LE SEUIL DU LOGEMENT Lucie Gualina

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LE SEUIL DU LOGEMENT

DANS SA CONCEPTION, SA PERCEPTION ET SA PRATIQUE



SÉMINAIRE MASTER LAB43, Carnet Curieux «Ville métropolitaine», ENSAM 2017/2018. «Les visages de la ville» Thème commun avec Loïs Gabriagues et Lina Rachedi.

LA FAÇADE,

INTERFACE PUBLIC/PRIVE

LE SEUIL DU LOGEMENT

DANS SA CONCEPTION, SA PERCEPTION ET SA PRATIQUE

Par Lucie Gualina, Étudiante en parcours recherche.

Sous la direction de : Rémy Marciano, Marion Serre, Muriel Girard Philippine Moncomble.


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REMERCIEMENTS Merci aux habitants, aux rencontres inopinées et aux personnes qui se sont intéressées à notre travail sur le terrain, en répondant à nos questionnaires ou encore en participant volontairement aux prises de vues ... Aux professeurs qui nous suivent et cadrent nos recherches, qui nous aiguillent et nous poussent toujours plus loin : Muriel Girard et Rémy Marciano avec Marion Serre, accompagnés de Philippine Moncomble. A mes amis qui me motivent et ma famille qui me soutient dans ces recherches chronophages mais passionnantes ...

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OUVRONS L’IMAGINAIRE DU SEUIL ...

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS

p.

AVANT-PROPOS INTRODUCTION

p. 12 p. 16

I. DÉBORD SUR L’ESPACE PUBLIC

p. 30

5

Le cas de l’immeuble de ville, Le seuil symbolique. Conclusion

II. L’ACCUEIL PAR RENFONCEMENT

p. 50

Le cas de l’immeuble nouveau, Un tournant de la réglementation. Conclusion

III. TRANSITION PROGRESSIVE

p. 74

Le cas du logement pavillonnaire, Une traversée organisée. Conclusion

CONCLUSION GÉNÉRALE OUVERTURE

p. 98

BIBLIOGRAPHIE

p.118

ANNEXES

p.126

9

p.112


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Photographie personnelle, MATÉRIALITÉ DE SEUIL, Boulevard Lord Duveen, 2017. 11


AVANT-PROPOS Quand on interroge les habitants, le seuil est généralement défini comme la porte d’entrée principale d’un édifice. (Interviews de septembre 2017, s9 séminaire). En partant de cela, la définition mise en avant pour ce qui est de la porte menant à un logement est que cette porte est considérée en général soit comme la porte principale, ou porte-guichet, soit comme une porte de service. Ces portes notamment en ville sont souvent soulignées par un perron d’une ou plusieurs marches. La fonction première de ce seuil, physique, est de protéger des eaux et des pénétrations non désirées dans l’intérieur du logement. De plus, il est souvent évoqué par les habitants interrogés dans Marseille que la porte d’entrée doit être sécurisée contre les effractions, « les assurances l’obligent ! »1. Ainsi, cette première approche d’après la notion de seuil urbain, de seuil d’entrée, nous amène à souligner un certain nombre d’éléments matériels autour du vocabulaire de l’entrée comme la sonnette ou l’interphone, le tapis d’entrée mais également de notions liées à cet espace de seuil : lieu de passage, lieu de transition, limite physique, espace de dissuasion, porte de sécurité, ou espace sécurisé. Dans les diverses définitions (voir CNRTL.fr) proposées autour de la notion de « seuil », du vocabulaire d’architecture à celui de la maçonnerie, il se définit essentiellement comme un élément physique, prenant l’apparence d’une pierre de qualité, dont la fonction est purement technique: protéger des intempéries, de l’usure, etc. C’est un élément extérieur au logement pour en protéger l’intérieur. Le mot protection est alors vague, se protéger de quoi et pourquoi ? De la saleté peut-être de l’extérieur de la rue mais également des gens qui ne sont pas invités à entrer. Ici apparaît la dimension sécuritaire, indissociable a priori de la mention du seuil. Forts de ce constat, nous nous interrogeons sur les évolutions des dispositifs et des typologies de seuil fabriqués en fonction de cet aspect sécuritaire. Entretien du 2 octobre 2017, Rue Paradis. «Le plus important c’est la sécurité contre les jeunes du quartier, la porte principale c’est comme ma porte d’entrée que j’ai faite changer, elle doit être blindée, les assurances l’obligent !», Homme d’environ 70 ans habitant un logement collectif récent. 1

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FRANCHIR LE MATÉRIALITÉ DE PERCEPTION DU MARQUAGE DU PASSAGE DE

PASSAGE DE TRANSITION DU RITUEL DU RITE DU FAÇADE ESPACE AVANT LE ESPACE APRÈS LE

SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL

LIMITE PORTE MENTAL PHYSIQUE JAPONAIS DE PROTECTION D’ÉCHANGE VERTICAL DE TRANSITION ARCHITECTURAL URBAIN FRANCHISSABLE PUBLIC EN PIED DE FAÇADE PRIVÉ SÉCURITÉ

GUALINA Lucie, Essai de vocabulaire associé au seuil : Le seuil à la GEORGES PEREC, 2017. 13


Digicode, serrure, clé ou badge, interphone, sont autant d’objets qui soulignent cette volonté de sécuriser l’habitant du monde inconnu de la rue. C’est à partir de ce scénario sécuritaire d’entrée que l’on peut supposer que le seuil est bien plus qu’une simple pierre sur laquelle on poserait le pied avant de pousser une porte. Jean-Charles Depaule décrit le seuil parmi d’autres dispositifs qui permettent de passer à travers la façade « Murs, portes, fenêtres, seuils. Ce sont les limites qui séparent l’intérieur de l’extérieur du logement [...] et qui marquent la différence entre le dedans et le dehors »2. Le seuil est souvent étudié dans sa zone de transition globale, noyé dans des études liées à la façade entière, situé en exemple comme élément «concept» au même titre que la fenêtre. C’est un élément de rupture dans l’épaisseur du mur. Les acteurs majeurs sur cette vision de la notion de seuil en tant que rituel ou transition dans la façade sont Philippe Bonnin, Pierre Cenlivres, Jean-Charles Depaule, ou encore Arnold Van Gennep. Tout un monde gravite autour de cette notion de seuil d’entrée et nous allons tenter d’en expliciter les formes à travers différentes approches : d’abord une étude typo-morphologique puis une classification par date, localisation, type d’opération de logement. Mais il s’agira également de comprendre l’évolution globale de la notion de seuil pour la conduire vers une nouvelle question : comment appréhender ce type d’espace de nos jours ? Pour cela il faut tenter d’éclaircir comment sont traités les espaces de seuils et quels usages, désirés ou non, ils favorisent. Un recoin sombre, difficilement accessible, abrupt, implique de l’inquiétude ou un espace trop ouvert, à la vue de tous, semble franchissable et pas sécurisé.

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DEPAULE Jean-Charles, A travers le mur, Parenthèses, 2014. Page 42. 14


LOGE GARDIEN

GUALINA L.

1 4 7 A

STOP PUB

MAIRIE DE MARSEILLE

2 3 5 6 8 9 0

..\..\..\d RACHEDI L.

GUALINA L.

GABRIAGUES L.

HARDY S.

DUPONT S.

SERRE M.

BRAD P. MARCIANO R.

VIGIK

Redessin de la signalétique du seuil , sécurité et identité de l’habitant, Octobre 2017. 15

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INTRODUCTION Le terrain de l’étude se situe sur la totalité de la métropole marseillaise. L’étude consistera à observer les seuils de logements de toutes typologies dans Marseille et sa métropole urbaine appelée Marseille-Provence3. Nous considérerions que le territoire Marseillais possède une pluralité de situations et de typologies d’espaces publics qui permette d’étudier de nombreux dispositifs de seuils4. La notion même de «seuil» serait à définir en revenant à l’essence même de sa terminologie exacte et de l’apparition de ce terme. Dans l’image courante du seuil, on le représente comme la porte d’entrée mais ne serait-ce pas plutôt le sol qui fait office de seuil ? Et plus encore, le seuil serait-il plutôt fabriqué dans une épaisseur qui se déroule de l’espace public à l’espace de l’intime ? Cette transition peut être perceptible par des détails (sonnette...), des dispositifs architecturaux (porches, marches, hauteur, qualité de sol,...). Nous ouvrirons le questionnement sur l’épaisseur globale du seuil, dans la longueur, la largeur et la hauteur que l’on franchit. C’est à partir de ces propos que nous allons tenter d’élucider la question : qu’est-ce qui fait réellement seuil ? De ces questionnements, apparaît une question plus fondamentale: l’espace de seuil peut-il être porteur de nouveaux usages ou de leur soutien dans une ville de plus en plus conservatrice, régulatrice et réductrice des usages ? Nous allons tenter de comprendre comment nous habitons ces espaces de seuils à partir de l’évolution même de l’objet physique et de l’évolution de la notion dans le temps, les mœurs et les réglementations … L’espace de seuil est analysé comme un espace porteur d’usages en tant que potentiels de nouveaux lieux d’usages. Actuellement, l’espace d’entrée est travaillé pour composer un véritable lieu de rencontre, de conversation, de flux à la fois 3 http://www.marseille-provence.fr/index.php/institution/les-18-communes. Les 18 communes (regroupant 605 km² pour 1 042 700 habitants) de l’ancienne communauté urbaine MARSEILLE PROVENCE MÉTROPOLE forment aujourd’hui le territoire de Marseille-Provence au sein de la métropole. Marseille-Provence est un territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. 4 Voir Carte en double page suivante des seuils relevés dans le cadre de l’étude et des relevés typo-morphologiques. 16


C’est en se promenant en ville, avec un œil concentré sur le thème du seuil, que différentes typologies d’espaces, de marquages à la fois physiques ou visuels, d’épaisseurs de sols, envahissent le champ de notre réflexion sur l’espace urbain. Les usages et les rites, dédiés aux différentes sortes de seuils dans la ville, font leurs apparitions et se détachent des nombreuses autres informations qui composent nos ressentis quotidiens de l’ambiance «ville». Le seuil se présente alors sous de multiples facettes. Des notions de matérialités, d’usages, de transitions, de limites, gravitent autour de ce mystère à la fois physique et culturel : le seuil. GUALINA Lucie, 2017.

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CADRE DE L’ÉTUDE

Tissu dense du centre-ville et Rue Paradis

Bâtiments type cabanons

Quartier de la Joliette

Boulevard du Michelet Quartier de Mazargues

Quartier Cité-Jardin Saint-Loup

Boulevard Michelet et bâtiment de Le Corbusier

Quartier des Crottes

CARTE DE MARSEILLE ET SA MÉTROPOLE, fichier agence 331 corniche architecte, Lucie Gualina. 18


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statiques et de passages, comme Le Corbusier dans son travail sur la création de Cité Radieuse. Comment les habitants ou utilisateurs se saisissent-ils de cet objet pour se l’approprier le temps d’un moment, d’une conversation ou d’une rencontre? Certains espaces favorisent-ils plus l’assise, le repos ou le passage rapide que d’autres ? Quels types de seuils pour quels usages ? Arnold Van Gennep, ethnologue, a été l’un des premiers à travailler autour de la notion de seuil. Sa vision du seuil est celle de l’élément physique de la pierre du pas de la porte qui est porteuse de rites et de rituels. « […] pour comprendre les rites relatifs au seuil, il convient de se rappeler que le seuil n’est qu’un élément de la porte […] ». Mais nous allons tenter de montrer que de nombreuses notions gravitent autour du seuil d’entrée, des notions liées à la façade et son épaisseur, à la façade poreuse ou le fait de traverser le mur. L’hypothèse est que le seuil est passé du statut d’élément matériel, la pierre de seuil uniquement pratique et technique, à celui d’un espace, d’un lieu à part entière, par sa théorisation et sa représentation. Il est devenu un espace de transition du public au privé, une limite, une marge. Une seconde hypothèse soulève l’idée que cette évolution se serait faite dans le but d’une économie de matière, qualité de vie et nouvelles manières d’habiter soulignées par la réglementation des normes d’accessibilité. L’aspect normalisé des réglementations sur l’accessibilité des lieux serait le facteur d’un effacement programmé du seuil d’entrée et de la « marche » originelle du seuil de la porte. Nous allons penser les normes comme une ressource et non une contrainte. On considère que les typologies de seuil ont évolué dans le temps en fonction des besoins, des réglementations, etc. Cela favorise de nouveaux usages spécifiques aux nouvelles typologies aménagées comme des utilisations cycliques (heures/jours), liées au programme (logements / bureaux,...) ou à la typologie (protection solaire / pluie / vent...). Les réglementations semblent être très normatives et cadrées au regard de la complexité urbaine en constante évolution. L’espace de seuil peut devenir un espace travaillé de manière Ci-contre : Typologies d’entrées dans le logement dans son rapport frontal à la rue, photographies personnelles. 20


TYPE 1 : LA PORTE

TYPE 2 : LA PORTE DE GARAGE

TYPE 3 : LA GRILLE

TYPE 4 : LE PASSAGE


à créer des espaces de convivialité, d’échanges, de transition, de respiration, au sens porosité ou aspérité dans la monotonie du cheminement dans une rue passante, aux façades lisses successives d’une rue quelconque dans l’espace public. Nous avons pour hypothèse que ce savoir pourrait être réinjecté dans la pratique du projet et le travail sur le logement par exemple. L’accès du seuil du logement permettra de s’adapter aux nouveaux modes d’habiter la ville, pour travailler l’espace de seuil comme lieu de pratique, d’usages et de vie. C’est à partir de la méthode d’analyse développée à l’Université de Nice Sophia-Antipolis «méthode d’analyse typomorphologique de l’espace public »5 que nous tenterons de décrypter chaque seuil de notre échantillonnage. Tout cela va permettre de décrire méthodiquement chaque seuil étudié pour obtenir des relevés précis qui pourront servir d’éléments comparatifs. L’objectif étant d’associer ces descriptions typo-morphologiques à l’usage qui leur est associé et aux témoignages des habitants qui pratiquent ces seuils ... Nous observerons l’évolution de la conception des seuils et l’évolution de la mise en place des seuils urbains dans les typologies de logements principalement. Cela se fera en retournant à la base de la conception de chaque seuil étudié : la période, le programme de logement, collectif ou pavillonnaire... Les ouvrages classiques de typo-morphologie aideront à concevoir des catégories de seuils urbains et les critères de classement pour organiser les relevés sur site. Cela permettra de développer un Atlas complet des typologies de seuils pour comprendre leur dessin en coupe, en plan et de manière frontale la décomposition des éléments qui fabriquent un seuil et les usages qui en découlent. L’atlas permettra de démontrer que chaque seuil étudié et classé en catégories typo-morphologique et d’usage associé à l’historique de son évolution sera représentatif d’une typologie normative. L’objectif de l’échantillonnage sera de relever le plus de seuils possible durant ce semestre pour obtenir un maximum d’éléments comparables. Les quartiers étudiés durant l’analyse sont localisables sur la carte de l’étude. 5 Voir description de la méthode d’analyse en Annexes page 128-129. «L’analyse des espaces publics – Les places» a été produit par l’Université de Nice en partenariat avec l’UNT UOH. L’œuvre est basée à unt.unice.fr. 22


LISTE DES TYPES DE SEUIL

SITUATION APPORTÉE

ÉLÉVATION PHYSIQUE (MARCHES) DÉBORD SUR L’ESPACE PUBLIC ANCIENS IMMEUBLES DE VILLE

ESPACE D’ASSISES SEUIL MATÉRIEL CONTINUITÉ DU RAPPORT AU SOL ET TRANSPARENCE

ACCUEIL PAR RENFONCEMENT IMMEUBLES MODERNES

LIEU LIEUDE DEPASSAGE PASSAGE SEUIL SEUIL==ESPACE ESPACEGLOBAL GLOBAL USAGES RAPIDES USAGESQUOTIDIENS QUOTIDIEN RAPIDES SÉCURITÉ SÉCURITÉ

TRANSITION DU PUBLIC AU PRIVÉ VOLONTAIRE ETAPES DE TRANSITIONS, PORTAIL, CHEMIN, PORTE DE MAISONS

CAPACITÉ À INVESTIR COMPOSER LA LIMITE SUPERPOSITION DE LIMITES

IMMEUBLE DE VILLE

IMMEUBLE RÉCENT

INDIVIDUEL

Classement d’après les relevés des typologies de seuils21 en fonction des usages observés, Octobre 2017. 23

ET


A partir de ce qu’il y a eu dans la conception du seuils, nous allons tenter de comprendre ce qui se fait actuellement, pour tendre vers ce qu’il pourrait y avoir ... Pour traiter cela, nous allons dans une première partie décrypter l’exemple du seuil rue Paradis, pour comprendre comment un seuil est emblématique de l’immeuble grand bourgeois. Puis comment le seuil est pensé par les modernes dans la découverte de la transparence et de la fluidité et enfin comment le seuil peut-être représentatif de l’identité de son habitant dans une séquence organisée de l’espace public à l’espace privé. Nous soulignerons chaque cas d’étude par les interviews des usagers de chaque seuil et les savoir-faire des architectes qui ont travaillé la question du seuil pour tenter de mettre en évidence quel seuil est révélateur de quels usages.

Ci-contre : Catalogue des principaux dispositifs de seuils architecturaux, Décembre 2017. 24


PUBLIC/ PRIVÉ

PUBLIC/ PRIVÉ

DÉBORD

TOITURE

DÉBORD

MARCHE

DÉBORD

ALCOVE

DÉBORD

ESCALIER

RETRAIT

ESCALIER

RETRAIT

TOITURE

RETRAIT

ALCOVE

SÉQUENCE D’ACCUEIL

SÉQUENCE MULTIPLES DE LIMITES

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PUBLIC/ PRIVÉ

PUBLIC/ PRIVÉ

SÉQUENCE FRANCHE


HISTORIQUE L’évolution du mot seuil de « suil » en 1170 « pièce de bois ou dalle de pierre au bas de l'ouverture d'une porte » (Rois, éd. E. R. Curtius, I, V, 4, p. 12) à « suez » en 1392 « pièce formant la partie inférieure d'une ouverture et sur laquelle vient s'appliquer l'élément mobile » (6 mai, Chirogr., A. Tournai) souligne le fait que la terminologie première du mot seuil est technique. Le seuil est donc au début de sa conception, une pièce de bois ou de pierre que l’on place au bas d’une embrasure de porte. Cet élément doit résister à l’usure et également aux intempéries. L’objectif premier de cet élément matériel est destiné à être franchi en levant le pied. L’évolution dans le temps du seuil est plus théorisé, apportant une prise de conscience sur son aspect symbolique. Le seuil matérialise le changement de lieu comme l'entrée dans un espace privé, c’est la matérialisation, le franchissement d’un espace qui est porteur de rites ou de rituels: par exemple au-delà du seuil d’entrée on doit se déchausser. A l’époque des moines bâtisseurs, le seuil d’entrée est travaillé comme un élément où l’on est forcé de se prosterner pour afficher sa soumission à l’hôte qui nous accueille. On retrouve ce type de franchissement dans les églises romanes avant que l’évolution de la typologie par l’apport culturel de l’ogive, entraîne une transformation de l’entrée qui est surmontée d’une amande gothique qui force l’élévation de l’Homme. (Roger Dalmasso, architecte). De nos jours, des artistes reprennent la notion d’élévation de l’Homme dans le cheminement et le franchissement d’escalier comme James Turell6 dans son exposition permanente au musée Circus à Berlin ou plus proche de chez nous, Stephane Protic dans son exposition à la Friche Belle de Mai en 2015. (Voir double page suivante). L’étude historique et terminologique de l’objet « seuil », et du concept auquel il renvoie, participe à observer comment cette notion a évolué depuis qu’elle est théorisée. Des typologies relevées et étudiées émergent des spécificités, favorisentelles des usages plus que d’autres ? Si oui, lesquels et pour quelles typologies ? De telles spécificités sont-elles liées à une quelconque temporalité d’usage ? 6 Détails de l’exposition disponibles sur : https://www.circus-berlin.de/james-turrell-in-berlin/. Article consulté le 08/12-2017. 26


Pierre marquant le seuil antique, Rue de Pompéi, photographie du guide touristique officiel de Pompéi. 27


C’est à partir de cet ensemble de significations et de rituels qui gravitent autour du mot «seuil» que nous allons tenter de montrer comment le seuil d’entrée dans le logement est vécu et pratiqué actuellement dans l’environnement urbain de Marseille, comment les habitants voient cet espace spécifique en fonction de leurs usages et de la mise en œuvre matérielle de ces seuils de logement.

Ci-contre : Un escalier traversait chacun des 3 étages de l’exposition jusqu’au dernier étage où l’escalier débouche sur une porte à l’encadrement lumineux, l’élévation de l’Homme mène à la lumière. Photographie personnelle, Exposition FOMO, PROTIC Stephane, « Dawn Stairs », Mai 2015. 28


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I. DÉBORD SUR L’ESPACE PUBLIC

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LE CAS DE L’IMMEUBLE DE VILLE, LE SEUIL EMBLÉMATIQUE. ÉLÉVATION PHYSIQUE (MARCHES) DÉBORD SUR L’ESPACE PUBLIC ANCIENS IMMEUBLES DE VILLE

ESPACE D’ASSISES SEUIL MATÉRIEL

IMMEUBLE DE VILLE

Le premier cas d’étude de cette série de seuils est le seuil majestueux, avenant, le seuil originel où la marche en pierre dépasse de l’alignement des façades comme un appel aux passants à le franchir ou à l’éviter. Ce seuil emblématique par sa présence dans les rues les plus anciennes de Marseille notamment dans le centre ville présente des éléments qui marquent sa typologie facilement remarquable: quelques marches en pierre qui débordent et s’adaptent à la pente de la rue, porte souvent en bois massif et moulurée, un encadrement décoratif. Cette entrée typique du centre ville de Marseille s’ouvre sur un sol en carreaux de ciment ou des tomettes pour les immeubles les mieux conservés. A l’intérieur, un escalier qui dessert quelques étages supérieurs, environ 5 étages maximum, de 2 ou 3 logements chacun. De nombreuse polémiques chez les habitants émanent de ces marches « trop hautes », « pas aux normes » ou « qui incitent les jeunes à stagner devant la porte ». Le seuil déborde sur le trottoir, les marches sont inégales et il est vrai que les hauteurs sont loin de respecter la loi de Blondel (g + 2h = 60-64)7 pour une ascension agréable de l’usager ... D’après A. Picon, « la véritable dynamique des limites pourrait bien concerner ultimement la manière dont les trames spatiales, temporelles et sociales, se tissent les unes les autres ». Sur ces seuils marquant la rue de leur emprise, se mêlent les flux des habitants et des passants qui prennent une pause lors des activités du quotidien, tout cela compose l’espace du seuil comme un lieu à part entière. 7 Mémoire de S6, Lucie Gualina, «L’escalier Urbain, Lien entre l’Homme et l’espace», 2015. Ci-contre : Entrée des logements au 167, rue de Rome, Photographie Loïs Gabriagues, Novembre 2017. 32


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Série de photographies personnelles, Portes d’entrée et seuils « anciens », Novembre 2017. 35


IMMEUBLE DE VILLE

BOUTIQUE RUE PARADIS, MARSEILLE

A L’ÉCART LE TEMPS D’UNE PAUSE «Je surveille ma boutique en fait vous-voyez ? celle pile en face là ! Je peux m’asseoir tranquille ici. Je ne sais pas du tout qui habite là, c’est juste le moyen de déconnecter du taf le temps de ma clope. Au moins j’ai une vraie pause sans que ma collègue me parle du travail.» Anaïs, 27 ans, rue Paradis, 25 septembre 2017.

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PARTIR DE LA BOUTIQUE «C’EST MA PAUSE !» ALLUMER MA CIGARETTE «CONTRE LE MISTRAL» TRAVERSER LA RUE «REGARDER À GAUCHE» VÉRIFIER LES MARCHES «PROPRES OU NON ?» ESPÉRER QUE PERSONNE N’ENTRE OU NE SORTE PROTÉGÉE DU VENT ET DES GENS «MES 5 MINUTES DE PAUSE»

PARCOURS d’Anaïs, de sa boutique à son lieu de pause quotidienne, rue Paradis, Marseille, 2017. 37


LE LIEU D’ASSISE

IMMEUBLE XVIIIème siècle / XIXème siècle

HISTORIQUE DE LA CONCEPTION La rue Paradis est une voie qui traverse les 1er, 6e et 8e arrondissements de la ville de Marseille. Elle va de la place du Général-de-Gaulle à l’avenue du Prado. La rue est longue de 2870 mètres pour 12m de large jusqu’à 17m à certaines portions. Cette rue historique de Marseille a été composée en deux temps. La première section bâtie s’étend de la place du Général-de-Gaulle à la place Estrangin-Pastré, elle a été faite à partir de 1666, lors de l’agrandissement des remparts de la ville sous Louis XIV. La deuxième portion a été bâtie ellemême en plusieurs étapes de 1803 à 1880. La rue a d’abord été étirée jusqu’à la rue Falque, puis jusqu’à la place ErnestDelibes en 1848 et a rejoint l’Avenue du Prado en 1880.8 Cette rue aujourd’hui bruyante et très passante est pourtant classée monument historique depuis 1999. Le nom de cette rue est porteuse d’une image forte pour les marseillais mais également les visiteurs, son tracé net dans le paysage apporte un dénivelé qui impacte le positionnement des bâtiments le long de la rue en pente. Les portes d’entrées moulurées aux marches de pierre imposantes permettent d’accéder aux étages de ces immeubles en majorité de type «3 fenêtres marseillais». Au XIXème siècle, le commerce affluait, les marchands et les artisans animaient la rue de leurs savoirfaire ancestraux9. Le long métrage « 588, rue Paradis » d’Henri Verneuil, qui comprend deux épisodes de ses souvenirs de fils d’Arméniens à Marseille, présente le mode de vie et l’activité qui émanait de cette rue à l’époque.

8 Adrien Blés, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Ed. Jeanne Laffitte, Marseille, 1989. 9 RONCAYOLO Marcel, Lectures des villes, Forme et temps, Parenthèses 2002. Page 120. Il exprime le dispositif de l’hygiène dans une cité plus aérée liée à un plan régulier. Les résidences bourgeoises viennent s’insérer dans ce nouveau plan. 38


LIEU DE TRAVAIL

RUE PARADIS

LIEU DE PAUSE

Plans du parcours public/privé d’après interviews de l’habitante, septembre 2017. 39


UN SEUIL UNE HISTOIRE Le cas d’étude présenté est celui d’Anais, 24 ans qui traverse la rue Paradis au quotidien, pour s’échapper de son travail et profiter de sa pause sur les marches du seuil 143.

ANALYSE TYPO-MORPHOLOGIQUE DU SEUIL Dans cette étude de cas, nous retrouvons une personne qui détourne un seuil de porte de son usage premier de franchissement du public au privé, en l’utilisant au quotidien comme assise. La typologie spécifique de ce seuil ancien est une série de deux pierres blanches qui s’insèrent dans la pente de la rue. Leur hauteur de 25 cm, supérieure à des marches d’escaliers «normales » de 15 cm de haut dans les espaces publics permet de composer une assise confortable avec deux marches. La qualité de cette pierre de taille, souvent entretenue par le gardien de l’immeuble mais aussi pour son coté patrimonial permet d’assurer une « hygiène » et un côté avenant et confortable à ce seuil. Les éléments marquants de ce seuil pour les usagers10 sont premièrement le franchissement abrupt et franc de ces marches mais également l’encadrement mouluré de la porte. Ainsi, cette femme assise compose une sorte de tableau. Dans son utilisation de cette assise occasionnelle, elle est comme encadrée par le bossage de la façade, le cadre de la porte souligne le tableau de cette scène quotidienne sur le fond sombre de cette porte en bois rarement ouverte qui semble ne pas vouloir dévoiler son intérieur. La morphologie des marches qui dépassent sur l’espace public vient casser le rythme de ceux qui pratiquent linéairement le trottoir. Cela permet ainsi une réappropriation de l’espace par les usagers à proximité.

10 D’après les interviews effectués durant les 4 mois d’études, voir retranscription des interviews des habitants en Annexes. 40


DÉCORS EXTÉRIEURS EN PIERRE DÉCOR DE LA PORTE EN BOIS BOSSAGE DE LA FAÇADE PORTE D’ENTRÉE DE L’IMMEUBLE

MARCHES DU SEUIL

TROTTOIR PUBLIC

ROUTE ENROBÉ BITUMINEUX

Axonométrie des éléments composant le seuil d’Anaïs, Rue Paradis, Marseille, 2017. 41


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Photographies personnelles du franchissement quotidien d’une entrÊe par le facteur, 141 Rue Paradis, septembre 2017. 43


CONCLUSION

LE CAS DE L’IMMEUBLE DE VILLE, LE SEUIL SYMBOLIQUE. Le seuil est le symbole d’un rituel quotidien où l’habitant marque en quelque sorte le passage d’un territoire public à un territoire privé. POTELET PUBLIC

L’imaginaire du passage de la limite de l’entrée est porteur de nombreuses croyances et superstitions. Par exemple à Rome on retrouve des masques et des décors qui entourent la porte d’entrée principale et protègent l’intérieur de la maison des esprits qui rôdent à l’extérieur. On retrouve cet imaginaire du rituel sur de nombreuses figures ornant les immeubles bourgeois du centre ville de Marseille tel que le 167 rue de Rome par exemple (voir page 33).

BOS DE FA

Cet imaginaire est souligné par des dispositifs architecturaux tels que la marche et l’avancée en toiture qui marquent l’entrée comme sur l’exemple ci-contre. L’entrée commune à plusieurs logements passe d’un visage public très ornementé à un hall intérieur sobre voire délabré. Il semblerait que l’apparence de l’immeuble était, au moment de sa conception, plus importante que l’intérieur habité lui-même et que cela n’a pas été modifié au cours du temps. Une autre question soulevée lors de ces recherches dans les entrées d’immeubles bourgeois est qu’aucune entrée ne se dessine dans une logique descendante. Peut-être pour des questions techniques et pour empêcher les infiltrations. Nous pensons que les sous-sols ont une connotation technique, on y retrouve des caves, des anciennes cuves de fioul, etc. De plus, descendre dans un logement présente, peut-être, une connotation négative dans le contraire de l’élévation de l’Homme pour arriver dans son logement et dominer physiquement l’espace de la rue ? Pourtant, à Athènes, nous avons retrouvé des entrées de logements en demi-sous-sols, une volée de marches descendantes qui troue le trottoir de manière abrupte. Un habitant nous a expliqué que beaucoup de petits commerces et de logements étaient au niveau de la cave pour des questions climatiques, le frais étant préservé au plus proche de la terre. 44

Route

Trottoir public


SSAGE FAÇADE

BOÎTES AUX LETTRES

Marches d’entrée

Porte

ESCALIER D’ACCÈS CAVE ET LOGEMENTS

Escalier Principal

Hall d’entrée

Coupe de la séquence d’entrée, Rue Paradis, Marseille, Décembre 2017. 45

PUITS DE LUMIÈRE


DE-ZOOM : LE SEUIL A L’ÉCHELLE DE LA FAÇADE. Dans ce cas d’étude, le rez-de-chaussée est l’étage de l’immeuble dont la hauteur sous-plafond est la plus haute. Il représente la richesse de l’immeuble par son ornementation extérieure. A l’échelle de la façade, la porte d’entrée et ses marches dépassent sur l’espace public comme pour marquer son caractère. C’est pourtant dans une notion hygiéniste de protéger le pied du bâtiment des roues de charrettes et des excréments qui souillaient la rue que les marches ont ces dimensions. L’inscription dans la topographie particulière de la rue provoque également un écoulement des eaux violents qui force à s’en protéger.

Ci-contre : Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, Rue Paradis, Marseille, Décembre 2017. 46


ENTRÉE DU BÂTIMENT

MARCHES DU SEUIL

LOCAL COMMERCIAL

BÂTIMENT TYPE « 3 FENÊTRES MARSEILLAIS» 47


Ci-contre : Photographie personnelle de l’entrée du projet de Point Suprême, Six Dogs typologie similaire à l’entrée descendante de logements à Athènes, Grèce, Novembre 2017. 48


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II. L’ACCUEIL PAR RENFONCEMENT

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LE CAS DE L’IMMEUBLE RÉCENT, UN TOURNANT DE LA RÉGLEMENTATION. L’INFLUENCE DES NORMES Les normes d’accessibilité appliquées au logement et aux nouvelles constructions produites sont un élément marquant de la transformation morphologique des seuils de logements notamment pour les logements collectifs. L’évolution de la ville liée à ses normes est parfois vue de manière négative comme l’évoque Françoise Choay dans « la mort de la ville ». Les normes semblent générer des espaces qui amoindrissent les lieux de contacts, amenant à des qualités d’usages. Nous avons tenté d’éplucher l’évolution de la mise en place de ces lois pour comprendre ce qui fait seuil dans la conception des logements de nos jours et s’il y a une perte de qualité dans la conception de ces seuils. Les cahiers des charges des constructions neuves actuellement comportent la phrase : «Veiller à ce que l’installation soit parfaitement conforme à la réglementation relative à l’accessibilité des bâtiments d’habitation.» (Cahier des charges construction neuve, CN 3F – guide d’aide à la conception – mai 2014).

C’est à partir de 1975, avec l’évolution des mœurs et des lois, que les normes d’accessibilité apparaissent dans un souci d’égalité des droits de l’Homme. Cela marque un tournant dans la pensée des espaces publics mais aussi dans la conception des bâtiments de logements et plus particulièrement des halls et des portes d’entrée. Un décret de 2015 qui modifie un décret de 2006 et les dispositions du code de la construction et de l’habitation apportent une évolution dans la conception des bâtiments de logements. Ces décrets sont applicables aux bâtiments d’habitation collectifs et aux maisons individuelles mais ne touchent pas les constructions de propriétaire pour leur propre usage. C’est un arrêté de la même année qui définit les nouvelles règles techniques d’accessibilité applicable lors de la construction (legifrance.gouv.fr). L’accessibilité aux personnes handicapées est prise en compte par le gouvernement français depuis 1975, et c’est l’orientation du gouvernement en faveur des personnes handicapées qui marque l’apparition des normes d’accessibilité. Une adaptation du bâti au cadre de vie de la population est mise en place pour faciliter les accès au plus grand nombre. 52


Photographie personnelle, Hall d’entrÊe neuf rue Paradis, Marseille, 2017. 53


Par la suite, en 2005 c’est la Loi Handicap qui réforme la politique française plus précisément en imposant la mise en accessibilité des établissements recevant du public, les transports et de nombreux logements de plus de 20 habitants avant 2015. Pour ce qui est de la mise en accessibilité des logements, c’est en mars 2009 que la Loi dite Loi Boutin ou Loi LMLLE permet à l’administration française de déroger aux règles du document d’urbanisme pour autoriser des travaux nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées à un logement existant. Aujourd’hui, chaque élément dans le parcours du public au privé est réfléchi et marqué de manière identique dans toutes les constructions neuves. « Soigner les transitions entre espaces publics, collectifs et privatifs, grâce à la lisibilité et la qualité des limites. La conception tiendra compte du statut des clôtures : on privilégiera les serrureries sur petit génie civil sur l’espace public, les délimitations occultantes comme les claustras pour l’interface collectif/privé et, enfin, les délimitations légères avec végétation masquante entre individuels. » (Cahier des charges construction neuve, CN 3F – guide d’aide à la conception – mai 2014).

Cette typologie de seuil nouveau est ainsi minutieusement contrôlée, chaque élément est précisément placé dans un souci de sécurisation des lieux, d’une valorisation de l’image de l’immeuble par son hall d’accueil majestueux, ou encore de facilitation d’accès aux habitants. Philippe Bonnin théorise la limite matérialisée par le seuil comme des dispositifs porteurs de nombreux sens qui amenèrent tout un univers autour du seuil et de son franchissement. De plus, il introduit le fait que « Dans l’architecture contemporaine, de nombreux indices semblent montrer une tendance à la disparition de beaucoup des éléments du système des séparations », ce qui va nous intéresser dans notre étude sur l’évolution de la typologie du seuil dans le logement. Tout cela impacte l’usage de l’entrée qui n’est plus un lieu de rencontres mais un lieu de passage furtif et rapide. En voyant tout ce qu’il s’y passe, on évite les gens, on les croise de loin dans des espaces larges et froids, il n’y a plus d’espace pour attendre ou s’asseoir, juste on passe ... CONTINUITÉ DU RAPPORT AU SOL ET TRANSPARENCE ACCUEIL PAR RENFONCEMENT IMMEUBLES MODERNES

LIEU DE PASSAGE SEUIL = ESPACE GLOBAL USAGES QUOTIDIENS RAPIDES SÉCURITÉ 54

IMMEUBLE RÉCENT


HISTORIQUE DES NORMES D’ACCESSIBILITÉ 1975 Loi 75-534, 30 juin 1975, orientation en faveur des personnes handicapées.

2005 Loi HANDICAP : Loi 2005-102, 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

2009 Loi Boutin ou Loi MOLLE : Loi 009-323, 25 mars 2009, mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

2015 Décret et arrêté, 24 décembre 2015, dispositions du code de la construction et de l’habitation (CCH) applicables aux bâtiments d’habitation collectifs et aux maisons individuelles (hormis celles construites par un propriétaire pour son propre usage). D’après legifrance.gouv.fr

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Série de photographies personnelles, Portes d’entrée et seuils «modernes», Septembre 2017. 57


UNITÉ D’HABITATION « LE CORBUSIER » 280 BOULEVARD MICHELET, MARSEILLE

HABITER UN IMMEUBLE MUSÉIFIÉ « Arrivée ici je ne suis pas chez moi encore. Trop de gens, le vigile, les touristes et le grand hall menant à l’ascenseur à bétail, tout ça c’est impersonnel. » Emma, 24 ans, 14 octobre 2017. 58


PASSAGE DE LA CHICANE «DU PORTILLON A PIED» TRAVERSÉE DU PARC «AUX GRAVIERS QUI RÉSONNENT» PORTES TRANSPARENTES «TOUJOURS OUVERTES» LE SOL GLISSANT DU HALL LE BONJOUR DU GARDIEN «EN FONCTION DE SON HUMEUR» L’ASCENSEUR «QU’ON ATTEND 100 ANS» LE COULOIR SOMBRE MA PORTE ROUGE

Étapes du franchissement d’Emma, 24 ans, pour accéder à son logement, Cité Radieuse, Marseille, 2017. 59


LIEU DE PASSAGE FURTIF

IMMEUBLE DU XXÈME SIÈCLE, 1952.

HISTORIQUE DE LA CONCEPTION L’unité d’habitation créée par l’architecte Le Corbusier, a été édifiée de 1947 à 1952. Cette barre d’immeuble posée sur une base de pilotis tente de répondre à une nouvelle forme de vie idéale de « Cité radieuse ». On retrouve 337 appartements de 23 types différents séparés par des rues intérieures auparavant remplies de commerces et de lieux d’activité. La cité avait pour ambition d’être pratiquement une ville à elle seule. L’appartement type est en duplex procurant lumière et fonctionnalité optimale pour la vie de famille parfaite. (Le Corbusier, œuvre complète publiée par W. Boesiger, le jour de l’inauguration de la Cité radieuse).

La toiture terrasse est un lieu de rencontre, un espace public à part entière composé d’une école, d’un espace de jeux et d’un gymnase. En juin 2013, le gymnase est reconverti en lieu d’exposition par Ora-ïto, designer français. Ce lieu de vie complexe tente d’articuler une architecture expérimentale avec les nouveaux besoins en mobilité, les nouveaux rapports à la nature, les nouvelles façons de vivre la famille, l’éducation des enfants, les nouvelles façons de participer aux logiques d’actions collectives, qui émanent de cette époque. Ainsi, le seuil d’entrée du bâtiment a été travaillé de manière conviviale et avenante pour lier les habitants et favoriser les rencontres entre les flux des différents usages des habitants. La matière et la lumière pensées par Le Corbusier portent ces effets de convivialité. C’est le point central de rencontre et d’entrée dans le bâtiment, avant de monter dans la rue principale du 4ème étage qui lie plusieurs activités. Par ses qualités architecturales et expérimentales spécifiques et concluantes, l’immeuble a été classé aux Monuments historiques en 1995. Depuis, de nombreux touristes viennent visiter cet emblème de Marseille, ce qui n’est pas du goût des habitants qui ne se sentent plus principaux privilégiés du bâtiment. En effet, des touristes n’hésitent pas à venir frapper aux portes des logements, plusieurs fois par semaine, pour savoir s’ils peuvent « visiter l’appartement du Corbusier » ... 60


HALL MONUMENTAL

CAGE D’ASCENSEUR

4ÈME ÉTAGE PORTE DE L’APPARTEMENT

PARKING

BOULEVARD MICHELET

PARCOURS DU PUBLIC AU PRIVÉ d’Emma, 24 ans, Cité Radieuse, Marseille, septembre 2017. 61


Dans ce cas précis, l’évolution de l’activité du bâtiment entraîne une nouvelle pratique de l’espace qui est divisé en deux visions: celle des touristes qui trouvent l’ambiance du hall douce et intrigante, voire chaleureuse et la vision des habitants qui, à certaines heures de la journée, traversent l’immeuble de manière linéaire et « efficace » pour éviter « les hordes de touristes et les flux désordonnés des visiteurs ». « Je vous ai donné un outil, c’est à vous de l’utiliser » Le Corbusier, œuvre complète publiée par W. Boesiger, le jour de l’inauguration de la Cité radieuse. Ainsi l’évolution de cette pratique du seuil était peut-être prévue par son architecte, l’évolution des mœurs dans l’usage de ce bâtiment qui est actuellement fait par ses usagers, quel que soit l’usage premier décidé par l’architecte...

UN SEUIL UNE HISTOIRE Le cas d’étude présenté est le hall d’entrée de l’unité d’habitation du Corbusier ainsi que le ressenti d’une habitante Emma, 24 ans qui traverse cet espace au quotidien.

ANALYSE TYPO-MORPHOLOGIQUE DU SEUIL La notion de ‘‘seuil’’ se compose ici du passage dans le hall principal qui n’est qu’une étape jusqu’aux ascenseurs. L’habitante ne se sent relativement «chez elle» qu’une fois qu’elle se retrouve devant sa porte rouge bien reconnaissable dans sa rue du 4ème étage. Un élément marquant relevé dans l’interview de l’habitante est le mot « attente », attendre que la porte vitrée nous détecte dans le hall principal, attendre devant les ascenseurs puis à l’intérieur du premier arrivé et enfin atteindre sa porte. On retrouve dans ce qui compose le hall principal l’avancée de la toiture qui apporte une première sensation de protection comme si le bâtiment imposait sa stature sur le visiteur. Le tapis d’entrée dans l’emprise de la porte coulissante et la transparence des portes jusqu’à la loge du gardien marquent des éléments typiques du seuil d’entrée même si la date de construction de ce bâtiment ne le soumet pas aux normes d’accessibilité comme étudiées précédemment. L’association de ce seuil à un seuil de construction nouvelle semble être identifié par sa volonté de qualité de vie nouvelle, de sécurité et de qualité sanitaire importante à l’époque de la construction. 62


CAGE D’ASCENSEUR

ESCALIER

PORTE D’ENTRÉE

LUMIÈRE

LOGE DU GARDIEN

TAPIS D’ENTRÉE

BOÎTE AUX LETTRES

AVANCÉE DE TOITURE

Axonométrie des éléments composant le seuil d’entrée d’Emma, Cité Radieuse, Marseille, 2017. 63


CONCLUSION

LE CAS DE L’IMMEUBLE RÉCENT, UN TOURNANT DE LA RÉGLEMENTATION. L’épuration du seuil apparaît comme une fabrication d’architecture plus faible dans ce qu’elle provoque sur l’habitant et les usages, on dirait même qu’elle a tendance à stériliser par ses matériaux «pimpants» qui attirent l’œil, sans qualité, les usages qui ne sont plus que des flux transparents et sans âme. Les normes et l’économie de matière semblent être à l’origine d’une influence sur la mise en place des dispositifs qui font seuil. L’idéologie première des architectes des années précédant l’application sévère des normes (avant les années 70) était de composer des espaces généreux et conviviaux.

COUVERTURE EXTÉRIEURE

VERS UNE LONGUE SÉQUENCE La question de la séquence se déroule depuis le boulevard jusqu’à la porte d’entrée comme présentée dans le parcours des pages précédentes. La poésie de l’arrivée dans ce lieu apparaît ainsi par un parcours atypique qui s’apparente à l’arrivée dans une maison à la campagne, posée sur un sol végétalisé loin de l’esprit urbain. L’unité d’habitation de Le Corbusier semble être une réminiscence de la maison de campagne insérée dans un jardin. L’échelle du seuil d’entrée dans les séquences de franchissement sont multiples : arrivée dans le parking, confrontation au bâtiment depuis le parc, traversée du hall, attente des ascenseurs, traversée de la rue qui mène à la porte de l’appartement, puis l’arrivée dans le logement privé : le réel basculement vers l’espace privé.

DE-ZOOM : LE SEUIL A L’ÉCHELLE DE LA FAÇADE. L’importance du seuil par rapport à la taille du logement et de la façade urbaine est ici relativement importante compte tenu de la mise en scène proposée par l’architecte. L’entrée monumentale et le passage sous le bâtiment surmonté d’une coiffe accueillent le visiteur ou l’habitant avant de pénétrer dans le ventre du bâtiment. 64

Espace extérieur


PORTE VITRÉE COULISSANTE

Porte principale

MUR D’EXPOSITIONS

Espace d’expositions / Hall d’entrée

LOGE DU GARDIEN

Gardien

Coupe de la séquence d’entrée, Habitation Le Corbusier, Marseille, Décembre 2017. 65

ESCALIER FACE AUX ASCENSEURS

Vers les logements


LE GARAGE OU LE PARKING COMME SEUIL D’ENTRÉE. L’élément marquant du cheminement d’arrivée dans ce bâtiment dit «moderne» est la prise en compte de l’arrivée en voiture personnelle qui ouvre l’espace d’entrée face au parc et à au parking et plutôt que sur le boulevard et l’entrée piétonne. Les entrées de parking sont une nouvelle vision de l’entrée de son «chez-soi». Arriver de son travail en voiture, ouvrir son portail automatique à distance sans sortir de son véhicule pour s’engouffrer dans le ventre de l’immeuble et son parking comme un tunnel béant qui mène au sous-sol. Traverser le bâtiment par son sous-sol et accéder directement par l’ascenseur à son logement est une nouvelle vision de la séquence d’entrée vers son logement. La voiture est un objet apparenté à un lieu d’intimité, les propriétaires de voitures y sont très attachés. Le fait de savoir sa voiture « au chaud » sur sa place de parking réservée est un ressenti sécuritaire supplémentaire qui est associé actuellement à un logement de qualité. Mais ces entrées pour voitures sont à l’encontre de l’échelle du piéton, pourtant on retrouve de nombreuses sorties de voitures directement sur les espaces dédiés aux piétons dans la plupart des rues de centre-ville. Ces espaces sont des lieux de conflits d’usages. Ils ont un impact considérable dans le paysage urbain. En effet les façades sur rues sont découpées brutalement comme soulignées par des grilles sécuritaires dans l’unique but de laisser passer occasionnellement des véhicules.

Ci-contre : Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, Habitation Le Corbusier, Décembre 2017. 66


ESPACE DE PARKING

AVANCÉE DE TOITURE

MARQUAGE DU SOL

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UNITÉ D’HABITATION LE CORBUSIER


Ci-contre : Photographie personnelle de l’entrée Grand Pavois, Le parking comme seuil, Marseille, Septembre 2017. Double page suivante : Photographie personnelle de l’entrée d’un bâtiment récent, 154 Irodou Attikou, Athènes, Grèce, Novembre 2017. 68


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Photographies personnelles du franchissement du seuil par une ĂŠtudiante curieuse, Rue de Rome, Novembre 2017. 73


III. T R A N S I T I O N PROGRESSIVE

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LE CAS DU LOGEMENT INDIVIDUEL, UNE TRAVERSÉE ORGANISÉE. CLASSIFICATION En se référant à la classification présentée précédemment dans la partie « méthode », nous observons des ramifications et des particularités d’une typologie de seuils avec étapes de transitions. En effet, les étapes de transitions normalement organisées par le propriétaire peuvent être une haie dense pour protéger du voisinage, une grille épaisse et peu ajourée pour se protéger des regards indiscrets... On retrouve dans l’exemple du logement de Raymonde une séquence d’entrée mal adaptée et mal appropriée du fait peut-être de son âge et de ses capacités physiques réduites. Le budget et l’énergie à dépenser pour améliorer ce lieu est également un problème pour cette dame consciente du nonavenir de son logement11. Le seuil d’accès au logement n’est alors pas représenté par une unique limite mais par une succession de zones des transitions matériellement plus ou moins poreuses qui séquencent la traversée de la rue à la porte du logement. 11 La cité-jardin est vouée à être détruite pour accueillir un nouveau projet, d’après l’entretien avec les habitants.

SEUIL AVEC ETAPES DE TRANSITIONS PORTAIL, CHEMIN, PORTE DE MAISON TRANSITION DU PUBLIC AU PRIVÉ VOLONTAIRE CAPACITÉ À INVESTIR ET COMPOSER LA LIMITE SUPERPOSITION DE LIMITES SUBIR LA TYPOLOGIE CONTRAINTE / IMPACT SUR LE BUDGET ET ÉNERGIE 76

INDIVIDUEL


Photographie personnelles, portail menant Ă un logement individuel, Octobre 2017. 77


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SĂŠrie de photographies personnelles, Portes et portails menant Ă un logement individuel, Septembre 2017. 79


CITÉ JARDIN «LA GARDANNE» QUARTIER ST-LOUP, MARSEILLE

RENTRER CHEZ SOI, ENSEMBLE DE PÉRIPÉTIES « Chaque fois que je rentre chez moi, je me demande si la barrière du portillon ne va pas me tomber dessus ! Vous imaginez ... » Raymonde, 91 ans, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, 2017, 14 septembre 2017. 80


ACCÈS PAR LE CANIVEAU «CHAOTIQUE» PORTILLON EN FERRAILLE «GRINÇANT» BARRIÈRE D’ORIGINE «QUI NE TIENT PLUS» TAPIS D’EXTÉRIEUR COUP D’ŒIL AU POT DE FLEURS «MON BEAU GÉRANIUM» PORTE D’ENTRÉE EN BOIS «POIGNÉE FROIDE» LEVER LES RIDEAUX « BRODÉS PAR MES SOINS» LA PORTE FERMÉE «ENFIN LA TRANQUILLITÉ»

Étapes du franchissement de Raymonde, pour accéder à son logement, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, 2017. 81


UNE MARQUE D’APPROPRIATION MAISON HLM MITOYENNE, 1927.

UN SEUIL UNE HISTOIRE Le cas d’étude présenté est un travail du seuil du logement effectué avec Raymonde, 91 ans, une habitante de la Cité de la Gardanne à St-Loup.

HISTORIQUE DE LA CONCEPTION C’est en 1927, afin de résorber la crise du logement, que la cité jardin « la Gardanne » fût construite sur l’emplacement de la propriété de la famille de Gardanne. C’est par la suite en 1960 que les bastides campagnardes de St-Loup furent rasées pour la construction de grands ensembles nécessaires notamment au logement des rapatriés d’Afrique du Nord. La cité a été construite selon le modèle anglais du 19è siècle. C’est dans son livre, «To-morrow : A peaceful path to real reform» que l’urbaniste britannique Ebenezer Howard, en 1898, théorise le concept de la cité-jardin. Les logements HLM sont de petites surfaces d’environ 30m2 avec un confort minimum. La cité a été construite dans l’objectif qu’elle soit autonome dans son fonctionnement avec une école, des commerces ... La cité se trouve aujourd’hui enserrée entre l’autoroute A50 et l’Huveaune alors que jusqu’aux années 60, le village de SaintLoup était composé de bastides et de cabanons. Le mode d’habiter campagnard a fait que les habitants ont transformé leur logement HLM à leur image en ajoutant des annexes, des cabanons au fond de leurs jardins. Mais aujourd’hui, les logements étant trop vétustes et coûtant trop cher à rénover, le bailleur social mure les maisons, qui se vident petit à petit, dans l’objectif de raser la cité et de construire un projet neuf plus attractif. Les habitants ont pourtant beaucoup investi pour que leur logement leur ressemble et qu’ils s’y sentent bien. Aujourd’hui, Raymonde nous raconte sa nostalgie de la cité d’avant, avec son école, sa boulangerie et ses amis. 82


HABITATION

ACCÈS AU QUOTIDIEN JARDIN

POINT DE RASSEMBLEMENT DES HABITANTS

VERS ST LOUP

PARCOURS DU PUBLIC AU PRIVÉ de Raymonde, 91 ans, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, septembre 2017. 83


Elle décrit avec émotion tous les travaux qu’elle a fait avec son défunt mari dans sa « maison ». Pourtant tout va être détruit et ses descendants ne pourront rien récupérer de son «chez-elle». Elle attend la fin, elle sait qu’à sa mort sa maison sera murée en attendant le nouveau projet puis détruite ...

ANALYSE TYPO-MORPHOLOGIQUE DU SEUIL Le seuil étudié dessert un logement de trois pièces et un jardin à l’arrière. Le contexte urbain de ce logement fait que le logement de plain-pied est mitoyen des deux côtés. Le premier franchissement est un portillon en fer vert foncé surmontant une barrière originelle en béton très ajourée. L’entrée du logement est une porte simple de 90cm de large par 2.08m de haut. Le sas extérieur entre la grille et la porte est bétonné et présente quelques signes d’appropriation, une cigale au mur, un pot de fleurs en souffrance au soleil, un tapis usé. Le tapis d’entrée est important dans le rituel de franchissement pour Raymonde, elle nous le fait remarquer. Ici, le seuil est un ensemble, une transition globale. L’habitante semble avoir conscience du côté privé de son logement à partir du portillon mais se considère chez elle uniquement une fois la porte refermée. La séquence d’entrée dans le logement est composée de plusieurs étapes principales : le franchissement du portillon, du jardin de devant puis de la porte de la maison. Cet espace intermédiaire marque le passage de l’espace public à l’espace intime du logement. La rue publique et le regard des voisins intrusif, du fait de la morphologie très étroite de la rue de 3m sans réel trottoir, modifie l’appropriation du « jardin sur rue » qui est sommairement aménagé : on ne peut que le traverser, il est trop « à la vue des autres ».

Ci-contre : Axonométrie des composants du seuil d’entrée du logement de Raymonde, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, 2017. 84


COUVERTURE EN TUILES PORTE D’ENTRÉE TAPIS D’EXTÉRIEUR

JARDIN «D’APPARAT»

BARRIÈRE D’ORIGINE

PORTILLON D’ENTRÉE

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BOÎTE AUX LETTRES

VOIRIE PUBLIQUE


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Photographies personnelles du franchissement du seuil par une ĂŠtudiante curieuse, Boulevard du Prado, Septembre 2017. 87


CONCLUSION

LE CAS DU LOGEMENT PAVILLONNAIRE, UNE TRAVERSÉE ORGANISÉE. Le seuil de transition dans les espaces pavillonnaires présente grand nombre d’appropriations et des séquences travaillées par l’habitant qui vont être de l’ordre du marquage de sa présence et de sa capacité de décoration et d’entretien de son espace. On retrouve également ces appropriations dans des espaces d’immeubles de ville plus réduits par exemple, où les habitants peu nombreux vont s’approprier les entrées par des plantes ou des objets personnels comme un tapis qui va les mener jusqu’à leur logement. Ce type d’appropriation a été observé dans le cas précis où la personne âgée connaît les deux autres habitants de son immeuble et où ils acceptent que cette mamie mette ses plantes dans le hall, s’en occupe, mette son tapis à l’entée de l’immeuble collectif etc... Le cas de la résidentialisation présente différentes étapes de clôtures, des séquences qui semblent imiter la typologie présentée précédemment comme pour rassurer les habitants qu’ils sont chez eux. On retrouve cet exemple à l’Îlot M5 à la Joliette12, mais on remarque qu’en fait aucune séquence d’entrée n’est appropriée par les habitants, ce sont les cahiers des charges de la construction et les syndicats qui posent les clôtures qui s’occupent de cela. « La limite matérielle peut-être un lieu [...] Elle est l’espace ou les espaces où l’on se tient. » déclare Jean-Charles Depaule, c’est ainsi que nous tentons de lire les qualités d’usages de ces limites physiques ou mentales. Le cas du logement pavillonnaire, c’est une traversée organisée que les schémas de résidentialisation13 tentent de reprendre pour amener une image sécurisée et accueillante14 aux nombreux habitants de ces immeubles collectifs, l’objectif étant que chaque habitant y retrouve un côté individualiste qui le ramène à l’échelle d’un propriétaire de son habitation pavillonnaire. 12 Voir photographies personnelles Îlot M5, la Joliette pages suivantes. 13 « La résidentialisation, qui consiste à donner un caractère privé aux immeubles, par exemple en posant des grilles à l’entrée ou en aménageant un jardin au pied de l’immeuble, permet une appropriation de l’immeuble par ses habitants.» Rapport Grosdidier à l’Assemblée Nationale no 997, p. 20. 14 : Voir séquences d’entrées ci-contre. 88

BOÎTE AUX LETTRES SUR RUE

Rue

Portillon Jardin sur rue


POT DE FLEURS DE SAISONS

BAROMÈTRE ET TAPIS

VESTIAIRE AVEC MIROIR

Escalier d’entrée Porte d’entrée du logement

PORTE D’ACCÈS À LA CUISINE

Entrée vers le salon et la cuisine

Coupe de la séquence d’entrée, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, Novembre 2017. 89


DE-ZOOM : LE SEUIL A L’ÉCHELLE DE LA FAÇADE. Ce qui émane de cette étude est que le seuil du logement pavillonnaire est un rituel de franchissement important pour l’habitant mais également son degré d’appropriation et d’organisation est supérieur à tous les seuils étudiés précédemment. On trouve alors un seuil important en rapport de la taille du logement et de la façade urbaine. A l’échelle de la façade, la séquence d’entrée organisée et appropriée, présente dans le cas étudié précédemment, est relativement importante par rapport à la taille du logement et de la façade sur rue. Proportionnellement, le hall d’entrée est une pièce à part entière dans la continuité de la porte d’entrée et du jardin d’apparat qui constituent un ensemble de dispositifs nécessaires à l’habitant pour manifester son «chez-soi». Les dispositifs mis en place sont une sorte d’accumulation et de bricolages qui s’accrochent à l’architecture première du bâtiment d’habitation de manière improvisée et rarement professionnelle. Pourtant, à l’échelle du territoire et du paysage urbain, ces dispositifs sont les premiers visibles le long des rues, ils marquent clairement la limite public/privé. L’usage de l’habitant est ainsi mis en avant et projeté dans la vision de la façade sur l’espace public, comme un manifeste de la personnalité et des qualités des usagers.

Ci-contre : Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, Décembre 2017. 90


HABITATION VOISINE 1

ESPACE PUBLIC

SÉQUENCE D’ENTRÉE DE RAYMONDE

HABITATION DE RAYMONDE

ESPACE PRIVÉ

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HABITATION VOISINE 2


AUTRES VISIONS : LE SEUIL DU QUARTIER Tissu de Cabanons, la mer comme repère.

Ci-dessus : La vue sur mer : l’arrivée chez-soi pour un habitant de cabanon, Madrague de Montredon, Photographie personnelle, Novembre 2017. Ci-contre : L’escalier dérobé : l’arrivée chez-soi pour un habitant de cabanon, Madrague de Montredon, Photographie personnelle, Novembre 2017.

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AUTRES VISIONS : LE SEUIL COLLECTIF Ilôt M5 à la Joliette, succession d’ascensions.

Ci-dessus : Série de séquences : l’arrivée depuis la grille au bout de la perspective puis franchissement de l’escalier, Îlot M5 à la Joliette, Marseille, photographie personnelle, Novembre 2017. Ci-contre : Coursive extérieure d’accès au logement, séquence complexe, Îlot M5 à la Joliette, photographie Loïs Gabriagues, 2017. 94


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AUTRES VISIONS : LE SEUIL FRONTAL Rue de Rome, parcours rue emblématique.

Ci-dessus : Parcours pédestre depuis le rond point de Castellane, perspective dans la Rue de Rome, Marseille, photographie personnelle, Octobre 2017. Ci-contre : Porte bourgeoise d’accès au logement, 9BIS, rue Paradis, séquence depuis le rythme de la rue, photographie personnelle, Novembre 2017. 96


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CONCLUSION GÉNÉRALE C’est par un arpentage minutieux des rues de Marseille, durant plusieurs mois, que nous avons tenter de relever un maximum d’espaces faisant seuil d’entrée à des logements. Cet ensemble d’études de cas nous a permis de tirer des typologies similaires de seuils en fonction de leur génération de conception. Ce sont les normes d’accessibilité et de sécurité appliquées aux logements collectifs qui marquent un tournant dans la conception des espaces d’entrée. Comment appréhender ce type d’espace de nos jours ? Nous avons observé des usages beaucoup plus linéaires et furtifs des nouveaux seuils conçus par rapport aux anciens seuils de logements anciens, qui semblent plus favorables aux rencontres, aux échanges et à la convivialité. Ces relevés peuvent être réinjectés dans la conception de futurs espaces d’entrées.

DÉCORATION VÉGÉTALE

Les normes ont amené sécurité et accessibilité à ces entrées communes de logement mais il semblerait que les modes de vies aient évolué. Les gens ne pratiquent plus ces espaces d’entre-deux public-privés comme des espaces d’extension au logement où auparavant les gens descendaient une chaise dans la rue pour regarder les enfants jouer. Nous avons observé quelques scènes de ce type d’usages dans les quartiers de Noailles15 mais c’est uniquement dans des rues où les voitures n’accèdent que très peu. Pour conclure, ce qui fait seuil du logement est variable pour chaque habitant interrogé. Nous pouvons tout de même classer les éléments énoncés par les usagers interviewés dans des catégories d’objets comme ceux touchant à la sécurité du passage de la limite du seuil, à la communication vers l’intérieur du logement ou encore à l’appartenance du lieu comme pour les signes d’appropriation distinctif du passage d’un espace public à un espace privé. Dans tous les seuils étudiés nous retrouvons une généralité d’usages statiques dans les espaces de seuils atypiques comme présentant des débords, des recoins, des marches, ce que nous avons eu du mal à relever dans les nouveaux seuils d’entrée de logements. 15 F. Pourcel et M. Sengel, De Gré Ou De Force. Noailles À L’heure De La Réhabilitation, novembre 2007. Les logements trop petits à Noailles apportent une pratique de la rue différente des autres quartiers : les habitants ont leurs habitudes dans la rue comme si elle était une extension de leur logement. 98

Rue

Espace privatisé par la résidence


DÉBORD DE PROTECTION

Porte d’entrée

BOÎTES AUX LETTRES

Accès aux boîtes aux lettres

DÉCORATION VÉGÉTALE

MIROIR

ASCENSEUR

Cheminement vers l’ascenseur et les logements

Travail de reconstitution, accumulation des dispositifs existants sur immeuble imaginé à partir de l’échantillonnage,Coupe type des séquences d’un immeuble récent, Novembre 2017. 99


Nous relevons une tendance à effacer le seuil, à l’homogénéiser au seuil du bâtiment moderne d’en face, à le lisser, ce qui semble procurer une image propre, lumineuse et accueillante qui ne favorise pourtant aucun usage statique. La transparence censée «accueillir le regard du passant» jusque dans le fond du hall d’entrée comme cela est décrit dans les cahiers des charges actuels semble au contraire créer un espace de façade désincarnée, sans humanité. Les seuils tous identiques dans leur conception, comme produits en série apportent un effacement de leur fonction de lieu d’échange et de rencontre. Le seuil s’efface au profit de l’accessibilité et la lisibilité des éléments pour la « beauté » de la façade. Nous ne reviendrons pas sur la signification même de la notion de beauté qui est extrêmement subjective et théorisée dans de nombreux écrits. Nous qualifierons ici les nouveaux seuils produits pour les logements collectifs de propres, sécurisés et fonctionnels, en concordance avec les normes en vigueur. Perla Serfaty-Garzon explique le fait que la façade est l’image sociale de l’habitant qui l’occupe « L’archéologie, comme la géographie, voit l’habitat comme un élément majeur de la culture matérielle, l’expression de la mentalité des habitants et de leur rapport à leur milieu ». L’espace de seuil d’une maison est un objet architectural complexe qui compose une mise en scène de l’accueil de l’espace public dans l’enceinte du logement privé. Ce dispositif est à la fois hygiénique et sécuritaire pourtant, les habitants engagent leur culture dans l’appropriation de certains seuils lorsqu’ils en ont la possibilité et les capacités. Apogée de la mort du seuil : on retrouve tous les éléments qui font seuil chez les habitants qui s’approprient leurs séquences d’entrées : marche, entrée marquée, plante, sécurité mais l’industrialisation de ce seuil d’immeuble de logement collectif semble lui avoir enlevé toute son âme et l’envie de pratiquer, de traverser ce seuil. La séquence linéaire transparente et sécurisée mène à un objectif visible qui enlève toute subtilité et mystère dans la poésie de la découverte du lieu à atteindre. Ci-contre l’exemple du seuil en Iran où le parcours en chicane apporte un rituel dans la protection de l’intimité de la maîtresse Ci-contre : Photographie personnelle, Apogée de la mort du seuil, Rue de Cassis, Marseille, Novembre 2017. 100


101


de maison et ses allées et venues cachées des visiteurs et des regards intrusifs. Là où le seuil «va bien» on retrouve des séquences vivantes et porteuses de connotations culturelles. Hors, nous avons conscience que certains espaces de seuils traités de la même manière que certains immeubles récents ne présentent pas les aspects sécuritaires, d’espace d’accueil ou de rencontre. En effet, le cas du seuil dans les bâtiments des quartiers Nord, comme dans l’étude de la Cité Consolat dans le 15ème arrondissement de Marseille, révèle une insécurité permanente malgré des pensées architecturales pourtant porteuses de qualité. L’espace d’entrée du bâtiment donne lieu à des sentiments négatifs, d’inquiétude et d’insécurité aux habitants qui rentrent chez eux en passant par le site de vente des dealers. Les espaces de seuil sont alors désertés et dévastés, contrastant avec l’appropriation volontaire des appartements en façade. Les entre-deux des paliers sont alors investis par les habitants, certains se créent des doubles entrées sécurisées avec un double verrou pour protéger leur logement, comme Pascale une habitante du 11ème étage. La cité a pourtant été construite dans les années 60, époque portée par les penseurs du TEAM TEN et des préludes modernes. La charte d’Athènes du CIAM est appliquée, elle prône pourtant des espaces fluides, des escaliers lumineux et ventilés naturellement qui pourraient favoriser une qualité de vie. Georges Picot déclare « le «home» commence à la porte donnant sur le palier[...]», c’est bien ce qu’il se passe dans ces espaces où le seuil n’est plus qu’une séquence stressante et dangereuse seule la porte verrouillée protège l’intimité de l’espace public. Durant toute notre démarche nous avons cherché à découvrir les usages que les seuils génèrent et ceux qui s’y adaptent ou pour lesquels les seuils sont conçus. L’omniprésence d’édifices inquiétants peuplant l’œuvre du thème « Vider Paris » de Nicolas Moulin montre l’opposé de notre démarche. Dans leur monumentalité froide et vide, ces bâtiments aux rez-de-chaussée murés ne dévoilent non pas l’architecture que nous habitons, mais celle qui nous habite. Nicolas Moulin présente les espaces intermédiaires comme des « no man’s land ». Françoise Choay évoque « la mort de la ville » dans un regard pessimiste sur l’évolution de la ville. Elle appuie son analyse sur l’amoindrissement des espaces de 102


2m

Plan redessiné d’une maison traditionnelle avec accès en chicane, Iran, D’après G. Monnier, La porte, Alternative, 2004. 103


contacts, des espaces intermédiaires accueillant les usagers de la ville. C’est à partir de cette vision que nous allons développer l’espace de seuil comme un espace porteur d’usages en tant que potentiels de nouveaux lieux d’usages. Nous avons, au contraire, tenté de développer une approche d’une radicalité inversée : comprendre comment nous habitons ces espaces de seuils à partir de l’évolution même de l’objet physique et de l’évolution de la notion dans le temps, les dispositifs, les mœurs et les réglementations … Enfin, nous ouvrirons sur la pratique de la rue dans l’espace qu’elle offre parfois, ponctué d’opportunités de dévier de son cheminement rectiligne, de se mettre à l’abri, de rencontrer des gens ou parfois totalement morne et linéaire. La question de la séquence est fondatrice de toute notre réflexion sur le seuil. Les successions de seuils dans une rue composent deux types de séquences d’événements qui rythment nos parcours. Ces séquences d’événements marquent autant la progression de notre parcours parallèle à la rue que dans la progression perpendiculaire à la façade lorsqu’on pénètre un bâtiment depuis l’espace public jusqu’à l’espace le plus privé. Les seuils façonnent dans leur apparition sur l’espace public, le paysage urbain et l’identité culturelle de la ville. La question de la fabrique du seuil n’est ainsi pas uniquement une question attenante à la conception des logements mais est également liée à la vision de la ville dans sa pratique à l’échelle humaine.

Ci-contre : Axonométrie de la rue Veikou, d’Athènes, Renfoncements de seuils et séquences de bâtiments surélevés qui apportent une respiration dans le cheminement de cette rue étroite et végétalisée, Décembre 2017. Axonométrie de la Rue Paradis, Marseille, avec débords de seuil sur l’espace public et cheminement entre les potelets et la voirie très fréquentée, Décembre 2017. Double page suivante : Nicolas Moulin, Photomontage «Vider Paris », Exposition Galerie Chez Valentin avec bandes sonores et vidéos, 2001. 104


105


106


107


TRAVAIL DE RE-DÉFINITIONS LE SEUIL cnrtl.fr

[Dans l’espace] Dalle ou pièce de bois qui forme la partie inférieure de l’ouverture d’une porte. [Dans le temps] Limite marquant un passage vers un autre état, entrée dans une situation nouvelle. D’après interviews

Franchissement physique du pas de la porte, de la marche, du seuil de la porte pour passer de l’espace de la ville à chez soi. LA PORTE cnrtl.fr

Ouverture pratiquée dans un des plans verticaux qui limitent un espace clos, permettant la communication entre cet espace et ce qui est extérieur à cet espace, et pouvant être obturée par un panneau mobile. L’ouverture, percée dans un mur, descend jusqu’au niveau du sol et ses dimensions minimales permettent le passage d’un homme. D’après interviews

Porte d’entrée verrouillée par une serrure numérique ou non. Elle peut être en bois massif ou à double battants en verre en fonction de l’ancienneté de sa mise en place [Note : Il existe tout de même des portes récentes en bois et inversement des portes d’entrées plus anciennes en verre...]. LE PORTILLON cnrtl.fr

Petit panneau mobile, souvent à claire-voie et à battant bas, qui ne ferme que la partie inférieure d’une ouverture assez étroite ou ferme un passage non délimité dans sa partie supérieure. D’après interviews

Petit portail léger et bas qui marque visuellement le passage 108


dans un espace privé mais qui n’est pas sécuritaire. LE PORTAIL cnrtl.fr

Entrée, souvent monumentale, d’un édifice ou d’une propriété, comportant une porte de grande dimension. D’après interviews

Entrée de grande taille, plus riche, souvent imaginée en ferronnerie ou grands panneaux de bois. LA MARCHE cnrtl.fr

Endroit où l’on pose le pied composé d’une surface plane (giron) et d’une hauteur de marche (contremarche) faite de divers matériaux (pierre, béton, fer, bois), facilitant l’accès à un plan supérieur ou inférieur. D’après interviews

Élément matériel souvent sur dimensionné, procurant une instabilité dans le franchissement de la porte par l’usager. L’ESCALIER cnrtl.fr

Suite de degrés [marches d’escalier] permettant de passer d’un niveau à un autre. Georges Perec, Espèce d’espaces, 2000.

«On ne pense pas assez aux escaliers. Rien n’était plus beau dans les maisons anciennes que les escaliers. Rien n’est plus laid, plus froid, plus hostile, plus mesquin, dans les immeubles d’aujourd’hui. On devrait apprendre à vivre davantage dans les escaliers. Mais comment ?» D’après interviews

Escalier d’apparat : plusieurs marches en pierre devant la porte d’entre de l’immeuble. Escalier intérieur : enchaînement de marches qui permettent d’accéder au logement. 109


RE-DÉFINITIONS - CONCLUSION

La vision des habitants et des usagers ne colle pas forcément aux définitions originelles des éléments étudiés. Un facteur qui influence sans doute la vision de chacun est la norme sociale. Une des principales réflexions de la sociologie, depuis sa création, consiste à comprendre comment sont intériorisées les normes sociales. C’est d’après Émile Durkheim que l’individu est susceptible de vouloir se singulariser par rapport à ses semblables mais sa conscience est marquée par les normes qui enserrent le bien et le mal de la société dans laquelle il se trouve16. Il explique que chaque individu, quelles que soient sa culture et sa société va acquérir progressivement une idée de la normalité en fonction du groupe qu’il fréquente, ce qui va influencer ses visions de ce qui est bien ou non. A partir de ce savoir global sur les seuils d’accès au logement à Marseille, il faudra tirer des généralités à appliquer en fonction du contexte des nouveaux projets de logements. Parmi toutes les problématiques complexes à traiter sur la conception du logement en lui-même, nous avons réuni des savoirs sur les éléments constitutifs d’un «bon» seuil de logement. Adaptés aux modes de vie de ses usagers, ils permettraient d’apporter une qualité de pratiques pour les habitants et les autres usagers des seuils des logements, comme le facteur et autres visiteurs.

QU’EST CE QU’UN BON SEUIL ? Nous tirerons de cette étude une prise de conscience sur l’importance des éléments qui sont porteurs de la notion de «chez-soi» évoquée tout au long de cette étude. De nombreux éléments matérialisant la sécurisation du seuil et de cette limite du public/privé sont également spécifiques du rituel quotidien des habitants notamment sur notre territoire d’étude à Marseille. Ce qui va marquer les rencontres et les entretiens sont que ces espaces collectifs représentent des lieux de rencontres et les habitants aimeraient retrouver ces convergences d’usages. Chaque dispositif architectural qui compose l’espace de seuil provoque dans ce franchissement de l’espace urbain à l’espace privé du logement une multitude de rituels propres à chaque seuil et à celui qui le pratique. Ce que nous retiendrons du seuil et des séquences qu’il compose sera qu’il faut sans doute suggérer le franchissement sans dévoiler la totalité de la séquence pour laisser enthousiasme et qualité de la déambulation. 16  Émile Durkheim, L’Éducation morale, Paris, Puf, 1925. 110


ESPACE PUBLIC DÉBORD SUR L’ ESPACE PUBLIC ESPACE PUBLIC PERCEPTION DE ESPACE PUBLIC ESPACE PUBLIC MARQUAGE DU DÉLIMITATION DU ESPACE AVANT LE

SÉCURISATION DU DIGICODE SUR LE TRANSITION DU RITUEL DU MARCHES SUR LE ESPACE APRÈS LE

INTIMITÉ

SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL SEUIL

ET RENCONTRES IMPERSONNEL

MATÉRIEL DE PROTECTION TECHNIQUE SANITAIRE DÉCORATIF ET APPROPRIATION

ESPACE PRIVÉ ESPACE PRIVÉ ESPACE PRIVÉ ESPACE PRIVÉ ESPACE PRIVÉ

INTÉRIEUR ET RENCONTRES PERSONNEL

TRANSITIONS NÉCESSAIRES DU SEUIL, Le seuil à la GEORGES PEREC, Novembre 2017. 111


OUVERTURE A l’époque de Diderot, les portes étaient de l’ordre de l’élément architectural et décoratif. Seule la classification typologique était de mise, peut-être dans un souci patrimonial et scientifique de tout classifier, tout redessiner, tout emmagasiner pour comprendre et transmettre le savoir. De nos jours, chaque élément matériel a un usage et tout un imaginaire qui est propre à chaque personne qui le pratique. Notre classification tout d’abord typo-morphologique est croisée avec le vécu et l’usage des habitants. C’est ainsi que nous pensons la création des nouveaux seuils du logement comme des espaces qui doivent avoir des dispositifs permettant le partage, la rencontre et les échanges tout en présentant une sécurisation entre l’espace public et l’espace privé. Comment l’espace de seuil peut-il être un espace de rencontre chaleureux et jovial dans les mœurs actuelles de sécurisation, de résidentialisation et de multiplication des barrières entre les individus ? C’est à partir des re-définitions travaillées avec les habitants et la renaissance des symboliques émanant du seuil que le travail de cet interface redevient un lieu d’usages enrichissant. Les seuils des années 70, lumineux et généreux, pensés par les architectes modernes, mêlés à des matériaux porteurs de rituels, comme la pierre, sont d’une qualité qu’il faudrait retrouver dans la production de seuil actuelle. C’est un arpentage de la ville avec une attitude tournée vers une sorte de découverte « à la recherche de seuils » que la carte de la double page suivante recense : les seuils « à voir » ont marqué ces journées de promenades avec une œil neuf tourné vers un tourisme du seuil.

112


Encyclopédie de Diderot numérisée sur encyclopédie.eu, ARCHITECTURE, Planche XXVIII, 1765. 113


CARTE DES SEUILS «À VOIR» DÉAMBULATION DANS MARSEILLE...

114


15 8 12 9

10

11

16 14

2

18 4

7 3 5

1

13

6

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17


1

Escalier, Chemin du Mauvais pas, Marseille.

2

Porte : Rue de Cassis, Marseille

3

Porte : Boulevard Lord Duveen, Marseille

4

Porte 504-506 Rue Paradis

5

Entrée piétonne Grand-Pavot, Rond point du Prado, Marseille.

6

Entrée voiture Grand-Pavot, Rond point du Prado, Marseille.

7

Hall d’entrée neuf rue Paradis, Marseille.

8

Porte rue de la République, Marseille.

9

Porte d’entrée, Paradis.

116

150,

rue


10

Porte dans sur escalier, 39, Cours Lieutaud, Marseille.

11

Entrée 93, Rue Paradis, Marseille.

12

Entrée 77, Rue de Rome, Marseille.

13

Passage 64, Avenue du Prado, Marseille.

14

Entrée 100, Avenue du Prado, Marseille.

15

Portillon, Îlot M5, la Joliette, Marseille.

16

Porte, Rue Marseille.

17

Entrée 11, Avenue Bleuets, Marseille.

18

Porte 143, Rue Paradis, Marseille.

Marengo,

117

des


BIBLIOGRAPHIE BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, Les Presses universitaires de France, 1961, Paris, Première édition 1957. BERTRAND M.J., Listowski H, Les places dans la ville, Dunod, 1984. BONNIN Philippe, Dispositifs et rituels du seuil : une topologie sociale. Détour japonais, Communications, V.70, N.1, p. 65-92, 2000. BONNIN Philippe, Images habitées. Photographie et spatialité, Paris, Creaphis, 272 pages. BONNIN Philippe, PEZEU-MASSABUAU Jacques, Façons d’habiter au Japon. Maisons, villes et seuils, Paris, CNRS Éditions, 2017. CENTLIVRES Pierre, Rites, seuils, passages, Communications, V.70, N.1 p. 33-44, 1999. DEPAULE Jean-Charles, À travers le mur, Parenthèses, 2014. FLAMAND Amélie, Les Espaces Intermédiaires Dans L’habitat : Espaces-Enjeux, Espaces Publics ?, Centre de Recherche sur l’Habitat-UMR Louest 7145, 2008. JACOBS Jane, Déclin et survie des grandes villes américaines, édition de 1991 de Pierre Mardaga,1961. JOSEPH I., Le passant considérable. Essai sur la dispersion de l’espace public, Paris, Klincksieck, 1984. KRACAUER Siegfred, Rues de Berlin et d’ailleurs, Paris, Le Promeneur, 1995. PAQUOT Thierry, DICORUE Vocabulaire ordinaire et extraordinaire des lieux urbains, photographies de Frédéric Soltan, CNRS Editions, 2017. PANERAI Philippe, DEPAULE Jean-Charles, DEMORGON Marcelle, Analyse urbaine, Parenthèses Eds, 1999. PERALDI Michel, Paysage, ville et mémoire : Marseille, C.E.R.F.I.S.E., 1988. 118


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ARCHIVES DÉPARTEMENTALES Archives et Bibliothèque départementales Gaston Defferre. Archives de permis de construire sur la Rue Paradis. Archives de permis de construire des bâtiments remarquables dans Marseille. 119


INDEX DES NOTES 1 : Entretien du 2 octobre 2017, Rue Paradis. «Le plus important c’est la sécurité contre les jeunes du quartier, la porte principale c’est comme ma porte d’entrée que j’ai fait changer, elle doit être blindée, les assurances l’obligent !», Homme d’environ 70 ans habitant un logement collectif récent. 2 : DEPAULE Jean-Charles, A travers le mur, Parenthèses, 2014. Page 42. 3 : http://www.marseille-provence.fr/index.php/institution/les-18-communes. Les 18 communes (regroupant 605 km² pour 1 042 700 habitants) de l’ancienne communauté urbaine MARSEILLE PROVENCE MÉTROPOLE forment aujourd’hui le territoire de Marseille-Provence au sein de la métropole. Marseille-Provence est un territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. 4 : Voir Carte en double page suivante des seuils relevés dans le cadre de l’étude et des relevés typo-morphologiques. 5 : Voir description de la méthode d’analyse en Annexes page 128-129. «L’analyse des espaces publics – Les places» a été produit par l’Université de Nice en partenariat avec l’UNT UOH. L’œuvre est basée à unt.unice.fr. 6 : Détails de l’exposition disponibles sur : https://www.circus-berlin.de/james-turrell-inberlin/. Article consulté le 08/12-2017. 7 : Mémoire de S6, Lucie Gualina, «L’escalier Urbain, Lien entre l’Homme et l’espace», 2015. 8 : Adrien Blés, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Ed. Jeanne Laffitte, Marseille, 1989. 9 : RONCAYOLO Marcel, Lectures des villes, Forme et temps, Parenthèses 2002. Page 120. 10 : D’après les interviews effectués durant les 4 mois d’études, voir retranscription des interviews des habitants en Annexes. 11 : La cité-jardin est vouée à être détruite pour accueillir un nouveau projet, d’après l’entretien avec les habitants. 12 : Voir photographie personnelles Îlot M5, la Joliette pages suivantes. 13 : « La résidentialisation, qui consiste à donner un caractère privé aux immeubles, par exemple en posant des grilles à l’entrée ou en aménageant un jardin au pied de l’immeuble, permet une appropriation de l’immeuble par ses habitants.» Rapport Grosdidier à l’Assemblée Nationale no 997, p. 20. 14 : Voir séquences d’entrées ci-contre. 15 : F. Pourcel et M. Sengel, De Gré Ou De Force. Noailles À L’heure De La Réhabilitation, novembre 2007. Les logements trop petits à Noailles apportent une pratique de la rue différente des autres quartiers : les habitants ont leurs habitudes dans la rue comme si elle était une extension de leur logement. 16 : Émile Durkheim, L’Éducation morale, Paris, Puf, 1925.

120


121


INDEX ICONOGRAPHIE P.11 :

Photographie de Lucie Gualina, MATÉRIALITÉ DE SEUIL, Boulevard Lord Duveen, 2017.

P.13 : GUALINA Lucie, Essai de vocabulaire associé au seuil : Le seuil à la GEORGES PEREC, 2017.

P.15 : 2017.

Redessin de la signalétique du seuil , sécurité et identité de l’habitant, Octobre

P.18-19 : CARTE DE MARSEILLE ET SA METROPOLE, fichier agence 331 corniche architecte, Lucie Gualina.

P.21 :

Typologies d’entrées dans le logement dans son rapport frontal à la rue, photographies Lucie Gualina.

P.23 : Classement d’après les relevés des typologies de seuils en fonction des usages observés,d’après relevés, Octobre 2017.

P.24 : Catalogue des principaux dispositifs de seuils architecturaux, Décembre 2017. P.27 :

Pierre marquant le seuil antique, Rue de Pompéi, photographie du guide touristique officiel de Pompéi.

P.29 : Un escalier traversait chacun des 3 étages de l’exposition jusqu’au dernier étage

où l’escalier débouche sur une porte à l’encadrement lumineux, l’élévation de l’Homme mène à la lumière. Photographie personnelle, Exposition FOMO, PROTIC Stephane, « Dawn Stairs », Mai 2015.

P.33 :

Entrée des logements au 9BIS, rue Paradis, Photographie Lucie Gualina, Octobre 2017.

P.35 : Série de photographies de Lucie Gualina, Portes d’entrée et seuils «anciens». P.37 :

PARCOURS d’Anaïs, de sa boutique à son lieu de pause quotidienne, rue Paradis, Marseille, 2017.

P.39 : 2017.

Plans du parcours public/privé d’après interviews de l’habitante, septembre

P. 41 : Axonométrie des éléments composant le seuil d’Anaïs, Rue Paradis, Marseille, 2017.

P.43 :

Photographies personnelles du franchissement quotidien d’une entrée par le facteur, 141 Rue Paradis, septembre 2017.

P.45 : Coupe de la séquence d’entrée, Rue Paradis, Marseille, Décembre 2017.

122


P.47 : Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, 3 fenêtres Rue Paradis, Marseille, Décembre 2017.

P.49

: Photographie personnelle de l’entrée du projet de Point Supreme, Six Dogs typologie similaire à l’entrée descendante de logements à Athènes, Grèce, Novembre 2017.

P.53 : Photographie Lucie Gualina,

Hall d’entrée neuf rue Paradis, Marseille, 2017.

P.57 : Série de photographies de Lucie Gualina, Portes d’entrée et seuils «modernes». P.59 : Étapes du franchissement d’Emma, 24 ans, pour accéder à son logement, Cité Radieuse, Marseille, 2017.

P.61 : PARCOURS DU PUBLIC AU PRIVÉ d’Emma, 24 ans, Cité Radieuse, Marseille, septembre 2017.

P.63 : Axonométrie des éléments composant le seuil d’entrée d’Emma, Cité Radieuse, Marseille, 2017.

P.65 : Coupe de la séquence d’entrée, 2017.

Habitation Le Corbusier, Marseille, Décembre

P.67

: Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, Habitation Le Corbusier, Marseille, Décembre 2017.

P.69 : Photographie personnelle de l’entrée Grand Pavois, Le parking comme seuil, Marseille, Septembre 2017.

P.70-71 :

Photographie personnelle de l’entrée d’un bâtiment récent, 154 Irodou Attikou, Athènes, Grèce, Novembre 2017.

P.73

: Photographies personnelles du franchissement du seuil par une étudiante curieuse, Rue de Rome, Novembre 2017.

P.77 : Photographie de Lucie Gualina, portail menant à un logement individuel. P.79 : Série de photographie de Lucie Gualina, Portes et portails menant à un logement individuel.

P.81 : Étapes du franchissement de Raymonde, pour accéder à son logement, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, 2017.

P.83 : PARCOURS DU PUBLIC AU PRIVÉ de Raymonde, 91 ans, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, septembre 2017.

P.85 : Axonométrie des composants du seuil d’entrée du logement de Raymonde, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, 2017.

P.87 :

Photographies personnelles du franchissement du seuil par une étudiante curieuse, Boulevard du Prado, Septembre 2017.

P.89 :

Coupe de la séquence d’entrée, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, Novembre 2017.

P.91 : Axonométrie globale : Échelle de l’entrée à l’échelle de la façade entière, Cité Jardin de la Gardanne, Marseille, Décembre 2017.

123


P.92 : La vue sur mer : l’arrivée chez-soi pour un habitant de cabanon, Magrague de Montredon, Photographie personnelle, Novembre 2017.

P.93 : L’escalier dérobé : l’arrivée chez-soi pour un habitant de cabanon, Magrague de Montredon, Photographie personnelle, Novembre 2017.

P.94 : Série de séquences : l’arrivée depuis la grille au bout de la perspective puis

franchissement de l’escalier, Îlot M5 à la Joliette, Marseille, photographie personnelle, Novembre 2017.

P.95 : Coursive extérieure d’accès au logement, séquence complexe, Îlot M5 à la Joliette, photographie Loïs Gabriagues, Novembre 2017.

P.97 : Travail de reconstitution, accumulation des dispositifs existants sur immeuble imaginé à partir de l’échantillonnage, Coupe type des séquences d’un immeuble récent, Novembre 2017.

P.99 : Photographie personnelle, Apogée de la mort du seuil, Rue de Cassis, Marseille, Novembre 2017.

P.101 :

Plan redessiné d’une maison traditionnelle avec accès en chicane, Iran, D’après G. Monnier, La porte, Alternative, 2004.

P.103 :

Axonométrie de la rue Veikou, d’Athènes, Renfoncements de seuils et séquences de bâtiments surélevés qui apporte une respiration dans le cheminement de cette rue étroite et végétalisée, Décembre 2017. Axonométrie de la Rue Paradis, Marseille, avec débords de seuil sur l’espace public et cheminement entre les potelets et la voirie très fréquentée, Décembre 2017.

P.106-107 : Nicolas Moulin, Photomontage «Vider Paris », Exposition Galerie Chez Valentin avec bandes sonores et vidéos, 2001.

P.111 : TRANSITIONS NÉCESSAIRES DU SEUIL, Le seuil à la GEORGES PEREC, Novembre 2017.

P.113 : Encyclopédie de Diderot numérisée sur encyclopédie.eu, ARCHITECTURE, Planche XXVIII, 1765.

P.114- 117 : Carte des seuils « A VOIR »,

124


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ANNEXES

-

MÉTHODE D’ANALYSE DES SEUILS

p.128

-

FICHE D’ÉTUDE TYPE

p.130

-

FICHE D’ÉTUDE REMPLIE

p.131

-

INTERVIEWS

p.132

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MÉTHODE D’ANALYSE DES SEUILS

Méthode d’analyse de l’espace public, d’après l’Université de Nice SophiaAntipolis.

L’ANALYSE TYPO-MORPHOLOGIQUE L’objectif est de décrypter l’objet architectural «seuil» dans ses dimensions et son échelle pour comprendre son influence sur la pratique de l’espace public mais également la partie «hall» de la traversée privée dans les séquences d’un seuil d’entrée de logement. 1- Faire une évaluation critique de la forme des tissus et des organismes urbains. 2- Identifier des permanences structurales associées à l’identité culturelle des lieux et des contraintes relatives à la conservation du patrimoine bâti et des paysages culturels. 3- Définir des mesures de contrôle des transformations du cadre bâti et d’encadrement des projets d’intervention.

LA LECTURE TOPOLOGIQUE Elle concerne les caractéristiques et dispositions internes des espaces ainsi que les positions et les liaisons de ces espaces les uns par rapport aux autres. Nous allons décrire : • sa fluidité • son dynamisme, • son statisme

LA LECTURE GÉOMÉTRIQUE La lecture géométrique décrit les figures qui dessinent les espaces et leurs proportions les uns par rapport aux autres. Nous allons prendre en compte : • la typologie des formes • les rapports des figures • les rapports de directions

128


ANALYSE DU SEUIL 1) DANS SA PRATIQUE FLUIDITÉ (Espace libre, sans encorbellements) DYNAMISME (Espace canalisé, incite aux déplacements) STATISME (Espace petit et fermé, incite au stationnement)

2) DANS SA TYPOLOGIE PROPRE TYPOLOGIE DES FORMES

RAPPORT DES FIGURES

GÉOMETRIQUES

RÉSIDUELLES

RAPPORT DES DIRECTIONS OBÉISSANCE

IDENTITÉ

SIMILARITÉ

COMPLEMENTARITE DIFFERENCE ORGANIQUES

129

DÉSOBÉISSANCE


REMARQUES :

AGE :

VIGNETTE :

NOM : Qu’est ce qui fait seuil ? Pratique de ce seuil ?

INTERVIEWS D’UN USAGER :

MOTS CLÉS :

ENVIRONNEMENT :

JOUR : HEURE : MÉTÉO :

COORDONNÉES GPS: ADRESSE :

SEUIL N°

MESURES:

PLAN DE SITUATION :

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PASSAGE TRANSITION

RAPPORT AU SOL/RUE MARCHES RAMPE ?

CARACTÈRE ÉPAISSEUR, DIMENSIONS DÉCORS

RAPPORT AU BATI

FICHE D’ÉTUDE TYPE


FICHE D’ÉTUDE REMPLIE

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INTERVIEWS Le concept du « chez-soi » est complexe à étudier sachant qu’il se base sur un ressenti de la personne interrogée. Néanmoins, la notion d’intimité peut se retrouver à la fois dans un lieu public, son banc favori, un endroit où l’on se sent bien, un endroit rempli de souvenirs ou dans un lieu privé notamment son « chez-soi ». C’est pour tenter de comprendre ce que ressentent les gens qui pratiquent les seuils étudiés menant à des logements que nous avons questionné des habitants. Dans chaque interview considéré comme semi directif, nous avons posé une série de questionnements identiques. Pourquoi / dans quelles conditions passez-vous ce seuil / cette porte ? Combien de fois par jour ? Qu’est ce qui fait seuil pour vous ? Quel élément marque pour vous votre «chez-vous» ? A quel moment vous sentez-vous «chez-vous» ? Quels sont les éléments marquants de votre rituel de franchissement de ce seuil qui vous viennent en premier à l’esprit ? INTERVIEWS À MARSEILLE Raymonde, 91 ans, habitante Cité Jardin de St Loup. Anaïs, 27 ans, habitante et commerçante, Rue Paradis. Emma, 24 ans, Unité d’habitation du Corbusier. Grégoire, 27 ans, habitant de Castellane. Joseph, 65 ans, habitant de l’îlot M5. Pascale, 62 ans, habitante de la Cité Consolat.

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INTERVIEWS À TOULOUSE Muriel, habitante de Toulouse, expatriée à Shanghaï. ‘«A Shanghai, cet habitat, très différent, se nomme ‘Lilong’. Le Lilong est un ensemble d’habitations que l’on peut apercevoir dans différents quartiers de la ville. De la rue on distingue parfois le départ d’une ruelle autour de laquelle se distribue un grand nombre de logements: c’est l’entrée d’un Lilong. Du fait de la construction en masse de buildings pour pallier à l’afflux grandissant de population, les lilongs vieillissants sont détruits...il y a de moins en moins de lilongs....» Question 1 : Pourquoi / dans quelles conditions passez-vous ce seuil / cette porte ? «Pour découvrir un mode d’habitat que je ne connais peu.» Question 2 : Combien de fois par jour ? «Quand j’en ai le temps ou au tournant d’une rue. » Question 3 : Qu’est ce qui fait seuil pour vous ? Quel élément marque pour vous votre «chez-vous» ? « Le franchissement physique de la porte, d’un lieu ou «barrière» physique ou mentale. » Question 4 : A quel moment vous sentez-vous «chez-vous» ? « L’endroit à partir duquel je peux déposer mes valises. » Question 5 : Quels sont les éléments marquants de votre rituel de franchissement de ce seuil qui vous viennent en premier à l’esprit ? « Je cherche mes clefs. » Question 6 : Comment vous ressentez les seuils ‘Lilong’ que vous présentez ? C’est un franchissement qui marque un nouveau quartier ? Les habitants repèrent les gens qui n’habitent pas dans le coin ? « Le seuil «Lilong» est pour moi comme une pénétration dans un lieu secret, certes il n’est pas interdit mais comme il y a qu’une entrée qui dessert un labyrinthe de petites rues avec beaucoup de petites logements... Donc je me sens intruse car personne ne m’y a conviée. Les chinois y logeant savent instantanément que je suis doublement étrangère : waiguo ren (pas chinoise) et 133


étrangère au lieu. Mais je n’ai jamais eu de problème pour franchir le porche malgré ma curiosité qui peut être jugée mal placée par les habitants. Ce seuil c’est donc une entrée de vie de village dans la ville... » Rappelant les hutongs pékinois, les lilongs shanghaiens se composent de ruelles étroites contenant des maisons mitoyennes. Celles-ci ont souvent un portail en pierre ainsi qu’une cour intérieure. En mars 1854, l’empire chinois a signé un accord avec les Européens présents dans les concessions leur demandant de construire rapidement de nombreux logements, une grande partie de la ville ayant été détruite par une révolte. Ceux-ci ont accepté cette demande qui leur permettait d’étendre leur influence. De très nombreux quartiers ont ainsi été réalisés, avec des techniques de construction chinoises (disposition des pièces, présence d’une cour) mais sur un modèle de quartier occidental (dont la promiscuité et l’étroitesse des rues correspondent à un besoin de rationaliser l’espace, pour construire beaucoup et à moindre coût). Les constructions se font d’abord en bois puis, après l’interdiction de ce matériau, à partir de 1870, en briques, pour éviter les incendies.


Les lilongs ont donc commencé à exister dans la deuxième moitié du XIXe siècle et leur construction s’est prolongée jusqu’en 1949. Pendant toute cette période, les styles et agencements des constructions ont évolué, notamment à cause des arrivées successives d’étrangers, d’Europe, d’Amérique et du Japon. Un des lilongs les plus connus et les mieux conservés est la «Cité Bourgogne», à l’intersection des rues Shanxi Nan Lu et Jianguo Lu. Encore de nos jours, dans chaque lilong, un gardien reste en permanence à la porte. Certains lilongs ne servent plus d’habitations et ont été restaurés. D’autres, comme ceux du quartier Xintiandi abritent des magasins ou des restaurants de luxe et sont des reconstitutions, dont la réalisation a entraîné le déplacement de 3 500 familles...» Note de l’auteur : Ces passages rappellent, par leur morphologie et leur usages, les anciens passages comme les portes cochères françaises qui protégeaient les dames de la pluie lors de leur arrivée en diligences et permettaient de contrôler les accès au quartier, bastides, immeubles privés, ...





« D’une certaine manière, le seuil fonde les espaces. Le seuil existe dès lors qu’on a l’intention de séparer un lieu du reste du monde : un dedans, un espace fini et clos, aux qualités choisies et contrôlées. L’intérieur est le lieu, où on cristallise l’intime, où se construit l’identité, où se réalisent la protection et la sécurité recherchée ... » BONNIN Philippe, Dispositifs et rituels du seuil, Communications, Volume 70, 2000, p.69.






Le franchissement de seuils est quotidien à tous les usagers de la ville. Qu’ils soient physiques ou mentaux leurs typologies et leurs actions permettent de rythmer l’arpentage de la ville dans les rituels d’un imaginaire programmé. Comment ces seuils composent des séquences de transitions de l’espace public à l’espace privé importantes dans la pratique des usagers et leur appropriation de la ville ? Comment ces seuils agissent dans le paysage urbain de la ville ? Le centre-ville de Marseille, un incubateur à séquences d’entrée organisant les seuils de logements.

SÉMINAIRE «CARNET CURIEUX» LUCIE GUALINA


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