raréfaction des amateurs de musique classique, mais ce n’est sans doute pas leur premier objectif. Cela dit, je suis persuadé qu’on réussira à créer un nouveau public avec ce type de concerts destinés à la jeune génération – d’autant plus que les parents qui emmènent leurs enfants au concert prennent goût eux aussi à la musique classique, comme j’ai pu l’observer, et abandonnent leurs préjugés. Cela explique peut-être aussi le succès de mes productions qui peuvent être appréhendées à plusieurs niveaux et sont par conséquent dignes d’intérêt également pour les adultes. ■
NOMOZART
Young Performance en tournée Pourquoi toujours Mozart ? Du 4 au 18 mars 2018, Young Performance sera en tournée en Suisse et au Luxembourg avec sa production à succès NOMOZART. Informations et réservations à partir de janvier sur le site youngperformance.ch.
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Thème de l’été : « l’Enfance »
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2 Jeu loterie :
« Qui est sur la photo ? »
Les grandes stars aussi ont commencé par être des enfants. Dans le cadre du thème de 2018, « l’Enfance », nous avons demandé à quelques interprètes qui se produiront à Lucerne l’été prochain de nous envoyer des photos de leurs jeunes années. À vous de deviner qui est sur la photo.
3 Envoyez votre réponse d’ici le 25 mars 2018 par courriel à info@lucernefestival.ch ou par la poste au LUCERNE FESTIVAL, Hirschmattstrasse 13, Postfach, CH−6002 Lucerne.
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7 Ceux qui auront réussi à identifier tous les visages (ou le plus de visages) pourront gagner deux places de concert. Nous tirerons au sort parmi eux trois gagnants qui recevront chacun deux places pour le concert du 25 août avec le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA et Riccardo Chailly (œuvres de Wagner et Bruckner). Les gagnants seront informés immédiatement après le tirage au sort. Les bonnes réponses seront ensuite publiées dans le guide du festival Day by Day qui paraîtra en juin 2018.
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Thème de l’été : « l’Enfance »
Scènes d’enfants
En 2018, le festival d’été de Lucerne sera comme une source de jouvence. Il nous ramènera à l’enfance avec une musique destinée à la jeune génération mais qui enchante tout autant les adultes, et avec des œuvres dans lesquelles les compositeurs se remémorent leurs jeunes années – leurs aventures, leurs rêves, leurs angoisses. Nous avons réuni quelques-unes de ces « scènes d’enfants » sur les pages suivantes.
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Merveilleux retour à l’enfance Avec Casse-noisette, conte dans lequel, un soir de Noël, les jouets commencent à s’animer de leur propre vie, Tchaïkovski nous ramène à nos rêves d’enfance. 4 septembre | 19h30 Concert symphonique 18
Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg | Yuri Temirkanov direction | Sergueï Redkin piano Rimski-Korsakov Suite tirée de l’opéra Le Conte du tsar Saltan, op. 57 | Rachmaninov Concerto pour piano no 2 en ut mineur op. 18 | Tchaïkovski Suite de Casse-noisette, op. 71
Strauss à la crème Dans son ballet Schlagobers, Strauss a mis en musique un rêve d’enfant – consommer des pâtisseries à volonté – qui se termine inévitablement par une indigestion et des cauchemars de princesse Praliné. 19 août | 11h00 Concert symphonique 2
Orchestre de la Suisse Romande | Jonathan Nott direction | Renaud Capuçon violon Debussy Jeux | Sibelius Concerto pour violon en ré mineur op. 47 | Strauss Suite du ballet Schlagobers
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Péripéties d’un pantin Le pantin Pétrouchka, polichinelle russe, est le héros tragico-comique de l’un des plus grands ballets du XXe siècle, signé Stravinsky. 3 septembre | 19h30 Concert symphonique 17
Orchestre philharmonique de Munich | Valery Gergiev direction Rimski-Korsakov Shéhérazade op. 35 | Stravinsky Pétrouchka | Le Sacre du printemps
Magicien et Sorcière
Une soirée russe avec le magicien du clavier Daniil Trifonov qui nous transportera dans le monde enchanté de Cendrillon, mais aussi dans l’univers effrayant de la sorcière Kikimora. 27 août | 19h30 Concert symphonique 10
Orchestre symphonique de Lucerne | James Gaffigan direction | Daniil Trifonov piano Liadov Kikimora op. 63 | Rachmaninov Concerto pour piano no 4 en sol mineur op. 40 | Prokofiev Suite de Cendrillon
52 LUCERNE LUCERNE FESTIVAL FESTIVAL || MAGA MAGAZINE ZINE 2018 2018
Voyage au centre de l’orchestre Dans son divertissant « guide de l’orchestre », Benjamin Britten présente les instruments de manière si colorée qu’on aimerait apprendre à jouer de chacun d’eux. 16 septembre | 17h00 Concert symphonique 31
Orquesta Sinfónica Simón Bolívar de Venezuela | Gustavo Dudamel direction Brahms Variations sur un thème de Haydn op. 56a | Britten The Young Person’s Guide to the Orchestra op. 34 | Brahms Symphonie no 4 en mi mineur op. 98
Un classique de l’enfance
Pierre et le Loup de Prokofiev ne saurait manquer au festival d’été consacré à l’enfance. Il sera raconté (en allemand) par la jeune actrice Anuk Steffen. 9 septembre | 11h00 Concert symphonique 23
English Chamber Orchestra | Wolfram Christ direction | Anuk Steffen narratrice Mozart Cassation en sol majeur K. 63 | Prokofiev Symphonie classique en ré majeur, no 1 op. 25 | Mozart Symphonie en mi bémol majeur K. 16 | Prokofiev Marche en si bémol majeur op. 99 | Pierre et le Loup op. 67 (version allemande)
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 53
Requiem symphonique
Kirill Petrenko nous propose une œuvre rarement entendue, la Quatrième Symphonie de Franz Schmidt, requiem du compositeur pour sa fille Emma décédée dans la fleur de l’âge. 30 août | 19h30 Concert symphonique 13
Orchestre philharmonique de Berlin | Kirill Petrenko direction | Yuja Wang piano Dukas La Péri ou La Fleur d’immortalité | Prokofiev Concerto pour piano no 3 en ut majeur op. 26 | Schmidt Symphonie no 4 en ut majeur
« Les enfants, faites du nouveau ! » avait lancé Richard Wagner aux compositeurs de son temps. Liberté, imagination, de nouvelles idées, une nouvelle musique, c’est cela qui nourrit les concerts räsonanz. Et même lorsque Beethoven est au programme, il devient un contemporain intemporel grâce à András Schiff. 20 août | 19h30 Concert symphonique 4 – räsonanz-Stifterkonzert
Orchestre de chambre d’Europe | Heinz Holliger direction | Sir András Schiff piano | Miklós Perényi violoncelle Beethoven Sonates pour piano op. 27 no 1 quasi una fantasia et no 2 « au clair de lune » | Kurtág … quasi una fantasia … op. 27 no 1 | Concerto pour piano et violoncelle op. 27 no 2 | œuvres de Schönberg et Holliger
54 LUCERNE LUCERNE FESTIVAL FESTIVAL || MAGA JAHRESMAGA ZINE 2018 ZIN 2018
Un jeu d’enfant… …le concerto de Martinů ne l’est certainement pas, même si Sol Gabetta peut en donner l’impression car tout semble facile avec elle. Mais d’enfance il sera question, et d’exubérance et de malice, dans La Poule de Haydn, Les Bulles de savon ou Les Chevaux de bois de Bizet... 28 août | 19h30 Concert symphonique 11
Mahler Chamber Orchestra | François-Xavier Roth direction | Sol Gabetta violoncelle Bartók Divertimento pour orchestre à cordes Sz 133 | Martinů Concerto pour violoncelle no 1 | Bizet Jeux d’enfants | Haydn Symphonie en sol mineur Hob. I : 83 La Poule
Bim-bam mahlériens Véritable portrait du monde, la Troisième Symphonie de Mahler donne aussi la parole aux enfants dont les joyeux « bim-bam » illustrent les délices célestes. 13 septembre | 19h30 Concert symphonique 28
Orchestre symphonique de Boston | chœurs | Andris Nelsons direction | Susan Graham mezzo-soprano Mahler Symphonie no 3 en ré mineur
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Le Philharmonique de Berlin fête soixante ans de concerts au LUCERNE FESTIVAL
Une vraie fête pour la musique Depuis soixante ans, le Philharmonique de Berlin se produit régulièrement à Lucerne et ses concerts sont chaque année un des grands moments du festival d’été. Il y a cependant du nouveau en cette année anniversaire : la brillante phalange allemande jouera pour la première fois à Lucerne sous la direction de son prochain directeur musical, Kirill Petrenko. PAR SUSANNE STÄHR
C
ela tient presque du rituel : à peine ouverte la location pour le festival d’été, les places pour les concerts du Philharmonique de Berlin se sont déjà pratiquement toutes envolées. On aurait du mal à trouver un orchestre qui ait un tel pouvoir d’attraction, et cela ne s’explique pas uniquement par l’aura légendaire de ses directeurs musicaux successifs. Les cent vingt-huit instrumentistes de plus de vingt nations qui le composent aujourd’hui sont tous des musiciens exceptionnels. Bien au-delà d’un jeu impeccable, une passion fougueuse les distingue. Le violoniste australien Stanley Dodds, responsable médias de l’orchestre, expliquait récemment : « Une furieuse envie de donner le maximum fait partie de notre marque de fabrique : on se jette à l’eau avec plein d’énergie et on n’a pas peur de prendre des risques. »
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De Bülow à Petrenko, brève chronique du Philharmonique de Berlin
Le Philharmonique de Berlin vient à Lucerne depuis 1958 et revient tous les années depuis 1968.
Ce trait a peut-être des antécédents historiques, il est en tout cas partie prenante de la tradition philharmonique berlinoise. Car c’est d’un acte de rébellion que naquit l’orchestre en 1882, il y a cent trente-cinq ans, après qu’une cinquantaine de musiciens de la « Chapelle » dirigée par Benjamin Bilse, mécontents de leur chef et de leurs conditions de travail, eurent pris leur liberté. Fonder à cinquante un nouvel orchestre représentait un énorme risque économique. Nécessité oblige, non seulement ils mettent eux-mêmes sur pied une série de concerts de premier plan, mais ils doivent aussi accepter au début d’être « loués » par divers chœurs, chefs et solistes, et jouer en plein air dans des lieux d’agrément. Ils font même office l’été d’orchestre balnéaire de luxe à Scheveningen, aux Pays-Bas, et ce pendant de nombreuses années. Dès le départ, ils choisissent leur chef démocratiquement et sont exigeants. Leur premier directeur musical est le célèbre Hans von Bülow, brillant intellectuel, cos-
Les concerts anniversaire du Philharmonique de Berlin 29 août | 19h30 Concert symphonique 12 KKL Luzern, Salle de concert
Philharmonique de Berlin | Kirill Petrenko direction Strauss Don Juan op. 20 | Mort et Transfiguration op. 24 | Beethoven Symphonie no 7 en la majeur op. 92 30 août | 19h30 Concert symphonique 13 KKL Luzern, Salle de concert
Philharmonique de Berlin | Kirill Petrenko direction | Yuja Wang piano Dukas La Péri ou La Fleur d’immortalité | Prokofiev Concerto pour piano no 3 en ut majeur op. 26 | Schmidt Symphonie no 4 en ut majeur
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 57
À Lucerne se produira le futur directeur musical du Philharmonique de Berlin, Kirill Petrenko.
DURANT LES ANNÉES KARAJAN, LE PHILHARMONIQUE DE BERLIN ATTEINT UNE GLOIRE PLANÉTAIRE GRÂCE À SES INNOMBRABLES DISQUES ET SES TOURNÉES EN EUROPE, EN AMÉRIQUE ET EN ASIE
Les deux premiers directeurs musicaux du vénérable Philharmonique de Berlin, fondé en 1882 : Hans von Bülow (à gauche) et Arthur Nikisch (à droite)
mopolite parlant plusieurs langues, remarquable pianiste et chef le plus convoité de son époque. Il fait travailler l’orchestre (composé exclusivement d’hommes pendant presque cent ans) méticuleusement sur les moindres détails et le mène à la perfection – le public est aux anges. Après le décès de Bülow, en 1895, le Hongrois Arthur Nikisch prend le relai. C’est un instinctif qui privilégie la poésie et une sonorité tendre et colorée. Si Bülow affectionnait parfois une gestique ample, Nikisch séduit par une nonchalance naturelle de grand seigneur qu’il souligne encore par son apparence extérieure : une moustache parfaitement taillée, une coupe de cheveux savamment étudiée, 58 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
des chemises sur mesure au col extravagant et aux longues manchettes, et des mains parfaitement soignées qu’il poudrait de blanc avant ses concerts, dit-on. VERS LA GLOIRE PLANÉTAIRE : FURTWÄNGLER ET KARAJAN Son successeur, Wilhelm Furtwängler, le grand mystique, est à cent lieues de ce genre d’extravagances. Il dirige le Philharmonique de Berlin de 1922 à 1954 et réussit la prouesse de faire sonner le répertoire connu de manière complètement nouvelle. « Diriger est créer librement », note-t-il en 1927 dans son journal, estimant qu’une interprétation fidèle au texte est seulement « la parole d’es-
prits stériles, dépourvus d’imagination ». En l’écoutant dans la Cinquième ou la Neuvième Symphonie de Beethoven, on a presque l’impression qu’il recrée l’œuvre. « Avec lui, il n’y avait jamais un seul moment prévisible, résumera le critique Hans Heinz Stuckenschmidt. Il fallait s’attendre à chaque instant à une surprise, un éclair de génie. » C’est cependant en premier lieu aux années Karajan (1955–1989) que le Philharmonique de Berlin doit sa gloire planétaire. Les innombrables disques faits durant cette période, les tournées en Europe, en Amérique et en Asie attirent une foule d’admirateurs. Karajan est le premier interprète de musique classique à faire irruption dans les magazines en homme dynamique, séduisant et couronné de succès ayant pour épouse une Française ancien mannequin, en pilote amateur ou au volant d’une voiture de sport. Grâce à sa célébrité, il réussit à créer d’excellents contacts avec le monde de l’industrie et de la haute finance qui soutient ses projets. Et surtout, il séduit les mélomanes par la sonorité somptueuse qu’il donne à
Herbert von Karajan en répétition avec le Philharmonique de Berlin à Lucerne
l’orchestre, par ses interprétations sans aspérités, aux tempi fluides, qui font la part belle au mélodieux. PAS SEULEMENT POUR L’ÉLITE : ABBADO ET RATTLE « Le maître », c’est ainsi que les musiciens appelaient respectueusement Karajan. Quelle différence avec son successeur Claudio Abbado, qui, une fois élu, se présente à l’orchestre avec ces mots : « Je suis Claudio pour tout le monde. Pas de titre ! » Aux répétitions aussi, les choses se passent désormais différemment. Abbado parle peu, très peu. L’écoute lui paraît plus importante et il souhaite créer des rapports de musique de chambre entre les musiciens qui ne sont pas pour lui des receveurs d’ordres émanant d’un chef autocratique mais des partenaires. C’est avec Abbado à la baguette que le Philharmonique de Berlin inaugure en 1998, il y a donc exactement vingt ans, le KKL Luzern, et au programme figure la même œuvre que celle que l’orchestre a donné quarante auparavant, en 1958, pour son premier concert au Festival de Lucerne sous la direction de Karajan : la Neuvième Symphonie de Beethoven. Sous la gouverne de Simon Rattle (2002– 2018), ouverture est le maître mot. Le chef britannique élargit considérablement le répertoire de l’orchestre, qui va désormais de Bach et Rameau jusqu’aux courants contemporains les plus divers, les plus âpres comme les plus doux. Avec lui, les Berlinois se sentent aussi à l’aise dans la musique française, scandinave, est-européenne ou britannique que dans le répertoire allemand. Et un public toujours plus large doit pouvoir en profiter : Rattle lance un programme éducatif – qui sera couronné par un prix –, les concerts de midi gratuits, une journée portes ouvertes, le Digital Concert Hall, et il fait jouer l’orchestre ailleurs qu’à la Philharmonie, à l’Arena de Treptow ou à l’aéroport de Tempelhof. Tourner le dos à l’élitisme et aller vers tous les publics, tel est son objectif. L’AVENIR AVEC UN MAGICIEN, KIRILL PETRENKO Né en 1972, le Russe Kirill Petrenko prendra la direction musicale de l’orchestre en 2019 mais le dirigera à Lucerne dès l’été 2018. Cet homme est un magicien. Quiconque l’a vu à
Deux autres anniversaires En 2018, l’Orchestre de la Suisse Romande et l’Orchestre philharmonique de Rotterdam célèbreront leur centenaire. 19 août | 11h00 Concert symphonique 2 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre de la Suisse Romande | Jonathan Nott direction | Renaud Capuçon violon Debussy Jeux | Sibelius Concerto pour violon en ré mineur op. 47 | Strauss Suite du ballet Schlagobers 31 août | 19h30 Concert symphonique 14 KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre philharmonique de Rotterdam | Yannick Nézet-Séguin direction | Yefim Bronfman piano Haydn Symphonie La passione en fa mineur Hob. I : 49 | Liszt Concerto pour piano no 2 en la majeur S 125 | Tchaïkovski Symphonie no 4 en fa mineur op. 36
l’œuvre sait à quels sommets il peut emmener ses musiciens. Son charisme déteint sur le public qui semble lui aussi décoller de terre. Il y a un culte autour de ses concerts : on y va comme à un pèlerinage, on se laisse envoûter par ses interprétations, on l’applaudit, étonné de tant de magie sonore qui rappelle d’autres magiciens comme Carlos Kleiber. Mais ce qu’il fait naître avec sa baguette est le résultat d’un travail méticuleux. Il prépare en effet ses concerts de manière presque obsessionnelle, se terrant dans ses partitions pour y sonder les moindres détails. Peut-être Kirill Petrenko est-il un « antimaestro », lui qui entre en scène si modestement. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’aime pas faire de l’esbrouffe et n’a qu’une chose en tête, la musique, c’est bien pour cela qu’il est si convaincant. Le marketing ne l’intéresse guère, il n’a pas signé de contrat lucratif avec une major du disque, et il ne sillonne pas le monde sans répit d’un prestigieux orchestre à l’autre. Il pourra donc se consacrer exclusivement au Philharmonique de Berlin, ce qui promet d'être une vraie fête pour la musique. ■ LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 59
Dmitry Sinkovsky & Julia Lezhneva
Le Festival de Pâques
Rolando Villazón
Des moments de bonheur spirituel
Le Festival de Pâques 2018
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u printemps 2017, Julia Lezhneva, cette jeune soprano russe à la voix d’ange, débutait triomphalement à Lucerne. Forte de ce succès, elle reviendra dès le printemps 2018 au festival, où elle sera artiste en résidence. On l'entendra dans le touchant Stabat Mater de Pergolèse, aux côtés du non moins étonnant Dmitry Sinkovsky brillant chef d’orchestre, violoniste et contre-ténor ; ainsi que dans un vaste programme de récital, de Vivaldi à Schubert, où elle nous donnera quelques échantillons de son art. La programmation du festival de Pâques 2018 a tout pour plaire au public : on y trouve
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le ténor vedette Rolando Villazón, qui se produira avec l’Iberacademy Orchestra, phalange colombienne de Medellín ; Riccardo Chailly et la Filarmonica della Scala, qui puiseront dans le répertoire russe ; András Schiff et la Cappella Andrea Barca, qui présenteront un programme Bach et Mozart entièrement en ut mineur ; et pour terminer en apothéose, les Chœur et Orchestre de la Radio bavaroise dirigés par Mariss Jansons, qui proposeront, entre autres, la Messe en ut majeur de Beethoven et la Symphonie Le Printemps de Schumann. Matthias Pintscher nous donnera des moments de bonheur spirituel en interprétant avec les LUCERNE FESTIVAL ALUMNI et
l’Ensemble intercontemporain Des canyons aux étoiles de Messiaen, une ascension musicale depuis le fond d’un canyon de l’Utah jusqu’aux astres célestes qu’Ann Veronica Janssens fera resplendir dans un spectacle de lumières. Des louanges divines résonneront également avec la Messe en mi mineur de Bruckner, un compositeur qui était « un croyant sans égal », selon son élève Franz Schalk. Enfin, on retrouvera – must du festival de Pâques – la classe de maître de Bernard Haitink, dont ce sera la huitième édition déjà. Un rendez-vous à ne pas manquer pour tous ceux qui s’intéressent à l’art de la direction d’orchestre et à ses secrets. ■
Mariss Jansons
Riccardo Chailly xy 19 mars | 19h30 Concert choral 1 Église des Franciscains
Chœur académique de Lucerne | Instrumentistes du Conservatoire de Lucerne | Ulrike Grosch direction Œuvres de Bruckner et Tomasi 20 mars | 19h30 Récital de chant Salle paroissiale MaiHof
Julia Lezhneva soprano | Mikhail Antonenko piano Airs, lieder et pièces pour piano de Vivaldi, Haendel, J.-S. Bach, Porpora, Mozart, Rossini, Bellini et Schubert 21 − 23 mars | 10h00 et 15h30 Classe de maître (direction d’orchestre) KKL Luzern, Salle Lucerne
Festival Strings de Lucerne | Élèves de la classe de maître | Bernard Haitink direction 17 mars | 19h30 Concert d’ouverture Église Saint-Léger
La Voce Strumentale | Dmitry Sinkovsky contre-ténor, violon et direction musicale |
Julia Lezhneva soprano
Œuvres de Geminiani, Vivaldi et Pergolèse 18 mars | 17h00 Concert symphonique 1 Salle paroissiale MaiHof
Iberacademy Orchestra de Medellín | Roberto González Monjas premier violon solo et direction musicale | Fatma Said soprano | Rolando Villazón ténor Œuvres de Mozart et Beethoven
Œuvres de Mozart, Weber, Brahms, Dvořák et Debussy 21 mars | 19h30 Concert symphonique 2 KKL Luzern, Salle de concert
Filarmonica della Scala | Riccardo Chailly direction
23 mars | 19h30 Concert symphonique 4 KKL Luzern, Salle de concert
Ensemble intercontemporain | LUCERNE FESTIVAL ALUMNI | Matthias Pintscher direction | Ann Veronica Janssens visualisation (lumières) | solistes Messiaen Des canyons aux étoiles 24 mars | 18h30 Concert choral 2 KKL Luzern, Salle de concert
Chœur et Orchestre symphonique de la Radio bavaroise | Mariss Jansons direction | Martin Angerer trompette | Julia Kleiter soprano | Gerhild Romberger contralto | Christian Elsner ténor | Florian Boesch baryton-basse Œuvres de Stravinsky, Hummel et Beethoven 24 mars | 21h00 Théâtre musical Théâtre de Lucerne
Chœur et Troupe du Théâtre de Lucerne | Orchestre symphonique de Lucerne | Clemens Heil direction | Marco Štorman mise en scène | Frauke Löffel décors | Bert Zander vidéo
Œuvres de Tchaïkovski, Chostakovitch et Stravinsky
Schumann Scènes de Faust Coproduction avec le Théâtre de Lucerne
22 mars | 19h30 Concert symphonique 3 KKL Luzern, Salle de concert
25 mars | 17h00 Concert symphonique 5 KKL Luzern, Salle de concert
Cappella Andrea Barca | Sir András Schiff piano et direction musicale | Schaghajegh Nosrati piano
Œuvres de J.-S. Bach et Mozart
Orchestre symphonique de la Radio bavaroise | Mariss Jansons direction | Denis Matsuev piano
Œuvres de Schumann, Rachmaninov et Bernstein
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 61
Le Festival de piano
Sir András Schiff
De l’exceptionnel, du sensationnel et de l’inédit
Le Festival de piano 2018
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idée derrière un festival est de proposer quelque chose d’exceptionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé à András Schiff de donner non pas un, mais deux récitals au festival de piano 2018, ce qui lui permettra de nous montrer toute l’étendue de son art. On le connaît pour être un expert en programmes inhabituels et un créateur d’interprétations profondes. Les choix qu’il fait dans le répertoire sont mûrement réfléchis, de ses choix découle l’instrument qu’il jouera, et lorsqu’il joue il va jusqu’au cœur de la musique en soupesant avec soin chaque détail. Ses deux concerts ne manqueront certainement pas de nous étonner une fois de plus.
62 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Andreas Haefliger doublera lui aussi la mise et jouera avec l’Orchestre de la Tonhalle deux concertos pour piano, un de Mozart et un de Ravel. Il y aura également de l’exceptionnel avec le grand maître russe Grigory Sokolov, l’un des pianistes les plus charismatiques de notre temps. C’est à Igor Levit que nous avons confié la tâche d’ouvrir les festivités. Il le fera de manière quasi mystique, en partant des mondes polyphoniques merveilleux de Bach et de Chostakovitch pour se rendre ensuite dans le royaume des prophètes et des esprits avec Schumann, Wagner et Liszt. L’organiste vedette Cameron Carpenter nous proposera quant à lui un « programme
choc » : il juxtaposera de manière inédite les Variations Goldberg de Bach à la Deuxième Symphonie de Howard Hanson, que l’on connaît du film de science-fiction Alien. Et ce n’est pas tout : un programme contemporain nous sera offert par Nicolas Hodges, qui interprétera trois nouvelles œuvres primées au Concours Christoph-Delz 2018 ; la série « Débuts » permettra de découvrir trois jeunes talents extrêmement prometteurs, le Chinois Haochen Zhang, la Germano-Iranienne Schaghajegh Nosrati et l’Italien Federico Colli ; et nous fêterons les vingt ans du festival de piano lors de la « Journée spéciale » – avec un programme exceptionnel, évidemment. ■
Igor Levit
Grigory Sokolov
Nicolas Hodges
17 novembre | 18h30 Récital 1 KKL Luzern, Salle de concert
Andreas Haefliger
Igor Levit piano 18 novembre | à partir de 11h00 Journée des claviers KKL Luzern
« Danse des touches – le festival de piano a vingt ans » 19 novembre | 19h30 Récital 2 KKL Luzern, Salle de concert
Sir András Schiff piano 20 novembre | 19h30 Concert d’ouverture de « Piano Off-Stage » KKL Luzern, Salle Lucerne
Pianistes de « Piano Off-Stage », festival dans le festival consacré au jazz 21 novembre | 12h15 Débuts 1 Église Saint-Luc
Haochen Zhang piano 21 novembre | 19h30 Récital 3 KKL Luzern, Salle de concert
Sir András Schiff piano 22 novembre | 12h15 Débuts 2 Église Saint-Luc
Schaghajegh Nosrati piano Cameron Carpenter
22 novembre | 19h30 Récital 4 KKL Luzern, Salle de concert
Grigory Sokolov piano 23 novembre | 12h15 Débuts 3 Église Saint-Luc
Federico Colli piano 23 novembre | 19h30 Récital 5 – Orgue KKL Luzern, Salle de concert
Cameron Carpenter orgue 24 novembre | 11h00 Récital 6 Église Saint-Luc
Nicolas Hodges piano 24 novembre | 18h30 Concertos KKL Luzern, Salle de concert
Orchestre de la Tonhalle de Zurich | Donald Runnicles direction | Andreas Haefliger
piano
25 novembre | 17h00 Concert final KKL Luzern, Salle de concert Les interprètes seront communiqués ultérieurement.
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 63
Mon Lucerne
« Une impression magique » Des concerts, des musées, des environs pittoresques : Lucerne a beaucoup à offrir au visiteur. Le directeur du festival Michael Haefliger et son épouse Andrea Loetscher révèlent ce que la ville a de si exceptionnel pour eux. Michael Haefliger, vous connaissez Lucerne depuis vos jeunes années… Michael Haefliger : Oui, on accompagnait mon père, le ténor Ernst Haefliger, lorsqu’il se produisait au festival. La ville magnifique, le lac, les montages… Une impression magique s’est gravée en moi, ça a été le début d’une étroite relation avec cet endroit. 64 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Et vous, Andrea Loetscher, comment avezvous découvert Lucerne ? Andrea Loetscher : Mon oncle a une maison dans les environs, à Weggis, où j’ai passé de nombreux étés dans mon enfance. Il y avait un plongeoir au bord du lac. lac. Un jour, sans trop réfléchir, je me suis jetée à l’eau. C’est comme ça que j'ai appris à nager.
Lucerne n’est pas seulement une ville musicale, l’offre culturelle y est vaste. Qu’est-ce qui vous vient en premier à l’esprit dans cette profusion ? Andrea Loetscher : Les nombreux musées. La Collection Rosengart, avec ses Picasso, ses Klee et ses Miró, le musée de Lucerne, et le Verkehrshaus, fascinant musée technique.
bain dans le lac des Quatre-Cantons pour se rafraîchir au milieu des montagnes. Et quelle est la première chose à faire quand on débarque à Lucerne ? Andrea Loetscher : Plonger dans le lac ! Un tour en bateau n’est pas mal non plus. Michael Haefliger : On peut aussi commencer par une promenade dans les ruelles de la vieille ville, sans oublier d’aller arpenter le pont couvert en bois, emblème de la ville, un vrai must !
Ou le cinéma Bourbaki qui propose de bons films, abrite une peinture panoramique historique et où il y a un bar sympathique. Que faut-il absolument avoir dans ses bagages quand on vient à Lucerne ? Michael Haefliger : La nouvelle de Tolstoï Lucerne, qu’on lira si possible à l’Hôtel Schweizerhof où elle se situe en grande partie. Andrea Loetscher: Et bien sûr son maillot de bain. Il n’y a rien de tel, l’été, qu’un bon
Qu’est-ce qu’il ne faut manquer à aucun prix ? Michael Haefliger : À part le festival ? Il faut avoir été au moins une fois dans sa vie au carnaval de Lucerne. C’est sauvage. Où aller après le concert ? Michael Haefliger : Les options ne manquent pas. Il y a par exemple le Seebar au KKL où l’on peut rencontrer les interprètes qui viennent de se produire sur scène. Andrea Loetscher : Un bel endroit est le Louis Bar de l’Hôtel Montana qui offre la meilleure vue sur le lac et où il y a régulièrement des concerts de jazz.
Lucerne est entourée de nature. Où allez-vous vous détendre ? Michael Haefliger : Par exemple à Vitznau, charmante bourgade au bord du lac. Mais c’est tout aussi bien d’aller grimper sur le Rigi ou le Pilatus. Andrea Loetscher : Ou d’aller flâner le soir le long de la rivière. Avec toutes les lumières et les gens en terrasse, on se croirait presque sur la côte méditerranéenne. Y a-t-il un endroit particulier que vous n’avez pas encore mentionné ? Michael Haefliger : Les merveilleuses églises : Saint-Matthieu, où Wagner a épousé Cosima en août 1870, l’église des Jésuites, SaintLéger… J’aime particulièrement l’église des Franciscains pour son intimité. C’est entre parenthèses dans les églises qu’est née la culture musicale de la ville. Qu’est-ce qui vous manque le plus quand vous n’êtes pas à Lucerne ? Andrea Loetscher : Le sentiment d’être au pays. Michael Haefliger : Et le lac, qui marque la vie lucernoise de son empreinte, on le croise sans cesse du regard. ■ LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 65
De grands moments de musique en perspective Les formules de concerts de l’été 2018 Le LUCERNE FESTIVAL, c’est des concerts inoubliables dans une atmosphère unique. Plusieurs formules de concerts intéressantes vous sont proposées pour l’été 2018. Que vous soyez un vieil habitué du festival, un nouvel intéressé, un visiteur du week-end ou un vacancier, vous trouverez des formules pour tous les goûts. Les avantages d’une formule : vous pouvez réserver dès la période de préréservation qui s’achève à la mi-février et ainsi être sûr d’obtenir les places et les concerts de vos rêves avant l’ouverture officielle de la location. Vous avez en outre droit gratuitement aux programmes des concerts et bénéficiez d’un bonus de fidélité. Vous trouverez des informations détaillées sur nos formules de concerts dans le calendrier des concerts page 15.
3 ou 5 concerts au choix
Formule estivale
Les grandes affiches de l’été 2018 où vous retrouverez chefs, orchestres et solistes de renom. Plusieurs choix possibles selon vos goûts. Informations détaillées dans le calendrier des concerts page 17
Intégrale LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA
Vous aimez le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA ? Alors réservez dès maintenant vos places pour les trois programmes qu’il donnera à l’été 2018 sous la direction de Riccardo Chailly. Informations détaillées dans le calendrier des concerts page 19
4 week-ends de musique
Le plein de festival pendant sept jours
Vous projetez un week-end de détente à Lucerne et souhaitez en profiter pour aller au festival ? La formule week-end est ce qu’il vous faut : vous avez un choix de quatre duos de concerts, il y en a pour tous les goûts.
Pour les accros de musique qui veulent profiter du festival au maximum : composez votre semaine festivalière avec au moins cinq concerts répartis sur sept jours d’affilée.
Formule week-end
Informations détaillées dans le calendrier des concerts page 18
66 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
Trois programmes à ne pas rater
Semaine à la carte
Informations détaillées dans le calendrier des concerts page 19
Comment réserver Dates d’ouverture de la location
Festival de Pâques | 17 – 25 mars 2018
sur notre site Internet par courrier ou par fax par téléphone
à partir du 13 novembre 2017, 12h00 à partir du 15 novembre 2017 à partir 17 novembre 2017, du lundi au vendredi de 10h00 à 17h00
Festival d’été | 17 août – 16 septembre 2018 sur notre site Internet par courrier ou par fax par téléphone
à partir du 5 mars 2018, 12h00 à partir du 8 mars 2018 à partir du 15 mars 2018, du lundi au vendredi de 10h00 à 17h00
Festival de piano | 17 – 25 novembre 2018 sur notre site Internet par courrier ou par fax par téléphone
à partir du 6 août 2018, 12h00 à partir du 8 août 2018 à partir du 13 août 2018, du lundi au vendredi de 10h00 à 17h00
Toute l’année dans nos points de vente en Suisse À partir du moment où sont mises en vente les places de concert sur notre site Internet, vous pouvez également acheter vos billets dans nos points de vente habituels.
Vous trouverez les adresses de nos points de vente en Suisse dans le calendrier des concerts page 22.
Vous pouvez bien sûr réserver sur place également durant le festival
En période de festival (durant le festival de Pâques à partir du 21 mars), chaque jour de 10h jusqu’à la fin de l’entracte du concert, vous pouvez acheter vos places pour le festival en cours et pour le festival suivant au guichet du LUCERNE FESTIVAL, entrée principale du KKL Luzern (côté lac). Au cas où vous décideriez d’aller au concert au dernier moment, vous pouvez acheter des places sur le lieu du concert jusqu’à peu avant la fermeture des portes. C’est également sur le lieu du concert que vous pourrez retirer les places que vous avez commandées et payées. Réservations et Renseignements LUCERNE FESTIVAL Billetterie & Renseignements | Case postale | CH–6002 Lucerne tél. +41 (0)41 226 44 80 | fax +41 (0)41 226 44 85 ticketbox@lucernefestival.ch | lucernefestival.ch
Réductions pour étudiants, scolaires, et titulaires d’une CarteCulture
Pour les concerts qui n’affichent pas complet, les étudiants, scolaires, apprentis, membres du Jugend-Theaterklub de moins de vingt-neuf ans, et titulaires de la CarteCulture (KulturLegi) peuvent acheter des billets à 20 CHF dans l’heure précédant le début du concert. On trouvera des informations sur d’autres offres spéciales pour étudiants sur le site lucernefestival.ch/étudiants. Dans le cadre de notre offre spéciale « Au concert en famille », destinée à intéresser le jeune public à la musique classique, nous vous proposons un nombre de concerts où vous pouvez emmenez gratuitement un enfant de moins de dix-huit ans.
Places pour personnes en fauteuil roulant
Dans la salle de concert du KKL Luzern, six places pour personnes en fauteuil roulant sont à votre disposition à tarif préférentiel. Il y a également des places pour personnes en fauteuil roulant dans les autres lieux de concert. Pour plus d’informations, consultez le calendrier des concerts page 21. Notre personnel au guichet vous renseignera volontiers si vous avez besoin d’aide pour la réservation.
LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018 67
© Patrick Hürlimann/LUCERNE FESTIVAL
FESTIVAL D’ÉTÉ 2018 CHAQUE JOUR UNE PHALANGE D’EXCEPTION
VENEZ ÉCOUTER LES GRANDS ORCHESTRES AU LUCERNE FESTIVAL Orchestre philharmonique de Berlin | Orchestre symphonique de Boston | Orchestre de chambre d’Europe | English Chamber Orchestra | Orchestre symphonique de Londres | Orchestre philharmonique de Londres | LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA | Orchestre symphonique de Lucerne | Mahler Chamber Orchestra | Orchestre philharmonique de Munich | Orchestre de la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY | Orchestre de la Suisse Romande | Orquesta Sinfónica Simón Bolívar de Venezuela | Orchestre philharmonique de Rotterdam | Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam | Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg | Orchestre du Divan occidental-oriental | Orchestre philharmonique de Vienne Réservations : tél. +41 (0)41 226 44 80 | lucernefestival.ch
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KKL Luzern, Europaplatz 1, Lucerne Casineum, Haldenstrasse 6, Lucerne Église des Franciscains, Franziskanerplatz, Lucerne Église Saint-Léger, St. Leodegarstrasse 6, Lucerne Parc d’Inseli Église des Jésuites, Bahnhofstrasse 11a, Lucerne Musée, Europaplatz, Lucerne Église Saint-Luc, Morgartenstrasse 16, Lucerne Théâtre de Lucerne, Theaterstrasse 2, Lucerne Maskenliebhabersaal, Süesswinkel 18, Lucerne Salle paroissiale MaiHof, Weggismattstrasse 9, Lucerne Église Saint-Matthieu, Hertensteinstrasse 30, Lucerne Neubad, Bireggstrasse 36, Lucerne Südpol, Arsenalstrasse 28, Kriens (prendre le bus no 14 à la gare) Pavillon Tribschenhorn, Richard-Wagner-Weg 17, Lucerne (bus nos 6/7/8)
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Pour éviter les encombrements et les difficultés de stationnement durant les périodes de festival, il est recommandé d’utiliser les transports en commun. Nous conseillons aux festivaliers qui viennent en voiture d’aller se garer dans un des parkings fléchés et de prendre le bus pour rejoindre le KKL Luzern qui se trouve juste à côté de la gare. Le plan ci-contre vous indique l’emplacement des parkings. Vous trouverez plus d’informations sur le site parking-luzern.ch. Parcs relais (P+R) Plusieurs gares des environs de Lucerne sont dotées d’un parc relais permettant de garer sa voiture et de se rendre à Lucerne en train. Notamment les gares de Sursee, Rotkreuz, Zoug, Wolhusen, Arth-Goldau et Sarnen disposent de nombreuses places de stationnement. Vous souhaitez en savoir plus sur Lucerne et ses environs ? Vous êtes à la recherche d’un hébergement ? Informations touristiques Office de tourisme de Lucerne : Zentralstrasse 5 | CH–6002 Lucerne | tél. +41 (0)41 227 17 17 Hébergement L’Office de tourisme vous aidera à trouver un hébergement. Centrale de réservations : tél. +41 41 227 17 27 | luzern@luzern.com
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Le LUCERNE FESTIVAL remercie ses sponsors principaux, le sponsor du thème et les sponsors d’un concert de l’année 2018 pour leur précieux engagement. Sponsors principaux
Mener à bien des projets au fort contenu en coopération avec des grands noms de l’économie est une voie qu’emprunte volontiers le LUCERNE FESTIVAL. Diverses entreprises, qui se sont engagées dans un partenariat à long terme avec le festival afin de soutenir la création et la mise en œuvre d’idées artistiques, sont devenues nos sponsors principaux. Le Credit Suisse permet de faire venir chaque année le Philharmonique de Vienne. En outre, la Fondation du Credit Suisse se consacre aux jeunes talents en décernant deux prix en alternance : le Credit Suisse Young Artist Award et le Prix Credit Suisse Jeunes Solistes. Nestlé S.A. a fait sienne l’idée ambitieuse d’un orchestre attaché au festival et rend possible, par ses contributions, la résidence annuelle du LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA. Roche, engagé dans un partenariat avec la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY, commande des œuvres dans le cadre de deux projets en alternance : les Roche Commissions et les Roche Young Commissions. Les partitions nées de ces commandes sont données en création mondiale au festival d’été.
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The Adecco Group est depuis 2017 le sponsor principal du festival d’été. Il soutient également l’accroissement des activités festivalières à l’étranger, notamment les concerts du LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA en Asie, et renforce ainsi le rayonnement international du festival. Zurich Compagnie d’Assurances SA (Zurich) se donne pour objectif principal de permettre à un large public d’avoir accès à la musique classique. Cet engagement se traduit notamment dans son soutien à la série de petits concerts gratuits « 40min » dans la Salle Lucerne.
Sponsor du thème
Le festival d’été de Lucerne est traditionnellement placé sous le signe d’un thème général qui imprime sa marque sur la programmation. Le thème de 2018 sera « l’Enfance ». L’accent sera mis sur des œuvres qui ont trait à la jeunesse ou évoquent la poésie de l’enfance, mais il y aura aussi de nombreuses productions qui s’adressent plus particulièrement à la jeune génération, mettant ainsi le public de demain à l’honneur. Vontobel est le sponsor du thème.
Partner
Les Partenaires du LUCERNE FESTIVAL Festival de Pâques Sponsor principal Festival d’été Sponsors principaux
Sponsor du thème Sponsors d’un concert
Clariant | Franke | KPMG SA
Festival de piano Sponsor d’un concert
Julius Baer
Nous nous tenons à votre disposition pour parler avec vous des différentes possibilités de partenariat et vous faire une proposition de coopération parfaitement adaptée à vos besoins. Contact Martina Lötscher Direction du mécénat Hirschmattstrasse 13 Case postale | CH–6002 Luzern tél. +41 (0)41 226 44 57 m.loetscher@lucernefestival.ch
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La Fondation des Amis du LUCERNE FESTIVAL
Les Ambassadeurs du festival
La Fondation des Amis du LUCERNE FESTIVAL Comment les qualifier ? De cercle exclusif ? de réseau international ? ou d’ambassadeurs du LUCERNE FESTIVAL ? Toutes ces dénominations sont pertinentes pour désigner les Amis du LUCERNE FESTIVAL, qui comptent actuellement cinq cents adhérents. Depuis leur création en 1966, ils se sont donné pour objectif de soutenir l’un des festivals de musique classique les plus renommés du monde – idéalement et financièrement.
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e soutien est d’une valeur inestimable pour le festival. Les Amis du LUCERNE FESTIVAL participent au budget global à hauteur de huit pour cent, contribuant de manière déterminante à l’équilibre financier de la manifestation et à sa pérennité. Et ils n’ont pas seulement à cœur de soutenir le festival d’aujourd’hui, mais aussi d’aider à créer des
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bases solides pour le festival de demain – par exemple en apportant leur pierre à des initiatives innovatrices comme la LUCERNE FESTIVAL ACADEMY ou LUCERNE FESTIVAL YOUNG. Ainsi les Amis sont-ils devenus le plus grand mécène et un partenaire indispensable du festival. On ne peut être que gagnant en s’inscrivant aux Amis du festival, car en faire partie comporte de nombreux avantages.
On est membre d’un cercle privilégié de festivaliers, on peut élargir son expérience musicale en assistant à des entretiens avec des interprètes ou à des répétitions, et développer des contacts intéressants avec des mélomanes du monde entier. En outre, on est prioritaire à la réservation pour tous les concerts, on a accès au salon exclusif du festival, et on peut participer aux voyages musicaux des Amis du Festival.
TU T’INTÉRESSES À LA MUSIQUE ?
Les Jeunes Amis du LUCERNE FESTIVAL
Tu souhaiterais te plonger plus à fond dans l’univers de la musique classique et partager tes impressions avec d’autres mélomanes ? Alors pourquoi ne pas rejoindre les Jeunes Amis du LUCERNE FESTIVAL ? Nous sommes un réseau de jeunes gens (moins de quarante ans) intéressés par la musique et la culture en général. Nous nous retrouvons pour aller ensemble au concert – à un tarif préférentiel – et pour d’autres activités communes. Pour plus d’informations, envoie un courriel à jungefreunde@lucernefestival.ch
REMERCIEMENTS Le LUCERNE FESTIVAL remercie ses Amis pour leur soutien ancien et fidèle. Il adresse des remerciements plus particuliers à ses mécènes : Thomas Abegg | Nachlass Ernest I. Ascher | Dr. Dr. Prof. H. Batliner | Albert Behler | Jörg G. Bucherer | Coralma Stiftung, Meggen | Oswald J. Grübel | Yann et Sabine Guyonvarc’h | Happel Foundation, Luzern | Dr. Klaus Jenny | Josef Müller Stiftung, Muri | Dr. Christoph M. Müller et Sibylla M. Müller | Michael Pieper | Marlene Porsche | Dr. Max J. Scheidegger et Charlotte Scheidegger-Vonlanthen | Thomas Schmidheiny | Carla Schwöbel-Braun
DEVENEZ VOUS AUSSI AMBASSADEUR DU FESTIVAL ! Nous sommes à votre disposition pour vous donner toutes les informations nécessaires sur les Amis du LUCERNE FESTIVAL.
Contact Valentina Rota directrice générale de la Fondation des Amis du LUCERNE FESTIVAL Collecte de fonds privés Hirschmattstrasse 13 Case postale | CH–6002 Lucerne tél. +41 (0)41 226 44 52 fax +41 (0)41 226 44 60 v.rota@lucernefestival.ch LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
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Coopérations AMAG Audi Center Luzern, Car Partner | KKL Luzern, partenaire événementiel | Luzern Tourismus | MetaDesign, partenaire en communication | Palace Luzern | Radio SRF 2 Kultur, Medienpartner | CFF, société de chemins de fer officielle | Swiss International Airlines, compagnie aérienne officielle | Zones de groupement tarifaire « Passepartout », partenaire de transport | Top Events of Switzerland Adresses | Mentions légales
LUCERNE FESTIVAL LUCERNE FESTIVAL | Hirschmattstrasse 13 | case postale | CH–6002 Luzern tél. +41 (0)41 226 44 00 | fax +41 (0)41 226 44 60 info@lucernefestival.ch | lucernefestival.ch Billetterie & Renseignements LUCERNE FESTIVAL | case postale | CH–6002 Luzern tél. +41 (0)41 226 44 80 | fax +41 (0)41 226 44 85 ticketbox@lucernefestival.ch | lucernefestival.ch Une publication de la Fondation du LUCERNE FESTIVAL | lucernefestival.ch Directeur du festival | Michael Haefliger Rédactrice en chef | Susanne Stähr Chef d’édition | Malte Lohmann Traduction | Daniel Fesquet Direction artistique et conception graphique, Composition et mise en page | Isabelle Gargiulo Publicités | Bettina Jaggi Impression | Engelberger Druck AG, Stans Tous les textes de ce magazine sont originaux. Crédits photographiques p. 1, 5 (au milieu) et 20–21 : Julia Wesley − p. 3, 19 (à droite) et 55 (en bas) : Marco Borggreve – p. 5 (en haut), 6–7, 8 (en haut), 9, 12, 13 (en haut), 23 (au milieu et à droite), 44–45 (en haut et en bas), 52 (en haut) et 60–61 : Peter Fischli/LUCERNE FESTIVAL – p. 5 (2e photo en partant du haut), 14–15, 16 (au milieu et en bas), 17 et 18 : Archives de la Fondation Stockhausen de Kürten – p. 5 (en bas à gauche), 22 (à gauche), 24, 26, 44, 46, 52 (en bas), 61 (à droite) et 63 (en haut à gauche, en bas et au milieu à droite) : Priska Ketterer/LUCERNE FESTIVAL − p. 8 (en bas), 47, 54 (en haut et en bas), 62, 72 et 73 (en haut et en bas) : Manuela Jans/LUCERNE FESTIVAL − p. 10–11, 30 (en haut) et 50 : Stefan Deuber/LUCERNE FESTIVAL – p. 13 (au milieu), 30 (en bas), 39 et 59 : Archives du LUCERNE FESTIVAL – p. 16 (en haut) : tiré de Josef Häusler (dir. de publ.), Pierre Boulez in Salzburg, Festival de Salzbourg 1995 − p. 19 (à gauche), 27, 31 et 66 : Georg Anderhub/LUCERNE FESTIVAL – p. 28–29 : Hugh Glendinning – p. 32 : Ranald Mackechnie − p. 36 : portait de Mozart, probablement par Pietro Antonio Lorenzoni, Fondation internationale du Mozarteum de Salzbourg – p. 38 (en haut) : portrait de Mendelssohn par Carl Begas, Bodleian Library d’Oxford – p. 38 (en bas) : tiré de Daniel Barenboïm, Die Musik − mein Leben, Berlin, 2004 – p. 40 (en haut à gauche et au milieu) : Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne – p. 40 (en haut à droite) : Alex Nightingale − p. 43 : Anouk Antony – p. 48–49 : collections privées, avec l’aimable autorisation des interprètes – p. 51 (en haut) : Stas Levshin – p. 51 (en bas) : Enrique Pardo – p. 53 (en haut) : LAPhil/Vern Evans – p. 55 (en haut) : Uwe Arens – p. 56–57 : Stefan Höderath – p. 58 (en haut) : Monika Rittershaus − p. 58 (en bas à gauche et à droite) : Aristophot, Leipzig – p. 60 (à gauche) : Harald Hoffmann − p. 61 (au milieu) : Luca Piva − p. 63 (en haut à droite) : Mary Slepkova – p. 63 (au milieu) : Eric Richmond – p. 64 : Emanuel Ammon/AURA – p. 65 : Luzern Tourismus − p. 70 : Patrick Huerlimann/LUCERNE FESTIVAL Malgré des recherches intensives, il n’a pas été possible de clarifier les droits de certaines photos reproduites dans ce magazine. Nous nous excusons d’avance auprès des potentiels détenteurs des droits et les prions d’adresser leur réclamation à la rédaction. Ce magazine a été publié en octobre 2017. Le festival se réserve le droit de modifications ultérieures. Les tarifs imprimés sont sans garantie.
Ce produit durable et climatiquement neutre est certifié FSC et répond aux normes de ClimatePartner. Imprimé en Suisse | © 2017 LUCERNE FESTIVAL 74 LUCERNE FESTIVAL | MAGA ZINE 2018
© Patrick Hürlimann/LUCERNE FESTIVAL
LE LUCERNE FESTIVAL SUR VOTRE ÉCRAN Un simple tap et vous plongez dans l’univers riche et varié du festival. Interviews avec chefs et solistes de renom, retransmissions de concert en direct et bien d’autres choses encore… Suivez-nous sur #lucernefestival @lucernefestival
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