Du modèle commercial à la ressource architecturale. Mutations des centres commerciaux péri-urbains.

Page 1

DU MODÈLE COMMERCIAL À LA RESSOURCE ARCHITECTURALE MUTATIONS DES CENTRES COMMERCIAUX PÉRI-URBAINS À TRAVERS L’EXEMPLE DE TERRE-CIEL À CHELLES

LUCIE DAUM MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES 2021/2022 SOUS LA DIRECTION DE XAVIER DOUSSON ENSA PARIS VAL-DE-SEINE


En couverture : le centre commercial Terre-Ciel à Chelles, visite du 8 septembre 2021. Cette photographie est volontairement découpée en deux. La 1ère de couverture fait la part belle au vivant. Les plantes au premier plan symbolisent une végétation perdue qui reprendrait sa place au sein d’un ensemble gris et goudronné. Au loin deux employés de l’hypermarché partagent leur pause et nous rappellent la dimension sociale et humaine des centres commerciaux. La 4ème de couverture relaie la file de caddie, symbole de consommation massive, au second plan. Ici la fonction commerciale devient secondaire mais ne disparaît pas, elle laisse simplement plus d’espace pour rêver d’autres possibles.



4


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont guidé et encouragé dans la réalisation de ce mémoire et sans qui l’aboutissement de ce travail aurait été vain. À commencer par mon directeur de recherche, Xavier Dousson, pour avoir orienté mes recherches et guidé mes réflexions tout au long du semestre. Pour les outils méthodiques transmis, les conseils éclairés mais également pour les digressions instructives. À Thierry Bouchez et Guillaume Fleury pour m’avoir accordé de leur temps lors des entretiens, et dont les réponses auront permis d’éclairer et nourrir cette recherche. À Elisa Vialle, Denyse Rodriguez et Hugues Fontenas pour les riches échanges que nous avons eus et pour leurs conseils de lecture. Leur intérêt pour le sujet aura été une réelle source de motivation. À Fleur Alliet, Elisa Boyer, Bénédicte Chevalier et Juliette Kaminski pour les relectures, les conseils, l’écoute et toute l’aide qu’elles m’ont apportée chacune à leur manière. À Alexandre, Hamza, Jeanne, Nicolas et Paul pour leur heureuse compagnie des lundis matin lors des séances d’encadrement, pour les outils de travail mais aussi les doutes que nous avons partagés. À mes parents, Martine et Bertrand, pour leur présence quotidienne. Je salue enfin la fanfare des Encuivrés, pour leur soutien amical et mélodieux.

5


6


PROLOGUE

Chaque bâtiment qui nous entoure fait partie d’un tout et participe à la représentation que nous nous faisons de notre environnement. Ils sont nos repères quotidiens, des gardiens de souvenirs, les témoins d’une époque. Reconvertir les bâtiments signifie faire avec le déjà-là. À rebours des politiques de patrimonialisation et de protection des vestiges anciens, l’enjeu de la reconversion de l’existant est de faire vivre un héritage bâti mineur tout en lui redonnant une place dans la ville, composer avec lui, sans nostalgie ni stigmate. POURQUOI LES CENTRES COMMERCIAUX ?

J’ai grandi à Chelles en Seine-et-Marne et tout au long de mes années de collège et de lycée, j’ai fréquenté ces lieux avec la frénésie d’un âge où l’on cherche à trouver sa place et où l’affirmation de soi passe avant tout par l’image. C’est en entrant en études supérieures que j’ai commencé à voir dans ces lieux le reflet d’une folie. Alors que je prenais conscience des conséquences de la surconsommation sur l’environnement, je m’y sentais moins bien, parfois mal à l’aise ou oppressée. Nombreuses sont les dispositions qui portent l’illusion d’avoir toujours besoin de nouvelles choses et multiples les mécanismes jouant sur les peurs et complexes de chacun ! En débutant mon mémoire j’étais presque fière de m’attaquer à cette « architecture » comme archétype de la consommation. Toute la complexité de cet exercice a été de garder une distance entre mes convictions personnelles et la réalité de la situation des centres commerciaux afin de restituer un document scientifique.

7


5

REMERCIEMENTS

7

PROLOGUE

11

INTRODUCTION 13 13 17 14 20 20 21

25

1_

27

1.1. Un modèle victime de son succès 27 29

35

PASSÉ - PRÉSENT : DU SUCCÈS AU DÉCLIN

_ Les motifs du succès _ Hyper-concurrence : les conséquences d’une saturation 1.2. Émergence de nouveaux modes de consommation

35 36 38

41

_ Le e-commerce _ Nouvelles aspirations de consommation _ Évolution des mobilités 1.3. Une concurrence qui se renouvelle

41 43

8

_ Quel patrimoine ? _ Évolution d’un modèle _ Diffusion du modèle en France _ Typologies commerciales _ Archétype de la surconsommation _ Quel avenir ? _ Méthode et sources

_ Le Grand ... _ ... et le « petit »


SOMMAIRE

47

2_

49

2.1. Le maintien d’un modèle 49 52 54

59

PRÉSENT - FUTUR : DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

_ Renouveler l’image par la communication _ (Re)créer un flux _ Restructurer 2.2. Au-delà du commerce

59 63

_ Faire rentrer la ville _ Changement de destination

71

CONCLUSION

74

GLOSSAIRE

76

BIBLIOGRAPHIE

81

ANNEXES 82 84 90 93 99 106 114 115 118 122

_ Les centres commerciaux en chiffres _ Chronologie des architectures commerciales _ Frise chronologique _ « Une architecture majestueuse » _ Entretien avec Thierry Bouchez _ « La boîte noire » _ Entretien avec Guillaume Fleury _ Portfolio thématique des visites de site _ Plan d’occupation de Terre-Ciel _ Création d’un centre commercial _ mars 1996 _ Restructuration du centre commercial Chelles 2 _ mars 2013 _ Archives municipales

9


10


INTRODUCTION


12


QUEL PATRIMOINE ?

« Le patrimoine architectural ne se limite pas aux grands monuments protégés. Il comprend également un grand nombre de bâtiments dont la valeur culturelle ne se mesure pas uniquement à la qualité architecturale, mais aussi à la qualité de leur ancien usage, à l’attachement que leur porte une population, à leur situation... »1 Patrimoine vient du latin patrimonium, dont la racine pater signifie père. Au XIIème siècle il est défini comme l’ensemble des biens que l’on hérite de ses ascendants ou que l’on constitue pour le transmettre à ses descendants.2 Pourtant, on l’assimile majoritairement aujourd’hui aux édifices exceptionnels relayant au second plan les bâtiments dont l’histoire ou la qualité du dessin, des matériaux, ne suscitent que peu d’intérêt si ce n’est parfois l’espace foncier qu’ils occupent. En effet, si la valeur des monuments historiques n’est plus à démontrer, la « reconquête » d’une grande partie de ce patrimoine mineur soulève quant à elle de nombreuses questions. Parmi ces architectures du quotidien, les centres commerciaux sont omniprésents dans nos villes. ÉVOLUTION D’UN MODÈLE

Les centres commerciaux que nous connaissons aujourd’hui sont le résultat d’un aller-retour entre Europe et États-Unis. Les galeries parisiennes, l’invention des grands magasins, la théorisation du mall américain par l’architecte Victor Gruen puis sa concrétisation ont largement inspiré les centres commerciaux français. Ils sont désormais nombreux à être implantés en périphérie des villes françaises. Afin de mieux comprendre l’évolution de ce modèle, revenons légèrement en arrière. Nous rappellerons ici de manière non exhaustive les différentes inventions majeures en matière d’architecture commerciale, développées au cours des deux derniers siècles. À Paris apparaissent dès la fin du 18ème siècle les galeries marchandes, le passage du Caire sera le premier passage couvert d’une longue série gagnant les autres grandes villes européennes comme Londres, Liège ou encore Milan.3 1_ ARNAUD Françoise et FABRE Xavier, « Réutilisation des bâtiments anciens », revue Aménagement et Nature, Association pour les espaces naturels, Paris, 1980 2_ Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. www.cnrtl.fr 3_ DESJEUX Dominique, L’empreinte anthropologique du monde, 2018. Depuis l’ouvrage de CHABAULT Vincent, Éloge du magasin, Contre l’amazonisation, Gallimard, Paris, 2020 INTRODUCTION

13


Figure 1_ Le « cocotier lumineux » de la galerie Colbert, Paris. Source : François Peyne

Figure 3_ Passage couvert Balthus, Autun Source : www.monnuage.fr

Figure 2_ Coupole, Terre-Ciel, Chelles Visite du 08/09/2021

Figure 4_ Galerie, RDC Haut, Terre-Ciel, Chelles Visite du 08/09/2021

Figures 1 à 4_ Récupération typologique des passages et galeries par le centre commercial Poteaux apparents, coursive haute, verrière et coupole

14

INTRODUCTION


Cette invention permet au chalandage de se déployer, favorisant l’acte d’achat par la mise en place d’une série de stratégies spatiales. La galerie marchande se déleste des préoccupations de la rue, de ses agitations afin de concentrer l’attention sur l’activité commerciale. Le passage couvert est exclusivement dédié au piéton et propose un raccourci entre deux rues souvent animées. La galerie est bordée par l’alignement de boutiques et sa couverture permet de protéger les passants des intempéries tout en laissant passer la lumière. En 1995, Patrice De Moncan dans son ouvrage Les passages couverts de Paris écrit : « Le problème fut ainsi posé : - donner autant de lumière qu’une rue ; de la chaleur, l’hiver, de la fraîcheur, l’été ; de l’abri tout le temps ; jamais de poussière, jamais de boue. »4 Au milieu du 19ème siècle l’émergence des grands magasins à Paris comme le « Bon Marché » va révolutionner l’architecture commerciale tout en bouleversant les modes de consommation de son époque. La marchandise est mise en avant, et l’assortiment s’élargit. La vente de produits en plus grande quantité va permettre de casser les prix, les rendant bien plus concurrentiels face aux petits commerces. D’autres mécanismes commerciaux comme la fixité des prix ou encore le début de la livraison à domicile vont définitivement permettre la diffusion de ce modèle au 19ème siècle. Ce basculement ainsi que ses répercussions sur le petit commerce parisien est décrit par Émile Zola dans le onzième volume des Rougon-Macquart : « Avait-on vu cela ? Un magasin de nouveautés où l’on vendait de tout ! »5 Le modèle poursuit son évolution avec l’arrivée dans les années 1930 du supermarché aux États-Unis et avec lui les prémices de l’hypermarché du siècle suivant : standardisation de la marchandise, vente en masse à bas prix, libreservice, parkings, portes automatiques, air conditionné, chariots, gondoles.6 Leur est également attribué le principe du « tout sous le même toit » qui sera largement repris par les centres commerciaux. En 1954 l’architecte austro-américain Victor Gruen construit le premier centre commercial « moderne », le Northland Center près de Détroit, qu’il conceptualise quelques années auparavant. Le mall se veut être, dans la conception initiale de

4_ DE MONCAN Patrice, Les passages couverts de Paris, Paris, Les Éditions de Mécène, 1995 5_ ZOLA Émile, Au bonheur des dames, Pocket classiques, 1883 6_ Dir. GARCEZ Christina et MANGIN David, Du Far West à la ville, l’urbanisme en questions, Editions Parenthèses, Paris, 2014, p.38 INTRODUCTION

15


Figure 5_ Northland Shopping Center, Southfield Township, Michigan Source : www.gruenassociates.com

Figure 6_ Centre Commercial Les Sentiers et ses nappes de stationnement, Claye-Souilly (77) Source : www.geoportail.gouv.fr Figures 5 et 6_ Situation du mall américain et du centre commercial péri-urbain français Grandes étendues de parkings et infrastructures routières aux portes de la nature

16

INTRODUCTION


l’architecte, une véritable agora moderne, un nouveau centre-ville en périphérie composé d’un espace marchand important, mais aussi des logements, des équipements publics, des espaces extérieurs végétalisés, le tout organisé autour du commerce. En 1963 il écrit : « Prenez 50 hectares de terrain plat idéal. Entourez-les par 500 000 consommateurs qui n’ont aucun autre accès à des aménagements commerciaux. Préparez le terrain et couvrez la partie centrale avec un million de techniques commerciales qui vendront à bas prix des articles de qualité. Décorez le tout avec 10 000 parkings et assurez-vous de rendre le terrain accessible par d’excellentes voies express sous-utilisées. Terminez en décorant avec des plantes, des parterres de fleurs variées, une petite sculpture et servez brûlant au consommateur. »7 La métaphore de la cuisine place ici le centre d’achat en tant que recette magique. Cette citation met aussi l’accent sur le lien insécable entre essor de l’automobile et succès du modèle (fig.5). En effet la démocratisation de l’usage de la voiture au début du XXème siècle et la construction de nombreuses infrastructures routières vont permettre d’élargir leur zone de chalandise. D’autre part, les premiers malls sont construits dans les banlieues bourgeoises des grandes villes nord-américaines, au sein d’un tissu pavillonnaire mono-fonctionnel. D’une certaine manière, leur arrivée va conforter une ségrégation sociospatiale déjà marquée entre les populations blanches et bourgeoises, qui habitent la périphérie, et une communauté afroaméricaine « maîtrisée » et isolée dans les centres-villes8 : les classes aisées n’ont alors plus besoin de se rendre dans les centres-villes pour faire leurs courses ou aller au cinéma, ce qui va accentuer la mise à distance des populations plus « pauvres ». DIFFUSION DU MODÈLE EN FRANCE

La France voit arriver la construction des premiers centres commerciaux sur le modèle nord-américain à la fin des années 50, et se développer plus généreusement durant les deux décennies suivantes. Si les premiers centres commerciaux de proximité sont d’abord érigés dans des villes majoritairement bourgeoises comme à Rueil-Malmaison9 en 1958, ils gagnent rapidement d’autres villes moins riches. Cette appropriation par de nouvelles catégories sociales va donner naissance à 7_ GRUEN Victor, architecte commercial, 1963 8_ RODRIGUEZ Denyse, Le Mall : invention du type, et exportation, séminaire, ENSA Versailles 9_ Situé dans les Hauts-de-Seine, le centre commercial de proximité Colmar est le premier construit en France. INTRODUCTION

17


des édifices de moins bonne qualité, construits avec des matériaux moins nobles, discount*10 à l’instar de leur mode de fonctionnement. Dans le cas précis de la métropole parisienne, leur majeure implantation en périphérie, dans les banlieues de la capitale, peut s’expliquer par la disponibilité d’un foncier moins cher, mais aussi par la proximité des infrastructures de transport et notamment automobiles. Dans un interview, l’architecte Corinne Vezzoni et cofondatrice de l’agence éponyme soutient que : « Toutes ces zones commerciales qui se sont épanchées en périphérie des villes, qui se sont évidemment rapprochées des lotissements [...] sont extrêmement bien placées puisqu’elles se trouvent aux sorties des villes, accessibles depuis les autoroutes, les bretelles, etc., et qui très souvent, dans la France entière, se trouvent aux portes de la nature »11 En contrepartie, ils s’intègrent généralement mal dans les tissus urbains et créent parfois de véritables discontinuités. Dans une logique de densification des villes pavillonnaires, contre l’expansion et la consommation de nouvelles terres agricoles, ils portent des enjeux très forts d’aménagement du territoire. TYPOLOGIES COMMERCIALES PÉRIURBAINES

Le centre commercial est désigné par le CNCC comme « un ensemble d’au moins 20 magasins et services totalisant une surface commerciale utile (dite surface GLA) minimale de 5 000 m², conçu, réalisé et géré comme une entité. »12 Aujourd’hui on observe plusieurs déclinaisons de centres commerciaux dans la périphérie des villes française. Chaque typologie identifiée au fil de notre recherche est ici succinctement décrite. À noter que notre cas d’étude TerreCiel à Chelles s’apparente à un centre commercial « bloc », l’analyse d’autres typologies permettra en outre d’exemplifier certaines parties du développement.

10_ Chaque mot portant le signe * sera répertorié et défini dans le glossaire p.74 11_ VEZZONI Corinne : « Être efficace et optimiser le terrain », Hors concours, les architectes se racontent, podcast, épisode 13, juin 2021 12_ Glossaire du Conseil National des Centres Commerciaux. www.cncc.com

18

INTRODUCTION


Le centre commercial bloc est un bâtiment qui concentre sous un même toit un ensemble de commerces de détail s’articulant autour d’une galerie distributive. Une grande surface généraliste à dominante alimentaire endosse généralement le rôle de locomotive*, vectrice de flux. L’espace dédié au stationnement est commun à l’ensemble des enseignes.

Le centre-route commercial s’organise à la manière d’une zone industrielle. Les grandes enseignes sont réparties autour d’une route qui assure leur desserte. Chaque magasin propose un espace de stationnement qui lui est propre. Pour cette raison le centre-route est très gourmand en espace foncier. De plus, l’accès piéton est souvent rendu difficile voire inexistant.

Le retail-park est une expression anglo-saxonne qui désigne un ensemble commercial à ciel ouvert. Selon le CNCC, il est conçut et géré comme une unité et se compose au minimum de cinq unités locatives. L’ensemble des points de vente se partage une grande zone de stationnement.

Le centre-village est un ensemble commercial qui s’articule pour sa part autour d’une voie piétonne. Dans ses dispositions spatiales, il peut être vu comme l’intersection entre un centre-bourg un marché de Noël. Le concept du Shopping Promenade breveté par la foncière Frey reprend ces caractéristiques.

INTRODUCTION

19


ARCHÉTYPE DE LA SURCONSOMMATION

À partir de la deuxième moitié du XXème siècle, le rapport qu’entretiennent les sociétés occidentales et industrialisées avec le commerce bascule dans ce que l’on nomme la société de consommation, marquée par l’achat et la consommation de nouveaux produits dans des proportions toujours plus grandes. Dès lors, selon la revue Matière, cette « économie linéaire repose sur trois principes : extraire, fabriquer, jeter. »13 Les centres commerciaux reflètent directement ces modes de consommer. Dans leurs dispositions architecturales et leur organisation spatiale, ils encouragent le désir de nouveauté, portent l’adage du « toujours plus » et poussent au gaspillage en fabriquant des besoins artificiels chez les consommateurs. Cependant, comme pris à leur propre jeu, il semblerait que ces centres vivotent depuis plusieurs années face à leur rapide multiplication et à l’arrivée de nouveaux modèles, plus en phases avec les modes de consommation émergents. QUEL AVENIR ?

« Autant le 20ème siècle nous a légué des friches industrielles, autant le 21ème nous léguera les friches commerciales. »14 Si cette prédiction de Corinne Vezzoni se

confirme dans les prochaines décennies, elle pose de nombreuses questions aux architectes. Dans un contexte de crise environnementale et de « réveil écologique », la voie de la transformation de ces constructions revêt tout son sens, et pour cause ! Selon l’ICEB15, le secteur du BTP est responsable de plus de 70% du volume de déchet produit chaque année en France.16 La gestion de ces déchets, l’épuisement des ressources et le besoin de foncier, toujours croissant, mis en perspective avec l’obsolescence de ces lieux particuliers ne peut que stimuler les imaginaires. Le titre de ce mémoire « Du modèle commercial à la ressource architecturale » suggère de déplacer notre regard sur les centres commerciaux, de les reconsidérer non pas en tant que produits génériques du capitalisme et de la consommation de masse, mais plutôt comme des ressources architecturales. Cette nouvelle considération offre de nombreuses possibilités dans la composition des territoires. Comment repenser l’aménagement des zones commerciales dans un système plus circulaire et résilient ? Ces réflexions seront au cœur de notre travail.

13_ « Économie circulaire : le nouveau défi du bâtiment », revue Matière, numéro 10, avril 2021 14_ VEZZONI Corinne, Op. cit. 15_ Institut pour la Conception Eco-responsable du Bâti 16_ MOOC Le réemploi : matière à bâtir, Teaser MOOC ICEB, 2020

20

INTRODUCTION


MÉTHODE ET SOURCES _ LA MAIN PENSANTE

J’ai commencé à lire des articles et à m’intéresser au thème de la transformation des centres commerciaux en mai 2021. Au total, j’ai passé dix mois à tourner et retourner ce sujet dans ma tête. Pourtant en entamant la formalisation écrite de ce travail j’ai rencontré beaucoup de difficultés à ordonner mes idées, à les connecter aux sources existantes et créées que j’avais collectées tout au long de ma recherche. Au début du mois de février, je me suis finalement résolue à écrire mon plan sur une feuille A3, à l’aide de ciseaux et d’un bâton de colle, je l’ai ensuite découpé et réparti sur une frise bien plus généreuse dans ses dimensions. À ce squelette, j’ai ajouté des idées, relié des citations, juxtaposé des dessins et des images. Il m’a fallu une poignée de jours pour compléter ce document et s’il s’est affiné au fil du mois suivant, les idées étaient là. J’ai réalisé combien ce temps avait été précieux pour me débloquer et me libérer l’esprit. C’était un peu comme si je tentais de résoudre une division à cinq chiffres depuis plusieurs semaines sans même avoir pensé à la poser sur un coin de carnet. Cet exercice a été d’une grande aide dans la finalisation de ce mémoire. _ ÉTAT DE L’ART

Ce travail de recherche s’appuie sur un ensemble de sources existantes composées d’ouvrages, d’articles, de travaux de recherche, mais également d’un corpus de documents audiovisuels. Les sources bibliographiques ont été consultées au sein de trois ENSA parisiennes : Val-de-Seine, Malaquais et Belleville. En juillet 2021, Elisa Vialle, une autre étudiante de l’ENSA de Paris Valde-Seine a soutenu son projet de fin d’études sur la transformation du centre commercial Évry 2.17 Son travail ainsi que les discussions que nous avons partagés autour de ce thème ont constitué la première porte d’entrée dans notre sujet d’étude. Le dossier D’A « En finir avec les centres commerciaux »18 consulté en parallèle nous aura donné un aperçu plus précis de la situation des centres commerciaux et des enjeux qui en relèvent aujourd’hui. L’ensemble des écrits compilés dans l’ouvrage « Du Far West à la ville »19 constituent une source majeure de ce mémoire. Les expériences menées par l’Atelier « territoires 17_ VIALLE Elisa, Transformation d’une future ruine moderne : le centre commercial Evry 2, tpfe, DE Expérimental, École d’Architecture de Paris Val-de-Seine, 2021, 78 p. 18_ SONNETTE Stéphanie, « En finir avec les centres commerciaux », d’architectures, n°282, juillet-août, 2020, pp.56-81. 19_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit. INTRODUCTION

21


économiques » comme les points thématiques qui y sont développés nous ont permis d’affiner nos connaissances sur l’urbanisme commercial, de mieux saisir les obstacles économiques et juridiques qui entravent leur mutation ainsi que les leviers pour « faire bouger les lignes ».20 _ GLOSSAIRE

Les centres commerciaux convoquent un vocabulaire bien spécifique. Se l’approprier nous a permis de mieux rentrer dans le sujet étudié, nous avons donc collecté et classifié un certain nombre de mots au fil de nos recherches. L’ensemble de ces outils de langage sont répertoriés dans un glossaire que vous trouverez à la fin de ce mémoire, chaque mot qui y figure est annoté du signe * dans le texte. _ ÉTUDE DE CAS

Ce travail s’appuie sur l’étude de cas du centre commercial Terre-Ciel à Chelles dans le département de Seine-et-Marne. Le fait d’habiter la ville a facilité les visites sur le terrain ainsi que la consultation des archives à la mairie. L’ensemble des sources collectées ont nourri la recherche, elles ont permis de resituer la construction du centre commercial en 1996 dans son contexte et de mieux saisir les éléments menant à sa situation actuelle. À cette occasion une frise chronologique a été produite, elle met en perspective l’évolution de Terre-Ciel dans le temps et répertorie d’autres évènements majeurs (construction d’autres centres commerciaux du territoire, mises en service passées ou futures, des lignes ferroviaires). Une consultation au service des Archives de la ville a été faite le 19 octobre 2021, nous donnant accès aux différents numéros du magazine « Chelles contact » publiés sur le centre commercial entre 1994 et 2006.21 Deux visites au service de l’Urbanisme sont ensuite venues compléter nos connaissances, le 24 novembre et le 31 décembre 2021. Une partie des plans et documents graphiques des trois permis de construire existants et consultés sont restitués en annexe. Deux entretiens ont été réalisés (puis retranscrits) avec d’une part Thierry Bouchez, directeur du service de l’urbanisme et d’autre part Guillaume Fleury, directeur du service du commerce. Les réponses ont apporté des résonances aux problématiques soulevées, ce qui a permis l’approfondissement des réflexions autour de notre cas d’étude. En cela, le contenu des deux entretiens a pu être utilisé pour argumenter 20_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.179 21_ Annexes pp. 122-135

22

INTRODUCTION


les différents chapitres. Enfin, un portfolio des visites de terrain a été réalisé et permettra au lecteur, nous l’espérons, de mieux se familiariser à cet exemple. Sauf mention contraire, l'ensemble des photographies et documents graphiques sont des productions de l'autrice. _ COMPOSITION

Le développement de ce mémoire suit une trajectoire chronologique : passé, présent, futur. À partir du cas d’étude de Terre-Ciel, l’essoufflement observé du centre commercial soulève plusieurs interrogations. Quelles sont les stratégies mises en place par les propriétaires des centres commerciaux faisant face à une perte d’activité et à la fuite en avant de leur clientèle ? Comment rendre moins monofonctionnelles ces zones commerciales malgré les barrières économiques et politiques ? Quels défis architecturaux et urbains convoquent leur mutation ? Ce travail s’articulera en deux temps. Le premier temps, passé-présent, présentera les raisons du succès des centres commerciaux en périphérie des villes françaises menant à leur surproduction et à leur saturation. Nous y développerons l’évolution des modes de consommation depuis la création des premiers centres aux pratiques et aspirations actuelles. Nous verrons enfin les « nouvelles » typologies qui découlent de ces mutations et comment leur création précipite le déclin des anciens centres. Le second temps, présent-futur, interrogera le rôle des opérateurs privés et des collectivités dans la mutation des centres et des zones commerciales. Nous nous intéresserons aux stratégies mises en place pour maintenir leur activité marchande avant de développer plusieurs pistes de reconversion tendant vers une mixité programmatique. À partir de deux exemples édifiants, nous analyserons enfin comment le parti architectural véhicule le souvenir d’un passé sans l’occulter.

INTRODUCTION

23


24


PARTIE 1_

PASSÉ - PRÉSENT : DU SUCCÈS AU DÉCLIN


Figure 7_ Les 30 Glorieuses : nouvelles mœurs de consommation OGER Armelle, C’était comme ça en France...1945-1975 les trente glorieuses, Gründ, 2013

26

PASSÉ - PRÉSENT


1.1_ UN MODÈLE VICTIME DE SON SUCCÈS

Depuis les années 60, les centres commerciaux se sont massivement déployés en France. À titre d’exemple, 4 millions de mètres carrés commerciaux sont autorisés à être construits en 2008, soit une hausse de 50% observée en l’espace de 10 ans.22 Pourquoi ? Nous tenterons ici de comprendre les raisons du succès des centres commerciaux par le prisme du consommateur, de l’aménageur privé mais aussi des collectivités. Ce même succès qui mène aujourd’hui à la saturation du marché et place les centres commerciaux en tant que « victimes » puisque certains, nous le verrons, rencontrent de plus en plus de difficultés à maintenir leur clientèle et leurs enseignes. LES MOTIFS DU SUCCÈS _SUCCÈS AUPRÈS DES CONSOMMATEURS

La multiplication des centres commerciaux s’explique avant tout par le succès fulgurant qu’ils rencontrent auprès des consommateurs dès leur arrivée en France. Divers facteurs nous permettent de comprendre cet engouement, à commencer par la hausse du pouvoir d’achat et le développement démographique23. En effet, les années 60 s’inscrivent dans une période de forte croissance économique en Europe, sous le chrononyme des « Trente Glorieuses ».24 Dès lors, un nouveau rapport à l’objet s’établit chez les consommateurs, alimenté par de nouvelles méthodes de marketing et autres outils publicitaires « La publicité, les étalages, les vitrines d’une certaine manière nous rendent fous, nous saoule. Toutes ces choses ne sont là que pour entretenir une espèce de frénésie, de vertige, d’hypnose ».25 L’acquisition compulsive de nouveaux produits, l’achat sans besoins préalables, s’ancre dans les mœurs. La consommation représente « un indice de richesse »26 et la recherche d’un certain confort devient un enjeu social fort.

22_ Diagramme des surfaces commerciales autorisées chaque année en France selon les différents régimes d’urbanisme commercial en vigueur, CDUC en 1974, CDEC en 1996, CDAC depuis 2008. Données recueillies dans le dossier D’A, En finir avec les centres commerciaux ?, juillet-août, 2020, p.58. 23_ Selon l’INSEE, la France compte 52,6 millions d’habitants en 1975 contre 64,8 en 2019. www.insee.fr 24_ Expression inventée par l’économiste français Jean Fourastié en 1979 dans son ouvrage Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible de 1946 à 1975 25_ PEREC Georges, Les choses, Julliard, 1965 26_ PERICARD Michel, 1974 : Alerte au gaspillage et à la surconsommation, Archive INA, 1974 DU SUCCÈS AU DÉCLIN

27


_SUCCÈS AUPRÈS DES INVESTISSEURS

Pour les investisseurs, « construire des centres commerciaux est bien plus lucratif qu’investir dans le logement où la rentabilité n’excède pas 4 % » selon Philippe Journo.27 En somme une recette simple et duplicable et donc l’assurance de générer toujours plus de capital. En effet, David Mangin nous explique que le « rendement financier du commerce (et donc sa valeur) est [...] très largement audessus du logement ».28 À travers ces opérations, les acteurs privés, aménageurs, promoteurs ou encore bailleurs créent des valeurs foncières très importantes sur des terrains agricoles dont les prix sont au contraire relativement bas puisque corrélés, entre autres, aux revenus potentiels de l’activité agricole et à l’abondance de cette ressource foncière. Selon Philippe Descamps, « la course à l’artificialisation des terres agricoles s’explique [...] par les multiples culbutes financières que les opérations foncières offrent aux intermédiaires ».29 _SUCCÈS AUPRÈS DES ÉLUS

Très vite, de nombreux élus s’emparent de cet outil d’aménagement du territoire dans lequel ils voient le salut économique de leur commune. La loi Royer,30 votée en 1973, doit permettre de freiner la création des grandes surfaces afin de protéger les petits commerces par la création de commissions départementales d’aménagement commercial autour de chaque projet. Cette commission est composée de cinq élus locaux et de trois experts ayant le pouvoir d’autoriser ou non l’implantation d’une grande surface. Pour autant, de nombreux centres commerciaux sont créés à la même époque. On peut donc s’interroger sur le rôle régulateur endossé par ces commissions. Selon Arnaud Gasnier, maître de conférence en géographie à l’université du Maine : « Les élus locaux votent très rarement négativement, refuser un projet c’est refuser des entreprises à une époque où le chômage est préoccupant, c’est refuser de voir se créer des emplois sur son territoire ».31 Cette opportunité pour les collectivités est d’autant plus forte que la création d’un tel équipement permet d’entreprendre de grands travaux de développement

27_ Président-fondateur de la Compagnie de Phalsbourg (groupe et acteur majeur de l’immobilier en France). Interview dans le documentaire Centres commerciaux la grande illusion, 2015 28_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.13 29_ DESCAMMPS Philippe, « Ravages de l’automobilisme », dossier la ville défigurée, Le Monde diplomatique, juin 2021 30_ Loi d’orientation du commerce et de l’artisanat soutenue par Jean Royer, ministre du commerce entre 1973 et 1974. 31_ GASNIER Arnaud, Le commerce dans la ville, entre crise et résilience, Comment réparer, adapter, aménager les territoires marchands ?, Presses Universitaires Rennes, 2019

28

PASSÉ - PRÉSENT


et d’infrastructures. Accepter la construction d’un centre commercial sur dans sa commune, c’est par conséquent l’espoir de dynamiser sa ville et de rayonner au-delà de ses limites géographiques. De plus, la forte compétition territoriale des années 2000 engage les communes et intercommunalités dans une quête de l’attractivité afin d’attirer de nouveaux habitants et investissements. HYPER-CONCURRENCE : LES CONSÉQUENCES D’UNE SATURATION

L’ensemble des facteurs évoqués ont conduit à une surproduction de centres commerciaux. Les centres construits en périphérie, après avoir largement affaibli le commerce en centres-villes, ont fini par se concurrencer entre eux. En effet, comme l’affirme David Mangin, « une ouverture dans un marché déjà saturé implique mathématiquement d’aller chercher le chiffre là où il est — à savoir chez les concurrents. »32 À l’échelle du consommateur, la multiplication des pôles commerciaux induit de faire un choix. Certains centres, moins bien desservis, moins attractifs avec une offre de magasins et de services plus restreinte, sont délaissés au profil d’autres zones. Cela peut engendrer la fermeture de boutiques qui ne parviennent plus à faire leur chiffre d’affaires, et peut, par effet de domino, entraîner de nouvelles fermetures. L’une des conséquences directes de la baisse de fréquentation de ces lieux est la vacance commerciale, elle désigne le phénomène par lequel des locaux commerciaux ne trouvent pas de preneurs à la location. En 2017 le taux de vacance observé dans les centres commerciaux approchait les 15%, dépassant même celui observé en centres-villes, inférieur à 12%.33 _ LE CAS DE TERRE-CIEL

Lors de sa construction en 1996, le centre commercial Chelles 2 n’est pas le premier dans cette zone puisque trois autres centres (Rosny 2, le centre Claye-Souilly et les Arcades) sont construits dès les années 70. Cependant, lorsque la SNCF se défait d’une partie de ses terrains, une ancienne gare de triage situé à l’est de Chelles, l’idée de créer un centre commercial prend. Thierry Bouchez se souvient que : « la ville a commencé à y voir un secteur de développement pour l’avenir de Chelles avec un objectif de logements et d’activité économique commerciale ».34 Cette opération représente à ce moment un enjeu de « développement » colossal 32_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.10 33_ Évolution du taux de vacance commerciale par type de pôle marchands entre 2012 et 2017 Source : IVC, données Codata, 2016 34_ Entretien avec Thierry Bouchez, annexe p.93 DU SUCCÈS AU DÉCLIN

29


pour la ville avec le financement des infrastructures routières et des ouvrages d’assainissement par l’aménageur du centre commercial EMA,35 mais aussi la création de près de mille emplois au moment où « la ville manquait de taxe professionnelle, d’emplois et de logements. »36 Le projet s’insère dans une réorganisation globale du quartier, la construction de nouveaux lotissements et le contournement de la route nationale 3437 doivent assurer sa prospérité économique. Dans cette perspective, le centre commercial totalise 3001 places de parking : 1851 à l’étage de l’entresol, 363 sur le parvis du RDC bas et 787 sur le parvis du RDC haut. Il prévoit de rassembler 34000 m² de surface de vente répartis sur deux niveaux, un hypermarché Continent38 de 15000 m², une galerie marchande de 8000 m² et une centaine de magasins, dont trois moyennes surfaces spécialisées. Dès les premières années d’ouverture pourtant, le centre affiche des résultats décevants pour la commune « Chelles 2 n’aura pas eu les répercussions escomptés au niveau fiscal, longtemps présenté comme un ballon d’oxygène lors de son implantation sur la commune il s’avère aujourd’hui que les estimations faites à l’époque sont loin de la réalité ».39 À l’offre commerciale déjà importante sur la zone s’ajoute en 2004 un nouveau pôle de commerce et loisir à la frontière des communes de Torcy et Collégien : Bay 1, un complexe de loisir, et Bay 2, son centre commercial. De plus, la mise en service du RER E en 1999 puis celle du transilien P, peuvent être vue comme une fuite en avant vers Paris d’une partie de la clientèle. Lors de notre entretien, Guillaume Fleury souligne : « la centralité de Chelles c’est Paris. À 15 minutes en transport, si les personnes ne prennent pas la voiture jusqu’à Claye-Souilly ou Bay 2, ils prennent le train pour aller faire leurs courses à Châtelet. »40 Malgré les efforts rassemblés, en l’occurrence deux opérations de restructuration en 2003 et 2013, que nous développerons en seconde partie, de nombreux espaces de vente ont fermé, et restent inoccupés à ce jour. « Toute la galerie intérieure est quasiment fermée. Dernièrement, l’enseigne Sephora a fermé, ça a été un coup dur ».41

35_ « Le projet doit être révisé » Chelles Contact, n°112, dossier, décembre 1995, p.11. Annexe p.133 36_ Citation de PIPARD Hubert, membre de l’opposition, Ibid., p.12 37_ Elle est depuis devenue la départementale 934. 38_ L’enseigne d’hypermarché Continent est créée en 1972 par le groupe Promodès qui fusionne en 1999 avec le groupe Carrefour. 39_ « Chelles 2 et la fiscalité locale », Chelles Contact, n°135, mai 1998, p.13. Annexe p.132 40_ Entretien avec Guillaume Fleury, annexe p.99 41_ Ibid.

30

PASSÉ - PRÉSENT


En parcourant les archives municipales, en particulier les articles parus dans le magazine de la ville depuis la création du centre, nous relevons que la surproduction d’offre autour de Terre-Ciel est pointée du doigt par les opérateurs et les élus comme la justification de son insuccès, et cela dès les premières années de fonctionnement. Cependant, elle n’explique pas sa dépréciation par les consommateurs. Qu’est-ce qui pousse les Chellois à préférer un autre centre que Terre-Ciel pour faire leurs courses ? La double page suivante permet par le dessin de comparer la zone commerciale de Terre-Ciel à trois autres zones : Bay 2, Westfield Rosny 2 ainsi que les sentiers à Claye-Souilly. Elle met en évidence les différentes échelles, la disparité de l’offre commerciale, mais aussi l’écart d’accessibilité entre notre cas d’étude et les autres situations, chacune accessible depuis Chelles (entre 15 et 30 minutes de voiture).

DU SUCCÈS AU DÉCLIN

31


UNE HYPER-CONCURRENCE ILLUSTRÉE 0

500 m

Figure 8_ TERRE-CIEL, CHELLES

ZONE COMMERCIALE _ Centre commercial _ Locaux de commerces et services ACCESSIBILITÉ _Voiture_ D 934 _Transports en communs_ 2 Bus

Figure 9_ BAY 1 ET BAY 2, COLLÉGIEN

ZONE COMMERCIALE _ Centre commercial Bay 2 _ Bay 1 Loisirs ACCESSIBILITÉ _Voiture A 104, A4, D128, D418 _Transports en communs_ Gare RER A, Torcy

32

PASSÉ - PRÉSENT


Figure 10_ WESTFIELD ROSNY 2,

ROSNY-SOUS-BOIS

ZONE COMMERCIALE _ Centre commercial _ Domus, centre commercial de l’équipement et de l’aménagement de la maison ACCESSIBILITÉ _Voiture A3, A86, N186, N302, D116, D37 _Transports en communs Station RER E, Rosny

Figure 11_ LES SENTIERS,

CLAYE-SOUILLY

ZONE COMMERCIALE _ Centre commercial _ Shopping promenade _ Centre route ACCESSIBILITÉ _Voiture_ N3, D212 _Transports en communs

DU SUCCÈS AU DÉCLIN

33


Figure 12_ Pancarte Drive, Centre commercial Terre-Ciel, Chelles Visite du 08/09/2021

34

PASSÉ - PRÉSENT


1.2_ ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MODES DE CONSOMMATION

Dans les années 70, la floraison des centres commerciaux et sa réception par les consommateurs s’expliquent, nous l’avons vu, par la correspondance entre le modèle et les mœurs de l’époque. Au fil des décennies, de nouvelles tendances apparaissent et viennent rompre avec les habitudes de consommation nées au siècle dernier. Selon Philippe Moati, professeur d’économie et membre de l’observatoire Société et Consommation, la grande distribution n’est plus en phase avec les enjeux de notre époque. « Aujourd’hui, ce qui est grand ne fait plus rêver, on rêve plutôt du petit, parce que la grande distribution est associée à une forme de déshumanisation du commerce, parce qu’elle est associée à la surconsommation à un moment où l’on prend conscience des enjeux écologiques de notre modèle de consommation »42 Ce qui est grand ne fait plus l’unanimité chez les consommateurs, et le centre commercial, parce qu’il est rattaché à une époque passée, à des modes de consommer aliénants et à une certaine « forme de déshumanisation », peine à se renouveler tant dans ses formes architecturales que dans un imaginaire collectif immatériel. LE E-COMMERCE

En 2020 la crise du COVID a accéléré la croissance des parts de marché du commerce en ligne, ce qui s’observe à travers l’augmentation de 32% des ventes en ligne et par la création de nouveaux points de retrait automobile.43 Le e-commerce se divise en deux catégories, à savoir 19% qui concernent les livraisons à domicile contre 81%44 de drive, des points de relais physiques. Le e-drive désigne par extension le fait de faire ses courses via une plateforme internet ou une application mobile et de venir récupérer sa commande préparée 42_Propos de Philippe Moati recueillis dans le documentaire Hypermarchés, la chute de l’empire, DELESCLUSE Rémi, Arte, 87 minutes, 2021 43_ DESCAMMPS Philippe. Op. cit. 44_ « Grande Consommation & e-commerce : la France championne d’Europe avec 7,1% des achats réalisés online ! », FEVAD, Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance, mai 2019. www.fevad.com DU SUCCÈS AU DÉCLIN

35


directement en magasin sans passer par la caisse. Cette forme d’achat s’est largement répandue en France puisque le nombre de Drive, sites aménagés spécialement pour les véhicules, a grimpé de 69 en 2010 à 3720 en 2019.45 Afin d’optimiser ce nouveau mode de consommation, certains groupes ont développé le concept de « dark-store ». Il s’agit d’entrepôts organisés comme de véritables magasins. Les produits sont rangés dans des rayons ce qui facilite et accélère la préparation des commandes. La seconde particularité de ces lieux est qu’ils sont coupés de la lumière, loin du regard des clients. Philippe Descamps nous rappelle ce que la multiplication de ces magasins de service au volant implique : ils « conjuguent confort pour l’automobiliste et dégradation des conditions de travail pour les employés, évalués au chronomètre. »46 Ces nouveaux modes de consommation fragilisent l’activité des centres commerciaux puisque les consommateurs n’ont plus besoin de se rendre dans les galeries des centres réduisant à la fois le flux commercial et les chances de « flânerie ». Face à cela, Vincent Chabault47 dans son ouvrage Éloge du magasin soutient que si le commerce « physique » est touché par l’essor du e-commerce, il ne justifie pas à lui seul la baisse de fréquentation des centres. Le sociologue pointe du doigt les « fonctions symboliques » et « l’utilité sociale du magasin »48 que le commerce en ligne ne peut assurer. NOUVELLES ASPIRATIONS DE CONSOMMATION _INDUSTRIE DU PRÊT-À-PORTER

Jérôme Le Grelle nous rappelle que « L’équipement de la personne représente [...] la première activité hors alimentation dans les centres commerciaux, en termes de surfaces, de chiffre d’affaires et de loyer. »49 En France, la majorité des centres commerciaux se structurent autour des boutiques de prêt-à-porter. De fait, une grande partie des emplacements leur est attribuée. Si l’on prend l’exemple du centre de Rosny 2, sur 157 boutiques, 106 sont destinées à l’habillement (catégories chaussures, mode et mode sport).50 Les fluctuations de ce secteur, par extension, vont indéniablement impacter le fonctionnement et l’image des centres. 45_ FEVAD, Op, cit. p.31 46_ DESCAMMPS Philippe. Op. cit. 47_ Sociologue et chercheur au CNRS 48_ CHABAULT Vincent, Éloge du magasin, Contre l’amazonisation, Paris, Gallimard,2020, p.34 49_ LE GRELLE Jérôme, « Quand les difficultés du prêt-à-porter révèlent les fragilités de l’immobilier commercial », Business Immo, septembre 2016. 50_ Page internet Westfield Rosny 2, rubrique boutique. https://fr.westfield.com/rosny2/stores

36

PASSÉ - PRÉSENT


« La mode change tous les combien ? Tous les dix ans ? - Compte tenu des accélérations des rythmes de l’histoire, compte tenu des accélérations [...] liées au type de société dans laquelle nous vivons, compte tenu aussi des troubles [...] économiques, politiques et moraux que traversent nos sociétés, il se peut que la mode ait des variations de rythme plus ou moins rapide. »51 La mode est par définition quelque chose de passager, elle est au goût du jour et il semblerait que les jours se raccourcissent : alors que depuis les années 80 on comptait deux à quatre collections par an, il en sort aujourd’hui toutes les deux semaines dans l’industrie du « fast-fashion »*. Cette observation témoigne directement de l’accélération des modes de production qui poussent à une hyperconsommation, celle du vêtement jetable.52 La relation forte entre centre commercial et industrie de la mode interroge nos modes de consommer. AnnaMaria Bordas, architecte et maîtresse de conférence soutient que : « Dans un monde où matière et énergie font défaut, la réutilisation de notre environnement bâti devrait être une priorité : le bâti ne peut pas être jetable parce qu’il mobilise trop de ressources, trop d’énergie, trop de temps. »53 En effet, les centres commerciaux impliquent d'importants moyens financiers, matériels et humains autour de leur construction. Ils ne peuvent être assimilés à la vitesse du renouvellement des modes vestimentaires et leurs formes ne peuvent se plier au rythme des saisons. À l’heure des enjeux écologiques et des défis économiques, comment renouveler les centres commerciaux les plus touchés par la vacance en évitant une opération de tabula rasa ? Si les centres commerciaux sont rattrapés par des représentations négatives et de nouvelles aspirations de consommation de la part de leur clientèle, quelles stratégies peuvent-elles être mises en place ? Nous tenterons de répondre à ces questions majeures en seconde partie de ce mémoire.

51_ ARON Jean-Paul, historien, archive dans le documentaire Fashion ! La mode sous toutes les coutures, NICKLAUS Olivier, ARTE, 2012, 55 min. 52_ BOVON Gilles, PERRIN Edouard, Fast Fashion, les dessous de la mode à bas prix, ARTE France, Premières Lignes, 2021, 91 min. 53_ BORDAS Anna-Maria, Ville réversible, ville évolutive. Ré-habiter, fiche pédagogique de l’enseignement de projet S8, DE3, ENSA Paris Val-de-Seine, 2021 DU SUCCÈS AU DÉCLIN

37


ÉVOLUTION DES MOBILITÉS

La création des premiers centres commerciaux s’est faite au moment de l’essor de l’automobile. C’est pourquoi le monopole de la voiture en tant que mode d’accès principal et l’absence de connexions ferroviaires ne posait pas question. C’est ce que confirme Thierry Bouchez à propos du centre commercial Terre-Ciel : « À ce moment-là, il semblait que le fait d’être desservi et par la nationale 34 et par la Francilienne avec le projet de création d’échangeurs sur Chelles et le Pin allait permettre de desservir largement le centre commercial. »54 Pendant longtemps, les centres commerciaux ont misé sur la « voiture-chariot », vendant son utilisation comme un gain de temps. Cependant, le monopole qu’elle occupe est aujourd’hui largement contesté, Philippe Descamps énumère ici ses nuisances : « Accidents, pollution de l’air, de l’eau, des sols, contribution à l’effet de serre, bruit, congestion, destruction des paysages et de la biodiversité... : la spirale de la dépendance automobile se traduit pourtant en coûts externes colossaux évalués à 109 milliards en France [...] et encore reste-t-il impossible de chiffrer l’essentiel : le coût d’un étalement urbain très difficilement réversible. »55 Jusqu’au début des années 2000 pourtant, les grands propriétaires de centres se sont opposés à l’arrivée de lignes de tramway.56 En effet, il a fallu attendre l’arrivée de nouveaux pôles commerciaux sur le marché qui, encouragés par les collectivités, ont fini par « accepter l’arrivée des trams et, avec elle, des bénéfices ».57 Les centres existants n’ont pas eu d’autres choix que de s’adapter et d’étendre leur offre d’accès au risque de voir une partie de leur clientèle partir chez la concurrence. Cependant, tous n’ont pas pu suivre ce virage qui engage des investissements colossaux afin de créer de nouvelles infrastructures et qui dépend également d’un engagement politique des collectivités. L’accessibilité des centres aujourd’hui se diversifie, le développement des transports en commun à travers la perspective du Grand Paris ainsi que l’évolution fulgurante observée du prix du carburant, nous laisse penser que les centres restés figés sur un mode d’accès unique par la voiture seront pénalisés.

54_ BOUCHEZ Thierry. Op. cit. 55_ DESCAMMPS Philippe. Op. cit. 56_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.16 57_ Ibid.

38

PASSÉ - PRÉSENT


Cette évolution des mobilités au sein des centres commerciaux atteint son paroxysme dans les gares et stations de RER actuelles où l’on a vu depuis plusieurs années se déployer de nouvelles surfaces et galeries commerciales. En 2012 l’ancienne salle des pas perdus de la gare de Saint-Lazare à Paris s’est reconvertie en centre commercial sur trois niveaux du hall. Autrement dit, si les centres commerciaux ont d’abord cherché à se connecter aux réseaux de transport publics, ils sont aujourd’hui rattrapés par les pôles de mobilités qui deviennent eux-mêmes des pôles marchands puissants.

DU SUCCÈS AU DÉCLIN

39


Figure 13_ Le retail park Atol, Beaucouzé (49) Source : www.geoportail.gouv.fr

40

PASSÉ - PRÉSENT


1.3_ UNE CONCURRENCE QUI SE RENOUVELLE

L’émergence de nouveaux modes de consommation inspire certaines foncières commerciales, qui depuis 2010, imaginent une nouvelle génération de centre commerciaux. Dans les termes de Stéphanie Sonnette, rédactrice spécialisée en aménagement urbain, ils misent sur « la masse critique, la diversification de l’offre (restauration, loisirs, services), et sur ce que les groupes considèrent comme une architecture et des ambiances de qualité »58 Si leur caractère innovant est discuté, jugé comme « un habillage festif de l’ancien modèle qui continue à tourner »,59 et qui ne résoudrait « ni l’autarcie des formes urbaines ni la monofonctionnalité des zones sur lesquelles ils s’implantent »60 selon David Mangin, leur apparition intensifie davantage la saturation du marché. LE GRAND ...

Pour reprendre l’ironie de David Mangin, les retail-parks font partie de ces « nouveaux concepts qui seraient nouveaux ».61 En effet, ils présentent peu de différences avec les centres commerciaux dits « classiques ». Ce sont de grands formats difficilement constructibles ailleurs qu’en périphérie des villes et leur accessibilité se fait principalement par la route. Plusieurs enseignes de destination se partagent un seul et même grand parking, mais la galerie devient extérieure. Afin d’illustrer cette partie, nous prendrons l’exemple du retail-park Atoll, construit en 2012 à Beaucouzé, à 8 km en voiture du centre-ville d’Angers (fig.13). Ce « nouveau » centre commercial est conçu par les architectes Antonio Virga et Vincent Parreira et accueille quatre pôles dédiés à l’aménagement et la décoration de la maison. Son emprise foncière représente 23 hectares, soit l’équivalent de deux stades de France ! Il doit son nom à sa géométrie circulaire62 qui se tourne vers l’intérieur et où se concentrent 2700 places de parking ainsi que l’ensemble des espaces de circulation et de chalandage. Le bâtiment abrite 51 boutiques et 12 58_ SONNETTE Stéphanie. Op. cit., p.57 59_ Ibid., p. 56 60_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p. 15 61_ Ibid. 62_ D’après le CNRTL, un atoll est une île basse corallienne, en forme d’anneau, qui renferme une lagune (lagon) pouvant communiquer avec la mer par une ou plusieurs passes. www.cnrtl.fr DU SUCCÈS AU DÉCLIN

41


restaurants auxquels on accède par la galerie extérieure, la galerie intérieure étant réservée aux livraisons. Ce centre fait l’objet de différentes distinctions, désigné comme le premier « écoparc » commercial de France. En 2012, il est également nominé à l’équerre d’Argent et reçoit plusieurs prix commerciaux - ics european award, le trophée du CNCC, le prix procos innovation en 2013 et the plan awards en 2015. En 2009 lui est attribué le label Valorpark pour sa prise en compte du bruit, sa gestion des eaux pluviales, son isolation thermique, mais aussi ses panneaux solaires photovoltaïques. Cette dernière qualification a été créée par le CNCC afin de « revaloriser l’image de l’immobilier de périphérie et des ‘‘entrées de ville’’, en certifiant la qualité de la réalisation d’un retail park conformément à des critères d’aménagement ».63 Une fois de plus, cette mention souligne le besoin des centres commerciaux à renouveler une image perçue de plus en plus comme désuète. Nous pouvons voir dans cette déclinaison du modèle, un certain paradoxe. À la fois, il s’inscrit dans le prolongement des centres commerciaux blocs des années 70, avec une dépendance à la voiture très marquée, des infrastructures routières massives, une large nappe de stationnement, mais aussi un certain « gigantisme », à rebours du discours tenu par les architectes. Antonio Virga affirme la volonté de « conserver des gabarits et distances viables à l’échelle du piéton », de contrôler « les nuisances acoustiques sur l’environnement », et de ne « pas perturber le paysage ».64 Alors que la voiture représente son principal mode d’accès, « des arbres à foison [...]noient les parkings dans la verdure ».65 Autrement dit, le centre continue de fonctionner à travers le monopole de la voiture et de la grande échelle tout en endossant une carapace « éco-responsable », affirmant une adéquation avec son environnement et cherchant à renouer avec l’échelle humaine. Nous nous demandons si cette contradiction ne révèle pas davantage celle portée par les consommateurs : une envie de consommer autrement sans changement fondamental et global dans la manière de le faire.

63_ Source : https://www.cncc.com/nos-actions/distinctions/valorpark/?rub=18&srub=19 64_ Description du projet L’Atoll sur la page internet Antonio Virga architecte. https://www.antoniovirgaarchitecte.com/fr/projet/l-atoll-1 65_ Ibid.

42

PASSÉ - PRÉSENT


... ET LE « PETIT »

Les centres « villages » sont des centres commerciaux de plein air à mi-chemin entre les centres-bourgs et les marchés de Noël. Les circulations sont dédiées au piéton et le parcours est parsemé d’espaces végétalisés, de fontaines. À notre connaissance, ce type de centre apparait au début des années 90 avec Disney Village66 : une zone de commerces et de divertissements. D’autres suivront comme Bercy Village à Paris en 2000 ou The village dans la périphérie lyonnaise en 2018. En 2017, la foncière Frey reprend à peu de choses prêt ce concept quelle décline et nomme « Shopping Promenade », il en existe quatre en France à ce jour, construits entre 2017 et 2021. Tout comme dans les centres « villages » il s’y développe un ensemble de commerces, de services de proximité, mais aussi une offre de divers loisirs : des aires de jeux pour les enfants, des manèges, de nombreux restaurants, des placettes récréatives, des œuvres de street art, etc. L’objectif du groupe Frey est de créer une « expérience augmentée »67, où des événements et des animations se succèdent. Il y a ici l’idée que le shopping dépasse le simple lieu d’achat et qu’il devienne une véritable destination de loisirs, c’est le concept du « retailtainment »*. Cette combinaison entre commerce et divertissement n’est pas nouvelle, elle est reconnue en tant que stratégie commerciale dès le 19ème siècle. En effet, quand est inauguré le « Bon Marché » en 1852, des salons de lecture, concerts et expositions font déjà du grand magasin « une grande fête permanente, une institution, un monde fantastique, un extraordinaire grand spectacle où l’on se rendrait pour participer à un événement, à une aventure ».68 Intégrer le divertissement est un moyen de se démarquer des concurrents tout en créant un flux important qui favorise l’acte d’achat. Face à une dématérialisation du commerce croissante, il est un moyen d’attraction fort qui reste inaccessible via Internet. Les « centres promenade » comme les Retail-Park s’implantent en périphérie des villes (fig.14) et continuent de développer de grandes surfaces de stationnement qui assurent leur desserte. Ils s’inscrivent dans le prolongement des logiques du développement commercial péri-urbain par la duplication d’un modèle générique (fig. 15) sans grande discussion avec leur contexte.

66_ Disney village est initialement conçu et édifié en 1992 par l’architecte Franck Gehry. 67_ « Les trois piliers du Shopping Promenade. » Source : https://frey.fr/le-commerce 68_ MILLER Michael B., Au bon marché 1869-1920, Le consommateur apprivoisé. Depuis l’ouvrage de CHABAULT Vincent. Op. cit. DU SUCCÈS AU DÉCLIN

43


Claye Souilly (77)

Cœur Picardie, Amiens (80)

Arles (13)

Cœur Alsace, Strasbourg (67)

Figure 14_ Situation des Shopping Promenades : une implantation péri-urbaine Source : www.google.com/maps/

44

PASSÉ - PRÉSENT


Figure 15_ D’Amiens à Strasbourg : du pareil au même Résultat de la recherche « shopping promenade »

DU SUCCÈS AU DÉCLIN

45


46


PARTIE 2_

PRÉSENT - FUTUR : DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES


Extrait de la 4ème de couverture du magazine Chelles contact, juin 1996

Visite du 31/12/2021 Figure 16_ Chelles 2 devient Terre-Ciel Enseignes du centre commercial Terre-Ciel avant et après 2014

48

PRÉSENT-FUTUR


2.1_ LE MAINTIEN D’UN MODÈLE

Face à l’hyperconcurrence qui pèse sur le marché, à l’apparition de nouvelles aspirations de consommation et avec elles l’émergence d’une nouvelle concurrence, les centres commerciaux se livrent à une lutte de l’attractivité. Tentant de se renouveler, ils rivalisent d’opérations de communication, de concepts « nouveaux », et de travaux de restructuration. Les stratégies ici présentées sont principalement à l’initiative des acteurs privés, propriétaires des centres. RENOUVELER L’IMAGE PAR LA COMMUNICATION _LA SYMBOLIQUE DU NOM

Unibail-Rodamco-Westfield est le premier groupe coté en bourse de l’immobilier commercial au monde. Présent dans 12 pays et détenant 86 centres commerciaux, dont une majorité de « flaship stores »69*, il se place parmi les plus gros acteurs du marché mondial. Parmi ces centres, on compte entre autres les Quatre Temps, le Carrousel du Louvre, le Forum des Halles, Carré Sénart, ou encore Rosny 2. À noter que chacun de ces noms porte désormais le préfixe Westfield que le groupe ne manque pas de brandir sur les façades de ses centres commerciaux. Cette revendication n’est pas anodine : en affichant sa marque, le groupe fidélise sa clientèle en lui assurant le standing dont elle a l’habitude et communique ainsi ses propres exigences. Cette distinction est motivée par la multitude de centres commerciaux actuelle, la saturation d’une offre au niveaux de qualité très variés. Un autre exemple sémantique est le changement de nom des centres créés à la fin du 20ème siècle. À cette époque, les centres commerciaux étaient perçus comme « des annexes d’un centre-ville historique »,70 ils sont nombreux à avoir été nommés [ville]2 , pour n’en citer qu’une poignée : Rosny 2, Evry 2, Vélizy 2, Parly 2, etc. Parmi cette longue liste, certains ont profité de travaux de restructuration pour se rebaptiser avec un nom plus universel, qui ne se limiterait pas à la ville où ils s’implantent. À l’occasion des travaux de 2014, Chelles 2 est par exemple rebaptisé Terre-Ciel à l’image de sa galerie interne au rez-de-chaussée bas, la 69_ Cette mention est utilisée par le groupe pour définir une partie de son offre commerciale. Source : https://www.urw.com/fr-fr/groupe/qui-sommes-nous 70_ LERIDON Margaux, « Elysée 2, Vélizy 2, Parly 2... Pourquoi tant de centres commerciaux ont un nom qui se termine par 2 ? », slate.fr, août, 2013. DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

49


Figure 17_ BOURDEU Lucie, Chariot, Westfield Rosny 2

Figure 18_ PRIVAT Adrien, Paraître(s), Westfield Vélizy 2 Figures 17 et 18_ Images extraites des court-métrages « Westfield Stories » Source : https://www.vice.com/fr/partners/westfield

50

PRÉSENT-FUTUR


Terre, et de son tout nouvel espace commercial à ciel ouvert au rez-de-chaussée haut, le Ciel donc (fig.16). _CRÉER LE SPECTACLE

Le groupe Unibail-Rodamco-Westfield a lancé en octobre 2021 la première édition de son festival de court-métrage Westfield Stories en partenariat avec le média Vice. À cette occasion, le groupe a invité de jeunes réalisatrices et réalisateurs à tourner au sein de ses plus fameux centres commerciaux. Chacune des six équipes de tournage s’est ainsi vue attribuer un centre Westfield différent pour réaliser leur court-métrage de quelques minutes. Julie Norcia, Directrice marketing d’Unibail-Rodamco-Westfield déclare lors de la cérémonie de remise des prix : « Nous sommes fiers de collaborer avec VICE pour ce premier festival de courtsmétrages qui met à l’honneur nos centres et leurs identités uniques. En effet, notre mission est de pouvoir réinventer le vivre-ensemble. C’est à travers cette offre unique d’expériences pour nos clients que nous illustrons notre volonté ».71 Hugo Rey, directeur du centre Westfield Les Halles ajoute « Pour Westfield, c’est un projet qui a vraiment énormément de sens. Nos centres, nos lieux de vie, ne sont plus des centres de shopping, on y fait beaucoup de choses, on y vit beaucoup d’expériences, on explore beaucoup de nouveaux territoires, on y crée des souvenirs, on y crée des événements heureux. Le shopping, c’est effectivement notre ADN, mais aujourd’hui on y trouve de la santé, de l’événementiel du divertissement et surtout beaucoup de culture ».72 Identités, vivre-ensemble, expériences, sens, lieux de vie, souvenirs, événements heureux, santé, culture sont autant de concepts mis en avant qui caractérisent la volonté du groupe de renouveler l’image de ses actifs, mais aussi d’inciter le public à s’y rendre. Le grand prix du jury est attribué à La vie cachée des mannequins du réalisateur Tony Vernagallo. Son court-métrage met en scène un mannequin de vitrine narrant sa vie au sein du centre commercial Westfield Parly 2. Il raconte que chaque nuit à la fermeture du centre « c’est toute une métropole qui se réveille »,73 les mannequins dînent au restaurant, vont au musée, travaillent, font du sport, se divertissent et les enfants s’instruisent à l’école. La vidéo est jonchée d’anecdotes loufoques et 71_Propos recueillis dans l’article de DRESSEL Jean, « Westfield Stories, le premier festival de court-métrage par Westfield », j’ai un pote dans la com, octobre 2021. Source : https://jai-un-pote-dans-la.com/westfield-stories-le-premier-festival-de-court-metrage-par-westfield/ 72_ DAGUET Alix, « Les gagnants de Westfield Stories récompensés », La Gazette de la Défense, décembre 2021. Source : https://lagazette-ladefense.fr/2021/12/17/les-gagnants-de-westfield-stories-recompenses/ 73_ VERNAGALLO Tony, Bienvenue chez vous, Westfield Parly 2, 2021, 4:40 min. DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

51


l’on suit assez allègrement le récit de Karl, mannequin en plastique. Cependant, son discours prend une teinte misérabiliste à la fin de la vidéo quand il dévoile la « vraie » raison de ce reportage accordé aux humains : « Cette vidéo est là pour vous faire réagir comme un appel à l’aide, car vous ne le savez probablement pas, mais ce qui nous rend vivants c’est vous. On a besoin d’être regardé pour être animé, on se nourrit de votre attention. Malheureusement, les temps sont de plus en plus durs en ce moment avec la crise du covid, les gens viennent de moins en moins nous voir et un mannequin qu’on ne regarde plus c’est un mannequin qui perd son travail, son âme ». À travers cette vidéo, le centre Parly 2 devient le théâtre d’histoires inédites, reflétant la mission du Groupe : réinventer le vivre-ensemble et faire de ses centres de véritables fabriques d’expériences et de moments de vie partagés. Parmi tous les films présentés, le premier prix revient à celui qui porte un message publicitaire prônant la consommation par la culpabilisation… (RE)CRÉER UN FLUX

Une autre stratégie utilisée pour insuffler une nouvelle dynamique et un flux au sein des centres commerciaux consiste à les rendre moins monofonctionnels en dédiant certains espaces à de l’activité physique, à des aires de jeux, au numérique, à la gastronomie ou encore à la santé. Dans le cas du centre Terre-Ciel, cette déspécialisation semble pourtant partagée entre une volonté réelle de favoriser un flux et l’obstination inhérente au maintien du prix des loyers. _ LOISIR ET DIVERTISSEMENT

Le loisir et le divertissement sont des outils utilisés par les opérateurs depuis la création des premiers malls aux États-Unis. C’est le manège pour enfant, la machine Flipper ou encore les fontaines qui ponctuent les galeries. Mais dans l’actuelle lutte à l’attractivité, ces outils de magnétisme commercial sont modernisés, suivant les tendances actuelles. L’objectif souhaité par les opérateurs est de maintenir un flux important dans les galeries afin d’irriguer l’ensemble des enseignes présentes. En avril 2019, un complexe de loisirs Airtrix de 3000 m² a ouvert ses portes au niveau supérieur du centre commercial de Chelles. Il propose un trampoline park, un laser game de 300 m², un karaoké, des jeux et expériences de réalités virtuelles ainsi qu’une programmation nocturne74 : autant d’activités 74_ Site internet d’Airtrix. https://airtrix.fr/nos-activites/by-night/

52

PRÉSENT-FUTUR


pour convaincre le jeune public à fréquenter le centre commercial. Jérôme Tellier, le directeur général et cofondateur d’Airtrix affirme que « pour du loisir, les gens sont prêts à faire jusqu’à une heure de transports contre quinze minutes pour des courses. »75 Cinémas, bowling ou activité de récréation en tout genre permettraient ainsi d’attirer des personnes qui ne viendraient pas autrement. « Le divertissement sert à capter les individus. Tout l’enjeu réside, pour les enseignes, à transformer ces visiteurs en clients. »76 _RESTAURATION

La restauration représente, au même titre que le loisir, une très bonne stratégie d’attraction pour les centres commerciaux. À Chelles, un retour important vers la restauration a notamment été observé. Le centre commercial a en effet inauguré en décembre 2019 l’inauguration d’un restaurant à volonté de 2500 m² Globe trotter, le plus important de la chaîne en Île-de-France. Le groupe Amundi détenant le centre aurait fais « un effort important sur le loyer »77 pour accueillir le groupe. Au moment de son ouverture, un article du Parisien titre « Le restaurant géant relancera-t-il Terre Ciel ? »78 Cette interrogation souligne à la fois les difficultés rencontrées par le centre puisqu’il aspire à être « relancé » mais aussi la potentialité d’une reprise grâce à cette nouvelle enseigne. L’attractivité d’une chaîne de restaurant connue semblerait expliquer le rabais du loyer. _ ACTIVITÉS DE SANTÉ

Enfin, un cabinet dentaire Denteka a récemment été ouvert au sein du centre commercial Terre-Ciel. Selon Guillaume Fleury, directeur du service commerce de la ville de Chelles « l’implantation d’activités de santé qui ne sont pas exactement commerciales [...] permet de rapporter du flux sur le centre et donc d’encourager certaines grandes enseignes à réinvestir les lieux. »79 La collectivité, qui a tout intérêt à voir le centre commercial se redynamiser, renvoie régulièrement des porteurs de projet aux propriétaires du centre,80 notamment des activités de santé. Cependant, peu de retours sont faits et les projets ne prennent pas. Il semblerait que le niveau des loyers soit un frein à l’arrivée de ces nouveaux programmes, pourtant bénéfiques. 75_ DELAIRE Hendrik « Le restaurant géant relancera-t-il Terre Ciel ? », Le Parisien, 2019 76_ CHABAULT Vincent. Op. cit., p.34 77_ WANG Zhen, PDG et fondateur du restaurant Globe trotter, interviewé par DELAIRE Hendrik. Op. cit. 78_ DELAIRE Hendrik, ibid. 79_ Entretien avec Guillaume Fleury, annexe p.99 80_ Ibid. DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

53


Lors de notre entretien, Guillaume Fleury a également évoqué les faibles marges de négociation relatives aux loyers. Dans le cadre d’un « projet ville », la mairie a eu besoin de locaux temporaires pour accueillir des activités sportives « ce qui n’intéressait pas vraiment les commercialisateurs du centre, car la ville demandait des tarifs plutôt attractifs ».81 La réponse formulée par les opérateurs de Terre-Ciel a été qu’il n’y avait pas de locaux disponibles. Nous trouvons un paradoxe dans ce refus, d’une part, comme vu sur le plan schématique ci-contre, le centre dispose d’une grande surface commerciale libre. D’autre part, l’arrivée d’activités sportives aurait pu être accueillie comme une nouvelle source de fréquentation, permettant le maintien d’un flux et par extension celui des loyers. RESTRUCTURER

Face aux nouvelles typologies qui émergent dans le paysage commercial, certains opérateurs de centres plus anciens entreprennent des travaux de restructuration. Cette initiative représente le dernier recours pour relancer les centres, car comme nous rappelle David Mangin : « aucun opérateur n’a intérêt à investir pour moderniser un actif amorti et affecter son fonctionnement le temps des travaux s’il ne crée pas une valeur économiquement suffisante à l’issue du projet. »82 Afin d’exemplifier cette partie, nous étudierons le cas du centre commercial Terre-Ciel qui très vite, au cours des années suivant son ouverture, a rencontré un essoufflement. _ LA GENÈSE DU PROJET

En 1993, la SEML83 Chelles-Avenir crée la ZAC de l’Aulnoy. Le développement d’un centre commercial régional vise à provoquer « un rayonnement et une attractivité très intenses de Chelles dans sa région. »84 L’objectif est donc de « rayonner » à l’échelle de l’agglomération qui compte à la fin des années 1990 plus de 300 000 habitants. Sa création doit aussi générer 1000 à 1500 emplois directs, partagés entre l’hypermarché Continent85 et la galerie marchande. Par ailleurs, le projet du centre prévoit, dès les premiers coups de crayon, une réserve foncière dans l’éventualité de son extension future. Cette dernière ne sera jamais 81_ FLEURY Guillaume, Op. cit. 82_GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.12 83_ Société d’Économie Mixte Locale 84_ Dossier de réalisation de la ZAC n°3 de l’espace de l’Aulnoy, 1-Rapport de présentation, juillet 1993, p.4 85_ L’enseigne d’hypermarché Continent est créée en 1972 par le groupe Promodès qui fusionne en 1999 avec le groupe Carrefour.

54

PRÉSENT-FUTUR


réalisée puisque dès 2003, les résultats sont en deçà des objectifs espérés et de nombreuses boutiques mettent la clé sous la porte. _ 2003 : RESTRUCTURATION DES GALERIES

En juin 2002, le centre est revendu à la société Unibail et l’hypermarché Continent devient Carrefour. La conception du bâtiment est alors réévaluée pour « corriger les erreurs de conception du centre ».86 Huit mois plus tard, en février 2003, les travaux débutent. Quatre escalators sont alors supprimés et remplacés par quatre ascenseurs panoramiques, les flux de circulation de la galerie sont réorganisés de sorte à aligner des boutiques et les deux extrémités sont aménagées en « placettes », utilisées comme espaces de détente au RDC bas et équipés de passerelles au RDC haut.87 Enfin, Chelles 2 est divisé en trois zones couleur : la zone violette, la zone bleue et la zone verte qui doivent permettre aux consommateurs de mieux se repérer. À travers cette restructuration, le nouvel acquéreur entend faire face à la forte concurrence et à la construction récente de deux autres centres commerciaux, Val d’Europe en 2000 et Bay 2 en 2003. L’enjeu de cette opération en plus d’encourager le public à y faire ses courses, est « de convaincre de nouvelles enseignes de venir s’y installer »88 - objectif atteint puisque très vite s’installeront deux enseignes nationales, H&M et Maison du monde. Cela permettra à l’activité de reprendre dans les années suivantes, mais l’effet de nouveauté s’essoufflera rapidement. _2013 : CRÉATION D’UN RETAIL-PARK

En 2013, alors que le chiffre d’affaires continue de baisser et qu’une nouvelle série de fermetures de boutiques est observée, une importante opération de restructuration est lancée. Elle concerne l’ensemble du rez-de-chaussée haut. Le mail* est fragmenté et seules les boutiques du hall central maintiennent un accès par l’intérieur. Pour le reste, les enseignes sont réaménagées à la façon d’un retail-park et des accès directs depuis le parking sont créés. Les nouvelles entrées des commerces sont ainsi marquées par la construction de portiques. En résumé, si les deux étages marchands restent connectés par les escalators et ascenseurs, ils fonctionnent désormais comme deux entités : un rez-de-chaussée traditionnel avec sa galerie marchande et sa locomotive alimentaire pour l’irriguer et d’autre 86 Citation de Jean-François Gardy, Directeur Regional d’Unibail-Rodamco de 1998 à 2006, « Chelles 2. Peau neuve », Chelles contact, p.9, novembre 2003. Annexe p.133 87_ Ibid. 88_ J.-F. Gardy, « Le centre commercial Chelles 2. Tout en couleurs », Chelles contact, p.13, avril 2003 DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

55


Figure 19_ Élévations est et ouest, états initial et projeté

Jardinière en bois synthétique

Bardage à claire-voie en bois synthétique

Figure 20_ Détails, élévation Nord, état projeté

Figures 19 et 20_ Restructuration de Terre-Ciel, 2013 Élévations , permis de construire modificatif, PC 05 - 501, mars 2013

56

PRÉSENT-FUTUR

Enseigne lumineuse

Garde-corps Mur avec plantes de sécurité grimpantes métallique

Bardage à claire-voie en bois synthétique


part, plusieurs grandes enseignes recomposées en retail-park, au niveau supérieur. Dans le cadre des travaux, les façades sont « revalorisées » par une mise en peinture de couleur marron et un nouvel habillage partiel, composé de lattes verticales de bois synthétique (fig.20). Autour de chaque entrée sont disposées des jardinières dont les plantes parviennent difficilement à suivre leurs tuteurs métalliques. Un circuit piéton peu emprunté longe le bâtiment et permet d’accéder aux commerces par l’extérieur. Il est délimité de la zone de stationnement par la succession de plots placés tous les deux mètres environ. Selon Guillaume Fleury, directeur du service commerce et commercialisation de la ville, cette restructuration s’est fait « au détriment de la galerie puisque les personnes arrivent et rentrent dans les boutiques et non pas dans le centre commercial. »89 Malgré tous les efforts déployés par le centre commercial Terre-Ciel, on relève sur le plan d’occupation du rez-de-chaussée haut que la moitié de la surface de vente reste inoccupée. Le centre peine à attirer les chalands et ne parvient pas non plus à convaincre les enseignes de s’y installer. Chaque opération semble suivre la même suite d’événements, à savoir une baisse de fréquentation importante, la fermeture de boutiques et la difficulté à commercialiser les locaux vides. S’en suit la restructuration partielle du centre commercial accompagné par l’arrivée de quelques enseignes qui, une fois le sentiment de nouveauté avalé par les consommateurs, font face à un nouvel affaiblissement. Cette trajectoire nous rappelle en tout point celle du ricochet, dans lequel le centre commercial ferait figure de galet. La question est de savoir si le ricochet sombrera après plusieurs tentatives de modernisation ou si, comme le ricochet d’Hagrid90, il est voué à rebondir au-delà de notre champ de vision. La première hypothèse nous mène à réfléchir à la question de l’après : que faire des centres commerciaux en déshérence qui n’auront pas su s’adapter ?

89_ FLEURY Guillaume. Op. cit. 90_ Cette métaphore fait référence à une scène d’Harry Potter. Dans le Prisonnier d’Azkaban, Hagrid empli de tristesse suite à la condamnation à mort de Buck, se retire au bord d’un Lac. Les ricochets magiques lancés par le personnage ne semblent jamais sombrer. DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

57


Figure 21_ Scénario de mutation d’une zone commerciale le long de la RD 14 en parc à haut niveau de service (PHNS). Document extrait de l’ouvrage « Du Far West à la ville », Op. cit., p.203 Le PHNS se base sur 4 principes majeurs : _ Résonance territoriale, prise en compte du paysage _ Continuums écologiques, corridors écologiques _ Porosités visuelles et perméabilité du sol _ Structure paysagère

58

PRÉSENT-FUTUR


2.2_ AU-DELÀ DU COMMERCE

Dans une dynamique de densification urbaine, les villes ont tout intérêt à ce que leur centre commercial fonctionne, au même titre que leur centre-ville, au risque de créer une « zone un peu morte »91 comme à Chelles. Par leur échelle, les zones commerciales sont des fragments de ville, des quartiers entiers souvent renfermés sur eux et dominés par la voiture. Dans beaucoup de cas, ils s’articulent mal aux tissus alentour. Dans un affaiblissement général du secteur commercial, les opérateurs des centres ont aussi tout intérêt à s’ouvrir à la ville et à intégrer une mixité d’usage, génératrice de flux. Nous quitterons dans cette partie l’exemple chellois pour nous intéresser à des réflexions et expérimentations réalisées sur d’autres territoires. FAIRE RENTRER LA VILLE

Cette sous-partie interroge le rôle des collectivités dans la replanification des zones commerciales « fragilisées » et présentes plusieurs leviers utilisés ou à employer pour y parvenir. Les expériences de l’Atelier « territoires économiques » et de Mérignac Soleil apportent des réponses possibles. Toutes deux visent à faire évoluer les zones commerciales à l’échelle de projets urbains plus globaux dans lesquels ces zones deviennent moins monofonctionnelles, moins dépendantes de la voiture également. _ATELIER « TERRITOIRES ÉCONOMIQUES »

En 2012, les architectes-urbanistes François Leclerq et David Mangin coordonnent l’Atelier national « territoires économiques » autour du commerce en ville. Cette initiative est motivée par un constat simple, à savoir l’essoufflement économique du modèle commercial, que certaines villes observent déjà à ce moment-là. Le projet propose de rassembler autour d’une même table, urbanistes, élus et acteurs économiques afin d’interroger les voies de transitions possibles. La question est ainsi posée par François Monjal : « Comment intervenir sur les sites en décroissance et lever les obstacles à une rénovation/reconversion ? »,92

91_ FLEURY Guillaume. Op. cit. 92_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.93 DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

59


Figure 22_ Plans masse du projet Mérignac Soleil avant/après Source : https://www.oma.com/projects/bordeaux-50000-m-rignac-soleil-masterplan

60

PRÉSENT-FUTUR


tout en prenant en compte les exigences économiques et celles du développement durable. Pendant un an, un travail de terrain est ainsi mené sur huit sites pilotes aux situations diverses et singulières. L’objectif commun de chaque proposition est de transformer des « situations d’entrée de ville à de véritables entrées en ville ».93 Les réponses apportées par l’Atelier sont très différentes en fonction des contextes donnés. La « desserte par les transports en commun, la mutualisation des parkings, l’introduction de nouveaux programmes, l’aménagement de liaison avec les quartiers voisins » ou encore l’ « ouverture sur la géographie »94 sont autant d’outils d’aménagement du territoire proposés pour améliorer le cadre du commerce et son lien avec la ville (fig.21). Cependant, l’Atelier relève plusieurs obstacles à la mise en place de ces idées, l’un d’eux est que la quasitotalité des centres ou zones commerciaux étudiés ont été développés et portés par des acteurs privés sans réelle implication des collectivités. La multiplication des intervenants privés accentuée par l’absence d’association de commerçants représente aujourd’hui un frein important à une intervention, quelle que soit sa nature. _MÉRIGNAC SOLEIL

En 2010, Bordeaux Métropole impulse une grande consultation intitulée « 50 000 logements autour des axes de transports collectifs ».95 Il s’agit de repenser la grande métropole autour du développement de la mobilité et du transport, notamment le prolongement du tram A, en plaçant le logement au centre des réflexions. « Construire la ville à partir du logement, de sa qualité spatiale, de son prix abordable et de ses services associés que sont la mobilité, la nature, le cadre de vie, le numérique et les usages.»96 La zone commerciale Mérignac Soleil fait partie des 18 îlots témoins de l’opération. Au moment de sa construction en 1987, elle se structure autour d’un hypermarché Carrefour. Au fil des décennies, l’hyper est gagné par de nombreux hangars et nappes de stationnement si bien qu’aujourd’hui, la zone commerciale se développe sur environ 70 hectares entre le centre-ville et l’aéroport. Les grandes étendues de parking font d’elle l’un des principaux îlots de chaleur de l’agglomération. La question est ainsi posée par 93_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.93 94_ MONJAL François dans GARCEZ Christina et MANGIN David. Ibid. 95_ Programme 50 000 logements autour des axes de transports collectifs de Bordeaux Métropole, Trophées des EPL, 2018. https://www.lesepl.fr/trophees/programme-50-000-logements-autour-des-axes-de-transportscollectifs-de-bordeaux-metropole/ 96_ Ibid. DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

61


Figure 23_ Désasphaltage du parvis/parking de l’ancien Castorama Photographie de Sabine Delcour, retravaillée par l’autrice

62

PRÉSENT-FUTUR


l’agence OMA, membre de l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine : « comment faire vivre 120 000 nouveaux habitants dans 50 000 logements neufs au sein d’un territoire fortement impacté par l’étalement urbain, une stratégie d’urbanisation vieille de 40 ans qui prône la voiture et le logement individuel comme norme – alors même que les transports en commun s’améliorent en même temps ? Et comment faire cela d’une manière qui conduira à une croissance durable plutôt que destructrice et expansive ? »97 La stratégie adoptée dans le cadre de ce projet est le rachat par la collectivité de plusieurs enseignes comme Castorama, dont le sol est ensuite déperméabilisé (fig.23) en vue de créer des parcs, des équipements ou des voiries publics.98 L’objectif visé par La Fab, la SPL99 en charge du projet, est de déminéraliser au maximum afin de « retrouver entre 40 et 50% de pleine terre et de biodiversité. Et planter des arbres »100 dès que possible « partout ». Les architectes résument : « Le projet urbain de Mérignac Soleil crée les conditions nécessaires pour habiter/cohabiter à la croisée d’un tissu pavillonnaire dilaté et d’un tissu commercial aride. La rencontre de ces tissus fondamentalement différents rend propice l’instauration d’une nouvelle typologie urbaine et paysagère : un parc habité, qui reconquière de vastes surfaces imperméabilises, tout en offrant des rez-de-ville actifs, diversifiés et poreux. »101 CHANGEMENT DE DESTINATION

En France il n’existe pas d’exemple porté à notre connaissance de centres commerciaux reconvertis entièrement avec le départ de la fonction commerciale. Selon Jerôme Le Grelle, « un constat simple s’impose : dès lors que le site considéré ‘‘fonctionne’’ il est très difficile sinon impossible économiquement de ‘‘libérer’’ du foncier à un prix qui ne soit pas exorbitant et qui rende, par exemple, une opération de logements économiquement viable ; ceci tout simplement parce que le rendement financier du commerce (et donc sa valeur) est dans cette hypothèse très largement supérieur à celui du logement. »102 97_ Traduction personnelle, Bordeaux 50 000 - Mérignac-Soleil Masterplan, OMA, 2012 https://www.oma.com/projects/bordeaux-50000-m-rignac-soleil-masterplan 98_ Entretien avec Jérôme Goze, « Mérignac Soleil : mutation programmée d’une zone commerciale asphaltée en quartier mixte fertile », « En finir avec les centres commerciaux », D’ARCHITECTURE, pp.74-76. 99_ Société Publique Locale 100_ GOZE Jérôme. Op. cit. 101_ Rubrique « les mots de l’architecte ». https://lafab-bm.fr/merignac-soleil/ 102_ GARCEZ Christina et MANGIN David. Op. cit., p.13 DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

63


Figure 24_ Vue intérieure du complexe

Figure 25_ Façade sud Figures 24 et 25_ Espace Coatigrac’h, Châteaulin Photographie et document graphique de Paul Vincent Architecte https://www.archdaily.com/948839/espace-coatigrach-multi-purpose-hall-paul-vincent-architecte

64

PRÉSENT-FUTUR


Cette analyse peut expliquer en partie « l’immobilité » des centres commerciaux et l’absence de cas de reconversion en France. Les centres appartiennent majoritairement à des acteurs privés pour lesquels la rentabilité économique d’une opération est le généralement le premier critère pour envisager toute évolution. Si certains centres sont affaiblis, il semblerait qu’ils « fonctionnent » suffisamment pour que leur valeur immobilière ne chute pas fortement, ce qui permettrait leur rachat par d’autres acteurs fonciers, publics ou privés. À titre d’exceptions, il existe toutefois quelques exemples de reconversion, aux ÉtatsUnis et en Asie notamment. Des projets réalisés à une échelle plus petite en France permettent également d’amorcer une réflexion sur la reconversion des centres marchands. _ À L’ÉCHELLE DE LA ‘‘BOÎTE’’

À Chateaulin, petite commune française du Massif armoricain, la Mairie rachète dès 1988 un Intermarché abandonné en bordure résidentielle sur une voie rapide et décide d’y implanter un espace multifonctionnel associatif de 1700 m² pour les habitants de la ville. Si le lieu change de destination, il garde pendant 30 ans son état initial : sa structure est simplement vidée et conserve son habillage en tôle, seul le nom de l’enseigne est masqué par une couche de peinture. En 2018, des travaux sont entrepris pour améliorer les caractéristiques acoustiques, thermiques et sécuritaires du bâtiment. L’intervention de l’architecte Paul Vincent répond aux exigences et besoins techniques de la maîtrise d’ouvrage tout en proposant un nouvel espace plus modulable (rideaux, grilles et gradins rétractables) qui permet d’épouser la multiplicité de ses usages : dîners, salons, spectacles, événements associatifs, manifestations sportives et centre de vaccination durant la pandémie.103 L’intérieur est remis à neuf, mais conserve plusieurs éléments du supermarché d’origine comme les poutres en bois ou les tuyaux métalliques. À l’extérieur, un bardage métallique réfléchissant est utilisé pour habiller la boîte et mettre en évidence la forme élémentaire de sa construction, une architecture de boite (fig.25). L’architecte affirme que « L’objectif est de ne pas chercher à faire semblant d’être autre chose qu’un ancien supermarché. »104 Au-delà de son intérêt environnemental (économie de matière et d’énergie) et de son attrait architectural,105 103_ ABITTAN David, « Dans le Finistère, un ancien supermarché transformé en salle des fêtes », France Inter, août 2021, 4 min. 67_ LECLERC David, « Métamorphose d’une architecture sans qualités, reconversion d’un supermarché en espace multifonction, Châteaulin, Finistère », AMC, avril 2021. 105_ Projet lauréat AJAP, Grand prix D’Architectures, 2018.https://prixdarchitectures.com/laureats/2021.html DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

65


l’intervention minimaliste mise en œuvre par l’architecte a permis de rendre l’opération particulièrement intéressante sur le plan économique. Interviewée sur France Inter, la maire de la ville, Gaëlle Nicolas explique que pour un bâtiment neuf de même envergure « il fallait imaginer au minimum un budget de trois millions d’euros. Même en restant sur un équipement relativement sommaire, c’est-à-dire sans aller sur des prestations de type ‘‘salle de spectacle’’ ».106 Le budget a été « divisé par deux » par rapport à cette référence. Comme nous l’avons vu, le coût est souvent un frein au renouvellement des centres commerciaux, ce projet démontre la viabilité d’une valorisation plus profitable pour les habitants. Si la situation de nombreux centres commerciaux s’apparente assez bien à celle des boîtes (périphérie des villes, proximité de lotissements) ils présentent pour autant des caractéristiques constructives et techniques assez différentes. Leur épaisseur ou leur matérialité (des structures souvent en béton), en font des objets moins malléables et donc plus difficiles à faire évoluer. À titre d’exemple, le RDC bas et le sous-sol de Terre-Ciel font environ 100 m de large et 390 m de long. Comment s’affranchir de ces grandes surfaces qui n’ont pas accès à un éclairage naturel ? _ À L’ÉCHELLE DU « MALL »

En 2020 l’agence MVRDV a proposé une solution radicale qui s’émancipe des contraintes de la construction par une déconstruction partielle de l’édifice. Il s’agit de la transformation du China-Town Mall de Tainan à Taïwan, construit au début des années 80. Depuis plusieurs années, l’essor du commerce en ligne a considérablement affaibli la fréquentation de certains centres commerciaux comme à Tainan, ville de 767 466 habitants située au sud-ouest de l’île. La ville est un ancien port de pêche et s’est ainsi construite autour d’un réseau de canaux. « Le China-Town Mall a vu le jour en 1983 à proximité d’un canal en lieu et place du vieux port. »107 Déserté progressivement par sa clientèle et ses commerçants, le centre est devenu une véritable friche commerciale (fig.26), ce qui a fortement impacté la vitalité du quartier. Le projet Tainan Spring, proposé et 106_ ABITTAN David, « Dans le Finistère, un ancien supermarché transformé en salle des fêtes », France Inter, août 2021, 4 min. Source : https://www.franceinter.fr/emissions/les-choses-de-la-ville/l-ete-archi-leschoses-de-la-ville-dudimanche-22-aout-20 107_ MALSCH Edouard, « Quand un ancien centre commercial se transforme en espace public », urbanews. fr, juillet 2020

66

PRÉSENT-FUTUR


réalisé par l’agence MVRDV a été de déconstruire les étages RDC et supérieurs et de reconvertir les parkings enterrés d’un niveau par rapport à la rue en une vaste place publique à ciel ouvert. Ce nouvel espace s’articule autour de bassins, d’espèces végétales endémiques, d’aires de jeux, d’espaces de rassemblement et d’une scène qui accueillent les habitants locaux en toute saison (fig.27). Si la situation de Tainan Spring se distingue de celle des centres périurbains français dans sa localité et son contexte urbain, elle porte toutefois une dimension symbolique inédite faisant du centre commercial, un lieu fermé et enclavé, une place publique, un espace ouvert de la ville. Elle est aussi un exemple de relais entre passé, présent et futur dans son architecture. En effet, malgré le fait qu’une grande partie de l’édifice ait été déconstruite, les espaces en dessous de l’accotement de la route ont été aménagés en kiosques et accueillent divers services et commerces de proximité. De plus les fondations de l’ancien centre commercial jaillissent du sol fièrement tel un « forum romain contemporain ».108 À ce sujet Winy Maas, fondateur et partenaire de l’agence MVRDV déclare : « À Tainan Spring, les gens peuvent se baigner dans les vestiges envahis d’un centre commercial. Les enfants vont bientôt nager dans les ruines du passé – N’est-ce pas fantastique ? »109 Tout cela décrit une volonté de ne pas éclipser le passé du site et au contraire, de communiquer sur les différentes couches historiques de la ville à travers un parti architectural.

108_ ArchDaily. https://www.archdaily.com/935346/tainan-spring-mvrdv 109_ Citation de Winy Maan, traduite de l’anglais. Source : https://mvrdv.nl/projects/272/tainan-spring DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

67


Figure 26_ Chinatown mall, janvier 2014 Source : https://spectralcodex.com/tainan-chinatown/ Figures 26 et 27_ Reconversion du Chinatown mall par MVRDV, Tainan, Taïwan Photographies du projet avant le début des travaux et après sa réalisation

68

PRÉSENT-FUTUR


Figure 27_ Tainan Spring, 2020 Source : https://mvrdv.nl/projects/272/tainan-spring

DU DÉCLIN VERS DE NOUVELLES FORMES

69


70


CONCLUSION


PASSÉ-PRÉSENT

Le « modèle » est défini par le CNRTL comme la « chose [...] qui, grâce à ses caractéristiques, à ses qualités, peut servir de référence à l’imitation ou à la reproduction. » L’émergence des centres commerciaux en France s’est rapidement imposée comme telle, de par sa concordance avec les aspirations de consommation de l’époque. Le modèle, ainsi nommé, s’est dupliqué et disséminé sur le territoire dans des formes relativement similaires. Leur développement peu contrôlé, porté par la perspective d’une prospérité économique pour les investisseurs et élus, a été tel que le secteur est désormais saturé par l’offre. De plus, l’évolution des modes de consommation et avec elle, l’arrivée de nouveaux modèles, questionnent aujourd’hui le maintien d’un certain nombre de ces sites. Face à cet essoufflement, les centres touchés tentent de se renouveler à travers des restructurations ou des opérations de communication marketing, mais ne semblent pas tous y parvenir. À Chelles, une grande partie du centre commercial Terre-Ciel reste inoccupée depuis près de 15 ans, et ce malgré les initiatives entreprises par les opérateurs. En France, l’évolution des centres commerciaux semble, en grande partie, se soumettre à la loi du portefeuille. En l’absence de garantie sur la valeur économique créée à l’issue de l’opération, les propriétaires privés restent frileux au changement. Dans la majorité des cas, une partie du centre appartient à l’hypermarché qui l’occupe et qui, comme dans le cas de Chelles, permet encore de « porter » le centre. Dans cet engrenage, ces grands groupes ont donc intérêt à relancer et redynamiser leur actif plutôt que de le céder à bas coût. Ainsi, avant d’envisager tout réinvestissement des lieux, il faut attendre que le fonds de commerce chute fortement. La question est de savoir combien d’années cette situation tiendra avant de se rapprocher des paysages qu’offrent les dead-malls* d’outre-atlantique. PRÉSENT-FUTUR

À l’échelle urbaine et loin des scénarios apocalyptiques, il existe déjà des leviers pour engager la mutation des zones commerciales. À travers les travaux de l’Atelier « territoires économiques » et le projet amorcé sur la zone commerciale de Mérignac Soleil, nous avons vu que l’engagement des collectivités est fondamental, mais que la mise en route de projets globaux est laborieuse, sinon impossible, sans concertation avec les opérateurs et autres acteurs privés. D’une part, ils possèdent et contrôlent une grande partie des zones commerciales. D’autre 72

CONCLUSION


part, s’ils sont sûrs d’y gagner une attractivité et à terme du chiffre d’affaires, ils seraient en mesure de financer une partie des travaux. Le développement des systèmes d’accessibilité comme celui porté par la métropole du Grand Paris devrait également permettre de redessiner ces territoires. En facilitant l’accès aux zones commerciales par les transports publics, mais aussi via des mobilités plus douces et écologiques, les nappes de stationnement alors sous-utilisées pourraient progressivement être réinvesties à des fins plus bénéfiques autant pour le commerce, pour la ville que pour l’environnement. La question est ensuite de savoir ce que l’on fait de cet héritage bâti. Nous avons vu que la primauté économique comme marketing dans les logiques de développement du commerce périurbain, et ce depuis les années 60, a produit des architectures et des paysages assez rigides, sans trop d’attention au contexte (à l’exception des infrastructures routières). À l’échelle urbaine, ce détachement a généré des discontinuités tout en imperméabilisant une quantité colossale de terres arables. À l’échelle architecturale, la production de mastodontes épais et partiellement enterrés comme à Chelles a engendré de grandes surfaces coupées de la lumière naturelle. Il n’existe pas de solution universelle, de « modèle » à suivre pour repenser les zones et centres commerciaux. Chaque cas par son échelle, sa typologie, sa localisation ou son rapport à la ville est différent et nécessite d’être étudié méticuleusement, en conscience des enjeux environnementaux, territoriaux et sociaux, mais aussi des réalités économiques, politiques et juridiques. Les exemples de reconversion étudiés dans cette recherche, qu’il s’agisse du projet d’envergure du « Tainan Spring » à Taïwan ou de l’intervention plus modeste du « Coatigrac’h » à Châteaulin, permettent toutefois d’ouvrir nos imaginaires en la matière. Ils entreprennent la « réparation » de leur environnement respectif et incitent à réfléchir sur le lien entre passé, présent et futur que choisit ou non de véhiculer l’architecture. En conservant la structure ou des éléments de l’édifice existant, en reconnaissant ce qui a existé, chacun des deux projets intègre l’histoire du lieu au processus de conception. Bâtir des espaces plus mixtes, plus poreux, plus piétonniers, plus inventifs et ludiques, plus évolutifs dans le temps, à partir d’un déjà-là qui a ignoré ces qualités dans sa conception, n’est-il pas la plus réjouissante réconciliation que l’on puisse souhaiter entre les centres commerciaux et leur territoire ?

CONCLUSION

73


GLOSSAIRE

Centre commercial_ Regroupement de plusieurs magasins et services autour d'une

ou plusieurs locomotives. Le CNCC le définit « comme un ensemble d’au moins 20 magasins et services totalisant une surface commerciale utile (dite surface GLA) minimale de 5 000 m², conçu, réalisé et géré comme une entité. »1 En fonction de leur surface GLA ils se divisent en quatre catégories : _ Les centres commerciaux super régionaux (surface GLA > 80 000 m²) _ Les centres commerciaux régionaux (surface GLA > 40 000 m²) _ Les grands centres commerciaux (surface GLA > 20 000 m²) _ Les petits centres commerciaux (surface GLA > 5 000 m²) Click and collect_ « Mode d’achat par lequel un consommateur commande son produit en ligne sur Internet et effectue le retrait de son achat en point de retrait ou en magasin. »2 Commerce périphérique_ « Ensemble de points de vente situés dans les zones suburbaines des agglomérations. Il peut s’agir de centres commerciaux ou à thème, de retail parks, de moyennes surfaces spécialisées en stand alone ou de moyennes surfaces alimentaires. Le commerce périphérique fait opposition au commerce de centre-ville. »3 Dead malls_ Expression utilisée pour désigner les malls abandonnés dans leur

totalité en Amérique du Nord.

Discount_ « Stratégie de vente pratiquée par la grande distribution basée sur les prix

bas et la rotation rapide des stocks. »4

Drive_ « Point de retrait de marchandise commandées en ligne et retirées par le client sur ses itinéraires de mobilité. »5 E-commerce_ Commerce en ligne. Fast-fashion_ (mode rapide)_ Désigne le mode de production de vêtements, rapide

et à bas coût, qu’utilisent certaines marques comme Zara, H&M, etc.

1_ Glossaire du CNCC (Conseil National des Centres Commerciaux) Source : https://www.cncc.com/notre-secteur/le-glossaire/ 2_ GASNIER Arnaud, Glossaire des anglicismes, Le commerce dans la ville, entre crise et résilience, Comment réparer, adapter, aménager les territoires marchands ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p.281 3_ CNCC. Op. Cit. 4_ GASNIER. Op. Cit. p.182 5_ Ibid.

74

GLOSSAIRE


Flagship store_ En anglais, flagship signifie navire amiral, métaphoriquement il

désigne le plus beau, le plus grand ou le plus important d’un groupe de choses. « Un magasin flagship est un point de vente emblématique pour une marque au niveau d’un pays. Le flagship store se situe généralement dans l’artère commerciale de prestige de la capitale. »6

Greenwashing (ou éco-blanchissement)_ « Stratégie de communication qui consiste à utiliser des arguments environnementaux plus ou moins fondés. »7 Hypermarché_ « établissement de vente au détail en libre-service qui réalise plus du tiers de ses ventes en alimentation et dont la surface de vente est supérieure ou égale à 2500 m² »8. « Les hypermarchés sont généralement situés en périphérie pour faciliter l’accès et le stationnement. »9 Locomotive_ Enseigne motrice d’un centre commercial, sa forte attraction doit permettre d’apporter un flux continu dans l’ensemble des galeries. La locomotive est le plus souvent alimentaire, mais une grande chaîne peut aussi endosser ce rôle. Mail_ Avenue plantée d’arbres. En urbanisme commercial le mail désigne la voie

principale du centre commercial.

Supermarché_ « Établissement de vente au détail en libre-service qui réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires en alimentation. Sa surface de vente est comprise entre 400 et 2500 m². »10 Surface GLA_ « Surface totale louée aux commerçants comprenant l’ensemble de

cette surface (vente + réserve) sans déduction de trémie ou poteau. »11

Retail park_ « Ensemble commercial à ciel ouvert, réalisé et géré comme une unité, qui comprend au moins 5 unités locatives et dont la surface construite est supérieure à 3 000 m² SHON (surface construite). »12 Retailtainment_ Néologisme anglais « qui combine retail (commerce) et entertainment (divertissement, loisirs) »13 Vacance commerciale_ Phénomène par lequel des locaux commerciaux ne trouvent

pas de preneurs à la location.

6_ Définitions marketing, l’encyclopédie illustrée du marketing. Source : https://www.definitions-marketing.com/definition/flagship-store/ 7_ GASNIER. Op. Cit. p.182 8_ RENOIR Philippe, Existe-t-il une exception française ?, dans l’ouvrage Du Far West à la ville. Op. Cit. p.23 9_ Définitions marketing. Op. Cit. 10_ RENOIR. Op. Cit. 11_ Glossaire du CNCC. Op. cit 12_ Ibid. 13_ Définition issue de l’encyclopédie illustrée du marketing www.definitions-marketing.com GLOSSAIRE

75


BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

CARPENTIER Jean-Noël et MANGIN David, Le maire, l’architecte, le centre-ville... et les centres commerciaux, Norderstedt, Allemagne, Books on demand, 2017, 60 p. CHABAULT Vincent, Éloge du magasin, Contre l’amazonisation, Paris, Gallimard, 2020, 176 p. DUGOT Philippe, Commerce et urbanisme commercial dans la fabrique de la ville durable, Toulon, Presses Universitaires Du Midi, 2019, 408 p. Dir. GARCEZ Christina et MANGIN David, Du Far West à la ville, l’urbanisme commercial en questions, Paris, Éditions Parenthèses, 2014, 256 p. GASNIER Arnaud, Le commerce dans la ville, entre crise et résilience, Comment réparer, adapter, aménager les territoires marchands ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 298 p. Dir. KOOLHAAS Rem ,The harvard design school guide to shopping, Cologne, Allemagne, Taschen, 2002, 800 p. Dir. RAMBERT Francis, Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine, Milan, Silvana Editoriale, 2015, 334 p. ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, Paris, Pocket classiques, 1883, 496 p.

ARTICLES DE REVUES

ARNAUD Françoise, FABRE Xavier, « Réutilisation des bâtiments anciens », Revue aménagement et nature, n°59, 1980, pp.15-18. DESCAMPS Philippe, « Ravages de l’automobilisme », Dossier : la ville défigurée, Le Monde diplomatique, juin 2021, p.13. HEMMERICH Margot, « Au nom de l’attractivité des territoires », Dossier : la ville défigurée, Le Monde diplomatique, juin 2021, pp.14-15. LABASSE Alexandre et REGNIER Isabelle, « L’architecture durable tout un chantier », Le Monde, Paris, juin 2019, pp.22-23. LECLERC David, « Métamorphose d’une architecture sans qualités, reconversion d’un supermarché en espace multifonction, Châteaulin, Finistère », AMC, n°286, avril 2021, pp.112-117. SONNETTE Stéphanie, « En finir avec les centres commerciaux », D’ARCHITECTURE, n°282, juillet-août 2020, pp.56-81. TESTA Jessica, RIESER Jesse, « When the Mall Itself Is on Clearance », The New York Times, décembre 2020, p.4.

76

BIBLIOGRAPHIE


ARTICLES EN LIGNE

CHIRACHE Emmanuel, « Le Black Supermarket : un supermarché transformé en squat arty et éphémère », TimeOut.fr, janvier 2017. DE JARCY Xavier, RÉMY Vincent, « Comment la France est devenue moche », Télérama, février 2010. GUIGNARD Mireille, « La leçon urbaine de Barcelone, un héritage au service d’une modernité sociale renouvelée », Pierre d’angle, le magazine de l’ANABF, juillet 2018. HERZBERG Nathaniel , « Rem Koolhaas, as du shopping », Le Monde, octobre 2012.

https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/11/rem-koolhaas-as-du-shopping_1774041_3246.html

LE GRELLE Jérôme, « Quand les difficultés du prêt-à-porter révèlent les fragilités de l’immobilier commercial », Business Immo, septembre 2016.

https://www.businessimmo.com/contents/75277/quand-les-difficultes-du-pret-a-porter-revelent-les-fragilites-de-l-immobilier-commercial

LERIDON Margaux, « Elysée 2, Vélizy 2, Parly 2... Pourquoi tant de centres commerciaux ont un nom qui se termine par 2 ? », slate.fr, août 2013.

http://www.slate.fr/story/75488/noms-centres-commerciaux-2

LETCHOVA Vesselina, « Patrimoine architectural non protégé : quel avenir ? », Pierre d’angle, le magazine de l’ANABF, avril 2021. https://anabf.org/pierredangle/magazine/patrimoine-architectural-non-protege-quel-avenir

MALSCH Edouard, « Quand un ancien centre commercial se transforme en espace public », urbanews.fr, juillet 2020. https://www.urbanews.fr/2020/07/10/57870-quand-un-ancien-centre-commercial-se-transforme-en-espace-public/

« Bay 2, première phase du nouveau pôle commercial de Torcy », LSA, février 2003. https://www.lsa-conso.fr/bay-2-premiere-phase-du-nouveau-pole-commercial-de-torcy,73432

« En images : un centre commercial abandonné transformé en aquarium géant », Kombini, juillet 2014. https://www.konbini.com/fr/inspiration-2/bangkok-centre-commercial-aquarium-geant/

« Reinvent or Die: The Transformation of Malls Under The New Economic/Urban Paradigm », Ecosistema Urbano, ArchDaily, decembre 2017. https://www.archdaily.com/882288/reinvent-or-die-the-transformation-of-malls-under-the-new-economic-urban-paradigm?ad_source=search&ad_medium=search_result_all

TRAVAUX UNIVERSITAIRES

MARTIN Jessica, Le centre commercial des années 1970’ est-il mort ?, Relations et évolutions du centre commercial et de la banlieue sur 40 ans, mémoire, sous la direction de RODRIGUEZ TOMÉ Denyse, École d’Architecture de Versailles, 2012, 105 p. VIALLE Elisa, Transformation d’une future ruine moderne : le centre commercial Evry 2, tpfe, DE Expérimental, École d’Architecture de Paris Val-de-Seine, 2021, 78 p.

BIBLIOGRAPHIE

77


CONFÉRENCE, SÉMINAIRES

DUNHAM Ellen, Retrofitting suburbia, conférence TEDxAtlanta, Janvier 2010 https://www.ted.com/talks/ellen_dunham_jones_retrofitting_suburbia

GAZEAU Philippe, La tour d’habitation comme architecture du quotidien, Cité de l’architecture et du patrimoine, janvier, 2001 https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/la-tour-dhabitation-comme-architecture-du-quotidien-philippe-gazeau-architecte-paris

FILMS, DOCUMENTAIRES

BONNET Elisabeth, PINON Adrien, Centres commerciaux : la grande illusion, Spécial investigation, 2015, 52 min. https://www.youtube.com/watch?v=OBW0oSASU9c

BOVON Gilles, PERRIN Edouard, Fast Fashion, les dessous de la mode à bas prix, ARTE France, Premières Lignes, 2021, 91 min. DELESCLUSE Rémi, Hypermarchés, la chute de l’empire, Stp Productions, 2021, 87 min. KLAPISCH Cédric, Riens du tout, 1992, 95 min. NICKLAUS Olivier, Fashion !, Golden Eighties, La mode sous toutes les coutures, ARTE, 2012, 55 min. PERICARD Michel, 1974 : Alerte au gaspillage et à la surconsommation, Archive INA, 1974, 20 min.

https://www.youtube.com/watch?v=ey-2yUIU2ho

VIDÉOGRAPHIE

CORNET LAVAU Géraldine et KHALDI Tarik, Depuis quand parle-t-on de surconsommation ?, Archive INA, 2020, 2 min. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/s868881_001/black-friday-depuis-quand-parle-t-on-desurconsommation

LEK & SOWAT, Mausolée, 2012, 7 min.

https://www.youtube.com/watch?v=jYnLx9l-0Sw

Exploration du mausolée du graff avec Lek & Sowat | Tracks ARTE, 2021, 22 min. https://www.youtube.com/watch?v=msL1mNRYNNI&t=0s

PRIVAT Adrien, Paraître(s),Westfield Vélizy 2, 2021, 5 min. VERNAGALLO Tony, Bienvenue chez vous, Westfield Parly 2, 2021, 4:40 min. Interview de Philippe Moati, « La révolution commerciale a commencé ! », Xerfi Canal, octobre 2011, 30 min. https://www.youtube.com/watch?v=OC9oZysHztw

78

BIBLIOGRAPHIE


PODCAST

ABITTAN David, « Dans le Finistère, un ancien supermarché transformé en salle des fêtes », France Inter, août 2021, 4 min.

https://www.franceinter.fr/emissions/les-choses-de-la-ville/l-ete-archi-les-choses-de-la-ville-dudimanche-22-aout-2021

VEZZONI Corinne : « Être efficace et optimiser le terrain », Hors concours, les architectes se racontent, épisode 13, juin 2021, 53 min. https://podcasts.apple.com/fr/podcast/corinne-vezzoni-%C3%AAtre-efficace-et-optimiser-le-terrain/ id1484456223?i=1000526312812

SITOGRAPHIE

ArchDaily

https://www.archdaily.com/

Cartographie IGN, Géoportail https://www.geoportail.gouv.fr/carte

CNRTL, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales https://www.cnrtl.fr/

Centre commercial Terre-Ciel https://www.terreciel-shopping.com/

Définitions marketing, l’encyclopédie illustrée du marketing https://www.definitions-marketing.com/

FEVAD, Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance https://www.fevad.com/

Glossaire du Conseil National des Centres Commerciaux https://www.cncc.com/notre-secteur/le-glossaire/

Gruen associates

http://www.gruenassociates.com/project/northland-shopping-center/

MVRDV, Tainan Spring, Taïwan, 2020

https://www.mvrdv.nl/projects/272/tainan-spring

Unibail-Rodamco-Westfield https://fr.westfield.com/

BIBLIOGRAPHIE

79


80


ANNEXES


LES CENTRES COMMERCIAUX EN CHIFFRES

« L’essoufflement d’un modèle » 2008 - 2021

« Commerce : la nouvelle aire », Dossier Le Monde, mars 2022, p.25. 82

ANNEXES


Cushman & Wakefield Source :

Commerces T4 2021

M A R K E T B E AT

FRANCE

« Marketbeat Commerces France T4 2021 », Cushman & Wakefield, 2021, p.15. ANNEXES

83


CHRONOLOGIE DES ARCHITECTURES COMMERCIALES DE L'ÉPOQUE NÉOLITHIQUE AU 21ÈME SIÈCLE Evolution of retail types, Harvard Design School, Guide to Shopping, Taschen, 2002

84

ANNEXES


ANNEXES

85


86

ANNEXES


ANNEXES

87


88

ANNEXES


ANNEXES

89


FRISE CHRONOLOGIQUE _ DE 1973 À 2028

Contexte temporel et évènements majeurs autour du centre commercial Terre-Ciel, Chelles

Août 2000 L’enseigne Continent est rachettée par le groupe Carrefour

Février 1994

PC N°077 108 9300196

Création d’un centre commercial Février 1973 Ouverture de Rosny 2

Octobre 2000 Ouverture de Val-d’Europe à Marne-laVallée

Avril 1994 Début des travaux

1978 Ouverture du centre commercial Les Arcades à Noisy-le-Grand

Avril 1996

Ouverture du centre comercial régional Chelles 2 1992 Ouverture du centre commercial Les sentiers de Claye-Souilly

Juillet 1999 RER E _

90

ANNEXES


Août 2003

PC N°077 108 03 00094

_Restructuration _Réorganisation des flux _Création de placettes

2004

Travaux de restructuration Mars 2004 Ouverture de l’enseigne H&M

Avril 2019 Ouverture du complexe de loisir Airtrix

Février 2010

PC N°077 108 11 00008

_Restructuration du RDC Haut _Création d’un retail park _Rebaptisation de Chelles 2

Novembre 2004 Ouverture de Bay 1 Loisirs Février 2003 Ouverture du centre comercial Bay 2

2021 Ouverture du complexe de loisir Airtrix

Novembre 2021 Ouverture du « Shopping Promenade » Claye-Souilly

2014

Travaux de restructuration

Juin 2002 - ? Acquisition du centre par la société Unibail

Mise en service de l’axe Chelles - Haussmann Saint-Lazare 2004 Transilien P _ Mise en service de l’axe Meaux - Paris-Est 2028 Métro 16 _ Projet

ANNEXES

91


Localisation des servitudes, des voiries, des installations d'intérêt général et espaces verts Pièce n°2.2 du PAZ, dossier de réalisation de la ZAC n°3 de l'Aulnoy, juillet 1993

Délimitation des îlots et parti général d'aménagement Pièce n°2.1 du PAZ, dossier de réalisation de la ZAC n°3 de l'Aulnoy, juillet 1993

92

ANNEXES


« UNE ARCHITECTURE MAJESTUEUSE » _ ENTRETIEN AVEC THIERRY BOUCHEZ

Directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de Chelles Le 31 décembre 2021, mairie de Chelles

Avez-vous travaillé sur le projet du centre commercial Chelles 2 en 1994 ?

J'ai principalement travaillé sur le projet d'aménagement des ZAC1 et sur le PAZ2. Il s'agissait d'un ancien site de triage de la SNCF donc la nécessité d'engager des opérations d'aménagement de la ZAC. Il fallait monter un dossier de création, organiser une concertation, une mise à l'enquête publique et enfin donner l'approbation d'un dossier de réalisation. Dans ce dossier chaque ZAC avait un règlement spécifique qui était élaboré en fonction des projets souhaités. Mon travail consistait ainsi au montage de ces pièces en concertation avec l'aménageur, l'assistant maître d'ouvrage ou encore l'atelier d'architecture qui avait lancé le projet du centre commercial. Le PAZ montrait où et comment allait s'implanter le centre commercial. Il donnait déjà l'ensemble du cadre réglementaire que le projet du centre allait devoir suivre. Comment se compose la ZAC de l'Aulnoy à ce moment ?

L'idée était d'avoir une mixité d'usage entre les différentes zones d'aménagement : la ZAC n°3 de l'Aulnoy était dédiée à l'activité économique et notamment commerciale sachant qu'il y avait déjà des enseignes commerciales autour, la ZAC n°1 était dédiée au logement, elle se termine bientôt puisque les derniers chantiers démarrent. La ZAC n°2 n'a pas été enclenchée et a été supprimée.

Comment s'enclenche le projet de la ZAC n°3, le projet du centre commercial ?

Quand la SNCF a fait savoir qu'elle se défaisait d'une partie de ses terrains en réduisant son site de triage, la ville a commencé à y voir un secteur de développement pour l'avenir de Chelles avec un objectif de logements et d'activité économique commerciale. Qui rachète les terrains à ce moment là ?

À ce moment la collectivité crée la Sem Locale Chelles Avenir, une société d'économie mixte d'aménagement. Il s'agit d'un partenariat public privé qui permet d'aménager la ville. Au sein de son conseil d'administration siège la ville mais aussi des tiers comme la SNCF, des banques, etc. La Sem rachète donc les terrains en vue de les aménager et d'effectuer les travaux primaires qui vont permettre une desserte des programmes voulus. Ils revendent ensuite ce que l'on nome de la charge foncière à des opérateurs. Sur la ZAC n°3 du centre commercial c'était assez simple, la Sem a cédé des droits à construire à une seule société : EMA. Mais dans le cas de la ZAC n°1, ce sont à chaque fois des morceaux de quartier donc la SEM a fait des routes, des îlots qu'elle a ensuite revendu à des promoteurs ou bailleurs différents. Le projet de la RN 34 est-il lancé au même moment3 ?

Effectivement, c'était justement le fait qu'il y ait un nouveau quartier qui s'organise petit à petit que la réorganisation et la prise en compte de la nationale est lancée. Elle existait déjà mais venait couper, créer une limite dans les nouveaux projets. 1_ Zone d'aménagement concerté 2_ Plan d'Aménagement de Zone 3_ La Route Nationale 34 est une ancienne voie royale qui relie Chelles à Paris ANNEXES

93


Page de couverture du magazine Chelles Contact N°102, novembre 1994

94

ANNEXES


Est-ce que la volonté de construire un centre commercial régional existait avant la proposition de la société EMA ?

Quand le cabinet d'architecture a travaillé avec l'aménageur, il a proposé un scénario de nouveau quartier, (...) je ne sais plus s'il s'agissait d'une demande de la municipalité ou si c'était une proposition du bureau d'étude ou autre mais le choix d'un centre commercial a été fait rapidement et c'est à partir de cette option de programme que s'est montée la ZAC. Quels étaient les intérêts de la commune d'accepter la construction de ce centre commercial ?

L'activité économique. Ce qui était mis en avant par la municipalité c'était que ça allait générer des emplois, donc un développement économique. C'était aussi pour apporter à la ville de Chelles, déjà au deuxième rang départemental, un centre commercial intégré quelle n'avait pas tout de suite aux abords. Les études de l'époque montraient que la zone de chalandise était très favorable. Est-ce qu'il y avait l'idée de créer une nouvelle centralité ?

Le mettre en avant comme une centralité non, c'était plutôt un pôle commercial économique. On ne pouvait pas parler de centre urbain , la centralité était plus vers la Zac n°1 de l'Aulnoy raccrochée au centre ville. Est-ce qu'il y avait un risque que le projet ne fonctionne pas et que cela ait un impact à l'échelle de la commune ? Par exemple Rosny 2 et le centre des arcades existaient déjà, n'étaient-ils pas en concurrence ?

En tout cas les études des experts montraient que rien ne présageait un dysfonctionnement, la zone de chalandise allait vers l'ouest mais surtout prenait l'Est. Le fait d'être desservi uniquement par la route ne posait pas question ?

À ce moment-là il semblait que le fait d'être desservi et par la nationale 34 et par la Francilienne avec le projet de création d'échangeurs sur Chelles et le Pin allait permettre de desservir largement le centre commercial. Il y avait-il l'idée que cette construction puisse avoir un impact sur les petits commerces ?

De mémoire la ville avait mis en avant le fait que dans le choix des boutiques de la maille commerciale, on prioriserait les commerçants chellois, éventuellement des commerçants du centre ville qui auraient souhaité ouvrir une seconde boutique. Mais c'était un argument qui revenait beaucoup dans les débats. Les critiques c'était de dire « vous allez faire mourir le centre ville de Chelles ». J’aimerais revenir sur une phrase que vous m'aviez dite la dernière fois4 qui évoquait la réception de ce nouveau projet qui arrivait et qui promettait beaucoup : « À l'époque on y croyait, c'était quelque chose. »

En interne au niveau des techniciens on trouvait que c'était un bel objet, on a participé à son étude, travaillé sur le permis de construire etc, c'est vrai que ce n'était pas une boîte à savon à côté Rosny 2 tel qu'il était avant le renouvellement des entrées par exemple. Là d'un seul coup on avait quelque chose avec une architecture particulière, qu'on aime ou qu'on aime pas, il y avait des panneaux de béton architectonique avec un traitement particulier, des dômes en verre, c'était un peu majestueux et aussi en phase avec la volonté du maire5 de l'époque je pense. 4_ Lors de ma première visite nous avions eu l'occasion de discuter de façon informelle. 5_ Charles Cova, maire de Chelles de 1983 à 1995 et conseiller général de Seine-et-Marne de 1982 à 1994. Membre du parti RPR qui deviendra l'UMP ANNEXES

95


Comment a fonctionné le centre commercial lors de son ouverture ? Pour quelles raisons ?

De mémoire les quelques commerçants qui avaient pu s'installer ne sont pas restés très longtemps parce que, et c'est souvent le problème de ces centres commerciaux, les loyers sont très chers, au dessus des prix du centre ville. Quel a été l'impact de l'ouverture de Bay 1 et Bay 2 au début des années 2000 sur Chelles 2 ?

Je pense qu'effectivement il y a du avoir un impact après l'ouverture du centre et suite à la réorganisation autour et l'intensification avec Bay 1. [coupure appel téléphonique] Pour connaître un peu le secteur je pense que l'extension et la restructuration de ClayeSouilly a également joué étant plus rapide d'accès depuis Chelles. Par la suite il y a eu deux permis de construire, avez vous été amené à retravailler sur ces dossiers ? Quelle était la nature des projets de 2003 et 2010 ?

J'ai surtout retravaillé sur le dossier de 2010, il était question de relancer l'activité du centre en créant un retail park en haut6, donc un centre commercial à ciel ouvert avec un mail qui dessert et puis le centre commercial en bas plus traditionnel sur un seul niveau. L'idée était qu'il n'y ai plus un centre avec deux niveaux, un niveau bas où tout se passe et plus rien au-dessus, mais de donner à ce bâtiment, à cet objet, une double fonction commerciale. Est-ce que cela a fonctionné ?

Ça n'a pas fonctionné d'ailleurs plusieurs enseignes ont fermés par le suite. Il y a aussi des problèmes techniques certainement de gestion, de dysfonctionnement, des problèmes de travaux mal faits, de plots etc. au niveau de la dalle haute qui font un peu bricolage et qui n'encouragent pas à aller au centre. Qui serait en mesure de porter un projet de reconversion partielle aujourd'hui ?

Ce sont les propriétaires du centre qui ont la main et non la collectivité. Selon moi plusieurs essais ont été expérimentés : le retail park, la transformation de la partie au bout à l'est, qui vivotait, en pôle de loisirs tourné vers la restauration et le loisirs. Y a-t-il des projets de restructuration en cours, des scénarios de reconversion ?

J'ai entendu qu'il essayait de voir s'il ne pouvait pas y avoir une partie service, paramédical quelque chose comme ça d'ailleurs il y a un l'implantation de quelque chose cependant il s'agit d'aménagement intérieur dont nous avons donc pas accès aux dossiers. En imaginant que le terrain construit retombe un jour dans les mains de la collectivité quels seraient les projets à favoriser dans une optique de développement urbain ?

Cette hypothèse est peu probable, j'imagine que les propriétaires du centre commercial viendraient dans un premier temps demander à la ville ce qu'il est possible de faire, quels sont les besoins. Les spécialistes de l'activité commerciale sauront mieux vous répondre, en tout cas les retours qui sont fait au cabinet du maire sont que le magasin Carrefour fonctionne bien et ce qui fait que Terre-Ciel perdure. Si effectivement le centre commercial venait à dysfonctionner au point de céder son centre à la collectivité, la ville et les politiques se poseront des questions à savoir : que va devenir cette friche ? Ce ne sera pas facile à démolir, ce sera un coût tellement faramineux

6_ RDC Haut qui donne sur la l'avenue du gendarme Casternant

96

ANNEXES


de démolition. Avec toutes les complications, les protocoles pour démolir, les chantiers propres, les filières à chercher à droite à gauche : les coûts de démolition deviennent tels qu'ils peuvent remettre en cause une opération de démolition. Dans le PLU y a t-il des éléments empêchant certaines démolitions ?

Dans le règlement d'urbanisme de Chelles il y a des textes spécifiques pour interdire la démolition de certaines demeures à valeur patrimoniale mais pas pour des bâtiments comme le centre commercial. Il sera peut-être réutiliser mais le problème c'est surtout les sous-sols et notamment les parkings. Est-ce qu'ils pourraient être réutiliser en autre chose ? C'est compliqué mais ce n'est certainement pas plus facile de démolir pour reconstruire. La question économique tranchera c'est certain car pour supporter un tel coût de déconstruction ça supposerait un programme de densité énorme et donc ce ne sera pas de mise puisqu'au niveau de la municipalité aujourd'hui la volonté est plutôt de ne pas densifier. Il s'agit de limiter au maximum le rythme de programmation en s'alignant sur les obligations du schéma directeur de l'Île-de-France. Dans le dernier document d'urbanisme porté par la nouvelle municipalité, approuvé fin 2017, le rythme moyen est passé de 400 à 200 nouveaux logements par an jusqu'à 2030. L'objectif politique est de préserver les tissus pavillonnaires et de maîtriser l'urbanisation. Alors est-ce que le centre commercial peut être réutiliser pour autre chose ? L'avenir nous le dira !

ANNEXES

97


DE LA MICROBRASSERIE... Logo de la Guinche, microbrasserie artisanale chelloise. Source : https://www.laguinche.net/

... À LA MAIRIE. Photographie du parvis de la mairie de Chelles. Source : www.acteurspublics.fr

98

ANNEXES


« LA BOÎTE NOIRE » _ ENTRETIEN AVEC GUILLAUME FLEURY

Directeur du service commerce de Chelles Le 13 janvier 2022, appel vidéo

Pouvez-vous me parler de votre parcours avant d’arriver au service commerce de la ville de Chelles ?

J’ai suivi des études de sciences politiques que j’ai poursuivi en thèse. J’avais un majeur sur l’Amérique latine en politique comparée et mon sujet s’intéressait au lien entre football et politique en Argentine. Je l’ai soutenu en 2019. En parallèle j’ai travaillé dans le logement social pendant 6 mois au sein d’une structure nommée pension de famille et j’ai préparé le concours de l’attaché territorial de la fonction publique que j’ai obtenue en 2017. Puis des amis mon proposé de rejoindre leur projet d’ouvrir une micro-brasserie sur l’avenue principale, rue de la Résistance. J’ai accepté de rejoindre le projet avec beaucoup d’enthousiasme. Après deux ans dans cette brasserie j’ai dû arrêter suite à un accident. J’ai commencé à rechercher un emploi à partir de mon concours d’attaché territorial encore valide et il se trouve que le poste de directeur du commerce de la ville se libérait au même moment ce qui a été une opportunité pour moi. Je connaissais le tissu commercial, les commerçants et j’avais le concours qui correspondait. Je suis maintenant en poste depuis un an.

Quel sont vos missions ?

Je travaille principalement sur des missions de suivi de l’activité commerciale et d’événementiel sur le centre-ville pour redynamiser son attractivité. Je fais ainsi le suivi de tout ce qui concerne l’activité de préemption1 commerciale de la ville, principalement autour de ses locaux disponibles. Travaillez-vous en lien avec le centre commercial Terre-Ciel ?

Le centre commercial c’est un peu la boîte noire, nous n’avons pas beaucoup de données et devons parfois fonctionner sur des brides d’information. Nous avons des relations assez cordiales avec son directeur et gestionnaire Adrien Olive. Ce n’est pas le cœur de notre action : nous sommes en lien avec eux, nous serions ravis que le centre se redynamise mais ce n’est pas gagné... Le principal pan de notre activité va plutôt se situer sur le petit commerce de proximité à côté de Terre-Ciel et des zones d’activité qui elles relèvent de la communauté d’agglomération. Le centre est géré par la SCC*, les propriétaires du foncier et du bâtiment sont à 50% la société Amundi et 50% le groupe Carrefour. La collectivité ne détient aucune part ce qui implique que nous avons aucun suivi. Sachant aussi que notre seul interlocuteur Adrien Olive s’occupe des gestions courantes et du suivi des dossiers mais ne dirige pas nécessairement l’équipe de commercialisateur qui est derrière, qui fixe les prix des loyers et qui rentre en contact avec les porteurs de projet.

Quelles relations entretenez-vous avec les opérateurs du centre ?

De notre côté nous renvoyons souvent vers le centre commercial des porteurs de projet qui n’ont pas trop de sens sur le centre-ville dans la dynamique actuelle de requalification des activités comme les fast-food de franchise ou un showroom automobile qui a besoin

1_ Le droit de préemption est la priorité dont jouit un acheteur (notamment l’Administration) pour se porter acquéreur d’un bien avant toute autre personne. Définition du CNRTL. https://www.cnrtl.fr/definition/pr%C3%A9emption. ANNEXES

99


Le projet du Grand Paris express, la ligne 16 un moteur d’attraction ou d’évasion chelloise ? https://www.societedugrandparis.fr/

Un accès piéton au centre commercial peu intuitif. Visite du 31/12/2021

100 ANNEXES


d’un plus grand espace. Mais il semble qu’il y a peu de marge à la négociation, les loyers sont chers et donc beaucoup de projets n’aboutissent pas. Nous avions un projet ville et nous avions besoin de locaux temporaires pour des activités sportives ce qui n’intéressait pas vraiment les commercialisateurs du centre car ça aurait été sur des tarifs plutôt attractifs pour la ville et donc la réponse avait été qu’il n’y avait pas de locaux disponibles alors que c’est majoritairement vide à l’intérieur. Pour le reste, toutes les demandes de renseignements sont renvoyées vers Monsieur Olive, les dossiers sont traités en interne et les commercialisateurs reviennent vers nous si cela les intéresse. C’est difficile de travailler avec eux dans le sens où nous n’avons pas de vue sur ce qu’il s’y passe, sur où vont les informations que l’on transmet et s’il y a vraiment retour auprès des porteurs de projet. Ensuite il y a toute une partie sécurité, accessibilité, ERP, qui est géré par la SCC avec un représentant qui centralise toutes les demandes et qui travaille en lien cette fois avec les services de la mairie sur tous les dossiers de modification intérieure, travaux, consignes de sécurité, passage de la commission de sécurité pour ouverture/réception des travaux etc. On a vu le départ de nombreuses boutiques depuis plusieurs années, le centre fonctionne bien ?

Non pas du tout, au niveau commercialisation il n’y arrivent pas. Toute la galerie intérieure est quasiment fermée. Dernièrement l’enseigne Sephora a fermé, ça a été un coup dur étant donné qu’il s’agissait de l’une des dernières grandes enseignes qui restait avec Camaïeu. Cette partie intérieure a beaucoup de mal à être commercialisée. À l’ouverture du centre ça avait pourtant bien commencé : il y avait beaucoup de grosses boutiques de franchises (H&M, Yves Rocher, etc), la galerie était pleine et ça fonctionnait très bien. Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette perte de vitesse ?

L’analyse que nous en faisons (il y en a certainement d’autres) c’est qu’il y a eu d’autres centres commerciaux qui sont apparus à côté : Bay 2, les Arcades à Noisy, Val d’Europe, qui sont mieux desservis, dans le dernier exemple avec une accessibilité par le RER. À Chelles, l’accessibilité à pied est très compliquée, en transport en commun il n’y a que deux lignes de bus qui passent à des horaires pas forcément pratiques, en véhicule il n’y a pas de soucis majeurs mais d’autres centres commerciaux comme celui de Claye Souilly sont tout aussi accessibles même pour les chellois. Le centre n’a pas su se renouveler au moment où il y avait une énorme concurrence avec d’autres centres commerciaux et donc il accuse un retard de 20 années par rapport à ses concurrents directs. D’autant plus que ces autres centres commerciaux se retrouvent dans des localités qui sont centrales pour les villes qui les entourent chacun. À l’opposé, la centralité de Chelles c’est Paris. À 15 minutes en transport, si les personnes ne prennent pas la voiture jusqu’à Claye-Souilly ou Bay 2, ils prennent les transports pour aller faire leurs courses à Chatelet. À Chelles l’enjeu c’est déjà de maintenir les chellois sur leur ville pour faire leurs courses. Tout cela permet au centre-ville de bien se porter2, il est peu concurrencé par le centre commercial qui, en contrepartie, crée une zone un peu morte. Nous aimerions forcément que les deux fonctionnent. La fracture entre centre-ville et centre commercial aujourd’hui ne pose pas question, il s’agit plutôt de réussir à emmener aussi bien les petits commerces du centre-ville que ceux du centre commercial vers le numérique ...

2_ D’après Guillaume Fleury, le taux de vacance commerciale dans le centre ville de Chelles est proche de 5%. ANNEXES 101


58, avenue du Gendarme Castermant 77500 Chelles

es

EPCI Paris Vallée de la Marne

FORT DE CHELLES

LYCÉE GASTON BACHELARD

D34

CENTRE COMMERCIAL TERRE CIEL

Paris Vallée de la Marne

ons s2»

D934

GARE DE TRIAGE

© Google Earth - Image Landsat / Apur

Le site de Castermant dans les projets Inventons la Métropôle de Grand Paris. Une nouvelle centralité urbaine ? Source : www.metropolegrandparis.fr/fr/IMGP

nscrit dans la plaine alluviale de nt Chalats au nord et le lac de sud. Particulièrement marqué par ières et ferrées, il est situé à l’entrée Chelles, à l’interface de plusieurs rmés (centre commercial, zone de ier résidentiel, lotissements pavilons horticoles). Il est desservi par ournay à moins d’1,5 km ainsi que s et verra son accessibilité renforcée ne 16 du Grand Paris Express. Le site e secteur de développement d’une gements et activités dans l’objectif le vie de quartier autour d’une nou-

l, , Musée es SNCF

AGÉE

vec et des

SITE INVENTONS LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS 2

PROPRIÉTAIRES

Ville de Chelles, EPFIF, SNCF Réseaux, SNCF Mobilités

SURFACE DU TERRAIN

4,3 ha (au sein d’un périmètre de réflexion de 24 hectares)

RÉFÉRENCES CADASTRALES

The Castermant site is on the alluvial plain of the Marne, between Mont Chalats to the north and the Lake of Vaires-sur-Marne to the south. It has been strongly marked by road and rail infrastructures and is situated at the eastern entrance to Chelles town centre, a meeting point for several areas of established use (shopping mall, rail marshalling yard, new residential district, detached housing estates and horticultural farms). It is served by Chelles Gournay station less than 1.5 km away as well as several bus lines. Its accessibility will be improved with the arrival of the Grand Paris Express line 16. The site has been identified as a sector for the development of a hybrid operation of housing and business activities with the aim of creating a real living neighbourhood around a new centrality.

CURRENT USE

Municipal technical centre, school Lise London, Museum of Transports AMTUIR, SNCF brownfields

PLANNED PROGRAMME

Mixed programme mostly residential with economic activities and services

AY227 partielle, AY228 partielle, Station C, Les Halles de Castermant, OWNERS projet lauréat d’IMGP 2 AY231, AY233, AY234, AY320, AY322, Source : www.metropolegrandparis.fr/fr/IMGP City of Chelles, EPFIF, AY324, AY326, AY360, AY361, AY470, SNCF Réseaux, SNCF Mobilités AY471, AY472, AY584, AY585, AZ113 partielle, CD13

s.fr/fr/content/lancement-de-la-2e-editionns-la-metropole-du-grand-paris-au 102 ANNEXES

LAND AREA

4.3 ha (within a 24 ha study perimeter)

LAND REGISTRY REFERENCES part of AY227, part of AY228, AY231, AY233, AY234, AY320, AY322, AY324, AY326, AY360, AY361, AY470, AY471, AY472, AY584, AY585, part of AZ113, CD13

www.apur.org/fr/ geo-data/projetsamenagement-transport


De quelle manière pensez-vous que le centre pourrait être redynamisé ?

Nous voyons deux axes : un qui est poursuivi actuellement par Terre-Ciel, qui est l’implantation d’activité de santé qui ne sont pas exactement commerciales mais qui permettent de ramener du flux sur le centre commercial et donc d’encourager certaines grandes enseignes à réinvestir les lieux. Un cabinet dentaire a récemment été ouvert au rez-de-chaussée bas, il donne directement sur la galerie. Le deuxième axe est de favoriser les boutiques à l’étage avec un accès direct depuis le parking ce que le centre a mis en place en 2014 et qui permet je pense de maintenir certaines enseignes comme Airtrix ou Globe trotter3. Mais cela s’est fait au détriment de la galerie puisque les personnes arrivent et rentrent dans les boutiques et non pas dans le centre commercial. L’autre chose, plus inconnue, c’est que dans le cadre du Grand Paris il va y avoir un réaménagement de la zone avec l’implantation de nouveaux logements, d’activités commerciales, ainsi que l’insertion du musée des transports dans ce nouvel ensemble. Il faudra donc créer les passerelles avec Terre-Ciel afin que ces nouveaux habitants puissent y aller. Actuellement la traversée des voies n’est pas facile mais cela pourrait redynamiser la zone, à voir si cela redynamise aussi le centre commercial. Quelles sont donc les stratégies de commercialisation à Terre-Ciel ?

Nous avons beaucoup de mal à comprendre comment ils commercialisent, pourquoi ils n’y parviennent pas, ne serait-ce qu’en baissant le prix des loyers de manière temporaire. Cela permettait à mon sens d’attirer plus de flux. En effet je pense que la question qui se pose aujourd’hui est de générer ce flux, attirer du monde et voir ensuite si cette dynamique n’encourage pas d’autres enseignes à s’installer de manière plus spontanée. Ensuite, à partir de ce moment-là, quand le centre est redynamisé, pourquoi pas revoir la politique locative à la hausse pour rentabiliser leur investissement. Nous ne comprenons pas pourquoi ils maintiennent les niveaux de loyers actuellement. Cela a comme conséquence de rebuter les porteurs de projet que nous leur envoyons. Il y a certainement une raison que je ne connais pas ou bien ils ont des projets en cours qui prennent un peu de temps à se concrétiser et qui leur font croire qu’ils n’ont pas besoin de faire cet effort pour le moment mais je n’en suis pas sûr [rires]. Encore une fois c’est un peu la boîte noire sur leur stratégie de commercialisation. En préparant cet entretien je pensais vous demander ce qu’il adviendrait si le groupe carrefour venait à fermer son magasin mais vous m’avez appris qu’il est à 50% détenteur du centre commercial, j’imagine par conséquent qu’il est peu enclin à fermer boutique...

Il y a des rumeurs de ventes assez régulièrement, finalement non, c’est le jeu. Mais je pense que c’est plus pour voir comment ça réagit soit du côté du pouvoir public soit du côté de potentiels acheteurs, voir ce qu’il pourrait en tirer. Autrement Carrefour fonctionne très bien, en tout cas sur ce centre commercial il y a toujours du monde, c’est plein, eux sont contents, le directeur monsieur Olive que nous avons rencontré à plusieurs reprises est très content, ça fonctionne bien. Donc je ne pense pas qu’ils soient près de partir mais s’ils fermaient en effet, je pense que le centre commercial s’en remettrait difficilement. Carrefour est le principal générateur de flux actuellement donc s’il part à mon avis c’est la fin du centre commercial. À moins de trouver une autre locomotive qui reprend le flambeau directement derrière.

3_ Les enseignes Airtrix et Globe trotter ont été inauguré en avril et novembre 2019. ANNEXES 103


Dans une vision utopique, admettons que le groupe Carrefour ferme et que le terrain et son bâtiment deviennent en quelque sorte une friche, que pourrait proposer la ville ?

L’inquiétude serait de savoir ce que cela deviendrait étant donné que le foncier n’est pas à nous. Au-delà de cet aspect, ce sont des coûts très importants : pour détruire, dépolluer les sols, etc. Faire autre chose derrière implique de gros investissements, de grosses structures. Il existe des exemples de réhabilitation sur ce type d’ensembles désaffectés à Lyon ou à Paris comme le Ground Control4. Mais pour ce type d’intervention il faut du flux, des personnes qui viennent passer leur soirée ou leur journée. À Chelles on n’en est pas encore là... [rires] Mais oui si le centre commercial venait à se vider, la grande question serait de savoir que deviendrait la friche. Il y aura forcément des projets mais ils dépendront des résultats de la métropole du Grand Paris et des réaménagements. Si la zone devient une centralité avec un grand nombre d’activités et des lieux de vie agréable, nombreux seront les projets à faire. Si au contraire c’est difficile, l’avenir nous le dira... Au vu des projets actuels portés par la métropole, une vraie redynamisation de la ville ne fait aucun doute ! Est-ce que la collectivité serait en mesure d’acquérir le site et son bâtiment ?

Je pense que c’est un investissement que la ville ne pourrait pas porter, c’est très cher. Mais il existe des foncières parapubliques ou semi publiques comme l’EPFIF5 qui pourraient être intéressées par cet actif. Ce sont de grosses structures qui ont des apports en capital propre des différentes collectivités partenaires financés par la banque des territoires et qui permettent des investissements au niveau des communautés d’agglomération comme la création de foncières commerciales. La préemption commerciale qui se fait sur les baux commerciaux exclut l’acquisition des murs. Il y a donc des paiements de loyer en plus de l’achat du fonds de commerce avec une recommercialisation qui n’est pas forcément évidente puisque les propriétaires restent dans la boucle et peuvent provoquer des ralentissements voire des blocages. Les villes souhaitent donc de plus en plus acquérir des murs, avoir une politique foncière d’acquisition avec des reventes à court terme mais pour commercialiser plus facilement sur des petites côtes commerciales jusqu’à 400 m². Sur des centres commerciaux dont les vendeurs cherchent à rattraper une partie des investissements cela risque d’être beaucoup plus cher. À voir quelle structure peut le porter. Pour conclure, si le centre commercial vient à fermer la question se posera, mais selon moi nous n’en sommes pas là du tout.

4_ Le Ground Control est une ancienne halle de tri postal de 4000 m² appartenant à la SNCF désaffectée dans le 12ème arrondissement. Elle est réhabilité en 2014 en tier-lieu ou lieu culturel hybride. https://www.groundcontrolparis.com/le-lieu/le-projet/ 5_ Acronyme pour l’Établissement Public Foncier d’Île-de-France https://www.epfif.fr/

104 ANNEXES


ANNEXES 105


PORTFOLIO THÉMATIQUE DES VISITES DE SITE

Terre-Ciel, Chelles

Visites du 8/09/2021, 13/11/2021, 31/12/2021, 14/02/2022

pp. 106-107_ Accès marqués par les discontinuité des circuits piéton p.106_ Parvis de stationnement au RDC haut, accès nord p.107_ Parvis de stationnement au RDC bas, accès ouest

106 ANNEXES


ANNEXES 107


pp. 108-109 : Le Retail-Park : le « Ciel » du centre commercial p.108_ Aménagements et déshérances p.109_ Les « coulisses »

108 ANNEXES


ANNEXES 109


pp. 110-111 : Au sud de Terre-Ciel : la gare de triage appartenant à la SNCF p.110_ Activité du site et chemins de fer p.111_ Vue sur la façade sud du centre, détails

110 ANNEXES


ANNEXES 111


pp. 112-113 : L’usager sous toute nature p.112_ Rentrer dans la « Terre » du centre commercial p.111_ Présence d’une faune et d’une flore oubliée

112 ANNEXES


ANNEXES 113


PLAN D’OCCUPATION DE TERRE-CIEL

À partir du plan de localisation des boutiques

RDC haut

RDC bas

Espaces vacants

114 ANNEXES

Niveau 1 = RDC haut Niveau 0 = RDC bas


CRÉATION D’UN CENTRE COMMERCIAL _ MARS 1996

Demande de permis de construire modificatif n°2 au permis de construire n° 077 108 93 00196 du 23/02/1996 Service de l’urbanisme, parc du Souvenir Emile Fouchard, Chelles

Vue axonométrique - État à long terme Insertion dans l’environnement, impact visuel, traitement des abords selon décret 94/408, G Ind B, mars 1996

Coupe transversale sur rotonde centrale file 16 Plan n° 418-PM33C, mars 1996

Coupe schématique Ce document est une production personnelle et sert de repère pour cette annexe.

Accès Ouest

54,00 NGF

Niveau intermédiaire

51,50 NGF

RDC Haut

48,50 NGF

Niveau intermédiaire

45,00 NGF

RDC Bas

41,00 NGF

Sous-sol

Accès Nord

ANNEXES 115


Coupe transversale sur rotonde centrale file 16 Plan n° 418-PM33C, mars 1996

Plan du niveau intermédiaire, niveau 54.00 & 54.50 NGF Plan n° 418-PM43, 43 A, mars 1996

Plan du RDC haut, niveau 51.50 NGF Plan n° 418-PM11D, mars 1996

116 ANNEXES


Plan du RDC bas, niveau 45.00 NGF Plan n° 418-PM9, mars 1996

Plan du sous-sol, niveau 41.00 NGF Plan n° 418-PM8D, mars 1996

ANNEXES 117


RESTRUCTURATION DU CENTRE COMMERCIAL CHELLES 2_ MARS 2013

Permis de construire modificatif Service de l’urbanisme, parc du Souvenir Emile Fouchard, Chelles

Plan niveau RDC haut, niveau 51.50 NGF PC1 et projet, PC 39, 39-05, mars 2013

118 ANNEXES


3_ Élévation est - PC1

4_ Élévation est - Projet

5_ Élévation ouest - PC1

6_ Élévation ouest - Projet

7_ Élévation ouest globale - PC1

8_ Élévation ouest globale - Projet

1_ Élévation nord - PC1

2_ Élévation nord - Projet

Jardinière en bois synthétique

Bardage à claire-voie en bois synthétique

Enseigne lumineuse

Garde-corps Mur avec plantes de sécurité grimpantes métallique

Bardage à claire-voie en bois synthétique

9_ Détail élévation nord - projet

Console acier galvanisé Cadre assemblé en usine : Cadre soudé en profilé acier galvanisé Profilé co-extrudé bois composite/aluminieum boulonné sur cadre Les montants verticaux sont cachés derrière un profilé vertical

10_ Détail de principe de la façade _ Bardage en bois synthétique

ANNEXES 119


Vue n°2, photographiée depuis le parking côté est PC 7 -701, décembre 2010

Vue perspective du projet depuis le parking côté ouest Notice de présentation du projet, PC 04, mars 2013

120 ANNEXES


Vue n°4, côté ouest PC 801, décembre 2010

Vue perspective du projet depuis le parking bas côté ouest Notice de présentation du projet, mars 2013

ANNEXES 121


ARCHIVES MUNICIPALES

Articles parus sur le centre commercial Chelles 2 Magazine Chelles Contact, 1994 - 2006

Chelles contact_ mai 1994

Chelles contact_ octobre 1994 122 ANNEXES


Chelles contact_ octobre 1994 ANNEXES 123


Chelles contact_ décembre 1995 124 ANNEXES


Chelles contact_ décembre 1995 ANNEXES 125


Chelles contact_ décembre 1995 126 ANNEXES


Chelles contact_ décembre 1995 ANNEXES 127


Chelles contact_ mai 1996 128 ANNEXES


Chelles contact_ mai 1996 ANNEXES 129


Chelles contact_ janvier 1997

Chelles contact_ janvier 2003 130 ANNEXES


Chelles contact_ décembre 2000

_ mars 1997 ANNEXES 131


Chelles contact_ mai 1998 132 ANNEXES


Chelles contact_ novembre 2003

Chelles contact_ octobre 2006 ANNEXES 133


ARCHIVES MUNICIPALES

Brochures publicitaires sur le centre commercial Chelles 2 Magazine Chelles Contact, 1994 - 1997

Chelles contact_ novembre 1994

Chelles contact_ mai 1996 134 ANNEXES


Chelles contact_ juin 1996

Chelles contact_ janvier 1997 ANNEXES 135





Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.